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Ann Pathol 2006 ; 26 : 283-4 © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 283 Cas pour diagnostic Accepté pour publication le 25 août 2005 Tirés à part : S. Ben Haha- Belli, voir adresse en début d’article. e-mail : [email protected] Une tumeur sous cutanée rare A rare subcutaneous tumour Meriam Bel Haj Salah, Selma Ben Haha-Bellil, Khadija Bellil, Amina Mekni, Ines Chelly, Nidhameddine Kchir, Slim Haouet, Moncef Zitouna Service d’Anatomie et de Cytologie Pathologique, Hôpital La Rabta, 1007 Bab Saadoun, Tunis. Bel Haj Salah M, Ben Haha-Bellil S, Bellil K, Mekni A, Chelly I, Kchir N. Une tumeur sous cutanée rare. Ann Pathol 2006 ; 26 : 283-4 Observation Une patiente, âgée de 40 ans, sans antécédents pathologiques notables, consultait pour une tuméfaction iso- lée, indolore de la paroi abdominale antérieure, constatée depuis 2 mois et ayant rapidement augmenté de volume. Cette tuméfaction était d’apparition spontanée sans notion de traumatisme ni d’intervention chirurgicale anté- rieure. L’examen clinique trouvait un nodule sous cutané indolore, mobile par rapport aux plans superficiel et profond, mesurant 3 cm de grand axe et recouvert d’une peau saine. Le reste de l’examen somatique était normal. L’échographie abdomino-pelvienne était également normale. Une exérèse tumorale a été pratiquée ; la tumeur était facilement clivable. À l’examen macroscopique, la néofor- mation était nodulaire, bien limitée, de consistance ferme et mesurait 2 cm de grand axe. À la coupe, elle était blanc- grisâtre, d’aspect fasciculé, homogène. Histologiquement, cette néoformation, bien circonscrite mais non encapsulée, correspondait à un tissu collagène, dense, hyalinisé, siège d’un discret infil- trat inflammatoire lympho-plasmocy- taire parfois organisé en agrégats. Cette matrice fibreuse était parsemée de nom- breuses calcifications de taille variable éparses ou regroupées réalisant le plus souvent des psammomes. Ailleurs, ces calcifications étaient de petite taille rectilignes le long des faisceaux colla- gènes. Il s’y associait de rares cellules fusiformes fibroblastiques dépourvues d’atypies. Il n’a pas été observé de mitoses. Aucune récidive n’a été notée avec un recul de 4 mois. Quel est votre diagnostic ? FIG. 1. — Matrice collagène dense comportant de nom- breux psammomes et des microcalcifications associées à un infiltrat lymphoplasmocytaire (HE × 10). FIG. 1. — Dense collagenous tissue with numerous psam- moma bodies, microcalcifications and lymphoplasmocytic infiltrate (HE×10).

Une tumeur sous cutanée rare

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A n n P a t h o l 2 0 0 6 ; 2 6 : 2 8 3 - 4

© 2 0 0 6 . E l s e v i e r M a s s o n S A S . T o u s d r o i t s r é s e r v é s . 283

Caspour diagnostic

Accepté pour publication le 25 août 2005

Tirés à part : S. Ben Haha- Belli, voir adresseen début d’article.e-mail : [email protected]

Une tumeur sous cutanée rare

A rare subcutaneous tumour

Meriam Bel Haj Salah, Selma Ben Haha-Bellil, Khadija Bellil, Amina Mekni, Ines Chelly, Nidhameddine Kchir, Slim Haouet, Moncef Zitouna

Service d’Anatomie et de Cytologie Pathologique, Hôpital La Rabta, 1007 Bab Saadoun, Tunis.

Bel Haj Salah M, Ben Haha-Bellil S, Bellil K, Mekni A, Chelly I, Kchir N. Une tumeur sous cutanée rare.Ann Pathol 2006 ; 26 : 283-4

Observation

Une patiente, âgée de 40 ans, sansantécédents pathologiques notables,consultait pour une tuméfaction iso-lée, indolore de la paroi abdominaleantérieure, constatée depuis 2 mois etayant rapidement augmenté de volume.Cette tuméfaction était d’apparitionspontanée sans notion de traumatismeni d’intervention chirurgicale anté-rieure. L’examen clinique trouvait unnodule sous cutané indolore, mobilepar rapport aux plans superficiel etprofond, mesurant 3 cm de grand axeet recouvert d’une peau saine. Le restede l’examen somatique était normal.L’échographie abdomino-pelvienne étaitégalement normale.Une exérèse tumorale a été pratiquée ;la tumeur était facilement clivable.À l’examen macroscopique, la néofor-mation était nodulaire, bien limitée, deconsistance ferme et mesurait 2 cm degrand axe. À la coupe, elle était blanc-grisâtre, d’aspect fasciculé, homogène.Histologiquement, cette néoformation,bien circonscrite mais non encapsulée,correspondait à un tissu collagène,dense, hyalinisé, siège d’un discret infil-trat inflammatoire lympho-plasmocy-taire parfois organisé en agrégats. Cettematrice fibreuse était parsemée de nom-breuses calcifications de taille variable

éparses ou regroupées réalisant le plussouvent des psammomes. Ailleurs, cescalcifications étaient de petite taillerectilignes le long des faisceaux colla-gènes. Il s’y associait de rares cellulesfusiformes fibroblastiques dépourvuesd’atypies. Il n’a pas été observé demitoses.Aucune récidive n’a été notée avec unrecul de 4 mois.

