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Annales de pathologie (2013) 33, 422—424 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com CAS POUR DIAGNOSTIC Une tumeur splénique rare An uncommon spleen tumor Jeanne Thomassin-Piana a,, Jean-Robert Delpero b , Flora Poizat a , Geneviève Monges a a Département de biopathologie, institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard de Ste-Marguerite, 13009 Marseille, France b Département de chirurgie, institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard de Ste-Marguerite, 13009 Marseille, France Accepté pour publication le 22 octobre 2013 Disponible sur Internet le 26 novembre 2013 Observation Patiente de 26 ans, hospitalisée pour une masse kystique de la région spléno-pancréatique, mesurant 20 cm de grand axe, associée à une masse ovarienne kystique gauche de 5 cm. Ces deux tumeurs ont été découvertes par échographie dans le cadre d’un bilan d’infections urinaires à répétition. Un bilan biologique retrouve des ACE et un CA 19,9 très élevés (700 ng/mL). Devant ces aspects radiologiques et biologiques une splénectomie et une ovariectomie gauche sont programmées. À l’examen macroscopique (Fig. 1), la rate pèse 1500 g et comporte une tumeur kystique de 19 × 16 × 10 cm. En surface du kyste, on visualise des plaques fibreuses blanchâtres en « carte de géographie ». À la coupe, le kyste a un contenu trouble, bicolore hémorragique et jaunâtre. La surface interne du kyste est lisse. L’ovaire gauche est entièrement kystique et mesure 5 × 4 × 2 cm. À la coupe, le kyste contient des cheveux, du sébum et l’ébauche d’une dent (Fig. 2). L’étude histologique des prélèvements réalisés au niveau de la rate montre un paren- chyme splénique normal comportant une lésion kystique de grande taille, bordée par un épithélium de type malpighien (Fig. 3). La paroi du kyste est fibreuse, par place calcifiée et remaniée par des éléments inflammatoires macrophagiques et lymphocytaires (Fig. 4). Au niveau de l’ovaire, le kyste est bordé par un épithélium malpighien kératinisant. Sa paroi comporte des annexes pilo-sébacées. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Thomassin-Piana). 0242-6498/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2013.10.018

Une tumeur splénique rare

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nnales de pathologie (2013) 33, 422—424

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

AS POUR DIAGNOSTIC

ne tumeur splénique rare

n uncommon spleen tumor

Jeanne Thomassin-Pianaa,∗, Jean-Robert Delperob,Flora Poizata, Geneviève Mongesa

a Département de biopathologie, institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard de Ste-Marguerite,13009 Marseille, Franceb Département de chirurgie, institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard de Ste-Marguerite,13009 Marseille, France

Accepté pour publication le 22 octobre 2013Disponible sur Internet le 26 novembre 2013

Observation

Patiente de 26 ans, hospitalisée pour une masse kystique de la région spléno-pancréatique,mesurant 20 cm de grand axe, associée à une masse ovarienne kystique gauche de 5 cm.

Ces deux tumeurs ont été découvertes par échographie dans le cadre d’un biland’infections urinaires à répétition.

Un bilan biologique retrouve des ACE et un CA 19,9 très élevés (700 ng/mL).Devant ces aspects radiologiques et biologiques une splénectomie et une ovariectomie

gauche sont programmées.À l’examen macroscopique (Fig. 1), la rate pèse 1500 g et comporte une tumeur kystique

de 19 × 16 × 10 cm. En surface du kyste, on visualise des plaques fibreuses blanchâtres en« carte de géographie ».

À la coupe, le kyste a un contenu trouble, bicolore hémorragique et jaunâtre. La surfaceinterne du kyste est lisse.

L’ovaire gauche est entièrement kystique et mesure 5 × 4 × 2 cm. À la coupe, le kystecontient des cheveux, du sébum et l’ébauche d’une dent (Fig. 2).

L’étude histologique des prélèvements réalisés au niveau de la rate montre un paren-chyme splénique normal comportant une lésion kystique de grande taille, bordée par unépithélium de type malpighien (Fig. 3). La paroi du kyste est fibreuse, par place calcifiéeet remaniée par des éléments inflammatoires macrophagiques et lymphocytaires (Fig. 4).

Au niveau de l’ovaire, le kyste est bordé par un épithélium malpighien kératinisant. Saparoi comporte des annexes pilo-sébacées.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (J. Thomassin-Piana).

