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Gouvernement du Québec Ministère du Travail Direction des études et des politiques Violence ou harcèlement psychologique au travail ? Problématique Nicole Moreau Direction des études et des politiques Le 21 mai 1999

Violence et harcèlement spychologique au travail

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Page 1: Violence et harcèlement spychologique au travail

Gouvernement du Québec

Ministère du Travail Direction des études et des politiques

Violence ou harcèlement psychologique au travail ?

Problématique

Nicole Moreau

Direction des études et des politiques

Le 21 mai 1999

Page 2: Violence et harcèlement spychologique au travail

Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Québec, 1999ISBN 2-550-35653-5

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Table des matières

Introduction ................................................................ 1

CHAPITRE 1 Le harcèlement psychologique :état des lieux ................................... 5

1. Les résultats de certaines études .......................... 5

1.1 L’étude de l’OIT ................................................ 51.2 L’étude d’universitaires québécoises ................... 91.3 Une étude américaine ........................................ 12

2. Les initiatives syndicales ................................... 15

2.1 Des enquêtes patronnées par desorganisations syndicales .................................... 15• L’enquête de la FIIQ .................................... 16

Les personnes touchées par la violenceau travail ...................................................... 16Les auteurs de la violence au travail ............. 16Les effets de la violence au travail ................ 17Le soutien reçu suite à des incidents deviolence au travail ........................................ 17

• L’enquête de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) ........................ 17

• L’enquête du Centre de rechercheinterdisciplinaire sur la violence familialeet la violence faite aux femmes (CRI-VIFF) .. 18

• Un aperçu de la situation chez lesprofessionnelles et les professionnelsdu gouvernement du Québec (SPGQ) ........... 20

2.2 Des documents d’information et de sensibi-lisation des organisations syndicales .................. 20

3. La définition de la violence psychologiqueau travail ........................................................... 21

ò En bref .............................................................. 27

CHAPITRE 2 Le contexte de la hausse de laviolence psychologique en milieude travail ........................................ 29

1. Les changements qui affectent le fonctionnementdes entreprises ................................................... 30• La mondialisation ......................................... 30• La recherche de compétitivité ……………….. 30• Le « downsizing » ........................................ 33ò En bref ......................................................... 33

2. Les transformations du marché du travail .......... 33• La nouvelle gestion des ressources humaines 34• Une économie du savoir .............................. 37• La précarisation de plus en plus grande

du travail .................................................... 39• Le travail d’équipe ...................................... 42• Une résultante des conditions de travail,

le stress ....................................................... 44• Le manque de leadership des gestionnaires ....46• Le sens du travail ........................................ 47ò En bref ........................................................ 48

3. Le rôle des cadres ............................................. 49ò En bref ........................................................ 53

4. Le point de vue syndical sur certainesdimensions du contexte .................................... 54

ò En bref ............................................................. 55

CHAPITRE 3 Les moyens de contrer la violenceau travail .......................................... 57

1. Des moyens au sein même des organisations .... 58

2. Un regard vers des voies qui existent dansd’autres juridictions ou d’autres contextes ........ 65

3. Des moyens extérieurs aux milieux de travail ... 68

4. D’autres moyens à envisager ............................ 71

ò En bref ............................................................. 72

Conclusion ................................................................. 75

Annexe 1 The organizational model of managingoccupational violence

Annexe 2 Cinq catégories de causes susceptiblesd’induire de la violence en milieu detravail

Liste des personnes consultées

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Introduction 1

a violence nous touche tous et toutes.Ainsi, tous les jours, il est possible d’être

témoin de manifestations de violence que cesoit à la télévision, dans les relations inter-personnelles, familiales, ou au travail.

La violence semble banalisée dans notresociété. Elle est souvent présentée commeune solution facile aux conflits entre groupesou entre personnes1. Parler de violence, c’estremettre en question les valeurs de notresociété, c’est redonné aux valeurs humainesune place centrale dans notre développement.

Rappelons que la violence peut prendrediverses formes : verbale, psychologique,physique et sexuelle, la plus extrême étant lemeurtre. Il existe aussi une « violence écono-mique », − pour certains, il s’agirait plutôt làd’injustices − en milieu de travail qui, selonle Syndicat de la fonction publique du Qué-bec2, se nomme discrimination, précarisationdes emplois, double ou triple journée detravail dans le cas des femmes plus parti-culièrement, salaire inférieur pour des em-plois équivalents.

Des moyens ont été mis en place pour contrerla violence physique dans notre société et,plus récemment, dans les milieux de travail −songeons, à titre d’exemple, aux orientations

1 . Pour D. Welzer-Lang, « lorsqu’un système

social prend la violence comme mode de ré-gulation, celui-ci a tendance à s’imposer àl’ensemble de ses éléments. » dans Arrête!Tu me fais mal, Éditions Le Jour et VLB(coll. Changements) 1992, p. 169, cité dansle Mémoire présenté par l’Intersyndicale desfemmes au Comité canadien sur la violencefaite aux femmes intitulé La violence faiteaux femmes dans les milieux de travail, 6décembre 1992, p. 9.

2 . Syndicat de la fonction publique du Québec,La violence faite aux femmes en milieu detravail. Tolérance zéro!, Québec 1995, p. 8.

de la Commission de la santé et de la sécuritédu travail3 visant à assurer la sécurité desemployés face aux situations de crise etd’agressivité ou encore, aux mesures préven-tives relatives aux manifestations de violencedu ministère de l’Emploi et de la Solidarité4;dans un cas comme dans l’autre, il s’agitd’évènements impliquant nécessairement despersonnes extérieures à l’organisation et ce,dans des manifestations qui peuvent survenir

3 . Secteur des relations de travail, Orientations

de la CSST à l’égard de la sécurité des em-ployés face aux situations de crise etd’agressivité, Direction des ressources hu-maines, 2 juillet 1998.

4. Il s’agit là d’un document destiné aux fonc-tionnaires qui assurent le service à la clien-tèle de ce Ministère, à savoir celle qui seretrouve à la sécurité du revenu. La défini-tion donnée de la violence en milieu de tra-vail est la suivante :

« • tout acte de violence physique (voiesde fait, agression ou assaut) enversune employée ou un employé et sesproches et qui découle de son statutd’employé du Ministère;

• toute manifestation de violence verbaleou écrite envers un membre du per-sonnel dans le cadre de son travail ouenvers ses proches, qu’il s’agisse demenaces, d’intimidation, de libelle dif-famatoire, de propos injurieux ou gros-siers, de chantage ou tout autre formede harcèlement;

• tout acte de vandalisme envers lesbiens d’un membre du personnel àcause de son statut d’employé du Mi-nistère, ou envers la propriété du Mi-nistère, y compris les lieux qu’il occupe;

• tout comportement perturbateur tel quebloquer la porte d’entrée ou le comp-toir, crier ou jurer de manière exces-sive, insulter ou injurier le personnel oules personnes présentes et refuser decesser après un avertissement. » p. 7.

L

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Introduction 2

dans les locaux de l’organisation, au domiciled’un prestataire ou d’un tiers, au domicile del’employée ou de l’employé, dans la rue oudans tout autre lieu. Des progrès ont été réa-lisés pour ce qui a trait à la violence sexuelle.Ainsi, la Charte des droits et libertés de lapersonne offre un recours aux victimes, despolitiques ont également été élaborées etmises en place dans plusieurs ministères de lafonction publique québécoise5.

Quant au harcèlement psychologique autravail ou la violence psychologique, celasemble représenter une question d’importancecroissante pour un grand nombre d’acteurssociaux6.

Ainsi, le groupe Au bas de l’échelle a élaboré,en 1998, un outil d’information et desensibilisation intitulé Contrer le harcèlementpsychologique au travail : une question dedignité. Il y était fait mention d’une propor-tion importante des dossiers ouverts pourcette cause7.

5 . Il existe une politique gouvernementale vi-

sant à contrer le harcèlement sexuel et leharcèlement selon les autres motifs prévus àla Charte des droits et libertés de la per-sonne. Cette politique vise à prévenir ou, lecas échéant, à corriger les situations de har-cèlement sexuel ou de harcèlement en fonc-tion des autres motifs énumérés à l’article 10de la Charte des droits et libertés de la per-sonne.Adresse Internet :http://www.tresor.gouv.qc.ca/ressource/res1a2.htm.

6 . À titre d’indication, une revue populaire com-me Coup de pouce a, dans son édition demars 1999, un article sur le sujet intitulé« Harcèlement psychologique. La guerredes nerfs. », pp. 45-48.

7 . Il y est spécifié que « sur la totalité des dos-siers ouverts d’avril 1997 à mars 1998, 35 %concernent des cas de harcèlement psy-chologique. » p. 6.

De plus, ce groupe a voulu attirer l’attentiondu ministre du Travail sur le sujet au prin-temps de cette même année et a demandé laconstitution d’un comité de travail dont lemandat serait d’étudier le problème et deformuler des recommandations concrètes.L’initiative a été appuyée par un grand nom-bre d’intervenants8 .

Le ministère du Travail, sensible à la problé-matique et soucieux que les travailleurs et lestravailleuses aient un milieu de travail exemptde harcèlement, a estimé opportun de donnersuite à une telle requête. Un comité intermi-nistériel devrait être mis en place en vued’étudier le phénomène, de consulter lesparties intéressées et de formuler des recom-mandations.

Le présent document vise à présenter la pro-blématique du harcèlement psychologique autravail; l’attention sera dirigée plus particuliè-rement sur les incidents susceptibles de sur-venir à l’interne d’une organisation, soitentre une supérieure ou un supérieur immé-diat et une employée ou un employé, soitentre collègues de travail. Il comportera troisparties distinctes.

En premier lieu, nous nous pencherons sur lesrésultats de certains travaux ayant été réaliséstant par l’Organisation internationale du tra-vail que par des universitaires ou des syndi-

8. Il s’agit des suivants : le Syndicat de la fonc-tion publique du Québec, la Commission desdroits et libertés de la personne et des droitsde la jeunesse, la Fondation pour l’aide auxtravailleuses et travailleurs accidentés,l’Association des juristes en droit social, laFédération des femmes du Québec, le Cen-tre d’aide aux travailleuses et travailleursaccidentés de Montréal, la FTQ, la CSD, laCSN, le SPGQ, la CEQ, la Ligue des droitset libertés, le Front de défense des non-syndiqués, le Mouvement Action-chômage.

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cats, sur le harcèlement psychologique au tra-vail. Y seront cernés les types de comporte-ments qui y sont liés, les différentes catégo-ries de personnes susceptibles de faire duharcèlement psychologique ou d’en êtrevictimes, les stratégies utilisées par lesvictimes pour résoudre le problème. Cettesection devrait également permettre de définirle harcèlement psychologique.

Dans un second temps, nous examinerons lecontexte dans lequel le harcèlement psycho-logique est appelé à se développer. Le mar-ché du travail est actuellement marqué pardes changements rapides et profonds quiaffectent non seulement l’offre de travail demême que son contenu mais également lesconditions de travail − à titre d’exemple, onn’a qu’à songer à la multiplication desemplois précaires, ou encore à l’accrois-sement de la charge de travail dans uncontexte marqué par le « downsizing » deseffectifs, au taux élevé de chômage, etc. Cecontexte n’est vraisemblablement pas sansinfluer sur la croissance observée du harcè-lement psychologique, réunissant plusieursconditions qui peuvent être vues commefavorables à l’éclosion d’incidents de violen-ce psychologique.

Dans un troisième temps, des moyens suscep-tibles de prévenir l’occurrence d’incidents deharcèlement psychologique et d’autres pou-vant fournir une aide aux victimes serontsuccinctement évoqués; ces moyens sontd’ordres variés, pouvant aller de l’informa-tion et de la sensibilisation de la populationen général par le biais d’interventions dansles médias, à l’intégration de cette préoccupa-tion dans les comités de santé et de sécuritédu travail dans les entreprises, ou à d’éven-tuelles modifications législatives.

Ce document devrait permettre de faire res-sortir la préoccupation grandissante d’un

nombre significatif d’intervenants au regarddu harcèlement psychologique. Il devrait êtrepossible d’y brosser un portrait rapide desprincipales caractéristiques du contexte actueldu marché du travail, celles-ci pouvant fortprobablement être plus propices à l’expres-sion de comportements de harcèlement psy-chologique. Enfin, on vise dans le présentcadre à faire le tour de certains des moyensqui pourraient être utilisés pour contrer cephénomène d’une part, et, d’autre part, pouren aider les victimes.

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Introduction 4

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Chapitre 1 5

Le harcèlement psychologique9 :état des lieux

uelques acteurs se sont récemment pen-chés sur la question de la violence au

travail dont l’Organisation internationale dutravail (OIT) qui a rendu publique, en 1998,une étude sur le sujet. Des universitaires qué-bécoises ont étudié le phénomène de laviolence organisationnelle; une étude améri-caine a permis de cerner, d’un peu plus près,une dimension de cette thématique, laviolence hiérarchique.

Aussi, plusieurs organisations syndicales sesont préoccupées de la violence en milieu detravail et ont, entre autres, produit desdocuments de sensibilisation et, dans certainscas, des enquêtes.

Les résultats des travaux de l’OIT et desuniversitaires seront présentés dans unpremier temps. En second lieu, les initiativessyndicales seront rappelées. Enfin, une défi-nition du harcèlement psychologique seraproposée.

1. Les résultats de certaines études

Il semble pertinent d’exposer les principauxrésultats des études réalisées, ceux-ci étantsusceptibles d’apporter un éclairage judicieuxsur la situation de la violence psychologiqueau travail. Les dimensions suivantes pour-ront, selon le cas, être abordées :

• les types de comportements liés à laviolence psychologique;

• les caractéristiques principales des victi-mes d’incidents de violence psycholo-gique;

9 . Dans le cadre de ce document, le terme

violence psychologique sera également utili-sé pour désigner une réalité de nature simi-laire à celle du harcèlement psychologique.

• les effets de la violence psychologiquesur les victimes et, éventuellement, surl’organisation au sein de laquelle ilstravaillent;

• les stratégies utilisées par les victimesd’incidents de violence psychologique;

• les types de gestionnaires susceptiblesd’avoir des comportements marqués parla violence psychologique;

• les voies de solution identifiées.

1.1 L’étude de l’OIT

L’étude de l’OIT présente une perspectiveglobale sur la violence au travail. Seules lesinformations relatives à la violence psycho-logique seront présentées ici étant donné leurlien étroit avec la question du harcèlementpsychologique; ces dernières ont trait auxcatégories de comportements violents, auxsecteurs d’activités où la violence psycho-logique prévaut davantage, aux principalescaractéristiques des personnes concernées parla violence psychologique, à l’approcheprivilégiée pour faire face à la violence autravail.

D’après Chappell et Di Martino10, l’inci-dence et la prévalence de la violence sur leslieux de travail est croissante dans denombreux pays. Ce phénomène est en liennon seulement avec la vulnérabilité crois-sante à la perte d’emploi mais égalementavec l’insécurité ressentie par un nombretoujours plus élevé des travailleurs et destravailleuses dans un contexte marqué, entreautres, par une compétition très forte entre lesentreprises.

En regard de la violence psychologique,celle-ci est, selon les résultats d’une enquête

10 . D. Chappell, V. Di Martino, Violence at

Work, International Labor Office, Genève,1998.

Q

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Chapitre 1 6

faite en 1994 par le Syndicat canadien de lafonction publique à laquelle les auteurs del’étude font référence, la plus répandue dansles milieux de travail − pour 70 % desrépondants, la manifestation de violence laplus courante était l’agression verbale contreles employés et les employées. D’autrestypes de comportements peuvent aussi êtreconsidérés comme de la violence psycholo-gique.

Ainsi, les brimades représentent une façond’humilier, de saper le moral d’individus oude groupes d’employés. Quant au« mobbing11 », il est une forme collective de

11. Pour le SSP-syndicat dynamique de la fonc-

tion publique suisse, le « mobbing » est une« forme de terrorisme psychologique, uneguerre des nerfs, une guerre d’usure n’ayantrien à voir avec les petites misères et lesconflits émaillant la vie professionnelle. Lemobbing, c’est en fait l’attitude négatived’une ou plusieurs personnes s’acharnantsur une collaboratrice ou un collaborateur.Allusions, calomnies, humiliations, menaces,tous les moyens sont bons quand on a trou-vé sa victime, sans parler du harcèlementsexuel et autres subtilités. »Adresse Internet :http: //www.vpod.ethz.ch/f/mobbf.htm.

L’American Psychological Association rap-pelle qu’une attaque collective à l’encontred’un individu de la même espèce est appe-lée mobbing dans la littérature biologique.C’est Konrad Lorenz qui en a étendul’extension aux humains.Adresse Internet :http://www.apa.org/psa/julaug96/sb.html.Dans cette veine, L. Laurin évoque pourexpliquer le phénomène du mobbing l’imagedes poules qui peuvent s’acharner sur celled’entre elles qui est plus faible ou malade etla « picossent » jusqu’à ce que morts’ensuive. Il arrive, précise-t-elle que « lestravailleurs choisissent un bouc émissaire etle persécutent sans arrêt. »Adresse Internet :http://www.csn.qc.ca/Pageshtml11/Violence434.html.

Le professeur H. Leymann a précisé lescritères servant à définir le mobbing, à sa-

violence de plus en plus courante dans denombreux pays tels que l’Australie, l’Autri-che, le Danemark, l’Allemagne, la Suède, leRoyaume-Uni, les États-Unis. Dans ce con-texte, plusieurs personnes peuvent s’allierpour persécuter tel ou tel collègue, lesmoyens utilisés alors sont les suivants :« faire constamment des remarques négativessur cette personne ou la critiquer sans arrêt,l’isoler en la laissant sans contact social etmédire ou diffuser de fausses informationssur elle. 12» Pour le professeur H. Leymann,à la base du mobbing, il y a toujours unconflit. Si celui-ci est mal résolu, la tentationest alors grande de chercher un bouc émis-saire et, si celui-ci existe, le mobbing peuts’installer.

voir la répétition d’un ou de plusieurs agis-sements hostiles au moins une fois par se-maine pendant au moins six mois. Il s’agit làd’une information contenue dans un docu-ment de la Déléguée à l’égalité de la Com-mune de Lausanne.Adresse Internet :http://www.comback.ch/egalite/pages/mob_text.htm.Les agissements liés au mobbing peuventêtre regroupés en cinq grandes catégories,soit 1) empêcher la victime de s’exprimer;2) isoler la victime, 3) déconsidérer la vic-time, 4) discréditer la victime dans son tra-vail, 5) compromettre la santé de la victime.

La FSSS de la CSN rappelle, dans le cahierde la personne participante d’une session deformation sur la violence en milieu de travailtenue les 11 et 12 janvier 1999 à Québec, ladéfinition du mobbing, essentiellement inspi-rée des travaux de H. Leymann. L’objectifpoursuivi par une telle manœuvre est préci-sé de la façon suivante : « Et tout cela avecl’intention de causer un dommage ou,éventuellement, de provoquer le départ de lapersonne. » p. 18.

12 . « Lorsque travailler devient dangereux.Coups de poing, crachats, insultes et coupsde feu : la violence au travail existe désor-mais dans le monde entier », Travail. Lemagazine de l’OIT, no 26, sept./oct. 1998,p. 7.

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Du point de vue de la Déléguée à l’égalité dela Commune de Lausanne, la cause principaled’un conflit qui dégénère en mobbing « pro-vient alors de la réticence qu’éprouve lahiérarchie à intervenir, ou même de savolonté de ne pas s’en mêler. 13» si bien quel’exclusion du monde du travail est renduepossible à la fois par l’attitude des protago-nistes et par la non-intervention de lahiérarchie administrative.

Il apparaît, selon Chappell et Di Martino, quel’intimidation et la brimade ont affecté 8 %des travailleurs14, ce taux s’avérant plus élevédans le secteur des services − 13 % dansl’administration publique, 10 % dans lesecteur bancaire et les autres types de servi-ces. Les vendeurs et les professionnels repré-sentent les catégories professionnelles lesplus susceptibles d’être touchées par descomportements de violence psychologique.Aussi, les employés sont davantage l’objetd’intimidations ou de brimades que les tra-vailleurs autonomes; parmi les employés, lespersonnes à statut précaire (contrat à duréedéterminée ou en provenance d’agences deplacement) courent les plus grands risques.

Les femmes15 sont plus susceptibles qued’autres d’être victimes de harcèlement psy-chologique selon Chappell et Di Martino, etce, surtout en raison du fait qu’elles sont trèsnombreuses dans les professions à risque16. 13 . Déléguée à l’égalité de la Commune de

Lausanne.Adresse Internet :http://www.comback.ch/egalite/pages/mob_text.htm.

14 . D. Chappell, V. Di Martino, Violence atWork, International Labor Office, Genève,1998, p. 34.

15 . D. Chappell, V. Di Martino, op. cit., p. 25.

16 . Organisation internationale du travail, « Laviolence sur le lieu de travail – un problèmemondial. Les chauffeurs de taxi, les em-ployés des services de santé et les ensei-gnants font partie des professions les plus

Des enquêtes dans certains pays ontégalement montré qu’une forte proportion detravailleuses et de travailleurs ont étéconfrontés avec une forme ou l’autre debrimades au travail − 10 % des travailleursinterviewés en Finlande, 53 % des employésau Royaume-Uni, 78 % ayant été témoind’une brimade dans ce pays.

Quant au mobbing, il a affecté 1 % de lapopulation active en Norvège et en Allema-gne; en Suède, cette proportion s’élevant à3 %, 5 %.

Les coûts de la violence psychologique autravail peuvent représenter des sommesimportantes. À titre d’exemple, en Allema-gne, le coût direct de la violence psycholo-gique dans une entreprise de 1 000 employésa été estimé à 112 000 $ auxquels s’ajoutent56 000 $ en coûts indirects17.

Chappell et Di Martino insistent sur le faitque la violence sur les lieux de travailprovient d’un ensemble de causes −l’individu, le milieu et les conditions detravail, les rapports entre collègues, lesrapports entre ces derniers et les clients et, lesrapports entre la direction et les employés −l’individu ne pouvant être considéré commele seul responsable de la violence sur les lieuxde travail.

Par conséquent, une démarche globalesemble nécessaire pour affronter la violenceen milieu de travail.

exposées », Communiqué de presse, 20juillet 1998.Adresse Internet :http://www.oit.org/public/french/235press/pr/1998/30.htm.

17 . « Lorsque travailler devient dangereux.Coups de poing, crachats, insultes et coupsde feu : la violence au travail existe désor-mais dans le monde entier », Travail. Lemagazine de l’OIT, no 26, sept./oct. 1998,p. 8.

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Au niveau plus microscopique, il leur semblequ’une action préventive soit possible etnécessaire; que l’environnement du travail etl’organisation même du travail comporte desindications non seulement sur les causes de laviolence mais également sur les éventuellespistes de solution; que la participation destravailleurs et des travailleuses ainsi que deleurs représentants est décisive tant au regardde l’identification des problèmes de violenceque dans la mise en place de solutions; queles compétences des gestionnaires et destravailleurs et des travailleuses ne doivent pasêtre sous-estimées; qu’il n’y a pas une seulevoie pour l’action tout en prenant en comptela spécificité de chaque lieu de travail; qu’uneforme de « veille » des politiques et desprogrammes est nécessaire pour s’adapter àdes situations changeantes.

Enfin, la réponse à des questions de violenceau travail doit provenir, pour l’essentiel, de lagestion des ressources humaines18. Tant legouvernement que les syndicats, les travail-leurs et les travailleuses, les professionnels dela santé et de la sécurité du travail, les res-sources communautaires en santé mentale eten santé publique, les professionnels de lasécurité ont un rôle à jouer dans le dévelop-pement, la promotion et la concrétisation destratégies visant à prévenir la violence autravail et à faire face à ses conséquences si,malgré tout, des incidents de violence sur-viennent en milieu de travail.

En bref, un éventail assez large de moyenss’avère nécessaire au regard de la violence enmilieu de travail, les objectifs visés tenantaussi bien d’une perspective préventive qued’une perspective curative.

18 . D. Chappell, V. Di Martino ont inclus un

modèle organisationnel de gestion de laviolence en milieu de travail qui leur a sem-blé pertinent. Celui-ci est exposé à l’Annexe1 intitulé « The organizational model of ma-naging occupational violence ».

Il convient cependant de souligner que pourChappell et Di Martino, la préventionreprésente la voie la plus efficaceconsidérant que « tackling violence at workby preventive strategies and earlyintervention is becoming recognized as themost effective way to contain and defuse suchbehavior. » (p. 149)

Selon les chercheurs, dans une perspectivemacroscopique, il devrait appartenir auBureau international du travail et auxgouvernements de mettre en place une sériede moyens dans la perspective de contrer laviolence au travail, ces derniers consistantdans les suivants :

• la diffusion la plus large d’informationsà propos d’exemples positifs de législa-tion, d’informations et d’usages en vuede favoriser la multiplication d’initiati-ves contre la violence;

• le soutien à des programmes contre laviolence, particulièrement au sein del’entreprise, en vue de lutter contre laviolence au travail;

• le soutien à des associations d’em-ployeurs et de travailleurs pour le déve-loppement de politiques contre la vio-lence au travail;

• le soutien au développement de pro-grammes de formation destinés aux ges-tionnaires, aux travailleurs et tra-vailleuses, aux fonctionnaires préoc-cupés ou exposés à la violence en milieude travail;

• le soutien à l’élaboration de modalitéssusceptibles d’améliorer le signalementdes incidents de violence; dans le soutienà la coordination des diverses initiativescontre la violence dans le cadre d’unplan structuré.

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Chapitre 1 9

1.2 L’étude d’universitaires québécoises

Une étude qualitative sur la violence organi-sationnelle19 subie par des professionnelles etdes professionnels a été réalisée en 1996 auQuébec.

Pour les chercheures, la violence organisa-tionnelle se comprend en fonction de trois

19 . C . Aurousseau et S. Landry définissent

ainsi la violence organisationnelle : « Il y aviolence organisationnelle quand une ou despersonnes oeuvrant pour une organisationdonnée, ou ayant un lien contractuel de tra-vail ou de service avec elle, par des actionsou par des menaces, portent atteinte, demanière intentionnelle, à l’intégrité ou à lasécurité physique ou psychologique d’un oude plusieurs autres individus oeuvrant pourla même organisation. » tirée de La violencehiérarchique en milieu professionnel. Uneétude exploratoire, communication présen-tée dans le cadre du 10e Congrès de l’Asso-ciation internationale de psychologie du tra-vail de langue française, tenu à Bordeaux du24 au 27 août 1998, p. 5. Celle-ci peut êtrehorizontale, c’est-à-dire impliquer des col-lègues, des personnes appartenant à unemême catégorie d’emploi ou des personnesde statut équivalent sans lien d’autorité lesunes par rapport aux autres. La violencepeut également être verticale, c’est-à-direimpliquer des personnes qui se situent à despaliers différents de la structure de l’organi-sation.

La violence hiérarchique peut se définirsommairement comme « une violence orga-nisationnelle verticale dirigée du haut vers lebas.» p. 5. Plus largement, « il y a violencehiérarchique dans un milieu de travail quandune ou plusieurs personnes en autorité ont,envers un ou plusieurs subalternes, descomportements qui outrepassent le pouvoirinhérent à la position qu’elles occupent dansl’organisation ou qui sont perçus par un oudes subalternes comme s’écartant de ma-nière excessive des normes explicites ouimplicites reconnues et acceptées par unensemble de personnes travaillant dans lemilieu, ces abus ayant des conséquencesnégatives sur les personnes qui en sont lacible. » p. 5.

grands concepts, à savoir l’occurrence − laviolence pouvant être ponctuelle20 ou soute-nue − d’une part, et, d’autre part, l’intensitéet la visibilité − la violence pouvant alors êtrefaible et insidieuse ou forte et visible.

La violence soutenue, faible et insidieuseapparaît la plus nocive pour les personnesqui en sont victimes. Il semble que les per-sonnes qui la subissent ont du mal à lanommer et à y voir un acte délibéré et ce, enraison de l’invisibilité relative des incidentsainsi que de leur faiblesse. Également, l’en-tourage de ces personnes comprend difficile-ment ce qui leur arrive, ne leur apporte pas desoutien ce qui peut accroître leur détresse. 20 . Les chercheures précisent ainsi les contours

des incidents de violence :

• « La violence ponctuelle correspond àdes incidents plus rares ou moins liés lesuns aux autres. La violence soutenue cor-respond à une multiplication des incidentsviolents ou à la reconnaissance d’un mail-lage, d’un lien entre plusieurs incidents. »(p. 34)

• « La violence est dite faible, quand lagravité intrinsèque des comportements vio-lents est moindre; la violence est dite fortequand la gravité intrinsèque des comporte-ments violents est évidente. » (p. 35)

• « La visibilité de la violence correspond àla facilité avec laquelle elle peut être perçueet interprétée tant par la personne visée quepar des observateurs. On parle de violenceinsidieuse quand elle est masquée par di-vers facteurs qui laissent toujours planer undoute sur le caractère violent des compor-tements. » (p. 35) « La violence visible, aucontraire, laisse peu de doute sur le carac-tère violent des comportements. » (p. 35)

Tiré de C.Aurousseau, S. Landry, Les pro-fessionnelles et professionnels aux prisesavec la violence organisationnelle, ProtocoleUQAM-CSN-FTQ, document no 64, Servicesaux collectivités de l’UQAM, Fédération desprofessionnels et professionnelles sala-rié(e)s et des cadres du Québec (FPPSCQ),1996.

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Chapitre 1 10

Les chercheures ont identifié douze compor-tements violents psychologiquement allant duplus insidieux au plus visible. Il semblepertinent de les nommer afin d’être en mesurede voir plus concrètement le phénomène degradation possible dans la violence. Il s’agitdes comportements suivants21 :

• le vocabulaire comme camouflage;

• le refus des communications autresqu’instrumentales;

• le discours partial;

21 . Pour sa part, M. Valiquette cerne plusieurs

comportements liés à la notion d’abus depouvoir qu’il est possible d’associer à laviolence psychologique, dont les suivants :le chantage, le fait de fausser l’information,le favoritisme, l’intrusion psychologique −« dans cette situation, la personne en posi-tion d’autorité tente d’influencer insidieuse-ment l’autre dans ses pensées, ses valeurset ses croyances; elle tente de forcer l’autreà faire des confidences, elle ne respecte passon territoire psychologique. » (p. 87) −, lemanque de respect, le mépris ou le juge-ment, la rétention d’informations de façoninappropriée, la violence sexuelle, la vio-lence verbale tiré de Le pouvoir sans abus.Pour une éthique personnelle dans la rela-tion d’autorité, Les Éditions Logiques, Mon-tréal, 1997, p. 72 et suivantes.

M.-F. Hirogoyen va dans un sens analoguequand il avance que « pour garder le pouvoiret contrôler l’autre, on utilise des manœu-vres anodines qui deviennent de plus enplus violentes si l’employé résiste. Dans unpremier temps, on lui retire tout sens critiquejusqu’à ce qu’il ne sache plus qui a tort etqui a raison. On le stresse, on le houspille,on le surveille, on le chronomètre pour qu’ilse sente en permanence sur le qui-vive, etsurtout on ne lui dit rien qui pourrait lui per-mettre de comprendre ce qui se passe. Lesalarié est acculé. Il accepte toujours pluset n’arrive pas à dire que c’est insupporta-ble. » tiré de Le harcèlement moral. La vio-lence perverse au quotidien, Paris, Syros,1998, p. 65.

• le refus de ressourcement professionnel;

• le refus de soutien professionnel;

• la mise en doute des compétences :invalidation, punition, dévalorisation;

• le manque de respect ou le mépris;

• le harcèlement administratif;

• le contrôle excessif;

• les menaces;

• l’intimidation;

• l’exclusion.

Les comportements violents s’inscrivent dansle cadre deux types distincts de stratégies, àsavoir celle de zones de vulnérabilité et cellede double contrainte. Dans le premier cas, ilpeut s’agir de cibler des dossiers ou desacquis importants aux yeux des personnesvisées en vue d’exercer un contrôle excessifou de mettre en doute les compétences. Il estquestion, dans le second cas, de donner desconsignes opposées qui amènent des consé-quences négatives, quelle que soit la consignesuivie.