Quel est votre diagnostic ?

FIG. 1. — Matrice collagène dense comportant de nom-breux psammomes et des microcalcifications associées à un infiltrat lymphoplasmocytaire (HE × 10).

FIG. 1. — Dense collagenous tissue with numerous psam-moma bodies, microcalcifications and lymphoplasmocytic infiltrate (HE×10).

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Diagnostic : pseudotumeur fibreuse calcifiante

La pseudotumeur fibreuse calcifiante (PTFC)a été décrite pour la première fois en 1988chez deux enfants par Rosenthal et Abdulk-Karim sous l’appellation « tumeur fibreusede l’enfance avec des psammomes » [1]. Cen’est qu’en 1993 que le terme PTFC a étéintroduit par Fetch et al. qui ont colligé unesérie de 10 tumeurs survenues chez despatients tous adultes [2]. À cette date, moinsd’une soixantaine de cas ont été décrits dansla littérature mondiale. La lésion survientsurtout chez les enfants et les adultes jeunesentre 1 et 33 ans mais peut également surve-nir chez le sujet âgé. Elle touche aussi bienles garçons et les filles sans prédilection desexe [1, 3]. La place nosologique et l’étiopa-thogénie de la PTFC sont encore incertaines.Elle a été d’abord considérée comme unepseudotumeur inflammatoire à un stadeévolutif cicatriciel entrant dans le cadre d’uncontinuum lésionnel [3, 4]. Nascimento et al.ont émis l’hypothèse d’une tumeur mésen-chymateuse bénigne distincte en montrantun profil immunohistochimique différentdes tumeurs inflammatoires myofibroblasti-ques [5].Initialement décrite au niveau des tissussous cutanés ou profonds, la PTFC peut tou-cher les extrémités, le tronc, le scrotum, lecou, la région axillaire et inguinale [2, 3].D’autres localisations ont été ultérieurementrapportées : pleurale, médiastino-pulmonaire,gastro-intestinale ou mésentérique [5].Macroscopiquement, il s’agit généralementd’un nodule unique, parfois lobulé, bien cir-conscrit mais non encapsulé mesurant entre2,5 et 25 cm. Des lésions multifocales ontégalement été décrites. L’aspect histologiqueest univoque. Il associe au sein d’un densestroma fibro-hyalin peu fibroblastique, uninfiltrat inflammatoire fait de lymphocytes etde plasmocytes d’abondance variable et descalcifications. Ces dernières sont le plussouvent constituées de lamelles disposéesde façon concentrique avec des contoursen carte de géographie réalisant des psam-momes ; plus rarement elles sont dystro-phiques disposées le long des fibres decollagène.Ainsi définie, le diagnostic différentiel de laPTFC des parties molles se pose essentielle-

ment avec la fibromatose desmoide et lespseudo tumeurs inflammatoires telles quela tumeur inflammatoire myofibroblastique,la fasciite nodulaire ou encore un fibromedes gaines tendineuses [3]. D’autre part, laPTFC doit être distinguée d’une tumeurfibromyxoide calcifiante et d’un fibromeaponévrotique calcifié. L’aspect histologiquebénin de la PTFC prête exceptionnellementà confusion avec une métastase sauf en casd’antécédent carcinologique notamment decarcinome ovarien. Dans ce cas, l’immuno-histochimie peut être d’un grand apport. Eneffet, la PTFC exprime la vimentine et lefacteur XIIIa et est le plus souvent néga-tive aux cytokératines, au CD 34, au CD 31,aux neurofilaments, à la PS100, à la desmineet au facteur VIII.Les PTFC sont généralement facilementénucléables et l’exérèse chirurgicale limitéesemble être un traitement de choix. Les réci-dives seraient rares, mais quelques cas derécidives rapides ou répétées sont décrits.Toutefois, étant donné le petit nombre decas rapportés, et le recul insuffisant, le profilévolutif de ces lésions et leur pronostic nesont pas encore clairement établis. ■

Key words: pseudo tumour, psammomas, inflammatory tumours.

Mots-clés : pseudotumeur, psammomes, tumeurs inflammatoires.

Références

[1] Rosenthal NS, Abdul-Karim FW. Childhood fibroustumor with psamoma bodies. Clinicopathologic featu-res in two cases. Arch Pathol Lab Med 1988 ; 112 :798-800.

[2] Fetsh JF, Montgomery EA, Meds JM. Calcifyingfibrous pseudotumor. Am J Surg Pathol 1993 ; 17 :502-8.

[3] Kettani S, Francois H, Pidhorz L, Bertrand G. Pseudo-tumeur fibreuse calcifiante. Ann Pathol 1994 ; 14 : 124-6.

[4] Van Dorpe J, Ectors N, Geboes K, D’Hoore A, SciotR. Is calcifying fibrous pseudotumor a late sclerosingstage of inflammatory myofibroblastic tumor? Am JSurg Pathol 1999 ; 23 : 329-35.

[5] Nascimento AF, Ruiz R, Hornick JL, Fletcher CD.Calcifying fibrous “pseudotumor”: clinicopathologicstudy of 15 cases and analysis of its relationship toinflammatory myofibroblastic tumor. Int J Surg Pathol2002 ; 10 : 189-96.