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La vie de notre père parmi les saints, Nicéphore, archevèque de Constantinople et de Nouvelle Rome, composée par Ignace, diacre et garde du trésor de la très sainte et grande Église de Sainte-Sophie (son disciple) [1 ] Prologue Section 1 Ô hommes, si le temps des larmes ne m’avait pas appelé vers l’affliction du cœur et si la souffrance de la tristesse n’avait pas réduit les sensibilités de mon âme, j’aurais peut-être pu écrire mon histoire aisément et sans obstacles, autant que possible. Ainsi, j’aurais accompli ma propre volonté, mon texte par contre serait inadéquat pour le sujet traité. Mais en réalité, je ne pouvais éviter de si pénibles difficultés en composant ma narration, lesquelles m’ont engourdi la langue et lui ont ôté tout désir de prononcer des éloges. J’aurais préféré chanter des lamentations et, reculant devant l’effort nécessaire pour chanter des éloges, je suis devenu entièrement découragé. Ô bien-aimés, qu’est-ce qui a perturbé la composition de cette histoire ? Quelle idée a fait naître la tristesse ; quelle est la cause de l’agitation et des ténèbres introduites dans mes pensées ? Mes chers amis, ce sont la destitution et l’exil du père théophore, l’extinction de la toute brillante étoile du matin de l’Église, la perte du héraut de l’unique adoration offerte à Dieu, le silence de la retentissante trompette qui sonnait et réveillait les fidèles à propos de la vraie foi, la mise en cachette du très honoré trésor de l’enseignement immatériel et la réduction au silence des lèvres ailées qui a permis la croissance de l’infidélité légère et pleine de vent. Je parle de celui qui porte en réalité le nom de la victoire [2 ] même si la mort l’a vaincu, comme c’est le cas pour tout homme. La mort de cet homme m’a engourdi la langue, privant celle-ci de tout désir de chanter des éloges ; elle m’a causé la perte de la parole ; et elle a précipité ma pensée

Vie Nicephore

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La vie de notre pre parmi les saints, Nicphore, archevque de Constantinople et de Nouvelle Rome, compose par Ignace, diacre et garde du trsor de la trs sainte et grande glise de Sainte-Sophie (son disciple)[1]

Prologue

Section 1

hommes, si le temps des larmes ne mavait pas appel vers laffliction du cur et si la souffrance de la tristesse navait pas rduit les sensibilits de mon me, jaurais peut-tre pu crire mon histoire aisment et sans obstacles, autant que possible. Ainsi, jaurais accompli ma propre volont, mon texte par contre serait inadquat pour le sujet trait. Mais en ralit, je ne pouvais viter de si pnibles difficults en composant ma narration, lesquelles mont engourdi la langue et lui ont t tout dsir de prononcer des loges. Jaurais prfr chanter des lamentations et, reculant devant leffort ncessaire pour chanter des loges, je suis devenu entirement dcourag. bien-aims, quest-ce qui a perturb la composition de cette histoire ? Quelle ide a fait natre la tristesse ; quelle est la cause de lagitation et des tnbres introduites dans mes penses ? Mes chers amis, ce sont la destitution et lexil du pre thophore, lextinction de la toute brillante toile du matin de lglise, la perte du hraut de lunique adoration offerte Dieu, le silence de la retentissante trompette qui sonnait et rveillait les fidles propos de la vraie foi, la mise en cachette du trs honor trsor de lenseignement immatriel et la rduction au silence des lvres ailes qui a permis la croissance de linfidlit lgre et pleine de vent. Je parle de celui qui porte en ralit le nom de la victoire[2] mme si la mort la vaincu, comme cest le cas pour tout homme. La mort de cet homme ma engourdi la langue, privant celle-ci de tout dsir de chanter des loges ; elle ma caus la perte de la parole ; et elle a prcipit ma pense dans une lamentation qui me fait sentir labsurdit de la vie. Ayant de tels sentiments, je craignais dtre accus dingratitude. Moi, un enfant du pre mort, jaurais prfr me taire et par consquent ngliger une merveille si grande que mme un boisseau doubli ne pourrait la cacher. (Mc 4, 21-22) Alors, tant envelopp dans un nuage de penses insenses et repouss par la tempte du pch comme Isral, ce peuple ancien je me suis persuad de ne pas monter sur la montagne des vertus de cet homme ni de rien toucher delle, prtextant lindignit de mon effort. Je me suis ainsi montr bte par mon audace et digne dtre lapid et bombard de projectiles. (Ex 19, 12-13) Cependant, aprs avoir moi-mme dnonc la bassesse de mon intention initiale, le dsir ma enflamm le cur et sachant que faire son possible est agrable Dieu, je me suis laiss descendre (Ex 24, 17 et 32, 15), autant que possible, dans la profondeur de lloge du pre digne de toute louange. Mais, par vos supplications devant Dieu, en racontant mon histoire, jespre pouvoir saisir la perle cache dans cette profondeur (Mt 7, 6), ensuite remonter et reprendre mon projet labri du danger et finalement vendre le trsor pur (Mt 13, 14) vous qui dsirez le possder. Car, ayant cueilli auprs de Nicphore les ressources qui me permettent de parler, je serais moi-mme injuste envers lui si je ne produisais pas en change un rcit en paroles.

Section 2

Ici, donc, nous allons abandonner les lamentations et nous mettre raconter notre histoire et proclamer ceux qui aiment le bien la biographie du Porteur de Dieu, comme une liste de vertus affiche en public. Car cette uvre sera une joie et une aide pour tous ceux qui par amour ont laiss le bien travailler en eux. Elle rjouira le cur galement de tous ceux qui aiment tendrement les doctrines de la foi pure, car ces dernires manifestent la force vidente de la vrit et coupent les nerfs de ceux qui ne voient pas cette foi correctement. Elle comprendra et en quelque sorte elle rappellera non seulement les traits de caractre de Nicphore et ses habitudes vnrables, mais aussi sa lutte pour la vrit mme, contre tant dobstacles et jusquau sang. (He 12, 4) Mais pour lecteurs de mon histoire, je veux avoir tous les nourrissons de lorthodoxie, et je me rjouis de les avoir, parce que lglise leur a expos son propre sein, je dis lenseignement des doctrines suprieures. Elle les a remplis de la nourriture spirituelle et parfaite pour pouvoir distinguer le bien de ce qui est infrieur. Mais je repousse les autres, et je les envoie loin de moi, ceux qui ont t pris par la doctrine perverse, qui ont draisonn contre le pre, qui se sont vainement efforcs dbranler la pierre de fondation de lglise (Ac 16, 26) et qui pour parler prophtiquement ont confi leur esprance au mensonge. (Is 28, 15) Car ceux qui taient mal disposs son sujet, racontant et faisant toutes sortes de choses terribles contre lui, ils ne se rjouiraient jamais en entendant ses louanges et ils ne seraient jamais daccord avec elles. Car la pit envers Dieu est une abomination pour les pcheurs, comme cela semblait tre lopinion de Salomon et de la vrit. (Si 1, 25) Ses adversaires taient toujours accabls par les piges incontournables de ses discours et tournaient en cercle dans le labyrinthe sans issue de ses arguments. Alors, se heurtant aux obstacles infranchissables de sa logique, ils se tournaient vers de mauvais coups et ne cessaient daboyer contre le saint, comme des chiens sans raison. (Is 56, 10) Car inflexible et tenace est la perversit hrtique et mme si elle est rfute par des myriades de preuves, elle ragit et rebondit honteusement chaque fois.

Section 3

Alors, mon histoire vite la difficult de ces questions, elle se maintient sur le droit chemin, portant devant le public celui que nous louons. Oui certes, il ne parat ni pur ni saint selon moi pour ceux qui louent la vertu dadmirer et de raconter en dtails la ligne familiale et la clbrit mondaine, la patrie et les talents des hommes. Pour ces sujets-l, mme les lois des trangers dfinissent comment prononcer les discours officiels. Dans le cas de Nicphore, raconter ces aspects de sa vie serait encore plus dplac parce quil navait aucun loisir pour eux et il ne se parait que des ornements de la pit, comme il se doit. Car celui qui, travers ses uvres, est reconnu comme une rgle inflexible de conduite vertueuse nira pas la suite des bavardages fallacieux. Mais, par contre, connatre la gloire de sa patrie terrestre, ainsi que la bonne renomme selon Dieu de ses parents, cest un chemin qui mne la joie et cette connaissance rend ainsi lumineuse notre entreprise, comme la expliqu lun des potes lyriques.[3] Eh bien, nous allons maintenant dcrire pour vous toute limage cleste et spirituelle de Nicphore, commenant par le dessin de sa naissance et les esquisses de sa vie matrielle.

Chapitre 1

Section 4

Alors, Constantinople, la premire ville, la reine des villes, porta Nicphore en son propre sein. En ralit, ctait ses parents pieux, mais lui, il tait comme un vivant scintillement dtoile illuminant le monde ds sa prime enfance. Cest lui aussi qui allait teindre limpit du feu hrtique qui bientt slverait de nouveau. Et mme le nom de chacun de ses parents avait un sens significatif: Eudoxie (elle, dcidment de bonne rputation[4]) stant unie par union conjugale Thodore (lui, un don de Dieu[5]) a fait natre Nicphore (758), en vrit de bonne rputation et un don de Dieu, et elle le fait pousser comme un arbre cleste. Des deux parents, le pre Thodore se distinguait tellement en pit, tant si renomm pour elle, quil choisit lui-mme de sexposer aux dangers, lexil et aux calamits pour la vrit. Mais moi, je crois que le pre tait une sorte de prophtie des vnements futurs dans la vie de lenfant, mme comme une prfiguration et une image: lenfant et le pre sexposrent aux dangers pas au mme moment, par contre parce quils partageaient les mmes sentiments et penses.

Section 5

Il arriva en ce temps-l, o Constantin V (741-775) avait assum le gouvernement imprial, que Thodore travaillait comme secrtaire dans ladministration impriale. Ce dernier sornait de la plus pure lumire de la confession et de la foi orthodoxe en Dieu comme un autre patriarche Abraham. (Gn 12, 1-20) Thodore sopposait Constantin, qui perscutait cruellement cette foi, parce quil vnrait en image le Christ, sa trs pure Mre et tous les saints. Mais quand il eut entendu parler limproviste de la pense de Thodore, Constantin, rageant contre la vrit et se gonflant de colre, ordonna Thodore de venir en sa prsence pour se corriger, aussi vite que possible, concernant les rumeurs que lempereur avait entendues. Et Thodore se prsenta comme si lon lavait invit un banquet et non comme sil fut convoqu un procs et il expliqua que lou-dire tait absolument vrai. Et lorsque lempereur eut bien compris les opinions de Thodore et lorsquil eut constat sa ferme rsistance, lhostilit de Constantin senflamma, comme un feu qui jusqu ce moment-l ne brlait que lentement. Alors Thodore se vit expos aux menaces inattendues et aux supplices, comme un condamn. Mais ds que Constantin vit que les traitements injurieux ne faisaient pas plier Thodore, il le dvtit de son manteau doffice et de sa dignit de secrtaire et le condamna un pnible exil, mais pas trop dur.

