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Annales de pathologie (2011) 31, 54—56 CAS POUR DIAGNOSTIC Une lésion méconnue du sein ! Unrecognized lesion of the breast Leïla Njim a,, Soumaya ben Abdelkérim a , Nada Touil a , Walid Denguezli b , Adnène Moussa a , Abdelfettah Zakhama a a Service d’anatomie et de cytologie pathologiques, hôpital Fattouma-Bourguiba, avenue du 1 er juin, 5000 Monastir, Tunisie b Service de gynécologie obstétrique, hôpital Fattouma-Bourguiba, 5000 Monastir, Tunisie Accepté pour publication le 29 juillet 2010 Disponible sur Internet le 28 janvier 2011 Observation Une femme âgée de 20 ans célibataire et sans antécédents personnels ou familiaux par- ticuliers, consultait pour un nodule du sein droit découvert par autopalpation, trois mois auparavant. L’examen physique mettait en évidence la présence d’un nodule mobile, mal limité, du quadrant supéroexterne du sein droit (QSED) qui mesurait 4 cm de grand axe. Ce nodule ne s’accompagnait ni d’écoulement mamelonnaire ni de signes cutanés en regard. Les aires ganglionnaires étaient libres et le sein gauche était sans anomalies. L’échographie mammaire concluait à une masse de 5 cm de grand axe, hypoéchogène, bien limitée, à contours lisses, évoquant un adénofibrome ou une tumeur phyllode. Une tumorectomie était alors réalisée. L’examen macroscopique montrait une masse bien limitée, de couleur blanc-rosâtre, de consistance ferme et d’aspect multinodulaire qui mesurait 6 × 5 × 2 cm (Fig. 1). L’analyse extemporanée de la masse a conclu à une tumeur bénigne dont le type exact sera précisé en histologie conventionnelle. L’examen histologique mettait en évidence un nodule non encapsulé, formé par la confluence de plusieurs lobules mam- maires hyperplasiques avec présence d’une fibrose peu cellulaire intra et inter lobulaire (Fig. 2). Les canaux et les acini formant ces lobules étaient de morphologie normale, bordés de cellules épithéliales et myoépithéliales dépourvues d’atypies cytonucléaires. Ces lobules prenaient parfois l’aspect de fibroadénomes miniatures. À l’étude immuno- histochimique, les cellules épithéliales exprimaient les récepteurs à l’œstrogène et à la progestérone. Il n’y avait pas d’immunomarquage avec le marqueur de prolifération Ki-67. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Njim). 0242-6498/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annpat.2010.07.044

Une lésion méconnue du sein !

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nnales de pathologie (2011) 31, 54—56

AS POUR DIAGNOSTIC

ne lésion méconnue du sein !

nrecognized lesion of the breast

Leïla Njima,∗, Soumaya ben Abdelkérima, Nada Touil a,Walid Denguezli b, Adnène Moussaa,Abdelfettah Zakhamaa

a Service d’anatomie et de cytologie pathologiques, hôpital Fattouma-Bourguiba,avenue du 1er juin, 5000 Monastir, Tunisieb Service de gynécologie obstétrique, hôpital Fattouma-Bourguiba, 5000 Monastir, Tunisie

Accepté pour publication le 29 juillet 2010Disponible sur Internet le 28 janvier 2011

Observation

Une femme âgée de 20 ans célibataire et sans antécédents personnels ou familiaux par-ticuliers, consultait pour un nodule du sein droit découvert par autopalpation, trois moisauparavant. L’examen physique mettait en évidence la présence d’un nodule mobile, mallimité, du quadrant supéroexterne du sein droit (QSED) qui mesurait 4 cm de grand axe. Cenodule ne s’accompagnait ni d’écoulement mamelonnaire ni de signes cutanés en regard.Les aires ganglionnaires étaient libres et le sein gauche était sans anomalies. L’échographiemammaire concluait à une masse de 5 cm de grand axe, hypoéchogène, bien limitée, àcontours lisses, évoquant un adénofibrome ou une tumeur phyllode. Une tumorectomieétait alors réalisée. L’examen macroscopique montrait une masse bien limitée, de couleurblanc-rosâtre, de consistance ferme et d’aspect multinodulaire qui mesurait 6 × 5 × 2 cm(Fig. 1). L’analyse extemporanée de la masse a conclu à une tumeur bénigne dont letype exact sera précisé en histologie conventionnelle. L’examen histologique mettait enévidence un nodule non encapsulé, formé par la confluence de plusieurs lobules mam-maires hyperplasiques avec présence d’une fibrose peu cellulaire intra et inter lobulaire(Fig. 2). Les canaux et les acini formant ces lobules étaient de morphologie normale,bordés de cellules épithéliales et myoépithéliales dépourvues d’atypies cytonucléaires.Ces lobules prenaient parfois l’aspect de fibroadénomes miniatures. À l’étude immuno-histochimique, les cellules épithéliales exprimaient les récepteurs à l’œstrogène et àla progestérone. Il n’y avait pas d’immunomarquage avec le marqueur de proliférationKi-67.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (L. Njim).

242-6498/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.annpat.2010.07.044

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Une lésion méconnue du sein !

