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Vladimir Ilitch Lénine Pour les articles homonymes, voir Lénine (homony- mie). Vladimir Ilitch Oulianov (en russe : Влади́мир Ильи́ч Улья́нов Prononciation ), dit Lénine (Ленин), né à Simbirsk (aujourd'hui Oulianovsk) le 22 avril (10 avril) 1870 et mort à Vichnie Gorki (aujourd'hui Gorki Leninskie) le 21 janvier 1924, est un révolutionnaire, théoricien politique et homme d'État russe. Rejoignant à la fin du XIX e siècle le Parti ouvrier social-démocrate de Russie, la section russe de la Deuxième Internationale, il provoque en 1903 une scission du Parti russe et devient l'un des principaux dirigeants du courant bolchevik. Auteur d'une importante œuvre écrite d'inspiration marxiste [1] , il se distingue par ses conceptions politiques qui font du parti l'élément mo- teur de la lutte des classes et de la dictature du prolétariat. En 1917, après l'effondrement du tsarisme, les bolcheviks s’emparent du pouvoir en Russie lors de la Révolution d'Octobre. La prise du pouvoir par Lénine donne nais- sance à la Russie soviétique, premier régime commu- niste de l'histoire, autour de laquelle se constitue en- suite l'URSS. Lénine et les bolcheviks parviennent à as- surer la survie de leur régime, malgré leur isolement in- ternational et un contexte de guerre civile. Ambition- nant d'étendre la révolution au reste du monde, Lénine fonde en 1919 l'Internationale communiste : il provoque à l'échelle mondiale une scission de la famille politique socialiste et la naissance en tant que courant distinct du mouvement communiste, ce qui contribue à faire de lui l'un des personnages les plus importants de l'histoire contemporaine [2] , [3] . Une fois au pouvoir, il use — de façon revendiquée [4] , [5] — de la Terreur afin de parvenir à ses fins politiques [6] . Lénine est à l'origine de la Tchéka, police politique so- viétique chargée de traquer et d'éliminer tous les enne- mis du nouveau régime qu'il met en place. De même, Lé- nine instaure en 1919 un système de camps de travail for- , qui précède le Goulag de l'époque stalinienne [2] , [7] ; il fait également du nouveau régime une dictature à parti unique [2] . La continuité politique entre Lénine et Staline fait l'objet de débats ; divers auteurs ont cependant souli- gné que la philosophie politique et la pratique du pouvoir de Lénine contenaient des éléments clés de la dictature au sens moderne du terme [8] , voire du totalitarisme [9] , [10] . Dès mars 1923, Lénine est définitivement écarté du jeu politique par la maladie ; il meurt en début d'année sui- vante. Staline sort ensuite vainqueur de la rivalité qui op- pose les dirigeants soviétiques en vue de la succession. Les idées de Lénine sont, après sa mort, synthétisées au sein d'un corpus doctrinal baptisé léninisme, qui donne ensuite naissance au marxisme-léninisme, idéologie offi- cielle de l'URSS et de l'ensemble des régimes commu- nistes durant le XX e siècle [11] . 1 Origines et famille Selon Le Robert des noms propres [12] , le nom Lénine vient du nom d'un fleuve sibérien la Léna, (en russe : Лeна), l'origine du nom du fleuve est issu d'un dialecte toungouze yelyuyon « rivière ». La famille Oulianov : Maria Alexandrovna, Ilia Nikolaïevitch et leurs enfants : Olga, Maria, Alexandre, Dimitri, Anna, Vladimir. Vladimir Oulianov naît à Simbirsk, où sa famille s’était établie quelques mois plus tôt. Il grandit au sein d'un mi- lieu intellectuellement et socialement favorisé. Tant Ilia Oulianov (1831-1886) que son épouse Maria Oulianova, née Blank (1835-1916) ont des origines di- verses, bien que certaines incertitudes demeurent quant à leur ascendance, notamment du côté d'Ilia. Le père d'Ilia, Nikolaï, descend d'une famille de paysans origi- naires d'Astrakhan : ses ancêtres semblent s’être appelés 1

Vladimir Ilitch Lénine

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Page 1: Vladimir Ilitch Lénine

Vladimir Ilitch Lénine

Pour les articles homonymes, voir Lénine (homony-mie).

Vladimir Ilitch Oulianov (en russe : Влади́мир Ильи́чУлья́нов Prononciation), dit Lénine (Ленин), né à Simbirsk(aujourd'hui Oulianovsk) le 22 avril (10 avril) 1870 etmort à Vichnie Gorki (aujourd'hui Gorki Leninskie) le 21janvier 1924, est un révolutionnaire, théoricien politiqueet homme d'État russe. Rejoignant à la fin du XIXe sièclele Parti ouvrier social-démocrate de Russie, la sectionrusse de la Deuxième Internationale, il provoque en 1903une scission du Parti russe et devient l'un des principauxdirigeants du courant bolchevik. Auteur d'une importanteœuvre écrite d'inspiration marxiste[1], il se distingue parses conceptions politiques qui font du parti l'élément mo-teur de la lutte des classes et de la dictature du prolétariat.En 1917, après l'effondrement du tsarisme, les bolchevikss’emparent du pouvoir en Russie lors de la Révolutiond'Octobre. La prise du pouvoir par Lénine donne nais-sance à la Russie soviétique, premier régime commu-niste de l'histoire, autour de laquelle se constitue en-suite l'URSS. Lénine et les bolcheviks parviennent à as-surer la survie de leur régime, malgré leur isolement in-ternational et un contexte de guerre civile. Ambition-nant d'étendre la révolution au reste du monde, Léninefonde en 1919 l'Internationale communiste : il provoqueà l'échelle mondiale une scission de la famille politiquesocialiste et la naissance en tant que courant distinctdu mouvement communiste, ce qui contribue à faire delui l'un des personnages les plus importants de l'histoirecontemporaine[2],[3].Une fois au pouvoir, il use — de façon revendiquée[4],[5]

— de la Terreur afin de parvenir à ses fins politiques[6].Lénine est à l'origine de la Tchéka, police politique so-viétique chargée de traquer et d'éliminer tous les enne-mis du nouveau régime qu'il met en place. De même, Lé-nine instaure en 1919 un système de camps de travail for-cé, qui précède le Goulag de l'époque stalinienne[2],[7] ;il fait également du nouveau régime une dictature à partiunique[2]. La continuité politique entre Lénine et Stalinefait l'objet de débats ; divers auteurs ont cependant souli-gné que la philosophie politique et la pratique du pouvoirde Lénine contenaient des éléments clés de la dictature ausens moderne du terme[8], voire du totalitarisme[9],[10].Dès mars 1923, Lénine est définitivement écarté du jeupolitique par la maladie ; il meurt en début d'année sui-vante. Staline sort ensuite vainqueur de la rivalité qui op-pose les dirigeants soviétiques en vue de la succession.

Les idées de Lénine sont, après sa mort, synthétisées ausein d'un corpus doctrinal baptisé léninisme, qui donneensuite naissance au marxisme-léninisme, idéologie offi-cielle de l'URSS et de l'ensemble des régimes commu-nistes durant le XXe siècle[11].

1 Origines et famille

Selon Le Robert des noms propres[12], le nom Lénine vientdu nom d'un fleuve sibérien la Léna, (en russe : Лeна),l'origine du nom du fleuve est issu d'un dialecte toungouzeyelyuyon « rivière ».

La famille Oulianov : Maria Alexandrovna, Ilia Nikolaïevitch etleurs enfants : Olga, Maria, Alexandre, Dimitri, Anna, Vladimir.

Vladimir Oulianov naît à Simbirsk, où sa famille s’étaitétablie quelques mois plus tôt. Il grandit au sein d'un mi-lieu intellectuellement et socialement favorisé.Tant Ilia Oulianov (1831-1886) que son épouse MariaOulianova, née Blank (1835-1916) ont des origines di-verses, bien que certaines incertitudes demeurent quantà leur ascendance, notamment du côté d'Ilia. Le pèred'Ilia, Nikolaï, descend d'une famille de paysans origi-naires d'Astrakhan : ses ancêtres semblent s’être appelés

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2 2 JEUNESSE ET SCOLARITÉ

Oulyanine avant l'adoption du nom Oulianov. La famillea probablement des racines dans la région de Nijni Nov-gorod. Si les Oulianov étaient considérés comme ethni-quement russes, Nijni Novgorod connaissait un impor-tant brassage de populations et il est probable que la fa-mille ait eu des racines tchouvaches ou mordves. L'origineethnique de la grand-mère paternelle de Lénine est incer-taine. Maria, sœur de Lénine, était convaincue que la fa-mille de leur père avait du sang tatar, leur grand-mèreayant pu être kalmouke ou kirghize. Le grand-père deMaria Oulianova, Moshe Blank, était un marchand juiforiginaire de Volhynie. Les origines juives de la famillematernelle de Lénine ont été longtemps cachées par lesautorités de l'URSS[13] ; des écrivains nationalistes russesont au contraire attribué une importance primordiale à cesorigines, bien que la famille Blank eût entièrement rejetéle judaïsme. Moshe Blank avait rompu avec la commu-nauté juive à la suite d'une série de conflits personnels etadopté des positions anti-juives virulentes. Ses deux filss’étaient convertis au christianisme orthodoxe et avaientchoisi de faire carrière dans la médecine, parvenant à despositions sociales enviables. La conversion à l'orthodoxiepermet à Alexandre Blank, père de Maria, d'accéder aussibien à la faculté de médecine qu'à la haute administration.Alexandre avait épousé une femme d'origine allemande etsuédoise, de confession luthérienne. Médecin de la police,puis médecin des hôpitaux, il avait reçu en 1847, lors desa nomination au poste d'inspecteur des hôpitaux pour larégion de Zlatooust, le titre de conseiller d'État effectif,qui lui conférait la noblesse héréditaire[14],[15],[16].Le grand-père d'Ilia Nikolaïevitch Oulianov, Vassili, étaitun serf, affranchi bien avant les réformes de 1861. Lepère d'Ilia travaille comme tailleur à Astrakhan, et Ilia lui-même fait des études supérieures de mathématiques ; di-plômé en 1854, il obtient son premier poste d'enseignantà Penza. C'est là qu'il rencontre Maria AlexandrovnaBlank, qu'il épouse en août 1863. Très impliqué dans ledéveloppement de l'éducation dans l'Empire russe, Iliadevient inspecteur des écoles. Nommé à Simbirsk lorsde son accession au poste d'inspecteur-chef, il y fait ra-pidement figure de notable local. Le couple a au total huitenfants : Anna, née en 1864, et Alexandre, né en 1866,précèdent Vladimir, qui naît lui-même en 1870. AprèsVladimir naissent Olga (1871), Dmitri (1874) et Maria(1878). Deux autres enfants du couple Oulianov meurenten bas âge : une fille - également prénommée Olga (1868)- et un garçon nommé Nikolaï (1873)[17].

2 Jeunesse et scolarité

Vladimir Oulianov lui-même est baptisé dans l’Église or-thodoxe russe[2]. Maria Oulianova s’occupe du foyer etdes enfants, tandis que son époux poursuit une remar-quable carrière dans l'enseignement : en juillet 1874, IliaOulianov est promu directeur de l'enseignement popu-laire pour le gouvernement de Simbirsk, ce qui lui vaut

d'être anobli par le tsar Alexandre II et d'accéder au titrede conseiller d'État[18].Les enfants Oulianov grandissent dans des conditions à lafois privilégiées et harmonieuses. Durant leur scolarité,ils bénéficient du prestige paternel. Les époux Oulianov,sujets loyaux du Tsar, sont également acquis aux idéeslibérales et progressistes en matière d'éducation. MariaOulianova élève ses enfants dans la tradition de tolé-rance et d'ouverture luthérienne. Ilia Oulianov s’emploie àcontribuer au mouvement de réformes de l'empire : dansla province de Simbirsk, il ouvre des écoles pour les popu-lations non russes où les enfants des minorités reçoiventun enseignement dans leur langue natale[19],[20]. Le futurLénine devient noble, par hérédité, à l'âge de 6 ans[21].Vladimir - dit « Volodia » - Oulianov est un élèvebrillant. Il suit une scolarité classique et étudie le français,l'allemand, le russe, le latin et le grec ancien. Au lycée, ila comme proviseur Feodor Kerenski, père de son futuradversaire politique Aleksandr Kerenski[22].

2.1 Contexte politique de la Russie del'époque

L'Empire russe, dans lequel grandissent les enfants Oulia-nov, se distingue de la majorité des autres monarchies eu-ropéennes de l'époque en conservant un régime politiqueautocratique, où la dynastie Romanov continue de gou-verner selon le principe du droit divin. La seconde moi-tié du XIXe siècle est marquée par plusieurs décenniesde souffrance sociale et de crise politique, qui dressentprogressivement une partie du peuple russe contre la mo-narchie. La société russe, encore essentiellement agricole,demeure politiquement arriérée et largement dénuée deculture démocratique[23]. Conscient de la nécessité demoderniser les structures sociales et politiques et confron-té à de nombreuses révoltes paysannes, le tsar AlexandreII lance dans les années 1860 une série de réformes, dontl'abolition du servage ou la création des zemstvos (assem-blées provinciales) ; le mouvement de réforme est cepen-dant incomplet et la société russe demeure marquée parde profondes inégalités sociales, comme par l'absence destructures étatiques modernes qui pourraient en garan-tir le bon fonctionnement. Le régime tsariste cumule ungouvernement central fort, aux pratiques autocratiques,et des structures de gouvernement local faibles[24]. Le re-tard social et politique de la société russe favorise le dé-veloppement de mouvements révolutionnaires ; les écritsd'auteurs comme Alexandre Herzen ou Nikolaï Tcherny-chevski expriment à l'époque les aspirations à une trans-formation radicale de la société russe. Le mouvement desNarodniks (« populistes », apparu dans les années 1860et inspiré par Herzen, tente d'adapter les idées socialistesaux réalités russes. À partir des années 1870, les idéesmarxistes se diffusent largement dans les milieux révo-lutionnaires russes : en 1872, la censure tsariste com-met l'erreur d'autoriser la parution du Capital de Karl

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2.2 Mort de son père, exécution de son frère 3

Marx, jugeant l'ouvrage trop aride et complexe pour in-téresser un lectorat quelconque : l'ouvrage connaît aucontraire un large succès chez les contestataires russes,qui font un accueil enthousiaste aux outils théoriques ap-portés par les écrits de Marx. Les « Narodniks », quant àeux, passent progressivement à la confrontation violentecontre le régime tsariste et, en 1881, l'aile terroriste dumouvement, Narodnaïa Volia (Volonté du peuple), assas-sine Alexandre II. Le nouveau tsar, Alexandre III, décidéà éradiquer l'esprit « révolutionnaire », entame durant sonrègne une série de contre-réformes qui renforcent les pou-voirs du gouvernement central et réduisent ceux des gou-vernements locaux que son père avait élargis[25]. En 1894,Nicolas II succède à Alexandre III ; tout aussi conserva-teur que son père, il néglige de former des structures bu-reaucratiques pouvant assurer l'efficacité du régime et semontre incapable d'accorder l'action de ses ministres demanière cohérente[26].

2.2 Mort de son père, exécution de sonfrère

Vladimir en 1887.