Section 6

Ensuite, aprs quelque temps, lempereur rappela Thodore de Pmoline (car sa prison se trouvait l) et Constantin lui ordonna de venir lintrieur du palais esprant comme je le pense entendre que Thodore avait reformul ses ides aprs laustrit du mauvais traitement et quil les avait harmonises avec celles de Constantin. Mais en ralit, lempereur trouva Thodore plus ferme dans sa rsistance, tant au-dessus des menaces et de laudace de lempereur. Thodore tait encore plus prt subir dautres tortures plus terribles, si celles-ci survenaient. Thodore avanait tout droit, sans broncher, vers ces preuves ; il dsirait se glorifier des blessures du Christ lui-mme au lieu de scarter de la loi ecclsiastique qui, selon la tradition des aptres et des pres, approuvait correctement de reprsenter le Christ notre vrai Dieu selon sa forme humaine et den vnrer limage. Mais lorsque le saint eut confess le salut haute voix, se sparant ainsi de la doctrine de lempereur et se mettant dans le camp oppos au tyran, lempereur poursuivit Thodore par dautres sortes de tortures, dont celui-ci supporta les blessures le plus courageusement possible. Alors, Constantin bannit Thodore Nice de Bithynie o ce dernier passa pieusement le reste de sa vie, donnant tous limage de la rsistance pour la vraie foi. Finalement, il se transporta vers lautre monde et vers la vie immortelle o il reut les honneurs pour les tribulations dues au discernement quil avait manifest dans sa vie.

Section 7

Et lpouse de Thodore, Eudoxie, sattachait la loi divine, stant consacre comme celle qui aime Dieu et son mari, suivant ce dernier en toutes choses: dangers, exil, perscutions, avec les armes dfensives et offensives de la justice, droite et gauche, selon le divin aptre (2 Co 6, 7) je dis, en peines et en joies. Car tant attels ensemble, ils sencourageaient lun lautre vers des uvres spirituelles plus grandes, ntant pas moins unis par lesprit que par le corps. Alors, Eudoxie, aprs la bienheureuse fin de son mari, vcut longtemps avec son fils qui, prcisment ce moment-l, sappliquait ses tudes gnrales et pratiquait son mtier de secrtaire avec les mains et de lencre, car il avait t choisi comme secrtaire dans ladministration impriale. A secretis est le nom de son poste dans la langue dItalie, ce qui signifie en traduction sur les affaires secrtes. Mais, en effet, Eudoxie vcut assez longtemps pour voir Nicphore, sa propre lampe brillante, mis sur le support de la grande prtrise, et cette lumire brille toujours sur nos chemins. (Ps 118, 105) Eudoxie jouissait du respect et de lhonneur que son fils devait ses parents, aprs Dieu, jusqu sa vieillesse (Ps 70, 18), comme il est naturel. Elle ne croyait pas la scurit de la vie de ce monde, fragile comme les fils de toiles daraignes, et elle se livrait au stade de la lutte asctique, cest--dire au monachisme, se prparant ainsi pour la lutte contre ladversaire. Elle vainquit ce dernier dailleurs, accomplissant dignement la course de sa profession. Et par la mort, elle se mit sur la tte la couronne dimmortalit. (2 Tm 4, 7-8) Alors, avec les vierges dans la chambre nuptiale, elle clbre et veille sur sa propre lampe qui brle toujours par lhuile dallgresse. (Mt 25, 1-13) enfant, tu es heureux davoir eu des parents renomms dune telle pit ! parents, vous tes heureux davoir eu un enfant qui a atteint la vertu !

Section 8

Mais bien que lhistoire prsente ici concernant les parents de Nicphore soit de loin infrieure leur dignit, quelle demeure ce quelle est. Il reste maintenant dire comment Nicphore btit sur la pierre de fondation de la vertu et comment en son cur, il a dispos des ascensions, en parlant comme le prophte David (Ps 83, 6). Nanmoins, moi je crains, par le vertige, de dire ce qui est indigne de Nicphore, mais certes le juste lecteur ne demanderait pas une histoire la hauteur de la dignit du saint. Donc, par quelques petits et faibles moyens, amenant sur moi labondance de difficults, jessaierai de discerner quelque chose de ses russites et de vous faire connatre le tout partir de la partie, comme on connat le lion par ses griffes.

Section 9

Alors, lempereur et la cour impriale voyaient Nicphore comme un divin ornement et une gloire, comme un orateur remarquable, lestimant plus que Philippe estimait lorateur de Paanie.[6] Nicphore ne parlait pas beaucoup, mais agrablement, plutt que de rpondre par une parole flatteuse afin de chercher la louange par le style, mais en rpondant un discours puissant en rhtorique, il proposa le sien qui ne cherchait pas adoucir les auditeurs par llgance des paroles. Plutt, il proposait clairement la voie la plus utile suivre par des paroles simples et sans ornements. Lorsque Nicphore eut vu une partie des adeptes de la saine foi faire naufrage, et parmi eux ceux qui dirigeaient les affaires du gouvernement romain, il calma la tempte, autant quil le pouvait. Car il y en avait qui, dans leur orgueil, liminrent la tradition antique de la loi des aptres et des pres, une tradition transmise lglise irrprochable. Je veux dire certes la production des saintes images et leur vnration. Ils agissaient ainsi comme sils craignaient de voir le Christ reprsent en image selon ses proprits corporelles et ils avancrent droit devant, comme des cochons, contre la mme beaut. (Mt 7, 6) Ces iconoclastes souillrent toute reprsentation divino-humaine du Christ notre vrai Dieu, Lui qui supporta dans la chair nos faiblesses ; celle de sa trs pure Mre et celle des saints qui jadis plurent au Christ. Ils furent une faction locale dvques, vrai dire, une assemble de pharisiens qui jugrent bon de se runir dans la reine des villes.[7] Ce concile l, rageant contre le Christ, fit porter sur lui-mme laccusation de tueur de Dieu. Les membres de ce concile, regardant dun il courrouc la proprit corporelle du Christ, obtinrent de plus la dignit de lutteurs contre le Christ. Ceux-l ne produisirent aucune justification en harmonie avec les saintes critures, mais dchirrent sottement de petits passages des discours des pres loquents contre les idoles. Comme des gens presque endormis, ils traitrent de travers la question discute par les pres, en se servant dune dfinition incomplte ; et ils dplacrent les frontires fixes par les crits des saints pres.[8] Ainsi, ceux-l crivirent la pense de leur propre dmence.

Section 10

Mais lorsque la justice cleste, qui hait les mchants, eut suspendu de la vie et de leur dignit ceux qui rageaient contre lglise cest--dire ceux qui tramaient la mchancet contre notre confession honorable celle qui portait le surnom de la paix, avec son fils Constantin VI [771] comme hritier de son pre Lon IV [775-780], obtinrent de Dieu le sceptre de lempire. Irne tait une femme qui aimait Dieu mais qui avait une volont de fer. Bien que lon puisse lappeler femme, elle en tait une qui surpassait mme les hommes par lesprit pieux et cest par elle que Dieu, cause de la compassion de son amour pour les hommes, poussa la dissension vers le droit enseignement laquelle dissension, comme un serpent, stait furtivement glisse dans lglise dalors. Ainsi donc, Irne accomplit la volont de Dieu, qui nous accorde toujours son secours, en runissant Nice, la mtropole de Bithynie, une assemble de saints hommes[9] venant des extrmits du monde et en ordonnant la rfutation de cette maladie pestilentielle. Et Taraise, le trs saint vque de la capitale, y prsidait et les trs saints vicaires taient prsents: celui dAdrien de lAncienne Rome, celui de Politien dAlexandrie, celui de Thodoret dAntioche et celui dlie de Jrusalem. Et Nicphore fut honor au-dessus de beaucoup de ses compagnons en voyageant avec ces chefs choisis et il lui fut accord lhonneur de faire une proclamation impriale lors de ce saint synode, par laquelle il proclama publiquement tous la puret de la foi. Et comme dun poste de garde bien en vue, il proclama et prsenta clairement la justesse de la peinture antique et sacre des pieuses images et de leur vnration. Alors il sigeait dans la sainte runion mme avant de porter la robe sacre dun vque. Ceci est la premire lutte pour la pit envers Dieu quaccomplit lhomme bienheureux. Ce premier prix et cette couronne, que lon ne peut pas lui ter, sont beaucoup plus prcieux que les couronnes faites de laine, dolivier sauvage et de persil, par lesquelles les anciens pensaient honorer les lutteurs.

Section 11

Et lorsque ce synode de pres, une assemble choisie par Dieu et inspire par le vent de lEsprit de Dieu, eut guid le navire de lorthodoxie au port, la tunique de lglise se trouva de nouveau brode de saintes images et les douleurs de lenfantement de lhrsie fit natre un enfant mort-n. Alors, le grand Nicphore, portant sur lui les sceaux de la victoire, commena un chant belliqueux et pntrant contre les adversaires. Il confirma que le Christ est incirconscrit, dune part, selon sa divinit simple et intouchable, mais, dautre part, circonscrit et descriptible selon son humanit touchable et compose. Il sensuit certainement que le Christ peut tre reprsent dans ses traits corporels, afin que nous fuyions les rves concocts dans limagination des disciples de Mani. Il continuait dire ces choses et penser ainsi et comme il a t dj dit il se vouait au service de ladministration impriale et sattachait aux affaires publiques.

Chapitre 2

Section 12

Puisque Nicphore avait bien appris la trs mystique instruction qui lexhortait se tenir sur les gardes et sattacher Dieu seul (car ainsi il est possible de se sparer des choses matrielles et de se tourner dsormais vers Dieu), il sappliquait avec zle se retirer dans la vie solitaire bien-aime du silence, priant fervemment et imaginant toutes sortes de supplications pour persuader ceux qui le tiraient vers lagitation de la vie du monde de lui permettre dobtenir son dsir. Et naturellement, il les convainquit et obtint permission de faire ce quil navait pas encore accompli. Cest pourquoi, se souciant peu de la place publique turbulente et des bruits confus et agits qui se trouvent au milieu delle, et se couronnant de la gloire de la haute dignit professionnelle de la laine tunique monastique et disant au revoir tout ce qui encourage la lchet, la mollesse et la vie de jouissance corporelle, il partit sinstaller sur une colline en face du Bosphore de Thrace, ne portant sur lui rien dautre que la peau de mouton dlie la pauvret, je dis. [Il allait] vers un nouveau Carmel. La pauvret est en ralit la premire halte prpare sur le chemin des vertus et celui qui la possde se rend incorruptible et il embrasse le genre de vie des anges. Donc, Nicphore tait le grand marchand qui possde cette compagne de route la pauvret et il laimait normment, beaucoup plus que les autres hommes aiment les pierres dOrphir et les fils des Sres soie de Chine et Nicphore alla sinstaller sur le nouveau Carmel, comme il a t dit. La laideur du lieu se voyait par la duret et la difficult du terrain, et le sommet de la montagne tait manifestement trs strile dessch et sans eau, sauf celle que lon y apportait cause de la pente qui tait prive mme de la pluie des nuages.

Section 13

Mais pourquoi faut-il discourir longuement sur la rudesse du pays et linutilit du lieu pour le bonheur ? Il est possible, pour celui qui dsire y aller, de connatre les caractristiques de lendroit au lieu de lire une histoire et de reconnatre ce quil tait et ce quil est devenu ensuite. Alors, Nicphore dpouilla le lieu de son aspect rustique et sauvage, comme dun vieux manteau trou ; il repoussa la strilit pour laisser dvelopper la fertilit ; il mit en fuite la scheresse par des pluies clestes et abondantes ; et rendit le lieu fcond par un systme de citernes communicantes construit dans les crevasses qui stendaient sous terre. Ainsi, il surpassa le charme de la demeure dAlcinoos et du platane en or de Xerxs.[10] combien plus vnrable est la vrit que les histoires mythiques ! Ayant t consacr par des chapelles des martyrs, lesquelles taient compltement ornes des images de leurs saintes luttes, le lieu imitait fidlement le paradis de Dieu, selon lcriture. Qui nadmirerait pas, mme avant davoir lexprience du lieu, la suffisance pour la vie et la capacit du lieu de bien supporter lhabitation. Ainsi, Nicphore organisa le lieu en monastre pour hommes saints, en vue de chanter sans cesse les hymnes de Dieu. Avec ces hommes, Nicphore lui-mme se tenait fermement et sans cesse - nuit et jour - exprimer de saintes paroles et des prires, se complaire dans la modration selon la mesure excellente, sattacher la lecture des saints livres et aux sciences profanes, refuser dadmettre la table de Syracuse[11] et mme den entendre parler, et ne manger que le strict ncessaire pour maintenir la vie.