Trois types de gestionnaires sont davantagesusceptibles, d’après les chercheures, d’utili-ser des comportements de violence psycholo-gique, soit :

• les « incompétents » qui éprouveraientdes difficultés à répondre aux demandesde soutien professionnel et à opposer unrefus aux consignes qui leur viennent deplus haut;

• les « tyranniques » qui exigeraient lasoumission totale de leurs subordonnés;

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Chapitre 1 11

• les « ambitieux » qui veulent être lespremiers.

Ces gestionnaires usent de violence organisa-tionnelle de type hiérarchique; celle-ci sesitue en lien étroit avec la notion d’abus depouvoir qui se concrétise dans des« comportements excédant le pouvoir légi-time − ou l’autorité − du ou de la gestion-naire, en fonction de sa position hiérarchiqueet de la culture de son milieu organisationnel,ce qui implique une transgression des normesexplicites ou implicites de l’organisation. 22»

22 . C. Aurousseau, S. Landry, La violence hié-

rarchique en milieu professionnel. Une étudeexploratoire, communication présentée dansle cadre du 10e Congrès de l’Association in-ternationale de psychologie du travail delangue française, tenu à Bordeaux du 24 au27 août 1998, p. 9.

Du point de vue de M. Valiquette, « lorsqu’ily a abus d’autorité, il y toujours abus depouvoir. ». (p. 67) Deux conditions sontalors essentielles à l’abus de pouvoir : « lapersonne en position d’autorité privilégie sesbesoins personnels au sein de la relationd’autorité, et elle le fait au détriment de lapersonne placée sous son autorité. » tiré deLe pouvoir sans abus. Pour une éthiquepersonnelle dans la relation d’autorité, LesÉditions Logiques, Montréal, 1997, p. 68.Valiquette précise plus loin qu’il y a harcè-lement « lorsqu’un abus de pouvoir est ré-pété dans le temps et à intervalles suffi-samment rapprochés pour que la victimepuisse en ressentir l’effet. » p. 280. Le har-cèlement est donc, pour Valiquette, fondésur des abus de pouvoir et leur répétition.L’objectif poursuivi par la personne qui har-cèle serait d’« augmenter son pouvoir afind’alimenter son propre besoin narcissique;ainsi, tenter d’arriver à ses fins. » pp. 282-283.

Les Services correctionnels du Québec défi-nissent l’abus de pouvoir dans la Politiquevisant à contrer toute forme de harcèlementet d’abus de pouvoir au Travail (juin 1998); ils’agit d’« une conduite démontrant un exer-cice malséant de l’autorité ou du pouvoir in-hérent à un poste dans le dessein decompromettre l’emploi d’un employé, de

L’impact le plus lourd de la violence psycho-logique pour les personnes victimes se situed’abord au niveau de l’image de soi. Lesvictimes ont observé des défaillances aussibien dans leur santé physique que mentale.Enfin, la vie privée peut être perturbée par laviolence subie dans le milieu de travail.

Les stratégies employées par les victimes deviolence psychologique peuvent être regrou-pées en quatre catégories :

• rationnelle ou de contrôle − il y a alorsdénonciation, rectifications des informa-tions diffusées, perfectionnisme, etc.;

• recherche de soutien − ce, dans une pers-pective de valorisation de soi, recherchede soutien externe et de soutien interne;

• refus, rébellion − il y a alors négation dela violence survenue et affirmation del’autonomie professionnelle ou encore,renforcement des comportements repro-chés;

• évitement ou retrait − la gestion dutemps ou de l’espace est utilisée pourdiminuer la possibilité de l’occurrencedes incidents violents, il y a égalementretrait et idéation de retrait, conformis-me, etc.

Toutes les stratégies utilisées présentent desavantages, diminuer la souffrance ou stopperla violence, à tout le moins temporairement.Cependant la solidarité semble la meilleurefaçon d’éviter la violence des supérieures etsupérieurs hiérarchiques considérant que « lesprofessionnelles, professionnels aux prisesavec la violence de leurs supérieures, supé-rieurs ont besoin du soutien de leurs pairs.

mettre son moyen de subsistance en dangerou de s’ingérer d’une façon quelconquedans sa carrière. Il comprend des actescomme l’intimidation, la menace, le chan-tage ou la coercition. » p. 3.

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Chapitre 1 12

Ceux-ci étant bien souvent témoins descomportements violents, leur appui facilite-rait le règlement des conflits. 23»

Dans la perspective d’identification d’unevoie de solution à la question de la violencepsychologique, les chercheures soulignentqu’il conviendrait que la violence psycholo-gique soit effectivement prise en compte dansles conventions collectives.

Les chercheures rappellent aussi que laviolence psychologique « fleurit », à l’heureactuelle, dans des organisations marquées pardes compressions budgétaires, une surchargede travail et la réduction des effectifs etassorties d’exigences de productivité accrues;la structure devant absolument tenir le coup −il apparaît, par conséquent, impossible dereconnaître les faiblesses de celle-ci. Unpremier pas à franchir à cet égard est celui dereconnaître « que les organisations ont, parl’entremise de leurs hauts gestionnaires, desresponsabilités vis-à-vis de leurs mem-bres. 24», cette reconnaissance pouvant éven-tuellement être facilitée par le recours à desspécialistes de l’extérieur. Il est pertinent queles ressources internes participent égalementà l’exercice.

Les chercheures concluent que « presquetoutes les solutions avancées demandent larévision des modèles ou des pratiques decommunication interne. » (p. 99)

En bref, pour les chercheures, la violenceorganisationnelle s’inscrit dans un processussusceptible d’amener l’accroissement de 23 . C. Aurousseau, S. Landry, Les profession-

nelles et professionnels aux prises avec laviolence organisationnelle, ProtocoleUQAM-CSN-FTQ, document no 64, Servicesaux collectivités de l’UQAM, Fédération desprofessionnels et professionnelles sala-rié(e)s et des cadres du Québec (FPPSCQ),1996, p. 83.

24. C. Aurousseau, S. Landry, op. Cit., p. 98.

l’intensité des comportements de violencepsychologique, ce qui a des impacts sérieuxpour les personnes qui en sont victimes. Lespersonnes visées par la violence psycholo-gique peuvent utiliser certaines stratégies envue de contrer cette violence; la solidaritédes employés et employées étant toutefoisvue comme la voie la plus efficace en vued’atteindre cet objectif.

La révision des pratiques de communications’avère importante dans tous les cas de figure.

1.3 Une étude américaine

Hornstein25 s’est aussi penché sur la questionde la violence hiérarchique.

Une proportion importante des personnesinterrogées dans le cadre de cette étude −environ 40 % d’entre elles − ont identifié lessituations stressantes comme un facteurmajeur de comportement abusif, ces victimesne souffrant pas moins que celles qui doiventaffronter des « abus spontanés ».

Huit comportements abusifs, qu’il est possi-ble d’associer à la violence psychologique,sont identifiés par Hornstein, à savoir :

• la tromperie ou le mensonge;

• le contrôle même en dehors du lieu detravail;

• la coercition, l’égoïsme qui amène à blâ-mer les subordonnés et à en faire desboucs émissaires pour chacun desproblèmes susceptibles de survenir;

• l’inéquité ou le traitement différencié desemployés en raison de favoritisme ou decritères non liés au travail;

25. H. Hornstein, Brutal Bosses and Their prey.

How to Identify and Overcome Abuse in theWorkplace, Riverhead Books, New York,1996.

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Chapitre 1 13

• la cruauté − à titre d’exemple, on peutsonger à l’humiliation publique;

• l’indifférence par laquelle le patrontransgresse les normes habituelles de lapolitesse et de la justice.

Hornstein évoque trois principaux types depatrons abuseurs, soit les conquérants, lesperformants, les manipulateurs. Les pre-miers26 sont portés à affirmer brutalementleur pouvoir en vue d’exercer un contrôle et,ainsi, amener les autres à prendre en considé-ration leurs désirs et leurs caprices. Les per-formants peuvent utiliser l’humiliation, labrimade, l’agression verbale; les subordonnésdans l’impossibilité de répliquer constituentles cibles favorites de ce type de gestionnaire.Lorsque les performants déprécient leurssubordonnés, il leur semble que leur proprecompétence est améliorée. Quant aux mani-pulateurs, ce sont leurs propres besoins, leurssentiments et leurs pensées qui comptent; le

26 . Ce type de patron est à rapprocher du style

autocratique décrit par M. Valiquette dansLe pouvoir sans abus. Pour une éthiquepersonnelle dans la relation d’autorité, LesÉditions Logiques, Montréal, 1997. Ce styleest « celui où la personne en positiond’autorité décide et donne facilement desordres sans demander l’avis de la personnesous son autorité. Les autocrates se perçoi-vent comme étant seuls responsables del’évolution de la relation. Ils s’attendent àce qu’on leur obéisse au doigt et à l’œil. Ilssont habituellement rigides, supportent peula contestation, manquent parfois de clair-voyance. » p. 26. Poussé à l’extrême, lestyle autocrate devient le style endoctrine-ment. Le style autocrate dirige, le style en-doctrinement ordonne, p. 34. On est loin,dans une telle perspective, d’un style démo-cratique où « la personne en positiond’autorité consulte fréquemment celle sousson autorité. Elle donne des avis, desconseils et encourage la personne sous sonautorité tout au long de la relation. Le styled'autorité démocratique crée un climat beau-coup plus ouvert et de collaboration. » p. 28.

reste pouvant s’avérer secondaire. Les mani-pulateurs considèrent leurs subordonnésdavantage comme des objets ou des instru-ments que comme des personnes à qui ilsdoivent un certain respect compte tenu que« Objects and instruments connot be abused;they can only be used effectively – or else beuseless. » (p. 56)

Le respect d’un patron envers ses employéset employées offre, aux yeux de Hornstein,une plus grande protection contre des com-portements de violence psychologique que lesalaire.

Dejours précise encore à cet égard que « lareconnaissance n’est pas une revendicationmarginale de ceux qui travaillent. Bien aucontraire, elle apparaît comme décisive dansla dynamique de la mobilisation subjective del’intelligence et de la personnalité dans letravail 27»; il ajoute un peu plus loin que « lareconnaissance du travail, voire de l’œuvre,le sujet peut la rapatrier ensuite dans leregistre de la construction de son identité. »(p. 37); l’identité constituant « l’armature dela santé mentale », ce qui n’est pas sansimpact non plus sur la motivation au travail.

Aussi, selon Hornstein, travailler avec unpatron difficile est associé avec une plusgrande anxiété, la dépression, une estime desoi plutôt basse et, dans certains cas, desmaladies de cœur. Si bien que d’aprèsplusieurs études, le facteur qui amènel’impact le plus grand sur le bien-être desemployés est la relation entre le patron etles employés.

Les effets de la violence au travail peuvent sefaire sentir à long terme. Ainsi, les personnesayant subi de la violence au travail réagissentmoins bien au stress, ont des habiletés inter-personnelles plus faibles, un sens de l’ini-

27 . C. Dejours, Souffrance en France. La bana-

lisation de l’injustice sociale, Paris, Seuil,1998, pp. 36-37.

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Chapitre 1 14

tiative moins grand, sont moins amicaux etmoins ambitieux.

Enfin, il semble important de souligner que lecomportement abusif de certains patrons peutprovenir d’une organisation du travail mar-quée par une culture traditionnelle, auto-cratique et hiérarchique. Par voie de consé-quence, il ne devrait pas y avoir de chan-gement significatif dans l’occurrence ou lesconséquences des comportements abusifs decertains patrons à moins de réformer l’orga-nisation du travail en vue d’encourager lacoopération, la justice ainsi qu’un plus grandsens de la communauté.

De plus, si les comportements abusifs decertains patrons découlent d’une lacune auregard d’habiletés particulières, il sembleraisonnable de croire qu’une formation plusadaptée au contexte actuel contribue à pallierce type de déficience.

Les études québécoises et américaines posent,entre autres, la question des différents typesde pouvoir au regard du fonctionnement dumilieu de travail. Valiquette distingue le pou-voir gratifiant, c’est-à-dire la capacité àoctroyer des récompenses du pouvoir coer-citif qui est celui qui permet de contraindre,de punir. Elle souligne également que la per-sonne en autorité qui centre son interventionsur le pouvoir de récompense risque plus defaciliter l’apprentissage de l’indépendance etde l’autonomie de la personne que celle quiutilise un pouvoir coercitif. Cela paraîtessentiel dans une société qui valorise l’inno-vation.

En conclusion de cette sous-section portantsur certaines études réalisées, le harcèlementpsychologique au travail est répandu. Il a desimpacts importants non seulement pour lespersonnes qui en sont victimes maiségalement pour l’ensemble de l’organisa-

tion28. Les fonctions de travail occupées parles femmes, surtout dans le secteur desservices, seraient davantage susceptibles 28 . Pour l’École polytechnique fédérale de Lau-

sanne, le harcèlement au poste de travail aété identifié comme un phénomène détrui-sant l’ambiance de travail, ce qui entraîneraitl’absentéisme et la diminution de la produc-tivité. Les auteurs et les victimes ne se-raient plus concentrés sur leur tâche, leurprincipale préoccupation devenant la gestiondu conflit. Les pertes pour l’entreprise pour-raient alors prendre des proportions impor-tantes en raison de la diminution de laqualité du travail d’une part et, d’autre part,par l’augmentation des coûts dus à l’absen-téisme. Pour ce qui est de la situation desfonctionnaires, l’article 24, alinéa 2 du Statutdes fonctionnaires précise que « Le fonc-tionnaire a le devoir de se comporter avectact et politesse envers ses supérieurs etses collaborateurs de même qu’avec le pu-blic. » Cet article pourrait, semble-t-il êtresuffisant pour prévenir le mobbing. Toute-fois, il y aurait intérêt à l’assortir d’une direc-tive plus explicite afin d’en mieux déterminerles modalités d’application.Adresse Internet :http://apcwww.epfl.ch/mobbing.htm.

Il s’agit ici d’un point de vue convergent aveccelui de F. Clermont et B. Lavoie qui esti-ment fort importantes les conséquences dela violence en milieu de travail tant pourl’individu que pour le milieu de travail consi-dérant que celle-ci « peut occasionner despertes importantes en termes de capital hu-main telles la perte irrémédiable ou plus oumoins prolongée de travailleurs dans les-quels l’entreprise a investi en développe-ment et formation, primes d’invalidité à courtou à long terme, perte de productivité,baisse du moral des troupes, baisse de laloyauté et du dévouement des employés,atteinte à la réputation de l’entreprises(i.e. image de prestige/identité corporativeaffectée), indemnités consécutives à despoursuites légales, etc. » tiré de la commu-nication intitulée « Réagir adéquatement à laviolence : la saine gestion de crise » donnéedans le cadre de la journée portant sur lethème La violence au travail. Vers la tolé-rance zéro, Conférences Insight InformationInc., Insight Press, Toronto, 16 avril 1996,p. 133.

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Chapitre 1 15

d’être victimes d’incidents de violence psy-chologique. Les stratégies pour contrer detels comportements sont nombreuses, la soli-darité des membres d’un même milieu detravail29 semblant la voie la plus prometteuse.

Le problème de violence au travail est com-plexe, une démarche globale engageant l’en-semble des parties est nécessaire pour arriverà la contrer. Considérant les effets très néga-tifs de ce phénomène sur toutes les parties enprésence, il est pertinent de privilégier laprévention; toutefois, des mécanismes desti-nés à préciser des solutions pour des incidentssurvenus dans les milieux de travail doiventégalement être mis en place.

2. Les initiatives syndicales

Les organisations syndicales se préoccupentdepuis un certain temps déjà des questionsliées à la violence au travail.

Certaines enquêtes ont été menées, d’une partet, d’autre part, des documents d’informationet de sensibilisation ont été élaborés.

2.1 Des enquêtes patronnées par des orga-nisations syndicales

Il semble pertinent d’évoquer d’abord lesrésultats d’une enquête menée auprès desmembres de la Fédération30 des infirmières et 29 . Un des résultats obtenus par l’évaluation

(juin 1998) de la Politique visant à contrertoute forme de harcèlement au travail desServices correctionnels du Québec va dansun sens similaire considérant qu’« il a étédémontré que les personnes victimes sesentent capables de dénoncer le harcèle-ment qu’elles vivent lorsqu’elles perçoiventqu’il sera l’objet de la réprobation de la partdes collègues de travail et des supérieurs. »p. 14.

30 . Les résultats de cette enquête sont exposésdans une communication de J. Skene intitu-lée « La violence au travail. Ça blesse. ».Celle-ci a été faite dans le cadre d’un collo-que dont le thème était La violence au tra-

des infirmiers du Québec (FIIQ) étant donnéque ces personnes occupent une fonction detravail, considérée par l’OIT, plus à risque deviolence psychologique au travail.

Dans un second temps, les résultats del’enquête de l’Alliance de la fonction publi-que du Canada (AFPC) seront brièvementévoqués, puis les travaux du Centre derecherche interdisciplinaire sur la violencefamiliale et la violence faite aux femmes(CRI-VIFF) réalisés en collaboration avec laConfédération des syndicats nationaux(CSN).

En dernier lieu, on donnera un aperçu dusondage réalisé auprès des membres duSyndicat des professionnelles et des profes-sionnels du gouvernement du Québec.

Il convient de noter que les résultats de cesdifférentes enquêtes sont convergents; aussi,ils comprennent des indications complé-mentaires les unes par rapport aux autres, cequi peut ajouter à la compréhension duphénomène de violence psychologique autravail.

Considérant le caractère relativement récentde l’examen du phénomène de violence psy-chologique au travail, il semble pertinent depasser en revue les résultats de ces différentesenquêtes qui permettent d’observer certainesconstantes en cette matière.

Certaines dimensions seront plus particu-lièrement abordées, telles que les suivantes :

• les personnes touchées par la violence autravail;

• les auteurs d’incidents de violence;

vail. Vers la tolérance zéro, Insight Informa-tions Inc., Insight Press, Toronto, 16 avril1996.

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Chapitre 1 16

• les effets de la violence en milieu detravail;

• le soutien reçu.

L’enquête de la FIIQ

Les personnes touchées par la violence autravail

La violence31 au travail touche à peu près toutle monde dans cette catégorie d’emploi desinfirmiers et infirmières, selon une enquêterécente. Ainsi, il apparaît que « près de 90 %des 828 répondantes ont affirmé avoir déjàété victimes de l’une ou l’autre des formes deviolence questionnées : agressions physiques,menaces d’agression, attitudes ou proposblessants ou agressions à caractère sexuel. »(p. 54)

Si l’on se concentre sur la violence psycho-logique, les données recueillies indiquent que

31 . Il pourrait s’avérer pertinent de faire la dis-

tinction entre l’agressivité et la violence.Pour C. Verret, « l’agressivité est une pul-sion qui fait partie de chaque être humain,qui est même nécessaire à sa survie, maisson expression doit se faire par des voiessocialement acceptables. Une personne aucomportement agressif est souvent une per-sonne qui a peur, qui se sent menacée, quise sent impuissante ou qui se sent frustrée.Elle réagit à une menace réelle ou imagi-naire. Elle n’arrive pas à résoudre la situa-tion par les voies d’expression habituelles.

La violence, c’est quand l’impulsivité prendle dessus et que la personne perd lecontrôle de ce qu’elle est en train de dire, dece qu’elle est en train de faire. Elle terroriseson interlocuteur. C’est une menace à l’inté-grité physique ou psychologique de l’autre. »tiré de la communication intitulée « La vio-lence ne s’arrête pas toute seule : la pré-vention par la formation » donnée dans lecadre d’une journée sur le thème de La vio-lence au travail. Vers la tolérance zéro,Conférences Insight Information Inc., InsightPress, Toronto, 16 avril 1996, p. 101.

plus de 75,4 % affirment avoir été victimesd’attitudes ou de propos blessants, 62,2 % demenaces d’agression, 44,8 % d’agressions àcaractère sexuel.

Les impacts des incidents de violence onttouché non seulement la santé physique despersonnes − tremblements, troubles de som-meil, épuisement, etc. − mais également lasanté psychique − perte de confiance en soi.Skene en conclut que « le milieu de la santéau Québec constitue une menace pourl’intégrité physique et psychologique desinfirmières. » (p. 55)

Les auteurs de la violence au travail

Il est d’abord spécifié dans cette enquête queles bénéficiaires ou les patients sont lesauteurs de la grande majorité des agressions.

Quant aux relations avec les médecins32, ellesconstituent une source appréciable de vio-lences psychologique et sexuelle − 17 % del’ensemble des attitudes ou propos blessants,10 % de l’ensemble des agressions à carac-tère sexuel. Le tableau semble encore plusévocateur si on ne se réfère qu’aux gesteset/ou paroles des médecins, à savoir que 28 %des répondantes ont fait face à de l’intimi-dation verbale diffuse, 37 % ont reçu desinsultes verbales, 43 % se sont fait engueuler,54 % ont subi de l’humiliation devant lesbénéficiaires, 49 % devant l’équipe de travail,38 % ont vécu une pression ou un contrôleexcessif. Dans une telle perspective, il estpossible de voir, avec Skene que « lesrelations médecins/infirmières sont marquéespar le mépris et l’abus de pouvoir. » (p. 27)

32. Les médecins sont responsables de 16 %

des engueulades, de 33 % des humiliationsdevant les bénéficiaires, de 27 % des humi-liations devant l’équipe de travail. Ils sontégalement responsables de 17 % des frôle-ments ou attouchements, de 20 % de soulè-vement des vêtements, de 17 % de baisersforcés ou de tentatives d’embrasser p. 26.

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Chapitre 1 17

Les supérieurs immédiats, le plus souvent desfemmes dans le milieu des soins, peuventexercer une violence psychologique significa-tive; les comportements adoptés sont alorsassociés au harcèlement professionnel, soitdans 44 % des cas le contrôle excessif, dans29 % des cas, le chantage sans caractèresexuel, dans 17 % des cas l’humiliationdevant les autres membres de l’équipe detravail. Un lien pourrait être établi avec laconjoncture actuelle de compressions budgé-taires, celles-ci étant susceptibles d’amenerdes tensions et des conflits et de provoquer undurcissement dans les relations de travail.

Quant aux autres membres du personnel,ceux-ci sont agressants surtout au chapitredes agressions à caractère sexuel.

Les effets de la violence au travail

Il convient de noter que suite à des attitudesou à des propos blessants, les infirmières ontsouffert des effets suivants au plan psycholo-gique : 91 % ont ressenti de la colère, 68 %de l’impuissance, 57 % de la peur, 49 % de lahonte, 45 % de l’angoisse. Au plan du tra-vail, 56 % affirment avoir peu peur de re-travailler dans le même contexte et 51 % ontconnu une baisse de la motivation au travail.

En conclusion, on peut dire que la violencesubie a eu des effets destructeurs au planpsychologique ainsi qu’un impact sérieux surla motivation.

Le soutien reçu suite à des incidents deviolence au travail

C’est l’écoute de la part d’un ou d’une collè-gue qui représente la principale forme desoutien − 93 % en moyenne pour lesagressions physiques, 94 % pour les menacesd’agressions, 92 % pour les attitudes ou lespropos blessants, 74 % pour les agressions àcaractère sexuel. Malgré ce support, la majo-rité des victimes de comportements violentsne cherchent qu’à oublier les incidents, ce qui

peut laisser croire au manque d’autresmoyens accessibles dans le milieu de travailpour faire face à de telles situations ouencore, à une certaine « banalisation33 » de laviolence dans le milieu de travail.

Il semble opportun d’insister sur le fait queles infirmières perçoivent que la violence àleur endroit est un phénomène en croissance− 71,3 % pour les menaces d’agression et77,2 % pour les attitudes ou les proposblessants.

•• L’enquête de l’Alliance de la fonctionpublique du Canada 34 (AFPC)

Les résultats obtenus suite à cette enquêtesont convergents avec ceux des études exami-nées dans la sous-section précédente ainsiqu’avec l’enquête faite auprès des infirmièreset des infirmiers. Malgré cela, il apparaît per-tinent d’en exposer ici les principales dimen-sions, soit l’occurrence du phénomène, sonimpact, la manière d’y faire face, etc.

Ainsi, la violence psychologique semblerépandue dans ce milieu, considérant que plusdu tiers des personnes répondantes à l’enquê-te récente, soit 35 % d’entre elles, affirmentavoir été victimes d’agression une fois oudavantage. La répartition des agresseurs étaitde 3 hommes pour 1 femme.

Les agressions verbales et les menacesreprésentent le principal type de violencesubie au travail. L’impact de ce type de

33 . N. Guberman et M.-H. Plante voient dans le

fait de suggérer à une employée d’oublier unincident de violence survenue dans le milieude travail comme une stratégie de banalisa-tion de la violence de la part des employeursou des employées. Pour plus d’informationsà ce sujet, il faudrait consulter La banalisa-tion de la violence en milieu de travail. Do-cument synthèse, novembre 1998.

34 . Alliance de la fonction publique du Canada,section santé et sécurité, La violence au tra-vail. Rapport d’une enquête, mars 1995.

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Chapitre 1 18

comportement est le traumatisme émotif − ily aurait un lien à faire avec la confiance, lerespect de soi, le dynamisme et l’ambitiond’une personne.

Les superviseurs et les collègues de travailsont responsables d’environ les deux cinquiè-mes de l’ensemble des incidents de violenceau travail, soit 21,8 % pour la première caté-gorie et 17,3 % pour la seconde.

Le manque de personnel et le travail solitairereprésentent des facteurs qui peuvent aug-menter l’incidence de la violence au travail,d’après les personnes interrogées. Toutefois,l’enquête révèle qu’une majorité des inci-dents sont survenus alors que d’autres person-nes étaient présentes, alors qu’environ untiers se sont produits quand la victime étaitseule.

La connaissance de politiques et des métho-des pour faire face à des incidents de violenceau travail était faible parmi les personnesinterrogées; une forte majorité d’entre ellesétait dans l’impossibilité de répondre ou nesavait pas s’il y avait des politiques écritessur le sujet; une minorité, soit 15 %, a faitsavoir qu’il n’y avait pas de politique sur lesujet. Ce n’est pas sans donner un indicequ’un problème sérieux de communicationexiste dans les organisations où travaillent lesmembres de l’AFPC. Enfin, trois cinquièmesdes personnes répondantes à l’enquêten’avaient reçu aucune formation pour faireface à des incidents violents.

L’Alliance de la fonction publique du Canadaestime le Comité de santé et de sécurité autravail comme le meilleur endroit pour entre-prendre la lutte contre la violence; qu’il estnécessaire d’améliorer les communicationsentre les employeurs et les travailleuses et lestravailleurs des services gouvernementaux;qu’il est important que l’employeur élabore etfasse connaître des politiques et des pratiquesvisant à contrer la violence au travail; que laformation constitue un moyen pertinent pour

prévenir la violence au travail; que desmécanismes de « réparation » doivent êtremis en place en vue d’aider les victimes; quela violence physique et mentale soit reconnuepar voie législative comme un danger pour lasanté et la sécurité au travail.

•• L’enquête du Centre de rechercheinterdisciplinaire sur la violencefamiliale et la violence faite auxfemmes (CRI-VIFF)35

L’objectif visé par les travaux réalisés dansce cadre était la rédaction d’un document desensibilisation des membres de la Confédé-ration des syndicats nationaux à la questionde la violence au travail. Signalons cepen-dant que là également, les résultats obtenussont convergents avec ce que les études exa-minées en première partie ont permis de faireressortir à propos du phénomène de laviolence psychologique au travail.

Les responsables des travaux du CRI-VIFFidentifient d’abord différentes formes deviolence au travail, soit la violence physique,psychologique, sexuelle et financière.

35 . D. Damant, J. Dompierre, N. Jauvin, La vio-

lence en milieu de travail, CRI-VIFF, Univer-sité Laval, avril 1997. Ces travaux ont étéeffectués grâce à l’encadrement de L. Bris-son, Service de la formation de la CSN et deD. Hébert, Service de la condition fémininede la CSN. Quatre stratégies de rechercheont été utilisées dans ce cadre, l’observationparticipante, le groupe-focus, le question-naire, l’étude de cas. Plus de 200 person-nes ont participé à l’une ou l’autre des stra-tégies employées. Les travaux réalisés seveulent descriptifs et ne visent pas à évaluerquantitativement, précisent les auteurs, lephénomène de la violence en milieu de tra-vail. Il est essentiel de souligner que dans lasection sur la portée de l’étude, les auteursindiquent que « les quelques données pré-sentées dans ce document ne sont ame-nées que pour illustrer les propos que noustenons et ne sont pas généralisables. »p. 11.

Page 23: Violence et harcèlement spychologique au travail

Chapitre 1 19

La violence psychologique est celle quitouche la plus forte proportion des person-nes ayant répondu au questionnaire, soitenviron la moitié des cas.

Le « mobbing36 » y apparaît comme unphénomène de violence propre aux milieuxde travail. Il est constitué principalement deviolence psychologique mais également demanifestations de violence physique, sexuelleou financière; les collègues tout comme lessupérieurs pouvant être impliqués dans lemobbing.

Les agresseurs peuvent être aussi bien laclientèle que les collègues de travail, lessupérieurs ou des étrangers à l’organisation;la violence commise par les collègues detravail prenant des proportions sensiblementplus importantes que celle des autres dansl’ensemble des groupes interrogés, excluantles membres de la FAS. Ce qui pourraits’expliquer par le fait que les travailleuses etles travailleurs ont davantage de rapport avecleurs collègues qu’avec tout autre groupeétudié dans ce cadre.

Les agresseurs sont davantage des hommesque des femmes et ce, tant dans les catégoriesclientèle que collègue, supérieur ou étranger;« plus des trois-quarts des personnes inter-rogées nous ont rapporté avoir été témoinsou victimes de violence exercée par deshommes. » (p. 30) La violence psycholo-

36 . Les auteurs de l’étude du CRI-VIFF ren-

voient ici, en page 22, à la définition deH. Leymann, à savoir : « le concept de mob-bing définit l’enchaînement, sur une assezlongue période, de propos et d’agissementshostiles exprimés ou manifestés par une ouplusieurs personnes envers une tierce per-sonne (la cible)… Il est constitué d’agisse-ments hostiles qui, pris isolément, pourraientsembler anodins, mais dont la répétitionconstante a des effets pernicieux » tiré deMobbing : la persécution au travail, 1996,p. 27.

gique serait largement utilisée par leshommes.

Les responsables des travaux du CRI-VIFFsoulignent la difficulté à établir les causes dela violence en milieu de travail ainsi que larareté de recherches sur la question. Il estpossible de croire qu’un incident violent peutparfois n’être dû qu’à une seule de cescauses. Toutefois, dans la plupart des cas,c’est la combinaison d’un ensemble decauses qui dégénère en comportement(s)violent(s). Les causes évoquées par les per-sonnes consultées ont été regroupées en cinqcatégories37, soit les facteurs individuels,interpersonnels, sociaux, organisationnels,et ceux liés à l’environnement de travail.

Les stratégies les plus efficaces utilisées parles répondants et les répondantes sont lessuivantes : la recherche de soutien auprès descollègues, la recherche de soutien auprès desproches − la famille et/ou les amis −, le faitde quitter les lieux, la déclaration del’incident au syndicat, le fait de prendre uncongé sans solde ou des vacances, la discus-sion avec l’équipe de santé-sécurité.

Les effets de la violence subie se situent auplan physique et au plan psychologique −stress, anxiété, dépression, baisse de l’estimede soi et du sentiment de compétence, de lasatisfaction de la vie, sentiment de vulnérabi-lité et même de culpabilité, peur de se retrou-ver dans une situation semblable, maux detête, troubles de sommeil, désordres gastro-intestinaux, nausées, fatigue, etc. La gravitéde l’impact de la violence peut être variableen fonction de la nature de la relation entre lavictime et son agresseur.

De plus, les conséquences de la violence surle milieu de travail peuvent être importantes

37 . Vous trouverez en Annexe 2 les cinq caté-

gories de causes susceptibles d’induire de laviolence en milieu de travail.