En 1886 et 1887, la famille Oulianov est endeuillée pardeux événements dramatiques. En janvier 1886, Ilia, pèrede Vladimir, meurt d'une hémorragie cérébrale, à l'âgede 53 ans. Sa veuve obtient une pension mais, si la fa-mille continue de bénéficier du domaine hérité de la fa-mille Blank et des revenus qui y sont liés, elle cesse debénéficier du prestige paternel. En l'absence de son frèreaîné Alexandre qui suit des études à Saint-Pétersbourg,

Vladimir, alors âgé de seize ans, doit assumer des res-ponsabilités d'« homme de la famille ». L'adolescent estéprouvé par la mort de son père : son caractère s’assom-brit et ses relations avec sa mère s’en ressentent[27],[28].L'évènement qui survient en 1887 s’avère encore plustragique : Alexandre, durant ses études, se lie avec ungroupe de jeunes révolutionnaires, qui animent une sec-tion de la Narodnaïa Volia. Fin 1886, Alexandre s’engagede manière plus active avec ses compagnons, qui envi-sagent d'assassiner le tsar Alexandre III. Alexandre Ou-lianov contribue à la rédaction de proclamations appelantau coup de force et censées accompagner l'attentat. Lesconjurés prévoient de frapper le 1er mars 1887, mais lapolice découvre le complot et ses principaux organisa-teurs sont arrêtés. Quinze inculpés sont déférés au tribu-nal, et tous condamnés à mort. Dix d'entre eux sont gra-ciés : Alexandre Oulianov, qui a revendiqué hautementsa responsabilité lors du procès, n'en fait pas partie. Samère plaide en vain la clémence ; Alexandre est pendu le11 mai. La famille Oulianov, jusqu'ici respectée, souffredésormais d'un véritable ostracisme social[29],[30].Vladimir est ébranlé par la mort de son frère, mais n'enparle guère par la suite dans ses écrits ; il aurait décla-ré en 1895 à un camarade qu'Alexandre lui avait « tra-cé le chemin[31]. » Il est cependant difficile d'estimerl'effet immédiat produit par la mort d'Alexandre Oulianovsur les idées de son frère : si Vladimir Oulianov sembleavoir éprouvé de l'admiration pour son aîné, ses propresopinions politiques ne paraissent pas avoir été alors trèsprécises[32]. Dans les mois qui suivent, il reprend paisi-blement sa scolarité et passe avec succès les examens quilui permettent d'intégrer, en octobre, l'université de Ka-zan pour y suivre des études de droit. Il ne manifestepas immédiatement d'intérêt marqué pour la politique,mais se trouve bientôt entraîné par l'atmosphère agitée dumilieu universitaire. Les étudiants se livrent à de nom-breuses manifestations, pour les motifs les plus divers.Sans montrer de zèle excessif, et apparemment surtoutpoussé par la curiosité, Vladimir Oulianov participe àquelques manifestations et réunions étudiantes interditespar les autorités. Sa présence semble y avoir été épiso-dique, mais son lien de parenté avec Alexandre Oulianovlui vaut d'être d'emblée considéré comme suspect par lapolice. Au début du mois de décembre 1887, il est arrêtéavec une trentaine d'autres étudiants, considérés commedes « meneurs ». La plupart sont réintégrés peu après àl'université, mais pas Vladimir Oulianov : du fait de sonnom de famille, et bien qu'ayant été peu actif dans leschahuts et manifestations des étudiants, il est exclu del'université[33],[34].Contraint d'interrompre ses études et de revenir pourun temps à la campagne, Vladimir Oulianov emploiel'essentiel de son temps à lire. C'est à cette époque qu'ildécouvre des auteurs comme Karl Marx et Nikolaï Tcher-nychevski. Il lit plusieurs fois Que faire ?, roman deTchernychevski qui met en scène un archétype de révo-lutionnaire ascétique : cet ouvrage constitue une source

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4 3 DÉBUTS EN POLITIQUE

majeure d'inspiration pour le jeune homme, comme pourplusieurs générations de militants russes, et contribueà former sa vision du monde[35],[36]. Il écrit au minis-tère de l'instruction publique pour demander à réintégrerl'université, ou partir étudier à l'étranger, mais ses de-mandes sont repoussées. Sa mère achète une ferme dansle village d'Alakaevka (oblast de Samara) et tente de seconsacrer, avec l'aide de son fils, à la gestion de ce do-maine agricole. Lors de séjours à Kazan, Vladimir fré-quente des cercles de réflexion marxistes. Il fréquentedes membres de Narodnaïa Volia et s’emploie à étudierl'histoire de l'économie russe et à parfaire sa connais-sance des textes marxistes. L'étude des œuvres de Marxet Engels le convainc que l'avenir de la Russie réside dansl'industrialisation et l'urbanisation. L'expérience de laferme tourne court : Vladimir et sa mère sont peu compé-tents dans le domaine agricole et ils finissent par affermerle domaine. Le jeune homme n'a pas renoncé à acqué-rir des diplômes et se prépare assidûment pour passer,en candidat libre, l'examen qui lui permettra d'intégrerl'université de Saint-Pétersbourg pour y suivre des étudesde droit. Bien qu'éprouvé en mai 1891 par la mort de sasœur Olga, emportée par la fièvre typhoïde - le jour del'anniversaire de l'exécution d'Alexandre - il continue depréparer ses examens et, en novembre, est reçu premieravec la note maximale dans toutes les épreuves[37],[38]. Le12 novembre 1891, il revient à Samara nanti d'un diplômequi lui permet de travailler comme avocat stagiaire. Il de-meure, dans le même temps, surveillé par la police qui leconsidère comme un subversif[39],[40].

3 Débuts en politique

Vladimir Oulianov mène à Samara une carrière d'avocataussi brève qu'anodine. En janvier 1892, il est embauchédans le cabinet d'Andreï Khardine, un avocat ami de lafamille, aux idées progressistes. Dans le cadre de son tra-vail d'avocat, il ne plaide aucune affaire conséquente, secontentant de traiter quelques litiges entre propriétairesterriens, ou des affaires financières qui l'intéressent à titrepersonnel. Il continue de bénéficier du patrimoine fami-lial : libéré du besoin de gagner réellement sa vie, il neconsacre à son métier qu'une part réduite de son tempset, dans le courant de l'année 1892, ne traite que quatorzecas[41],[42]. Plus tard, répondant au questionnaire remplipar les membres du Parti communiste, il indiquera que sa« profession de base » est celle d'« écrivain »[43]. Bien plusqu'à sa profession d'avocat, il s’intéresse à l'étude de la po-litique et de l'économie et à sa vocation révolutionnairenaissante. Alors que la région de la Volga, en 1891-1892,est ravagée par une terrible famine, il se distingue de safamille, mais aussi du milieu révolutionnaire russe, enmontrant peu d'intérêt pour le sort des paysans : il juge àl'époque que la famine qui frappe la paysannerie russe estune conséquence inévitable du développement industrielet qu'apporter de l'aide aux paysans s’avèrerait contre-productif en retardant le développement du capitalisme

Photo du futur Lénine en 1895.

russe, et par conséquent l'évolution vers le socialisme. Àl'été 1893, la famille Oulianov déménage à Moscou. Vla-dimir, lui, profite du fait que la surveillance policière à sonégard se soit relâchée pour s’installer à Saint-Pétersbourg,où il souhaite se faire un nom dans les milieux politiqueet intellectuel[41],[42].À l'époque, Oulianov est influencé non seulement par lemarxisme orthodoxe, mais également par les idées dupopuliste Piotr Tkatchev (en) (1844-1886), qui prône laprise du pouvoir par une minorité révolutionnaire. Outreson éloge des méthodes terroristes - qui influence beau-coup Narodnaïa Volia - Tkatchev critique dans ses écritsle fait qu'Engels n'ait accordé guère de foi au potentielrévolutionnaire de la Russie, en raison de l'arriération del'économie russe. Vladimir Oulianov est particulièrementséduit par l'idée d'une révolution provoquée par une élitede militants révolutionnaires et, dès les années 1890, semontre partisan de l'usage de la terreur[44].C'est en février 1894, lors d'une réunion d'un cercle dediscussion marxiste de la capitale, qu'il fait la connais-sance de sa future épouse, Nadejda Kroupskaïa. Enmai de la même année, il publie son premier texte dequelque importance, un pamphlet contre le chef de filedes populistes, intitulé Ce que sont les amis du peupleet comment ils luttent contre les sociaux-démocrates. Il yexpose ses thèses sur l'inéluctabilité du développement

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Gueorgui Plekhanov, l'un des premiers modèles politiques de Lé-nine, qui rompra avec lui par la suite.

du capitalisme en Russie et sur l'activité des sociaux-démocrates, qui doit être toute entière orientée vers laclasse ouvrière à qui il convient d'inculquer les principesdu « socialisme scientifique ». Au début de l'année 1895,il participe aux activités d'un groupe marxisant mené no-tamment par Pierre Struve. Ce dernier publie un recueilintitulé Documents sur la situation économique de la Rus-sie : l'ouvrage inclut un long article écrit par Oulianov, etsigné du pseudonyme Touline. À la mi-mars 1895, le mi-nistère des affaires étrangères lève l'interdiction de voya-ger qui pesait sur Oulianov : il est possible que l'Okhrana,la police secrète tsariste, ait pesé sur cette décision afin depouvoir se renseigner sur ses activités. Il en profite pourse rendre en Suisse, où il prend contact avec les milieuxrévolutionnaires russes en exil, faisant connaissance desthéoriciens marxistes Pavel Axelrod et Gueorgui Plekha-nov, cofondateurs de Libération du Travail, le premiergroupe marxiste russe. Plekhanov et Oulianov sont endésaccord quant à l'opportunité de s’allier avec les libé-raux contre l'autocratie - une idée rejetée par Oulianov -mais projettent de publier ensemble une revue marxisteen langue russe ; le jeune militant révolutionnaire pro-fesse alors pour Plekhanov une grande admiration, qu'ilva jusqu'à exprimer en des termes presque « amoureux ».Oulianov voyage ensuite en France, où il rencontre PaulLafargue, gendre de Marx, et Jules Guesde. À Berlin, ils’entretient avec Wilhelm Liebknecht. Il rentre en Russieavec des livres marxistes interdits cachés dans un double-fond de sa valise[45],[46].

De retour à Saint-Pétersbourg, Vladimir Oulianov s’em-ploie, en liaison avec Libération du travail et aidé de plu-sieurs camarades, à fonder la revue marxiste qu'il avaitévoquée avec Plekhanov, et qui doit s’appeler Rabotnik(« Travailleur »). Lui et ses compagnons n'envisagentdans un premier temps que d'éditer des textes politiques ;mais Oulianov fait à l'époque la connaissance de JuliusMartov, jeune intellectuel juif qui vient de fonder sonpropre groupe de discussion marxiste, et avec qui il selie bientôt d'amitié. Martov insiste pour que les militantsmarxistes agissent sur le terrain de manière concrète plu-tôt que de se borner à un travail intellectuel. Oulianovest convaincu par Martov ; ils fondent un groupe poli-tique baptisé Union de lutte pour la libération de la classeouvrière. Le groupe, strictement hiérarchisé et auqueln'appartient aucun ouvrier, compte dix-sept membres etcinq « suppléants ». Oulianov, âgé alors de 25 ans - mais àqui sa calvitie précoce et son allure sérieuse valent d'êtresurnommé « le vieux » et confèrent une certaine autori-té auprès des autres jeunes militants - est responsable detoutes les publications du mouvement[47],[48].En novembre 1895, Oulianov s’écarte du domaine de laproduction intellectuelle pour aborder celui de l'actionpolitique : il rédige un tract de soutien à des ouvriersen grève, rencontre des dirigeants grévistes et écrit unelongue brochure sur la condition ouvrière, dont milleexemplaires sont imprimés clandestinement. L'Okhrana,qui observe ses activités depuis un certain temps, décidecette fois d'agir à son encontre : le 9 décembre, il est ar-rêté par la police et placé en détention provisoire. Martovest arrêté le mois suivant. Oulianov profite de sa détentionpour avancer dans la rédaction d'un traité sur le dévelop-pement économique de la Russie. Sa sœur Anna et leurmère quittent Moscou pour s’installer à Saint-Pétersbourget peuvent lui rendre régulièrement visite, en lui apportantde quoi lire et écrire. Le 29 janvier 1897, il est condam-né, comme la plupart des membres arrêtés de l'Union delutte pour la libération de la classe ouvrière, à trois ansd'exil administratif à l'Est de la Sibérie[49]. Deux autresmembres de sa famille sont également condamnés pouractivités révolutionnaires : son frère Dmitri est chassé del'université et exilé à Toula, tandis que sa sœur Maria estenvoyée à Nijni Novgorod. Leur mère obtient finalementque Dmitri et Maria soient réunis à Podolsk, dans unemaison louée par la famille[50].

4 Déportation en Sibérie

4.1 Départ pour la Sibérie et mariage

En compagnie d'autres camarades exilés, Oulianovvoyage en train à travers la Sibérie, sans savoir quel serason lieu définitif de relégation. Du fait des conditions cli-matiques, ils stationnent durant deux mois à Krasnoïarsk.En avril, Oulianov apprend que son lieu de déporta-tion sera le village de Chouchenskoïé, dans le district de

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6 4 DÉPORTATION EN SIBÉRIE

Nadejda Kroupskaïa, épouse de Lénine.

Minoussinsk. Grâce à une demande de sa mère qui avaitplaidé la santé médiocre de son fils, il bénéficie d'une re-légation dans un lieu au climat agréable. Oulianov cor-respond avec les autres exilés, prodiguant des encourage-ments à ceux qui, comme Martov, sont relégués dans deslocalités moins hospitalières. Nadejda Kroupskaïa quantà elle, est déportée à Oufa. Elle s’occupe néanmoins degarantir à Oulianov des sources de revenus : d'abord ennégociant avec un éditeur la publication d'un recueil detextes de son ami, sous le titre Études économiques ; en-suite en lui trouvant un travail qui consiste à traduire enrusse des textes de Sidney et Beatrice Webb. Oulianov etKroupskaïa, qui ont déclaré être « fiancés », demandentà être réunis. Les autorités accèdent à leur demande et,en mai 1898, Nadedja rejoint Oulianov à Chouchens-koïé, accompagnée de sa mère. Le couple se marie le 10juillet, au cours d'une cérémonie religieuse, le mariagecivil n'existant pas à l'époque en Russie[51],[52],[53].

4.2 Activités politiques en déportation

Les conditions de déportation d'Oulianov et de sonépouse sont plutôt confortables : hormis la nécessité devivre à l'endroit où ils ont été assignés à résidence, lecouple dispose d'une grande liberté de mouvement dansun rayon non négligeable, et peut rendre visite aux exi-lés du voisinage, et organiser des parties de chasse ou depêche. Les exilés politiques ne peuvent quitter la Sibérie,mais sont libres d'y vivre à leur guise et de voir qui ilssouhaitent[54]. Vladimir Oulianov peut écrire durant son

Couverture d'une édition russe du Développement du capitalismeen Russie.

exil, et publie dans la presse des articles et des critiquesde livres économiques, qui lui sont payés 150 roubles enmoyenne. Il rédige le livre Le Développement du capita-lisme en Russie et, par l'intermédiaire de sa sœur Anna,trouve à Saint-Pétersbourg un éditeur spécialisé dans lestextes marxistes. Dans cet ouvrage qui analyse la situa-tion économique de l'Empire russe - et qu'il signe, pouréchapper à la vigilance des censeurs, du nom de Vla-dimir Iline qu'il avait déjà employé pour Études écono-miques - Oulianov reprend les analyses de Plekhanov ; ils’écarte cependant de ce dernier pour avancer la thèse quele capitalisme est, en Russie, parvenu à un stade relative-ment avancé de développement, la paysannerie étant di-visée en prolétaires agricoles et en « koulaks » - ou pay-sans riches - qui tiennent le rôle de la bourgeoisie. Ou-lianov s’appuie sur son analyse pour démontrer que, dufait du stade de développement du capitalisme en Russie,l'évolution vers le socialisme se situe dans une perspectivenettement moins lointaine que ne le croient en général lesmarxistes russes : il est donc possible d'envisager une si-tuation révolutionnaire et le renversement de la dynastieRomanov[55],[56],[53].Oulianov continue par ailleurs de se tenir informé de lavie politique en Europe ; dans le cadre de la querelle ré-

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5.1 Travaux doctrinaux 7

formiste allemande, il se montre particulièrement hos-tile au révisionnisme d'Eduard Bernstein, qui préconiseun abandon des aspirations révolutionnaires par le mou-vement socialiste. Alors très influencé par les écrits duthéoricien Karl Kautsky, Oulianov prend comme ce der-nier le parti de l'orthodoxie marxiste. Alors qu'il se lan-guit de retourner à la politique active, il profite de son as-signation à résidence pour parfaire ses connaissances enmatière de pensée économique et politique[57]. Le Partiouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) est fondéen mars 1898, durant l'exil d'Oulianov : le parti est im-médiatement victime de la répression, et quasiment dé-mantelé dès sa naissance. Depuis sa résidence forcée enSibérie, Oulianov s’emploie à rédiger un projet de pro-gramme du parti qui, réduit à des cercles isolés, est alorsà reconstruire[58].En janvier 1900, il est informé que sa déportation en Si-bérie va prendre fin ; il demeure néanmoins provisoire-ment interdit de séjour à Saint-Pétersbourg, Moscou, outout autre ville disposant d'une université ou d'une im-portante activité industrielle. Krouspkaïa et lui sont pro-visoirement séparés : elle achève son temps d'exil à Oufa,où il n'a pas le droit de s’installer, tandis qu'il rejoint samère et sa sœur Anna à Podolsk. Durant la dernière an-née de son exil, Oulianov s’emploie à préparer un pland'action : il vise à fonder un journal politique d'envergurenationale, ce qui constituera une première étape pour ras-sembler les groupes locaux épars en un seul mouvementrévolutionnaire, à l'échelle de la Russie. Ce projet ne luisemble pourtant pouvoir être mené qu'à l'étranger : il de-mande alors l'autorisation de sortir du pays. Le 15 mai1900, les autorités tsaristes, qui jugent que l'exil hors deRussie condamne les opposants à l'inefficacité, accèdent àsa demande. En juillet, il prend le chemin de la Suisse[59].