Section 14

Mais puisque jai mentionn les sciences profanes, je ne crois ni dsagrable, ni certes superflu, de mentionner la rigueur et le haut degr de lhomme concernant les tudes acadmiques, car outre ltude des saintes critures, il ajouta celle de la culture sculire. Dune part, il dsirait que son enseignement soit plus convaincant ; dautre part, il dsirait exposer le manque de crdibilit de lerreur. Comme la vertu de la loi fait proclamer, ceux qui coutent, la comprhension de la distinction entre la justice et linjustice afin que lon pse la juste rcompense entre deux possibilits ; de mme aussi, quant au perfectionnement de linstruction, il convient de porter la connaissance de chacune des deux sciences profanes et sacres en vue de lducation. Pourtant, nous ne mettons pas les deux connaissances sur un pied dgalit Dieu ne plaise ! car la servante nest pas lgale de la matresse et le fils de la servante nhritera pas avec le fils de la femme libre, pour me rappeler aussi les paroles dites Abraham. (Gn 21, 10) Nicphore tait trs fort en grammaire, en les lments constitutifs et en les particularits stylistiques de cet art, par lesquels la qualit haute et pitre de la composition est discerne ; par lesquels la langue de la Grce est corrige ; par lesquels le rythme des mtres est ordonn ; et par lesquels on distingue le disciple parmi ceux qui ne sont que modrment habiles dans lart. Il nest pas difficile non plus de voir que Nicphore se montrait fort aussi dans lart de la lyre son vibrant la voix des orateurs, celle qui a un son doux et charmant. Quant aux expressions recherches et raffines de cet art, Nicphore se dtournait du style spcieux des sophistes autant quil repoussait le bavardage et la sottise. travers la clart et la puret de style, il sexprimait dune manire agrable et plaisante.

Section 15

Quant lacquisition de la connaissance du quadrivium[12] mathmatique, qui prend sa structure partir de limites continues et spares, Nicphore russissait si bien dans ce domaine, par assiduit, quil se procurait la prminence en tout comme sil sexerait une matire au lieu de toutes, et toutes au lieu dune seule. Lorsque les nombres les objets de la science mathmatique se mettent en mouvement, ils produisent lastronomie ; quand ils sont immobiles, cest la gomtrie ; ou encore lorsquils sont en relation, ils produisent la musique ; et quand ils sont sans rapport, ils produisent larithmtique. Mais Nicphore accordait une lyre, non comme celle de Pythagore de Samios ni comme celle du trompeur Aristoxne, mais plutt celle 150 cordes.[13] Et il la jouait continuellement et de ceux qui coutaient, il chassait la maladie de Saul de jadis. Dune part, Nicphore calmait le plus cruel tyran lempereur Constantin V qui se faisait serrer la gorge par lesprit de lhrsie et qui se conduisait comme un homme ivre contre lconomie du Christ, et cela sans aucun regret. Mais, dautre part, il sauva le troupeau des fidles de la ruine rpandue par celui-l.

Section 16

tant vers trs manifestement dans ces quatre petites servantes de la connaissance vritable larithmtique, la gomtrie, la musique et lastronomie Nicphore marchait vers la matresse de celles-ci je dis, la philosophie et sans hsitation et sans dviation vers les principes et rgles de la philosophie. Quelles, et combien, sont les dfinitions de la philosophie quil matrisa suffisamment et quelle est leur nature particulire ; quest-ce qui est propos comme sujet et quoi comme attribut ? Et lattribut est-il propos pour chacun, pour rien ou pour la totalit ; et des choses [questions] semblables ? Et alors les lments, que veulent-ils rvler par eux-mmes ? Et ceux de la physique ou de la gomtrie sont-ils seulement des homonymes ? Combien de prmisses y a-t-il dans un syllogisme ? Comment peuvent-elles tre changes en sens contraire ? Quelle est la force de la proposition contradictoire ? Quelle est la nature des attributs et les conditions supplmentaires ? quoi correspond lindfini selon les philosophes ? Combien de syllogismes y a-t-il ? Quelles sont les figures de rhtorique ? Et combien y en a-t-il ? Quelle est la supposition hypothtique ; quelle est la proposition catgorique ; et quest-ce qui les distingue ? Le raisonnement par reductio ad absurdum est-il efficace pour tous les arguments ? Comment, et combien de fois, ces choses peuvent-elles tre combines ; comment les mener conclusion et rsolution ? Quelle est la composition du faux raisonnement ; quel est le discours sophistique et comment peut-il tre faux et en mme temps persuasif ? Quelle sorte de syllogisme na quune seule prmisse ? Comment se fait-il que le syllogisme dialectique tablit comme vraies, autant que possible, les opinions tenues pour vraies mais non prouves et quel est le raisonnement par induction de ces dernires ? Quelle est la ncessit logique quaurait un syllogisme dmonstratif de chercher atteindre la vrit partir darguments infrieurs ? Lesquelles de ces prmisses posent des problmes, lesquelles sont des axiomes, et lesquelles sont comme des axiomes ? Quelle matire, quels mlanges et combinaisons acceptent-elles ? Quels sont les premiers principes de la physique et comment se fait-il que lon ne puisse les prouver ? Quelle est la stabilit ; quelle est lidentit et combien de sortes y en a-t-il ? O se trouve la diffrence ? Pour quelle chose, comment et quand ? Le progrs des premiers principes est-il continu ; ce progrs na-t-il pas de limites ? Qui met les choses en mouvement ; par quel instrument ; par quel organe de gnration ? Le mouvement vers lavant, quelle chose le pousse sortir et travers quoi et vers quoi converge-t-il ? Par choix ou par force ? Que tient les qualits dun objet ensemble ? De quelle privation existent ces choses, selon ces philosophes ? Le nant vient-il du nant ? Et comment, partir des opposs, ces choses sont-elles pousses vers la naissance, vers lexistence ; et encore comment sont-elles supprimes et dtruites par les opposs ?

Section 17

Aprs avoir tudi ces questions et dautres semblables avec autant dattention que possible et avec une parfaite vigilance, et aprs avoir got leur utilit par le bout du doigt, Nicphore sappliquait ltude du silence digne de maints hymnes de louange et il manifestait lhumilit qui llevait au ciel. Car voici la parfaite connaissance dans un homme: attribuer Dieu, avec reconnaissance, la parfaite comprhension, et savoir quil ne comprend pas ltre profond des choses parce que ces mmes choses ont leur existence selon lessence. Ainsi, Nicphore devint trs fort dans la comprhension des sciences grce la force de sa propre nature, la volont de son esprit et au consentement de la grce divine, mais il ne se pressait pas moins pour autant vers la matrise des vertus divines, car il nestimait pas que son rudition sur ces questions pourrait devenir un obstacle pour lui bloquer le chemin vers la vertu. Plutt par le chemin appropri et par le bon ordre, il faisait du progrs dans les deux sortes de connaissance, arrivant lachvement de chacune.

Section 18

Ayant fait la temprance sa voisine cette vertu qui soppose la nature par la frugalit et la modration, ayant amoindri les gonflements des apptits ingouvernables du ventre ; ayant acquis labsence de la colre par la douceur naturelle de son caractre et prononant lui-mme de douces paroles tous, Nicphore repoussait le visage hideux de la colre. Car la colre semblable celle du serpent ne sattachait pas lui, mais il slevait lui-mme contre le seul dragon qui nous avait machin la chute. Mais il accumulait comme dans un trsor labsence de lavarice cette vertu qui pousse lhomme vers limmatriel mais il ne le faisait pas dans un tonneau comme le Cynique, le philosophe Diogne.[14] Il souvrait continuellement aux pauvres avec des ressources inpuisables, mprisant les biens matriels et se dtournant du chemin qui mne eux. Soccupant propos ne rien faire par ostentation et se procurant ainsi la conscience non trouble, il armait non seulement la main droite par laumne, mais il montrait confiance aussi la main gauche en lui fournissant la connaissance de celle-ci pour atteindre lapatheia complte de cette insatiable maladie [lavarice].

Section 19

Voil pourquoi, par la forte pression des empereurs Nicphore I et Staurakios la grce jugeait bon que Nicphore soit lintendant du grand asile pour les pauvres dans la capitale, cette grce layant prpar davance pour ce poste et, pour ainsi dire, lui ayant remis la direction partielle de lglise catholique. Mais quant aux faits et circonstances de son uvre lasile, il y en a dautres qui peuvent les raconter et cest ceux-l, par amour et dsir, de ramasser les dtails de son excellent travail comme labeille ramasse le nectar des rosiers pleins de fleurs et de mettre en rserve, par les paroles, la qualit de cette activit-l dans la douceur du rayon du miel, cest--dire dans le zle divin. Car je crois que personne ne manquera de donnes portant sur cette histoire, car il en existe maintes et grandes choses et aucun aspect de lhistoire ne sera prfr un autre parce que tout ce qui sera prsent est de la plus haute qualit. Mais nous allons viter lennui de lhistoire caus par trop de paroles, une surcharge qui tire le lecteur vers laversion et avec laide de Dieu nous marcherons vers la suite de notre histoire.

Chapitre 3

Section 20

ce moment-l, Taraise [784-806] tait le porteur de la lumire qui ne dort pas, et il pilotait bien le vaisseau de la foi. Et ce vaisseau, il le montrait suprieur lagitation de lhrsie, le faisant trs bien mouiller au port, nanmoins lourdement charg de la cargaison de lorthodoxie. Ayant quitt les mortels pour aller vers un sort meilleur, le pre Taraise se joignit aux pres [le 18 fvrier 806] . Ayant reu le patriarcat dans lintrt de la vrit, il trouva place parmi les patriarches. Ayant accueilli avec puret la saintet durant sa vie, il se plaa dans la compagnie des saints. Ayant connu et appel les brebis par leur nom (Jn 10, 3), il imita ainsi le Christ, le chef des bergers. Ayant chass les loups par le bton de ses paroles et ayant ramen les brebis vers le bercail de la confession droite et vers celui de la foi (Jn 10, 3-15), il rejoignit les vrais pasteurs. Taraise fut donc cet homme cleste qui dpensa ses forces autant que possible pour mener sur terre la vie mme des anges. Mme aprs avoir plac les rnes de la prtrise entre les mains de Dieu avec son me imprenable et solide comme un roc il pria Dieu avec insistance par une pure supplication, je crois, quun candidat digne de la grande prtrise doit tre prsent et consacr le hraut trs connu auprs de lglise du Christ. Par maintes peines et nombreux travaux difficiles, il coupa lpine piquante de lhrsie celle qui fut ne dans lglise lextirpa jusquaux racines et ta les obstacles et les piges du milieu de lglise par la main de lEsprit. Et en restaurant le champ de la foi par un labeur plein de raison, il sema les symboles de lconomie du Christ, transmis par Dieu, non sur le chemin, ni parmi les rocs, ni dans les pines, mais dans la bonne terre fertile qui, comme disent les critures, centuple la semence. (Lc 8, 5-8 ; Gn 26, 12) Alors, Taraise, mme aprs sa mort, dsirait ardemment connatre celui qui prendrait sa place dans sa terre laboure et il ne fut pas du dans sa prire, car ceux qui cherchent Dieu continuellement le trouvent. Dieu ouvre la porte ceux qui frappent, et exauce les vraies prires. (Mt 7, 7-8 ; Lc 11, 9-10) Par son doigt divin et spirituel, Dieu montra ouvertement que Nicphore tait digne de la sainte onction et indiqua trs clairement son choix lempereur qui rgnaient ce moment [Nicphore I, 802-811] celui qui porta aussi le nom de Nicphore et qui lui-mme fut parfait au sujet de la vraie foi.

