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Annales de pathologie (2013) 33, 70—72 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS POUR DIAGNOSTIC Une tumeur ovarienne de la femme jeune à ne pas méconnaître A misleading ovarian tumor of the young woman Caroline Capuani a,, Marie-Laure Quintyn-Ranty a , Ghislaine Escourrou a , Jacques Rimailho b , Marie-Bernadette Delisle a a Service d’anatomie pathologique et d’histologie-cytologie, CHU de Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès, TSA 50032, 31059 Toulouse cedex 9, France b Service de chirurgie générale et gynécologique, CHU de Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès, TSA 50032, 31059 Toulouse cedex 9, France Accepté pour publication le 30 septembre 2012 Disponible sur Internet le 4 evrier 2013 Observation Nous rapportons le cas d’une femme de 34 ans ayant présenté brutalement des douleurs abdominopelviennes. Les examens complémentaires mettaient en évidence une masse latéro-utérine gauche associée à une élévation du CA125. Une exérèse était réalisée. La pièce chirurgicale correspondait à une masse ovarienne bilobée de 7 cm de diamètre bien limitée, de couleur blanchâtre à la coupe. L’examen microscopique montrait une prolifération carcinomateuse d’architecture diffuse. Les cellules tumorales étaient majo- ritairement de petite taille, avec un cytoplasme peu abondant aux limites imprécises et un noyau hyperchromatique et finement nucléolé. À ces cellules s’associaient des amas de cellules de grande taille, dotées d’un cytoplasme éosinophile abondant et d’un volu- mineux noyau atypique (Fig. 1). La prolifération tumorale était très riche en mitoses souvent atypiques (Fig. 2). Au sein des plages tumorales, les cellules s’agenc ¸aient par- fois pour former des structures pseudofolliculaires (Fig. 3). Il existait également de multiples foyers de mucosécrétion (Fig. 2) et des globules hyalins marqués par le PAS dans les cellules de grande taille. Le stroma tumoral était mince et inflammatoire. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Capuani). 0242-6498/$ see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2012.09.232

Une tumeur ovarienne de la femme jeune à ne pas méconnaître

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nnales de pathologie (2013) 33, 70—72

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

AS POUR DIAGNOSTIC

ne tumeur ovarienne de la femme jeune à ne paséconnaître

misleading ovarian tumor of the young woman

Caroline Capuania,∗, Marie-Laure Quintyn-Rantya,Ghislaine Escourroua, Jacques Rimailhob,Marie-Bernadette Delislea

a Service d’anatomie pathologique et d’histologie-cytologie, CHU de Rangueil, 1, avenueJean-Poulhès, TSA 50032, 31059 Toulouse cedex 9, Franceb Service de chirurgie générale et gynécologique, CHU de Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès,TSA 50032, 31059 Toulouse cedex 9, France

Accepté pour publication le 30 septembre 2012Disponible sur Internet le 4 fevrier 2013

Observation

Nous rapportons le cas d’une femme de 34 ans ayant présenté brutalement des douleursabdominopelviennes. Les examens complémentaires mettaient en évidence une masselatéro-utérine gauche associée à une élévation du CA125. Une exérèse était réalisée.La pièce chirurgicale correspondait à une masse ovarienne bilobée de 7 cm de diamètrebien limitée, de couleur blanchâtre à la coupe. L’examen microscopique montrait uneprolifération carcinomateuse d’architecture diffuse. Les cellules tumorales étaient majo-ritairement de petite taille, avec un cytoplasme peu abondant aux limites imprécises etun noyau hyperchromatique et finement nucléolé. À ces cellules s’associaient des amasde cellules de grande taille, dotées d’un cytoplasme éosinophile abondant et d’un volu-mineux noyau atypique (Fig. 1). La prolifération tumorale était très riche en mitosessouvent atypiques (Fig. 2). Au sein des plages tumorales, les cellules s’agencaient par-fois pour former des structures pseudofolliculaires (Fig. 3). Il existait également demultiples foyers de mucosécrétion (Fig. 2) et des globules hyalins marqués par le PASdans les cellules de grande taille. Le stroma tumoral était mince et inflammatoire.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (C. Capuani).

242-6498/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2012.09.232

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Une tumeur ovarienne de la femme jeune à ne pas méconnaître

Figure 1. Prolifération tumorale d’architecture diffuse à petitescellules (à droite), avec un contingent à grandes cellules atypiques(à gauche) (HE × 100).

Figure 3. Structures pseudofolliculaires contenant un matérieléosinophile (HE × 100).Follicle-like spaces containing eosinophilic material (HE × 100).

marquées par l’EMA et la vimentine, focalement par lescytokératine AE1—AE3 et CK7. Elles étaient négatives avecl’anticorps anti-inhibine �. Une chirurgie élargie était effec-

Diffuse proliferation of small cells (on the right) with an atypicallarge-cell component (on the left) (HE × 100).

Figure 2. Nombreuses images de mitose (flèches) et vacuolesintracytoplasmiques de mucus (étoiles) (HE × 400).Mitotically active cells (arrows) and intracytoplasmic mucinvacuoles (stars) (HE × 400).

La coloration spéciale avec la réticuline montrait un réseauanarchique de fibres, par place absentes, par place entou-rant des cellules individuelles ou de petits amas cellulaires.En immuno-histochimie, les cellules étaient uniformément

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tuée dans le même temps opératoire. Seul un nodulepéritonéal était tumoral, aucune autre localisation carci-nomateuse n’étant retrouvée dans le reste de la pièce. Latumeur était de stade IIIB selon la FIGO. Cette patiente abénéficié d’une chimiothérapie couplée à une radiothérapiepelvienne et est en rémission à 12 mois du diagnostic.