5 Première période d'exil àl'étranger

Articles connexes : Bolcheviks et Iskra.

5.1 Travaux doctrinaux

Arrivé à Zurich, Oulianov est accueilli par des membresde Libération du Travail et renoue notamment avec PavelAxelrod. Il vise à organiser un second congrès du Partiouvrier social-démocrate de Russie pour reformer celui-ci et envisage, à cet effet, de créer un journal qui servi-ra à coordonner l'action du parti et à y imposer la lignemarxiste définie par Plekhanov. À ses yeux, l'Allemagneest le pays le plus adapté pour y implanter la rédactiondu journal - à laquelle il escompte que participeront,outre Plekhanov, Axelrod et Véra Zassoulitch, ses amisAlexandre Potressov et Julius Martov. Mais Plekhanovexige d'avoir la haute main sur le contenu du journal,

Premier numéro de l'Iskra.

que les jeunes militants espéraient contrôler. Les négo-ciations avec Plekhanov sont difficiles, et Oulianov vittrès mal ce conflit avec le théoricien marxiste qui étaitjusque-là l'une de ses idoles. Après un accord de principe,Oulianov et Potressov quittent Zurich pour Munich, oùils comptent trouver un imprimeur et organiser le réseaude soutiens financiers nécessaires pour monter le journal.En décembre sort le premier numéro du journal, bap-tisé Iskra (« L'Étincelle ») et dont les exemplaires sontacheminés clandestinement en Russie par des messagers,via un circuit compliqué. Iskra, dont une douzaine de nu-méros seulement sont tirés en 1901, propose un contenumarxiste érudit, destiné à un public de militants révolu-tionnaires très au fait des questions politiques[60]. Dansun le premier numéro, Lénine insiste sur la nécessité deconstituer un parti révolutionnaire rassemblant « tout ceque la Russie compte de vivant et d'honnête » afin de fairesortir le pays de l'« asiatisme » - l'Asie étant alors associéeà un despotisme brutal et arriéré[61]. Le journal fait figure,à ses débuts, de « comité central » du POSDR. NadejdaKroupskaïa rejoint son mari en Allemagne le 1er avril1901 ; sa mère arrive elle aussi à Munich le mois suivant.Kroupskaïa gère la correspondance de l'Iskra et les deuxfemmes s’occupent en outre de la maison, ce qui laisse àOulianov, qui se fait appeler à Munich « Herr Meyer »,le temps de se consacrer à l'écriture[60].Outre son travail à l'Iskra, Vladimir Oulianov, dont lespremiers ouvrages n'ont pas eu le retentissement espéré

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8 5 PREMIÈRE PÉRIODE D'EXIL À L'ÉTRANGER

dans les milieux politiques russes, rédige une brochure in-titulée Que faire ?, le titre étant un hommage au romanhomonyme de Nikolaï Tchernychevski. De même queTchernychevski avait décrit l'activité des militants révolu-tionnaires russes, Oulianov souhaite exposer ses concep-tions sur le moyen d'organiser un parti politique clandes-tin dans le contexte tsariste. Il signe cette brochure dunom de plume N. Lénine (peut-être inspiré du fleuve sibé-rien Léna), qu'il avait déjà employé pour signer des lettresadressées à Plekhanov[62],[63], ainsi que quelques articles.L'attention que suscite Que faire ? dans les milieux mar-xistes russes aboutit à ce que Lénine devienne le pseudo-nyme définitif d'Oulianov[62].

Couverture d'une édition russe de Que faire ?.

L'ouvrage est l'occasion, pour lui, de présenter sesconceptions en matière de stratégie révolutionnaire, pen-sées en fonction du contexte particulier de l'Empire russe.La Russie, pays européen dans son modèle économique,demeure à ses yeux plongée dans l'« asiatisme » sur leplan politique, l'autocratie organisant la société selon unsystème de « castes ». Dans ce pays encore essentielle-ment paysan, le développement du capitalisme est encoreentravé par les structures sociales : il appartient aux révo-lutionnaires de donner l'impulsion historique décisive quianéantira les « institutions surannées qui entravent le dé-veloppement du capitalisme », la Russie devant rattraperson retard avant de passer au socialisme[64].Dans Que faire ?, Lénine plaide pour l'organisation d'unparti centralisé et discipliné, uni autour d'une stratégieclairement définie. Il se sépare des conceptions tradi-

tionnellement en vigueur dans la social-démocratie eu-ropéenne en plaidant, non pas pour un parti qui regrou-perait l'intelligentsia et l'ensemble de la classe ouvrière,mais pour une révolution organisée et conduite par des« professionnels » qui constitueraient l'« avant-garde » dela classe ouvrière et seraient, en Russie, les porteurs dela conscience de classe et de la théorie révolutionnaire,dont les ouvriers n'ont pas un sens inné. Les particularitéspolitiques de la Russie risquant d'empêcher l'apparitiond'une lutte des classes effective, le parti aura pour mis-sion de la créer. Aux yeux de Lénine, le parti est le véri-table créateur de la lutte des classes, et est seul à mêmede permettre aux intellectuels d'insuffler à la classe ou-vrière les idées adéquates : il ne donne pas seulement laforce, mais également la conscience au prolétariat. Dansle contexte russe, Lénine considère que le parti doit ain-si se substituer à la bourgeoisie, qui n'existe pas au sensévolué des sociétés d'Europe occidentale (la Russie étant,à ses yeux, au stade de l'« arriération asiatique »), et tenirà sa place un rôle d'accélérateur de l'histoire. Pour orga-niser le parti révolutionnaire, Lénine se réfère à l'usineet à l'armée, qui imposent aux hommes la discipline, viades structures rigides ; les « révolutionnaires profession-nels » dont est composé le parti mènent des tâches défi-nies selon les principes de la division du travail, selon leprincipe d'une autorité strictement hiérarchisée et éma-nant du sommet[65],[66]. Dans sa conclusion, il prône uneinsurrection armée du peuple entier[67]. Lors de sa paru-tion, Que faire ? ne suscite guère de réactions hostiles ;Plekhanov juge que Lénine exagère les dangers du spon-tanéisme et d'autres marxistes trouvent exagérée son in-sistance sur le centralisme, mais dans l'ensemble les ré-volutionnaires russes sont conscients des difficultés de lalutte contre l'autocratie russe et approuvent les concep-tions de Lénine quant à l'organisation du parti[68].Parallèlement à l'écriture de Que faire ?, Lénine seconsacre à la rédaction d'un programme pour le Parti ou-vrier social-démocrate de Russie, en vue de l'organisationde son second congrès. Plekhanov ne se montre guère em-pressé de participer à la tâche et préfère se concentrer surses écrits économiques ; Lénine insiste néanmoins pourqu'il apporte son prestige personnel à la rédaction du pro-gramme. Le 1er juin 1902, après un laborieux processusde travail en commun entre ses divers rédacteurs, Iskrapeut publier un programme provisoire dans son numé-ro 21. Lénine parvient à imposer à Plekhanov plusieursde ses idées, notamment l'insertion du terme dictature duprolétariat, que Plekhanov avait supprimé d'une premièreversion ; l'affirmation selon laquelle le capitalisme est dé-jà le mode de production dominant de la Russie impé-riale ; enfin, la proposition de restituer une partie de laterre aux paysans dès le renversement de la dynastie Ro-manov. Ce dernier point est destiné à concurrencer surson terrain le Parti socialiste révolutionnaire, qui prônealors l'expropriation des terres au bénéfice de la paysan-nerie et exerce une grande influence sur l'intelligentsia etles étudiants[69].

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5.2 Rupture entre bolcheviks et mencheviks 9

Maison dans laquelle Lénine a vécu à Carouge (canton de Ge-nève), en 1903.

Au début de l'année 1902, la surveillance de la police ba-varoise se faisant trop pesante, les rédacteurs de l'Iskradécident de déménager la rédaction du journal à Londres.Lénine et Kroupskaïa arrivent en avril dans la capitalebritannique ; ils s’installent dans un appartement que louepour eux un sympathisant russe, qui se charge égalementde négocier pour le journal l'usage d'une imprimante.L'année suivante, le groupe décide de déménager à nou-veau, et d'installer la rédaction à Genève, Martov jugeantcette ville plus pratique pour organiser une activité com-mune. Lénine tente en vain de s’opposer à ce nouveau dé-ménagement, car il ne souhaite pas être à nouveau soumisà la supervision directe de Plekhanov, qui réside toujoursen Suisse. Avant son départ de Londres, il rencontre pourla première fois Léon Bronstein, dit « Trotski », jeunerévolutionnaire russe évadé de son exil, qui ambitionnealors de rejoindre la rédaction du journal. Les préparatifspour l'organisation du congrès du POSDR se poursuiventdurant plusieurs mois, avant que Bruxelles est finalementchoisi comme lieu de réunion ; Lénine s’entoure de mili-tants de confiance - dont son frère Dmitri et sa sœur Ma-ria - afin de bénéficier du plus grand nombre possible dedélégués acquis à sa cause[70],[71].

Julius Martov, chef des mencheviks, ami puis rival politique deLénine.

5.2 Rupture entre bolcheviks et menche-viks

Le second congrès du Parti ouvrier social-démocrate deRussie s’ouvre finalement le 30 juillet 1903. Les sociaux-démocrates russes sont d'accord quant à la nécessité debâtir un parti puissant, pour lutter non seulement contrele tsarisme mais aussi contre la concurrence du Partisocialiste révolutionnaire : les tensions sont cependantfortes au sein de l'équipe de l'Iskra. Plekhanov, soute-nu par Pavel Axelrod et Véra Zassoulitch, continue d'êtrecontesté par Lénine, que soutiennent Martov et Potressov.Le congrès réunit des représentants de vingt-cinq orga-nisations social-démocrates de Russie, ainsi que ceux del'Union générale des travailleurs juifs (dite Bund). Lerisque, contenu dans les points du programme présen-té par l'Iskra, d'une contradiction entre les libertés pu-bliques et l'intérêt du parti, inquiète certains délégués :Lénine reçoit cependant sur ce point l'appui de Plekha-nov. La véritable division du congrès a cependant lieuautour des statuts du Parti : Lénine estime que les condi-tions d'adhésion au Parti doivent impliquer une participa-tion active à sa vie interne, soit la détention d'une placeprécise dans l'organisation hiérarchisée qu'il prône ; Mar-tov est au contraire partisan de conditions d'adhésion plussouples. Les deux hommes s’opposent vivement au coursdu congrès, Trotski soutenant pour sa part Martov. Lamotion de ce dernier sur les conditions d'adhésion ob-tient davantage de voix (vingt-huit contre vingt-trois) quecelle de Lénine, qui connaît là son premier échec depuisson accession à la notoriété. La rupture est consomméeentre les deux amis : Martov se montre inquiet devant laviolence verbale et l'autoritarisme de Lénine, chez qui il

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10 6 RÉVOLUTION DE 1905

ne perçoit plus que la « passion du pouvoir » ; Lénine, deson côté, se juge trahi. Le congrès se poursuit sur la ques-tion du rôle du Bund, qui réclame le statut d'organisationautonome au sein du POSDR. La majorité des congres-sistes votent contre la demande du Bund : sept déléguésquittent alors la salle, cinq « bundistes » et deux membresde la tendance des « économistes » qui réclamait un sta-tut similaire. Ce départ permet aux partisans de Lénine,battus lors du précédent vote, d'être désormais majori-taires au congrès : ils sont désormais désignés sous le nomde « bolcheviks » (majoritaires), tandis que les partisansde Martov sont surnommés les « mencheviks » (minori-taires). Lénine remporte une autre victoire en s’assurantdu contrôle de l'Iskra, dont il obtient de faire réduire lenombre des rédacteurs à trois : le congrès vote pour Lé-nine, Plekhanov et Martov, mais ce dernier refuse de par-ticiper à une publication dont il pressent qu'elle sera do-minée par Lénine. Le Parti est en outre réorganisé parLénine, qui confie sa direction à deux centres d'autorité,d'une part le Comité central, installé en Russie, et d'autrepart le Comité d'organisation, à savoir l'Iskra, dont lesmembres sont en position de force, du fait de leur exilà l'étranger à l'abri des persécutions[72].La victoire de Lénine est cependant de courte durée : sou-tenu par Trotski, Martov attaque avec virulence la main-mise des bolcheviks sur l'Iskra. Plekhanov, quant à lui, re-grette la division du Parti et plaide pour une conciliationavec les mencheviks et le retour à une équipe de rédac-teurs de six membres au lieu de trois. À la fin de l'année1903, Lénine, découragé, présente sa démission de l'Iskraet de la direction du Parti ; il écrit la brochure Un pasen avant, deux pas en arrière - La crise dans notre Par-ti[73] pour présenter son point de vue sur la division duPOSDR. Ses nerfs sont rudement éprouvés et il sombreun temps dans un état dépressif. Une partie de la ten-dance bolchevik du Parti échappe à son autorité et vise àse réconcilier avec les mencheviks ; au niveau européen,Lénine est tout aussi isolé : des sociaux-démocrates al-lemands prestigieux condamnent ses excès de pensée etde langage. Karl Kautsky lui ferme ainsi les colonnes duNeue Zeit dans lequel il entendait exposer son point devue. Rosa Luxemburg dénonce également l'attitude deLénine[74],[75]. Trotski, quant à lui, condamne vigoureu-sement les thèses de Lénine et l'accuse de ne pas prépa-rer la dictature du prolétariat mais la « dictature sur leprolétariat », où les directives du Parti primeraient sur lavolonté des travailleurs[76].Une fois remis à l'été 1904, Lénine s’emploie à sortirde son isolement politique en nourrissant de nouveauxprojets et en attirant de nouveaux sympathisants, par-mi lesquels Alexandre Bogdanov, Anatoli Lounatchars-ki et Leonid Krassine. Lénine réorganise ses partisans etconstitue avec eux « comité de la majorité », qui fait fi-gure au sein du POSDR d'organisation parallèle destinéeà lui permettre d'affronter aussi bien les mencheviks queles bolcheviks insubordonnés. Bogdanov, rentré en Rus-sie, s’emploie à y organiser les groupes bolcheviks subor-

donnés au comité. Avec l'aide de ses partisans, Léninepublie en décembre 1904 le premier numéro d'un nou-veau journal, V Period, dont il contrôle intégralement lecontenu. Il travaille également à l'organisation d'un troi-sième congrès du Parti, dont la tenue est prévue à Londresau printemps 1905[74],[75].À l'approche du congrès, les chances de Lénine sont ren-forcées de façon inattendue quand, en Russie, la policearrête neuf des onze membres de l'instance dirigeantedu Parti. Lénine est dès lors délivré de la présence deceux qui, sur le terrain, s’opposaient à sa volonté. Le IIIe

congrès s’ouvre à Londres avec des effectifs réduits, les 38délégués présents, venus de Russie pour la plupart, étantdans leur majorité favorable aux thèses de Lénine. Lesmencheviks ont fait appel à August Bebel pour jouer lesmédiateurs, mais Lénine repousse tout net les efforts dece dernier. Les mencheviks réunissent alors leurs proprespartisans de leur côté, à Genève. À Londres, Lénine s’ap-puie sur Krassine, Bogdanov et Lounatcharski, mais bé-néficie également de l'appui de nouveaux venus commeLev Kamenev. Un autre jeune militant, Alexeï Rykov,représente les militants de Russie. Lénine fait condamnerpar le congrès les thèses des mencheviks, qui peuvent res-ter membres du Parti s’ils en reconnaissent la discipline,ainsi que la légitimité du IIIe congrès. Bien que conser-vant le contrôle de l'Iskra, les mencheviks se trouvent dèslors marginalisés. Le congrès élit en outre un nouveaucomité central, formé de Lénine, Bogdanov, Krassine etRykov[77].Malgré sa victoire apparente lors du congrès, l'autoritéde Lénine sur le Parti est moins assurée qu'il n'y parait.L'Internationale ouvrière, en outre, se montre sévère àl'égard de l'attitude extrémiste des bolcheviks et préfère laposition de Plekhanov, théoricien prestigieux, à celle deLénine, qui apparaît comme un personnage brutal. À lafin du congrès, en avril 1905, le POSDR doit par ailleursse pencher sur la situation en Russie, où la révolution aéclaté[78].

6 Révolution de 1905

Article connexe : Révolution russe de 1905.