Section 21

Alors, lempereur Nicphore I, 802-811 tait en effet trs vif desprit sil en est un. Il avait la tche de trouver, par beaucoup de recherche, un prtendant et un poux pour lglise veuve. Ce candidat devrait sattacher fermement la parole de la foi selon lenseignement de lvangile (Ti 1, 9) et devrait marcher trs sagement sur la piste trace par le pasteur prcdent, Taraise. Voil pourquoi il confra avec tous les prtres et moines, avec les snateurs quil reconnut comme importants et minents, afin que la majorit guide sa volont. Cette mthode est la plus juste et la plus apte assurer le consentement de lEsprit divin. Mais en effet, les hommes tant ce quils sont, il fut impossible que ceux-l aient agi sans penser leurs intrts, ainsi dissolvant la concorde par leurs diffrences dopinions. Alors, chacun vota pour quelquun dautre, essayant ainsi de faire passer son candidat. Ces hommes-l ne votrent pas pour celui que la prvision de la force cleste avait indiqu, mais pour celui que les dsirs individuels imaginaient et avanaient. Mais lactivit de lesprit de lempereur lui suggra Nicphore comme pasteur du troupeau et lempereur encouragea tout le monde tourner les yeux vers Nicphore et leur rappela sa rputation vertueuse: son talent pour dire des paroles opportunes, en discours et spirituels et profanes ; son humilit et sa douceur ; et la puret de sa conscience envers tous et sa conduite qui ne provoqua pas de scandales. (Ac 24, 16) En un mot, comme une tempte de neige, lempereur fit tomber ses paroles sur les oreilles de tous sans toutefois exercer de la pression et il prit les hommes jusquau dernier, comme dans un filet de chasseur, les poussant vers un vote unanime. Alors, depuis ce moment, toutes les lvres et toutes les langues proclamrent Nicphore patriarche.

Section 22

Alors lempereur envoya des hommes auprs de Nicphore pour lui annoncer que sa prsence serait trs apprcie dans la capitale, et cela sans aucune hsitation ni dlai. Nicphore prfra lobissance louable la dsobissance blmable (Rm 5, 19), tout en disant ceux qui voulaient lamener quil ny allait pas volontairement et lorsquil fut arriv au palais et se fut trouv sous il de lempereur, ce dernier lui fit ce discours:

Lempereur

homme qui a une profonde exprience de Dieu, il est vrai que jaurais pu ngliger les ordres divins et men occuper avec indiffrence, mais cela aurait t un chemin large et forte pente (Mt 7, 13) sur lequel jaurais pu rencontrer quelquun qui, ntant digne de lautel autrement que par le fait de le dsirer, aurait t avanc la grande prtrise de la capitale. Mais les divines critures mont averti comment doit tre le candidat qui sera consacr patriarche et qui aura ainsi la charge damener dautres candidats lpiscopat: il doit tre hautement vertueux et intouchable par les mauvaises langues, garder la connaissance, porter en sa bouche la loi honorable. Et pour cette raison, il sera trait comme un ange du Seigneur tout-puissant. (Ml 2, 7) Je crains quen mprisant cette admonition sacre, je ne doive supporter un procs de ngligence et que je nattire sur moi une maldiction. (Dt 11, 26 28) Donc, maintenant, Dieu met entre vos[15] mains la prtrise et les rnes de cette course cleste, non pas pour que lappel soit refus, mais pour voir le salut commun, en vous soumettant la lutte divine. (He 12, 1-2) Car je sais que, suivant Paul (1 Co 9, 26) votre guide et celui de tous la boxe ne se pratique pas dans lair et jai confiance que vous ne courez pas sans comprendre ce que vous faites. (1 Co 9, 27) Par le parfait asservissement du corps, pour pouvoir prcher aux autres, vos excellentes qualits brilleront plus que lor. (1 P 1, 7) Oui certes, agis pour que Dieu exauce ta prire dtre sauv, mais cherche non seulement votre propre salut (1 Co 10, 24) dans la vie monastique, mais aussi le salut de tous (2 Tm 2, 10) qui ne tardera pas arriver. Agis pour estimer convenablement lglise comme la plus gracieuse fiance: celle qui a la perle des doctrines droites et pures pendue loreille obissante ; celle qui entoure la tte dune couronne de grces comme ces pierres inestimables qui sont les crits des pres ; celle qui suspend son propre cou comme un ornement sur la poitrine un collier en or, reprsentant mystiquement le nombre des sept dfinitions des synodes inspirs de Dieu ; celle qui a t encercle de toutes sortes de gloire lintrieur ; celle que lvangile embellit par les images sacres et vnrables. Quaucun mchant ne cherche prendre lglise comme pouse, semant en elle de mauvaises herbes (Mt 13, 25) dune semence hrtique, lesquelles corrompent la beaut de ses enfants lgitimes. Que ne se prsente pas de candidat qui contreferait la foi saine en shabillant de la petite toison de brebis, qui rvlerait le loup de linfidlit cach dedans (Mt 7, 15) et qui pousserait le troupeau vers les montagnes et les lieux o le Seigneur ne regarde pas. Donc, comme compagnon de travail, vous avez lagneau de Dieu (Jn 1, 29 et 36), le Christ notre vrai Dieu (1 Jn 5, 20), pour vous former comme berger ; et comme bton, vous avez sa croix pour soutenir le troupeau dans lenseignement droit. Ne repoussez pas lappel et ne mprisez pas cette demande afin que la colre de Dieu ne tombe pas sur toi.

Section 23

Les conseils de lempereur, comme des traits lancs du cur, frapprent lesprit de Nicphore.

Le patriarche

Mais, mon avis, empereur, le candidat digne de mener le troupeau raisonnable est celui qui ne sattache rien sur terre ; celui qui est rempli de lamour inbranlable, lequel le pousse saisir les votes clestes elles-mmes, l o aucune matire corporelle ne le tire vers le bas. Il ne sexpose pas aux menaces des malheurs lances prophtiquement contre les pasteurs. (Ez 34, 1-10 ; Jr 23, 1-4) Il est plein dardeur pour abandonner sa propre vie pour le troupeau, imitant ainsi larchipasteur et le seul grand-prtre, le Christ. (Jn 10, 11 ; 1 Pt 5, 4) Il ne sapproche pas de la bergerie de lglise par la porte de ct pour dchirer et dtruire par des enseignements vols. (Jn 10, 11) Il prend soin dengendrer, de sauver et de rendre grosses les brebis dans les bergeries de la foi. (Gn 30, 35 43) Il prend part ce qui les concerne: coutumes, pas, regards et occupations. Il diversifie ses mthodes pastorales pour donner les soins ncessaires chacune et par le bton qui lve et soutient, il dlivre le plus grand nombre de la chute, mais parfois, sans les blesser, il soumet certaines la houlette (Ps 22, 4) qui veille ce quaucune souffrance ne touche lesprit. Alors, me trouvant non prpar, moi, nanmoins pouss vers cette guerre, je ne veux pas me lancer contre les soldats invisibles et irrconciliables, tous rangs dune manire ininterrompue pour la bataille. Car, ntant que chair, je ne suis pas capable de manier les armes spirituelles ; on ne peut chapper lattaque de ces soldats, mme si lon se protge autant que possible de toutes parts.

Section 24

Alors, son tour, lempereur rpondit Nicphore.

Lempereur

Ne te sers daucune parole, daucun prtexte de contestation pour rsister au joug sacr du Christ (Mt 11, 29-30), car, comme je lai dj dit, le Logos lui-mme te secourra, sera le copasteur ton ct, agira avec toi et vous fournira toute habilet contre les difficults qui jusqu prsent semblent pnibles.

Alors, Nicphore, qui obit toujours toute divine directive, se laissa persuader et demanda tout de suite lempereur de lui permettre dchanger lhabit laque pour celui de la vie anglique du moine, ajoutant ainsi rigueur la rigueur et associant des accomplissements encore plus difficiles des travaux pnibles dj bien achevs. Lempereur signala son accord et consentit sagement que les mains de son fils et coempereur, Stauracius, ramasse les cheveux coups de cette tte sacre [le 5 avril 806], comme si ces derniers taient la gloire de la robe de pourpre enveloppant les empereurs. Car il fallait que les empereurs, au sommet des dignits terrestres, protgent la chevelure de Nicphore, celle que nourrit le sommet des vertus divines cest--dire sa tte et que Nicphore, sur le point de monter vers la gloire de la grande-prtrise, brille de la gloire leve au-dessus de tous: le monachisme. Donc, la crmonie dinitiation du moine eut lieu selon le plan du trs sage et mystique Denys lAropagite[16] et lordination sacerdotale continua selon les degrs et lordre, en conformit avec les canons sacrs, et immdiatement aprs celle-ci suivit la conscration sacre lpiscopat. Je vais maintenant dire quand et comment.

Section 25

Lorsque lempereur et le snat autour de lui furent prsents dans la grande glise de Sainte-Sophie pour clbrer la fte de la rsurrection effrayante[17] ; lorsque, dans cet espace sacr, leffusion lumineuse du soleil dor, brillant abondamment, eut proclam les scintillements de la splendeur immortelle tant attendue ; et lorsque tous les fidles de lglise, habills en blanc, se furent rassembls, alors Nicphore prsenta une profession de foi, crite jadis par lui, et confessa celle-ci de cur et de bouche, layant dabord lue au clerg. Tenant le document divin entre les mains, il avana la divine imposition des mains. Nicphore alors invoqua lui-mme cette profession, comme tmoin non corrompu, au cas o il violerait lun des articles l-dedans et il dit, par ce vritable et pur acte dadoration, tre prt se prsenter leffrayant et illustre second avnement de notre grand Dieu et Sauveur. Et la fin des mystres de la conscration piscopale accomplis sur lui, Nicphore mit la confession en rserve en dessous de la table sacre, la consacrant par ce fait, et lui attribuant lapprobation de Dieu comme une garantie de sa faveur. Aprs la crmonie sacre de la conscration piscopale, comme par inspiration divine, les fidles clamrent trois fois sur lhomme digne, dune voix digne: Il est digne ! Ensuite, Nicphore monta vers le haut-lieu sacr du trne, comme sur quelque poste de garde trs lev (Hq 2, 1), que ladmirable Habaquq proclame aussi comme divine sentinelle. Le nouveau patriarche alors invoqua la paix sur tout le peuple et reut leur vu en retour. la suite de ces crmonies, Nicphore lui-mme, seul, comme principal clbrant, prsida la sainte liturgie eucharistique.

