2
Ann Pathol 2007 ; 27 : 255-6 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 255 Cas pour diagnostic Accepté pour publication le 29 septembre 2006 Tirés à part : E. Khelifa, Résidence Héla. Villa N° 10, 2078 Gammarth Supérieur, Tunisie. e-mail : [email protected] Une tumeur médiane du cuir chevelu Median tumour of the scalp Elhem Khelifa (1) , Rym Benmously (1) , Samy Fenniche (1) , Achraf Debbiche (2) , Mohamed Ben Ayed (2) , Inçaf Mokhtar (1) (1) Service de Dermatologie, (2) Service d’Anatomie pathologique, Hôpital Habib Thameur, Tunis. Khelifa E, Benmously R, Fenniche S, Debbiche A, Ben Ayed M et al. Une tumeur médiane du cuir cheve- lu. Ann Pathol 2007 ; 27 : 255-6. Observation Un homme de 34 ans, sans antécédent pathologique, a consulté pour une tuméfaction occipitale congénitale et asymptomatique. L’examen cutané a noté, au niveau de la région occipitale, une tumeur unique médiane, bien limitée, de consistance ferme, adhé- rente, mesurant 3 cm de diamètre, recouverte d’une zone alopécique. Un lipome a été évoqué, mais éliminé en raison de la découverte néonatale, la consistance ferme et la zone alopé- cique en regard. Un hamartome cutané a été envisagé, devant l’apparition congénitale, la consis- tance ferme, l’adhérence, la zone alo- pécique en regard et une biopsie cutanée a été réalisée. Elle a montré un derme réticulaire superficiel riche- ment vascularisé comportant dans sa partie profonde de gros troncs vascu- laires dystrophiques entourés par un réseau collagène dystrophique forte- ment hyalinisé et fragmenté. Il est dis- socié par des nappes cellulaires de répartition irrégulière et plus ou moins anastomotiques, à noyau régulier et non mitotique (figure 1). Ces cellules sont arrondies, relativement mono- morphes, avec un cytoplasme éosino- phile et légèrement granuleux. Elles expriment fortement la Vimentine, la NSE (enolase neuronal specific) et la GFAP (glial fibrillary acid protein) (figure 2) et faiblement la protéine S 100 et l’antigène de membrane épi- théliale. Une calcosphérite a été notée. L’examen tomodensitométrique céré- bral, réalisé sans produit de contraste, n’a pas retrouvé d’anomalie de densité du parenchyme cérébral ni cérébel- leux mais a noté un défaut de ferme- ture médiane occipitale associé à un processus expansif sous-cutané, mesu- rant 1,8 × 3 cm. Cette tuméfaction était de densité hétérogène. Quel est votre diagnostic ? FIG. 1. — Nappes de cellules tumorales de taille moyenne, de répartition irrégulière, formant des tourbillons (HES × 200). FIG. 1. — Tumor cells of medium size, with an irregular distribution. FIG. 2. — Cellules tumorales exprimant fortement la GFAP (× 400). FIG. 2. — Story expression of GFAP by tumor cells.

Une tumeur médiane du cuir chevelu

  • Upload
    incaf

  • View
    218

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

A n n P a t h o l 2 0 0 7 ; 2 7 : 2 5 5 - 6

© 2 0 0 7 . E l s e v i e r M a s s o n S A S . T o u s d r o i t s r é s e r v é s .

Cas pour diagnostic

Accepté pour publication le 29 septembre 2006

Tirés à part : E. Khelifa, Résidence Héla. Villa N° 10, 2078 Gammarth Supérieur, Tunisie.e-mail : [email protected]

Une tumeur médiane du cuir cheveluMedian tumour of the scalp

Elhem Khelifa(1), Rym Benmously(1), Samy Fenniche(1), Achraf Debbiche(2), Mohamed Ben Ayed(2), Inçaf Mokhtar(1)

(1) Service de Dermatologie,(2) Service d’Anatomie pathologique, Hôpital Habib Thameur, Tunis.

Khelifa E, Benmously R, Fenniche S, Debbiche A, Ben Ayed M et al. Une tumeur médiane du cuir cheve-lu. Ann Pathol 2007 ; 27 : 255-6.

Observation

Un homme de 34 ans, sans antécédentpathologique, a consulté pour unetuméfaction occipitale congénitale etasymptomatique. L’examen cutané anoté, au niveau de la région occipitale,une tumeur unique médiane, bienlimitée, de consistance ferme, adhé-rente, mesurant 3 cm de diamètre,recouverte d’une zone alopécique.Un lipome a été évoqué, mais éliminéen raison de la découverte néonatale,la consistance ferme et la zone alopé-cique en regard.Un hamartome cutané a été envisagé,devant l’apparition congénitale, la consis-tance ferme, l’adhérence, la zone alo-pécique en regard et une biopsiecutanée a été réalisée. Elle a montré underme réticulaire superficiel riche-ment vascularisé comportant dans sapartie profonde de gros troncs vascu-laires dystrophiques entourés par unréseau collagène dystrophique forte-ment hyalinisé et fragmenté. Il est dis-socié par des nappes cellulaires derépartition irrégulière et plus ou moinsanastomotiques, à noyau régulier etnon mitotique (figure 1). Ces cellulessont arrondies, relativement mono-morphes, avec un cytoplasme éosino-phile et légèrement granuleux. Ellesexpriment fortement la Vimentine, laNSE (enolase neuronal specific) et laGFAP (glial fibrillary acid protein)(figure 2) et faiblement la protéineS 100 et l’antigène de membrane épi-théliale. Une calcosphérite a été notée.L’examen tomodensitométrique céré-bral, réalisé sans produit de contraste,n’a pas retrouvé d’anomalie de densité