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Chapitre 1 20

− roulement de personnel, baisse de produc-tivité, absentéisme, baisse de la motivation autravail, diminution de la qualité du serviceoffert à la clientèle, etc.

• Un aperçu de la situation chez les pro-fessionnelles et les professionnels dugouvernement du Québec (SPGQ)38

Un sondage sur la santé au travail a étéeffectué, en 1996, auprès des membres duSPGQ. Plusieurs dimensions de la santémentale étaient questionnées.

Le phénomène de la violence au travail tantphysique que verbale, psychologique ousexuelle, était exploré dans le cadre de cesondage; les coupures budgétaires, lessuppressions de postes, l’insécurité et lesexigences organisationnelles apparaissantcomme un « terreau propice » à la violence.Il apparaît que 50,7 % des répondantes et desrépondants ont été victimes de violenceverbale (insultes, engueulades, crises ouintimidations), 57,7 % de violence psycholo-gique (contrôle excessif, « tablettage »,regards haineux, indiscrétions, etc.).

Les supérieures et les supérieurs représen-tent la catégorie qui exerce majoritairement laviolence verbale − 50,9 % − et la violencepsychologique − 86,9 %. Quant à la violencephysique, les clients en sont les principauxresponsables, 56,4 % et les collègues de laviolence sexuelle, 61,8 %.

Les effets de la violence au travail compor-tent des manifestations aussi bien physiques −fatigue intense, troubles du sommeil, pleurs-tremblements − que psychologiques − colère,

38 . Les informations de cette sous-section pro-

viennent d’un article de C. Eddie intitulé « Lasanté au travail. Sondage effectué en juin1996 auprès des professionnelles et profes-sionnels membres du SPGQ », Info-Express, SPGQ, vol. 8, no3, 23 novembre1998, pp. 15-18.

frustration, peur, culpabilité, honte. Égale-ment, il a pu être observée une baisse de lamotivation au travail. Enfin, des impacts surla vie personnelle ont aussi été notés. Lespersonnes interrogées se sont montrées, dans57,8 % des cas insatisfaites du soutien offertpar l’employeur.

Le sondage a permis de faire ressortir quel’employeur est informé, dans plus de 50 %s’il s’agit de violence physique, verbale oupsychologique. Ce qui démontre que la vio-lence est commise ouvertement.

2.2 Des documents d’information et desensibilisation des organisations syndi-cales

Plusieurs organisations syndicales sont préoc-cupées par la question de la violence au tra-vail et ont voulu y sensibiliser leurs membres.Il s’agit là, pour le moment, des principalesactions réalisées par cette catégorie d’acteurssociaux. Il semble important de les passer enrevue afin de faire ressortir l’importance decette préoccupation et son occurrence.

À titre d’exemple, il est possible d’évoquer leSyndicat de la fonction publique duQuébec39 qui vise à expliquer les différentesformes de violence auxquelles leurs membrespeuvent être confrontés au quotidien, à savoirla violence verbale, physique, psychologique,sexuelle et économique. Les effets et lesconséquences de ces diverses formes deviolence sont brièvement évoqués, certainsmoyens d’y faire face, ainsi que des instancesde recours.

La Fédération des travailleurs et travail-leuses du Québec a voulu apporter unsoutien aux femmes dans les questions ayanttrait à la violence. Dans le Guide pratiquepour prévenir la violence faite aux femmes

39 . Syndicat de la fonction publique du Québec,

La violence faite aux femmes en milieu detravail. Tolérance zéro!, Québec, 1995.

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Chapitre 1 21

(1993), cette organisation a circonscrit lesconcepts liés à la violence et à ses différentesmanifestations, a voulu expliciter la violenceen milieu de travail dont les liens à faire avecla dégradation de l’environnement économi-que et social, ainsi que la réponse syndicalequi pourrait être apportée.

La Confédération des syndicats nationaux(CSN) expose, dans La violence en milieu detravail. Tolérance zéro (1997), les diversesdimensions du concept de violence en milieude travail − formes, agresseurs, causes, straté-gies des victimes, conséquences de la vio-lence, etc. −; aborde les résultats de la recher-che d’universitaires québécoises dont il a déjàété question plus haut; précise l’objectif visé,à savoir l’élimination de la violence dans lesmilieux de travail et, pour ce faire, privilégiel’approche de prévention.

Le Syndicat canadien de la fonctionpublique (SCFP) a, pour sa part, produitPassons à l’action − une trousse pour faireéchec à la violence au travail qui, commeson nom l’indique contient un ensembled’outils au regard de la violence au travaildont des directives en matière de santé etsécurité, un guide pour l’évaluation et laprévention de la violence contre le personnel,un exemplaire du questionnaire du Service desanté et de sécurité du SCFP sur les agres-sions contre les travailleurs et les travail-leuses, des conseils pour les relations avec lesmédias, une suggestion quant à une clause deconvention collective portant sur la violenceau travail et un formulaire de rapport d’inci-dents violents. Ces outils portent cependantsur des incidents susceptibles de survenirentre les bénéficiaires et les employés et lesemployées d’une organisation publique.Toutefois, ceux-ci pourraient vraisemblable-ment s’avérer pertinents pour des incidentsqui surviendraient dans un contexte intra-organisationnel.

Enfin, le Service national de l’éducation duSyndicat des métallos a élaboré, en 1997, un

guide pour la prévention de la violenceintitulé « Parlons-en ouvertement ». La res-ponsabilité des comités sur la santé et lasécurité du travail en matière de préventionde la violence y est ainsi soulignée : « Lescomités sur la santé et la sécurité peuventaider à prévenir la violence au travail enélaborant des politiques explicites sur leharcèlement et la violence. » (p. 4) Des indi-cations sont fournies aux principaux groupesqui sont considérés comme plus vulnérablessoit les femmes, les personnes immigrantes,les gays et les lesbiennes, les enfants, lespersonnes aînées. La politique du Syndicatdes métallos contre le harcèlement est rappe-lée, c’est-à-dire que le Syndicat « désireassurer un environnement exempt de harcèle-ment dans le cadre de toutes ses activités. »(p. 16) De plus, le concept de harcèlementest circonscrit de la façon suivante : « Leharcèlement n’est pas une blague. Il engen-dre des sentiments d’embarras, d’humiliationet de malaise. Par le harcèlement, une per-sonne tente de faire valoir le pouvoir ou lasupériorité qu’elle croit avoir sur une autre,souvent pour des motifs sur lesquels lavictime n’exerce que peu ou pas de contrôle,comme le sexe, la race, l’âge, la croyance, lacouleur de la peau, l’état civil, l’orientationsexuelle, un handicap, l’appartenance politi-que ou religieuse ou le pays d’origine. »(p. 16) Pour le Syndicat des métallos, leharcèlement, peu importe sa forme, repré-sente une grave infraction. C’est pourquoi laconvention collective doit assurer un rôle ausyndicat dans l’enquête sur les plaintes pourharcèlement.

3. La définition de la violence psycho-logique en milieu de travail

Plusieurs acteurs sociaux se sont penchés surla définition à privilégier en matière deharcèlement psychologique ou de violencepsychologique au travail. Ces définitionsseront d’abord rappelées. Les traits communsde ces dernières seront, par la suite, identifiés.

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Chapitre 1 22

Enfin, une définition sera proposée qui feraressortir les distinctions de cette dernière parrapport à d’autres types de violence suscepti-bles de survenir dans un milieu de travail.Robinson a indiqué, dès 1995, à propos de laviolence psychologique que cette dernière« peut se manifester par des paroles, desactes ou des comportements tendant àdévaloriser les travailleuses, à les rabaisserau rang de subalternes, à les empêcherd’avancer dans leur carrière. Et parfois,cette forme de violence se traduit par duharcèlement professionnel, de l’abus depouvoir ou de l’abus d’autorité. 40» Pourqu’il y ait violence psychologique, il doitdonc y avoir des actions répétées, dans laplupart des cas, et qui visent à porter atteinteà l’intégrité ou à la dignité d’une personne.Compte tenu des formes variées qu’est sus-ceptible de prendre la violence psychologi-que, on peut présumer que celle-ci pourraitêtre le fait de collègues de travail, de laclientèle ou encore des supérieures ousupérieurs.

Le groupe Au bas de l’échelle indique que« le harcèlement psychologique au travailpeut se définir comme toute action (gestes,paroles, comportements, attitudes, etc.) quiporte atteinte, par sa répétition ou sa gravité,à la dignité ou à l’intégrité d’une travailleuseou d’un travailleur. Il peut être exercé tantpar une ou un collègue de travail que par uneou un supérieur hiérarchique. 41»

40 . A. Robinson, Travailler, mais à quel prix! 72

travailleuses témoignent de la violence faiteaux femmes dans des milieux de travail syn-diqués au Québec, Groupe de recherchemultidisciplinaire féministe (GREMF), Cahier65, Université Laval, Québec, 1995, pp. 85-86. Robinson précise, au regard des agres-seurs que « ces formes psychologiques deviolence sont très largement masculines etqu’elles ont généralement pour cible les tra-vailleuses plutôt que les travailleurs. »p. 109.

41 . Au bas de l’échelle, Contrer le harcèlementpsychologique au travail : une question de

Les dimensions considérées dans cette défini-tion sont les suivantes :

• être une action;

• comporter un caractère de répétition oude gravité;

• avoir un impact négatif sur la dignité oul’intégrité de la personne;

• être aussi bien le fait d’une ou d’uncollègue que d’une ou d’un supérieurhiérarchique.

Quant au harcèlement sexuel, c’est, pour Aubas de l’échelle, « une conduite qui semanifeste par des paroles, des actes et desgestes à connotation sexuelle, répétés et nondésirés, qui est de nature à porter atteinte àla dignité ou à l’intégrité physique ou psy-chologique d’une personne, ou de nature àentraîner pour elle des conditions de travaildéfavorables ou un renvoi.42» (p. 7) Le

dignité, Montréal, 1998, p. 6. Dans le mé-moire présenté par l’Intersyndicale desfemmes au Comité canadien sur la violencefaite aux femmes, le 6 décembre 1992 et in-titulé La violence faite aux femmes dans lesmilieux de travail, il est précisé certaines desdimensions inhérentes à la violence psy-chologique soit que celle-ci « se manifeste,entre autres, par des propos humiliants, parla démolition pernicieuse exercée à l’égardde celles qui osent s’introduire dans lasphère du travail »(p. 17). Il est indiqué, unpeu plus loin, que « ce sont des remarquesdésobligeantes qui viennent des patronsmais aussi des collègues de travail. C'estune violence pernicieuse, insidieuse, qui aun effet cumulatif de dévalorisation sur lesemployées, quelles que soient leurs catégo-ries d’emploi. L’expression de la violencepsychologique peut prendre différentes for-mes, elle est parfois plus subtile dans le mi-lieu intellectuel mais elle n’en est pas moinsdestructrice. » p. 17.

42 . Cette définition du harcèlement sexuel re-coupe très largement la définition comprisedans la Politique gouvernementale visant à

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Chapitre 1 23

harcèlement psychologique ou la violencepsychologique semble par conséquent com-porter une portée plus large que le harcè-lement sexuel43; le harcèlement psycholo-gique pouvant toutefois inclure des élémentsde harcèlement sexuel.

Le harcèlement discriminatoire est uneforme de harcèlement fondé sur l’un des onzemotifs de discrimination reconnus par laCharte des droits et libertés de la personne,soit l’âge, la condition sociale, les convictionspolitiques, l’état civil, la grossesse, unhandicap ou l’utilisation d’un moyen pourpallier ce handicap, la langue, l’orientationsexuelle, la race, la couleur, l’origineethnique ou nationale, la religion, le sexe.Tant pour le harcèlement sexuel que pour leharcèlement discriminatoire, des recours sontprévus dans les chartes des droits et libertés.

La Confédération des syndicats nationaux,pour sa part, définit, dans un premier temps,

contrer le harcèlement sexuel et le harcèle-ment selon les autres motifs prévus à laCharte des droits et libertés de la personne.CT #183866 du 22 septembre 1993. Il y estprécisé qu’« un seul acte grave qui engen-dre un effet nocif peut aussi être considérécomme du harcèlement. »Adresse Internet :http://www.sma.qc.ca/vixit/temps/SC10401.HTM.

43 . Il convient cependant de souligner que lesconséquences du harcèlement sexuel surles femmes − principales victimes d’un telcomportement − sont importantes tant pourleur santé physique que pour leur santépsychique : les victimes souffrent de trou-bles psychosomatiques, d’insomnies, demaux de tête, de dépression, si l’on se fie auSSP-Le syndicat dynamique de la fonctionpublique suisse. De plus, le harcèlementsexuel empoisonne l’ambiance de travail.Enfin, il peut entraver les chances de forma-tion et d’avancement des femmes et même,amener la perte de l’emploi.Adresse Internet :http://www.vpod.ethz.ch/f/sexbelf.htm.

la violence en milieu de travail de la façonsuivante : « Il y a violence quand, dans unmilieu de travail, un individu ou un grouped’individus, par des actions ou par desmenaces, porte atteinte, de manière intention-nelle ou non intentionnelle, à l’intégrité ou àla sécurité physique ou psychologique d’unautre individu ou groupe d’individus.44 » Leconcept de violence inclut donc une perspec-tive psychologique puisqu’il y a violence si lasécurité psychologique d’une personne oud’un groupe de personnes risque d’être com-promise.

La CSN précise, un peu plus loin, que laviolence psychologique est effectuée « defaçon insidieuse (sournoise) ou invisible. Onfait référence à de la violence psychologiquelorsqu’on tente, par différents moyens (ver-bal, gestuel, regard, posture, etc.) de blesserune personne sur le plan émotionnel. » (p. 4)Les dimensions de la violence psychologiqueretenues par la CSN dans sa définition rejoi-gnent celles du groupe Au bas de l’échelle.

L’Alliance de la fonction publique duCanada (AFPC) a, pour sa part, adopté ladéfinition suivante pour la violence, à savoirque celle-ci « comprend tout acte ou compor-tement négligent ou délinquant, ainsi quetous les incidents au cours desquels une tra-vailleuse ou un travailleur est assailli, agres-sé ou menacé dans des circonstances liés àson travail ou dans le cours de son travail etqui peuvent causer des blessures mentales ouphysiques, la maladie ou la mort.45» La

44 . Confédération des syndicats nationaux, La

violence en milieu de travail. Tolérance zéro,décembre 1997, p. 1. La CSN évoque éga-lement le mobbing dans le sens où « on faitréférence à un phénomène de groupe, semanifestant surtout sous la forme de vio-lence psychologique, et qui consiste à se li-guer contre quelqu’un sous la forme de« terrorisme au travail ». » p. 6.

45 . Alliance de la fonction publique du Canada,La violence en milieu de travail. Politique del’AFPC et document d’information, décem-

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Chapitre 1 24

violence comprend donc, pour l’AFPC, uneperspective psychologique. Dans ce cas éga-lement, les dimensions de la violence psycho-logique retenues sont similaires à celles dugroupe Au bas de l’échelle.

Skene précise ainsi le sens de la violencepsychologique, c’est « celle qui englobediverses tactiques utilisées pour miner laconfiance en soi. C’est ici que se retrouventtoutes les formes de l’abus verbal : cris,insultes, engueulades, moqueries, humilia-tions… mais auquel on ajoute des compor-tements plus insidieux, mais non moins dom-mageables comme le mépris, les attitudescondescendantes, les pressions, le chanta-ge.46»

Le Syndicat de la fonction publique duQuébec (SFPQ) précise les contours de laviolence psychologique de la manière sui-vante : « La violence psychologique semanifeste, entre autres, par des proposhumiliants, par la démolition pernicieuse (quiaffecte le moral) exercée à l’égard de cellesqui osent s’introduire dans la sphère dutravail et, comble d’outrage à la division desrôles, qui osent s’y exprimer. Ces violences,le plus souvent enfouies, sont invisibles etinsidieuses (trompeuses) et minent de l’inté-

bre 1994, p. 4. Pour l’AFPC, le harcèlementest inclus dans sa définition de la violence(p. 12). Le harcèlement de l’employeur re-présentant « une forme d’abus de pouvoiroù un individu utilise sa position et son pou-voir pour intimider ou contraindre d’autrespersonnes. Il a un effet direct sur le rende-ment et, en conséquence, il peut nuire auxpossibilités d’avancement d’une personneou à sa sécurité d’emploi. » p. 13.

46 . J. Skene, « La violence au travail, çablesse », communication dans le cadred’une journée sur le thème La violence autravail. Vers la tolérance zéro, Insight Infor-mation Inc., Insight Press, Toronto, 16 avril1996, p. 40.

rieur. 47». La distinction entre cette défi-nition et celle des acteurs précédents tient,pour l’essentiel, au fait que les victimes de laviolence psychologique en milieu de travailsont présumées être des femmes. Peut-êtrecela tient-il au rôle de la condition fémininedans ce dossier du SFPQ ou encore au faitque cette définition provient d’un documentdestiné aux femmes membres de ce syndicat.

La Fédération des travailleurs et travail-leuses du Québec (FTQ) s’est égalementpréoccupée de la violence faite aux femmes.Dans le Guide pratique pour prévenir la vio-lence faite aux femmes (1993), la définitionde la violence faite aux femmes proposée parl’ONU dans son projet de déclaration, estrappelée, il s’agit de « tout acte de violencefondé sur l’appartenance au sexe féminin,causant ou susceptible de causer aux femmesdes dommages ou des souffrances physiques,sexuelles ou psychologiques, et comprenantla menace de tels actes, la contrainte ou laprivation arbitraire de liberté, que ce soitdans la vie publique ou la vie privée. » (p. 7)Les diverses formes de violences possiblessont également explicitées dont la violencepsychologique qui consiste « à dénigrer unepersonne par des paroles visant à atteindreson intégrité physique et morale. » (p. 13)Dans ce cas également, il est questiond’actions, qui peuvent être répétées, dont lesconséquences peuvent s’avérer importantespour les personnes qui en sont victimes.

47. Syndicat de la fonction publique du Québec,

La violence faite aux femmes en milieu detravail. Tolérance zéro!, Québec, 1995, p. 4.Il apparaît opportun de noter que le SFPQ ainclus, dans sa proposition de renouvelle-ment de la convention collective des fonc-tionnaires échue au 30 juin 1998, desarticles sur les sujets suivants : les respon-sabilités de l’employeur au regard du milieude travail, une définition du harcèlementadministratif et psychologique et un méca-nisme de plainte analogue à celui prévupour le harcèlement sexuel.

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Chapitre 1 25

Avant d’aller plus loin et de proposer unedéfinition de la violence psychologique, il estessentiel de préciser les responsabilités48 del’employeur au regard du fonctionnement dumilieu de travail. Le Code civil du Québec, laLoi sur la santé et la sécurité du travail et laCharte des droits et libertés de la personneobligent l’employeur à protéger la santé, lasécurité, l’intégrité physique et la dignité del’ensemble de ses salariés49.

Dans cette perspective, il semble pertinent derappeler que l’Alliance de la fonctionpublique du Canada estime, pour sa part,qu’un employeur qui omet de prendre toutesles mesures préventives pour réduire auminimum « l’exposition des travailleuses ettravailleurs à des dangers chimiques,biologiques, physiques ou psychologiques, onpeut dire qu’il agit de manière violente à

48 . R. Dupont, « La violence au travail », com-

munication dans le cadre d’une journéeportant sur le thème La violence au travail.Vers la tolérance zéro, Insight InformationInc., Insight Press, Toronto, 16 avril 1996,pp. 239-261.

49 . Il s’agit de l’article 2087 du Code civil qui selit comme suit : « L’employeur, outre qu’il esttenu de permettre l’exécution de la presta-tion de travail convenue et de payer la ré-munération fixée, doit prendre les mesuresappropriées à la nature du travail, en vue deprotéger la santé, la sécurité et la dignité dusalarié. »; de l’article 51 de la Loi sur lasanté et la sécurité du travail qui se litcomme suit : « L’employeur doit prendre lesmesures nécessaires pour protéger la santéet assurer la sécurité et l’intégrité physiquedu travailleur : (…) »; de l’article 46 de laCharte des droits et des libertés qui se litcomme suit : « toute personne qui travaille adroit, conformément à la loi, à des conditionsde travail justes et raisonnables et qui res-pectent sa santé, sa sécurité et son intégritéphysique. » ou encore de l’article 4 de cettemême loi qui se lit comme suit : « toute per-sonne a droit à la sauvegarde de sa dignité,de son honneur et de sa réputation. »

l’égard des personnes à son emploi. 50» Ilappartiendrait donc à l’employeur de faire ensorte que les milieux de travail soientexempts de violence.

De plus, dans sa politique sur la violence autravail, l’Alliance demande, entre autres, la« garantie d’une pleine indemnisation pourtoutes les travailleuses et tous les travailleursvictimes de violence; les maladies et lesaccidents physiques ainsi que les maladiespsychologiques, y compris le stress chroniquelié à toute forme de violence au travailcomme le harcèlement, la discrimination ouune mauvaise organisation du travail, doiventêtre reconnus dans les lois sur les accidentsdu travail » (p. 6). C’est donc dire que l’em-ployeur devrait, d’après cette organisationsyndicale, être tenu de compenser les travail-leuses et les travailleurs pour tous les types deviolences subies à cause du travail.

Quant aux obligations des salariés, ceseraient celles de respecter l’autorité patro-nale et d’agir avec civilité avec ses supérieursaussi bien qu’avec ses collègues. Unesalariée ou un salarié qui entreprendrait unrecours civil par suite de harcèlement psycho-logique de la part de son employeur, pourraitêtre congédié s’il a moins de trois ans deservice chez l’employeur selon la Loi sur lesnormes du travail. Si le salarié ou la salariéea trois ans ou plus de service chez l’em-ployeur, celui-ci ne peut congédier sans causejuste et suffisante une personne qui entre-prendrait un recours en vertu de cette loi.

Enfin, Dupont évoque le fait que les tribu-naux ont insisté sur la nécessité de maintenirun climat de travail harmonieux et exempt deviolence.On ne peut qu’observer une grande conver-gence dans les points de vue des différents

50. Alliance de la fonction publique du Canada,

La violence au travail. Politique de l’AFPC etdocument d’information, décembre 1994,p. 3.

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Chapitre 1 26

acteurs à propos du harcèlement psycho-logique. C’est pourquoi on peut croire que leharcèlement psychologique en milieu detravail − ou la violence psychologique autravail − pourrait être appréhendé de la façonsuivante :

• il comporte des actes susceptibles des’inscrire dans un processus de gradationallant du plus insidieux au plus visible;

• il peut y avoir répétition de ces actesdont certains comportent un caractère degravité; il se déroule le plus souvent surune période de temps relativementlongue;

• il porte atteinte à la dignité et/ou àl’intégrité de la personne;

• il touche plus particulièrement les per-sonnes occupant des fonctions de travailgénéralement remplies par des femmesdans le secteur des services51 ;

• il peut avoir des effets tant sur la santéphysique que sur la santé psychique de lavictime − troubles du sommeil, fatigue,dépression, idées suicidaires, etc.

• il peut avoir des effets importants sur lefonctionnement même de l’organisation− baisse de productivité, de motivationau travail, roulement de personnel, etc.;

• il peut impliquer des coûts importantspour l’organisation;

• il peut être le fait du supérieur ou de lasupérieure, d’une ou d’un collègue de

51 . Pour la FTQ, les femmes sont davantage

susceptibles que les hommes d’être victimesde la violence en milieu de travail à causede la position hiérarchique subalternequ’elles occupent. Information provenant duGuide pratique pour prévenir la violencefaite aux femmes, 1993, p. 19.

travail, de la clientèle desservie; le« mobbing » (violence collective contrequelqu’un) représentant un phénomènede violence particulier au travail;

• il est impossible d’identifier une seulecause à la violence au travail − rappelonsque les travaux du CRI-VIFF ont permisde répertorier plus d’une quarantaine decauses de la violence au travail, causesqui ont été regroupées en cinq catégoriesde facteurs52, soit les facteurs indivi-duels, interpersonnels, sociaux, organisa-tionnels, et ceux reliés à l’envi-ronnement de travail;

• les victimes de violence psychologiqueutilisent des stratégies diversifiées pourfaire face à ce phénomène; la solidaritédes membres d’un milieu de travailreprésentant toutefois le moyen le plusefficace pour contrer ce type de compor-tement;

• la responsabilité particulière de l’em-ployeur au regard d’un milieu de travailexempt de violence semble explicite;c’est d’autant plus important à consi-dérer que d’après Hornstein, les relationsavec les supérieurs représentent, il estutile de le rappeler, « the factor that hasthe strongest impact on employees’well-being. 53»

• une démarche globale est nécessairepour contrer la violence au travail enga-geant l’ensemble des acteurs sociaux −patrons, syndicats, associations, gouver-nements, organisations supra-étatiques,etc. −, démarche qui vise non seulement

52 . Rappelons que ceux-ci sont énumérés à

l’Annexe 2.

53 . H. Hornstein, Brutal Bosses and Their prey.How to Identify and Overcome Abuse in theWorkplace, Riverhead Books, New York,1996, p. 70.

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Chapitre 1 27

à prévenir les incidents de violence maiségalement à remédier aux incidentsqu’il a été impossible de prévenir.

òò En bref, le harcèlement psychologiqueau travail représente donc un phénomènecomplexe susceptible d’impacts impor-tants tant pour les victimes ou lestémoins des incidents de violence quepour l’organisation elle-même, voirepour la société toute entière. Il s’agitd’un phénomène qui semble en crois-sance un peu partout dans le monded’après l’étude de Chappell et DiMartino.

Les causes de la violence au travailsemblent multiples. La voie de solutionà privilégier paraît être celle de laprévention, tout en ne négligeant pas lesaspects visant à remédier à des incidentsde violence effectivement survenus.

Les responsabilités des employeurssont loins d’être négligeables en matièrede violence au travail, qu’il s’agissed’une forme ou d’une autre de violence.

L’ensemble des acteurs sociaux estconcerné par la lutte à la violence autravail et devrait participer aux effortsvisant à apporter des solutions à ceproblème sérieux. La violence au travails’inscrit cependant dans un contexte sus-ceptible d’expliquer, en partie à tout lemoins, son occurrence. Celui-ci seral’objet du prochain chapitre.

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Chapitre 1 28

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Chapitre 2 29

Le contexte de la hausse de la vio-lence psychologique en milieu detravail

intérêt manifesté par un grand nombred’acteurs en matière de violence, peu

importe le type de manifestation, surgit dansun contexte qu’il semble pertinent d’exami-ner; d’autant que plusieurs des causes de lacroissance observée de la violence en milieude travail y paraissent liées.

Ce contexte est marqué par des changementsimportants liés tant au fonctionnement mêmedes entreprises, qu’à celui du marché dutravail. Les changements semblent considéra-bles si bien que Laszlo et Langel considèrent,à cet égard, que « depuis ces dernièresannées, la vitesse des changements s’estaccélérée et leur amplitude s’est étendue aupoint que l’on peut parler de discontinuité etde rupture par rapport aux règles du jeuétablies au fil du temps. Un nouveau paysageconcurrentiel émerge, caractérisé par lacomplexité et la turbulence. 54» À cet égard,

54 . C. Laszlo, J.-F. Langel, L’économie du

chaos. Comment gérer la transformationpermanente des entreprises dans des envi-ronnements complexes et instables, Paris,Éd. d’Organisation, 1998, p. 28. A. Groveva également dans ce sens dans un livre oùil traite de son expérience dans une entre-prise du secteur de l’informatique. Ce livreest intitulé Seuls les paranoïaques survi-vent, Paris, Village Mondial, 1997. Il y estexpliqué que la conjoncture actuelle du mar-ché amène souvent des changements« puissance 10 » qui obligent à bouleverserles façons de fonctionner, un tel change-ment devant être vu plutôt comme une« mutation », d’après Grove. Ces momentsde changements sont alors appelés despoints d’inflexion stratégique. Les déve-loppements susceptibles de devenir despoints d’inflexion stratégique pourraient êtreplus facilement identifiés grâce à un débatlarge et intensif étant entendu que « plus lesproblèmes posés sont complexes, plus ilfaudra impliquer de niveaux hiérarchiquesdans la discussion, puisque les collabora-

il faut se rappeler, avec Albert et Emery que« fondamentalement, changer c’est appren-dre. 55» Ces changements supposent, aussibien de la part des employeurs que de cellesdes employés et des employées, des attitudesfort différentes de celles qui ont été décritesdans le premier chapitre où l’on a fait le pointsur des milieux marqués par la violencepsychologique au travail.

Les deux principales dimensions du contexteéconomique actuel seront, tour à tour, exami-nées dans le présent chapitre. On pourraobserver que le contexte actuel peut réunirplusieurs conditions favorables à l’occur-rence d’incidents de violence psychologiquesans toutefois présumer qu’il y aura nécessai-rement violence psychologique.

De plus, considérant les responsabilités parti-culières des cadres au regard des milieux detravail et de sa qualité, leur rôle sera aussiabordé.

Enfin, le point de vue syndical sur la violencepsychologique au travail sera mentionnécompte tenu du lien possible avec certaines

teurs des divers services apportent au tourde table une personnalité, des connaissan-ces et des points de vue totalement diffé-rents. Il convient même d’y faire participerdes personnes externes à l’entreprise,clients ou partenaires, car non seulementleurs connaissances portent sur d’autresdomaines, mais leurs intérêts ne sont pasnécessairement les vôtres. » p. 124. Ce quisuppose une certaine confiance entre lespartenaires visés. Toutefois, une telle dis-cussion large est profitable pour tous étantentendu qu’« une entreprise ne peut réussirque si elle sert aussi les intérêts des autresparties. » p. 125.

55 . E. Albert, J.-L. Emery, Le manager est unpsy, Paris, Éd. d’Organisation, p. 84. Lesauteurs précisent également que le chan-gement touche tout le monde au sein d’uneorganisation lorsqu’ils estiment que « lechangement passe par l’adaptation et le re-nouvellement des comportements des ac-teurs de l’entreprise. » p. 80.

L’

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Chapitre 2 30

conditions de travail dont la surcharge detravail affectant un certain nombre detravailleurs et de travailleuses − celle-cipouvant représenter une autre conditionfavorable à l’éclosion d’incidents de violencepsychologique.

1. Les changements qui affectent lefonctionnement des entreprises

Plusieurs facteurs sont susceptibles d’influersur le fonctionnement des entreprises. Est-ilutile de rappeler d’abord que celles-ci doiventmaintenant tenir compte de la perspective demondialisation, qu’elles doivent maintenirune certaine compétitivité et que pour cefaire, un grand nombre d’entre elles se sontengagées dans des processus de rationalisa-tion dont le « downsizing » (coupuresd’effectifs). Nous traiterons brièvement deces facteurs dans les sous-sections quisuivent.

• La mondialisation

Il semble opportun de rappeler que le conceptde mondialisation56 est entré en force dans lesesprits. Du point de vue de Cohen, « ilsymbolise notre époque, notre modernité.C’est lui qui nous contraint ou nous convaincd’accepter des évolutions parfois doulou-reuses, mais qui peuvent nous ouvrir de

56 . Pour le Groupe de Lisbonne, « la mondiali-

sation se manifeste par deux phénomènesdistincts : par sa portée et par son intensité.D’une part, elle s’entend d’un ensemble deprocessus qui englobent presque la terreentière ou se déroulent à l’échelle mondiale;le concept prend alors une connotationd’ordre spatial. D’autre part, elle supposeune intensification des degrés d’interaction,d’interconnexion ou d’interdépendance quise jouent entre les États et les sociétés etqui constituent la communauté mondiale.L’extension du processus va donc de pairavec leur approfondissement. » Limites à lacompétitivité. Vers un nouveau contratmondial, Montréal, Boréal, 1995, p. 60.

nouveaux horizons 57». L’internationalisationde la production est avancée58, elle a étépartiellement facilitée par l’expansionmondiale des capitaux59 − certains évoquentmême le « nomadisme » des capitaux − et parle fait d’une technologie de production à pluspetite échelle qui permet ce genre de straté-gie.