6.1 Début de la révolution et retour enRussie

Au début de 1905, l'Empire russe est dans une situationexplosive : le désastre de la guerre russo-japonaise in-digne la population et contribue à susciter l'agitation po-litique, le mécontentement populaire s’exprimant désor-mais au grand jour. En janvier, la dramatique répressiond'une manifestation, lors du dimanche rouge, discréditeNicolas II. L'agitation ouvrière des villes gagne les pro-vinces et prend un tour de plus en plus ouvertement poli-

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6.2 Échec de la révolution et nouvel exil 11

Barricade érigée par la police lors d'affrontements à Moscou.

tique. Les ouvriers et paysans se constituent en conseils,baptisés soviets. Dans la capitale, Saint-Pétersbourg, unsoviet est constitué le 14 octobre. Trotski, alors prochedes mencheviks, en est le vice-président, avec le socialisterévolutionnaire Avksentiev. De janvier à décembre 1905,Lénine et les bolcheviks observent avec inquiétude desévènements qu'ils n'avaient nullement prévu et dans les-quels ils ne jouent quasiment aucun rôle. La majorité desémigrés russes n'osent tout d'abord pas revenir en Rus-sie, où ils risquent d'être arrêtés ; Lénine, persuadé quele renversement du tsarisme offrira des perspectives in-édites au prolétariat du monde entier, enrage de ne re-cevoir que des informations incomplètes sur les évène-ments en Russie[79],[80]. Il théorise à l'époque que la fai-blesse de la bourgeoisie libérale russe oblige le proléta-riat à prendre lui-même le pouvoir en s’appuyant sur lapaysannerie, non pas pour transformer l'économie dansun sens socialiste, mais plutôt pour permettre une margede développement du capitalisme en Russie, développe-ment qui serait contrôlé, encadré et forcé[81]. Les thèsesde Lénine sur la paysannerie constituent une nouveautépar rapport aux autres auteurs marxistes. Marx et Engels,ainsi que les marxistes en général, avaient négligé la pay-sannerie - les paysans, en tant que petits propriétaires,étant relégués dans le camp de la bourgeoisie ; Lénine, aucontraire, réfléchit en fonction de la situation particulièrede la Russie et souligne le fait que, convenablement en-cadrés par le prolétariat et son Parti, les paysans peuventdevenir une force révolutionnaire[82].Lénine ne réalise que progressivement la nécessité d'unchangement de stratégie ; après le dimanche rouge, etpendant le congrès du Parti, il considère toujours quebolcheviks et mencheviks doivent continuer de formerdes organisations séparées. En outre, les participants aucongrès jugent qu'il n'est pas tenable de continuer à diri-ger le Parti depuis l'étranger : il est décidé de transférerle Comité central et le nouveau journal du Parti - qui doits’appeler Proletari - sur le sol russe. Tout en souhaitantmieux s’informer sur ce qui se passe en Russie, Léninerefuse cependant toujours de se rendre en Russie et veutcontinuer d'envoyer des instructions depuis la Suisse. Enseptembre, du fait de l'accélération des évènements, Bog-

danov presse Lénine de se rendre en Russie. Mais ce n'estqu'après la publication par le tsar du manifeste d'octobreque Lénine juge la situation suffisamment sûre pour reve-nir. Le 8 novembre, après avoir traversé le Grand-duchéde Finlande, lui et sa femme arrivent à la Gare de Fin-lande de Saint-Pétersbourg[83].Lénine et Kroupskaïa sont hébergés à Saint-Pétersbourgpar des sympathisants, dans une succession de refuges.Lénine se rend rapidement à la rédaction du journalNovaïa Jizn que les militants du PODSR viennent decréer : il en prend d'autorité la direction et en fait im-médiatement l'organe des bolcheviks. Il entretient descontacts avec les militants qui travaillent en liaison avecles soviets et les syndicats, écrit des articles, et s’emploieà organiser l'appareil bolchevik en Russie tout en renfor-çant son influence sur le Parti. Lénine préconise de don-ner des armes à des détachements d'ouvriers et d'étudiantset d'organiser des actions contre des banques pour s’em-parer des ressources financières nécessaires à la révolu-tion ; le manifeste d'octobre devant être suivi de l'électiondes députés de la Douma d'État, il encourage par ailleursle POSDR à présenter des candidats, pour que la propa-gande du Parti bénéficie d'une tribune, alors que le mou-vement révolutionnaire s’essouffle. Bogdanov et Krassinesont quant à eux partisans du boycott du scrutin. Devantl'évolution de la situation, Lénine prône en outre main-tenant une réconciliation avec les mencheviks. En dé-cembre, une réunion des bolcheviks a lieu à Tampere,en Finlande, mais le changement de stratégie de Lénineà l'égard des mencheviks est désapprouvé par les mili-tants. C'est à Tampere que Lénine rencontre pour la pre-mière fois un militant géorgien, Joseph Vissarionovitch,alias « Koba », qui prendra plus tard le surnom de Sta-line[84],[85].

6.2 Échec de la révolution et nouvel exil

Dès février 1906, pour échapper à la surveillance po-licière, Lénine s’installe en Finlande qui, bien que tou-jours possession russe, jouit alors d'une large autonomie.Avec Bogdanov et d'autres militants, il s’installe dans unegrande villa située à une soixantaine de kilomètres deSaint-Pétersbourg, et d'où il continue de diriger le Partiet ses journaux. Kroupskaïa se rend régulièrement dansla capitale pour assurer les liaisons. En mai, Lénine re-fait une tentative d'installation à Saint-Pétersbourg, maisrenonce rapidement et retourne en Finlande, où il résideprès d'un an. En avril, le POSDR tient à Stockholm uncongrès réunissant bolcheviks et mencheviks, mais aus-si le Bund, ainsi que les sociaux-démocrates polonais etlettons. Lénine y prône une nationalisation des terres parune « dictature révolutionnaire provisoire », tandis queles mencheviks souhaitent une « municipalisation » desterres qui aurait pour effet une administration moins cen-tralisée que celle dont Lénine se fait l'avocat. Les bol-cheviks se trouvent cette fois mis en minorité : un nou-veau comité central est élu, qui compte trois bolcheviks

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12 7 DEUXIÈME PÉRIODE D'EXIL

contre sept mencheviks ; Lénine n'en fait pas partie, etses camarades bolcheviks l'informent de leur désaccordau sujet de la nationalisation des terres. Lénine quittele congrès dans un état de grande fatigue nerveuse. Saposition s’améliore cependant quand les bolcheviks dé-cident de conserver une organisation séparée du comi-té central du POSDR. Lénine fait à nouveau partie deleur direction, avec Bogdanov et Krassine. Entretemps,la révolution s’éteint en Russie. En avril 1906, les élec-tions, boycottées par les bolcheviks contre l'avis de Lé-nine, se soldent par l'élection de 18 mencheviks à la Dou-ma. L'année suivante, quelques élus bolcheviks entrent àla deuxième Douma. Celle-ci est dissoute à l'automne, etLénine se montre favorable à la participation aux élec-tions de la troisième Douma, dont il juge qu'elle permettrade faire entendre les idées socialistes. Bogdanov et Kras-sine exigent au contraire des députés sociaux-démocratesqu'ils démissionnent une fois élus[86],[85]. C'est à cetteépoque que Lénine élabore le concept de centralisme dé-mocratique, qu'il définit alors comme l'alliance de la « li-berté de discussion » et de l'« unité d'action » - soit lemoyen de faire exister la « lutte idéologique » en seindu parti unifié : la base suivra strictement les consignesémises, après débat interne, par les organes de direction.Tout en prônant un parti strictement hiérarchisé, Lénineveut conserver les moyens de polémiquer avec les men-cheviks s’il continue de cohabiter avec ceux-ci au seind'un même mouvement[87].À l'été 1906, Lénine espère encore, malgrél'essoufflement de la révolution, que la « guerre departisans » se développera en Russie : la lutte arméeest à ses yeux la forme révolutionnaire de la terreur,qu'il faut encourager. Le choix de la violence organiséeest, pour Lénine, un trait de la « morale du révolu-tionnaire » : la « terreur exercée par les masses » doitêtre admise par les sociaux-démocrates, qui doiventl'incorporer à leur tactique, tout en l'organisant et enla subordonnant aux intérêts du mouvement ouvrier etde la lutte révolutionnaire en général. Lénine considèreque « la terreur authentique, nationale, véritablementrégénératrice, celle qui rendit la Révolution françaisecélèbre », est un élément essentiel du mouvement révo-lutionnaire ; le terrorisme individuel, acte de désespoir,doit céder la place à la terreur de masse contrôlée parle Parti[88]. Si pour Lénine, la période de la Révolutionfrançaise, et tout particulièrement celle de la Terreur,reste une référence historique majeure[89], il cite aussirégulièrement l'exemple de la Commune de Paris, dontla faute a été à ses yeux de ne pas suffisamment réprimerses opposants[90] : l'historien Nicolas Werth souligne quela notion de « terreur de masse (dans son double sens- terreur exercée par les masses et terreur massive) »,« centrale dans la pensée de Lénine », est élaborée chezlui dès 1905-1906 : dans le contexte d'un pays marquépar une très grand violence politique et sociale, il s’agitpour Lénine d'« armer les masses face à la violence durégime tsariste ». Aux yeux de Lénine, la violence est lemoteur de l'histoire et de la lutte des classes : il faut par

conséquent l'encourager pour détruire le « vieux monde »et, surtout, l'organiser et la subordonner aux intérêts dumouvement ouvrier et de la lutte révolutionnaire[89].La police tsariste renforce sa surveillance, et s’intéressedésormais de près aux activités de la direction des bolche-viks en Finlande. En novembre 1907, après avoir été pré-venu de la présence de policiers, Lénine quitte sa datchafinlandaise ; le mois suivant, il passe en Suède, d'où il re-joint l'Allemagne, puis la Suisse. De l'expérience révo-lutionnaire de 1905, qui débouche pour lui sur une nou-velle période d'exil destinée à durer 10 ans, Lénine tireplusieurs leçons. Outre la nécessité d'une alliance entre lapaysannerie et le prolétariat - le potentiel révolutionnairedes revendications paysannes étant pour lui primordial enRussie - il juge qu'une « révolution démocratique » enRussie enflammera les pays occidentaux, permettant parlà même l'accélération du processus révolutionnaire russequi échappera ainsi à l'isolement. La révolution de 1905a également conduit Lénine à se brouiller, non seulementavec Bogdanov qui ne partage pas ses analyses, mais éga-lement avec Trotski : ce dernier juge que le soviet est unélément essentiel de la révolution car il permet de réaliserun large front révolutionnaire ; il faut donc réfléchir à unpartage des tâches entre le soviet et le Parti, qui ne sauraitdominer le prolétariat en tant que force politique. Lénine,au contraire, juge que le Parti doit conserver une placeprimordiale dans le mouvement ouvrier. Sur le plan per-sonnel, la période 1905-1907 a été le révélateur de la fra-gilité nerveuse de Lénine, qui a subi à plusieurs reprisesdes périodes dépressives[86],[85].

7 Deuxième période d'exil

7.1 De l'après-révolution à la guerre mon-diale

7.1.1 Polémiques et divisions du mouvement socia-liste russe

Revenu à Genève, Lénine a le sentiment de se trouver« dans un tombeau ». Le mouvement révolutionnairerusse est alors en plein reflux, et les effectifs militantsdes bolcheviks fondent. Lénine déménage à plusieurs re-prises, d'abord à Paris[91] où il reste quatre ans, puis àCracovie. Contrairement à une légende ultérieure qui leveut alors réduit à la misère, il vit dans un relatif confort,toujours accompagné, au gré de ses déménagements, deson épouse mais aussi de sa mère ou, selon les périodes,de l'une ou l'autre de ses sœurs. Il bénéficie à titre person-nel, pour vivre et publier, de diverses aides financières. LeParti, par contre, est financé non seulement par des sym-pathisants comme l'écrivain Maxime Gorki, mais aus-si et surtout d'« expropriations », soit de hold-ups, dontKrassine est le maître d'œuvre et où s’illustrent en Russiedes militants comme « Kamo » et « Koba » (futur Staline).La position de Lénine à l'intérieur du parti reste cepen-

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7.1 De l'après-révolution à la guerre mondiale 13

dant menacée par la tendance « gauchiste », représen-tée notamment par Bogdanov et qui demeure partisanedu boycott de la Douma. Lénine, au contraire, juge qu'ilest nécessaire d'utiliser toutes les possibilités légales. Enavril 1908, Lénine répond à l'invitation de Maxime Gor-ki et passe un séjour dans sa propriété sur l'île italiennede Capri. À cette occasion, il essaie en vain de persuaderGorki de prendre ses distances avec la ligne de Bogda-nov et de Lounatcharski. Le conflit entre ces derniers etLénine se situe en effet à l'époque, non seulement au ni-veau politique, mais sur le terrain philosophique. Bogda-nov vise alors dans ses écrits, à réconcilier le socialismeet le marxisme avec la sensibilité religieuse ; Lénine, at-taché à l'athéisme, s’oppose vivement à ce courant dit dela « Construction de Dieu »[92],[93],[94].La question du financement du mouvement entraîne parailleurs de nouvelles graves dissensions entre bolchevikset mencheviks, notamment à l'occasion de l'affaire del'héritage des sœurs Schmidt. Après le décès d'un jeunesympathisant révolutionnaire, deux militants bolcheviksse chargent en effet de séduire et d'épouser ses deuxsœurs et héritières, afin de détourner l'héritage au profitdu Parti. Lénine, qui a contribué à mettre au point la ma-nœuvre, ne récupère pas l'intégralité des fonds à la suited'une indélicatesse de l'un des militants, mais il réussitnéanmoins à mettre la main sur une somme importante.L'héritage Schmidt lui permet d'assurer l'indépendance fi-nancière de sa faction. Les sommes sont censées au départêtre partagées entre les différentes tendances du POSDR,les sociaux-démocrates allemands se proposant commemédiateurs pour répartir l'argent : or, l'argent est finale-ment accaparé par Lénine, qui le réserve à l'usage desseuls bolcheviks. Avec les fonds Schmidt, Lénine peutfonder le journal Proletari, par le biais duquel il lancede vives attaques contre les mencheviks et les « conci-liateurs »[92],[95].La nouvelle aisance financière de Lénine lui donne lesmoyens de se mesurer à Alexandre Bogdanov - avec quiil reste en désaccord quant à l'opportunité de participerou non à la Douma - dans le but d'écarter ce dernier de ladirection des bolcheviks. Lénine mène le combat contreson rival sur les plans à la fois politique et philosophique :pour compenser un bagage philosophique encore léger- s’il connaît bien Marx et Diderot, il n'a alors fait quefeuilleter des auteurs comme Hegel, Feuerbach et Kant -il lit de nombreux ouvrages à un rythme accéléré. Dansle courant de 1908, il rédige Matérialisme et empiriocri-ticisme, ouvrage dans lequel il réfute le positivisme dontse réclame Bogdanov et expose, de manière délibérémentpolémique, sa propre théorie de la connaissance ; Lénineconsidère en effet qu'une vision politique et économiquedoit être soutenue par un prisme épistémologique co-hérent : pour lui, Bogdanov, en adoptant une démarcherelativiste et idéaliste qui le pousse à des compromissionsavec la religion, s’éloigne du marxisme authentique etabandonne toute perspective révolutionnaire. Lénine af-firme qu'il convient d'adopter l'« esprit de parti en philo-

sophie », ce qui implique de de choisir son « camp » entre« droite » et « gauche ». Pour lui, le « développementdes sciences » ne peut que confirmer le matérialisme, etle matérialisme dialectique permet de parvenir à une re-présentation de la « réalité objective » : la pensée hu-maine est « capable de nous donner et nous donne ef-fectivement la vérité absolue qui n'est qu'une somme devérités relatives ». Pour Lénine, la « philosophie mar-xiste » doit être considérée comme composée d'un seulet même bloc : il transpose ainsi sur le terrain philoso-phique sa conception de la raison politique, basée sur laséparation en deux camps et sur une stricte discipline ducamp révolutionnaire. En juin 1908, Bogdanov quitte larédaction de Proletari ; en août, lui et Krassine sont écar-tés du centre bolchevik et de la commission financière dumouvement. Lénine reçoit le soutien de Plekhanov, qui semontre comme lui favorable à la coexistence du travail lé-gal dans le cadre des institutions tsariste (au premier chefdesquelles la Douma) et du travail illégal. En juin 1909,la rédaction de Proletari se réunit dans un café de Paris,avec des membres de la direction du Parti. Bogdanov dé-nonce Matérialisme et empiriocritisme comme un ouvrageopportuniste, par lequel Lénine cherche à consolider sonalliance avec Plekhanov. Lénine, qui s’est assuré de laprésence de nombreux partisans, met quant à lui Bog-danov en accusation, lui reprochant ses déviations vis-à-vis du marxisme révolutionnaire. Bogdanov et Krassinesont, cette fois, exclus du centre du Parti pour « révision-nisme », participation au mouvement de la Constructionde Dieu et activités fractionnelles. Ils fondent de leur côtéun journal appelé V Period, comme celui précédemmentdirigé par Lénine, afin de revendiquer la légitimité de lafaction bolchevik[96],[97],[94].Si Lénine réussit, grâce à ses nouveaux moyens finan-ciers, à faire vivre sa faction, ses méthodes contribuentà l'isoler. Sa rupture avec Krassine, Bodganov, Lounat-charski et Gorki est cependant compensée par l'arrivéeà ses côtés de nouveaux alliés, Grigori Zinoviev et LevKamenev. En 1908, Lénine fait adopter par une confé-rence du Parti des positions hostiles aux « liquidateurs degauche » ; l'année suivante, il fait condamner les « expro-priations » sur lesquelles il avait jusqu'alors fermé les yeuxtout en en profitant financièrement. Il demande égalementla dissolution des derniers groupes de boieviki (combat-tants clandestins). Lénine se coupe ainsi d'une partie deses soutiens, ce qui renforce son isolement[92].En janvier 1910, le comité central se réunit à Paris : Lé-nine tente d'obtenir la réunification, sous sa direction, desdiverses tendances. Mencheviks et bundistes, qui lui re-prochent ses échecs en Russie et son manque de scru-pules, refusent de lui céder la direction du Parti. L'attitudede Lénine lui vaut d'être vivement attaqué au congrès del'Internationale ouvrière, où il est accusé d'être le « fos-soyeur » du mouvement socialiste russe. Des militantsrusses se rapprochent de Trotski, qui édite à Vienne lejournal Pravda, ou de Bogdanov, qui édite V Period. En1911, à nouveau épuisé nerveusement par les luttes in-

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testines, Lénine se repose à Longjumeau, où il est héber-gé par Grigori Zinoviev et son épouse. Zinoviev animeà l'époque en région parisienne une « école de cadres »pour former les militants bolcheviks[98].