Chapitre 4

Section 26

Ainsi, Dieu, qui donne sa grce abondamment aux humbles (1 P 5, 5), comme celui qui aime lascension spirituelle, cest--dire Nicphore, dcida de laisser ce dernier semparer du plus haut poste de lglise, et layant atteint, Nicphore commena btir sur elle dune manire digne de lvangile et maintint solide la base de la foi. (Ep 2, 20) Il trouva lglise en paix et sans factions parce que le synode comme il est dit des pres[18] avait aplati les vagues de lhrsie. Ensuite, Nicphore traversa la mer toute calme de lglise, ne craignant contre elle aucun vent contraire et hrtique. Voil pourquoi le zle le poussa sur un autre chemin pour le diriger contre les hrsies infidles et horribles dont les adeptes, prcisment ce moment-l, clbraient des mystres trs impurs, sans rougir de leur propre stupidit, cest--dire les juifs, les Phrygiens et les disciples du charlatan Mani qui buvaient le breuvage de linfidlit. Voil donc pourquoi Nicphore prsenta lempereur un document, crit dune manire trs dveloppe, dans lequel il expliqua les doctrines connues de leurs religions insenses et comment ces dernires contamineraient toute la socit, comme la gangrne, si lon accordait une grande libert leurs fidles pour faire ce quils voulaient. Et il montra cela dans cet crit o il frappa le judasme dicide, dune part, et les propos futiles et monstrueux des Phrygiens, dautre part. Il cassa les hallucinations des manichens afin que les paroles maudites cessent de sortir de leurs lvres et que lon chuchote les sottises de leur fraude en secret et en cachette. Et les autorits leur enlevrent la libert de la parole pour empcher ces impies dagir mme secrtement.[19]

Section 27

Ainsi, louragan des hrsies impies se calma peu peu et la rectitude de notre vraie confession, tant sous un ciel absolument serein, devint la base du repos du septime jour de lglise de Dieu. Mais puisque les affaires extrieures allaient bien pour lui, Nicphore tourna son attention vers les affaires internes je dis certes en ce qui concerne la discipline monastique. Certains hommes qui avaient alors choisi cette vie cleste, ou qui avaient mme exprim le vu de la choisir, pensaient quil fallait tablir leurs monastres prs des couvents des femmes, apparemment pour tre prs des femmes de leur famille ou pour vivre prs des femmes de grande renomme. Mais fuyant la cohabitation elle-mme, ils ne pouvaient compltement empcher leurs penses de courir vers le sexe. Ils [les moines et les moniales] avaient toutes choses en commun, les biens et les moyens dexistence, contrairement ce qui est dit des croyants dautrefois. (Ac 2, 44 et 4, 32) lpoque apostolique, pour bien se dbarrasser des possessions, les croyants prfraient mettre leurs biens dans un trsor commun, mais au temps de Nicphore, les moines et les moniales sefforaient de mettre toutes choses en commun dune mauvaise manire pour ne pas, en fait, se dbarrasser de leurs biens. Il y avait aussi un peu de dsordre dans la vie trs leve et tous tinrent la profession de virginit en suspicion de mal. Alors, voyant cela, le trs pur esprit de Nicphore ne supporta pas que cela continue ; il ne permit pas non plus que lindiscipline coure partout pour devenir un malheur gnral et quelle aille la drive vers la passion de la vie de jouissance. Mais, se servant de son autorit apostolique, Nicphore choisit des vques trs attentifs ce problme. Ces derniers avaient dans le cur le zle de Pinhas (Nm 25, 7), comme si Nicphore les avait envoys prcher lvangile une seconde fois (Lc 9, 2) pour crever la souillure de la passion par une lance canonique et pour arrter la dgradation par une exhortation paisible. Ainsi, ces vques allrent partout o cette maladie svissait, se servant propos des mdicaments gurisseurs, et ils se pressrent pour hter la gurison de la meurtrissure mortelle. Par consquent, ils placrent la rsidence des moniales loin des hommes et fournirent ces dernires dabondantes provisions pour quun manque de biens ne les accable pas, quelles naient pas de souvenirs du dsordre et que les dernires choses ne deviennent pas pires que les premires. (Mt 12, 45 et 2 P 2, 20) Alors, les vques sparrent les hommes selon leurs propres coutumes et monastres, ou plutt selon les sens spirituels de chacun, et les persuadrent de fuir toute vitesse la vie commune des femmes, comme on fuit la morsure du serpent, afin que le penchant vers les plaisirs, regardant par la petite fentre des penses, ne lance pas de traits et ne produise pas de blessures spirituelles. Ainsi, les bliers de la temprance, les vques, guidrent avec mesure le troupeau sacr des moines et ils apportrent larchipasteur le profit spirituel de leur travail ainsi que les intrts appropris.

Section 28

Mais dans toute ville ou rgion, si Nicphore trouvait cette maladie en pleine pidmie, il sy impliquerait personnellement et prescrirait un traitement pour elle par plume et encre. Cest comme cela quil se distingua en parcourant ltendu dune des rgions administratives du Taurus. En ce temps-l, le gouverneur dune province[20], ayant t englouti par cette honte, provoqua le divorce en introduisant chez lui une femme autre que sa propre pouse. Alors, Nicphore se donna la tche de purifier le gouverneur de la souillure blmable et il lui reprocha le pch directement par des menaces et des avertissements crits parce quil ne voulait pas se tenir lcart de cette honte. Sil nagissait pas ainsi, il serait justement passible de sanctions. Et les choses restaient peu prs comme cela.

Section 29

Puisque Nicphore voulait vivement que la puret de sa propre foi droite corresponde aux dcrets des pres et puisquil se disait daccord avec la coutume ancienne et canonique exigeant que lon communique les affaires de la foi aux trnes apostoliques, il exprima et garantit cette foi par des lettres synodiques quil envoya Lon, alors pape des Romains [811]. Dans son message, Nicphore exprima la foi orthodoxe et invectiva les hrsies htrodoxes. Et si quelquun veut connatre la puissance de sa parole, quil lise ce message et il gotera de labondance et du srieux de ses connaissances en divines doctrines. Alors, saint Lon admira la lettre, la reut avec la plus grande joie, lembrassa et la dclara trs clairement conforme aux doctrines minentes de Pierre, car dans ses doctrines, Nicphore proclama si brillamment que la Trinit consubstantielle a la mme nature et le mme honneur, que rien ntait infrieur la rigueur des thologiens les plus forts. Donc, Nicphore fit voir clairement et proclama publiquement lavnement, dans ces derniers temps (1 P 1, 20), de lUn de la Sainte Trinit cest--dire du Christ notre vrai Dieu (1 Jn 5, 20) qui sest incarn de la toute sainte et trs pure Vierge et Mre de Dieu. Ses dclarations furent conformes aux synodes cumniques afin que rien de ce qui concerne le culte de ladoration trs auguste ne se trouve sans expression. Il professa ouvertement les supplications Dieu et les intercessions de la sainte Mre de Dieu, ainsi que celles des puissances clestes, des aptres, des prophtes, des illustres martyrs et de tous les saints et justes ; leurs vnrables reliques ; et leurs images sacres: tous sont dignes dun trs grand honneur, tant il est juste que soient honors et clbrs ceux qui vcurent ainsi et que Dieu vit comme admirable. (Ps 4, 3) Ainsi, le nouveau patriarche maintint solidement ladoration en esprit et en vrit (Jn 4, 23) du seul Dieu vritable et digne dadoration ; il mlangea donc la plus transparente boisson du sain culte dadoration non comme une boisson fermente trouble (Is 5, 22 et Lc 1, 15), mais mlange selon des formules transmises par Dieu: une boisson qui remdie toute ruption dhrsie impure naissant chez un voisin. Est-ce donc seulement par une confession que ce grand homme exposa clairement le fondement de la vraie foi ? Et le zle ne sattacha-t-il pas cette confession ? Ou, ceci tant certain, prserva-t-il cette confession dans son cur loin des dangers ? Mme si ces derniers lavaient endurci comme lacier, prfra-t-il, par peur de parler, la dsapprobation de Dieu ? Non certes ! Mais il prfra plaire Dieu par la confession, avec zle et au milieu des dangers. Et son discours si utile la vie plus coupant quun couteau (He 4, 12) est suspendu sur les curs, tranchant justement les ides de ceux qui choisirent de gouverner les affaires divines dune manire despotique.[21]

Chapitre 5

Section 30

Alors, lennemi, Satan, observait ces vnements. Cest lui qui regarde toujours les nobles choses dun il jaloux, qui suscite un violent ouragan contre ceux qui se tiennent ferme, qui sme une irrconciliable haine dans le calme de la mer et dans la stabilit de la paix et qui coud des loques pourries et hrtiques la tunique sans coupures de la foi. Il ne supportait pas de voir la paix de lglise et de ltat dirige en droite ligne et sans trouble, mais suscitant plutt un dsordre qui cadre bien avec sa propre audace, il fomenta une guerre soudaine contre les deux. Ne forgeant pas de flches aiguises ni dpes, comme font les soldats pour le combat corps corps, mais aiguisant les langues par sa propre mauvaise nature (Ps 63, 4 et 139, 4) sachant pratiquer le mal, il suscita le combat prtextant des dangers pour lme et nomma Lon[22] empereur, celui qui rcemment senorgueillit davoir saisi la royaut. Lon, cet homme-camlon, se montrait multiforme par la varit de son impit. Il rejeta la raison au moment de sa propre proclamation comme empereur et attira les meilleurs hommes vers la pense impie. Cest comme si, ayant attaqu lancien peuple dIsral au temps de Mose, il se montrait ce moment-ci envers le nouvel Isral plus effrayant que les Amalcites.[23] (Ex 17, 8-16). Ce Lon-l tait plus inhumain que Sennachrib (2 R 18, 7-19), plus insolent que Rabsaks [le grand chanson, Si 48, 17-21], et plus honteux que Nebuzaradn (2 R 25, 8-21 ; Je 52, 12-27), lesclave du ventre de Nabuchodonosor.[24]

Section 31

Alors, Lon sopposa lempereur [Michel I Rangab][25], qui lavait honor ; il tint pour rien et lhonneur et lhomme qui le lui avait accord, car il dcida de se saisir du trne. Et en effet, Michel lavait tabli chef de la premire cohorte de larme des thmes[26], comme on les appelle. Michel I Rangab dclara la guerre aux Huns en Thrace [aux Bulgares], eux qui ravageaient beaucoup de villes de cette rgion. Pendant cette opration, Lon devint le premier artisan de la dfaite et causa la honteuse fuite de toute larme.[27] Voil pourquoi Constantinople avait lempereur entre ses murs, lui qui ne profitait en rien des bons fruits de la victoire. Mais Lon corrompit les soldats par des paroles dinsurrection, minant leur loyaut et dtournant celle-ci son profit par de vides espoirs et ensuite, il se revtit de la dignit impriale par usurpation. Ensuite, le misrable Lon arriva trs vite la capitale et, entrant lintrieur des murs, comme il naurait pas d faire, la foule lescorta avec les honneurs, selon la coutume, sur la route qui mne au palais imprial et l, Lon enleva la dignit impriale que Michel avait avant lui. La simplicit de linnocence parait ce dernier au-dessus de la pourpre. Lorsque Michel eut comprit que le cruel Lon hurlait et rugissait contre le gouvernement, il dchira ses vtements impriaux en or et les changea pour une robe noire, et se coupa les cheveux. Alors, accompagnant sa femme et ses enfants lenceinte sacre de lglise, il sy enferma.[28]

Cet exil interne persuada Lon aprs un certain temps et avec difficult de ne pas svir cruellement contre Michel. Mais plus vite que la parole, Lon envoya Michel en exil parce quil avait hte de se ceindre la tte de la couronne impriale.