La mondialisation et la possibilité de déloca-lisation de la production des entreprisespermet l’exercice de pressions en vue de larévision des normes du travail. La voie de ladéréglementation du travail a récemment étéexaminée au Québec, elle a donné lieu auRapport du Groupe conseil sur l’allègementréglementaire déposé au premier ministre duQuébec en mai 1998.

• La recherche de compétitivité

Dans le contexte de la mondialisation, la viedes entreprises est marquée par la recherchede la compétitivité qui est elle-même liée à laproductivité60 dont une des conditions serait

57 . D. Cohen, « La mondialisation, un bouc

émissaire? », Problèmes économiques,no 2.544, 26 novembre 1997, p. 7.

58 . R.P. Chaykowski, A. Giles, « La mondialisa-tion, le travail et les relations industrielles »,Relations industrielles, vol. 53, no 1, 1998,pp. 13-23.

59 . F. Chesnais, « La mondialisation du capi-tal », Le Monde diplomatique, février 1995,p. 19. La mondialisation aurait renforcé lespolitiques de libéralisation et de dérégle-mentation à outrance.

60 . À cet égard, il convient de noter le lien entrela productivité et l’engagement organisation-nel que Fabi, Martin et Valois évoquent dansleur article intitulé « L’engagement organisa-tionnel : voie d’avenir de la mobilisation enmilieu hospitalier » dans (sous la dir.)R. Laflamme, Mobilisation et efficacité autravail, AIPTLF, 9e Congrès, Presses In-ter Universitaires, 1998. Ils spécifient quecelui-ci « peut avoir des conséquences im-portantes sur toute la performance organi-

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Chapitre 2 31

de réagir vite et pour ce faire, de détenir labonne information et d’assurer sa gestion61.Certains évoquent à cet égard l’importance dedévelopper une « intelligence économique »qui, selon Bonnivard62, est devenue une res-source collective; le préalable de la mise enœuvre d’un tel système résidant dans l’impli-cation des travailleurs et des travailleuses, la

sationnelle et en particulier sur les problè-mes de productivité. » no 48.

M.-F. Hirigoyen évoque ainsi une influencepossible du harcèlement psychologique surson efficacité au travail et, par voie de con-séquence, sur sa productivité : « Une per-sonne harcelée ne peut pas être au maxi-mum de son potentiel. Elle est inattentive,inefficace, et prête flanc aux critiques sur laqualité de son travail. Il est alors facile des’en séparer pour incompétence ou fauteprofessionnelle. » dans Le harcèlement mo-ral. La violence perverse au quotidien, Paris,Syros, 1998, p. 59.

61 . S. Davis, C. Meyer, Le paradigme du flou.Vitesse, connectivité, immatérialité, Paris,Édition Village Mondial, 1998. D’autant queselon D. Latouche, « le savoir se mondia-lise ». Il est précisé un peu plus loin que« l’économie du Québec, comme celle detoutes les sociétés, a besoin de tous lessavoirs du monde si elle veut prospé-rer. » tiré de Politique québécoise de l’auto-route de l’information. Étude préparatoireintitulée Tous les savoirs du monde : l’info-route et l’emploi dans la nouvelle économie,4 septembre 1997.Adresse Internet :http://www.mcc.gouv.qc.ca/cominfo/autorout/politique/latouche/chap1.htm.

62 . D. Bonnivard, « L’intelligence économiquerévolutionne l’organisation des entreprises »,Problèmes économiques, no 2.571, 3 juin1998, pp. 18-24. Bonnivard définit l’intelli-gence économique comme suit : « L’idée debase de l’intelligence économique est sim-ple : s’informer par tous les moyens, com-prendre l’environnement pour agir, appré-hender les stratégies des concurrents pouranticiper sur les marchés à venir et prendreles meilleures décisions dans un contextequalifié de « guerre économique. » » p. 18.

motivation des dirigeants et la compréhensionclaire pour tous des enjeux et des nouvellesréalités de l’environnement.

Selon Petrella, la compétitivité est désormaisplus qu’une modalité. Il estime qu’« elle acessé de constituer un « moyen d’être » pourdevenir l’objectif principal non seulement desentreprises mais aussi de l’État et de lasociété tout entière. 63»

La compétitivité d’un pays supposerait, pourcertains, la réduction des coûts du travail, ladéfiscalisation des bas-salaires, la réductiondes dépenses publiques, notamment cellesliées à la protection et à la sécurité sociale, lapoursuite des privatisations et de la dérégle-mentation de l’économie64. Des pratiques de 63 . R. Petrella, « Malheur aux faibles et aux

exclus. L’évangile de la compétitivité », LeMonde diplomatique, septembre 1991, p. 32.R. Morgan va aussi dans ce sens quand ilsouligne que « l’idéologie dominante résidedans la compétitivité, l’excellence, le mythedu gagnant à tout prix et la fascination dumonde des affaires. Le marché et les entre-prises survivantes se proposent de devenirla nouvelle « providence ». » dans « La« Société-providence », un nouveau contratsocial? », Le Chroniqueur, vol. 3, no 4, mai-juin 1996, p. 12. R. Laflamme va dans unsens analogue quand il avance qu’« àl’égard du contexte économique actuel, lesorganisations ont de plus en plus d’exi-gences envers leurs travailleurs. Elles doi-vent, par tous les moyens, obtenir des ré-sultats ou les améliorer. Demeurer compéti-tifs ou disparaître. » tiré de « Mobilisation oumanipulation? » dans (sous la dir.) Mobilisa-tion et efficacité au travail, AIPTLF,9e Congrès, Presses Inter Universitaires,1998, p. 87. C. Dejours partage ce point devue quand il estime que « le nerf de laguerre, ce n’est pas l’équipement militaire oule maniement des armes, c’est le dévelop-pement de la compétitivité. » tiré de Souf-france en France. La banalisation de l’injus-tice sociale, Paris, Seuil, 1998, p. 10.

64 . R. Petrella, « Misère de l’économisme, dan-gers de la mondialisation. Litanies de SainteCompétitivité », Le Monde diplomatique, fé-vrier 1994, pp. 10-11.

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Chapitre 2 32

travail plus souples assureraient, pour d’au-tres, une meilleure compétitivité65 − la flexi-bilité concernant non seulement l’organisa-tion de la production mais aussi les horairesde travail et la rémunération des travailleurset des travailleuses.

La recherche de compétitivité exige aussil’approfondissement des connaissances envue d’assurer la plus grande qualité possible àla production de l’entreprise, ce qui supposeque l’on reconnaisse que la créativité humai-ne et l’initiative individuelle jouent un rôleimportant dans l’obtention d’avantages con-currentiels, plus encore que l’homogénéité etla conformité.

Dans ce contexte, on peut penser que larecherche de la compétitivité s’inscrit dans uncadre assez rapproché du marché, selon Hitt,Keats et De Marie qui estiment qu’« in fact,the new competitive landscape may be closerto purely competitive markets (or at leasthypercompetitive markets) than thoseexperienced in the past. Firms have to createinnovative products and services of highquality and at low prices to satisfyincreasingly informet customers with distinctneeds. 66»

Cet aspect du fonctionnement des entreprisesse situe en lien avec leur discours sur la quêtede l’excellence qui représente maintenant un

65 . Organisation internationale du travail, Laflexibilité du marché du travail accroît la pro-ductivité dans les industries de la construc-tion mécanique et de l’électronique, maisreprésente un défi pour les travailleurs,Communiqué de presse en date du 26 octo-bre 1998.

66 . M.A. Hitt, B.W. Keats, S. De Marie,« Navigating in the new competitive land-scape : Building strategic flexibility and com-petitive advantage in the 21e century »,Academy of Management Executive, 1998,vol.12, no 4, p. 24.

vecteur de construction existentielle pour lesindividus et, également l’un des plus sûrsmoyens pour l’entreprise d’assurer l’atteintede ses objectifs − l’excellence est un conceptdont la signification a évolué considérable-ment. Autrefois, l’excellence s’inscrivaitdans la durée et dans l’être alors qu’aujour-d’hui, elle s’exprime dans l’éphémère et dansle faire. Ainsi, du point de vue de Pauchant,« à l’excellence d’antan qui se définissaitcomme la capacité de résistance et de perma-nence face au temps qui s’écoule, comme « cequi émergeait du flux des années » a succédéune logique d’excellence radicalement oppo-sée, marquée au sceau de technologie moder-ne de la production de masse et de la vitessede communication. 67»

Exceller, c’est, par conséquent, l’emporter surles autres avec la précarité que cela implique,mais c’est aussi l’emporter sur soi-même68.Ce qui n’est pas sans effet sur le stress vécupar chacun et chacune dans les milieux detravail en concourant à accroître leur inquié-

67 . T. Pauchant et collaborateurs, La Quête de

sens. Gérer nos organisations pour la santédes personnes, de nos sociétés et de la na-ture, Montréal, Collection Presses HEC,Québec-Amérique, 1996, pp. 106-107.

68. Lipovetsky va également dans ce sensquand il avance que « vaincre est devenu lebut suprême, il faut gagner pour gagner,changer pour dominer le chaos environnant,innover ou périr, se mobiliser pour l’emporterdans la compétition internationale. » tiré deLe crépuscule du devoir. L’éthique indoloredes nouveaux temps démocratiques, Paris,Gallimard, 1992, pp. 184-185. F. Dubet etD. Martucelli vont dans un sens similairequand ils estiment que « le « culte de laperformance » dépasse largement les seu-les compétences professionnelles au sensstrict, pour devenir un pilier anthropologiquedes sociétés modernes, transformant le tra-vail en une mise à l’épreuve de soi, en un« défi » établi et encadré par des organisa-tions productives. » tiré de Dans quelle so-ciété vivons-nous?, Paris, Seuil, 1998,p. 113.

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tude par rapport à leur emploi et, par le faitmême, représente vraisemblablement unecondition favorable à l’éclosion d’incidentsde violence psychologique.

•• Le « downsizing »

Le « downsizing » a touché des centainesd’entreprises et des millions de travailleursdepuis la fin des années 198069. Il y a alorseu réduction de la force de travail perma-nente. Dans une telle perspective, il sembleraisonnable de présumer que la charge detravail des personnes qui restent en place tendà s’accroître.

G. Levrault insiste sur les impacts potentielsde la rationalisation des effectifs dans lesentreprises en soulignant la possibilité quecelle-ci, par l’augmentation de la charge detravail et la détérioration des conditions detravail, favorise l’éclatement de la violence.Il note que « les entreprises rationalisent,restructurent, réingénierient ». Elles pous-sent leurs employés à produire davantage,avec une plus grande qualité, pour demeurercompétitives et sauver peut-être les emploisqui restent. Elles demandent souvent à leursemployés de s’adapter à des conditions detravail qui vont souvent à l’encontre du bien-être de ces mêmes employés et augmententleur niveau d’insatisfaction.70»

69 . R.J. Burke, « Downsizing and Restructuring

in Organizations : Research Findings andLessons Learned – Introduction », Revuecanadienne des sciences administratives,décembre 1998, vol. 15, no 4, pp. 297-299.T. H. Wagar va dans un sens analogue dans« Exploring the Consequences of WorkforceReduction », Revue canadienne des scien-ces de l’administration, 15(4), pp. 300-309.Il y précise qu’au Canada, environ 55 % desentreprises ont signalé une réductionmoyenne de presque 16 % des effectifs deleur personnel sur une période de deux ans.

70 . Extrait d’une communication intitulée « Laviolence au travail » donnée dans le cadred’une journée sur le thème La violence autravail. Vers la tolérance zéro, Conférences

ò En bref, les entreprises sont appelées àfonctionner dans un contexte extrême-ment concurrentiel porteur d’effetsmajeurs sur leurs attentes vis-à-vis destravailleurs et des travailleuses − haussede productivité, amélioration de la quali-té, accroissement de la charge detravail71, etc. −, sur les conditions detravail offertes − flexibilisation deshoraires de travail et augmentation dunombre d’heures de travail72, des systè-mes de rémunération, précarisation del’emploi, etc.− et même sur les milieuxde travail.

2. Les transformations du marché dutravail

Plusieurs facteurs peuvent influer sur letravail, à savoir les nouvelles façons de gérerles ressources humaines, faisant davantageappel à la mobilisation des personnes, celles-ci étant basées sur la confiance, le travaild’équipe en vue d’assurer une plus grandequalité à la production des biens ou desservices des organisations, le développementd’une économie du savoir fondée surl’innovation et faisant appel à des personnelsfortement scolarisés, la précarisation d’uneproportion croissante des travailleurs et destravailleuses.

Insight Information Inc., Insight Press, To-ronto, 16 avril 1996, p. 21.

71 . Est-il utile de rappeler les nombreux articlesparus à ce sujet dans les journaux, notam-ment dans le cas du milieu de la santé etdes services sociaux à l’hiver 1999?

72 . À titre d’indication à ce sujet, consulterA. Lipietz, La société en sablier, Paris, Éd.La Découverte, 1998, qui indique que « pourmaintenir simplement son niveau de vie de1973, le travailleur américain doit travailleraujourd’hui 245 heures de plus par an (sixsemaines et demie). » p. 33.

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Chapitre 2 34

Les conditions actuelles de travail paraissentsusceptibles d’induire un plus grand stresspour l’ensemble des acteurs, ce qui ne seraitpas sans lien avec l’occurrence des incidentsde violence au travail, notamment la violencepsychologique. Enfin, des questions sur lesens même du travail commenceraient àémerger.

Ces différents facteurs seront maintenantconsidérés tour à tour.

• La nouvelle gestion des ressourceshumaines

Les exigences croissantes de productivité,nécessaires pour assurer la compétitivité desentreprises, supposent une mobilisation destravailleurs et des travailleuses − inséparablede la motivation −, celle-ci étant largementfondée sur la confiance entre les parties.Gérer par la confiance semble cependantrelativement paradoxal considérant que lagestion tend à rejeter l’incertitude ou vise à laréduire, alors que la confiance l’accepte,voire en fait son fondement.

Pour Capet73, les conséquences de la con-fiance seraient importantes tant pour les

73 . Capet fait certaines hypothèses quant aux

conséquences de la confiance :

«1) Pour les salariés qui font confiance, il y aréduction d’incertitude, possibilité de fairecarrière en obtenant des avantages du pa-tron ou en favorisant le développement del’entreprise. Il y a un attachement affectif etune fierté du patron. Il y a également dé-pendance et soumission, voire une certainepassivité.

2) Pour le patron, la confiance est source desatisfaction, reconnaissance d’une situationde domination, relations chaleureuses, tra-vail de direction facilité, possibilité de fairepasser des objectifs.

3) Pour l’entreprise, la confiance est sourced’efficience dans la mesure où la confiancefacilite les communications et réduit le nom-

salariés et les salariées que pour le patron oul’entreprise en ce sens qu’elle favoriserait unfonctionnement harmonieux qui tendrait àfaciliter l’atteinte de la productivité. Quintyva dans un sens similaire quand elle estime,dans un article récent, que « nous travaillonsmieux lorsque nous sommes bien traités etque nous sommes fiers de notre organisa-tion.74 » ce qui semble assimilable à uneconfiance entre des partenaires.

Quant à Weiss, il identifie les quatre princi-paux facteurs d’un bon moral au travail, cequi ne peut que se situer en lien avec laconfiance, à savoir les facteurs suivants :« 1. Satisfaction in the job itself. 2. Pride inthe other employees. 3. Acceptance of payscales and promotion opportunities. 4. Afeeling of belonging to the company. 75».Enfin, Weiss va dans un sens similaire à celuide Quinty quand il avance que« empowerment builds trust. » (p. 14)

Par ailleurs, si l’on se penche sur ce qu’im-plique la mobilisation des employés et desemployées, il est possible de se rendrecompte que celle-ci est associée à :

bre d’objectifs, c’est-à-dire les causes dedépendance ou d’activités inutiles. Mais il ya des risques d’abus, d’irrationalité. » tiré de« La confiance des salariés dans le patron »,Économies et Sociétés. Sciences de ges-tion, Série S.G., nos 8-9/1998, p. 161.

74 . M. Quinty a pris cette position dans un arti-cle intitulé « On ne prend pas les mouchesavec du vinaigre. Nous sommes attirés parles entreprises qui nous respectent, nousfont confiance et nous paient bien. Voici 10façons de conserver ses employés et 10entreprises qui les ont comprises. » parudans Affaires plus en janvier 1999, vol. 22,no 1, p. 33.

75 . W. H.. Weiss, « Employee involvement,commitment and cooperation : keys to suc-cessful supervision », Supervision, nov.1998, vol. 59, no 11, p. 13.

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Chapitre 2 35

• la confiance entre les acteurs considé-rant, en même temps que Laflamme76,que « mobiliser c’est permettre à sespartenaires d’exercer leur pouvoir. »,cet élément semblant d’autant plusimportant que de plus en plus, lestravailleurs et les travailleuses doiventrendre compte de leurs performances77;

• une collaboration active et dynamiqueconsidérant que « mobiliser consisteainsi à reconnaître le pouvoir des parte-naires et à négocier des modalitésacceptables pour eux. »;

• une certaine reconnaissance d’une néces-saire complémentarité entre les parte-naires et l’acceptation des initiatives desautres parties puisque « mobiliser c’estpermettre aux partenaires de prendredes initiatives en adoptant des règles dujeu communes permettant à ces derniersde refuser une mission. Mobiliser c’estreconnaître que les partenaires possè-

76 . R. Laflamme, « Mobilisation ou manipula-

tion? » dans Mobilisation et efficacité au tra-vail (sous la dir.) R. Laflamme, AIPTLF,Actes du 9e Congrès, Presses Inter Univer-sitaires, 1998, p. 94. La confiance sembled’autant plus importante que Sérieyx estimeque « dorénavant la complexité des situa-tions oblige à faire de plus en plus confianceaux acteurs, là où ils se trouvent » Le bigbang des organisations, Paris, Calmann-Lévy, 1993, p. 23. D. Ettighoffer et G. Blancnotent le point de vue d’Alain Peyrefitte àpropos de l’impact positif de la confiance.En effet, ce dernier estime que « le premiereffet bénéfique de la confiance est sa capa-cité créatrice. » dans Le syndrome de Chro-nos, Paris, Dunod, 1998, p. 230.

77 . D.M. Rousseau, « Organizational Behaviorin the New Organizational Era », Annu. Rev.Psychol., 1997, no 48, « trust-based rela-tions between workers and managementappear to be increasingly critical as workersare held accountable for their performanceacross more dimensions » p. 520.

dent du pouvoir, qu’il y a une réciprocitéentre les décideurs. »;

• une communication ouverte entre lespartenaires en vue d’une transparencedes objectifs de chacun des partenaireset de l’organisation étant entendu que« mobiliser c’est aussi une communica-tion ouverte afin que chacun des parte-naires puisse atteindre ses objectifs et,globalement, ceux de l’organisation. » ;

• une gestion réaliste des équipes detravail et des conditions favorables à descomportements productifs puisque « mo-biliser, c’est fixer des attentes réalistes àses collaborateurs, c’est créer des condi-tions, un environnement de travail quifacilitent l’émergence de comportementsproductifs. »

Ce qui suppose non seulement un respect despartenaires de tous les niveaux hiérar-chiques, mais également une communicationefficace qui permettent la transmission de lavision des dirigeants à tous les membres del’organisation. Ce qui semble s’opposerassez nettement à des comportements tels queceux décrits dans le premier chapitre pour lescadres qui adoptent des stratégies de violencepsychologique.

La mobilisation devrait aussi favoriser ledéveloppement du sentiment d’appartenan-ce78, ce dernier aurait un impact non négli-geable sur le rendement au travail, lesperspectives d’avenir en emploi, la présenceau travail, la résistance au stress, l’estime desoi et l’ouverture au changement. Valois79

78 . P. Dubois, « Comment développer le senti-

ment d’appartenance du personnel », dans(sous la dir.) R. Laflamme, Mobilisation etefficacité au travail, AIPTLF, Actes du9e Congrès, Presses Inter Universitaires,1998, pp. 29-34.

79 . P. Valois, « Comment développer le senti-ment d’appartenance du personnel », (sous

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Chapitre 2 36

identifie ainsi les principaux facteurs respon-sables du développement du sentiment d’ap-partenance. Il s’agit, par ordre décroissantd’importance de :

• la perception de respect et de considéra-tion par l’employée ou l’employé et lecadre de la part de ses supérieurs;

• la perception que l’entreprise accordebeaucoup d’importance à la qualité et auservice à la clientèle;

• une tâche et des responsabilités claires;

• une tâche stimulante;

• la qualité de l’information diffusée aupersonnel sur les orientations et sur lesactivités de l’entreprise;

• la perception d’efficacité administrative.

D’autres facteurs tels que l’image publiquede l’entreprise, la rémunération ou la percep-tion de la supervision n’auraient pas d’in-fluence sur le sentiment d’appartenance.

On peut donc dire que la mobilisation ne peutse décréter d’en haut, à coup d’injonctionsmobilisatrices et de valeurs communes. Ledéveloppement d’un sentiment d’appartenan-ce, si l’on se fie aux facteurs énumérés plushaut, semble se situer dans une perspectivetrès différente de celle prévalant dans lesmilieux où des incidents de violence psycho-logique ont pu être examinés dans le cadredes études ou des enquêtes dont les résultatsont été rapportés au premier chapitre. »

Enfin, la mobilisation reposerait sur l’enga-gement organisationnel, concept cerné pourle milieu hospitalier par Fabi, Martin etValois comme « l’intensité avec laquelle un

la dir.) R. Laflamme, Mobilisation et effica-cité au travail, AIPTLF, 9e Congrès, PressesInter Universitaires, 1998, pp. 29-34.

individu s’identifie et s’engage dans uneorganisation, ce qui se caractérise par uneacceptation profonde des valeurs et des butsorganisationnels, par la disposition à fournirdes efforts considérables pour l’organisationet par un ferme désir de maintenir sonappartenance à l’organisation. 80»; une tellenotion, basée sur l’identification entre unindividu et un milieu de travail et l’accep-tation des valeurs et des buts poursuivis,s’appliquant vraisemblablement à d’autresmilieux de travail, toutes choses étant égalespar ailleurs. Il semble essentiel de soulignerqu’une gestion participative où tous lesacteurs sont considérés comme des parte-naires, représente une condition majeure àl’engagement organisationnel. L’engagementorganisationnel semble se concrétiser dansune optique fort différente de ce que laissesupposer un milieu de travail où des incidentsde violence psychologique surviennent puis-qu’il ne peut y avoir acceptation des valeurset des buts poursuivis.

Certains auteurs manifestent quelques réser-ves par rapport aux volontés de mobilisationdes entreprises en les présentant comme une« idéologie »; la gestion par l’idéologie selonLipovetsky n’aurait des chances de succès etde dynamiser l’entreprise qu’à condition quecelle-ci « s’accompagne de restructurationsadéquates de l’« infrastructure », que si unnouveau « pacte social » permet l’implicationdans les processus concrets de décision. 81».

80 . B. Fabi, Y. Martin, P. Valois, « L’engage-

ment organisationnel : voie d’avenir de lamobilisation en milieu hospitalier » dans(sous la dir.) R. Laflamme, Mobilisation etefficacité au travail, AIPTLF, 9e Congrès,Presses Inter Universitaires, 1998, no 48.R. Laflamme partage ce point de vue quandil indique que « pour qu’il y ait mobilisation,les travailleurs doivent posséder un niveaud’engagement face à l’organisation et à sesobjectifs. » tiré de « Mobilisation ou mani-pulation? », p. 91, dans le même collectif.

81 . G. Lipovetsky, Le crépuscule du devoir.L’éthique indolore des nouveaux temps dé-

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Dans une telle optique, la mobilisation repo-serait sur une certaine démocratisation dutravail où les personnes seraient respectéesde même que leur compétence et leur contri-bution appréciée. La démocratisation du tra-vail suppose, dans une telle perspective, desmilieux exempts de violence ou encore, desparties qui disposent de moyens pour contrerla violence au travail et qui s’engagent acti-vement dans cette lutte.

En bref, si l’on se rappelle des diversesfacettes du phénomène de violence psycho-logique en milieu de travail explicitées dansle premier chapitre, on ne peut que constaterque la violence psychologique risque nonseulement de nuire à la mobilisation destravailleurs et des travailleuses, conditionimportante à la productivité de l’organisation,mais encore qu’elle puisse même la fairedisparaître; la mobilisation et la violencepsychologique apparaissant comme desconcepts antagoniques, voire mutuellementexclusifs, notamment en raison du fait qu’à lamobilisation est associée le respect et laconfiance alors que la violence psycholo-gique est liée à l’abus de pouvoir et aumanque de respect.

•• Une économie du savoir

Le traitement de l’information est devenu lemoteur de l’économie qui, selon Petrella sedématérialise82.

mocratiques, Paris, Gallimard, 1992, p. 183.Celui-ci ajoute un peu plus loin à cet égardque « la mobilisation reste un slogan creuxsans une gestion tournée vers la reconnais-sance du principe de responsabilité indivi-duelle, sans ambition d’équité et de parti-cipation aux fruits de la croissance, sansécoute de la différence des hommes au tra-vail. » p. 195.

82 . R. Petrella, « Le retour des conquérants »,Le Monde diplomatique, mai 1995, pp 20-21.

Il en est ainsi au Québec également où, lepoids des emplois à contenu élevé de savoir83

a augmenté, entre 1984 et 1996, de 24 % à29 %. Camille Limoges, président du Con-seil de la science et de la technologie, affir-mait lors de la présentation des récents avisde son organisme devant des fonctionnairesdu ministère de l’Éducation du Québec, le26 janvier dernier, que le Québec est entré deplein pied dans ce type d’économie.

Pour leur part, Davis et Meyer emploientl’expression « économie floue » pour quali-fier la nouvelle économie où « la connais-sance est une plus grande source de valeurque la terre ou les équipements, où votresavoir est plus important que vos possessions,où la réputation des gens avec lesquels voustraitez compte par-dessus tout 84», ils enconcluent que « le pouvoir se trouve auxmains de l’individu.» Dans une telle optique,le véritable capital apparaît intangible −image de marque, relation avec le client,talents des collaborateurs et collaboratrices,

83 . Conseil de la science et de la technologie,

Les emplois dans l’économie de l’innovation.Document présenté au Comité de suivi desdécisions du Sommet sur l’économie etl’emploi, 15 juin 1998, p. 7. Voir aussi L’en-treprise innovante au Québec : les clés dusuccès, Québec, 1998. Les données del’étude de S. Carpentier intitulée L’économiedu savoir 1984-1997, Direction de l’analysede la conjoncture industrielle, Direction gé-nérale de l’analyse économique, ministèrede l’Industrie, du Commerce, de la Scienceet de la Technologie, novembre 1998, vontdans un sens similaire, il y est affirmé quecette classe d’industries « a été responsablede près de 50 % de la création netted’emplois. La contribution des autres clas-ses à la création d’emplois est, toutes pro-portions gardées, plus réduite (32 % dans leniveau de savoir moyen et 20 % dans le ni-veau de faible savoir. » p. 4.

84 . S.Davis, C. Meyer, Le paradigme du flou.Vitesse, connectivité, immatérialité, Paris,Éd. Village Mondial, 1998, p. 153.

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expérience cristallisée sous forme de systè-mes et de processus.

Dans un tel type d’économie, les employéeset les employés sont appelés à manipuler del’information et des symboles − le travaildevenant alors plus réflexif, plus abstrait −;ils peuvent être davantage responsabilisés etparticiper aux prises de décision concernantl’organisation et l’exécution du travail; ilsdétiennent une masse d’informations néces-saires à la performance de l’entreprise; ilsdoivent savoir travailler ensemble, à la fois àl’intérieur d’équipes de travail ainsi qu’avecd’autres équipes.

La façon de mettre les travailleurs et lestravailleuses à contribution est de les mobi-liser en leur confiant des responsabilitésadditionnelles, la confiance entre les partiessemble alors indispensable85.

La formation de tous les membres du per-sonnel s’avère de plus en plus essentielledans des entreprises de la nouvelle économie.Rappelons, dans cette perspective, l’impor-tance primordiale de la formation continue etdu développement professionnel pour Albertet Emery pour qui « l’employabilité est autravail ce que la prévention est à la santé. 86»Ce qui suppose la possibilité de réaliserdivers types d’apprentissage.

Pauchant87 distingue plusieurs types d’ap-prentissage susceptibles d’être réalisés dans

85 . C’est un point de vue qu’avance

D. Latouche dans son étude préparatoire àla Politique québécoise de l’autoroute del’information intitulée Tous les savoirs dumonde : l’inforoute et l’emploi dans la nou-velle économie, 4 septembre 1997.

86 . E. Albert, J.-L. Emery, Le manager est unpsy, Paris, Éd. d’Organisation, 1998, p. 32.

87 . T.C. Pauchant, « L’entreprise apprenante etl’apprentissage systémique − quand le tra-vail génère des sous et du sens », dans(sous la dir.) R. Laflamme, Mobilisation et

des entreprises de la nouvelle économie,entreprises qui valorisent l’innovation, soitles suivants :

• l’apprentissage compétitif mis au servi-ce de la survie ou de la pérennité del’entreprise et utilisé afin d’accroître lacompétitivité d’une entreprise;

• l’apprentissage organisationnel réaliséen raison de la nécessité du changementet de la transformation des organisationsdans un monde en évolution;

• l’apprentissage systémique visant àfavoriser des synergies positives entreles parties au sein de l’entreprise elle-même et, avec la communauté environ-nante. Pauchant précise le sens del’apprentissage systémique de la façonsuivante : « si dans cette perspective, lesauteurs utilisent l’apprentissage afin derendre des entreprises plus perfor-mantes, ils sont aussi conscients deseffets pervers de la compétitivité et de laproductivité à outrance. Ces auteurstentent de faciliter des apprentissagessystémiques afin de développer desrelations plus saines entre les personnes,les organisations, la société et lanature. » (p. 188)

L’innovation est maintenant la clé de l’effi-cacité productive, ce qui est étroitement lié àl’acquisition de nouvelles compétences et denouveaux savoirs si bien que l’on peut dire,avec Sue, qu’« aujourd’hui produire denouveaux savoirs et de nouvelles compé-tences est devenu la clé de l’efficacité pro-ductive. C’est pourquoi le milieu profes-sionnel accorde une telle place à la notion decompétence. Compétence qui prend le passur la notion plus classique de qualification

efficacité au travail, AIPTLF, 9e Congrès,1998, p. 187 et ss.

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et souligne la profonde transformation dutravail.88»Enfin, l’innovation découlant du fonctionne-ment de l’économie du savoir suppose quel’on puisse expérimenter et, par conséquent,risquer de faire des erreurs. Il faut aussi quel’on puisse parler des essais et des erreurssans crainte d’être jugé incompétent, ce quiexige une grande ouverture d’esprit de lapart de tous les partenaires ainsi que lareconnaissance de la recherche commune demoyens pour répondre plus adéquatement auxexigences de la nouveauté.

Une telle attitude fondée sur le respect despersonnes, une communication claire et laconfiance entre les partenaires, semble sedémarquer fortement de celle caractérisant lesmilieux de travail où survient la violencepsychologique, ce qui a été décrit au premierchapitre; celle-ci pouvant, par conséquent,nuire grandement à l’atteinte des objectifs del’organisation si les dirigeants ne consa-craient pas les efforts nécessaires pour lacontrer.

88. R. Sue, La richesse des hommes. Vers

l’économie quaternaire, Paris,Éd. Odile Jacob, 1997, p. 87. Il convient desouligner que les compétences débordentlargement le cadre de la qualification. Ellesrecouvrent l’ensemble des savoirs, savoir-faire, savoir-être particuliers à une personne.