Figure 1. Macroscopie : masse bien limitée, non encapsulée, decouleur blanc-rosâtre et d’aspect multinodulaire qui mesure 6 cmde grand axe.A 6 cm multinodular, well-circumscribed, unencapsulated pinkish-white mass.

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Figure 2. Histologie : architecture lobulaire conservée avecfibrose cellulaire inter- et intralobulaire (HE × 40).Histology: preserved lobular architecture with inter and intralobu-lar spaces (HE × 40).

Quel est votre diagnostic ?

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Diagnostic : hyperplasie sclérosante lobulaire du sein.

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’hyperplasie sclérosante lobulaire du sein (HSL) est uneésion proliférative bénigne rarement rapportée dans la lit-érature qui a été décrite pour la première fois par Kovi et al.n 1984. L’HSL encore appelée mastopathie fibroadénoma-oïde, hyperplasie fibroadénomatoïde ou fibroadénomatose1—4] représente 3 à 7 % des lésions bénignes du sein [1].lle survient chez l’adolescente et la femme jeune avec desxtrêmes allant de 12 à 46 ans [1,3]. L’HSL se présente clini-uement comme une masse palpable indolore ou légèrementensible, le plus souvent du quadrant supéro-externe, pou-ant faire évoquer un fibroadénome ou une tumeur phyllode3]. Elle est rarement révélée par un écoulement mamelon-aire séreux ou par des mastodynies [1,2].

Il n’y a pas des aspects caractéristiques de l’HSL à’imagerie. La mammographie montre habituellement unodule bien limité faisant évoquer un fibroadénome. Desicrocalcifications suspectes peuvent se voir et seraient

iées à l’involution de la lésion. Du fait que les seins’une femme jeune sont denses à la mammographie, cetteernière pourrait être normale ou montrer une simple asy-étrie de densité entre les deux seins [2]. À l’échographie,

a lésion est solide, bien limitée, hypoéchogène avec par-ois des septa hyperéchogènes correspondant à la sclérosenterlobulaire [5].

La cytoponction n’est pas spécifique et ne permet pase faire la distinction avec un fibroadénome [3]. Macrosco-iquement, la lésion se présente sous forme d’un noduleobulé de consistance ferme dont la taille varie entre 0,8 et0 cm [1,3]. L’examen histologique permet à lui seul deoser le diagnostic en montrant un nodule bien limitéais non encapsulé, d’architecture lobulaire conservée avec

yperplasie marquée des lobules et présence d’une fibroseense peu cellulaire intra- et interlobulaire [3,4]. La fibrosenterlobulaire peut être le siège d’une prolifération fibro-lastique et myofibroblastique ou des lésions d’hyperplasietromale pseudo-angiomateuse [3]. L’aspect histologique de’HSL est caractéristique, toutefois, le diagnostic différen-iel peut se poser avec un fibroadénome ou une mastopathiebrokystique. Contrairement a l’HSL, le fibroadénome est

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L. Njim et al.

ormé par la prolifération de canaux mammaires unique-ent et ne montre pas d’architecture lobulaire préservée

3] et la mastopathie fibrokystique se distingue par la pré-ence de kystes parfois associés à une adénose ou uneyperplasie épithéliale canalaire et réalise rarement unodule bien limité.

L’HSL et le fibroadénome semblent avoir une pathogé-ie commune ; en effet, des lésions d’HSL ont été décritesans le tissu mammaire entourant un fibroadénome et desbroadénomes miniatures (microscopiques) peuvent se voirocalement dans d’authentiques cas d’HSL [1]. Le dévelop-ement d’un fibroadénome résulterait d’une proliférationccélérée et localisée sur un fond d’ HSL [1]. La physio-athologie de l’HSL reste imprécise et rejoint celle desbroadénomes. Elle serait la conséquence d’une hyper-estrogénie absolue ou relative favorisant l’hyperplasieobulaire.

L’exérèse chirurgicale simple est le traitement recom-

andé. L’évolution de l’HSL n’est pas bien documentée vu

e nombre limité de cas rapportés. Cependant, il n’a pas étéécrit de cas de récidive ou de transformation maligne [5].

onflit d’intérêt

ucun.

éférences

1] Kovi J, Chu HB, Leffall Jr LD. Sclerosing lobular hyperplasiamanifesting as a palpable mass of the breast in young blackwomen. Hum Pathol 1984;15(4):336—40.

2] Poulton TB, de Paredes ES, Baldwin M. Sclerosing lobular hyper-plasia of the breast: imaging features in 15 cases. AJR Am JRoentgenol 1995;165(2):291—4.

3] Kapur P, Rakheja D, Cavuoti DC, Johnson-Welch SF. Sclerosinglobular hyperplasia of breast: cytomorphologic and histomor-phologic features: a case report. Cytojournal 2006;3:8.

4] Rosen PP. Fibroepithelial neoplasm. In: Rosen’s Breast Pathology.2nd ed. Philadelphia: Lippincott Williams and Wilkins; 2001,p. 163—170.

5] Cho N, Oh KK, Park KY, Noh TW. Sclerosing lobularhyperplasia: sonographic pathologic correlation. Eur Radiol2003;13(7):1645—50.