242-6498/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2013.10.018

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Une tumeur splénique rare 423

Figure 1. Aspect macroscopique : kyste splénique à surfaceexterne lisse comportant des plaques blanchâtres en « carte degéographie ».Surgical specimen: splenic cyst with smooth surface and whitishplaques. Figure 3. Rate : aspect microscopique au grossissement ×100 en

coloration HES : la paroi du kyste splénique revêtue d’un épithé-lium malpighien et la lumière du kyste comporte des lamelles dekératine.Histopathology of the ovarian surgical specimen (HES ×100). Thewall was lined by relatively thin keratinized stratified squamousepithelium and the lumen was filled with keratinized material.

Figure 2. Ovaire gauche : aspect macroscopique après ouver-ture : kyste dermoïde contenant du sébum et des cheveux.Ovarian surgical specimen after opening: dermoid cyst containingsebum and hair.

Figure 4. Ovaire gauche : aspect microscopique au grossisse-ment ×200 en coloration HES : réaction macrophagique au contactdu revêtement malpighien associé à des remaniements fibro-inflammatoires de la paroi.Histopathology of the ovarian surgical specimen (HES ×200):macrophages reaction with fibrous inflammatory alterations of thewall.

Quel est votre diagnostic ?

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iagnostic proposé

yste épidermoïde géant de la rate associé à un kyste der-oïde de l’ovaire gauche.

ommentaire

es kystes congénitaux de la rate sont rares [1]. Ils repré-entent environ 10 % des lésions kystiques de la rate2].

La pathogénie de ces tumeurs consisterait pendant la

ériode embryologique en une invagination de cellulesésothéliales au travers de la capsule splénique entraînant

e développement d’une formation liquidienne aboutissantun kyste. Au contact du liquide, le revêtement mésothelial

rrité subirait une métaplasie malpighienne [3].La découverte de ces tumeurs est le plus souvent for-

uite, plus rarement elles se manifestent par une douleure l’hypochondre gauche ou par des signes de compres-ion.

L’échographie montre une formation kystique souventolumineuse, bien limitée, d’échostructure finement echo-ène à contenu riche en cristaux de cholestérol. Laomodensitométrie montre une lésion hypodense sans etprès injection de produit de contraste [4].

D’un point de vue biologique, ces tumeurs’accompagnent comme dans notre cas d’une augmen-ation significative du CA 19,9 et de l’ACE par irritationésothéliale.D’un point de vue anatomopathologique, ces kystes

résentent dans la majorité des cas une surface externe irré-ulière faite de plaques fibreuses prenant un aspect typiquen carte de géographie. Leur contenu est classiquementicolore comme dans notre cas.

L’aspect histologique est celui d’un kyste épidermoïdelassique plus ou moins vieilli.

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J. Thomassin-Piana et al.

L’association d’un kyste épidermoïde géant de la rate et’un kyste dermoïde de l’ovaire gauche n’est pas rapportéeans la littérature. S’agit-il d’une simple coïncidence ?

La formation des kystes dermoïdes ovarien et extra-varien résulterait d’un mécanisme différent. Ces lésions seévelopperaient à partir de la migration de cellules souchesotipotentes pouvant donner naissance à des tissus d’originendo-, ecto- ou mésodermique.

De tels kystes ont été décrits aussi au niveau du pancréast de la région péri-pancréatique.

Le traitement de choix est la splénectomie partielle ouotale en fonction de la taille du kyste.

Ce traitement s’accompagne d’une régression et d’uneormalisation du taux des marqueurs.

Les techniques d’aspiration ou de sclérose quant àlles présentent un fort taux de récidive et des risques’infections [5].

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

éférences

1] Di Carlo I, Fasone MA, Toro A. Epidermoid cyst of the spleen inthe laparoscopic Era. Dig Surg 2005;22:53—4.

2] Higaki K, Koichi J, Watanabe A, Kojiro M, et al. Epidermoid cystof the spleen with Ca19-9 or carcinoembryonic antigen produc-tions: report of three cases. Am J Surg Pathol 1998;22:704—8.

3] Cordobes J, Molina F, Alvarez-Segurado C, et al. Giant epider-moid cyst of the spleen. Cir Esp 2005;78:55—7.

4] Cervaux A, Dorbois H, Sockeel P, Cozeres C, Robert N, Giro-deau A. Kyste épidermoïde géant de la rate. Feuillets Radiol2007;47:37—41.

5] Omori S, Ishizaki Y, Kawasaki S. Image of the month. Arch Surg2007;142:1009.