• La précarisation de plus en plusgrande du travail89

L’emploi salarié à temps plein sera surpassépar le travail atypique dans moins de vingtans d’après Normand90 qui évoque ainsi les

89 . Selon la Fédération nationale des ensei-

gnantes et des enseignants du Québec, la« précarisation constitue une dimensionstructurelle de la réorganisation du marchédu travail, elle réfère à la fragmentation desemplois réguliers surtout dans les servicesoù on recrute une main-d’œuvre d’appointsans assurer quelque forme de sécurité quece soit. La précarisation correspond sou-vent à une détérioration générale dans unmilieu […]. C’est l’aspect de la fragmenta-tion du travail et de la réorganisation de laproduction dans un secteur donné d’activitésqu’il faut retenir ici comme éléments structu-rels. » dans La précarité dans l’enseigne-ment, Actes du colloque tenu à Montréal,novembre 1994, p. 17. Appay va dans unsens analogue quand elle circonscrit le pro-cessus de précarisation comme « une miseen précarité qui résulte des restructurationsproductives. Celles-ci sont fondées sur desdynamiques d’externalisation du travail où laconcentration et l’atomisation ne sont pluscontradictoires. » tiré de « Précarisation so-ciale et restructurations productives » dans(sous la dir.) B. Appay, A. Thébaud-Mony,Précarisation sociale, travail et santé, Paris,CNRS, Institut de recherche sur les sociétéscontemporaines, 1997, p. 533.

90. F. Normand, « Une étude du ministère duTravail met en relief l’implacable progressiondu travail atypique. Vers un monde du tra-vail précaire. Si la tendance se maintient,l’emploi à temps plein ne sera plus la normeen 2017 », Le Devoir, 27 juin 1998, p. C1.Les données présentées par L.-F. Dagenaisdans « Nouvelles formes du travail : quelleest l’ampleur du phénomène? », communi-cation incluse dans Nouvelles formes du tra-vail : Les droits ont-ils un avenir? Actes du2e Forum Droits et libertés tenu à Montréal le10 décembre 1997, novembre 1998, vontdans un sens analogue; elle a observé laforte croissance des travailleurs à tempspartiel, plus de 100 %, la croissance extrê-mement forte des travailleurs salariés àtemps partiel non choisi, plus de 500 %, lefait que le nombre de travailleurs indépen-

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conclusions de l’étude réalisée sur le sujet parle ministère du Travail et rendue publique, enmai 1998, dans la revue Le Marché dutravail.

L’emploi atypique est souvent associé à laprécarité. Il s’agit là d’un concept à dimen-sions multiples qu’il conviendrait de spéci-fier :

« • l’incertitude quant à la durée du travailou de l’emploi;

• la faiblesse ou l’absence de contrôle surl’organisation du travail;

• la faiblesse ou l’absence relative deprotection sociale (avantages sociaux,convention collective, normes minimalesde travail, Code du travail);

• la faiblesse de la rémunération dans uncontexte social donné. 91»

dants a doublé en vingt ans par rapport àune faible croissance des travailleurs sala-riés à temps plein, soit 5,9 % (p. 26).

91. F. Landry avec la collaboration de L. Gau-thier, La précarité d’emploi au Québec, Bu-reau de la condition féminine, Directiongénérale des politiques et des programmes,ministère de la Main-d’œuvre, de la Sécuritédu revenu et de la Formation profession-nelle, 9 mars 1993, p. 19. Soulignons que J.Prévost identifie des dimensions similaires àla précarité d’emploi dans Précarité d’emploiet santé mentale. Revue de littérature,Équipe de recherche sur les impacts sociauxet psychologiques du travail, Centre desanté publique du Québec, 1997, p. 13. R.Sue associe, pour sa part, la rétraction dusalariat à l’insécurité, la dépendance, la pré-carité et, bien souvent, la pauvreté. Dans Larichesse des hommes. Vers l’économiequaternaire, Paris, Éditions Odile Jacob,1997. D. Ettighoffer et G. Blanc font demême à toutes fins pratiques dans Le syn-drome de Chronos, Paris, Dunod, 1998, p.53.

La précarité d’emploi est grandement liée àl’incertitude quant à l’avenir de l’emploi92

qui, pour sa part, est associée à des degrésélevés d’anxiété et de dépression − à titred’indication au regard de l’impact de laprécarité d’emploi sur la santé mentale,Prévost relève que « 31 % des personnes quiont connu au moins une interruption d’emploiau cours de l’année présentent un indice dedétresse psychologique élevé alors que cetteproportion est de 25 % chez celles qui onttravaillé toute l’année. » (p. 29); elle indiqueégalement que la perte de revenu découlantdu chômage représente un facteur supplé-mentaire de stress qui agirait négativementsur la santé mentale (p. 31). La précaritéd’emploi représente un facteur qui accroît lavulnérabilité des personnes aux comporte-ments liés à la violence psychologique −rappelons que ceux-ci ont été énumérés aupremier chapitre, que ce soit dans le cadre desétudes réalisées ou des enquêtes produites parles organisations syndicales.

La précarité d’emploi est également associéeau chômage ou au sous-emploi − l’OITindique, dans son Rapport sur l’emploi dansle monde 1998-99, qu’environ le tiers de lapopulation active du monde est sans emploiou sous-employer (il s’agirait dans ce cas de750 à 900 millions de personnes)93. Ce quin’est pas sans impact sur les travailleuses etles travailleurs permanents et leurs conditions

92 . D’après S. E. Taylor et R. L. Repetti,

l’incertitude quant à l’emploi ainsi que lechômage sont associés avec un certainnombre d’impacts sur la santé physique etmentale. Tiré de « Health Psychology : Whatis an Unhealthy Environment and How DoesIt Get Under the Skin? », Annual Review ofPsychology, 1997, no 48, pp. 411-447.

93 . Organisation internationale du travail, Rap-port sur l’Emploi dans le Monde 1998-99. Lacrise financière entraînera une forte montéedu chômage dans le monde, Communiquéde presse en date du 24 septembre 1998diffusé à Genève et à Washington.

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de travail dont la progression serait forte-ment ralentie sinon stoppée. Michie souli-gne à cet égard que « c’est le nombre élevédes sans-travail qui permet d’obliger lessalariés à accepter des emplois précaires etmal rémunérés, emplois qu’ils quitteront à lapremière occasion. 94»

Enfin, il faut rappeler le lien entre la précaritéd’emploi et la pauvreté. Le Conseil économi-que du Canada indiquait, dans une étude de1992, que « la précarité de l’emploi fut unélément déterminant de la diminution durevenu réel des familles et, par conséquent,de l’augmentation du nombre de famillespauvres.95» Ce qui n’est pas sans lien avecl’inquiétude en matière d’emploi ainsi

94 . J. Michie, « Quand les bas-salaires nui-

sent… à la compétitivité », Le Monde di-plomatique, septembre 1995, pp. 20-21.

C. Dejours va également dans ce sensquand il estime que la précarité a desconséquences majeures sur le vécu et lecomportement de ceux qui travaillent, il notequ’« en définitive, c’est leur emploi qui estprécarisé par le recours possible aux em-plois précaires pour les remplacer, et aux li-cenciements pour le moindre écart (il n’y apresque plus d’absentéisme, les opérateurscontinuent à travailler même lorsqu’ils sontmalades, tant qu’ils en sont capables). » tiréde Souffrance en France. La banalisationde l’injustice sociale, Paris, Seuil, 1998,p. 59. Les effets de la précarisation se-raient, selon Dejours, l’intensification du tra-vail et l’augmentation de la souffrance sub-jective, la neutralisation de la mobilisationcontre la souffrance, contre la domination,l’adoption de la stratégie défensive du si-lence, de la cécité et de la surdité − il y adéni de la souffrance des autres et silencesur la sienne propre −, l’individualisme, lechacun pour soi (p. 59).

95 . Citation provenant d’un article de S. Zouali,« Incidences de la conjoncture sur la pau-vreté et les revenus au Québec et au Cana-da », Le marché du travail, décembre 1992,vol. 13, no 12, p. 74.

qu’avec la vulnérabilité aux comportementsliée avec la violence psychologique.

Également, la précarité d’emploi peut amenerà questionner la motivation des travailleurs etdes travailleuses ou encore leur sens d’appar-tenance à un milieu de travail96. La moti-vation se construit sur une longue durée, elleévolue peu à peu. En l’absence d’un engage-ment clair de la part de l’entreprise, on peutvraisemblablement s’interroger sur les réellesmodalités d’implication des salariés et dessalariées?

Aussi, la précarité serait, soulignons-le, l’unedes caractéristiques majeures du travail fémi-nin97, du point de vue de Appay. La précarité

96 . Il s’agit là de l’un des éléments du mémoire

de M. Lacasse présenté le 24 mai 1995 àDrummondville, à la Commission des étatsgénéraux sur l’éducation et intitulé La préca-rité. A.-L. Champagne rapporte, dans « Em-ployé brisé? Appelez le réparateur », LeSoleil. Regards vers le futur, no 2, février1999, une question que se pose une psy-chologue du travail, Colette Verret sur lediscours des organisations à cet égard enfaisant ressortir la double contrainte : « Lesorganisations n’offrent plus de sécuritéd’emploi, mais veulent la fidélité de leursemployés. »

97 . B. Appay, « Précarisation sociale et res-tructurations productives », dans B. Appay,A. Thébaud-Mony (sous la dir.) Précarisationsociale, travail et santé, CNRS, Institut derecherche sur les sociétés contemporaines,Paris, 1997, p. 516. Appay souligne, dansun autre article de la même publication inti-tulé « Contrôle social et flexibilité » que « lesmarges de manœuvre de négociation pourle salarié sont réduites soit à l’obligationd’accepter les modifications « proposées »par l’employeur, soit à la liberté de perdreson emploi. » p. 180. À titre d’exemple, pourle Conseil permanent de la jeunesse, le re-venu moyen des jeunes femmes de 25 à 29ans est, en moyenne, de 4 815 $ inférieur àcelui des jeunes hommes. Information pro-venant du communiqué de presse du 5 mars1999 intitulé Journée internationale desfemmes : la jeune génération doit prendre leflambeau.

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serait porteuse d’impacts non négligeablessur les trajectoires professionnelles desindividus, la précarité représenterait « unavenir qui individualise et met sous pressioncelles et ceux qui ne sont pas encore exclus,par l’intermédiaire de transformations qui lesrendent responsables de leur propre corvéa-bilité et ceci ne concerne pas seulement lessegments les plus dominés de la force detravail. » (p. 519)

Considérant la vulnérabilité plus grande despersonnes précaires sur le marché du travail,il semble raisonnable de présumer que celles-ci pourraient davantage que les autres tra-vailleurs et travailleuses faire l’objet d’uneviolence au travail qui serait, si l’on serappelle les observations des études exa-minées dans le premier chapitre, plus visibleet plus soutenue.

•• Le travail d’équipe

Étant donné les changements brusques etrapides auxquelles les entreprises sontmaintenant exposées, le travail d’équipe − outravail collectif − est vu comme une réponseadaptée à un tel contexte ainsi qu’une oppor-tunité pour le déploiement de l’innovation98.

À titre d’indication supplémentaire sur lesujet, au sein de la fonction publique québé-coise et selon le SFPQ, « près de 60 % desemplois à statut précaire sont occupés pardes femmes. » tiré de La violence faite auxfemmes en milieu de travail. Tolérance zé-ro!, 1995, p. 9.

98 . Tiré de F. Coat, J.-C. Courbon, J. Trahand,Le Travail en Groupe à l’Âge des Réseaux,Paris, Économica, 1998. Ce point de vueest partagé par le Groupe consultatif dusecteur privé sur le gouvernement d’entre-prise qui estime que « la performance desentreprises repose sur un travail d’équipe. »tiré de Le gouvernement d’entreprise. Amé-liorer la compétitivité des entreprises et faci-liter leur accès aux marchés financiersmondiaux, Rapport à l’OCDE, avril 1998,p. 80. R. Laflamme partage un tel point devue puisqu’il mentionne que « les entrepri-

Dans un tel cadre, les échanges engendrés parla coopération entre les acteurs concernéssemble représenter la voie privilégiée pourfaire face à la conjoncture. D’autant que lacomplexité et le dynamisme de l’environne-ment concurrentiel requièrent une collabora-tion active d’un grand nombre de partenairesen vue de résoudre les problèmes, de mêmeque la coopération pour partager les ressour-ces et la mise en œuvre collective des déci-sions99.

Rappelons d’abord que le travail collectifréfère aux modalités de gestion qui s’effec-tuent dans l’axe horizontal du processus deproduction. Le travail collectif peut prendredes formes variées en fonction des objectifspoursuivis. Celles-ci peuvent être les suivan-tes :

• la coopération, les opérateurs travaillantensemble sur le même objet ou sur unobjet de travail qui leur est proche;

• la collaboration, les formes de coopéra-tion se situent alors à une échelle pluslarge en termes d’unités de travail et

ses qui réussissent le mieux sont celles quisavent convertir l’énergie individuelle enénergie collective et l’énergie collective enatmosphère intense où les énergies indivi-duelles sont exploitées et développées avecardeur et avec passion, d’où la synergie. »tiré de « Mobilisation ou manipulation? »dans (sous la dir.) R. Laflamme, Mobilisationet efficacité au travail, AIPTLF, 9e Congrès,Presses Inter Universitaires, 1998, p. 91.D. Ettighoffer et G. Blanc vont égalementdans ce sens quand ils affirment que « Laproductivité du travail moderne dépend de laqualité des interactions sociales associéesaux processus de conception, de fabricationet de commercialisation. » dans Le syn-drome de Chronos, Paris, Dunod, 1998,p. 85.

99 . S. Goshal, C. Bartlett, L’entreprise individua-lisée. Une nouvelle logique du management,Paris, Éditions MAXIMA, Collection Institutdu management d’EDF et de GDF, 1998.

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d’espaces géographiques. La collabora-tion résulte de stratégies qui se cons-truisent sur le terrain, sur la base d’unerelation de confiance mutuelle et d’uneconnaissance du travail de l’autre;

• la coordination qui est la planfication etl’organisation temporelle des activités,ce qui implique un ordonnancement decomportements, d’actions et/ou de déci-sions, qui se fait en termes d’unitéstemporelles, plutôt que d’unités detâches élémentaires;

• la concertation qui apparaît comme uninstrument de la coopération et de lacollaboration en vue de la confrontation,de l’ajustement des points de vue ou dela négociation des perspectives, deschoix techniques et/ou temporels entredifférents acteurs. Soulignons, dans cedernier cas, que « plus les acteursimpliqués dans un processus de travailpartagent un référentiel commun et plusla concertation, explicite ou implicite,aboutit à un accord commun; mais plusce partage est partiel plus la concerta-tion aboutit à une négociation. 100»

Le travail en équipe est fondé sur laparticipation de ses membres, celle-ci secaractérisant par leur degré d’implication etd’engagement qui se manifeste par uneconcentration importante des énergies sur lesobjectifs collectifs.

Pour assurer la cohésion des efforts dechacun au sein d’une équipe et, parconséquent, qu’il n’y ait pas divergence, lacoopération s’avère nécessaire; celle-cireposant sur la confiance − Charreaux lesouligne en notant que « toute coopération, y

100 . C. De la Garza, « Le travail collectif en tant

qu’activité de régulation », Performanceshumaines & Techniques, septembre-octobre1998, no 96, p. 25.

compris sous la forme la plus simple del’échange marchand […] implique nécessai-rement l’intervention de la confiance enraison de l’incomplétude des contrats et desfailles inévitables des mécanismes hiérar-chiques. 101»

Pour Lipovetsky, le fonctionnement enéquipe permet de concilier l’exigencecolllective de mobiliser les personnes avecles aspirations des individus à la respon-sabilité.

Ce contexte spécifique de travail doit mener àla construction de compétences collec-tives102qui, elles-mêmes, supposent solida-rité et convivialité. 101 . G. Charreaux, « Le rôle de la confiance

dans le système de gouvernance des entre-prises », Économies et Sociétés, Sciencesde gestion, S. G., nos 8-9/1998, p. 51.

102 . P. Charpentier, « L’implication des acteursdans la conduite du changement », Mana-gement et Organisation des entreprises,Cahiers français, no 287, pp. 71-72. Lescompétences collectives seraient considé-rées comme un facteur clé de réussite desnouvelles organisations fondées sur lescoopérations et les apprentissages collectifs.Toutefois, il semble qu’il pourrait y avoir du« social loafing » − situation qui se caracté-rise par le fait que la performance collectiveest inférieure à la somme des performancesindividuelles − si un membre d’une équipeconsidérait que sa participation personnellen’est ni identifiable, ni valorisée par l’ins-tance chargée de l’évaluation du travail etqu’il est persuadé que sa contribution n’apas d’influence sur le produit fini. Pour desinformations additionnelles, il faudrait con-sulter D. Chartier, « Les facteurs psycholo-giques de la démotivation. Quelques pistesde remédiation », Éducation permanente,no 136/1998-3, pp. 47-56. Pour Albert etEmery, cette tendance à l’évaluation indivi-duelle des résultats obtenus privilégie l’indi-vidualisme aux dépens du travail en équipedans Le manager est un psy, Paris, Éd.d’Organisation, 1998, no 48 et ss. Ils spéci-fient, un peu plus loin, que « l’esprit d’équipes’atténue proportionnellement à l’importanceaccordée à l’évaluation des performances

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Toutefois, il renvoie à une interrogation sur lapossibilité de l’évaluation de telles compé-tences alors que les systèmes d’évaluation desqualifications restent individuels − de mêmeque les systèmes de rétribution qui ont ten-dance à ne reconnaître que les mérites dechacun103 − ainsi qu’à des questionnementsen termes de gestion des ressources humai-nes, dans le contexte socio-économiqueactuel où l’on a recours de plus en plus à despersonnes à statut précaire dans une logiquede flexibilité de la production, du juste-à-temps et où on envisage un aménagement dela réduction du temps de travail. Notons,dans cette veine, qu’Appay104 semble s’inter-roger sur les impacts de la précarisationproductive au regard de la construction decollectifs de travail stables nécessaires afin desocialiser les pratiques et les savoirs pourrésoudre les aléas de la production. L’impor-tance croissante du travail d’équipe au regardde la productivité des entreprises et, parcontre, l’évaluation individuelle des contribu-tions respectives représente, vraisemblable-ment, une autre condition à l’occurrenced’incidents de violence psychologique, que cesoit par les collègues de travail ou par lesupérieur ou la supérieure d’un travailleur oud’une travailleuse.

individuelles. » (p. 156) alors que « le déve-loppement des équipes et de leurs possibi-lités d’adaptation dépendent des synergiesqu’elles sont capables de construire. »(p. 174)

103 . Groupe consultatif du secteur privé sur legouvernement d’entreprise, Le gouverne-ment d’entreprise. Améliorer la compétitivitédes entreprises et faciliter leur accès auxmarchés financiers mondiaux, Rapport àl’OCDE, avril 1998, p. 91.

104 . B. Appay, « Précarisation sociale et res-tructurations productives », dans (sous ladir.) B. Appay, A. Thébaud-Mony, Précarisa-tion sociale, travail et santé, Paris, CNRS,Institut de recherche sur les sociétéscontemporaines, 1997, pp. 509-553.

• Une résultante des conditions detravail, le stress

C’est le stress qui fournit à l’organismel’énergie nécessaire pour établir ses limitesou s’adapter. Le stress apparaît, dans unetelle optique, comme un élément positif dedéveloppement personnel et professionnel.

Plusieurs facteurs liés au travail seraientsusceptibles d’induire un stress élevé àl’heure actuelle qui ne sont pas sans lien avecl’occurrence d’incidents de violence psycho-logique au travail si l’on se réfère au premierchapitre. Drolet105 en a identifié un certainnombre, soit :

• les valeurs non partagées de l’entreprise;

• les règlements et la hiérarchie rigides;

• la mobilité excessive ou insuffisante;

• la compétition interpersonnelle intense;

• l’anonymat (l’absence de signification dela tâche);

• l’absence d’autorité claire;

• des rapports hiérarchiques perturbés;

• des rapports interpersonnels conflictuels;

105 . C.R. Drolet, Le stress et le burn-out : lésions

professionnelles? Colloque de droit du tra-vail : L’intrusion dans la vie privée des em-ployés. Enjeux et limites, Lavery, de Billy,Québec, 22 septembre 1995, p. 2. À titred’exemple de facteur de stress, D. Ettighof-fer et G. Blanc évoquent, dans Le syndromede Chronos, Paris, Dunod, 1998, que « ledécoupage horaire journalier n’est plus suffi-samment adapté à la fatigue nerveuse en-gendrée par des projets qui imposent defaçon plus ou moins sournoise des semai-nes de 60 heures. » p. 31.

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Chapitre 2 45

• une absence de participation aux déci-sions;

• le manque de soutien;

• des réseaux de communication et d’in-formation inefficaces;

• des coupures budgétaires;

• des réorganisations fréquentes, brusques;

• le sexisme, le racisme;

• la violence au travail;

• le travail répétitif et monotone;

• la surcharge de travail;

• des clientèles difficiles;

• les conditions salariales;

• la discipline sous toutes ses formes.

Le stress est lié aux capacités d’adaptationde la personne face aux stimuli du mondeextérieur ou intérieur. Ce qui suppose que lesindividus développent la capacité de faireface aux émotions générées par ces stimuli,d’où qu’ils proviennent − étant entendu, enmême temps qu’Albert et Emery, que« chaque situation de stress induit une chargeémotionnelle. »; ceux-ci précisant égalementqu’« apprendre à faire face au stress consisteà identifier cette émotion et à la gérer. 106»

Rappelons que l’une des plus grandes diffi-cultés en situation de stress serait de résister àl’envie d’agir tout de suite; l’action pouvantêtre vu comme un moyen d’atténuer la chargeémotionnelle générée par le stress.

106 . E. Albert, J.-L. Emery, Le manager est un

psy, Paris, Éd. d’Organisation, 1998, p. 56.

Considérant les changements rapides, voirebrusques qui affectent le fonctionnement desorganisations ainsi que les conséquences quisont susceptibles d’en découler, il semblepertinent de croire qu’un stress élevé − unstress qui inhibe l’action − puisse toucher ungrand nombre de personnes dans les milieuxde travail. Ce qui serait susceptible d’impactsimportants sur le développement des organi-sations. De plus, il y aurait sans doute lieu dese demander si le stress ne représente pas unfacteur de grande importance dans l’éven-tuelle éclosion d’incidents de violence psy-chologique − le stress pouvant être alorsconsidéré comme un facteur « catalyseur » dela violence psychologique en milieu detravail? Cela semble vraisemblable, à pre-mière vue.

Le stress ne représente pas toujours unevaleur positive. Le stress est considérécomme non rentable à certaines conditionsdécrites ainsi par Hogue « lorsque l’individu,face à la frustration qu’il expérimente, face àson agressivité due au stimulus perçu ou à untrain de stimuli accumulés, se cantonne dansce qu’il identifie comme des certitudes ets’enferme dans une position de défense. Ilattribue généralement aux évènements et auxautres la responsabilité de ce qui lui arrive.Ces derniers sont la cause et il en subit leseffets. Cette personne utilise tantôt la pro-jection, tantôt le refoulement et parfois mêmela négation. Ses mécanismes de défenseopèrent à plein régime : il faut que ce soitl’autre ou l’environnement, et ce, quoi qu’ilarrive. 107»; ces conditions tournant autourd’une certaine résistance au changement pro-venant, en partie au moins, du sentiment d’unmanque de maîtrise de sa pratique profes-sionnelle qui amène à se replier sur des« recettes » connues.

107 . J.-P. Hogue, La puissance du stress. Une

valeur ajoutée, Montréal, Presses Inter Uni-versitaires, Presses HEC, 1997, p. 113.

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Chapitre 2 46

Pour que le stress soit considéré comme unevaleur de dépassement, il doit être possibled’investir de l’énergie pour faire les appren-tissages nécessaires pour accepter et appré-cier ce qui se déroule autour de soi. L’orga-nisation doit donc appporter le soutien néces-saire à ses employées et ses employés en vuede favoriser l’adaptation au changement.

On a déjà vu que dans les milieux de travailoù de la violence psychologique survient, untel soutien professionnel n’est souvent pasdisponible et que, fréquemment, il s’avèretrès difficile, voire impossible de faire« sereinement » les apprentissages liés auxchangements décidés.

On peut également s’interroger sur la naturedu stress qui risque d’affecter des organisa-tions qui subissent des changements plutôtqu’elles ne les initient, sur des individus qui,dans un grand nombre de cas, sont appelés àtravailler alors qu’ils ignorent ou ne compren-nent pas vraiment la vision ou l’orientation del’organisation au sein de laquelle ils travail-lent.

Les entreprises fonctionnent maintenant dansun contexte qui comporte plusieurs causes destress.

Levrault cerne, pour sa part, cinq causes destress organisationnel susceptibles de mener àla violence sous toutes ses formes possibles, àsavoir :

• les processus inadéquats de décision;

• les surcharges de travail ou la sous-utilisation des compétences;

• les conflits de rôles;

• le manque de soutien professionnel.

•• le manque de leadership des gestion-naires108.

Ce ne serait pas sans avoir de répercussionssur l’occurrence d’incidents de violence autravail, notamment la violence psychologi-que, voire sur la visibilité et/ou l’intensité detels incidents.

Cela semble d’autant plus important à pren-dre en considération que l’impact du stress autravail peut s’avérer considérable si l’on seréfère aux résultats de certaines recherchesrappelées par Moyson, à savoir que « les

108 . Information provenant d’une communication

intitulée « La violence au travail » donnéedans le cadre d’une journée portant sur lethème La violence au travail. Vers la tolé-rance zéro, Conférences Insight InformationInc., Insight Press, Toronto, 16 avril 1996,p. 25.

L. Ramsay rapporte, dans un article récentintitulé « Stress, the plague of the 1990s »,National Post, 16 mars 1999, p. D10, unecorrélation certaine entre de hauts niveauxde stress et des emplois pour lesquels il y ades attentes élevées sans accorder beau-coup de contrôle sur les conditions de tra-vail; elle souligne aussi qu’une communica-tion déficiente concourt à élever le niveau destress. J. E. Moore va dans un sens analo-gue quand elle note que « most people willburn out when their work life imposes morestress than support. Simply stated, burnoutresults from having an overload of negati-ves and a scarcity fof positives features inone’s environment − too many pressures,conflicts and demands combined with toofew rewards, acknowledgements and suc-cesses. » tiré de « Are You Burning OutValuable Resources? », HR Magazine, Ja-nuary 1999, p. 93.

Enfin, pour M.-F. Hirigoyen, il y a un lienentre le stress et la productivité considérantque « la surcharge de stress peut engendrerdes erreurs professionnelles et amener desarrêts maladie. Une main-d’œuvre heureuseest plus productive. » tiré de Le harcèlementmoral. La violence perverse au quotidien,Paris, Syros, 1998, p. 71.

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Chapitre 2 47

entreprises américaines dépensent entre25 % et 60 % de leurs bénéfices bruts en fraismédicaux destinés à couvrir les effets néfastesdu stress. Dans les pays industrialisés, 50 %des frais médicaux résultent d’une mauvaisegestion du stress. Ce phénomène aurait qua-druplé ces cinq dernières années. Un expertanglais du stress, Cooper, prétend que 5 à10 % du PNB britannique est destiné àcouvrir les maladies générées par le stress etque 60 % de l’absentéisme au travail est dûau stress.109»

Au Québec, la situation semble comparable àcelle d’autres pays occidentaux si l’on se fie àun article récent110 où l’on rapporte le pointde vue du vice-président aux assurances

109 . Information provenant de R. Moyson dans

Gérer son temps et son stress. Pour unnouvel humanisme, Bruxelles, De BoeckUniversité, De Boeck & Larcier s.a., 1998,p. 83. D. Ettighoffer et G. Blanc rappellentles résultats de certaines enquêtes qui ontpermis de calculer les conséquences dustress pour l’économie américaine, soit 150milliards de dollars et précisent qu’un son-dage récent a donné des chiffres plus éle-vés, c’est-à-dire que « un salarié sur quatres’estime stressé, 44 % se trouvent surchar-gés de travail et 46 % sont fréquemment in-quiets de perdre leur emploi. Le BIT aestimé le coût global du stress pour l’éco-nomie américaine, en 1993, à 200 milliardsde dollars » dans Le syndrome de Chronos,Paris, Dunod, 1998, p. 182. S. E. Taylor etR. L Repetti vont également dans ce sensquand elles affirment que « work pressurealso predicts ill health. » tiré de « HealthPsychology : What is an Unhealthy Envi-ronment and How Does It Get Under theSkin? », Annual Review of Psychology,1997, no 48, p. 434. Elles ajoutent un peuplus loin que « consistently, however, re-search demonstrates a stronger relationshipbetween reported work overload and physi-cal health, wich raises the possibility thatpsychological distress or negative affectivityis implicated in this relation. » p. 435.

110 . A.-L. Champagne, « Employé brisé? Appe-lez le réparateur », Le Soleil. Regards versle futur, no 2, février 1999, p. 10.

collectives de la SSQ-Vie, M. Richard Bell,selon lequel les troubles mentaux sontdevenus la première cause d’invalidité à courtet à long terme dépassant les accidents, lestraumatismes ainsi que les maladies du tissuconjonctif − les tendinites par exemple − aupremier rang en 1989.

• Le sens du travail

Dans le contexte actuel, c’est le travail quifonde les identités nouvelles d’autant quedisparaissent ou s’affaiblissent les ordrestraditionnels et les autres cercles de solidarité,le travail engendrant également les rapportssociaux qui déchirent les sociétés moder-nes111.

Il apparaît donc essentiel que le travailcomporte un réel sens pour les personnes quile font, surtout que plusieurs peuvent se« surinvestir » dans leur seule expérienceprofessionnelle répondant ainsi aux discoursd’engagement des entreprises. Aussi, pourque le sens induise un effet de cohérence, ilest préférable que la personne puisse s’enga-ger pour un but ou une cause qui la dépasse,qui la force à transcender ses intérêts.

La voie d’un surinvestissement dans le travailreprésenterait, d’après Albert et Emery, unefaçon de conjurer l’inquiétude par rapport à 111 . F. Dubet, D. Martucelli, Dans quelle société

vivons-nous?, Paris, Seuil, 1998.C. Beaudelot et M. Gollac vont dans un senssimilaire quand ils estiment que « l’identitéau travail génère des liens sociaux au-delàde l’usine, du chantier, du magasin ou dubureau. » tiré de « Le travail ne fait pas lebonheur, mais il y contribue… », Problèmeséconomiques, no 2.569, 20 mai 1998, p. 16.Ils ajoutent un peu plus loin que « tous ceuxqui sont privés de travail disent que la vieest en grande partie privée de sens; touséprouvent les plus grandes difficultés à luiredonner un sens. » ou que « le bonheur tirédu travail provient du pouvoir d’affirmer sonhumanité en agissant sur la nature ou la so-ciété. »

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l’emploi. Mais, par ailleurs, ce surinvestisse-ment risquerait d’accroître la vulnérabilitépsychologique face aux aléas du travail et,par voie de conséquence, la vulnérabilité faceà des incidents de violence psychologique.

Pauchant voit dans la très grande importanceaccordée au travail une « dépendanceexistentielle112 », celle-ci tendant même àsupplanter peu à peu tous les autres aspectsde la vie. Il précise aussi qu’« au cœur de ladépendance existentielle se trouve une obses-sion engendrée par la terreur, qui favorisel’immersion totale dans le travail et unedépendance à l’action compulsive. » (p. 79)Pauchant utilise l’image de l’« hommemanagérial » pour qualifer la personne qui,en quelque sorte, fusionne avec l’entreprise etqui « investit dans l’entreprise pour échapperau vide social, au manque de référent, aumanque de sens et pour voir dans son travailet sa carrière les signes de son accom-plissement personnel. L’accomplissementpersonnel dans un travail et une carrière estdevenu maintenant tout comme aux débuts ducapitalisme, la seule façon de voir qu’on aconquis un absolu. » (p. 114)

Quant à Lipovetsky, il associe l’individua-lisme prévalant largement dans la sociétécontemporaine et la recherche de la qualitéintrinsèque du travail ou encore la reconnais-sance du mérite individuel.

Dans la perspective où le travail prend, main-tenant, de plus en plus une dimension iden-titaire et non seulement une valeur instru-mentale, on peut présumer que les personnessont plus susceptibles encore qu’auparavantde manifester une plus grande sensibilité àdes incidents de violence psychologique et deles considérer comme inacceptables.

