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Pour citer cet article : Vandenbos F, et al. Une masse abcédée trompeuse. Revue des Maladies Respiratoires (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.04.001 ARTICLE IN PRESS Modele + RMR-857; No. of Pages 4 Revue des Maladies Respiratoires (2014) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com IMAGE ET DIAGNOSTIC Une masse abcédée trompeuse A misleading abscess mass F. Vandenbos a,b,, M.-C. Dumon-Gubeno a , S. Mazellier c a Service de pneumologie, hôpital Clavary, 06130 Grasse, France b Centre de soins de suite et de rééducation « La Maison du Mineur », 06140 Vence, France c Laboratoire central d’anatomie pathologique, centre hospitalier universitaire de Nice, 06000 Nice, France Rec ¸u le 13 ecembre 2013 ; accepté le 31 mars 2014 Observation Un homme de 53 ans était adressé dans le service de pneumologie par son médecin trai- tant pour le bilan d’une image pulmonaire anormale. Le patient avait comme antécédents une HTA traitée et un tabagisme non sevré estimé à 30 paquets-années. L’histoire de la maladie remontait deux mois plus tôt, par l’apparition d’une toux productive asso- ciée à une asthénie. Une bronchite « du fumeur » était suspectée et un traitement par amoxicilline—acide clavulanique (1 g/125 mg × 3/j) était prescrit pendant 7 jours avec une amélioration de l’état général et une diminution de la toux. Une rechute apparaissait au bout de quelques jours. Le même traitement était re-prescrit et de nouveau la symptoma- tologie s’améliorait. Le patient rechutait de nouveau et son médecin traitant reprenait le même antibiotique à la même posologie. Au final l’association amoxicilline—acide clavu- lanique a été prescrite de fac ¸on alternée pendant deux mois avec toujours une efficacité clinique temporaire. Une radiographie pulmonaire était réalisée et montrait une opacité lobaire supérieure droite (Fig. 1) ce qui motivait le rendez-vous dans le service de pneumologie. Le bilan biologique était peu informatif (polynucléaires à 9 G/L, CRP à 43 mg/L) de même que la fibroscopie bronchique. L’aspiration bronchique ne montrait pas de cellules suspectes et l’analyse microbiologique identifiait une flore commensale. Le patient réalisait un scanner thoracique complété par une tomographie par émission de positons (Fig. 2). La recherche de tuberculose (aspiration bronchique × 1 et expectoration × 2) était négative de même que la sérologie aspergillaire. Auteur correspondant. Centre de réhabilitation cardio-respiratoire « La Maison du Mineur », 577, avenue Henri-Giraud, 06140 Vence cedex, France. Adresse e-mail : [email protected] (F. Vandenbos). http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.04.001 0761-8425/© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Une masse abcédée trompeuse

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Page 1: Une masse abcédée trompeuse

ARTICLE IN PRESSModele +RMR-857; No. of Pages 4

Revue des Maladies Respiratoires (2014) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

IMAGE ET DIAGNOSTIC

Une masse abcédée trompeuse

A misleading abscess mass

F. Vandenbosa,b,∗, M.-C. Dumon-Gubenoa,S. Mazellierc

a Service de pneumologie, hôpital Clavary, 06130 Grasse, Franceb Centre de soins de suite et de rééducation « La Maison du Mineur », 06140 Vence, Francec Laboratoire central d’anatomie pathologique, centre hospitalier universitaire de Nice,06000 Nice, France

Recu le 13 decembre 2013 ; accepté le 31 mars 2014

Observation

Un homme de 53 ans était adressé dans le service de pneumologie par son médecin trai-tant pour le bilan d’une image pulmonaire anormale. Le patient avait comme antécédentsune HTA traitée et un tabagisme non sevré estimé à 30 paquets-années. L’histoire dela maladie remontait deux mois plus tôt, par l’apparition d’une toux productive asso-ciée à une asthénie. Une bronchite « du fumeur » était suspectée et un traitement paramoxicilline—acide clavulanique (1 g/125 mg × 3/j) était prescrit pendant 7 jours avec uneamélioration de l’état général et une diminution de la toux. Une rechute apparaissait aubout de quelques jours. Le même traitement était re-prescrit et de nouveau la symptoma-tologie s’améliorait. Le patient rechutait de nouveau et son médecin traitant reprenait lemême antibiotique à la même posologie. Au final l’association amoxicilline—acide clavu-lanique a été prescrite de facon alternée pendant deux mois avec toujours une efficacitéclinique temporaire.

Une radiographie pulmonaire était réalisée et montrait une opacité lobaire supérieuredroite (Fig. 1) ce qui motivait le rendez-vous dans le service de pneumologie. Le bilanbiologique était peu informatif (polynucléaires à 9 G/L, CRP à 43 mg/L) de même que lafibroscopie bronchique. L’aspiration bronchique ne montrait pas de cellules suspectes et

Pour citer cet article : Vandenbos F, et al. Une masse abcédée trompeuse. Revue des Maladies Respiratoires (2014),http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.04.001

l’analyse microbiologique identifiait une flore commensale. Le patient réalisait un scannerthoracique complété par une tomographie par émission de positons (Fig. 2). La recherchede tuberculose (aspiration bronchique × 1 et expectoration × 2) était négative de mêmeque la sérologie aspergillaire.

∗ Auteur correspondant. Centre de réhabilitation cardio-respiratoire « La Maison du Mineur », 577, avenue Henri-Giraud, 06140 Vencecedex, France.

Adresse e-mail : [email protected] (F. Vandenbos).

http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.04.0010761-8425/© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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2 F. Vandenbos et al.

Figure 1. Radiographie du thorax de face : opacité alvéolairelobaire supérieure droite.