Section 32

Alors, Nicphore, le porteur de Dieu, observait ces vnements et, rflchissant au fait que Lon tait trs sentencieux et versatile dans ses opinions, il dtermina de persuader lempereur par les crits traditionnels de la foi. Et ayant prcisment compos un texte contenant la confession de foi sur notre culte dadoration irrprochable, il exhorta Lon, par lentremise de quelques vques, de le signer de sa propre main. Lon indiqua quil tait tout fait daccord avec le texte, mais il voulait attendre et le signer aprs le couronnement. ce moment-l, il serait prt se soumettre aux exigences ecclsiastiques. Mais, tant piqu par laiguillon de son esprit et par lobscurit de son me, il profita mal du texte du patriarche, comme sil avait dj sign son nom sur un texte hrtique, mme avant le couronnement. Ainsi, il se donna entirement aux dmons qui le menaient et l, au lieu de se laisser persuader par les pres qui avaient un grand dsir de le guider vers le salut.

Section 33

Alors lempereur arriva lglise pour le couronnement. Et au moment o le grand-prtre Nicphore tait sur le point de placer la couronne sur la tte de Lon, lil-qui-ne-dort-pas, faisant voir les vnements venir, jugea bon de donner une indication au juste patriarche quant son propre avenir. Aprs la prire et llvation de la couronne, lorsque le patriarche sapprtait placer la main sur la tte de lempereur, le saint croyait sappuyer les mains sur des pines et des chardons et ainsi mit la couronne sur la tte de lempereur de telle sorte quil cria avoir senti une douleur perante. Car cette tte pineuse, du fait que le saint la toucha, annona la violence impie de lempereur qui allait bientt se briser contre lglise.

Section 34

Mais Lon quitta lglise aprs stre ceint la tte de la couronne impriale. Cest sur cette tte-l quallait justement tomber le dernier coup parce que Lon avait mpris les justes.[29] Donc, le deuxime jour du rgne, Nicphore le porteur de Dieu pressa encore lempereur nouvellement install de signer la confession de lorthodoxie, mais Lon refusa violemment de le faire. Ayant teint la pourpre impriale de mensonges et stant mis le masque de Prote[30], Lon se montrait inconstant en se mettant daccord avec tous ceux quil rencontrait, les uns aprs les autres. cette me qui avait des craintes superstitieuses qui branlrent la base de la foi ! la course errante et incontrlable de ses penses qui tromprent la doctrine raisonnable de la droite confession ! quelle tresse entortille de mensonges, divise en diverses opinions qui prirent au pige lhomognit des droites doctrines ! Car lempereur ne livra sa premire bataille ni aux rivaux ni aux ennemis qui, ce moment-l, dvastaient les rgions autour de la ville[31], mais il entreprit la guerre contre Dieu qui lui avait donn les rnes du pouvoir. Dieu en connat les raisons. Comme je lai dit tout lheure, Lon sinquitait peu, ou pas du tout, des ennemis parce que la force lui manquait daller leur rencontre ou de leur livrer bataille face--face, et ceci cause du projet plein dintrigues quil avait tram autrefois et qui tait la cause de la dfaite. Il savana contre le Roi de tous, menaant par tous ses moyens et toute sa force denlever de lglise limage du Christ. Alors, il aurait d honorer une pratique vnrable ; embrasser une pieuse tradition dOgygie[32] ; rendre plus sr le chemin foul par les pieds de Dieu, o les saints avaient dj laiss leurs traces ; et stonner de la rsistance du pasteur porteur de Dieu. Pourtant, Lon soutenait la folie du serpent et, tant atteint dans sa raison par la pense trompeuse, il tenait ferme son dessein. Comme ce servile Roboam[33], Lon rejeta chaque parole des anciens et le conseil des prudents, des opinions qui sont trs utiles celui qui les entend. Il prtait loreille par contre aux petites histoires des jeunes et aux fables de vieilles femmes des paroles futiles, dites dun esprit terrestre et non cleste. Et ces paroles promettaient Lon une longue vie et de nombreuses victoires condition quil vomisse son impit sur ce qui tait la foi de jadis.

Section 35

Alors, Lon runit autour de lui un comit[34] des notables quune sanction canonique avait exclus de la sainte liturgie et, mme sils ne voulaient pas donner leur assentiment, ils se laissaient flchir par les menaces de la violence. Lon leur assigna un endroit dans le palais et leur accorda une allocation pour les amener une vie molle et sensuelle, comme des porcs, et lapostat enfantin commanda tous de composer une nouvelle foi. Mais ceux qui taient fiers de laudace impriale comme ce mythique gon[35] coururent dans presque toutes les glises, de la manire la plus grossire, cherchant et enlevant des livres. Dune part, ils aimaient les crits qui condamnent les idoles parce que ceux-ci dfendent leur pense, mais, dautre part, ils brlaient les textes crits pour dfendre les images parce que ces derniers rejettent leurs histoires fantastiques.

Section 36

Lon aussi convoqua auprs de lui la plupart des vques pour dfendre cette nouvelle politique. Lorsque ces derniers eurent fait escale dans les ports en face de Byzance, ils envoyrent un message auprs de larchipasteur, le patriarche Nicphore non pas de leur propre volont, mais selon la coutume courante. Ensuite, ils firent le passage la ville vers Nicphore. Mais, se heurtant lopposition de lempereur, ils furent enchans de force et passrent par les chtiments dchtos et Phalaris.[36] Et si ces vques acceptaient lopinion de Lon et de ses amis, labsolution des peines et le pardon sen suivaient ; par contre, si quelquun tait piqu par laiguillon de la vrit pour sopposer en quelque manire limpit, il tait perscut rsolument, condamn corporellement la prison, priv de nourriture et soumis aux terreurs de lenfer. Il nexiste rien de plus insupportable que les apparitions fantomatiques dEmpoussa.[37] Ainsi Lon runit le conseil du second Caphe ; ainsi sexerait la lutte de la vantardise de Janns et Jambrs contre le nouveau Mose. (2 Tm 3, 8 ; Ex 7, 11 et 22) Alors, les inventeurs des tnbres et les chefs et prcurseurs de lAntchrist rejetrent le pre Nicphore, ltoile de la prtrise et du monde habit. Cest eux qui menaaient de rduire au silence le docteur, tout en exhortant enseigner dans les glises ceux qui ntaient mme pas encore tudiants. Ils bloqurent le cours de la rivire courant dor de sa parole si raisonnable et ils ne craignaient mme pas de livrer sciemment lglise ceux qui creusaient eux-mmes leur trou de perdition et qui navaient pas deau de la sagesse. Ils empchrent larchiprtre Nicphore de sapprocher de la table sacre et livrrent les sanctuaires des saints ceux qui navaient mme pas le droit dentrer dans la maison de Dieu. Ils branlrent les colonnes de lglise, comme il leur semblait bon de faire, et ils se vantaient dappuyer celle-ci sur leurs sottises vaines et instables.

Chapitre 6

Section 37

Nicphore, le trs dvou serviteur de Dieu, observant ces vnements, fit toutes sortes de supplications Dieu, le priant et appelant son aide pour que lglise se conserve fidlement irrprochable et que les souillures impures de lhtrodoxie nentachent pas la puret du troupeau. Voil pourquoi il les convoqua tous [fidles et clercs] chez lui, les avertissant et les exhortant ne pas se mler du levain de corruption des hrtiques. (Mt 16, 6 12 ; 1 Co 5, 6) Il tcha de les convaincre de fuir les avortons trangers de leur enseignement, comme on fuit le venin et les rejetons des vipres. (Mt 3, 7 ; 12, 34 ; 23, 33) Il dit ceci:

Le patriarche

- Les hrtiques ninfligent pas de blessures corporelles que les drogues de la mdecine peuvent gurir. Ils font couler plutt dans le for intrieur de lme un danger que les pansements sur la peau sont impuissants toucher. Ne nous inclinons donc pas devant la pression du moment, ni devant la politique dfendue par lempereur, car mme si lhrsie trane celui-ci derrire elle et avec lui un grand nombre dinsenss, leur pouvoir naboutira rien et ne comptera pour rien dans lglise de Dieu. Dieu ne se complat pas ncessairement dans le plus grand nombre, mais dans un seul qui craint et tremble devant lui et qui observe ses paroles ; il montre clairement que celui-l est toute lglise. Par la prire, apaisons la bienveillance offense de Dieu. Adoucissons le Seigneur en le priant ardemment debout toute la nuit. Demandons-lui que nous ne souffrions pas tout ce que nos perscuteurs pressent contre nous.

Lorsque Nicphore eut dit ces choses, lglise contenait tous ceux qui clbreraient une vigile de prire pendant toute la nuit.[38]

Section 38

Et lorsque lempereur se fut rendu compte de la signification des hymnes, la peur et la lchet le saisirent, bien que les clercs naient rien ourdi de sditieux. Nanmoins, la crainte que Lon sentait dans son cur envers Nicphore ainsi que son hostilit envers larchiprtre gnaient lempereur. Alors, au chant du coq, Lon, angoiss et irrit, envoya un messager dans lglise, par qui il lana une accusation contre larchipasteur au sujet de la vigile, comme si Nicphore tait la cause de lagitation. Voici laccusation:

Lempereur

Lorsquun empereur agit pour diriger tout vers la paix, il ne faut pas vous occuper de dissentiment et de divergence dopinions et prier contre la paix. Mais, puisque lon vous a observs en train de faire des choses contre la volont de lempereur, venez au palais, ds le lever du jour, afin que lempereur puisse discerner plus clairement toute cette affaire.

Mais lorsque les clercs eurent entendu le message, ils manifestrent une ardeur qui dpasse lentendement, car tous eurent des larmes de supplication, venant du cur ; tous staient forcs de prier celui qui surveille tout dagir comme juge et de garder la justice envers la foi catholique. Ainsi, la prire termine, le trs saint pre Nicphore, qui avait convoqu la runion sacre, se plaa au centre pour dire ceci:

Section 39

Le patriarche

- assemble choisie de Dieu, il ne convient certes pas de voir lglise, mme en songe, dans ltat o elle se trouve aujourdhui telles les choses sont horribles qui sexercent contre elle parce que, tant jadis habille de la plus brillante lumire, elle est maintenant revtue de lobscurit ; parce que, tant jadis dans une paix profonde, elle est maintenant pousse vers les discordes ; parce que, ayant nourri tout le monde jadis par une volont parfaite (1 P 5, 2), elle affronte maintenant, contre son gr, la rapine des brebis quelle nourrissait ; et parce que, en ordonnant tous de se mettre daccord, elle est divise par des opinions diverses. Cest elle, lglise, que le Christ a sauve par son propre sang (Ac 20, 28), quil a garde pure de toute souillure et tache (Ep 5, 27), quil a entoure daptres, de prophtes, de martyrs et de tous les esprits des justes, lencerclant de fortifications parfaites, comme un paradis. Mais maintenant, nous la voyons souffrant ces outrages et par la prire, nous nous efforons de dtourner de nous cette souffrance, cause par nos ennemis qui semblent tre des ntres, mais qui nous sont en fait compltement trangers. Car aujourdhui, mme larchtype, le Christ lui-mme, est dshonor en son image[39], sil est vrai que lhonneur de limage passe au prototype.[40] Aujourdhui, les ennemis de la vrit amputent et touffent autant que possible la tradition que lglise a prserve ds lorigine, en paroles et en crits, et on met dans loreille une tradition dont on na jamais entendu parler. Mais les menaces de ceux-l ne devraient pas nous abattre, ni diminuer notre ardeur. Il faut plutt en fait nous relever, comme pour la guerre et soutenus par des allis. Car les ennemis de la vrit ressemblent ceux qui dpensent toute leur force pour nager contre-courant dans une rivire violente. Ceux-l luttent contre la rivire pour avancer et mme sils ne le veulent pas, ils sont emports par le courant. Et sont nombreux ceux qui disent des sornettes contre la vrit [pourtant] ils sont daccord avec elle, mme sans le vouloir. La vrit est quelque chose dinvincible et de tout puissant, accordant une grande force sur chacun des deux cts dans un combat [pour la victoire et pour la dfaite]. Elle sait couronner de chaque ct lorsquelle est honore ; elle sait vaincre partout lorsque quelquun lui fait la guerre. Avec elle, mme lhomme sans armes est invulnrable ; sans elle, par contre, mme le soldat est facile prendre. Ceux que vise notre discours peuvent tmoigner de la vrit de ce que je dis. Car ceux qui ne se soucient gure de la vrit sont devenus des farces pour ceux qui ont appris les matires lmentaires, et ils se suffisent eux-mmes pour se contredire et ils se sont rassasis de leur propre chair comme ceux qui sont fous.