du parenchyme cérébral ni cérébel-leux mais a noté un défaut de ferme-ture médiane occipitale associé à unprocessus expansif sous-cutané, mesu-rant 1,8 × 3 cm. Cette tuméfaction étaitde densité hétérogène.

Quel est votre diagnostic ?

FIG. 1. — Nappes de cellules tumorales de taille moyenne, de répartition irrégulière, formant des tourbillons (HES × 200).

FIG. 1. — Tumor cells of medium size, with an irregular distribution.

FIG. 2. — Cellules tumorales exprimant fortement la GFAP (× 400).

FIG. 2. — Story expression of GFAP by tumor cells.

255

Elhem Khelifa et al. A n n P a t h o l 2 0 0 7 ; 2 7 : 2 5 5 - 6

256

Diagnostic : méningiome cutané primitif type I

Les méningiomes peuvent dériver desméninges du cerveau ou de la moelle épi-nière. La peau et l’orbite constituent les sitesles plus fréquemment atteints lors des loca-lisations extra crâniennes. Le cuir cheveluconstitue une zone de prédilection et parti-culièrement le long des lignes de suture dela région occipitale [1]. Parmi les 92 cas col-ligés en 1992 par Shuangshoti et al. [2], 86 %intéressent la tête ou le cou, dont 40 % lecuir chevelu. L’âge moyen est de 34 ans. Cestumeurs ont un développement comparableà celui des méningocèles et dérivent de cel-lules arachnoïdales ectopiques persistant àl’extérieur de la cavité crânienne le long deslignes embryonnaires de fusion. A la diffé-rence des méningiomes qui sont destumeur vraies, les méningocèles sont for-mées par la protrusion d’une partie desméninges à travers une fissure congénitaledu crâne ou du canal rachidien sous formed’une tumeur sacciforme renfermant duliquide céphalo-rachidien. Lopez et al. [3]ont proposé une classification des ménin-giomes cutanés en trois types de pathogénieet de pronostic différents.Le type I correspond aux méningiomes pri-mitivement cutanés, congénitaux. Ils résul-tent d’une anomalie de fermeture du tubeneural qui se traduit par la présence de tissuméningé ectopique dans le derme et l’hypo-derme. Leur aspect clinique est très prochede celui des méningocèles. L’absence detumeur cérébrale sous-jacente est indispen-sable au diagnostic. Notre observation deméningiome cutané avec un défaut de fer-meture des structures sous jacentes, sansautres lésions intra crâniennes répond donc

à la définition d’un méningiome primitiftype I.Les méningiomes de type II sont acquis etse localisent au voisinage des organes sen-soriels, en particulier les zones périauricu-laires et paranasales ou dans l’orbite.Le type III, rare, serait une extension (oumétastase) d’un méningiome intracrânienou spinal. Le méningiome de type I a un trèsbon pronostic sans récidive ni métastasemais il nécessite une exérèse en milieu chi-rurgical en raison du risque de méningite etl’existence, possible, de connexions avec lesystème nerveux central [4].Les méningiomes cutanés primitifs sont destumeurs bénignes et rares de l’enfant ou del’adulte jeune. Leur localisation cutanée ousous cutanée primitive est rare. Ils doiventêtre suspectés devant un hamartome congé-nital médian du cuir chevelu avec une zonealopécique en regard. ■

Key words: scalp, meningioma, cutaneous tumors.

Mots-clés : scalp, méningiome, tumeurs cutanées.

Références

[1] Cribier B, Grosshans E. Tumeurs cutanées nerveusesrares. Ann Dermatol Venereol 1997 ; 124 : 280-95.

[2] Shuangshoti S, Boonjunwetwat D, KaoropthamS. Association of primary intraspinal meningiomasand subcutaneous meningioma of the cervical region:case report and review of literature. Surg Neurol1992 ; 38 : 129-34.

[3] Lopez DA, Silvers DN, Helwig EB. Cutaneousmeningiomas: a clinicopathologic study. Cancer 1974 ;34 : 728-44.

[4] Le Pelletier F, Dunet E, Estephan H, Vérola O, Fau-cher JN. Méningiome primitif du cuir chevelu. À pro-pos d’un cas. Ann Pathol 1997 ; 17 : 75-6.