112 . T. Pauchant et collaborateurs, La Quête de

sens. Gérer nos organisations pour la santédes personnes, de nos sociétés et de la na-ture, Montréal, Collection Presses HEC,Québec-Amérique, 1996, p. 78 et ss.

Par ailleurs, l’efficacité organisationnelleréduite à l’idée de réussite économique à toutprix, légitimant la compétition, étenduemaintenant à l’échelle de la planète, peutaussi avoir des conséquences sur le sensmême du travail.

Il semble raisonnable de croire que lesquestions liées au sens du travail, ce quifonde de plus en plus les identités indivi-duelles, sont probablement susceptibles defavoriser l’occurrence d’incidents de violenceau travail − un travail « insignifiant »pouvant représenter un terreau propice àl’éclatement de la violence psychologique −considérant, par exemple, qu’il risqued’accroître un stress négatif, un stress nonrentable.

òò En bref, les nouvelles façons de gérer,basées en grande partie sur la mobilisa-tion des personnes et, par conséquent,sur la confiance entre les travailleurs, lestravailleuses et les dirigeants d’uneentreprise, supposent des milieux detravail caractérisés par le respect desparties et la valorisation de la coopéra-tion, peu importe le niveau hiérarchiqueoccupé. Ce qui semble s’avérer fortdifférent des pratiques observées dansles milieux de travail décrits dans lepremier chapitre où des incidents deviolence psychologique sont survenus.

Toutefois, dans la réalité, les travailleurset les travailleuses doivent faire face àdes exigences accrues tant en termes decharge de travail qu’en termes de qualitéde la production attendue et ne bénéfi-cient pas nécessairement de la marge demanœuvre dont ils souhaiteraient bénéfi-cier, ni du soutien auquel ils devraientpouvoir s’attendre.

Plusieurs des conditions actuelles detravail semblent induire un stress non

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rentable113, c’est-à-dire une difficultéimportante d’adaptation ce qui risque,d’après certains, d’amener de la vio-lence. Enfin, on se questionne sur lesens même du travail qui participe àl’identité même des personnes et quipeut également participer à l’accroisse-ment du stress.

3. Le rôle des cadres

Il semble pertinent de rappeler que d’après leCode civil, la Loi sur la santé et la sécuritédu travail, la Charte des droits et libertés, ilappartient à l’employeur de protéger la santé,la sécurité, l’intégrité et la dignité de l’ensem-ble de ses salariés. Dans une telle perspec-tive, le rôle des cadres au regard de la ques-tion de la violence au travail comporte uncaractère stratégique indéniable, tant enterme de responsabilité qu’en matière degestion du milieu de travail et de gestion deséventuelles plaintes en matière de violencepsychologique ou de harcèlement.

Lippel et Demers rappellent cette responsabi-lité de façon fort explicite dans une étuderécente, à savoir que « tant les législateursque les tribunaux ont porté une attentionparticulière à la responsabilité de l’em-ployeur. Dans un premier temps, tous recon-naissent que l’employeur, étant le seul àdétenir l’autorité et les moyens de contrôlesur le milieu de travail, est responsable detout ce qui s’y passe. 114»

113 . A.-L. Champagne note dans « Employé

brisé? Appelez le réparateur », Le Soleil.Regards sur le futur, no 2, février 1999, que« les transformations qui modifient le mar-ché du travail ont pour conséquence d’aug-menter les tâches psychologiquement exi-geantes. » p. 10. Elle ajoute que ce n’estpas le seul facteur de stress et que « lescompressions de budget et de personnel, laréorganisation du travail laissent aussi leurstraces et leurs blessures psychologiques. »

114 . K. Lippel, S. Demers, L’accès à la justicepour des victimes de harcèlement sexuel :

Elles ajoutent, un peu plus loin, pourcirconscrire davantage la responsabilité del’employeur que « les résultats préliminairesdécoulant de l’examen de la jurisprudence àce jour (199 décisions) nous apprennent quela responsabilité de l’employeur est direc-tement fonction de sa gestion du milieu detravail et de sa gestion de la plainte de lavictime. » (pp. 13-14)

Il est également précisé que si une situationde harcèlement survient sans quel’employeur n’exerce son autorité, lestribunaux reconnaissent que celui-ci estresponsable conjointement et solidaire-ment avec le harceleur de la survenance duharcèlement. Par contre, si l’employeurdémontre qu’il a utllisé certaines mesurespour contrer la situation, les tribunaux vontplutôt l’exonérer de toute responsabilité.

Il convient, dans ce contexte, de spécifier quele rôle d’un cadre est celui d’exercerl’autorité − il y a une différence entrel’autorité hiérarchique et l’autorité profes-sionnelle, l’une est fondée sur la relation desubordination tandis que l’autre l’est sur laconfiance115 − ce qui supppose qu’un cadreexerce du pouvoir sur d’autres personnes;selon Valiquette, « il y a relation d’autoritélorsqu’une personne en autorité exerce unpouvoir sur une autre.116»

l’impact de la décision Béliveau-St-Jacquessur les droits des travailleuses à l’indem-nisation pour les dommages, étude financéepar le Fonds de recherche en matière depolitiques de condition féminine Canada,mars 1998, p. 13.

115 . C. Jameux, « Pouvoir et confiance : retoursur la nature et le rôle de l’autorité dans lefonctionnement des organisations », Éco-nomies et Sociétés, Science de gestion, Sé-rie S. G., nos 8-9/1998, pp. 87-98.

116 . M. Valiquette, Le pouvoir sans abus. Pourune éthique personnelle dans la relationd’autorité, Montréal, Les Éditions Logiques,1997, p. 22.

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L’autorité est, du point de vue de Meunier,« un pouvoir légal, formel, un rôle qui vousdonne la possibilité et le devoir d’agir et deprendre des décisions pour aider l’organi-sation (et les individus qui la composent) àpoursuivre sa mission.117». L’exercice del’autorité par les cadres suppose que cespersonnes détiennent des compétences techni-ques, interactionnelles, organisationnellesainsi que stratégiques118.

Du point de vue de Moyson, le downsizingauquel plusieurs entreprises ont procédé ouprocèdent encore maintenant, peut avoir unimpact à la hausse sur la contributionattendue des cadres considérant que « cesont les seuls qu’il est encore possible de

117. P.-M. Meunier, Profession : patron, Mon-

tréal, Les Éditions de la Fondation de l’En-trepreneurship, 1998, p. 17.

118. Meunier définit ainsi les compétences descadres : les compétences techniques sontliées à la connaissance du produit ou duservice que rend une organisation, « uneconnaissance technique minimale permet demieux saisir les approches et les décisionsd’équipe, donc de mieux coordonner l’évo-lution de l’ensemble, d’ajuster les rôles, defixer les objectifs, d’utiliser les ressources,etc. » (pp. 48-49); les compétences interac-tionnelles sont les capacités d’interventionauprès d’une personne en produisant uneffet positif sur le fonctionnement de l’orga-nisation; les compétences organisation-nelles sont les capacités d’exercer un rôlequi contribue au fonctionnement intelligentde l’organisation, « ce type de compétenceest exercé lorsqu’il est mis à contributiondans des réflexions, des analyses et desprises de décision organisationnelles. »(p. 49); les compétences stratégiques sontles capacités de voir la réalité organisation-nelle à un certain niveau de vision, c’estdonc dire qu’« utiliser votre compétencestratégique, c’est intervenir pour influencerles décisions en fonction de cette vision.Reconnaître cette compétence, c‘est informéou consulté une personne d’un autre niveaude vision (subalterne ou supérieur) qui seratouchée par votre décision pour qu’ellepuisse gérer sa vision. » (p. 50)

mettre sans cesse à contribution. C’est pour-quoi leur charge se trouve perpétuellementaccrue.119» Ce n’est pas sans lien avec uneaugmentation du stress et, par la suite, unepossibilité accrue d’occurrence d’incidents deviolence psychologique.

Laszlo et Langel estiment qu’il faut réinven-ter le rôle de dirigeant. Celui-ci devra assu-mer alors les fonctions suivantes :

« • Mettre les informations en perspective;

• Faciliter la diffusion de l’information;

• Préserver un esprit critique;

• Favoriser le changement et l’innovation;

• Être l’interface suprême entre toutes lessous-entités de l’entreprise;

• Recruter les employés de demain, savoirles conserver, participer au développe-ment personnel de chacun;

• Créer un environnement de travailconstructif et positif;

• Partager sa vision avec l’ensemble del’entreprise;

• Être le garant de la cohérence des chan-gements;

119 . R. Moyson, Gérer son temps et son stress.

Pour un nouvel humanisme, Bruxelles, DeBoeck Université, De Boeck & Larcier s.a.,1998, pp. 36-37. D. Ettighoffer et G. Blancestiment, dans Le syndrome de Chronos,Paris, Dunod, 1998, p. 35, avec H. Mint-zberg, que la tâche des cadres n’est pasprécisée exactement et qu’ils ne peuventpas s’arrêter en pensant « maintenant montravail est terminé », ce qui les amènerait àaccepter ce rythme et cette charge de tra-vail.

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• Mettre en place les vecteurs de commu-nication propices à faciliter les change-ments;

• Développer un esprit d’équipe au-delàdes unités de travail conventionnelles;

• Encourager la participation de chacun;

• Développer des alliances avec lesacteurs extérieurs;

• Développer des relations pérennes avecles clients;

• Lancer des initiatives et suivre lesrésultats 120.»

Un tel rôle − comportant des facettes multi-ples, soit animateur, « coach », communica-teur, arbitre en dernier recours, etc. − supposeune forte motivation et semble axé sur desdimensions plus proches d’une certaine« vision121 » de la direction à prendre ainsi

120 . C. Laszlo, J.-F. Langel, L’économie du

chaos. Comment gérer la transformationpermanente des entreprises dans des envi-ronnements complexes et instables, Paris,Éd. d’Organisation,1998, p. 119.

121 . À ce sujet, J. Igalens rappelle que selon plu-sieurs auteurs, la délégation de pouvoir estvue comme cohérente avec la notion deleadership visionnaire. Dans « Perceptionspar les DRH des liaisons entre quelquespratiques de gestion de la qualité et des in-dicateurs de mobilisation des ressourceshumaines », Économies et Sociétés, Scien-ces de gestion, Série S. G., nos 8-9/1998,pp.169-180. Pour sa part, A. Grove spécifiedans Seuls les paranoïaques survivent, Pa-ris, Les Éditions Village Mondial, 1997, quepour franchir avec succès un point d’in-flexion stratégique, un dirigeant d’entreprisea intérêt à élaborer, dès que possible, une« image mentale » (p. 150) de ce à quoi de-vrait ressembler l’entreprise lorsque cetteétape sera franchie et d’en faire part auxemployées et aux employés afin, vraisem-blablement, de diminuer l’incertitude, sourcede stress. C’est donc dire l’importance de la

que sur le respect122 des compétences desmembres de son équipe et le respect despersonnes elles-mêmes.

Un tel rôle semble assez proche du styledémocratique décrit par Valiquette commesuit : « dans le style démocratique, lapersonne en position d’autorité consultefréquemment celle sous son autorité. Elledonne des avis, des conseils et encourage lapersonne sous son autorité tout au long de larelation. Le style d’autorité démocratiquecrée un climat beaucoup plus ouvert et decollaboration. 123»

Ce nouveau rôle des cadres, adapté au con-texte de la nouvelle économie fondée sur desentreprises dont les employées et lesemployés ont de hautes qualifications, desattentes d’autonomie professionnelle et departicipation aux décisions, semble caracté-

vision qui résume l’essence de l’entreprise,le centre de gravité de ses activités.

122 . À cet égard, il est important de soulignerque, d’après D. Ettighoffer et G. Blanc dansLe syndrome de Chronos, Paris, Dunod,1998, « pour de nombreux dirigeants,l’entreprise du futur devra avoir autant deconsidération pour ses employés que pourses clients. Cette soif de considération dessalariés représente sans doute le messagemajeur des enquêtes réalisées dans tous lesmilieux du monde du travail. » p. 54.

123 . M. Valiquette, Le pouvoir sans abus. Pourune éthique personnelle dans la relationd’autorité, Montréal, Les Éditions Logiques,1997, p. 28. Il est précisé un peu plus loinau sujet de la relation d’autorité que « la re-lation d’autorité implique un cadre avec seslimites ou frontières et suppose une distancerelationnelle. » p. 113; la responsabilité« d’établir et de maintenir une distance adé-quate appartient à la personne en positiond’autorité. » p. 154. Enfin, il semble que« dans chaque relation, il existe un espacerelationnel favorable à son développe-ment. » p. 156. Ce qui semble être en lienavec les responsabilités dévolues, par leCode civil, aux cadres.

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risé par une gestion qui se situe à l’opposé decelle décrite dans les études examinées aupremier chapitre.

De plus, en ce qui concerne le type démocra-tique de gestion, Grove précise qu’il estporteur d’impact positif tant pour lesentreprises que pour les individus. Étantentendu que les entreprises qui « jouissentd’une bonne dialectique entre les actions quimontent de la base au sommet et celles qui,au contraire, sont décidées au sommet pourêtre appliquées par la base 124» sont cellesqui ont le plus de chance de parvenir à négo-cier un point d’inflexion stratégique et às’adapter au changement; l’adaptation desentreprises au changement semblant doncfonction de communications claires et effi-caces supportant une participation de chacunau fonctionnement de l’entreprise. L’équili-bre des deux types de mouvement − du basvers le haut d’une part et, d’autre part, duhaut vers le bas. Une telle dynamique parais-sant assez éloignée de celle où des incidentsde violence psychologique peuvent survenir.

Un style démocratique de gestion semble enconséquence beaucoup plus profitable àtoutes les parties.

Aussi, il appartient aux cadres de gérer leschangements devant être mis en place dansles entreprises, ce qui implique une bonnemaîtrise des tensions psychologiques quis’expriment, de façon générale, sous la formede résistance au changement.

Les cadres ont intérêt, par conséquent, àassocier les personnes susceptibles d’êtretouchées par les changements − d’autant qu’ilapparaît qu’elles ont plus de chances demieux l’accepter lorsqu’elles ont pu partici-

124 . A. Grove, Seuls les paranoïaques survivent,

Paris, Les Éditions Village Mondial, 1997,p. 169.

per à sa conception125 −; l’objectif visédevant être de parvenir à une certaine équité,au sens de l’équilibre entre des intérêtsdivergents. Ce qui devrait présenter desavantages non négligeables tant pour l’entre-prise que pour les personnes, notamment auregard de la motivation des personnes, dudéveloppement du sentiment d’appartenance.De Coninck présente ainsi les avantagesd’une telle opération : « On perçoit bien cequ’une construction de l’équité pourraitapporter en termes de motivation et donc dedisposition à s’investir dans de nouvellesorganisations : équité dans la répartition desgains d’efficacité, équité dans les perspec-tives de carrière offertes aux différentssalariés, équité entre ce qu’on exige deséquipes de production et les moyens qu’on luiaffecte, équité entre le stress subi et la margede manœuvre réellement accordée, équitéentre l’investissement personnel qu’ondemande et les bénéfices accordés. » (p. 166)Albert et Emery126 vont dans le même senslorsqu’ils évoquent le rôle du cadre en men-tionnant des dimensions analogues à cellesdéjà identifiées, à savoir :

• que celui-ci doit apprendre à ses collabo-rateurs à travailler en équipe;

125 . F. de Coninck, « Les bonnes raisons de

résister au changement », Revue françaisede gestion, septembre-octobre 1998,pp. 162-168.

126 . E. Albert, J.-L. Emery, Le manager est unpsy, Paris, Éd. d’Organisation, 1998, p. 57 etss. Cette perception du rôle du cadre rejointle point de vue de J.-P. Hogue à l’effet quece dernier doit prioriser certains principespour faire du stress une « valeur ajoutée »,ceux-ci étant les suivants : valoriser les diffé-rences au lieu de les niveler, rapprocher lesindividus des paliers de décision qui lesconcernent, favoriser la prise en charge parles individus et les unités de travail ets’inspirer d’une pratique de faire-faire. DansLa puissance du stress. Une valeur ajoutée,Presses Inter Universitaires, Presses HEC,1997, p. 154 et ss.

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Chapitre 2 53

• qu’il doit avoir une communicationclaire et ouverte;

• qu’il doit être un recours en cas dedifficultés et, par conséquent, inspirerconfiance en vue de favoriser lasolidarité; la recherche d’un « coupable »à laquelle peuvent se livrer certainscadres qui se sentent eux-mêmes enposition de précarité, pouvant faireprévaloir l’individualisme au détrimentde la solidarité;

• qu’il doit donner du sens au travail,celui-ci provenant de la cohérence entrece qui est dit et ce qui est fait;

• qu’il doit assumer un rôle d’interfaceentre son service et l’entreprise, ce quiest d’autant plus important que l’on vitmaintenant dans une culture de l’ur-gence où tout est important et tout esturgent, ce qui l’amène à arbitrer nonseulement en fonction de ses propreshiérarchies mais également de celles del’entreprise qui peuvent parfois paraîtreen contradiction avec les siennes. Pource faire, il doit faire preuve de recul etd’empathie;

• qu’il doit faire des choix et les assumeret, par conséquent, être sûr de sa légiti-mité, ce qui se construit jour après jouren fonction de ce qui est fait.

Un tel rôle qui favorise une démocratisationdu travail, suppose un comportement éloignéde celui décrit dans le premier chapitre quandsurviennent des incidents de violence psycho-logique, qu’il s’agisse de violence hiérar-chique ou de violence par la clientèle ou parles collègues de travail − dans le cadre d’un« mobbing » par exemple. Il convient de sou-ligner, dans ce dernier cas, que des incidentsde violence dont des collègues de travail sontles responsables ne pourraient être considéréscomme des abus de pouvoir étant donné que

ceux-ci ne sont pas supposés être en relationd’autorité avec les victimes.

òò En bref, la responsabilité des dirigeantsau regard de la protection de la santé, lasécurité, l’intégrité et la dignité des per-sonnes semble explicite. Le rôle desdirigeants est d’exercer l’autorité dansles milieux de travail. Le style démo-cratique de gestion est le plus suscep-tible de répondre aux demandes généréespar le contexte actuel.

Dans un contexte de rationalisation deseffectifs et d’accroissement des exi-gences de production, les cadres repré-senteraient toutefois une catégorie à quiune contribution plus grande seraitdemandée, ce qui pourrait induirel’accroissement du stress. Cette situationparticulière représente-t-elle une condi-tion favorable à l’occurrence d’incidentde violence psychologique? Cela reste àvoir.

Le rôle des cadres, dans le contexted’une économie du savoir faisant appel àdes gens très qualifiés, en est devenu und’animateur, de « coach », de commu-nicateur, d’arbitre en dernier recours.

Cependant, étant donné les changementsnombreux et brusques affectant lesentreprises dans un contexte hypercon-currentiel et la difficulté d’y faire face, latentation de se replier sur des recetteséprouvées est grande, d’autant que lafonction de travail requière peut-êtremaintenant certaines compétences queceux-ci auraient intérêt à développerdavantage.

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Chapitre 2 54

4. Le point de vue syndical sur certainesdimensions du contexte

Certains syndicats127 se sont penchés sur laquestion de la charge de travail découlant desrestructurations auxquelles les entreprises ontprocédé − on a déjà vu que la charge detravail représente un facteur de stress, ce quin’est pas sans lien avec la possibilité del’occurrence d’incidents de violence psycho-logique étant entendu qu’en situation destress, il s’avère difficile de résister à latentation d’agir tout de suite.

Selon le bulletin d’information d’un regrou-pement syndical, il y aurait, dans certains cas,une telle surcharge de travail que celle-cicompromettrait la qualité même du travailprofessionnel128 si bien que près de 50 % des

127 . À titre d’exemple, il est possible d’évoquer la

récente déclaration de J. F . Perraud, se-crétaire de la CGT, en date du 23 janvier1998, qui évoque les charges de travail etles heures supplémentaires des uns quicorrespondent au chômage, au temps partielsubi et à la précarité des autres. M. Perraudprécise qu’« il est temps que les salariésdans les entreprises prennent la parole surleurs charges de travail. À la protection dela santé des uns doit correspondre la créa-tion d’emplois pour les autres : de cette ren-contre doit résulter un mieux-être commun,un travail qui retrouve un sens pour celui quile fait. » M. Perraud dénonce également latendance des employeurs à vouloir intensi-fier le travail et ce, dans une perspective deflexibilité.Adresse Internet :http://www.cgt.fr/03actual/actu1.htm.

128 . Info-négo FPPSCQ, no 2, 26 octobre 1998.Les résultats d’une enquête auprès desmembres du FPPSCQ sont rappelés. Il ap-paraît que 42 % des membres apportent ré-gulièrement du travail à la maison aprèsleurs heures de travail, que 58 % attribuentleur surcharge de travail à l’augmentation dunombre de dossiers, 56 % à l’allour-dissement des problématiques.Adresse Internet :http://www.csn.qc.ca/SPNegos98/InfNegFPP2.html.

répondants et répondantes à une enquêteprennent des congés à cause d’un état defatigue physique ou psychologique.

Aussi, une enquête129 a récemment étéréalisée afin de distinguer les impacts dunouveau contexte des milieux de travail surles politiques et les systèmes de soutien misen place par les syndicats au Canada. Lesinformations qui suivent en proviennent.

Il semble pertinent de souligner en premierlieu que les syndicats ne s’opposent pasnécessairement aux changements mais ne lesappuient pas sans réserves non plus; Kumar,Murray et Schetagne présumant à cet égardque les syndicats auraient adopté uneapproche proactive et qu’ils viseraient àparticiper au processus de changement pourmieux protéger les intérêts des travailleurs etdes travailleuses.

Dans une telle perspective, il convient denoter que la promotion de la participation destravailleurs et des travailleuses à la prise dedécision représenterait une priorité des orga-nisations syndicales au Canada.

Les changements en milieu de travail auraienteu un impact négatif sur la confiance destravailleurs et des travailleuses à l’égard deleur employeur130, sur la sécurité d’emploides membres de leur association ainsi que surla qualité de vie au travail − rappelons que la

129 . Kumar, P., G. Murray, S. Schetagne, « Leschangements dans les milieux de travail :impacts, politiques et systèmes de soutienmis en place par les syndicats », Directionde l’information sur les milieux de travail,Programme du Travail, Développement desressources humaines Canada, Hiver 1998.

130 . L’effet observé semble plus grand dans lesecteur public que dans le secteur privé etplus grand dans les organisations syndicalesregroupant moins de 10 000 membres(p. 88).

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Chapitre 2 55

confiance est liée à la mobilisation au sein del’entreprise et au développement d’un senti-ment d’appartenance, facteurs susceptibles defavoriser le développement de la productivitéet le maintien de la compétitivité, si laconfiance est affectée, le niveau de stress tendprobablement à s’élever, avec les consé-quences que cela suppose, il doit en être demême dans le cas de la sécurité d’emploi etde la qualité de vie au travail. Les change-ments en milieu de travail auraient amené unaccroissement du militantisme à la base etauraient fait ressortir l’importance d’activitésd’éducation et de recherche.

Enfin, il apparaitrait que « les changementsconstituaient une source élevée ou moyenne-ment élevée de tensions entre les membres etles responsables des syndicats locaux etqu’ils avaient réduit la solidarité entre lesunités de négociation. » (p. 89) Des change-ments qui amènent des tensions entre lesmembres d’une même organisation constitue,vraisemblablement, un facteur favorable àl’incidence de violence psychologique, consi-dérant notamment que la solidarité entre lesmembres d’un milieu de travail représente lemoyen le plus efficace de contrer la violencepsychologique.

Les conditions pour que les changements enmilieu de travail comportent des effets posi-tifs sur les travailleurs et les travailleusesseraient les suivantes :

• qu’ils fassent consensus;

• qu’ils soient négociés.

Toutefois, les changements en milieu detravail seraient encore, dans la plupart descas, adoptés unilatéralement par l’employeursans consultation préalable avec le syndicat,ce qui pourrait avoir des répercussions sur lamobilisation des travailleurs et des travail-leuses et, par la suite, sur la productivité desentreprises d’après ce qui a été évoqué un peuplus haut dans le même chapitre.

En dernier lieu, il semblerait opportun denoter une réserve de Lippel et Demers àl’égard du rôle des syndicats en matière decompensation pour dommages des victimesde harcèlement.

Elles indiquent dans leur récente étude qu’« àpremière vue, la recherche de dommagescompensatoires et exemplaires par voie degrief et d’arbitrage contre l’employeur aubénéfice d’un seul membre apparaîtproblématique en regard du rôle et desfonctions d’un syndicat. 131»

òò En bref, il semble que le contexte danslequel le marché du travail est appelé àfonctionner à l’heure actuelle − chan-gements rapides de tout ordre (pourcertains, les entreprises font face à despoints d’inflexion stratégique qui pour-raient être assimilés à des muta-tions),hausse de la charge de travail, accrois-sement des exigences de productivité,compétition forte entre les entre-prises,etc. − favorise le développement del’incertitude et, en dernière analyse,d’un stress non rentable.

Plusieurs conditions semblent doncréunies pour que des abus de pouvoirpuissent avoir lieu dans les milieux detravail − que ceux-ci soient le fait del’autorité organisationnelle, le fait decollègues de travail ou encore le fait dela clientèle.

131 . K. Lippel, S. Demers, L’accès à la justice

pour les victimes de harcèlement sexuel :l’impact de la décision Béliveau-St-Jacquessur les droits des travailleuses à l’indem-nisation pour les dommages, étude suppor-tée par le Fonds de recherche en matière depolitiques de condition féminine Canada,mars 1998, p. 8. Il est à noter que la CSNaurait adopté un code d’éthique pour traiterdes plaintes où deux membres sont concer-nés.

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Chapitre 2 56

C’est pourquoi des moyens doivent êtrerendus disponibles pour qu’il soit possi-ble d’intervenir tant en matière de pré-vention132 de la violence qu’en regard dela remédiation de l’occurrence de laviolence. La mise en œuvre de telsmoyens devrait assurer des milieux detravail plus sains.

132 Il est intéressant de rappeler, à cet égard,

l’attitude des assureurs rapportée parA.-L. Champagne dans « Employé brisé?Appelez le réparateur », Le Soleil. Re-gards sur le futur, no 2, février 1999,p. 11, selon laquelle ceux-ci miseraientsur la prévention de même que sur uneréaction plus rapide étant donné un tauxde succès sensiblement élevé.

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Chapitre 3 57

Les moyens de contrer la violence autravail

a violence familiale et la violence faiteaux femmes (CRI-VIFF)133 permettant

d’identifier cinq catégories de facteursdifférents à cet égard, soit les facteurspersonnels, interpersonnels, sociaux, organi-sationnels et ceux liés à l’environnement detravail. Aussi, la violence au travail repré-sente un problème complexe auquel il n’estpas possible d’apporter une solution simple.

Pour contrer la violence au travail, il seraitjudicieux que toutes les parties concernéespar la question s’engagent dans cette lutte −c’est-à-dire, entre autres, le gouvernement,les syndicats, les travailleurs et les travail-leuses, les professionnels de la santé et de lasécurité du travail, les ressources communau-taires en santé publique, les professionnels dela sécurité, les cadres, les propriétairesd’entreprises, les associations patronales, etc.L’étude de l’Organisation internationale dutravail, réalisée par Chappell et Di Martino,en souligne l’importance.

Les moyens à mettre en place dans une telleperspective sont, par conséquent, multiples.Ils sont variés et doivent s’adresser à chacunedes parties. Plusieurs seront maintenantexplicités. Ils seront présentés à titre indicatifseulement; d’autres pouvant avoir été élabo-rés sans qu’il ait été possible d’en prendreconnaissance − notamment les services queles associations patronales134, syndicales135

133 . Pour des informations additionnelles à ce

sujet, il faudrait consulter l’annexe 2 intituléeLes catégories de causes susceptiblesd’induire de la violence en milieu de travail.

134 . Certaines entreprises se préoccupent déjàde cette question si l’on considère qu’unereprésentante de l’aluminerie Alouette deSept-Iles donnera une communication dansle cadre des journées de formation del’Institut canadien le 19 mai prochain à Mon-tréal; le thème de cette communication

ou encore d’autres organisations auraient putrouver important de mettre en œuvre.Il s’agit, dans un premier temps, d’intégrercette préoccupation dans certains des dispo-sitifs déjà existants tels que les comités desanté et de sécurité du travail ou de lapossibilité d’inclure cette dimension de lutteà la violence au travail dans le mandatparticulier confié à une personne chargée des’occuper de la protection des droits desmembres d’un milieu de travail en particulier,comme c’est le cas à l’Université Concordiaoù il y a un poste de « conseiller en matièrede droits et d’obligations ». Il convient éga-lement de se pencher sur certaines politiquesmises de l’avant par des ministères, soit augouvernement du Québec, soit au gouverne-ment fédéral; celles-ci pouvant donner desindications à d’autres types d’organisationssur les aspects à prendre en considération enmatière de violence au travail.

Il pourrait s’agir, dans un deuxième temps, deconsidérer cette dimension spécifique à l’in-térieur du mandat d’instances qui pourraients’inspirer de structures existantes dans d’au-tres contextes, comme les comités d’entre-prise français ou les comités de groupesd’entreprises dans les cas où les activités sedéroulent dans plusieurs pays. Notons qu’auQuébec, le concept de comité d’entreprisen’est pas inconnu, des comités d’entreprisesparitaires ayant été chargés de procéder auxopérations liées à l’application de la Loi surl’équité salariale − c’est là une obligationpour les entreprises de 100 salariés et plus etune possibilité pour les entreprises regroupantentre 50 et 99 salariés.

étant : Prévenir la violence au travail : Iden-tifier les comportements non voulus et leséliminer.

135 . À titre d’indication, la CSN mentionne dansLa violence en milieu de travail : tolérancezéro, qu’il pourrait s’avérer opportun demettre en place des réseaux d’entraide, liésà la structure syndicale ou encore des pro-grammes conjoints d’aide aux employés.

L

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Chapitre 3 58

Dans un troisième temps, il serait pertinentd’examiner certains moyens extérieurs auxmilieux de travail comme tels. À titred’exemples, songeons aux moyens suivants :

• la sensibilisation de la population à laquestion de la violence psychologique autravail grâce aux médias;

• l’action de firmes spécialisées sur laquestion de la violence au travail;

• le développement de services de soutientant au ministère du Travail que dans lesrégions au sein de l’appareil gouverne-mental;

• le soutien financier, dans une perspectivede moyen et long terme, d’organismescommunautaires travaillant sur cettequestion et fournissant des services à despersonnes « victimes » de violence autravail.

Enfin, d’autres moyens pourraient égalementêtre envisagés. Si on considère le rôle stra-tégique joué par les cadres dans le fonc-tionnement des entreprises et des organi-sations de même que leurs responsabilités àl’égard de la qualité du milieu de travail,pourrait être réalisé l’examen de l’intégrationde certaines exigences en vue d’occuper untel poste. D’autant que ces exigences de-vraient être adaptées à un fonctionnementdécentralisé des entreprises, ce qui nécessitedes qualités très différentes du modèletaylorien encore en vigueur dans plusieursmilieux.

La possibilité de modifier certaines lois dutravail − notamment la Loi sur la santé et lasécurité du travail et la Loi des normes dutravail − de même que la Charte des droits etlibertés de la personne pourrait être analyséeet ce, en vue de rendre illégal la violencepsychologique au travail. D’autant que selon

Lippel136, celle-ci ne le serait pas à l’heureactuelle.

1. Des moyens au sein même des orga-nisations

Dans un premier temps, il pourrait s’avérerpertinent d’évoquer l’éventualité de moyensde lutte contre la violence au travail, notam-ment la violence psychologique, au sein desorganisations elles-mêmes.