Section 40

Eh bien donc, Nicphore, ayant rapidement prononc de telles paroles, mit sur ses paules le vtement sacr[41] et avec tous ceux qui taient dans lglise, il alla au palais imprial o Lon ne laccueillit pas, selon la coutume, en lui serrant la main et en lembrassant avec affection cest--dire par des signes de sa disposition pure et sincre. Lempereur, le regardant plutt dun air mcontent comme sil voyait un insens et un imposteur, savana et prit place sur le trne imprial, mais au juste Nicphore, il donna une place de moindre honneur dans la deuxime zone autour du trne. Alors, quant ce que le patriarche et lempereur se dirent, lun lautre, une fois seuls, et quant aux paroles des divines critures dont Nicphore couvrit Lon, comme la neige dans une tempte, jen parlerai bientt, au moment opportun. En effet, Lon ce petit homme chtif que limpit cernait sapprta convaincre le saint ; voil pourquoi Lon se lana contre Nicphore, isol et priv dallis et darmes. Donc, Lon commena dire ce qui suit comme si, jaillissant dun abme trs profond, la colre violente lui enflammait lesprit:

Lempereur

Quelle dissension, Nicphore, avez-vous complote, ou plutt quel rassemblement tmraire contre lEmpire avez-vous convoqu ? Car celui qui sefforce de rassembler en dehors de mon autorit, denseigner une autre doctrine et dimaginer des plaintes contre Dieu et sa religion, celui-l ne fait rien dautre que de se lancer lui-mme contre le salut commun. Car si mon pouvoir avait prfr faire quelque chose au sujet de la rfutation des droites doctrines et sil avait essay de bouleverser lAntiquit de celles-ci comme vous le dites quelquun aurait maintenant le moment opportun et la raison de rpandre autour de moi des reproches et de maccuser dhtrodoxie. Mais puisque jaime le droit enseignement de ces doctrines-l, puisque je prfre dtourner toute dissension et puisque je dsire que tous saccordent sur la foi, pourquoi aurais-je lair de commettre une injustice, moi qui dsire entretenir la paix dans lglise ? Ne savez-vous pas quune faction nombreuse sme le trouble et sloigne de lglise cause des peintures et du placement des images dans les glises, mme si les ordonnances prises dans les paroles des critures au sujet de linterdiction des images ont t apportes ? Mais si ces textes ne sont pas examins et restent ngligs, rien nempche le consensus de la foi de se disloquer en divisions et le reste de la cicatrisation du droit enseignement de viser la gurison. Donc, je vous exhorte, Nicphore, de discuter avec ceux qui doutent au sujet des images, et sans aucun dlai, car jai dcid que vous les convaincrez ou que vous serez convaincu afin que moi aussi qui connais justement les choses qui sont dites je me mette du ct de la justice et que je lui accorde ma force. Mais si vous nacceptez pas de le faire et si vous voulez poursuivre la justice vous-mme en silence, il nest pas incertain o vous serez plac.

Section 41

Alors, prenant la parole, Nicphore le porteur de la lumire et de la vrit rpliqua:

Le patriarche

empereur, je ne suis pas lartisan de projets visant la dissension et la contestation et je nai pas non plus brandi ma prire contre votre autorit comme une arme. Car je me rappelle que lcriture prescrit de prier pour les rois et non contre eux. (Es 6, 10 ; 1 Tm 2, 1-2) Je ne dtourne pas la saine doctrine de la foi vers la maladie de lhtrodoxie, mais je demande de rpudier cette dernire cause des commandements reus de Celui qui est le guide de la vrit. (1 Co 13, 6 ; Ps 24, 5) Je sais ceci et je vous implore de le reconnatre aussi: tous les hommes confessent au moins ceux qui ont un peu de raison que la paix est le premier bien de sorte que si quelquun la dtruit, il sera grandement responsable de beaucoup de maux, non seulement de ceux de ses voisins, mais aussi de ceux de sa propre famille. Donc, le meilleur empereur est celui qui peut naturellement faire natre la paix de la guerre. Mais vous, vous avez dcid de me faire la guerre une guerre qui na pas de cause juste au moment o les affaires des glises vont trs bien. Et les droites doctrines brillent, celles par lesquelles la croix du Christ est prche, (car ni lOrient, ni lOccident, ni le Nord, ni la mer ne sont placs hors de la splendeur de ces doctrines) et vous avez dcid de les remplacer compltement par quelque enseignement obscur dhommes corrompus. Quelle Rome, appele le premier sige des aptres, est daccord avec vous pour abolir limage vnrable du Christ ? Elle se rjouit plutt avec nous pour lhonorer et elle sassocie nos peines pour elle. Quelle Alexandrie, la patrie auguste de lvangliste Marc, a renonc avec vous lever la ressemblance corporelle et matrielle de la Mre de Dieu ? Elle saccorde et travaille plutt avec nous sur cette question. Quelle Antioche, le sige de grande renomme du coryphe Pierre, se met daccord avec vous pour outrager les images des saints ? Elle nous aide plutt les vnrer selon lantique coutume. Quelle Jrusalem, appele la demeure du frre de Dieu, a le mme sentiment que vous pour supprimer les traditions des pres ? Parmi vos sujets, quel prtre que gouverne votre autorit, vous suit et vous appuie en se soumettant sans force ni contrainte ? Lequel des synodes catholiques, par lesquels lEsprit divin a dfini le symbole de la foi pure a parl comme vous concernant les images ? Car celui qui se dvt de laccord avec ces conciles ne pourra tisser un vtement de doctrine pour lglise. empereur, ne donnez pas votre main lhrsie tendue par terre, abattue ; ninsufflez pas non plus cette hrsie condamne un juste silence une nouvelle voix contre lglise. Par une voix, la vtre, jetez cette hrsie loin de nous, avec ceux qui lont invente. Quelle aille aux corbeaux. Quelle soit envoye au gymnase de Cynosargs.[42] Que la magnificence de lglise reste toujours sans gale. Comme votre majest la dit tout lheure, nulle part sous le soleil, on na souhait affliger cette glise cause des images sacres. On na cherch semer aucun dsordre contre le bon ordre habituel de lglise. Partout, elle se montre tranquille et solide, lemportant sur les ouragans, sur les agitations et mme sur les portes de lenfer. (Mt 16, 18) Ne lancez pas de doctrines rvolutionnaires contre notre tradition dj plante et en train de crotre, car ces doctrines ont lhabitude de parler par lamour delles-mmes et ne pas de parler du Seigneur. Celles-l sont les avortons de ceux qui rotent du ventre. Car je sais que mme vous, vous avez vnr la pure foi avant votre couronnement. Si quelque lment des doctrines htrodoxes a branl votre droite vigilance et si une parole, pouvant souiller les oreilles, vous a transperc loreille, vous a sduit et vous a engendr des troubles, nous affirmons pouvoir obtenir pour vous la libration de cette parole corrompue, par le consentement de Dieu, si vous voulez la trouver. Ceci serait pour moi une obligation et mme la plus urgente de toutes mes obligations: vous enlever jusqu la racine le scandale qui vous touche, par la grce de Dieu. Mais je ne considre pas ncessaire de mouvrir la bouche et de discuter les choses de lEsprit avec ceux qui sont hors de lEsprit et mme si je suis mis lpreuve, comme tant responsable de toute misre, je ne cderai pas devant les paroles qui ont t coupes et colles ensemble partir des critures et des textes des pres. Car autrefois, beaucoup de pres ont rfut ces collages et ont pri.

Chapitre 7

Section 42

Alors, Lon rpondit:

Lempereur

Mais Mose semble avoir t soucieux de la parole vraie sur cette question ; ntes-vous pas daccord ? Vous savez trs bien nest-ce pas ? que les paroles de Dieu sont celles de Mose, selon lesquelles Dieu ordonne de ne pas faire didole ou de ressemblance, non seulement de lhomme mais, purement et simplement, sans restriction, des oiseaux qui volent dans les airs sous le ciel, des animaux qui vivent sur la terre et des poissons qui nagent dans leau ? (Ex 20, 4 5 ; Dt 5, 8) Comment se fait-il donc que vous honoriez des images que vous avez cres et que le lgislateur a interdites ?

Le patriarche

empereur, comme vous nous amenez sur la mer profonde et vaste de la recherche, une mer o beaucoup ont souvent navigu sans que personne autant que je sache soit arriv au port de lexactitude. Car, dun ct, il y a des gens qui pensent que les images sont quelque chose dinsens et un enfant de lerreur hellnique. Ils les attaquent devant le tribunal secret de lme et tombent daccord avec les accusateurs. Mais lorsquon arrive en parler ouvertement, ils rebroussent chemin et sopposent ce quils pensaient tre vrai auparavant. Car ceux-l ont des images dans leurs glises, sur les marchs et dans leurs maisons. Mme quelques-uns les ont comme compagnons de voyage et de vie, les portant o ils vont sur terre et mer. Mais, de lautre ct, il y en a dautres qui scrasent compltement en face des difficults, abandonnent immdiatement les armes de lme ds le premier contact avec ladversaire et tournent le dos la guerre. Ils nhonorent ni les images des prophtes, ni les formes des aptres, ni les reprsentations des martyrs. Mais ayant construit des glises dpouilles de tout ornement, sans figures ni images, ils font monter leurs prires au Dieu invisible et incorporel. Mais, sil vous semble bon, ne perdons pas courage au sujet de la recherche ; ne ngligeons pas la chasse, car si nous ne tournons pas en cercle et si nous suivons la piste de la vrit dans la discussion, nous ferons tomber cette vrit dans les filets. coutez donc mon discours, tout fait sage et vrai, que vous recevrez et louerez si, en ralit, vous aimez CELUI-QUI-EST et recherchez la vrit.

Section 43

Ne savez-vous pas quelle est lerreur concernant Dieu qui, il y a longtemps, a infest lme des gyptiens et comment ceux-ci ont fait descendre la gloire incre et immatrielle du Crateur dans la matire et la forme et ont honor cette gloire dans la forme humaine, semblable un homme ? Tels taient alors Osiris, Typhon, Horus, Isis[43] et les autres hommes, pris pour des dieux. Lhistoire de leur vie dmontre et fait voir leur intemprance ; celle de leurs guerres montre leur cupidit ; et celle de leur mort rvle leur nature. Quoi donc ? Les gyptiens ont-ils limit la divinit seulement l ? Ou ont-ils aussi reprsent et transform la divinit en animaux sans raison et en formes animales ? Ils ont mme vnr le chien comme une divinit ; ils ont chant la louange dApis[44] comme un veau ; Herms[45], comme un bouc ; et Athna[46], comme un poisson. Ils ont proclam dieux les animaux selon leur pense insense. Ils ont mme combin les animaux, les uns avec les autres, modelant pour eux-mmes des dieux en plusieurs formes et apparences. Ils ont cr le dieu pieds de bouc, qui tait Pan.[47] Ils ont mis le visage dun chien lun qui a t appel Anubis[48], je crois, qui ntait ni entirement homme ni compltement chien. Est-ce que je mens en racontant ces choses ou tes-vous daccord sur la vrit de ce que je dis ?