7.1.2 Relation avec Inessa Armand

Inessa Armand.

Vers 1910-1912, Lénine vit une relation sentimentaleavec la militante française Inès - dite « Inessa » - Armand,qui collabore étroitement avec lui dans l'organisation dumouvement. Après la mort de Lénine, les autorités so-viétiques occultent la nature de leurs relations, mais lesdeux militants semblent avoir dépassé le stade du flirt etvécu une véritable liaison. Les relations entre NadejdaKroupskaïa et Lénine souffrent du rapport de ce dernieravec Inessa Armand ; Kroupskaïa semble avoir envisagéde se séparer de son mari. Mais Lénine demeure attachéà son épouse - qui souffre à l'époque de la maladie deGraves-Basedow, ce qui semble par ailleurs l'avoir em-pêchée d'avoir des enfants - et préfère rester à ses côtés.La liaison entre Lénine et Inessa Armand semble avoirpris fin vers 1914. Inessa Armand et Nadejda Kroupskaïaconservent entre elles de bonnes relations, et collaborentau sein de l'école des cadres du Parti[99].

7.1.3 Situation des bolcheviks avant 1914

Entretemps, la situation sociale se tend en Russie, oùde nombreuses grèves ouvrières, de plus en plus nom-

breuses, éclatent en 1910, 1911 et 1912. Les révolution-naires visent à profiter de la situation et Sergueï Ordjo-nikidze, représentant des militants bolcheviks actifs enRussie, s’accorde avec Lénine pour organiser une confé-rence destinée à réorganiser le mouvement. La réunionse tient en janvier 1912 à Prague et Lénine vise, à cetteoccasion, à reconquérir la majorité au sein du mouve-ment social-démocrate russe. Tout est calculé pour queles bolcheviks soient plus nombreux que les mencheviks :certains mencheviks, proches de Plekhanov, reçoiventdes invitations, mais d'autres ne sont pas tenus au cou-rant de la réunion. Trotski, indigné, organise à Vienneune réunion concurrente, à laquelle assistent la plupartdes militants mencheviks, qui boycottent celle de Prague.La conférence de Prague se tient finalement en présencede dix-huit délégués, dont seize bolcheviks. Les menche-viks présents s’offusquent de la situation et réclament queles autres courants soient représentés : Ordjonikidze estprêt à accéder à leur demande en envoyant des invita-tions de dernière minute, mais Lénine s’y oppose vive-ment. Venu avec le soutien de plusieurs militants formésà Longjumeau par Zinoviev, Lénine fait élire un comitécentral où il siège aux côtés de Zinoviev, Iakov Sverdlov,Ordjonikidze et Roman Malinovski. Le nouveau comi-té central se présente comme la seule autorité légitimepour l'ensemble du POSDR, mais ne compte qu'un seulmembre menchevik ; la réunion de 1912 est dès lors fré-quemment considérée comme la naissance du « Parti bol-chevik » en tant qu'entité véritablement séparée. Léninetriomphe sur ce point, mais il doit cependant abdiquer unepartie de son autorité au bénéfice des militants présentsen Russie : le Comité de l'étranger, que gérait jusque-là Inessa Armand, cesse de représenter le Comité centralhors de Russie, et la nouvelle direction du Parti ne compteplus que deux émigrés, en la personne de Lénine et Zino-viev. Lénine a néanmoins réussi son « coup d'État » in-terne au Parti, et réorganisé le mouvement pour en être levéritable dirigeant. Il fait notamment approuver son motd'ordre de participation à la Douma et aux autres organi-sations légales en Russie[98],[100],[101].Le congrès décide en outre de la création d'un quotidien,dont Lénine confie la direction à Malinovski : le journal,dont le premier numéro paraît en avril 1912, s’appelle laPravda (la Vérité), comme la publication lancée précé-demment par Trotski ; ce dernier se trouve dès lors dé-possédé de son titre[98]. Quotidien légal, tiré en Russieà plusieurs milliers d'exemplaires, la Pravda paraît jus-qu'en juillet 1914. Lénine utilise au mieux les possibilitésde l'action légale : les bolcheviks cherchent à s’implanterdans les syndicats et disposent désormais de quelques mil-liers de militants en Russie[102]. Entretemps, bolchevikset mencheviks demeurent irrémédiablement divisés : à laDouma, ils parviennent un temps à présenter une unitéde façade mais, à l'été 1913, le groupe social-démocratecesse d'exister. La fraction bolchevique de la Douma estdès lors présidée par Malinovski, qui sert de relai à Lé-nine et contribue à entretenir la division avec les men-cheviks, qu'il invective régulièrement à l'assemblée. Or,

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7.1 De l'après-révolution à la guerre mondiale 15

Lénine en 1914.

à l'insu de Lénine, Malinovski est un agent double payépar l'Okhrana. L'arrestation d'autres membres du Comi-té central à leur retour en Russie permet à Malinovs-ki d'affirmer son autorité, et du même coup le contrôlede Lénine sur le Parti. L'Okhrana, qui est informée parMalinovski des moindres activités des bolcheviks, favo-rise la montée en puissance de Lénine, qu'elle considèrecomme un facteur de division du mouvement révolution-naire russe[98],[103].Entre 1905 et 1917, Lénine se penche sur les questionsnationales et intègre de plus en plus dans sa stratégie laliaison de la lutte révolutionnaire avec les luttes natio-nales, y compris le statut des nationalités dans l'Empirerusse. Il n'accorde cependant pas aux revendications na-tionales le même statut qu'à la lutte des classes et s’af-firme « jacobin » et centraliste. Il n'est cependant pashostile aux revendications d'autonomie culturelle avan-cées par certains groupes comme le Bund et son attitudese distingue de celle de militants comme Karl Radek ouRosa Luxemburg, pour qui les luttes nationales sont illé-gitimes pour un révolutionnaire prolétarien[104]. En 1913,devant la montée des revendications nationales au sein dela social-démocratie de l'Empire russe - du fait du Bund,ainsi que des partis letton, caucasien, polonais et litua-niens - Lénine commande à Staline un article sur la ques-tion des nationalités, destiné à réfuter les thèses du Bund,des mencheviks caucasiens et, partant, de l'ensemble desmencheviks : Lénine vise ainsi à accélérer la rupture avecles autres courants[105]. Dans les années qui précèdent lepremier conflit mondial, Lénine a élaboré, sur le sujetdu droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, une doc-trine limitée : il s’oppose à la fois à l'internationalismeradical et au principe des nationalités qui donnerait au

combat national la précédence sur la révolution prolé-tarienne. Lénine est partisan d'une autonomie culturelledes peuples, et du droit des nations à disposer d'elles-mêmes, le cas échéant. S'agissant plus spécifiquement dela question juive, il dénonce l'oppression que subissent lesJuifs en Russie, mais il ne croit pas à l'existence d'une« culture nationale juive » qui reviendrait à considérer queles Juifs constituent une nation et exalte au contraire les« traits universellement progressistes de la culture juive ».S'agissant du combat des « petites nations » - commel'Irlande lors de l'insurrection de 1916 - Lénine jugeque l'action révolutionnaire du prolétariat opprimé parl'impérialisme permettra de briser le cadre des nationa-lités et de renverser la « bourgeoisie internationale »[104].Lénine est résolument internationaliste et hostile à laplupart des formes de patriotisme en Russie, d'autantplus qu'il montre peu d'estime pour les Russes moyens,qu'il considère comme un peuple encore insuffisammentdéveloppé[106] ; il juge cependant que l'internationalisme,pas plus que la conscience de classe, n'est pas inné dansle prolétariat. Contrairement à ceux qui, comme RosaLuxemburg, voient avant tout la finalité et nient tout rôleà la question nationale, il estime que la lutte nationale, sielle reste subordonnée à la lutte des classes, est un moyende susciter celle-ci en accélérant la révolution. Prenanten compte le contexte multinational de l'Empire russe,Lénine juge que le droit à l'autodétermination permettraaux nations de l'empire, au moment de la révolution, dechoisir si elles partageront le destin révolutionnaire de laRussie ou bien si elles s’en détacheront. A contrario, desnations pourront choisir de rejoindre l'État socialiste, oùne subsisteront plus de barrières ethnico-culturelles ou declasse[107].En 1912-1913, les soupçons pesant de longue date surMalinovski sont ravivés par une série d'arrestations,comme celles de Sverdlov et de Staline. Lénine, qui ré-side alors à Cracovie, refuse de tenir compte des avertis-sements qui lui sont adressés au sujet de Malinovski, etdéfend la probité de ce dernier ; il accepte de participer,avec Zinoviev, à une commission d'enquête sur les acti-vités de Malinovski. Lénine comme Zinoviev continuentd'accorder à Malinovski le bénéfice du doute, et l'agentdouble sort blanchi de la procédure. L'affaire Malinovs-ki contribue à empoisonner le climat au sein du mou-vement social-démocrate russe ; Malinovski continue degérer la trésorerie de la Pravda ; le rédacteur en chef dujournal, Tchernomazov, est également un agent double del'Okhrana. Lénine continue d'utiliser le journal dans salutte contre les mencheviks, qu'il attaque dans ses articlesde manière virulente[108],[98].Entre 1907 et 1912, l'Internationale ouvrière tient uneplace croissante dans les activités de Lénine : en 1907,il assiste pour la première fois à son congrès à Stuttgart.Il trouve là une tribune pour dénoncer le réformismeet fait alors bloc avec Rosa Luxemburg sur de nom-breux points. Représentant de la fraction bolchevik auBureau Socialiste International (BSI), l'organe de coor-

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dination de l'Internationale, il propose en 1910 d'y ad-joindre Plekhanov : ce dernier accepte alors de coopé-rer avec les bolcheviks. Mais la position de Lénine ausein de l'Internationale ouvrière se dégrade ensuite : laquerelle incessante entre mencheviks et bolcheviks in-dispose en effet les rangs de l'organisation, de mêmeque l'attitude de Lénine qui refuse avec violence lesmédiations proposées, notamment celle de Clara Zet-kin. Rosa Luxemburg contribue également à saper lespositions de Lénine, qu'elle juge responsable des di-visions de la social-démocratie russe. La proximité deLénine avec Karl Radek, adversaire de Rosa Luxem-burg au sein du mouvement socialiste polonais, contri-bue également à dresser cette dernière contre lui. À par-tir de 1913, Lénine, de plus en plus mal vu au sein duBSI, n'assiste plus aux réunions et se fait représenter parKamenev. En 1914, l'Internationale ouvrière convoque àBruxelles une conférence spéciale pour tenter de rassem-bler l'ensemble des organisations et fractions socialistesrusses. Lénine prépare avec soin un rapport sur l'unitésocial-démocrate en Russie, mais commet l'erreur de nepas se rendre lui-même à la conférence et de faire lireson rapport par Inessa Armand. Son absence irrite lescadres de l'Internationale et Karl Kautsky, soutenu parRosa Luxemburg, fait adopter une résolution condamnantl'attitude des bolcheviks. La question de l'éventuelle unitéest renvoyée au congrès suivant de l'Internationale, prévuà Vienne en août 1914[109].

7.2 Première Guerre mondiale

7.2.1 Le « défaitisme révolutionnaire » et la confé-rence de Zimmerwald

Alors que se déclenche la crise de la Première Guerremondiale, Lénine ne réalise tout d'abord pas la gravité dela situation internationale[110] mais, dès le mois de juillet1914, il juge que la guerre qui s’annonce pourra amener larévolution en Russie[111]. Lénine réside alors en Galicie,alors territoire polonais de l'Empire austro-hongrois ; ju-gé suspect par les autorités, il est arrêté au début dumois d'août et emprisonné. Des militants socialistes au-trichiens et polonais interviennent aussitôt en sa faveur :Victor Adler assure aux autorités austro-hongroises queLénine est un « ennemi juré » des Romanov et nerisque donc pas d'être un agent tsariste. Libéré au boutde quelques jours, Lénine quitte rapidement la Galicieavec son épouse, alors que les armées russes avancentvers le territoire des Habsbourg. Le couple se réfugie àBerne, en Suisse. Apprenant que les sociaux-démocratesallemands ont voté les crédits de guerre de leur gou-vernement, Lénine conclut à la mort de la Seconde In-ternationale. Dans l'ensemble de l'Europe, les partis so-cialistes et sociaux-démocrates adhèrent à la politiquebelliciste de leurs gouvernements respectifs : si Lénineest d'accord avec Martov pour condamner l'attitude del'ensemble des socialistes, il se singularise en accordant

une attention particulière à la situation en Russie. Alorsque Martov condamne sans distinction tous les gouver-nements « impérialistes », Lénine mise sur une victoirede l'Empire allemand contre son propre pays : la défaitemilitaire de l'Empire russe lui semble en effet pouvoirêtre l'élément déclencheur de la révolution en Russie[112].Cependant, sa vision n'est guère partagée au début duconflit, ni au sein de l'Internationale ouvrière, ni parmi sescompatriotes. En Suisse, Lénine vit durant la PremièreGuerre mondiale des années difficiles : il est coupé dureste du mouvement socialiste russe et la Pravda est inter-dite en Russie, le privant à la fois d'un moyen d'influenceet d'une source de revenus. En février 1916, il doit quit-ter son domicile de Berne et doit louer un nouveau loge-ment à Zurich, dans des conditions de confort très mé-diocres. Alors qu'il connaît de relatives difficultés maté-rielles, sa vie privée est également affectée par des décèssuccessifs : la mère de Nadejda Kroupskaïa, qui contri-buait beaucoup à l'organisation de la vie domestique ducouple, meurt en mars 1915 ; sa propre mère, Maria Ou-lianova, meurt en juillet 1916[113],[114].

Le théoricien marxiste allemand Karl Kautsky est d'abord l'unedes inspirations de Lénine, qui devient ensuite son ennemi poli-tique.