Ainsi, il devrait être avantageux d’inclurecette préoccupation dans le fonctionnementdes comités de santé et sécurité du travail137

prévus par la Loi sur la santé et la sécurité dutravail; un tel comité pouvant être formé ausein d’un établissement groupant plus devingt travailleurs ou travailleuses et apparte-nant à une catégorie identifiée à cette fin parrèglement, selon l’article 68 de la loi; laCommission de la santé et de la sécurité dutravail pouvant également, lorsqu’elle le jugeopportun, exiger la formation d’un tel comité

136 . Rappelons que K. Lippel est professeure en

sciences juridiques à l’Université du Québecà Montréal. Elle a fait de nombreux travauxsur les questions de santé et de sécurité dutravail, notamment des travaux portant surdes questions de santé mentale. Elle parti-cipe à des travaux sur le thème de la« banalisation de la violence ».

137. Il convient de spécifier que l’article 51 de laLoi sur la santé et la sécurité du travail spé-cifie que « l’employeur doit prendre les me-sures nécessaires pour protéger la santé etassurer la sécurité et l’intégrité physique dutravailleur. » Dans cette perspective, il estindiqué au paragraphe 2o que l’employeurdoit « désigner des membres de son per-sonnel chargés des questions de santé et desécurité et en afficher les noms dans desendroits visibles et facilement accessiblesau travailleur; » l’employeur devant égale-ment, selon le paragraphe 3o, « s’assurerque l’organisation du travail et les méthodestechniques utilisées pour l’accomplir sontsécuritaires et ne portent pas atteinte à lasanté du travailleur ».

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Chapitre 3 59

quel que soit le nombre de travailleurs ou detravailleuses dans l'établissement (article 69,deuxième paragraphe). C’est donc dire qu’uncomité de santé et de sécurité du travailfonctionne dans une forte proportion desentreprises québécoises.

Les comités de santé et sécurité du travailpeuvent être assistés dans leurs opérations pardes associations sectorielles paritaires138; laconstitution de telles associations représenteun acte volontaire des parties concernées, laloi ne semble pas faire obligation aux partiesd’arriver à une entente à cet égard. Lesservices offerts139 par les associations secto-

138 . Un tel mécanisme est prévu par la Loi sur la

santé et la sécurité du travail à l’article 98dont le premier paragraphe se lit commesuit : « Une ou plusieurs associationsd’employeurs et une ou plusieurs associa-tions syndicales appartenant au même sec-teur d'activités peuvent conclure une ententeconstituant une association sectorielle pari-taire de santé et de sécurité du travail. Uneseule association sectorielle peut être cons-tituée pour un secteur d’activités. »

Il est précisé, à l’article 99.1, que les asso-ciations sectorielles sont des corporationsau sens du Code civil investies des pouvoirsgénéraux d’une telle corporation et des pou-voirs particuliers que la présente loi luiconfère.

139 . Les fonctions des associations sectoriellesparitaires sont présentées à l’article 101 dela loi, il s’agit notamment de :

« 1o aider à la formation et au fonctionne-ment des comités de santé et de sécurité etles comités de chantier;

2o concevoir et réaliser des programmes deformation et d’information pour les comitésde santé et de sécurité et les comités dechantier;

3o faire des recommandations relatives auxrèglements et normes de santé et de sécu-rité du travail;

4o collaborer avec la Commission et lesdirecteurs de santé publique à la préparation

rielles paritaires en sont de formation,d’information, de recherche et de conseil − etce, dans les secteurs d’activités économi-ques140 où elles existent141.

de dossiers ou d’études sur la santé des tra-vailleurs et sur les risques auxquels ils sontexposés;

5o élaborer des guides de prévention parti-culiers aux activités des établissements;

6o donner son avis sur les qualificationsrequises des inspecteurs;

7o adopter des règlements de régie interne;

8o acquérir ou louer des biens meubles etimmeubles ainsi que les équipements né-cessaires;

9o conclure des arrangements avec d’autresorganismes privés ou publics pour l’utilisa-tion ou l’échange de locaux, d’équipementsou de services;

10o former, parmi les membres de sonconseil d’administration ou en faisant appelà d’autres personnes, les comités qu’ellejuge nécessaires à la poursuite de ses ob-jectifs et pour la conduite de ses affaires, etdéfinir leur mandat;

11o embaucher le personnel administratif etspécialisé nécessaire à la poursuite de sesobjectifs. »

140. Après examen du site Internet de la Com-mission de la santé et de la sécurité du tra-vail, le 12 avril 1999, il existe douzeassociations sectorielles paritaires : Secteuradministration provinciale, Secteur affairesmunicipales, Secteur affaires sociales, Sec-teur construction, Secteur fabrication d’équi-pement de transport et de machines, Sec-teur fabrication de produits en métal et pro-duits électriques, Secteur habillement,Secteur imprimerie et activités connexes,Secteur mines et services miniers, Secteurservices automobiles, Secteur transport etentreposage, Préventex, association pari-taire du textile.

141 . Selon K. George,« l’accord des deux partiesest nécessaire à la création de l’associationsectorielle paritaire ou du comité pré-

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Chapitre 3 60

Il est toutefois important de soulignerqu’actuellement, les associations sectoriellesparitaires n’ont, selon l’article 103 de la Loisur la santé et la sécurité du travail, aucundroit d’intervention ni de consultation auniveau des relations de travail.

Le mandat des associations sectorielles pari-taires pourrait vraisemblablement compren-dre une dimension de prévention du harcèle-ment psychologique au travail − à titred’exemple, l’Association paritaire du secteurde l’administration provinciale s’est préoc-cupée de rendre disponible à des milieux detravail qui en faisaient conjointement lademande, une session de « communicationefficace »; l’objectif visé est d’agir sur lesstress organisationnels en vue de renforcer lesliens d’une équipe de travail et ainsi,améliorer le climat de travail. Cela se réalisedans une perspective où il n’y a pas derecherche de « coupable ». Dans une telleoptique, les associations sectorielles paritairesseraient fort probablement appelées à jouerun rôle d’aide-conseil par rapport aux milieuxlocaux de travail. Cela semblerait d’autantplus intéressant que les associations secto-rielles pourraient avoir, du point de vue deGeorge, à « desservir aussi, même sur unplan individuel, tous les travailleurs etemployeurs du secteur d’activité économiquepour lequel elle a été créée, que cestravailleurs et employeurs soient membres ounon des groupements patronaux ou syndi-caux. » (pp. 47-48)

Dans des secteurs d’activités économiques oùil n’y a pas d’association sectorielle paritaire− les parties concernées ne le souhaitant pro-bablement pas −, la Commission de la santéet de la sécurité du travail a mis sur pied des« comités opérationnels » en vue de réaliser

incorporatif. » dans Entre syndicats, entrepatrons, fragiles alliances, Montréal, Agenced’Arc, 1986, p. 12.

des actions en matière de santé et sécurité dutravail142.Une autre possibilité pourrait être de confierun mandat explicite à cet égard à unepersonne déterminée qui pourraient disposerde certaines ressources afin de faire face auxobligations découlant du mandat confié.

À titre d’exemple, il existe à l’UniversitéConcordia, un poste de conseiller en matièrede droits et d’obligations. Il apparaît, selonl’article 21 du Code des droits et obligationsque « tout membre de l’Université qui croitavoir été traité d’une façon qui contrevientau Code peut consulter le conseiller dont lerôle premier consiste à l’éclairer sur le modele plus approprié de traiter la plainte ou derésoudre le conflit. »

Il semble pertinent de croire que la violencepsychologique au travail représente un motifsusceptible de contrevenir aux droits et obli-gations. Si le conseiller ou la conseillère es-time que la plainte est recevable, la partieplaignante doit choisir entre les possibilitésprévues à l’article 25, c’est-à-dire de tenterd’en arriver à une entente à l’amiable ou deprocéder au traitement officiel de la plainteou de ne pas procéder plus avant ou, enfin,d’exercer tout autre recours prévu par la loi,ou en vertu d’une convention collective oud’autres politiques ou procédures de l’Uni-versité. Le conseiller semble donc jouer unrôle assimilable à celui d’un médiateur dansun premier temps.

142. C’est notamment le cas dans le secteur

forestier où il existe depuis quelques annéesdéjà un comité paritaire de prévention dontle mandat vient d’être reconduit pour unepériode de deux ans selon M. Gordon Per-rault qui en est le coordonnateur. Les fonc-tions de ce comité sont d’analyser lesproblèmes de santé et de sécurité; de pro-poser des solutions adaptées aux besoinsdu milieu; d’impliquer les membres dans laréalisation des solutions; de produire desdocuments de communication en san-té/sécurité.

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Chapitre 3 61

Si les parties ne sont pas satisfaites, leconseiller peut aussi procéder à une enquêteou faire appel à d’autres recours suscep-tibles d’exister grâce à des conventions col-lectives, des politiques ou des procédures del’Université. Un autre exemple se situe auministère de la Sécurité publique du Québecoù il y a une coordonnatrice du dossier har-cèlement et abus de pouvoir au travail.

Il apparaît pertinent de spécifier que desministères du gouvernement fédéral143 ou du

143 . Le gouvernement du Canada dispose d’une

politique sur le harcèlement en milieu detravail qui s’applique à tous les ministères etautres éléments de la fonction publique énu-mérés à la partie I, annexe 1 de la Loi surles relations de travail dans la fonction pu-blique. Son objectif est le suivant : « créerun milieu de travail qui stimule la productivitéet soit propice à la dignité et à l’estime detous les employés et leur permette de pour-suivre leurs objectifs personnels. » L’abusd’autorité est inclus dans cette politique. Ilest défini comme « une forme de harcèle-ment et se produit lorsqu’une personneexerce de façon indue l’autorité ou le pou-voir inhérent à son poste dans le dessein decompromettre l’emploi d’un employé, denuire à son rendement au travail, de mettreson moyen de subsistance en danger ou des’ingérer de toute autre façon dans sa car-rière. Il comprend l’intimidation, la menace,le chantage ou la coercition. » Il est égale-ment spécifié une responsabilité des ges-tionnaires, à savoir qu’ils doivent mettre finà tout harcèlement, qu’il y ait plainte ou non,dès qu’ils sont au courant de cette situation.S’ils ne font rien pour corriger une telle si-tuation dès qu’ils sont au courant de celle-ci,ils pourraient être passibles des mêmessanctions disciplinaires que les contreve-nants. C’est la Commission de la fonctionpublique qui enquêtera sur les plaintes deharcèlement formulées par les employés dela fonction publique sauf les plaintes de dis-crimination d’après les critères prescritsdans la Loi canadienne sur les droits de lapersonne.Adresse Internet :http://www.agr.ca/hr/tb/harass/harassf.htm.Le ministère de la Justice du Canada s’estégalement doté, en 1995, d’une politique in-

gouvernement du Québec ont adopté despolitiques en matière de harcèlement oud’abus de pouvoir au travail.

Nous nous pencherons plus particulièrementsur celle du ministère de la Sécurité publiquedu Québec qui s’intitule Politique visant àcontrer toute forme de harcèlement et d’abusde pouvoir au travail. Celle-ci semble fortintéressante et vise à associer toutes lesparties concernées.

Le but de cette politique est le suivant :« permettre aux membres du personnel desServices correctionnels du Québec d’œuvrerdans un milieu de travail exempt deharcèlement et à leur assurer un climat detravail propre à protéger leur intégritéphysique et psychologique ainsi que lasauvegarde de leur dignité. 144». Cette

titulée Pour un milieu de travail à l’abri desconflits et du harcèlement.Adresse Internet :http://www.maitrecode.com/resolution/publicat/doc1f.htm. Dans cette politique, peuventêtre considérés comme du harcèlement lescomportements à la fois importuns et offen-sants, les menaces, les comportements dis-criminatoires selon la Loi canadienne sur lesdroits de la personne, l’abus de pouvoir.

144 . Services correctionnels du Québec, Politi-que visant à contrer toute forme de harcè-lement et d’abus de pouvoir au travail,modifiée en juin 1998, p. 4. Celle-ci avaitété adoptée dans sa forme initiale en juin1997. Il semble intéressant de rappeler lesprincipes directeurs de cette politique, ceux-ci permettant de déceler les valeurs sous-jacentes à la politique. Il s’agit des suivants :

• Le harcèlement constitue une violationdes droits de la personne;

• Les Services correctionnels du Québecne tolèrent aucune forme de harcèlementsur les lieux de travail et n’acceptent pasce type de comportement des membresde leur personnel.

• Chacune des personnes oeuvrant auxServices correctionnels du Québec estresponsable de son comportement; elle

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Chapitre 3 62

politique rejoint, par conséquent, certainesdes préoccupations exposées dans le cadre dupremier chapitre, notamment celle d’unmilieu de travail sain pour les travailleurs etles travailleuses, un milieu de travail qui neporte pas atteinte à la dignité et à leurintégrité.

Les objectifs poursuivis grâce à la politiquese situent à plusieurs niveaux, soit lessuivants :

doit en tout temps faire preuve d’un com-portement exempt de toute forme de dis-crimination, de harcèlement ou d’abus depouvoir. Elle est aussi invitée à interve-nir lorsqu’elle est témoin d’une situationde harcèlement pour faire cesser cettesituation.

• Les personnes qui se plaignent de har-cèlement ont le droit d’être protégées, ai-dées et défendues par des mécanismesd’assistance et de recours appropriées.

• Les Services correctionnels du Québecfont bon accueil aux plaintes; les em-ployés qui portent plainte aident à main-tenir un milieu de travail sain.

• Dans le traitement et le règlement d’unconflit ayant trait au harcèlement, la per-sonne plaignante ne doit en aucun cassubir de préjudice.

• Le traitement des plaintes de harcèle-ment au travail doit se faire avec unmaximum de confidentialité.

• Tout au long du traitement d’une plaintede harcèlement, les droits de la personneplaignante tout comme ceux de la per-sonne qui fait l’objet de la plainte doiventêtre respectés.

• Cette politique ne prive d’aucune façon lapersonne harcelée des droits qu’elle pos-sède en vertu de la Charte des droits etlibertés de la personne du Québec ni dudroit d’utiliser tout autre recours, p.5 de laPolitique.

• offrir une garantie d’un milieu exempt deharcèlement aux membres du personnel;

• requérir des gestionnaires qu’ils prennentles moyens nécessaires visant à assureraux membres du personnel un milieu detravail exempt de toute forme deharcèlement;

• rechercher l’adhésion des membres dupersonnel en ce qui a trait à laproblématique du harcèlement au travail,de l’existence de la politique et desvaleurs et mécanismes en découlant;

• mettre en place des mesures visant àprévenir les comportements de harcèle-ment et d’abus de pouvoir au travail;

• établir des mécanismes d’assistance et derecours accessibles aux personnes victi-mes de harcèlement et d’abus de pouvoirau travail;

• fournir aide et support aux personnesvictimes de harcèlement et d’abus depouvoir au travail.

Il est spécifié, dans le Rapport d’évaluationde la politique, que le fait d’inclure l’abus depouvoir dans la politique présente desavantages non négligeables dont celui dedonner un message clair à tous les membresdu personnel que ses principales manifes-tations comme l’intimidation, la menace, lechantage ou la coercition, ne sont pasacceptées par l’employeur et ne seront pastolérées. Une communication transparentereprésente, par conséquent, un atout nonnégligeable en matière de lutte contre laviolence psychologique au travail. On l’a déjàvu dans les chapitres précédents.

Enfin, soulignons qu’un Plan d’action pourles années 1998-2001 a été élaboré dans lecadre de la Politique visant à contrer touteforme de harcèlement et d’abus de pouvoir

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Chapitre 3 63

au travail. Ce plan d’action vise les objectifssuivants :

• Établir des mécanismes pour permettrela mise en place d’un milieu de travailsain;

• Rechercher l’adhésion des membres dupersonnel aux valeurs des Servicescorrectionnels du Québec, à la nécessitéd’adopter une politique visant à contrertoute forme de harcèlement et d’abus depouvoir au travail ainsi qu’à l’éta-blissement d’un milieu de travail sain;

• Mettre en place des mesures pourfavoriser l’intégration du personnelminoritaire aux Services correctionnelsdu Québec;

• Assurer un traitement des plaintesefficace et équitable − il est prévu auplan d’action que les syndicats et lesassociations soient associés à ceprocessus et bénéficient de sessions deformation à cette fin;

• Évaluer le milieu de travail pourdéterminer notamment l’adhésion desmembres du personnel aux valeursorganisationnelles;

• Évaluer la mise en œuvre de lapolitique visant à contrer toute forme deharcèlement et d’abus de pouvoir autravail et de la procédure de plaintesainsi que les plans locaux d’action −notons qu’il est entre autres prévu, enmatière d’évaluation des milieux detravail, de faire le point sur le moral dupersonnel et d’obtenir des indices quantà son niveau de stress.

Il devrait résulter de la mise en œuvre de lapolitique et du plan d’action, non seulementune communication plus claire entre lesemployés et la direction ainsi qu’une sensibi-

lisation des membres du personnel desServices correctionnels du Québec à laquestion du harcèlement et de l’abus depouvoir au travail, mais également l’accès àla possibilité pour les victimes de harcèle-ment ou d’abus de pouvoir au travail,d’utiliser un mécanisme de plainte qui offrecertaines garanties quant à la confidentialité.

Il est pertinent de savoir que d’autresinstances se sont dotées de politiques enmatière de harcèlement145. Le Service depolice de la communauté urbaine deMontréal a élargi sa politique contre leharcèlement sexuel non seulement pour yinclure tous les motifs de discriminationprévus à la Charte des droits et libertés maisencore pour l’inscrire dans un cadre pluslarge de promotion du respect de la personne.Des personnes y sont désignées pour soutenirles personnes plaignantes et les conseiller surles possibilités d’intervention; l’applicationde la politique de même que le traitement desplaintes relevant d’un « protecteur desdroits de la personne ». Ce dernier reçoitles plaintes, fait enquête et peut jouer un rôlede médiateur. La personne plaignante peutaussi porter plainte au Comité de déontologie.

Le Service correctionnel du Canada a éga-lement une politique pour contrer toute formede harcèlement, y incluant l’abus de pouvoir.Une personne-conseil est nommée danschaque établissement de détention poursoutenir les personnes plaignantes. Il existeégalement la possibilité de porter plainteauprès de la gestionnaire régionale respon-sable du Service Médiation et enquête. Ilsemble qu’à ce niveau, ce sont les plaintespour abus de pouvoir qui seraient les plusnombreuses. Si la médiation ne donne pas derésultat ou n’est pas retenue en première

145 . Ces informations proviennent de Services

correctionnels du Québec, Rapport d’évalua-tion. Politique visant à contrer toute formede harcèlement au travail, juin 1998, p. 16 etss.

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étape, la gestionnaire régionale fait l’enquêteavec un comité ou non selon la gravité de laplainte.La Sûreté du Québec travaille à l’élabora-tion et à la mise en forme d’une politiquepour contrer toute forme de harcèlement.

Enfin, chez le Protecteur du citoyen, lamédiation en première étape est obligatoire,une enquête préliminaire a toujours lieu. Leministère du Revenu met l’emphase sur lerèglement en première étape. Aussi, leministère de l’Agriculture a développé unprogramme de formation pour habiliter lesinspectrices qui faisaient face à de l’intimi-dation, des menaces ou de la violence à êtredavantage en mesure de réagir.

Quant au ministère du Solliciteur général duNouveau-Brunswick146, il a mis en place ungroupe de travail qui a adopté une politiquesur le harcèlement en milieu de travail.Également, ont été mis au point un program-me de formation et un programme de mise enapplication de la politique ainsi qu’un cadrede référence pour l’étude des questions rela-tives aux femmes et aux minorités dans lesservices de police. Les municipalités serontencouragées à utiliser la politique commeguide en vue d’améliorer leurs politiquesactuelles.

Des organisations syndicales peuvent égale-ment adopter des politiques en matière deviolence psychologique au travail. Ainsi, laFédération de la santé et des services sociauxde la CSN dispose d’une politique intituléeContre toutes formes de violence en milieu detravail depuis décembre 1998. Cette politi-que s’inscrit dans l’esprit de la Charte desdroits et libertés de la personne qui établit quetoute personne possède des droits et libertésintrinsèques, soit le droit à l’égalité et le droit

146 . Politique sur le harcèlement au travail.

Adresse Internet :http://inter.gov.nb.ca/solgen/6f1411so.htm.

à la dignité; elle « s’appuie sur des valeurs decoopération, d’égalité et de respect despersonnes. » (p. 4) Les objectifs de la politi-que se situent à plusieurs niveaux; ils visentla prévention de la violence, non seulementpar la sensibilisation et l’information del’ensemble des composantes de la fédération,mais également par la mise en place demoyens concrets de prévention de la vio-lence et l’établissement de mécanismesd’aide aux personnes victimes de violence;ils visent également l’intervention en vue demettre fin aux comportements de violence etle traitement des éventuelles plaintes en vued’assurer un milieu favorisant l’intégritéphysique et psychologique des personnes.

Cette politique établit aussi certains principesde fonctionnement dont les suivants :

• celui de la responsabilité de la victime defaire savoir à l’auteur de la conduiteviolente que celle-ci est inacceptable;

• le fait que la victime a le droit demaintenir ou suspendre toute démarche,plainte ou recours à n’importe quelleétape du cheminement; le fait que cettepolitique ne peut priver la victimed’aucun recours existant − droit de grief,recours prévus par la Loi sur la santé etla sécurité du travail et la Loi sur lesaccidents du travail et les maladiesprofessionnelles, plainte auprès de laCommission des droits de la personne etdes droits de la jeunesse, recours auxtribunaux −;

• traitement d’une situation problématiquele plus rapidement possible afin de nepas laisser le climat de travail sedétériorer;

• impossibilité pour une personne impli-quée dans une telle situation de siéger àquelque niveau d’intervention que cesoit.

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Chapitre 3 65

2. Un regard vers des voies qui existentdans d’autres juridictions ou d’autrescontextes

La voie de comités d’entreprise sembleraitpertinente147 dans la lutte contre la violenceau travail, notamment la violence psycholo-gique.

À titre d’indication à cet égard, il existe, enFrance, des comités d’entreprise mis enplace par les employeurs dans les entreprisescomptant 50 salariés au moins consécutifs ounon, au cours des trois années précédentes.Les comités d’entreprise sont consultés parles employeurs sur certains sujets − à titred’exemple, il est possible de citer lessuivants : marche générale de l’entreprise,problèmes de l’emploi, modification del’organisation économique ou juridique del’entreprise, nouvelles technologies, politiquede recherche et de développement techno-logique, problèmes généraux concernant lesconditions de travail, formation profession-nelle, hygiène et sécurité, etc.− et informéssur d’autres − tels que les rapportsd’ensemble, des rapports sur les équipementset méthodes de production, la formation à lasécurité, etc. Il apparaît donc que le comitéd’entreprise « a pour objet d’assurer uneexpression collective des salariés permettantla prise en compte permanente de leursintérêts dans les décisions relations à lagestion et à l’évolution économique etfinancière de l’entreprise; à l’organisationdu travail, à la formation professionnelle etaux techniques de production » (articlesL.431-4 et L.431-1 du Code du travail, p. 6du Guide). Un tel comité pourraitvraisemblablement intégrer cettte préoccupa-tion à sa mission et se donner les outils enconséquence.

147 . Les informations à ce sujet sont tirées de

Guide Partenaires, Magazine du Ministèredu Travail, de l’Emploi et de la Formationprofessionnelle, supplément au no 13, 1995.

Il existe aussi des comités de groupe desociétés. Il n’a pas toutes les attributionsd’un comité d’entreprise mais est, pourl’essentiel, destinataire d’informations don-nées au groupe portant sur l’activité, lasituation financière, l’évolution et l’emploi ausein du groupe. De plus, il reçoit les docu-ments comptables établis dans le groupe.

Ce type de comité d’entreprises est destiné àfavoriser le dialogue entre les partenairessociaux pour des entreprises dont les activitéspeuvent se dérouler dans plusieurs payseuropéens à la fois. Les règles nationalescontinuent de s’appliquer, notamment en cequi concerne les règles de désignation dessalariés, les règles de protection des salariés.Le mandat susceptible d’être assumé par detels comités semble être le suivant : « Con-crètement, les partenaires sociaux entendentassigner des fonctions étendues à lanégociation de branche et susciter ledéveloppement de la négociation dansl’entreprise… Il s’agit, d’abord, de la recon-naissance du rôle et de la place desinterlocuteurs syndicaux et patronaux. Ils’agit, ensuite, du renforcement de la repré-sentation du personnel, notamment dans lespetites et moyennes entreprises. Il s’agit,enfin, de la mise en œuvre de mécanismespermettant l’accès à la négociation dessalariés dans les entreprises dépourvues dedélégués syndicaux. 148»

Il existe au Québec des comités sectoriels demain-d’œuvre qui dépendent d’Emploi-Québec149. Le mandat de ces comités ne

148 . Information et consultation des salariés.

Discussion d’un projet de loi déclaréd’urgence. Séance du 1er octobre 1996.Adresse Internet :http://www.senat.fr/seance/s19961001/sc19961001032.html.

149 . Le mandat des comités sectoriels de main-d’œuvre ont pour mandat, selon la Politiqued’intervention sectorielle (1996) de la So-ciété québécoise de développement de lamain-d’œuvre, de développer la formation

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Chapitre 3 66

s’étend pas à des territoires différents maisrassemble les principales parties d’un secteurd’activités économiques. Ces comités sem-blent toutefois se rapprocher des comités degroupe décrits plus haut. Ces comités oud’autres jugés représentatifs par la ministreresponsable du ministère du Travail pour-raient éventuellement constituer un lieud’accueil des plaintes pour harcèlement ouabus de pouvoir.

Aussi bien le comité d’entreprise que lecomité de groupe pourraient vraisembla-blement examiner les « plaintes » desvictimes de violence psychologique et procé-der aux démarches de médiation, dans unpremier temps, et par la suite, faire une formed’« arbitrage » entre les parties concernées.

Enfin, rappelons qu’au Québec, il existe, ou ildoit exister, une structure assimilable à celledes comités d’entreprise déjà décrite. Ainsi,il semble utile d’évoquer à nouveau que descomités paritaires d’entreprise, constitués dereprésentants de l’employeur et des salariés,doivent voir à l’application de la Loi surl’équité salariale − il s’agit d’une exigencede la loi pour les entreprises de 100 salariés etplus et d’une possibilité pour les entreprisesregroupant de 50 à 99 salariés. La vie activede tels comités doit être assez courte, consi-dérant le mandat qui leur est confié. Toute-fois, si leur existence pouvait perdurer, une

continue; d’identifier les besoins spécifiquesd’un secteur en matière de gestion des res-sources humaines et d’organisation du tra-vail et de développer des pistes d’interven-tion pour répondre aux problématiques iden-tifiées; d’élaborer des mesures pertinentespour permettre la stabilisation de l’emploi etréduire le taux de chômage dans le secteur;de prendre en compte les problématiquesdes clientèles cibles et de proposer aux en-treprises de leur secteur des pistes de solu-tion lorsque ces clientèles constituent uneproportion significative du secteur; d’assurer,en cohérence avec ses mandats, la circula-tion de l’information auprès de l’ensembledes entreprises et des travailleurs du sec-teur concerné au Québec, p. 3.

telle instance pourrait vraisemblablements’occuper de la question de la violence autravail. Cela suppose cependant que tantl’employeur que les représentants des salariésvoient là un objet majeur d’intérêt et descontraintes auxquelles il est possible de faireface.

Une autre voie possible serait celle de laformation d’un comité de « sages » auquelles travailleurs et les travailleuses pourraientfaire appel s’ils s’estimaient victimes deviolence psychologique au travail.

À titre d’exemple, la ville de Lausanne150, enSuisse, a mis en place, au début de 1995, ungroupe de travail qui a proposé l’adoptiond’une instruction administrative visant àprévenir et à réprimer tout type deharcèlement (mobbing ou harcèlementsexuel). À l’automne de cette même année,un Groupe de confiance a été créé, sesmembres ont reçu une formation sur lagestion des conflits, les techniques d’entre-tien et le harcèlement sexuel. Le Groupepeut recevoir des plaintes.

Le Groupe de confiance est indépendant de lahiérarchie administrative de la ville et béné-ficie du soutien de la municipalité. Il seréunit toutes les semaines en vue d’analyserles cas en cours. Le Groupe peut faire de laconciliation dans un premier temps ou, si laconciliation échoue, dans un deuxième temps,procéder à une investigation plus appro-

150 . Lutte contre le mobbing et le harcèlement

sexuel. L’expérience lausannoise.Adresse Internet :http://www.comback.ch/egalite/pages/lau-sane.htm. Il convient de noter que les casdénoncés sont, dans 20 % des cas, du har-cèlement − mobbing dans 16 % des cas etharcèlement sexuel dans 3 % des cas.Parmi les personnes mises en cause, 86 %sont des supérieurs hiérarchiques immédiatsqui peuvent abuser de leur pouvoir auprèsde leurs employés.

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Chapitre 3 67

fondie qui pourrait mener à une enquêtedisciplinaire par la municipalité.

La crédibilité de ce groupe de « sages »semble excellente si l’on considère qu’il areçu des appels de toute la Suisse − qu’ils’agisse de fonctionnaires municipaux, depersonnes travaillant dans le privé ou dansd’autres administrations, de chefs dupersonnel souhaitant s’attaquer à ce problè-me, de syndicalistes, du monde politique, etc.

Il apparaît, par conséquent, que l’initiative dela ville de Lausanne a permis de faire tomberun tabou et a mis en évidence qu’aucuneentreprise n’est à l’abri du problème deviolence psychologique au travail. Le Grou-pe de confiance s’est soucié de fournir uneliste d’adresses utiles ainsi qu’une bibliogra-phie aux personnes de l’extérieur de lamunicipalité qui le contactaient.

L’État de Genève151 a aussi pris position enmatière de harcèlement sexuel et de harcè-lement psychologique au travail.

151 . Harcèlement psychologique à l’État de Ge-

nève. Non!Adresse Internet :http://prevention.ch/harcelement.htm. Cesmesures s’inscrivent également dans le ca-dre de la loi fédérale sur l’égalité entre fem-mes et hommes. Il convient d’indiquer queles médiateurs et les médiatrices ont reçuune formation spécialisée pour remplir leursresponsabilités. Il s’agit de personnes ex-ternes à la Fonction publique et qui ont étédésignées par le Conseil d’État pour appor-ter aide et conseil dans tout problème deharcèlement. Enfin, le mobbing est définicomme « toute attitude abusive d’une ouplusieurs personnes qui vise à agresser ou àmettre en état d’infériorité une collaboratriceou un collaborateur, de manière constanteou répétée, pendant plusieurs mois. Cecomportement peut prendre les formes sui-vantes :

• refuser toute communication avec la per-sonne harcelée : ne pas discuter, ne paslui répondre, l’interrompre;

Considérant que le Conseil d’État a l’obli-gation légale de protéger la santé physiqueainsi que la santé psychique de ses collabo-rateurs et de ses collaboratrices dans le milieuprofessionnel, celui-ci entend doter l’Étatd’instruments permettant de protéger effica-cement la personnalité de ses employés et deses employées.

La procédure de médiation mise en place en1995, est étendue au harcèlement psycholo-gique − vu comme le mobbing. Dans unetelle perspective, les dispositions règlemen-taires ont été complétées, le nombre demédiateurs et de médiatrices a été augmentéafin de prévenir tout comportement consti-tutif de harcèlement et d’y remédier plusefficacement. Les victimes peuvent contacterun médiateur ou une médiatrice et ce, dans laplus stricte confidentialité; la recherched’informations n’étant entreprise qu’avecl’accord exprès de la personne plaignante etétant limitée aux personnes directementconcernées. Les rapports établis dans lecadre de la médiation ne sont transmis àl’Office du personnel de l’État, aux Servicesadministratifs et financiers du Départementde l’Instruction publique ou, pour les

• isoler cette personne : l’ignorer, ne plus

lui adresser la parole;

• détruire sa reconnaissance sociale : laréprimander sans respect, l’humilier, lan-cer des rumeurs à son sujet, se moquerde son physique, la traiter de maladementale;

• détruire sa qualité de vie : lui attribuer ex-clusivement ou principalement des tra-vaux ingrats, inférieurs ou supérieurs àson niveau de responsabilités ou decompétences;

• nuire à sa santé : lui confier des travauxdangereux ou des tâches pénibles physi-quement. »

Cette définition rejoint les principales dimen-sions du mobbing explicitées au chapitre 1.