Lempereur

Vous dites la vrit.

Le patriarche

Lorsque Mose le lgislateur eut fait sortir dgypte les enfants dIsral, ce peuple que Dieu lui avait confi, il voulait essuyer et purifier les souillures noires qui alors avaient fondu dans leur me afin quils ne pensent pas que la divinit avait la forme dun homme, tait semblable un homme ou avait lapparence dun animal. Il exhorta de la mme manire et lgifra par dcret les choses suivantes: Ne vous gouvernez pas selon la manire gyptienne, hommes, et ne produisez pas parmi vous limage de Dieu, apprenant agir selon la manire insense des gyptiens et ne faites pas dimages des cratures qui volent dans lair, qui marchent sur la terre ou qui nagent dans les eaux (Ex 20, 4 ; Dt 5, 8), car ces cratures ne sont pas Dieu, mme si les gyptiens croyaient le contraire. Il ne faut pas non plus reprsenter en images la Puissance inconcevable, car la divinit est sans forme et na pas de figure. Elle est invisible et nest rien des choses perues par les yeux des hommes, ni connues par eux. Elle peut tre contemple seulement par lesprit, si par hasard quelquun pouvait faire une telle chose, car si la divinit est le Crateur de toutes choses, elle ne pourra elle-mme tre lune des choses cres. Et si elle se rpand partout, travers toutes choses cres, elle ne pourra quand mme pas tre enveloppe dans lune de ces choses. Le lgislateur donc dfendit de crer une image de Dieu seulement. Et ceci est vident, car Mose lui-mme dabord le manifestera ceux qui veulent faire attention droitement aux critures, car en annonant le commandement concernant Dieu et en rfrant la parole lui seul, Mose a ajout ceci, disant quelque part: Tu ne te prosterneras pas devant eux ; tu ne les adoreras pas, car je suis le Seigneur ton Dieu et je suis un Dieu jaloux. (Ex 20, 5 ; Dt 5, 9) Cest une tmrit impie et une pense insense pour quelquun formant ses ides partir des phnomnes visibles de modeler pour lui-mme avec hardiesse une forme et une image de celui qui est au-del de toute nature, substance et connaissance, celui que personne na vu et ne peut jamais contempler visiblement. Les Grecs ont, dune manire impie, os de telles choses et en cherchant Dieu, ils nont pas lev les yeux de lme vers le haut et ne se sont pas levs dans lesprit au-dessus de lair et du ciel pour y chercher lobjet de leur dsir. Mais ils sont descendus sur la terre et dans la matire, dpensant toute leur sagesse ici-bas et proclamant que Dieu est quelque chose de visible. Mais si un homme honore un roi, chante la louange dun gnral ou admire la vaillance dun brave et sil fabrique des images de ces personnes, je ne pense pas quil commette une injustice sil reprsente par les couleurs celui quil loue dans lme et voit avec les yeux. Mais que cet homme ne les honore pas selon les niaiseries et les sottises des Grecs parce que dans ce cas limage produite devient une divinit, car voil ce que Mose a interdit, ce que la loi des chrtiens dteste et ce que Dieu ne veut voir. Mose a dit: car ma gloire, je ne la donnerai pas un autre. (Is 42, 8) Celui qui prte loreille aux paroles du lgislateur, gardera lil de la pense pur, mais en contemplant lImmuable dun regard fixe, il ne songe pas pouvoir le circonscrire en une image, en couleurs, en un lieu, dans le temps ou dans dautres caractristiques des choses corporelles, lesquelles sont elles-mmes introduites dans lesprit par les yeux. Mais celui qui se fixe le regard rsolument sur lIncorporel se tient inbranlable et calme dans le bien et il maintient sa propre disposition non trouble et impassible. Par contre, celui qui coute et comprend les critures autrement et qui est troubl par leffet tourdissant de linvisible et de lintellectuel, celui-l glisse loin de la pense concernant Dieu et erre sur la plaine de loubli, rampant sur la terre parmi les corps.

Section 44

Et si on comprend ce commandement selon vos ides floues et imprcises, quallez-vous dire alors si je montre que ces saints hommes-l ceux qui vivaient sous la loi de Mose nobservrent pas eux-mmes cette loi et nvitrent pas de faire des images des cratures dans le ciel, sur la terre et dans la mer ?

Lempereur

Comment cela et de quelle manire ?

Le patriarche

Navez-vous pas entendu, empereur, comment Salomon, en construisant le temple, fit faire la mer de bronze lintrieur de lenceinte du temple dans laquelle les prtres se lavrent les mains couvertes de sang et de boue ensanglante[49] ? Sur quoi plaa-t-il la mer ? Ne plaa-t-il pas douze bufs de bronze en dessous delle ; ne posa-t-il pas la mer sur les bufs ? (2 Ch 4, 3-4) Comment donc observa-t-il la loi ayant fait faire des images de bufs parmi les objets quil avait fait faire ? Par ces objets, Salomon voulait signifier, je crois, le chur des aptres qui est aussi compos de douze. Ces sages fermiers de la parole levrent le monde cest--dire la mer de bronze labourant avec pit dans le champ et ils purifirent les mains des prtres salies par le sang des sacrifices et les nettoyrent par le flux des paroles de leur enseignement afin que, sloignant des sacrifices sanglants, ils puissent offrir au Seigneur un sacrifice non sanglant. Mais que dire des trnes varis et magnifiques que Salomon fit construire ? Ne les orna-t-il pas de lions sculpts ? Ne fixa-t-il pas les lions den haut sur les accoudoirs des trnes, mais ceux den bas, sur les degrs ? Et les lions taient faits divoire. (1 R 10, 18)

Section 45

Et pourquoi parlerais-je de ces choses concernant des personnes autres que Mose lui-mme. Il est possible de montrer que mme le lgislateur nobserva pas ses propres lois, sil pensait selon ton interprtation. Ne savez-vous pas quil construisit le propitiatoire de lor pur et quil le plaa au-dessus de larche en or (Ex 25, 10 11 ; 38, 1 et 5), et comme Paul (Rm 3, 25), Mose comprenait le propitiatoire comme une prfiguration de notre Sauveur et Seigneur ? Mais quoi encore ? Mose ne construisit-il pas au-dessus du propitiatoire deux chrubins qui, dployant les ailes, couvraient larche compltement dombre (Ex 25, 20 ; 38, 6 8 ; He 9, 5) et qui, gardant le silence par des cris muets, prchrent la divinit cache et inconnaissable de celui qui apparatrait sur terre. Ntes-vous pas daccord que ce sont des puissances intellectuelles et immatrielles qui, au-dessus des planches (1 R 6, 34-35) clestes et porteuses de lumire cest--dire, la vote du ciel tournent et dansent autour de Dieu et qui se rjouissent dans leur propre tranquillit ainsi que dans labondance de la connaissance quils ont au sujet de leur dsir ? Comment donc le lgislateur travailla-t-il leurs images aprs avoir interdit les images, comme vous lavez dit ? Mais lorsque Mose vit le lion dIsral tomber dans le dsert (le malheur venait des serpents sortant des lieux cachs et infligeant eux-mmes des morsures mortelles ceux qui marchaient), il cra ce serpent dairain quil suspendit sur une hampe. (Nm 21, 4-9) Et lorsque les puissances adverses eurent regard le serpent dairain, dune part, certains serpents moururent et, dautre part, les Isralites, mordus par les serpents sans les avoir vus, furent immdiatement guris de leurs blessures. Alors, ceci signifiait prcisment et indiquait mon Jsus (Jn 3, 14), disent-ils, car lorsque les puissances adverses observrent celui qui fut lev sur le bois de la croix, certaines sont aussitt mortes, perdirent leur souffle et vomirent et crachrent le poison du mal quelles avaient accumul contre les hommes. Mais nous qui tournons les yeux vers lui ne recevons nullement les traits brlants que lancent les puissances, mais sils nous frappent, nous sommes quand mme sauvs. Le dragon en chef des serpents, apercevant la force de celui suspendu sur le bois et se souvenant des traits lancs par lui de la croix, se retire, nayant rien accompli, et il se lamente, craignant un nouveau coup, toujours possible, sur son ancienne blessure. Voyez-vous quil est trs risqu dinterprter les paroles du lgislateur au hasard et dune manire incertaine ?

Section 46

Mais sauriez-vous, empereur, si par hasard vous vous le rappelez, pourquoi le lgislateur se fcha contre le peuple dIsral ?

Lempereur

Je sais quil se fcha souvent, mais je ne sais pas quel pisode vous faites rfrence maintenant.

Le patriarche

Lorsque les Isralites eurent faonn la tte de veau (Ex 32, 3-4), agissant dune manire irrflchie, Mose se fcha contre eux trs justement, car ils oublirent les miracles oprs en gypte: la traverse au milieu de la mer (Ex 14, 21-22), la mort en masse des premiers-ns (Ex 12, 29-30) et la transformation des lments. (Ex 7, 17-25 ; 8, 16-19) Et lorsque le lgislateur se furent absent pour un temps (Ex 24, 15-18), ils proclamrent la tte de veau un dieu. Quest-ce que cela signifie donc pour vous ? Quils ne semblent pas avoir commis une faute ou que le lgislateur leur reprocha davoir au hasard et simplement reprsent un veau ?

Lempereur

Pourquoi dites-vous cela ?

Le patriarche

Parce que si nous reprochons ceci aux Isralites, nous accuserons aussi Salomon parce quil faonna des bufs. Eh bien alors, nous accusons les hommes ce sujet et le lgislateur les accusa aussi parce quils proclamrent le buf un dieu et lui attriburent, dune manire impie, leur salut en gypte. Ainsi, Mose ne leur empcha pas de faire une image, mais de faire une image de Dieu. Voil pourquoi un passage des critures dit que les Isralites enlevrent les boucles doreille en or, celles que portaient leurs femmes, et se servirent de cet or pour faonner la tte de veau. (Ex 32, 2-4) Ce passage fait comprendre prophtiquement que les oreilles de ces hommes reurent les paroles pleines de vrit concernant Dieu, mais quensuite ces mmes hommes allrent vers dautres doctrines, trent les bonnes paroles et furent dpouills delles. Ils enlevrent lornement des boucles doreille de leur femme et rejetrent ces bijoux. Mais encore, le lgislateur, comme le passage lui-mme lindique, rduisit en poudre le veau, dversa la poudre sur leau et en donna boire au peuple. (Ex 32, 20) Quest-ce que cela signifie ? Ceci: Lorsque Mose vit que ces Isralites, comme je crois, ignoraient lerreur des idoles et ne comprenaient pas la grandeur du mal qui y existe, il leur enseigna les paroles concernant ce mal en en rendant le sens comprhensible, simple et logique. Il donna ce breuvage boire tous et le versa dans leur cur afin quaucune erreur dimpit ne tombe sur eux limproviste.

Chapitre 8

Section 47

Mais, je tinterroge ; rponds-moi:

Lempereur

Quoi alors ?

Le patriarche

Les hommes nont-ils pas lhabitude de produire les images de lions effrayants, qui ont un regard terrible ; de sangliers sauvages qui font frmir la crinire[50] ; de chevaux qui courent naturellement, comme sils taient dans la plaine ou dans les montagnes ? Ne modlent-ils pas les formes doiseaux qui semblent gazouill