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Ann Pathol 2004 ; 24 : 375-6 © Masson, Paris, 2004 375 Cas pour diagnostic Accepté pour publication le 27 août 2003. Tirés à part : A. Mekni, 5 Rue Ibn Messaoud, Menzeh 6, 2091, Tunis, Tunisie. Une tumeur rhinopharyngée rare A rare tumor of the rhinopharynx Amina Mekni, Saadia Bouraoui, Narjess Amdouni, Tounsi-Guettiti Haifa, Nidhameddine Kchir, Moncef Zitouna, Slim Haouet Service d’Anatomie et de Cytologie Pathologique, Hôpital La Rabta, 1007 Bab Saadoun, Tunis. Mekni A, Bouraoui S, Amdouni N, Tounsi-Guettiti H, Kchir N, Zitouna M, Haouet S. Une tumeur rhino- pharyngée rare. Ann Pathol 2004 ; 24 : 375-6. Observation Une femme de 58 ans sans antécédent pathologique notable consultait dans le service d’oto-rhino-laryngologie pour une hypoacousie bilatérale évo- luant depuis 2 ans accompagnée depuis 4 mois d’une épistaxis et d’une otorragie gauche. La nasofibroscopie mettait en évidence une formation rougeâtre du cavum d’allure vasculaire se projetant au niveau de l’orifice tubaire gauche. À l’otoscopie, les tympans, complètement rétractés, étaient bleuâtres. L’audio- gramme décelait une surdité de percep- tion à droite et mixte à gauche. La tomodensitométrie visualisait une for- mation tumorale de la paroi latérale du rhinopharynx se prolabant dans sa lumière et obstruant la trompe d’Eusta- che homolatérale sans extension vers les fosses nasales ou la base du crâne. Par ailleurs, le reste de l’examen somatique était strictement normal. Une biopsie du cavum a été pratiquée. L’examen histo- pathologique montrait une muqueuse rhinopharyngée largement ulcérée dont le chorion était massivement infiltré par une prolifération tumorale maligne faite d’amas et de plages de cellules de grande taille, arrondies ou ovalaires à cytoplasme éosinophile abondant focalement tatoué d’un pigment bru- nâtre (figure 1). Le noyau volumineux, à contours irréguliers et vésiculeux, ren- fermait un à deux nucléoles proémi- nents. Dans de rares territoires, les cellules tumorales étaient fusiformes et s’agençaient en faisceaux courts et entre- lacés. Le stroma peu abondant était réduit à quelques septa fibreux. La pig- mentation brunâtre apparaissant sous forme de mottes intra et extra-cellulaires prenait la coloration de Fontana Masson. L’étude immunohistochimique montrait que les cellules tumorales étaient mar- quées intensément par l’anticorps HMB45 (figure 2). Quel est votre diagnostic ? FIG. 1. — Cellules tumorales arrondies ou polygonales à cytoplasme abondant éosinophile et à noyau volumineux atypique nucléolé. (HE x 400). FIG. 1. — Round and polygonal tumor cells with abundant eosinophilic cytoplasm and enlarged nuclei with prominent nucleoli. (HE x 400). FIG. 2. — Positivité focale des cellules tumorales avec l’anticorps HMB 45. (x 250). FIG. 2. — Focal expression of HMB 45 immunostaining with antibody by tumour cells. (x 250).

Une tumeur rhinopharyngée rare

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Page 1: Une tumeur rhinopharyngée rare

A n n P a t h o l 2 0 0 4 ; 2 4 : 3 7 5 - 6

© M a s s o n , P a r i s , 2 0 0 4 375

Caspour diagnostic

Accepté pour publication le 27 août 2003.

Tirés à part : A. Mekni, 5 Rue Ibn Messaoud, Menzeh 6, 2091, Tunis, Tunisie.

Une tumeur rhinopharyngée rareA rare tumor of the rhinopharynx

Amina Mekni, Saadia Bouraoui, Narjess Amdouni, Tounsi-Guettiti Haifa, Nidhameddine Kchir, Moncef Zitouna, Slim Haouet

Service d’Anatomie et de Cytologie Pathologique, Hôpital La Rabta, 1007 Bab Saadoun, Tunis.

Mekni A, Bouraoui S, Amdouni N, Tounsi-Guettiti H, Kchir N, Zitouna M, Haouet S. Une tumeur rhino-pharyngée rare. Ann Pathol 2004 ; 24 : 375-6.

Observation

Une femme de 58 ans sans antécédentpathologique notable consultait dansle service d’oto-rhino-laryngologiepour une hypoacousie bilatérale évo-luant depuis 2 ans accompagnée depuis4 mois d’une épistaxis et d’une otorragiegauche. La nasofibroscopie mettait enévidence une formation rougeâtre ducavum d’allure vasculaire se projetant auniveau de l’orifice tubaire gauche. Àl’otoscopie, les tympans, complètementrétractés, étaient bleuâtres. L’audio-gramme décelait une surdité de percep-tion à droite et mixte à gauche. Latomodensitométrie visualisait une for-mation tumorale de la paroi latérale durhinopharynx se prolabant dans salumière et obstruant la trompe d’Eusta-che homolatérale sans extension vers lesfosses nasales ou la base du crâne. Parailleurs, le reste de l’examen somatiqueétait strictement normal. Une biopsie ducavum a été pratiquée. L’examen histo-pathologique montrait une muqueuserhinopharyngée largement ulcérée dontle chorion était massivement infiltré parune prolifération tumorale malignefaite d’amas et de plages de cellules degrande taille, arrondies ou ovalaires àcytoplasme éosinophile abondantfocalement tatoué d’un pigment bru-nâtre (figure 1). Le noyau volumineux, àcontours irréguliers et vésiculeux, ren-fermait un à deux nucléoles proémi-nents. Dans de rares territoires, lescellules tumorales étaient fusiformes ets’agençaient en faisceaux courts et entre-lacés. Le stroma peu abondant étaitréduit à quelques septa fibreux. La pig-mentation brunâtre apparaissant sousforme de mottes intra et extra-cellulairesprenait la coloration de Fontana Masson.L’étude immunohistochimique montrait

que les cellules tumorales étaient mar-quées intensément par l’anticorpsHMB45 (figure 2).