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Chapitre 3 68

hôpitaux universitaires de Genève audirecteur des ressources humaines, que surdemande de la personne intéressée. Il s’agitlà d’une procédure gratuite, les frais étant prisen charge par les employeurs.

Enfin, les entreprises pourraient vouloirinclure cette préoccupation dans la construc-tion de leur image publique en vue d’amé-liorer leur représentation de « citoyenresponsable ». C’est un point de vue quesemble partager Lesgards quand il affirmequ’« il est illusoire, pour les entreprises, deprétendre jouer un rôle sérieux et durabledans la cité, si elles ne développent pasd’abord, en leur propre sein, un climat, desstructures, des procédures et des pratiquesqu’il n’est pas abusif de qualifier de démo-cratiques. 152»

Un tel discours pourrait s’avérer pertinent auregard de la question de la violence psycholo-gique au travail et ce, à certaines conditions,dont celle de commencer par mettre lesconcepts de citoyenneté et de civisme enpratique à l’intérieur de chaque firme « afind’y développer de nouveaux liens sociaux, denouvelles manières de vivre et travaillerensemble; enfin et surtout, adopter uneauthentique démarche citoyenne pourdépasser le productivisme ambiant, qui traitel’homme en termes de ressources et devariables d’ajustement, et lui substituer unrobuste humanisme visant à la justice, à ladignité de chacun, à la solidarité et à lacréation ininterrompue d’une cité plushumaine. » Une entreprise citoyenne sepréoccuperait donc de contrer la violence autravail afin que tous et chacun, au sein del’organisation, se sentent respectés; une tellesituation semblant davantage conforme audiscours sur les nouvelles méthodes degestion de ressources humaines et favorisant

152 . R. Lesgards, « L’entreprise en mal de ci-

toyenneté », Le Monde diplomatique, juin1996, p. 7.

davantage la productivité − on a déjà vu dansle chapitre précédent que le sentiment d’êtrerespecté par l’employeur représente unfacteur d’importance primordiale pour lamobilisation des travailleurs et des travail-leuses.

3. Des moyens extérieurs aux milieux detravail

Ceux-ci pourraient être nombreux, les sui-vants n’étant explicités qu’à titre indicatif.

Les médias pourraient s’avérer utiles en vuede sensibiliser davantage la population à laviolence au travail et aux impacts négatifs decelle-ci sur l’ensemble des parties concer-nées.

À titre d’exemple, la télévision suisse roman-de a diffusé, en novembre 1996, une enquêteintitulée « Mobbing, la persécution au tra-vail 153», enquête comprenant des entrevuesavec des personnes se considérant commeayant été victimes de cette pratique et endécrivant les effets sur leur santé physique etpsychique.

Un article est paru, en 1997, dans le journalde l’École polytechnique fédérale de Lau-sanne annonçant la mise en place prochained’une structure officielle au sein de cetteécole pour les questions de harcèlementpsychologique et donnant des indications surles ressources disponibles154.

153 . No 10/97 : Exceptions au principe de…

« audiatur et altera pars » / Abus ou excès àl’intérieur d’un entreprise de média (SSM-Radio TV Genève/Télévision Suisse Ro-mande) du 19 septembre 1997.Adresse Internet :http://www.presserat.ch/9710.htm.

154 . Il s’agit d’un article provenant du Bureau del’équité de cet établissement de formation.Adresse Internet :http://www.epfl.ch/equite/presse/articles.html.

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Chapitre 3 69

Certaines associations professionnelles sontsusceptibles d’être en mesure d’apporter unsoutien concret aux parties concernées dansles entreprises et les organisations.

À titre d’exemple, il existe, en France, uneassociation de médecins du travail qui sepréoccupe de la question de la violencepsychologique au travail. Il s’agit de Motspour Maux au Travail qui a pour objet :

« • de donner la possibilité aux victimes detoute souffrance psychique au travail(telle que harcèlement psychologique,persécutions diverses, etc.) d’avoir unsoutien, de s’exprimer, de s’informer;

• de travailler à combler le vide juridiquedans ce domaine et faire évoluer lalégislation;

• d’aider les différents partenaires au seindes entreprises à analyser, comprendreet maîtriser les problèmes de souffranceau travail;

• d’élaborer une réflexion multidiscipli-naire et promouvoir des recherches, deséchanges professionnels ou interprofes-sionnels;

• de former dans ce domaine ou de parti-ciper à la formation de toute personne,institution ou entreprise;

• d’établir des contacts, promouvoirl’association et d’une façon générale,participer à toute réflexion et actionsinstitutionelles ou associatives, privéesou publiques, nationales ou internatio-nales qui prennent en compte les problè-mes sociaux, économiques, juridiques etéthiques liés au harcèlement psycholo-gique et à la souffrance au travail. 155»

155 . Présentation.Adresse Internet :

D’autres firmes spécialisées pourraient êtreen mesure d’intervenir dans les milieux detravail en vue de faire prendre conscience del’importance, pour chacune des personnes ytravaillant, de développer une solidaritéactive, moyen efficace de prévention de laviolence psychologique.

À titre d’exemple, SYSTEMIS156 possède unsite internet où la démarche en matière de

http://www.mutimania.com/xaumtom/objet.htm. Cette association de médecins existedepuis 1997 et offre des services d’accueilaux victimes de harcèlement psychologiquesous forme d’entretien.

156 . Vous affranchir des conflits, du harcèlementet de la violence.Adresse Internet :http://www.systemis.qc.ca/page16.html.

Des sessions de formation sur le sujet ontégalement été élaborées en Suisse, notam-ment par l’OCIRT, qui offre aux employeurs,cadres et responsables de ressources hu-maines, un séminaire sur le mobbing ouharcèlement psychologique au travail axésur une approche préventive.Adresse Internet :http://prevention.ch/seminairesocirt.htm. Il yest explicité qu’il incombe à l’employeur deprévenir de tels agissements et de gérer lesconflits de travail sans user (ou permettre àses collaborateurs de le faire…) de métho-des qui violent les droits de la personnalitéet des travailleurs. Des études de cas ysont présentées. Des spécialistes abordentles questions suivantes :

• Comment naît le mobbing, comment ledéceler?

• Comment distinguer un simple conflit detravail du mobbing?

• Quelles sont les conséquences du mob-bing pour la victime?

• Quelles sont les responsabilités del’employeur?

• Quelles mesures de prévention appliquerdans l’entreprise?

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Chapitre 3 70

lutte à la violence au travail privilégiée parcette firme est exposée de façon relativementsuccincte. Plusieurs activités de formation ysont disponibles, qu’elles soient souhaitéespar les employées ou des employés, descadres ou des gestionnaires et ce, en vue d’unchangement dans la dynamique institution-nelle.

D’autres firmes sont en mesure de favoriserune meilleure utlisation des compétences desdiverses catégories d’employées et d’em-ployés telles que Regain157, Groupe-conseilen mobilisation d’équipe; une utilisation plusjudicieuse des compétences des personnesdevrait vraisemblablement concourir à unclimat de travail plus sain.

Le ministère du Travail pourrait aussi songerau développement de certains services desoutien158, en sus du service téléphoniqueexistant. Ainsi, des services de« counselling » en vue d’aider les victimes deviolence psychologique pourraient être misen place; de tels services pouvant vraisembla-blement être localisés dans la structure

• Quelles réponses sociales existent?

157 . A.-L. Champagne, « Êtes-vous Haddock ouTournesol? Tintin et ses personnages à larescousse des gestionnaires », Le Soleil, 23janvier 1999, pp. A1 et A20.

158 . À titre d’exemple, le ministère du Travailpourrait reprendre la pratique selon laquelledes enquêtes seraient réalisées en vertu del’article 47.2 du Code du travail. Cet articlese lit comme suit : « Une association accré-ditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou demanière arbitraire ou discriminatoire, ni fairepreuve de négligence grave à l’endroit dessalariés compris dans une unité de négocia-tion qu’elle représente, peu importe qu’ilssoient ses membres ou non. » Une tellemesure devrait vraisemblablement inciter lessyndicats à prendre davantage en considé-ration les plaintes pour motif de harcèlementpsychologique; les enquêteurs pouvant jouerun rôle assimilable à celui d’un médiateurdans l’examen de tels dossiers.

régionalisée du ministère de l’Emploi − lesCentres locaux d’emploi représentant proba-blement le choix le plus opportun considérantleur nombre et leur répartition sur le territoirequébécois. Également, il y aurait avantage àinclure la préoccupation de contrer le harcè-lement psychologique dans les services demédiation actuellement disponibles.

Des organismes communautaires offrent cer-tains services à des personnes victimes deviolence psychologique. Pour remplir lemandat qu’ils se sont donnés, ces organismesont besoin d’un soutien financier s’inscri-vant dans une perspective de moyen et longterme159, en vue de faciliter la planificationde leurs services et en mieux assurer leurmaintien. Cela semble d’autant plus impor-tant que ces organismes constituent vraisem-blablement une ressource d’importance pri-mordiale pour aider les personnes victimes deviolence psychologique au travail.

Les groupes communautaires peuvent égale-ment faire de la sensibilisation sur la ques-

159. Le Secrétariat à l’action communautaire

autonome (SACA) a commencé des travauxen vue de l’élaboration d’une politique gou-vernementale de reconnaissance et de fi-nancement des organismes communautai-res depuis quelque temps déjà (environ2 ans). Le SACA dispose d’un programmede soutien à des organismes communautai-res dont la mission est horizontale commecelui de la défense de droits; les différentsministères s’occupant des organismes à vo-cation sectorielle. Il est possible que l’en-semble de l’enveloppe budgétaire à la dis-position du SACA soit, dans l’avenir, affectéà un tel programme.

Dans le cadre des travaux d’élaboration decette politique d ‘allocation des ressources,on se préoccuperait, notamment, de l’arri-mage des procédures administratives utili-sées par les différents ministères offrant unsoutien financier à des groupes commu-nautaires et on procéderait à l’analyse de lapertinence d’un financement sur une basetriennale pour certains secteurs.

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Chapitre 3 71

tion de la violence psychologique au travail etinclure dans les documents produits desconseils quant aux réactions à avoir si unepersonne est victime d’un tel comportement .Ainsi, le groupe Au bas de l’échelle propose,dans Contrer le harcèlement psychologique :une question de dignité, certains moyens pourles victimes de harcèlement psychologiquetels que les suivants :

• Recherchez du support;

• Donnez-vous du répit au besoin;

• Conservez des preuves;

• Réagissez au harcèlement − une réactioncollective ayant toutefois une portéebeaucoup plus importante.

4 D’autres moyens à envisager

Les cadres, on l’a déjà vu, jouent un rôlestratégique au regard du fonctionnement desmilieux de travail. Les responsabilités assu-mées en matière de violence au travailsemblent importantes.

Le rôle des cadres paraît avoir considérable-ment évolué; les activités liées à l’informa-tion et à sa communication en étant mainte-nant devenues une dimension majeure de leurfonction, si l’on en croit Bescos et Men-doza160. Aussi, si l’on se réfère aux points devue de Laszlo et Langel ou Albert et Emerydont il a été question au chapitre 2, un cadreest maintenant davantage un animateur, unmotivateur, un entraîneur qu’un contrôleur.Cela semble découler non seulement du faitd’une hausse généralisée de la scolarisationmais également des transformations del’organisation en raison de changements

160 . P.-L. Bescos, C. Mendoza, « Les besoins

d’information des managers sont-ils satis-faits? », Revue française de gestion, no-vembre-décembre 1998, pp. 117-128.

technologiques majeurs et de la restructura-tion de l’économie québécoise vers une éco-nomie du savoir.

Dans la perspective où il est essentiel pour lescadres de susciter l’adhésion des travailleurset des travailleuses aux projets de l’entre-prise, ils doivent, pour ce faire, leur fairepartager leur vision de l’organisation etobtenir leur confiance.

Les cadres sont, par conséquent, appelés àtransformer leurs pratiques de gestion enfonction de valeurs de respect des compé-tences et des personnes qui favorise lacoopération et la délégation de pouvoirs etde responsabilités. Les cadres détiennent-ilsles habiletés requises pour aller dans une telledirection? On peut s’interroger à cet égard.D’autant plus que les nombreux changementsayant affecté les organisations ces dernièresannées ont pu les amener à négliger le déve-loppement d’habiletés relationnelles de cetordre. Les cadres joueraient vraisemblable-ment mieux leur rôle s’ils pouvaientbénéficier d’une formation plus adaptée aunouveau contexte de fonctionnement desorganisations, une formation dont lesexigences tiendraient davantage compte durôle différent qu’ils rempliront.

En ce qui concerne la lutte à la violencepsychologique au travail, il est opportun designaler, à titre d’indication, qu’une despremières activités du plan d’action découlantde la politique mise de l’avant au ministère dela Sécurité publique en est une de formationdes cadres sur le sujet161. C’est donc direqu’il a été jugé pertinent de fournir aux

161. Selon ce plan d’action, est prévue une for-

mation en deux étapes, la première devantdonner des outils pour faire face à des si-tuations de harcèlement ou d’abus de pou-voir, la deuxième pour habiliter les cadres àprocéder à un diagnostic du milieu de travailet l’élaboration d’un plan d’action annuel vi-sant la transformation des comportements.

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Chapitre 3 72

cadres de cette organisation un soutientangible pour les aider à s’adapter à unedimension nouvelle de leur rôle.

La modification des lois du travail ne peutêtre écartée. En effet, si les autres moyensdisponibles s’avéraient insuffisants pourremédier à une situation de violence autravail, les victimes devraient pouvoir utiliser,en dernier recours, la voie légale. Cela impli-que d’abord que la violence psychologiqueau travail soit considérée comme illégale, aumême titre que le harcèlement ou les motifsde discrimination prévus par la Charte desdroits et libertés de la personne. Il convientde souligner que pour l’association Mots pourMaux au travail, la reconnaissance socialedu préjudice subi via la loi offre unepossibilité de retrouver dignité et statutsocial. Enfin, il semble opportun de noterque le harcèlement « moral » dans l’entre-prise représente un délit en Suède depuis1993; celui-ci est reconnu en Allemagne, auxÉtats-Unis, en Italie et en Australie162.Les moyens examinés dans ce chapitre répon-dent à des objectifs différents.

Dans certains cas, il s’agit de fournir del’aide aux victimes d’incidents de violence autravail, dans d’autres cas, il s’agit de favoriserune meilleure prévention de l’occurrence dela violence, dans d’autres, ce sont des« balises » que l’on vise à mettre en placepermettant de faire face avec une plus grandeéquité à la violence susceptible de survenirdans un milieu de travail − on pense notam-ment à un processus de traitement desplaintes −, d’autres ont une portée à pluslong terme − il pourrait en être ainsi de laformation des gestionnaires. Enfin, les modi-fications législatives semblent nécessaires si,

162 . M.-F. Hirigoyen, Le harcèlement moral. La

violence perverse au quotidien, Paris, Syros,1998, p. 186. Ce concept est assimilable àcelui de harcèlement psychologique tel quecirconscrit dans le premier chapitre du pré-sent document.

d’une part, l’on souhaite que les autresmoyens aient une certaine efficacité pour lesparties concernées et, d’autre part, qu’il soitpossible d’intégrer cette préoccupation dansles conventions collectives.

òò En bref, il devrait être possible d’inter-venir à plusieurs niveaux en matière deviolence psychologique au travail, l’Or-ganisation internationale du travailrecommandait, dans son étude sur lesujet de la violence au travail, unedémarche globale considérant l’objectifvisé, soit celui de la contrer. Une sériede moyens ont fait l’objet de ce chapitresans qu’il y ait prétention à l’exhaus-tivité. Il s’agit là d’une question com-plexe à laquelle on ne peut prétendreapporter une solution simple; ce quisuppose qu’il faudra mettre en place unéventail de moyens visant autant àprévenir163 la violence psychologiquequ’à remédier aux incidents susceptiblesde survenir malgré la prévention réalisée.

Il est important de souligner que ce sujetcommence seulement à être examiné auQuébec. Ce qui explique sans doute queles différentes parties semblent disposer,pour l’instant, surtout d’instruments desensibilisation des milieux de travail.

Considérant la possibilité que la questionde la violence psychologique au travail

163 . Certains moyens explicités dans le chapitre

3 peuvent être associés à la préventionqu’il serait opportun de réaliser dans les mi-lieux de travail − on peut songer, par exem-ple, aux politiques qui peuvent être mises enplace, à l’intégration de cette préoccupationdans le mandat des comités de santé et desécurité du travail, aux activités que les as-sociations sectorielles paritaires peuventréaliser − alors que d’autres le sont plutôt aufait d’apporter des solutions aux incidentssurvenus − il en est ainsi des mécanismesliés au traitement des plaintes, aux servicesde médiation qu’il pourrait s’avérer avanta-geux de développer.

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Chapitre 3 73

se pose avec une acuité croissante dansle futur, avec tous les impacts potentielsà la fois pour les personnes et pour lesorganisations, il ne fait pas de doute queles associations patronales et syndicales,de même que d’autres acteurs qui sesentiraient concernés, développeront desservices spécifiques destinés à apporterdes solutions aux problèmes suscités parla violence au travail ou favorisantl’action en vue de contrer plus effica-cement la violence psychologique autravail.

Rappelons cependant que la solidaritéentre les membres d’un milieu de travailsemble être perçu comme le moyen leplus efficace pour enrayer la violencepsychologique au travail. Favoriser ledéveloppement de la solidarité supposequ’il soit possible d’agir sur la cultureorganisationnelle davantage basée surl’individualisme.

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Chapitre 3 74

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Conclusion 75

a violence au travail est devenue unepréoccupation pour un certain nombre

d’acteurs sociaux dont l’Organisation interna-tionale du travail qui s’est penchée récem-ment sur le sujet. La violence psychologiqueau travail représente une des manifestationspossibles de la violence au travail164.

La violence psychologique au travail est unequestion complexe découlant de facteursnombreux et diversifiés; elle est susceptibled’impacts165 importants tant pour les person-nes qui en sont victimes, que pour lestémoins et même pour les organisations ausein desquelles ce phénomène survient.

Rappelons que la violence psychologiqueoccasionne aux victimes des problèmes desanté physique et psychique dont certainspeuvent s’avérer d’une gravité certaine −

164 . Les responsables des travaux du CRI-VIFF

(Centre de recherche interdisciplinaire sur laviolence familiale et la violence faite auxfemmes) identifient plusieurs formes de vio-lence au travail, soit la violence physique,psychologique, sexuelle et financière.

165 . Les diverses enquêtes auxquelles il a étépossible d’avoir accès mentionnent les im-pacts physiques et psychologiques sui-vants pour les victimes d’incidents de violen-ce psychologique au travail : stress, anxiété,dépression, baisse de l’estime de soi et dusentiment de compétence, baisse de la mo-tivation au travail, sentiment de vulnérabilité,voire de culpabilité, peur de se retrouverdans une situation semblable, maux de tête,troubles du sommeil, désordres gastro-intestinaux, nausées, fatigue, etc.; la gravitéde l’impact de la violence pouvant être va-riable en fonction de la nature de la relationentre la victime et son agresseur.

Plusieurs conséquences sur le milieu detravail ont été notées dont le roulement depersonnel, la baisse de productivité,l’absentéisme, la baisse de la motivation, ladiminution de la qualité du service offert à laclientèle, etc.

certains incidents de « mobbing166 » auraientmême mené jusqu’au suicide.

Les femmes seraient plus susceptibles qued’autres d’être victimes de harcèlementpsychologique au travail, notamment enraison du fait qu’elles sont fort nombreusesdans les professions à risque ainsi que dansles secteurs d’activités économiques àrisque167.

Les auteurs168 de la violence au travailpeuvent aussi bien être les supérieures ou lessupérieurs immédiats des victimes que leurscollègues de travail.

Les stratégies utilisées par les victimesd’incidents de violence psychologique au 166 . Rappelons que le « mobbing » est une

forme collective de violence au travail deplus en plus courante dans de nombreuxpays dont l’Australie, l’Autriche, le Dane-mark, l’Allemagne, la Suède, le Royaume-Uni, les États-Unis. Plusieurs personnespeuvent s’allier pour persécuter tel ou telcollègue et, pour ce faire, utiliser desmoyens comme les suivants : « faire cons-tamment des remarques négatives ou la cri-tiquer sans arrêt, l’isoler en la laissant sanscontact social et médire ou diffuser de faus-ses informations sur elle.» tiré de « Lorsquetravailler devient dangereux. Coups depoing, crachats, insultes et coups de feu : laviolence au travail existe désormais dans lemonde entier », Travail. Le magazine del'OIT, no 26, sept./oct. 1998, p. 7.

167 . Ceux-ci seraient, d’après l’étude de Chap-pell et Di Martino, le secteur des services etcelui de l’administration publique.

168 . Il a été possible de constater, grâce à cer-taines enquêtes auxquelles on a eu accès,que la violence en milieu de travail est éga-lement le fait de la clientèle avec qui les per-sonnes ont à traiter. Toutefois, dans lecadre des présents travaux, il a été estiméopportun de concentrer notre attention sur laviolence intra-organisationnelle, celle sus-ceptible de survenir entre des collègues detravail ou entre un supérieur ou une supé-rieure et un employé ou une employée.

L

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Conclusion 76

travail pourraient être regroupées en quatregrande catégories; la stratégie rationnelle oude contrôle où il y a dénonciation, rectifi-cation des informations diffusées; la recher-che de soutien et ce, dans une perspective devalorisation de soi, recherche de soutienexterne et de soutien interne; le refus, larébellion où il peut y avoir négation de laviolence, affirmation de l’autonomie profes-sionnelle ou renforcement des comportementsreprochés; l’évitement ou le retrait où lagestion du temps et de l’espace est employéepour diminuer la possibilité de l’occurrencedes incidents violents. Toutes les stratégiesprésentent certains avantages dont ceux de ladiminution de la souffrance et de stopper, aumoins temporairement, la violence.

La solidarité entre les travailleurs et lestravailleuses semble toutefois la meilleurefaçon d’éviter la violence psychologique,surtout celle provenant des supérieures etsupérieurs hiérarchiques; cette dernière sesituant en lien avec la notion d’abus depouvoir et se concrétiserait dans des« comportements excédant le pouvoir légi-time − ou l’autorité − du ou de la gestion-naire, en fonction de sa position hiérarchiqueet de la culture de son milieu organisationnel,ce qui implique une transgression des normesexplicites ou implicites de l’organisation. 169»

Il a aussi été possible d’observer que lescoûts inhérents à la santé mentale au travailsont fort importants170 et tendent à s’éleverconsidérablement depuis quelques années.

169 . C. Aurousseau, S. Landry, La violence hié-

rarchique en milieu professionnel. Une étu-de exploratoire, Communication présentéedans le cadre du 10e Congrès de l’Asso-ciation internationale de psychologie du tra-vail de langue française, tenu à Bordeaux du24 au 27 août 1998, p. 9.

170 . À titre d’indication, le BIT évaluait les coûtsdu stress à 200 milliards de dollars, en 1993,pour l’économie américaine seulement.

Également, la violence psychologique influesur la qualité du milieu de travail et estsusceptible d’amener une diminution de lamotivation au travail et, par conséquent, de laproductivité; toute baisse de cette dernièreconcourant à modifier la compétitivité del’entreprise, ce qui, en dernière analyse, peutavoir un effet direct sur l’emploi.

La tendance à la hausse de la violencepsychologique dans les milieux de travails’inscrit dans un contexte marqué par deschangements de toutes natures. Ces change-ments affectent non seulement les organi-sations mais également le marché du travaillui-même.

Il s’agit de changements technologiquesd’abord mais aussi de changements dansl’organisation de la production. Ces change-ments sont supposés se réaliser dans uneperspective où la qualité de la productionainsi que l’innovation deviennent des gagesde la compétitivité des organisations, facteuressentiel à la survie et au développement desorganisations d’autant que celles-ci s’inscri-vent maintenant sur un terrain mondialisé.

De tels changements sont fondés sur l’enga-gement des travailleurs et des travailleuses etleur mobilisation; la confiance entre lesparties concernées s’avérant indispensablepour assurer un fonctionnement efficace desorganisations et adapté aux conditions de leurenvironnement économique.

Cette transformation dans la gestion estrendue possible, entre autres, par une plusgrande scolarisation des travailleurs et destravailleuses et le développement de lanouvelle économie − celle fondée sur lesavoir. Enfin, ont été constatés des change-ments dans la charge de travail résultant decompressions et de rationalisations de toutesnatures.

Il résulte de ces nombreux changements desquestionnements sur le sens même du

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Conclusion 77

travail ainsi qu’un accroissement desfacteurs de stress si bien qu’il semble qu’uncertain nombre de conditions susceptiblesd’induire des incidents de violence psycho-logique au travail paraissent être présentes, àl’heure actuelle, dans les organisations.

Pour contrer la violence au travail, il sem-blerait qu’une démarche préventive171

représente la meilleure voie possible basée,entre autres, sur l’éducation et l’informationdes victimes ainsi que sur une meilleurecommunication entre les parties concernées.

Cela suppose non seulement des moyens desensibilisation à ce phénomène pour chacunedes parties concernées dans les organisationselles-mêmes et, plus largement, pour lapopulation toute entière, mais également deslois et des règlements en vue de contrer laviolence au travail sous toutes ses formes.Aussi, des programmes qui condamnent laviolence dans les entreprises sont nécessairesde même qu’une procédure de dénonciationdes incidents violents. Enfin, doit être mis enplace une coordination des initiatives prisesà chacun des niveaux en vue de les intégrerdans des stratégies cohérentes.

Une lutte efficace à la violence au travail nepeut se réaliser sans que n’existe une volontépolitique à tous les niveaux − aussi bien de lapart de l’État que de la part des associationsd’employeurs, des associations syndicales ou

171 . Une telle position est partagée par Me Jean-

Bernard Waeber, avocat suisse spécialisteen matière de harcèlement psychologiquequi estime que « c’est par des mesures pré-ventives d’organisation et d’éducation que lemobbing sera le plus efficacement combat-tu. » dans « Le « mobbing » ou harcèlementpsychologique au travail, quelles solu-tions? » AJP/PJA 7/98, p. 796. Me Waeberprécise également qu’il est primordial « dedévelopper dans les entreprises une culturedu respect des opinions, même minoritaires,une culture de la discussion et de la gestionamiable des conflits en un mot une culturedémocratique. »

du secteur communautaire − d’en faire unobjectif majeur de société.

Même s’il paraît préférable de prévenirl’occurrence d’incidents de violence autravail, des mécanismes172 devraient être misen place en vue de traiter les plaintes desvictimes d’incidents de violence survenusdans les milieux de travail − on a déjà vuqu’il pouvait y avoir, dans un premier temps,médiation entre la victime et l’auteur de(s)incident(s) de violence psychologique et, sicela ne s’avérait pas satisfaisant, dans undeuxième temps, arbitrage. Enfin, la possi-bilité d’utiliser des recours légaux devrait êtreréelle, ce qui devrait améliorer d’autantl’efficacité des autres moyens disponibles.

172 . Un tel mécanisme pouvant être inclus dans

une politique destinée à contrer le harcèle-ment et l’abus de pouvoir au travail commec’est le cas pour les Services correctionnelsdu Québec, ou encore être confié à ungroupe spécialement constitué à cette fincomme dans le cas de la municipalité deLausanne.

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Conclusion 78

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ANNEXE 1

The organizational model of managing occupational violence173

This model is based on the recognition that employee problems associated withoccupational violence are essentially human resource management issues and notproblems of individual employee illness. They are not separate from the life of theorganization nor from the responsibilities of those running it.

The essential features of this model are as follows:

(1) occupational violence management is a core human resource management issue;

(2) occupational violence should never be accepted as ″part of the job″;

(3) concentration on ″sick″ employees avoids the work organizational issuesnecessary to deal with the problem effectively;

(4) management activites should be centred around risk management strategy,i.e.identifying and assessing risks and associated losses, and developing strategies foraction;

(5) action on occupational violence should be part of mainstream corporate strategy;

(6) action on occupational violence should be part of mainstream line managementresponsability;

(7) action on occupational violence should include employees and their formalrepresentatives;

(8) the management of internal conflict will be facilitated by attention to achievingand maintaining clear and unambiguous communication throughout all levels ofan organization;

(9) strategies for the prevention and management of conflict, assault, harassment andabuse should form part of organizational human resource management andoccupational health and safety strategy, including training;

(10) potential areas of internal conflict, such as performance and disciplinary mana-gement ought to be assessed in light of occupational violence management strate-gies;

(11) service organizations need to pay particular attention to occupational violenceassociated with public contact;

173 . D. Chappell, V. Di Martino, Violence at Work, International Labor Office, Genève, 1998, pp. 101-

102.

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(12) any clinical/therapeutic services provided by the organization ought to be assessedas part of an overall management strategy, and not provided in place of thatstrategy.

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ANNEXE 2

Cinq catégories de causes susceptiblesd’induire de la violence en milieu de travail

Facteursindividuels

Facteursinterpersonnels

Facteurssociaux

Facteursorganisationnels

Facteurs liés àl’environnement

du travail-maladie mentale-maladie dégénérative- profil mental (indivi-du caractériel)

- attitudes négatives(manque de respect)

- stress, frustration-désir de contrôle, desupériorité (abus depouvoir, rapport deforce)

-problèmes personnels(problèmes familiaux,divorce…)

-consommation de dro-gue, alcool ou médi-caments

- jalousie- manque de com-

munication- manque de

solidarité- dynamique de

groupe- manque de respect

envers certainespersonnes

- climat de travailtendu

- inimitié enverscertaines person-nes, incompatibi-lité de caractère

-conditions économi-ques difficiles

-baisse de revenus-coupures dans lesservices offerts

-trop grande exposi-tion des jeunes à laviolence (médias)

-augmentation desproblèmes sociaux etréduction des méca-nismes pour lesrégler (coupures àl’aide sociale)

-mauvaise évaluationde la dangerosité dela clientèle

-réorganisation aug-mentant les respon-sabilités desemployé-es sansavoir reçu la forma-tion requise

-mouvement demain-d’œuvre

-manque de forma-tion (comment abor-der les clients ayantdes problèmes parti-culiers)

-manque de matériel,d’activités de res-sources

-structure organisa-tionnelle trop hiérar-chisée

-manque de soutiende la part des ges-tionnaires

-manque de person-nel

-manque d’encadre-ment des clients

-manque de valorisa-tion des employé-es

-listes d’attente troplongues

-ambiguïté du mandatde l’institution

-manque d’encadre-ment

-surcharge de travail-manque de tempspour approcher laclientèle

-travail solitaire-manque de sécurité(lorsqu’on sedéplace au domiciledes clients)-manque de pro-grammes adéquatspour la clientèle-manque de locauxadéquats-groupes trop nom-breux (ratios tropélevés)-manque d’intimité(surpeuplement deslocaux)-clientèles ayant desbesoins trop dispa-rates-baisse du niveau deprévention par rap-port à la sécurité

Source : D. Damant, J. Dompierre, N. Jauvin, La violence en milieu de travail, CRI-VIFF, Université Laval, avril 1997, p. 35.

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Liste des personnes consultées

Aurousseau, Chantal Université du Québec à Montréal

Benoît, Marie-France Confédération des syndicats nationaux

Boivin, Hélène Secrétariat à l’action communautaire autonome

Drouin-Busque, Ginette Secrétariat à l’action communautaire autonome

Gauvin, Réal Emploi-Québec

Guberman, Nancy Université du Québec à Montréal

Jauvin, Nathalie CRI-VIFF (Centre de recherche interdisciplinairesur la violence familiale et la violence faite aux femmes)

Lippel, Katherine Université du Québec à Montréal

Martel, Chantal Ministère de l’Emploi

Paquet, Danielle Coordonnatrice du dossier harcèlement et abus de pouvoirau ministère de la Sécurité publique du Québec

Spilhaus, Sally Conseillère responsable du Code des droits et obligations àl’Université Concordia

Voisine, Monique Syndicat de la fonction publique du Québec