Quel est votre diagnostic ?

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iagnostic

arcinome à petites cellules de l’ovaire de typeypercalcémique.

iscussion

e carcinome à petites cellules de l’ovaire de type hypercal-émique, identifié en 1982 par Dickersin et al. [1], affecteajoritairement les femmes jeunes (âge moyen de 24 ans)

t s’associe à une hypercalcémie dans 66 % des cas, le plusouvent asymptomatique [2]. La tumeur, unilatérale dans9 % des cas, se développe très rapidement et se manifestear des douleurs pelviennes et l’augmentation du volume de’abdomen lié à la masse tumorale.

Ces tumeurs ont une taille moyenne de 15 cm avecne extension locale fréquente. Elles sont solides, parfoisartiellement kystiques. La tranche de section est blanc-risâtre avec des foyers de remaniements hémorragiques oue nécrose.

L’appellation « petites cellules » n’est pas vraimentppropriée puisque cette tumeur peut renfermer un contin-ent de grandes cellules, parfois prédominant. Elle estonstituée typiquement d’une prolifération de cellulesohésives d’architecture diffuse. Ces plages sont creu-ées dans 80 % des cas par des espaces pseudofolliculaires,icrokystiques centrés par un matériel éosinophile ou plus

arement vides, simulant une tumeur de la granulosa. Ilst observé également des structures épithéliales de typeucineux bénignes ou malignes dans 10 à 15 % des cas.

Le plus fréquemment, les cellules tumorales sont de

etites tailles, rondes, avec un cytoplasme peu abondant.e noyau est arrondi, hyperchromatique avec un petitucléole proéminent. L’index mitotique est important (16 à0 mitoses/10 champs au fort grossissement). Dans 50 % desas, il existe un contingent de grandes cellules au cyto-lasme abondant et éosinophile. Elles possèdent un noyauxcentré au nucléole proéminent. Le cytoplasme renfermees globules hyalins PAS+ et diastase résistant. Le stroma estrêle, fibreux.

Le profil immuno-histochimique des carcinomes à petitesellules de l’ovaire de type hypercalcémique est peu spéci-que. Ils expriment généralement l’EMA mais pas l’inhibine.

l existe un marquage variable par les cytokératines, laimentine et la chromogranine. La positivité de la CK7 n’estas constante mais la CK20 est toujours négative. Le WT1 estabituellement exprimé, ce qui constitue un argument danse diagnostic différentiel avec les tumeurs de la granulosauvénile. De plus, le CD99, la desmine et le TTF1 sont néga-ifs [3].

L’histogenèse de cette tumeur demeure énigmatiqueême si la positivité de l’EMA et du WT1 oriente vers une

rigine épithéliale [4].Compte tenu de l’âge des patientes et des aspects

seudofolliculaires, le principal piège diagnostique est

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C. Capuani et al.

eprésenté par la tumeur de la granulosa juvénile. Les cel-ules ont un noyau arrondi euchromatique sans nucléoleroéminent et un cytoplasme abondant. Les mitoses sontariables. Le marquage avec la réticuline délimite des mas-ifs cellulaires plutôt que des cellules individuelles. De plus,es tumeurs non agressives sont presque toujours de stade It associées à une hyperestrogénie. Elles ont une expressiononstante mais parfois focale de l’inhibine � tandis que EMAt WT1 sont négatifs [5].

Le traitement fait en premier lieu appel à unehirurgie de réduction tumorale maximale. Cette chi-urgie est complétée par une chimiothérapie et uneadiothérapie. De plus en plus, une polychimiothérapientensive avec autogreffe de moelle osseuse est préconi-ée et devrait permettre d’améliorer le pronostic de cesatientes.

Celui-ci est péjoratif même pour les tumeurs de stade I.eules les patientes de stade IA se démarquent avec un tierses patientes en vie sans maladie sur de longs suivis (un à3 ans postchirurgie) [2].

onclusion

e carcinome à petites cellules ovarien de type hyper-alcémique représente le carcinome indifférencié le plusréquent chez la femme jeune. La tumeur est constituée deetites cellules s’agencant en nappes mais il peut exister desones d’aspect pseudofolliculaire et un contingent à grandesellules. Ces carcinomes présentent un haut degré de mali-nité avec une survie à cinq ans tous stades confondus qui

e dépasse pas 10 %.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

éférences

1] Dickersin GR, Kline IW, Scully RE. Small cell carcinoma of theovary with hypercalcemia: a report of eleven cases. Cancer1982;49:188—97.

2] Young RH, Oliva E, Scully RE. Small cell carcinoma of the ovary,hypercalcemic type. A clinicopathological analysis of 150 cases.Am J Surg Pathol 1994;18:1102—16.

3] Mc Cluggage WG, Oliva E, Connolly LE, Mc Bride HA, Young RH. Animmunohistochemical analysis of ovarian small cell carcinoma ofhypercalcemic type. Int J Gynecol Pathol 2004;23:330—6.

4] Walt H, Hornung R, Fink D, Dobler-Girdziunaite D, et al.Hypercalcemic type of small cell carcinoma of the ovary: charac-terization of a new tumor line. Anticancer Res 2001;21:3253—9.

5] Hildebrandt RH, Rouse RV, Longacre TA. Value of inhibin in theidentification of granulosa cell tumors of the ovary. Hum Pathol1997;28:1387—95.