Figure 2. Coupe de tomodensitométrie en fenêtre médiastinalemontrant une masse abcédée dans le lobe supérieur droit et le lobemhe

Quel est votre diagnostic ?

Pour citer cet article : Vandenbos F, et al. Une masse abcédhttp://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.04.001

oyen. La tomographie avec émission de positons objective uneyperfixation périphérique (SUV à 7) et une hypofixation centralen rapport avec la nécrose.

ée trompeuse. Revue des Maladies Respiratoires (2014),

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Pour citer cet article : Vandenbos F, et al. Une masse abcédhttp://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.04.001

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Une masse abcédée trompeuse

Commentaires

Notre patient présentait une masse abcédée et les examensréalisés ne permettaient aucune orientation étiologique.Les différents prélèvements à visées infectieuses (aspira-tion bronchique, recherche de bacilles alcoolo-résistants,sérologie aspergillaire) étaient négatifs. Devant la suspiciond’un cancer, une décision chirurgicale a été prise chez cepatient fumeur. Le patient subissait une thoracotomie avecbilobectomie supérieure. L’étude anatomo-pathologiquemacroscopique identifiait une masse sous-pleurale de9 × 5,5 × 4 cm. Cette masse était mal limitée et compo-sée de nombreux abcès. L’étude microscopique montraitun foyer de bronchopneumonie aiguë associé à de nom-breux abcès à polynucléaires neutrophiles et éosinophiles.Les centres des abcès comportaient des grains actinomyco-siques avec des colonies bactériennes filamenteuses (Fig. 3).Le diagnostic d’actinomycose pulmonaire était finalementretenu.

Discussion

L’actinomycose pulmonaire est devenue une affection raredans les pays développés [1]. Elle est due à des bactériesdu genre Actinomyces qui sont à Gram positif et stricte-ment anaérobie. L’espèce la plus fréquemment rencontréeen pathologie humaine est Actinomyces israelii. Ces bacté-ries sont des commensales de la cavité buccale mais peuventproliférer à partir d’un foyer dentaire. L’atteinte pulmo-naire se fait alors par micro-inhalations. L’actinomycosepulmonaire se développe de facon indolente sous la formed’un abcès qui va s’étendre progressivement de proche enproche. Au moment du diagnostic, les lésions sont générale-ment étendues. Les principaux diagnostics différentiels sontles abcès à pyogènes, la tuberculose, les infections fun-giques et les cancers bronchiques. Toutes ces pathologies

Figure 3. Grain d’actinomycose formé par des bactéries filamenteuse(B, × 400).

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PRESS3

ont à l’origine d’un hypermétabolisme local et entraînentne hyperfixation au PET-scan [3].

Le diagnostic est souvent difficile à faire, d’abordarce qu’il est compliqué d’isoler la bactérie. En effet, il’agit d’un germe commensal, qui nécessite des conditions’anaérobiose stricte pour croître. Chez notre patient, lesures itératives de l’association amoxicilline—acide clavu-anique avaient sans doute rendu encore plus difficile sonsolement. Cet antibiotique est très efficace contre A. israe-ii mais il doit être prescrit sur une longue période pourtériliser le site. Ensuite parce que la présentation cliniquest non spécifique. Les signes cliniques les plus fréquentsont la toux, l’expectoration et la douleur thoracique [1].’élément d’orientation étiologique le plus important est laise en évidence de grains actinomycosiques (grains dits

sulfureux »). Malheureusement, leur présence est incons-ante. Souvent le diagnostic d’actinomycose pulmonairest porté sur la pièce opératoire [2]. Une fois le dia-nostic établi, le traitement repose sur une antibiothérapiee plusieurs mois. Ces germes sont sensibles aux amino-énicillines, macrolides, cyclines, à la clindamycine. . .

énéralement, l’amino-pénicilline est préférée pour uneurée de 6 à 12 mois en l’absence de geste opératoire ete plusieurs semaines en cas d’acte chirurgical. Enfin, pourompliquer le tout, rappelons-nous que la coexistence d’unectinomycose et d’un cancer bronchique n’est pas excep-ionnelle [4].

Concernant notre observation, un élément de l’anamnèseurait pu attirer notre attention, à savoir l’efficacité tem-oraire et répétée de l’antibiothérapie. Enfin, nous avonsecherché a posteriori l’existence de problème dentairehez notre patient. Nous avons alors appris qu’il avait pré-

ée trompeuse. Revue des Maladies Respiratoires (2014),

s colorées en noir par le Grocott (A, × 400) et en rouge par le PAS

enté un problème infectieux important sur une molairenze mois avant sa consultation en pneumologie. Ceci avaitécessité des soins qui s’étaient terminés trois mois avante début des symptômes pulmonaires.

Page 4: Une masse abcédée trompeuse

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4

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R

[

[

[Mal Respir 2010;27:1275—80.

[4] Charif F, Harb A, Alifano M, et al. Cancer bronchique etactinomycose : un piège dangereux. Rev Mal Respir 2009;26:

ARTICLEMR-857; No. of Pages 4

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

Pour citer cet article : Vandenbos F, et al. Une masse abcédhttp://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.04.001

éférences

1] Mabeza GF, Macfarlane J. Pulmonary actinimycosis. Eur Respir J2003;21:545—51.

PRESSF. Vandenbos et al.

2] Lacassagne L, Miguéres M, Fajadet P, et al. Pneumopathieabcédée chronique chez une jeune femme, révélant une acti-nomycose thoracique. Rev Mal Respir 2004;21:591—4.

3] Laffon E, de Clermont H, Bordenave L. TEP-TDM et thorax. Rev

ée trompeuse. Revue des Maladies Respiratoires (2014),

1003—6.