L'incapacité de l'Internationale ouvrière à empêcher laguerre convainc Lénine, et d'autres socialistes avec lui,de reconstruire une nouvelle Internationale. En septembre1915, une conférence est organisée, à l'initiative des Ita-liens, dans le village suisse de Zimmerwald. Lors de cetteconférence de Zimmerwald, qui réunit 38 participants re-présentant 11 pays, Lénine plaide pour son programmede rupture avec le Deuxième Internationale, de constitu-tion d'une « nouvelle instance de la classe ouvrière » etd'appel à la guerre civile. Sa conception du « défaitisme

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7.2 Première Guerre mondiale 17

révolutionnaire », selon laquelle les travailleurs doiventlutter contre leur propre gouvernement - sans craindrel'éventualité de précipiter sa défaite militaire, qui favori-sera au contraire la révolution - est encore minoritaire, etn'est suivie que par 5 délégués. Lénine peut néanmoinsfaire connaître ses idées : sa tendance, surnommée la« gauche zimmerwaldienne », gagne en influence dansles rangs socialistes à mesure que le conflit, de plus enplus meurtrier, s’éternise[115],[116],[117]. Bien que les idéesde Lénine progressent en Europe occidentale, les bol-cheviks sont très affaiblis en Russie, où les députés bol-cheviks de la Douma et leurs assistants, dont notammentLev Kamenev, sont arrêtés pour trahison et envoyés endéportation[118],[119].En avril 1916, les participants de Zimmerwald seréunissent à nouveau lors de la conférence de Kiental :Lénine y plaide avec vigueur pour la rupture totale avecla Deuxième Internationale discréditée, mais sa ligne de-meure minoritaire[120]. Il se livre également à une violenteattaque contre Kautsky - absent de la conférence - qu'ilqualifie de prostituée politique[121].

7.2.2 Réflexions sur la révolution

Durant les années de guerre, Lénine réfléchit sur les ques-tions de l'État et de la forme de gouvernement dans lecontexte d'une révolution socialiste. Il est tout d'abordamené à contester les thèses de Nikolaï Boukharine ; cedernier s’oppose en effet aux idées de Kautsky, qui consi-dère que les structures de l'État peuvent être conservéespar les socialistes une fois l'« ancien régime » abattu ;Boukharine plaide au contraire pour la destruction com-plète de l'État capitaliste et la construction d'un État révo-lutionnaire. Lénine critique d'abord les idées de Boukha-rine, qui lui paraissent relever de l'anarchisme, mais finitpar conclure que ce dernier, en relevant que les structuresexistantes de l'État ne pourraient qu'entraver le processusrévolutionnaire, a identifié une faiblesse fondamentale dela pensée de Kautsky. Se basant sur l'expérience de 1905,Lénine conclut que le soviet est la structure la plus adap-tée pour fournir la matrice de l'État nouveau. Poussantsa réflexion sur le terrain philosophique, Lénine étudieles textes d'Aristote, Hegel et Feuerbach et en vient à laconclusion qu'il est impossible de comprendre Marx sansavoir d'abord assimilé Hegel. Dans ses notes de l'époque,Lénine en arrive à redéfinir de manière radicale sa théoriede la connaissance, contredisant une partie des théoriesexprimées dans Matérialisme et empiriocriticisme. Là oùil affirmait le caractère absolu de la réalité telle que per-çue par l'esprit humain, Lénine juge désormais que laconnaissance est le reflet de la nature telle que la per-çoit l'homme, par le biais de nombreux concepts issus del'esprit humain, qui est lui-même conditionné par une réa-lité mouvante. La réalité n'est dès lors pas uniquement dé-terminée par des préceptes scientifiques, mais avant toutpar la pratique. La pensée politique se doit dès lors d'êtreflexible et la pensée marxiste doit s’adapter au caractère

mouvant de la réalité : Lénine trouve ainsi l'argument cen-tral pour réfuter les écrits de Kautsky[122].Alors que la Première Guerre mondiale poursuit soncours, Lénine continue de réfléchir à ses possibles ré-percussions révolutionnaires. Sur la situation du capita-lisme international, Lénine est notamment en désaccordavec la thèse de Boukharine qui considère que le capita-lisme international se développe pour former un « trust »économique mondial : pour Lénine, au contraire, il fauttenir compte de l'axiome marxiste sur l'instabilité inhé-rente du capitalisme. Pour soutenir sa thèse, Lénine ré-dige L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme, qu'ilachève en juillet 1916[123] : dans cette brochure, Lénineanalyse l'impérialisme comme un capitalisme « parasi-taire ou pourrissant » marqué par la domination du capi-tal financier sur le capital industriel. L'impérialisme ren-force et accroît les différentes et inégalités de développe-ment entre pays : le capitalisme entre dès lors en « pu-tréfaction » du fait du développement du pillage et de laspéculation, ainsi que de la lutte entre capitalismes na-tionaux et du développement du capital fictif sans lienavec les forces productives[124]. Lénine voit dans la guerremondiale une lutte entre impérialismes rivaux pour lepartage du monde et pronostique la transformation dela guerre entre nations en une guerre entre bourgeois etprolétaires. Plus largement, il analyse la guerre mondialecomme étant l'expression du début du pourrissement durégime capitaliste, qui amène les principales puissancesà se faire une guerre sur une échelle et avec des consé-quences sans précédent. Il voit aussi dans l'impérialismele signe de la maturation des conditions de la transi-tion vers le socialisme[125]. À la vision traditionnelle deMarx, chez qui la révolution socialiste consiste en une ex-propriation des grands capitalistes, Lénine substitue unevision apocalyptique de l'agonie du capitaliste, dans lecadre de conflits gigantesques[126]. Lénine souligne égale-ment le potentiel révolutionnaire des masses colonisées,qui cherchent leur salut dans la lutte de libération natio-nale, laquelle affaiblira les gouvernements colonisateurset donnera au prolétariat une force nouvelle : l'un des as-pects positifs de l'impérialisme est donc, à ses yeux, lefait qu'il développe les sentiments nationaux dans le cadrecolonial[127]. Les capitalistes sont désormais confrontés,non seulement à leur propre prolétariat, mais aussi auxpeuples étrangers qu'ils exploitent, et ce quels que soientle type de société et le stade de développement despeuples en question. La réflexion aboutit ainsi à résoudrele paradoxe d'une révolution qui surgirait dans un payséconomiquement arriéré comme l'Empire russe et non,comme le prévoit la pensée marxiste, dans un grand paysindustrialisé : dans la perspective de Lénine, la Russie de-vient le « maillon le plus faible » du capitaliste, soit unpays où coexistent diverses formes d'exploitation capita-liste, à la fois un capitalisme proprement russe, mais aus-si des modes d'exploitation coloniale et semi-coloniale.Le capitalisme russe est donc particulièrement contradic-toire et instable, ce qui permet d'espérer une révolution enRussie. Les théories de Lénine trouvent une partie de leur

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18 8 RETOUR EN RUSSIE ET PRISE DU POUVOIR

raison d'être dans la situation particulière de la Russie,peuplée pour l'essentiel de paysans, et où les ouvriers nesauraient à eux seuls constituer une force révolutionnairesuffisante[126].Les idées de Lénine sur la question nationale suscitent uneréplique de Rosa Luxemburg qui, en désaccord completavec lui, publie sous le pseudonyme de Junius une bro-chure dans laquelle elle juge que la révolution ne pourravenir que d'Europe, soit des pays capitalistes les plus an-ciens. Lénine réagit en écrivant un texte intitulé Réponse àJunius, dans lequel il réplique de manière cinglante à RosaLuxemburg et réaffirme le caractère révolutionnaire desguerres nationales contre les puissances impérialistes[127].Si Lénine poursuit ses travaux théoriques, il apparaît en-core, au début de 1917, loin de toute perspective d'accèsau pouvoir. Ses conditions d'existence à Zurich, où iltrouve la vie très chère, demeurent médiocres. Il sembleavoir, un temps, songé à émigrer aux États-Unis. En jan-vier 1917, devant un groupe de jeunes socialistes de Zu-rich, il juge que, si l'Europe est « grosse d'une révolution »et que la révolte des peuples d'Europe contre « le pouvoirdu Capital financier » est inévitable à terme, la révolu-tion pourrait ne pas arriver avant de longues années. Lé-nine déclare à cette occasion : « Nous, les vieux, nous neverrons peut-être pas les luttes décisives de la révolutionimminente »[128].

8 Retour en Russie et prise du pou-voir

Article connexe : Révolution russe.

8.1 La Russie en révolution

Article connexe : Révolution de Février.Au début de 1917, comme l'ensemble des exilés poli-

Manifestation en Russie durant la révolution de Février.

tiques russes, Lénine, qui se trouve toujours en Suisse, estpris de court lorsque la révolution de Février éclate[129] :discrédité par son incurie et par les difficultés de l'armée

russe sur le front de l'Est[130], le régime tsariste s’effondre.Comme en 1905, des soviets apparaissent dans tout lepays ; si les socialistes-révolutionnaires et les mencheviksparticipent à la révolution, les bolcheviks n'y tiennentquasiment aucun rôle ; après l'abdication de Nicolas II,un Gouvernement provisoire est formé, mais son autoritéest bientôt en compétition avec celle du Soviet de Petro-grad[129],[131]. Dans le courant du mois de mars, Lénineenvoie à la Pravda, qui peut reparaître en Russie, une sé-rie de textes - appelés par la suite les « lettres de loin » -dans lesquels il prône le renversement du Gouvernementprovisoire : la rédaction du journal (Kamenev et Staline,tout juste libérés de leur exil sibérien), gênée par le radi-calisme des lettres de Lénine, s’abstient de les publier, àune exception près[132]. Lénine tente de trouver le moyende rentrer le plus vite possible en Russie : il pense toutd'abord à demander de l'aide au Royaume-Uni, où viventnombre de ses amis socialistes, mais les Alliés ne sontguère disposés à lui faciliter les choses, le maintien dela Russie dans la guerre étant essentiel pour eux. L'aidedécisive pour Lénine vient finalement des Empires cen-traux et plus précisément de l'Allemagne[133]. Après queMartov a lancé l'idée de demander l'aide de l'Allemagne,les bolcheviks prennent contact, via l'intermédiaire desocialistes suisses, avec des agents allemands. Zinovievreprésente ensuite Lénine durant les négociations avecceux-ci ; Lénine pose comme condition que le wagon dutrain qui transportera les révolutionnaires russes bénéfi-cie d'un statut d'extraterritorialité, afin d'éviter toute ac-cusation de coopération avec l'Allemagne : le voyage entrain passe ensuite à la postérité sous le nom du « wagonplombé », inventé par la propagande bolchévique pourtenter démontrer que l'indépendance de Lénine à l'égardde l'Empire allemand. Il s’agissait en réalité d'un train or-dinaire. L'accord avec les autorités allemandes consistaitsimplement en ce que les passagers traversant le pays de-vaient refuser catégoriquement de rencontrer ou de par-ler à qui que ce soit[134],[129],[135] - et suscite par la suiteune polémique, certains accusant Lénine d’avoir été ache-té par le gouvernement allemand[136],[137], voire d'être untraître à la Russie[138]. En 1918, le journaliste américainEdgar Sisson, représentant en Russie du Committee onPublic Information, publie aux États-Unis une série dedocuments ramenés de Russie et prouvant que Trotski,Lénine et les autres révolutionnaires bolcheviks étaientdes agents du gouvernement allemand[139]. George Ken-nan, en 1956, démontre que ces documents étaient enquasi-totalité des faux[140].Dans la réalité, Lénine et les Allemands ont consciem-ment tiré avantage les uns des autres, chacun profitant decette alliance momentanée pour favoriser ses propres in-térêts : l'Empire allemand voit surtout d'un très bon œil leretour en Russie d'agitateurs politiques, et compte sur Lé-nine et les autres pour désorganiser un peu plus la Russie ;Lénine, quant à lui, use de tous les moyens disponiblespour atteindre son objectif révolutionnaire[129],[141]. Lesrévolutionnaires quittent Zurich le 27 mars ; outre Lénine,le train transporte une trentaine de bolcheviks et d'alliés

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8.2 Échec des journées de juillet 19

de Lénine, dont Grigori Zinoviev, Inessa Armand et KarlRadek. Un second train, par la même voie, emmèneplus tard Martov, le chef des mencheviks et plusieurs deses proches comme Axelrod, Riazanov, Lounatcharski etSokolnikov, dont plusieurs se rallieront aux bolcheviksaprès leur arrivée en Russie[129],[135]. En chemin, Léninerédige un document, connu par la suite sous le nom desThèses d'avril : dans cette série de dix textes, il établitun plan d'action radical, contredisant la notion marxisteselon laquelle une révolution bourgeoise est un stade né-cessaire pour le passage au socialisme et prônant le pas-sage direct, en Russie, à une révolution prolétarienne[142] ;dans la perspective de la transformation de la révolutionrusse en révolution socialiste, les paysans pauvres devrontfaire partie de la nouvelle vague révolutionnaire[82].Le 3 avril, Lénine arrive à la gare de Finlande dePetrograd, où il est accueilli par une foule de sympa-thisants, au son de La Marseillaise[143]. Lénine ne prêteguère attention à Nicolas Tchkhéidzé (Nicolas Tchéid-zé), le président menchevik du Soviet de Petrograd ve-nu l'accueillir, et se lance aussitôt dans un discours prô-nant une révolution socialiste mondiale. Avec son épouse,il se rend ensuite chez sa sœur Anna, qui héberge lecouple dans la capitale. Le lendemain, Lénine se rend auPalais de Tauride, devenu le siège du Gouvernement pro-visoire et du Soviet de Petrograd : devant une assembléede sociaux-démocrates interloqués, il plaide pour la prisede contrôle des soviets et la transformation de la guerreen guerre civile, dans l'optique d'une révolution mon-diale. Refusant de soutenir le Gouvernement provisoirerusse, Lénine perçoit que les soviets, s’ils sont pénétréset contrôlés par le Parti, sont l'instrument adéquat pourprendre le pouvoir ; s’il adopte désormais le slogan « Toutle pouvoir aux soviets ! », c'est en vue de leur imposer unemajorité, voire une domination, des bolcheviks. Cepen-dant, la majorité des bolcheviks penche alors pour unetactique de conciliation et d'unité entre révolutionnaires :Lénine, au contraire, prône un passage à l'action immé-diate, avec l'arrêt de tout effort de guerre, la fin du sou-tien au Gouvernement provisoire et le transfert de tousles pouvoirs aux soviets, le remplacement de l'armée pardes milices populaires, la nationalisation des terres et lecontrôle de la production et de la distribution par les so-viets. De nombreux cadres du Parti sont choqués par laviolence de ses thèses. Bogdanov compare les propos deLénine au délire d'un fou ; un autre militant, Goldenberg,conclut que Lénine se prend pour l'héritier de Bakounineet se place en-dehors de la social-démocratie[144],[145].Lénine a des difficultés à faire accepter ses thèses jusquedans la Pravda : le 7 avril, le journal accepte de publierles Thèses d'avril, mais précédées d'une note de Kamenevqui en désapprouve le contenu. Le lendemain, le comitédu Parti de la capitale se réunit et vote à une forte ma-jorité contre les propositions de Lénine. Ce dernier pré-pare dès lors avec soin la Conférence panrusse du Parti,qui doit se réunir dix jours plus tard : il bénéficie alorsde la présence de délégués de base, séduits par son esprit

de décision. Le fait que l'espoir de paix semble s’éloigneraprès que le ministre Milioukov a réaffirmé les buts deguerre de la Russie contribue également à faire pencherles militants en faveur de Lénine. Celui-ci reçoit égale-ment, contre Kamenev, l'appui de Zinoviev et de Bou-kharine. Lors du congrès, Lénine présente ses thèses, enréclamant la paix immédiate, le pouvoir aux soviets, lesusines aux ouvriers et les terres aux paysans. Lénine réaf-firme également son rejet de la démocratie « bourgeoise »et du parlementarisme : il estime que cette forme de dé-mocratie, qui a cours en Occident, concentre en réalité lespouvoirs entre les mains de la classe capitaliste et appelleà lui substituer une démocratie issue directement des so-viets ouvriers et paysans[144],[146].Alors que la foule manifeste contre la guerre dans lacapitale, les résolutions de Lénine obtiennent une fortemajorité au congrès - notamment celle sur la paix - àl'exception de celle préconisant une révolution socialisteimmédiate. Le mot d'ordre « Tout le pouvoir aux So-viets ! » est officiellement adopté. Lénine ne parvientcependant pas encore à obtenir l'abandon du vocable« social-démocrate », qu'il juge désormais synonyme detrahison, et son remplacement par « communiste ». Parailleurs, les congrès des bolcheviks espèrent encore réali-ser l'unité avec les mencheviks. Dans le courant du moisde mai, Lénine gagne un nouvel allié de poids en la per-sonne de Trotski, lui aussi revenu en Russie, et qui serallie à ses idées. Martov, quant à lui, partage les idéesde Lénine sur la volonté de paix et plaide en vain contrela participation des mencheviks au Gouvernement provi-soire ; il refuse cependant de rallier son ancien ami, qu'ilvoit désormais comme un cynique dont la seule passionest le pouvoir. Lénine multiplie les apparitions publiquesdans la capitale : bien que moins bon orateur que Trotski,et malgré un léger défaut de prononciation - il est inca-pable de prononcer les « R » à la russe - il montre dansses discours une énergie et une conviction qui contribuentà sa notoriété. Au printemps 1917, il est désormais lapersonnalité la plus influente au sein d'un Parti dont lapresse, grâce en partie à l'argent fourni par l'Allemagne,bénéficie de moyens sans commune mesure avec ceuxdes autres mouvements. Pour gagner en influence au seindu monde ouvrier, et contrer celle des mencheviks dansles syndicats, Lénine encourage la formation de comitésd'usine, au sein desquels les bolcheviks se livrent à uneintense propagande[144].