Quel est votre diagnostic ?

FIG. 1. — Cellules tumorales arrondies ou polygonales à cytoplasme abondant éosinophile et à noyau volumineux atypique nucléolé. (HE x 400).

FIG. 1. — Round and polygonal tumor cells with abundant eosinophilic cytoplasm and enlarged nuclei with prominent nucleoli. (HE x 400).

FIG. 2. — Positivité focale des cellules tumorales avec l’anticorps HMB 45. (x 250).

FIG. 2. — Focal expression of HMB 45 immunostaining with antibody by tumour cells. (x 250).

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Amina Mekni et al. A n n P a t h o l 2 0 0 4 ; 2 4 : 3 7 5 - 6

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Diagnostic : mélanome malin primitif du rhinopharynx

Le mélanome de localisation cervico-faciale est rare. Son incidence varie de0,4 % à 4 % selon les séries [1]. Il touchedans plus de 90 % des cas les cavités nasa-les et les sinus. Sa localisation rhinopha-ryngée est exceptionnelle, une vingtainede cas uniquement ont été rapportés dansla littérature [2]. Le mélanome du cavumtouche préférentiellement l’homme âgéde 44 à 72 ans à l’exception d’une patienteâgée de 27 ans [2]. Il se développe à partirdes mélanocytes préexistants dans l’épi-thélium et dans le chorion des muqueusesrespiratoires [3]. La symptomatologie clini-que est dominée par l’épistaxis et l’obstruc-tion nasale [2]. À l’endoscopie, la tumeurréalise une masse bourgeonnante pigmen-tée ou achromique, une formation poly-poïde prolabée dans le cavum ou encore unaspect vasculaire. Le diagnostic positif estanatomopathologique ; le mélanome rhino-pharyngé primitif, similaire à celui desautres localisations, se présente comme uneprolifération tumorale faite de nids, d’amaset de nappes de cellules très pléomorphes,arrondies, globuleuses ou fusiformes et par-fois multinucléées. Le cytoplasme éosino-phile peut être chargé de pigments demélanine prenant la coloration de Fontanacomme c’était le cas dans notre observa-tion ; dans d’autres cas il est achromique. Latumeur, riche en atypies et en mitoses, estconstituée de cellules au noyau vésiculeux,centré par un nucléole proéminent [4]. Uneactivité jonctionnelle doit être recherchéecar elle constitue un argument de plus enfaveur de l’origine rhinopharyngée primi-tive du mélanome. Le diagnostic anatomo-pathologique est difficile, nécessitant lerecours à l’histochimie et à l’immunohisto-chimie. En effet, dans cette localisation etnotamment en l’absence de pigment méla-nique, en cas de prédominance du contin-gent fusiforme ou en cas de pléomorphismecellulaire, le mélanome du cavum pose leproblème du diagnostic différentiel avec

un neuroblastome olfactif, un carcinomeindifférencié à petites cellules, un carci-nome nasopharyngé, un lymphome sur-tout anaplasique à grandes cellules, unrhabdomyosarcome, un leiomyosarcome,un fibrosarcome et un histiocytofibromemalin. L’immunohistochimie permet aisé-ment de poser le diagnostic en montrantl’expression par les cellules tumorales de lavimentine, la PS100 et surtout l’immunomar-quage positif avec l’anticorps HMB45 [4].Toutefois, le diagnostic de mélanome primi-tif du cavum ne peut être retenu qu’aprèsavoir éliminé la localisation secondaire d’unmélanome notamment cutané primitif.Le pronostic des mélanomes rhinopharyn-gés primitifs est sombre. En effet, la surviemoyenne est de 24 mois et la plupart despatients décèdent de métastases [2].Le traitement de base est la chirurgie avec exé-rèse, geste qui reste difficile du fait de l’inac-cessibilité de la tumeur, suivie souvent enpost-opératoire d’une radiothérapie parfoisen association avec une chimiothérapie [5] ■

Mots-clés : Mélanome, rhinopharynx, voie aérienne supérieures.

Key words: Melanoma, rhinopharynx, upper airways, immuno-histochemistry.

Références

[1] Grewal DS, Lele SY, Mallya SV, Baser B, Bahah NK,Rege JD. Malignant melanoma of the nasopharynxextending to the nose with metastasis in the neck. JPostgrad Med 1994 ; 40 : 31-3.

[2] Loree TR, Mullins AP, Spellman J, North JH, HicksWL. Head and neck mucosal melanoma : A 32- yearreview. Ear Nose Throat J 1999 ; 78 : 372-5.

[3] Zack F, Lawson W. The presence of melanocytes inthe nasal cavity. Ann Oto Rhinol Laryngol 1974 ; 83 :815-9.

[4] Andersen LJ, Berthelsen A, Hansen HS. Malignantmelanoma of the upper respiratory tract and the oralcavity. J Otolaryngol 1992 ; 21 : 180-5.

[5] Hoyt DJ, Jordan T, Fisher SR. Mucosal melanomaof the head and neck. Arch Otolaryngol Head NeckSurg 1989 ; 115 : 1096-9.