8.2 Échec des journées de juillet

Article connexe : Journées de juillet 1917.

En juin, Lénine assiste au premier congrès panrusse desSoviets où il prend la parole, dénonçant avec virulencele gouvernement provisoire et annonçant que les bolche-viks sont « prêts à prendre le pouvoir immédiatement ».Les congressistes votent cependant la confiance au gou-vernement provisoire et repoussent la résolution des bol-

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20 8 RETOUR EN RUSSIE ET PRISE DU POUVOIR

Aleksandr Kerenski, chef du gouvernement provisoire à partir dejuillet 1917.

cheviks qui exigeait le transfert immédiat du pouvoir auxsoviets. Les bolcheviks continuent d'entretenir l'agitationpolitique ; l'accumulation des problèmes économiques etmilitaires de la Russie joue contre le gouvernement provi-soire de coalition. Le maintien de la Russie dans le conflitcontribue notamment à rendre le gouvernement impopu-laire. À la fin du mois de juin, après le désastre de lacontre-offensive décidée sur le front de l'Est par le mi-nistre de la guerre Aleksandr Kerenski, leur propagandeauprès des ouvriers et des soldats s’intensifie. Lénine, fa-tigué, part se reposer fin juin en Finlande : le 4 juillet,il est informé par un émissaire du comité central que lesmanifestations contre le gouvernement provisoire ont dé-généré au point de tourner à l'insurrection, ce qui pour-rait conduire à des mesures draconiennes contre les bol-cheviks. Revenu à Petrograd, Lénine lance des appels aucalme, mais le gouvernement est décidé à en finir avecles menées des révolutionnaires : Kerenski fait diffuserdes documents accusant Lénine d'être un traître et unagent allemand. En compagnie de Zinoviev, Lénine doit ànouveau quitter la capitale pour échapper à l'arrestation.Kamenev, Trotski, Lounatcharski et Alexandra Kollon-taï sont arrêtés. La fuite de Lénine cause une certainecontroverse au sein des bolcheviks, dont certains prô-naient sa reddition ; les accusations de trahison au profitde l'Allemagne convainquent cependant Lénine de ne pasrisquer de tomber entre les mains des autorités. Kerens-

ki prend la tête d'un nouveau gouvernement et, assaillipar les critiques du Soviet de Petrograd qui juge les ar-restations superflues, ne met pas à exécution son projetde révéler l'affaire des fonds allemands dont a bénéficiéLénine[147],[148].À la fin du mois de juillet, les bolcheviks se réorganisentlors de leur 6e congrès : Staline parle au nom de Lénine- absent car caché en banlieue de la capitale - et prônel'affrontement avec le gouvernement provisoire, la « pé-riode pacifique » de la révolution étant terminée. Le slo-gan « tout le pouvoir aux soviets » disparaît, remplacé parun mot d'ordre appelant à la « dictature révolutionnairedes ouvriers et des paysans ». Le secret de sa cachetteayant été éventé, Lénine se réfugie en Finlande. Il profitede son éloignement forcé pour rédiger L'État et la Révo-lution, un traité marxiste dans lequel il expose son pointde vue sur le processus révolutionnaire et aborde la ques-tion - non détaillée par Marx et Engels - des formes quedoivent prendre l'État et le gouvernement sous la dictaturedu prolétariat. Au passage, il revient sur la nécessité, pourle Parti, d'adopter un nouveau nom - celui de bolcheviks,né lors du congrès de 1903, étant « purement acciden-tel » - qui pourrait être Parti communiste, en gardant entreparenthèses la mention « bolchevik ». Dans ce livre, quirestera inachevé du fait de la Révolution d'Octobre, Lé-nine présente de manière schématique le processus his-torique qu'il déduit de sa lecture des œuvres de Marx etd'Engels, et selon lequel la société passera tout d'abordpar la phase « inférieure » de la société communiste, c'est-à-dire celle de la dictature du prolétariat : le renverse-ment du capitalisme par le biais d'une révolution violenteaboutira à cette première phrase, dite du « socialisme »ou plus précisément du collectivisme économique, durantlaquelle l'État prendra possession des moyens de produc-tion. Durant la dictature du prolétariat, qui aidera à conso-lider la révolution - Lénine ne précise pas la durée de cettephase - l'État subsistera sous la forme d'un « État prolé-tarien ». Le stade du socialisme impliquera le maintiend'une certaine inégalité sociale, mais progressivement lasociété évoluera vers l'égalité absolue, pour atteindre fina-lement la phase « supérieure », soit celle du communismeintégral, qui correspondra à une société sans classes où lapropriété privée n'aura plus de raison d'être ; l'État, de-venu inutile, disparaîtra alors de lui-même. Les éventuels« excès » commis par certaines personnes seront répri-més par « le peuple », qui exercera la répression en lieuet place de l'ancien appareil d'État[149],[150],[151].Cet écrit de Lénine suscite par la suite les critiques demarxistes comme Kautsky et Martov, qui arguent queMarx n'a pas non plus exclu un processus de révolutionnon-violente et n'a utilisé que rarement le concept dedictature du prolétariat dont Lénine fait un grand usage,apparemment sans réaliser que ce système se traduiraitinévitablement par l'oppression d'une partie de la popu-lation par une autre. L'État et la Révolution est parfoisprésenté par la suite, comme le signe d'une pensée « li-bertaire » et « démocratique » chez Lénine ; certains de

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8.3 La révolution d'octobre 21

ses partisans présentent l'ouvrage comme le couronne-ment de sa pensée, tandis que des jugements critiques yvoient un pamphlet simpliste et improbable. Cependant,dans cet écrit où l'ensemble des jugements sont portés àl'aune de la lutte des classes, Lénine se positionne radi-calement à l'encontre de la démocratie parlementaire etignore aussi bien la notion de pluralisme politique, que lanécessité d'institutions capables de défendre les libertésdont il prône l'application[149],[150].

8.3 La révolution d'octobre

Article connexe : Révolution d'Octobre.

Fin août, la tentative de putsch du général Kornilov, com-mandant en chef de l'armée russe, souligne à la foisla fragilité du gouvernement de Kerenski et la capacitéde réaction des partis de gauche (bolcheviks mais aus-si mencheviks et S-R), qui se sont mobilisés contre lesmenées de Kornilov. Les bolcheviks sortent grands vain-queurs de l'affaire, dans laquelle ils ne jouent qu'un rôlemineur mais qui consacre leur retour sur la scène poli-tique. Les mois qui séparent l'échec du coup de force deKornilov de l'arrivée au pouvoir des bolcheviks sont mar-qués par une décomposition accélérée de l'autorité poli-tique sur fond de crise économique ; le discours des bol-cheviks progresse rapidement au sein des Soviets - no-tamment les comités d'usine et les comités de quartierdans la capitale - ainsi que chez les soldats - qui souhaitentcesser de se battre et revenir au pays pour partager lesterres - et chez les ouvriers. Lénine, depuis sa retraite deFinlande, considère que, du fait du vide institutionnel enRussie, le pouvoir est à portée de main[152],[153].Se conformant aux instructions envoyées par Lénine, lesbolcheviks prennent le contrôle des instances de pouvoirdans la capitale et en province. Une motion bolchevik ap-pelant à la constitution d'un gouvernement sans partici-pation « bourgeoise » obtient la majorité au Soviet dePetrograd ; le comité exécutif à majorité menchevik/S-R est mis en minorité et Trotski, sorti de prison depuispeu, est élu président du Soviet. La majorité est égale-ment conquise à Moscou. D'abord prudent dans ses écrits,Lénine - à qui sa sœur Maria sert de messagère[154] - passeà des propositions plus radicales et envoie au Comité cen-tral plusieurs directives qui prônent de prendre rapide-ment le pouvoir. Il souligne la menace que font peser lestroupes allemandes sur la capitale et assure que la situa-tion militaire risque de donner à Kerenski les moyensd'écraser les bolcheviks. En outre, l'impatience de Lé-nine est principalement motivée par l'approche du scru-tin, plusieurs fois repoussé et désormais prévu en no-vembre, en vue d'élire une assemblée constituante. Unefois l'assemblée élue, un nouveau centre de pouvoir risqued'empêcher les bolcheviks de revendiquer pour eux seulsle statut de représentants du peuple[155]. Alors que lamajorité des bolcheviks sont d'accord pour participer àla Conférence démocratique destinée à former un pré-

parlement avant l'élection de l'assemblée constituante,Lénine envoie un message exigeant que le lieu de la confé-rence soit assiégé et ses participants jetés en prison ; sadirective surprend le Comité central, qui s’abstient de lasuivre. Au sein du CC, Kamenev est notamment en désac-cord avec Lénine ; il considère que les conditions pourinstaurer le socialisme en Russie ne sont pas remplies[156]

et prône une coalition de tous les partis socialistes. Cetteoption est un temps compromise par l'échec de la Confé-rence démocratique, mais Kamenev compte sur une prisedu pouvoir par le biais d'un vote du Congrès des So-viets, qui se traduirait très probablement par un gouver-nement de coalition socialiste, dont il pourrait apparaîtrecomme une figure dominante[157]. Afin de prendre de vi-tesse la formation de l'assemblée constituante, les bolche-viks font annoncer pour la fin octobre le second congrèsdes Soviets, dont ils manipulent la préparation afin d'yêtre majoritaires au sein des délégués[155]. Lénine veut aucontraire que les bolcheviks prennent le pouvoir avant lecongrès des Soviets (qui amènerait à un partage du pou-voir avec les autres partis socialistes et risquerait de mar-ginaliser Lénine au profit de Kamenev) ; il insiste dans seslettres sur la nécessité d'un coup de force immédiat[157].

Lénine, grimé et rasé lors de son retour incognito en Russie.

Le 15 septembre du calendrier julien (28 septembre ducalendrier grégorien), le comité central engage la dis-cussion sur deux lettres (intitulées Les bolcheviks doiventprendre le pouvoir et Le marxisme et l'insurrection) en-voyées par Lénine depuis sa retraire de Finlande : tou-jours marqués par l'échec des journées de juillet, les di-rigeants bolcheviks désapprouvent ces appels à la prisedu pouvoir. Deux semaines plus tard, Lénine revient à lacharge en publiant dans le journal du Parti un article inti-

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22 9 VICTOIRE DES BOLCHEVIKS ET NAISSANCE DU MOUVEMENT COMMUNISTE INTERNATIONAL

tulé Le crise est mûre, où il affirme qu'attendre le congrèsdes Soviets serait « une idiotie et une trahison »[156]. Exas-péré de ne pas voir ses instructions suivies - le Comitécentral refuse même une première fois de le laisser ren-trer à Petrograd[154], Lénine finit par quitter incognito laFinlande pour revenir en Russie : rasé, grimé et coifféd'une perruque, il arrive dans la capitale le 7 octobre (20octobre du calendrier grégorien)[156].Trois jours après le retour de Lénine, les membres duComité central se réunissent dans l'appartement du men-chevik de gauche Nicolas Soukhanov (dont l'épouse estune militante bolchevik) : au bout de dix heures dediscussions[158], et en partie grâce à l'appui de Sverdlov,qui assure qu'un complot militaire est en train d'être fo-menté, Lénine parvient à retourner son auditoire et faitvoter le principe d'une insurrection armée. Sur douzepersonnes présentes, seules deux (Kamenev et Zinoviev)votent contre ; la majorité se rallie à Lénine, notammentsur la foi des rumeurs qui prétendent que Kerenski est prêtà abandonner la capitale aux troupes allemandes[156].

Timbre soviétique commémorant la révolution d'Octobre.

Les propositions de Lénine continuent cependant de sus-citer la réticence de certains ; lors d'une réunion te-nue six jours plus tard en présence de représentants del'organisation militaire des bolcheviks, du Soviet de Pé-trograd et des organisations de travailleurs, divers parti-cipants mettent en garde contre les risques d'une insur-rection, dont le secret, médiocrement gardé, fuite rapide-ment dans la presse des mencheviks. Kamenev confirmelui-même la rumeur quand, à la grande fureur de Lé-nine, il publie dans le journal de Maxime Gorki un ar-ticle condamnant le principe d'un soulèvement armé desbolcheviks[159],[156]. Kerenski, de son côté, pense béné-ficier du soutien de la troupe, des mencheviks et dessocialistes révolutionnaires. Mais, le 21 octobre (3 no-vembre), la garnison se rallie au Comité militaire révo-lutionnaire que Trotski a créé au début du mois au seindu Soviet de Petrograd. Le coup d'État des bolcheviks estlancé le trois jours plus tard, à la veille du congrès desSoviets. Les Gardes rouges, détachements armés des bol-cheviks, s’assurent le contrôle des points stratégiques dela ville et, au matin du 25 octobre (7 novembre), quelquesheures avant l'ouverture du congrès, Lénine fait publier un

communiqué du Comité militaire révolutionnaire annon-çant la destitution du gouvernement provisoire et convo-quant dans la foulée le Soviet de Petrograd pour consti-tuer « un pouvoir soviétique » : en agissant avant quene s’ouvre le congrès, Lénine attribue le pouvoir à uncomité militaire qui ne dépend en rien du pouvoir desSoviets, et exclut dans les faits tout partage du pouvoiravec les autres organisations socialistes[156]. Dans l'après-midi, Lénine, toujours glabre et méconnaissable[160], faitsa première apparition publique depuis plusieurs moislors de la session du Soviet de Petrograd, durant laquelleil proclame que « la révolution des ouvriers et des pay-sans » est désormais réalisée. Le Palais d'Hiver, où sesont réfugiés les membres du gouvernement, tombe dansla nuit. Entretemps, protestant contre le fait que les bol-cheviks aient réalisé un coup de force avant toute décisiondu Soviet, les mencheviks et le Bund quittent le congrès.Martov et ses amis, qui cherchaient à constituer un gou-vernement de coalition, sont réduits à l'impuissance etquittent eux aussi la salle, laissant le champ libre à Lé-nine et Trotski. Le congrès vote ensuite un texte rédigépar Lénine, qui attribue « tout le pouvoir aux Soviets »,donnant à l'insurrection des bolcheviks les apparences dela légitimité[161],[156].Peu après minuit, deux heures après l'arrestation des mi-nistres du gouvernement provisoire, le Soviet ratifie deuxdécrets préparés par Lénine. Le Décret sur la paix invite« tous les peuples et leurs gouvernements » à négocier envue d'une « juste paix démocratique », le but du texte -que les Alliés refuseront de prendre en compte - étant desusciter dans l'opinion internationale suffisamment de re-mous pour contraindre les gouvernements à rechercher lapaix, tout en se plaçant délibérément dans la perspectived'une révolution européenne. Le second texte, le Décretsur la terre, légitime l'appropriation, effectuée depuis l'étépar les paysans, des terres cultivables ayant appartenu auxgrands propriétaires ou à la couronne, voire aux paysansaisés : ce deuxième décret, qui s’inspire nettement du pro-gramme des socialistes révolutionnaires, permet aux bol-cheviks de s’assurer, au moins pour un temps, le soutiende la paysannerie[156]. Après la ratification des décrets, unnouveau gouvernement, le Conseil des commissaires dupeuple (ou Sovnarkom), est constitué, sous la présidencede Lénine[162].

9 Victoire des bolcheviks et nais-sance du mouvement commu-niste international

9.1 Mise en place du régime soviétique

9.1.1 Affirmation du pouvoir bolchevik

Le premier Conseil des commissaires du peuple necompte que des bolcheviks,conformément à la volonté

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9.1 Mise en place du régime soviétique 23

Lénine président du Conseil des commissaires du peuple, dansson bureau du Kremlin en 1918.

Lénine inspectant la garde du Kremlin en 1918.

de Lénine de ne pas partager le pouvoir avec les autresformations révolutionnaires Le nouveau comité exécutifdu Soviet de Petrograd, dans lequel les mencheviks et lesS-R refusent de siéger, est composé de bolcheviks et desocialistes révolutionnaires de gauche[162]. Lénine aurait,selon les dires de Trotski, proposé dans un premier tempsque la présidence du Sovnarkom soit confiée à ce der-nier, eu égard à son rôle décisif dans la prise du pouvoir ;Trotski aurait cependant refusé, arguant de la légitimitérévolutionnaire de Lénine[163].Quelques jours après la prise du pouvoir, l'idée de for-mer un nouveau gouvernement de coalition englobant desmencheviks et des S-R semble prévaloir, malgré l'hostilitéde Lénine. Un groupe, composé de Zinoviev, Kamenev,Rykov et Noguine, négocie avec les autres socialistes enenvisageant d'exclure Lénine et Trotski de la coalition ;Zinoviev, Kamenev et leurs alliés dénoncent notammentles tentatives de Lénine pour faire échouer les négocia-tions, ainsi que son comportement à l'égard des autressocialistes[164]. Dès le 27 octobre, en effet, Lénine faitfermer les journaux d'opposition[165],[166] ; il légalise cettemesure en faisant adopter un décret qui donne aux bol-cheviks le monopole de l'information (dont le contrôle de

la radio et du télégraphe) et donne le droit aux autori-tés de fermer tout journal qui sème « le trouble » en pu-bliant des nouvelles « volontairement erronée »[166]. Ka-menev - que Lénine fait condamner par le Comité centralpour activités « anti-marxistes »[165] - Zinoviev et plu-sieurs de leurs amis démissionnent du CC pour protestercontre ce manquement aux promesses sur la liberté dela presse. Ils sont cependant rapidement réintégrés, et laquestion de la coalition oubliée, Lénine ayant réussi à im-poser ses vues[164] et à affirmer son autorité personnellesur le Parti[165]. D'emblée, Lénine envisage de soutenir larévolution par des mesures terroristes : dans l'article Com-ment organiser l'émulation ?, rédigé en décembre 1917, ilappelle les masses à « poursuivre un but unique : épurerla terre russe de tous les insectes nuisibles, des puces (lesfilous), des punaises (les riches), etc. (...) Ici, on mettra enprison une dizaine de riches, une douzaine de filous, unedemi-douzaine d'ouvriers qui tirent au flanc [...]. Là, onles enverra nettoyer les latrines. Ailleurs, on les munira,au sortir du cachot, d'une carte jaune afin que le peupleentier puisse surveiller ces gens nuisibles jusqu'à ce qu'ilssoient corrigés. Ou encore on fusillera sur place un indi-vidu sur dix coupables de parasitisme »[89],[167].Dans les jours qui suivent leur coup de force, le pouvoirdes bolcheviks apparaît encore très instable. Des combatsse poursuivent en effet à Moscou, où la prise du pouvoirest moins aisée qu'à Petrograd, et ils sont confrontés à unegrève des fonctionnaires, qui refusent de se soumettre aunouveau gouvernement. Plusieurs semaines sont néces-saires pour briser la réticence de la bureaucratie, progres-sivement mise au pas via l'arrestation des meneurs de lagrève et la nomination de commissaires politiques poursuperviser les fonctionnaires ; les hauts fonctionnaires ré-calcitrants sont remplacés par des militants bolcheviks,ou par des fonctionnaires subalternes sympathisants de larévolution et promus pour l'occasion. Les combats à Mos-cou tournent à l'avantage des bolcheviks, et la tentative deKerenski pour monter une contre-offensive échoue tota-lement. Les premières semaines de pouvoir des bolche-viks s’accompagnent également d'un dessaisissement duSoviet de Petrograd, auquel Lénine n'entend pas laisserde pouvoir réel. Le Sovnarkom prive rapidement les délé-gués soviétiques d'influence en s’arrogeant le droit de gou-verner par décret en cas d'urgence et le Soviet se réunit demoins en moins fréquemment, alors que le gouvernementde Lénine se réunit plusieurs fois par jour[165].Le lendemain de la révolution d'Octobre, Lénine annonceque le nouveau régime sera fondé sur le principe du« contrôle ouvrier » : les modalités de celui-ci sont fixéespar décret fin novembre ; dans chaque ville est créé unConseil du contrôle ouvrier, subordonné au Soviet local.Le Conseil national du contrôle ouvrier prévu par le dé-cret est cependant, d'emblée, subordonné au Conseil su-prême de l'économie nationale, qui dessaisit les ouvriersde tout pouvoir de contrôle réel. À la mi-décembre 1917,le Sovnarkom commence à nationaliser les entreprises in-dustrielles. Un ensemble de décrets sont pris dans les mois

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24 9 VICTOIRE DES BOLCHEVIKS ET NAISSANCE DU MOUVEMENT COMMUNISTE INTERNATIONAL

qui suivent pour modifier la société russe : entre autresdécisions, l'Église et l'État sont séparés, le divorce faci-lité et l'État-civil laïcisé[162]. Au moment de la révolu-tion d'Octobre, durant une absence de Lénine, la peine demort a par ailleurs été abolie, au grand déplaisir du diri-geant bolchevik qui la juge indispensable dans le contextede la Russie[168].Le nouveau régime entreprend également de redéfinir lesrapports entre les nationalités de l'ex-empire russe. LeSovnarkom, où Staline occupe le poste de commissaireaux nationalités tente de mettre en œuvre les conceptionsde Lénine, qui vise une « unité socialiste des nations » :en novembre 1917, la Déclaration des droits des peuplesde Russie affirme le principe de l'autodétermination despeuples et de l'« union volontaire et honnêtes des peuplesde Russie », tous proclamés égaux. Le texte pose, sans yapporter de réponse, la question de l'organisation du nou-vel État, dont on ne sait encore s’il doit être centraliséou fédéral. En janvier 1918, la Déclaration des droits desmasses laborieuses et exploitées, adoptée par le 3e congrèsdes Soviets, stipule que « toutes les nations » pourrontdécider si et sur quelles bases elles rejoindront les ins-titutions fédérales soviétiques : le principe fédéral, queLénine avait jusqu'alors repoussé, s’impose dans les faitspour éviter la désintégration de l'ex-empire, où se mani-festent de nombreuses volontés d'indépendance. L'uniondes peuples au sein de l'État soviétique est décidée parle biais du congrès des Soviets de chaque nationalité ;Lénine conçoit la fédération comme une étape transi-toire avant la révolution mondiale, le but devant être, àses yeux, le dépassement des différences nationales envue d'une union internationale des travailleurs au seindu mouvement révolutionnaire[169],[170],[171]. Les espoirsde Lénine d'une union volontaire des peuples à la fa-veur de l'autodétermination ne se réalisent cependantpas : l'ancien empire se disloque rapidement, les indé-pendantismes tirant souvent profit des diverses interven-tions étrangères. Les différentes puissances européennesappuient en effet les indépendances locales, afin notam-ment de se protéger de la « contagion bolchévique » enconstituant un « glacis » territorial aux frontières de laRussie. La Pologne se trouve en état d'indépendance defait ; la Finlande emprunte également cette voix de même,grâce au soutien des Allemands, que les trois Pays baltes(Lettonie, Estonie, Lituanie) et l'Ukraine ; la Géorgie oùles mencheviks locaux prennent le pouvoir proclame elleaussi son indépendance, tout comme les autres territoiresdu Caucase et des peuples comme les Kazakhs et lesKirghizes[172],[171],[169].En Russie même, les bolcheviks tirent profit d'un doubleprocessus, qui leur permet d'affermir progressivementleur maîtrise de l'État : tandis qu'ils centralisent les le-viers du pouvoir exécutif, la délégation du pouvoir lo-cal aux Soviets, comités de soldats et organisations ou-vrières contribue à démanteler les anciennes structuressociales[165]. Durant six mois, les campagnes russes viventune expérience unique de « pouvoir paysan » sur fond de

Portrait de Lénine, réalisé en 1919 par Isaak Brodsky.

redistribution des terres, la paysannerie étant confortéepar le décret[173]. Sur le front, l'action des comités de sol-dats, encouragés par les bolcheviks, vise à empêcher lesofficiers de l'ancienne armée tsariste d'agir contre le nou-veau régime[165]. Le 5 décembre, le Comité militaire ré-volutionnaire est dissous et remplacé par la Tchéka, nou-vel organisme chargé de la sécurité, dirigé par Félix Dzer-jinski[174].Les bolcheviks avaient, durant les mois précédant la révo-lution d'octobre, reproché au gouvernement provisoire derepousser l'élection d'une Assemblée constituante char-gée de mettre en place les nouvelles institutions. Lé-nine, malgré son peu d'estime pour la démocratie élec-torale, honore la promesse de son parti et le scrutinest convoqué : l'élection de novembre se solde cepen-dant par une nette victoire des socialistes révolution-naires, qui restent le parti le plus populaire au sein dela paysannerie. Les bolcheviks et leurs alliés socialistesrévolutionnaires de gauche envisagent dès lors de dis-soudre l'assemblée[166],[174]. Lénine rédige en décembreses Thèses sur l'Assemblée constituante, dans lesquelles ilaffirme que, les intérêts de la révolution étant supérieurs àceux de l'Assemblée, celle-ci doit se soumettre au gouver-nement révolutionnaire ou bien disparaître[175]. Le gou-vernement commence par réduire une partie des oppo-sants au silence : les principaux dirigeants du Parti consti-tutionnel démocratique sont arrêtés et décrétés « ennemisdu peuple » : le parti est interdit, sort qui est par lasuite celui de l'ensemble des autres formations poli-tiques. L'Assemblée constituante se réunit finalement le18 janvier (5 janvier du calendrier julien) 1918 ; quelquesheures avant, les troupes des bolcheviks dispersent àcoups de feu une manifestation qui protestait contre lesmenaces de coup de force, causant une dizaine de morts.L'Assemblée élit à sa présidence le S-R Viktor Tchernov,contre la S-R de gauche Maria Spiridonova que soute-naient les bolcheviks, et entreprend d'annuler les décretsd'octobre. Dès le lendemain, la constituante est déclaréedissoute et son bâtiment fermé par les Gardes rouges. LeConseil des commissaires du peuples restreint ensuite lesattributions du Congrès des Soviets et crée, comme or-gane permanent des Soviets, un Præsidium entièrement

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9.2 La Russie entre guerre civile et terreur 25

contrôlé par les bolcheviks : le « pouvoir par en bas » desSoviets cesse dès lors d'exister[166],[174]. Les bolcheviks,qui assimilent la volonté de leur parti à la conscience po-pulaire, sont désormais libres de décider seuls de la formedes institutions futures[176].

9.1.2 La paix de Brest-Litovsk

Article connexe : Traité de Brest-Litovsk.La principale urgence pour le nouveau régime demeure,

Trotski, Lénine et Kamenev en 1919.

fin 1917 - début 1918, la guerre qui continue contre les ar-mées des Empires centraux. Un armistice temporaire estconclu et des pourparlers entre le gouvernement bolche-vik, l'Empire allemand, l'Autriche-Hongrie et l'Empireottoman, s’engagent à Brest-Litovsk. La direction des bol-cheviks est divisée sur la ligne à adopter lors des négocia-tions pour aboutir à la paix : Lénine penche pour la si-gnature immédiate d'une paix séparée pour « sauver larévolution », tandis que Boukharine refuse un tel trai-té et préconise une « guerre révolutionnaire », dont ilpense qu'elle pourra susciter un soulèvement du prolé-tariat européen. Trotski, commissaire aux affaires étran-gères, propose de proclamer que la Russie se retire duconflit, sans pour autant signer la paix. Lénine, opposéà cette solution, la préfère cependant à celle de Boukha-rine. Le 10 février, Trotski met fin aux pourparlers, enannonçant la fin de l'état de guerre. Conformément auxcraintes de Lénine, les Empires centraux relancent alorsl'offensive : Lénine propose de demander une paix im-médiate, mais son option est rejetée à une voix de majo-rité par le Comité central. Le prolétariat allemand, dontTrotski préconisait d'attendre la réaction, ne se soulèvepas ; devant la rapidité de l'avance des troupes ennemies,Lénine réussit finalement à faire adopter sa ligne par leCC. Le traité de Brest-Litovsk est signé le 3 mars, contrai-gnant la Russie à retirer ses troupes de l'Ukraine tenue parles indépendantistes et d'abandonner toute prétention surla Finlande et les Pays baltes. Lénine, comme Boukha-rine, continue de viser la révolution à l'échelle mondiale ;il considère néanmoins cette paix comme indispensablepour éviter l'écrasement de la Russie soviétique, qui n'a

pas encore les moyens de se défendre militairement. Lerégime soviétique, sauvé du désastre, peut prendre plu-sieurs décisions : lors d'un congrès extraordinaire, les bol-cheviks adoptent le nom de Parti communiste de Rus-sie (bolchevik) ; Lénine craignant que les empires cen-traux ne reprennent tout de même leur avance, le siège dugouvernement est transféré de Petrograd à Moscou, oùle Sovnarkom est installé au Kremlin. Lénine lui-mêmes’installe dans l'ancien bâtiment du Sénat, en compagniede son épouse et de sa sœur Maria. La paix de Brest-Litovsk, si elle apporte au gouvernement révolutionnairele répit qu'escomptait Lénine, vaut cependant à ce der-nier d'être attaqué par la ligne des « communistes degauche » réunis autour de la revue Kommunist, dirigée no-tamment par Boukharine. Les socialistes révolutionnairesde gauche, hostiles au traité, cessent également toute co-opération avec les bolcheviks[177],[178],[179].Dans le courant de l'année 1918, la proclamation, avecle soutien de la Russie soviétique, d'un gouvernement so-cialiste en Finlande, paraît confirmer les idées de Lénine :après l'autodétermination du pays, l'« autodéterminationdes travailleurs » montrera que les ouvriers sont capablesde décider seuls de leur destin et de rejoindre le camp ré-volutionnaire. Mais les espoirs de Lénine sont rapidementdéçus ; la défaite des Gardes rouges finlandais au cours dela guerre civile de 1918 met fin à l'expérience et la Fin-lande reste en dehors du champ d'influence de la Russiesoviétique[171].

9.2 La Russie entre guerre civile et terreur

9.2.1 Début de la guerre civile

Articles connexes : Guerre civile russe et Communismede guerre.Sauvé par le traité de Brest-Litovsk, le régime bolchevik

Lénine prononçant un discours en public.

demeure néanmoins confronté à une multitude de gravesproblèmes. La perte de l'Ukraine a privé la Russie d'unede ses principaux greniers à blé. Le pays souffre de lafaim, problème qui va en s’aggravant avec la guerre ci-

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26 9 VICTOIRE DES BOLCHEVIKS ET NAISSANCE DU MOUVEMENT COMMUNISTE INTERNATIONAL

vile et la désorganisation des infrastructures[172]. L'arrêtdes combats sur le front de l'Est ne signifie pas la fin desviolences en Russie, où des Armées blanches, soutenuesà partir de juin 1918 par une intervention internationaled'ampleur assez limitée, se soulèvent contre le régimebolchevik ; des S-R proclament en juin 1918 un gouver-nement, le Comité des membres de l'Assemblée consti-tuante, qui s’allie en Sibérie avec l'amiral Koltchak, l'undes chefs des « Blancs », avant d'être dissous par ce der-nier en décembre. En juillet, les S-R de gauche entrent enrébellion contre leurs anciens alliés bolcheviks, mais leurtentative d'insurrection, maladroitement menée, est vitedéjouée[180].La Russie sombre dans une guerre civile d'une extrêmeviolence, Rouges et Blancs se livrant à des campagnesde terreur contre le camp adverse. Durant le conflit, Lé-nine s’impose un rythme de travail éprouvant et mène uneexistence quasi « spartiate ». Face à la gravité de la situa-tion et à la multiplication des soulèvements, le gouver-nement bolchevik doit improviser une armée - l'Arméerouge, organisée notamment par Trotski, nommé com-missaire du peuple à la Guerre - et un mode de fonc-tionnement économique, le « communisme de guerre ».Toutes les entreprises ayant un capital de plus d'un demi-million de roubles sont nationalisées en juin 1918 (me-sure étendue en novembre 1920 à toutes celles de plus de10 ouvriers, cette dernière décision n'étant, dans les faits,qu'imparfaitement appliquée). Les villes étant frappéespar la famine du fait du manque de blé, le Commissariatdu peuple au ravitaillement reçoit des pouvoirs très éten-dus, le gouvernement voulant étendre la lutte des classesdans les campagnes pour assurer l'approvisionnement desvilles. Lénine fait voter en juin 1918[181] la constitutionde « Comités des paysans pauvres » (Kombedy), qui sontenvoyés dans les campagnes et opérer les réquisitions dessurplus agricoles : face aux problèmes de recrutement,ces Kombedy sont souvent formés non de paysans lo-caux, mais d'ouvriers au chômage et d'agitateurs du Par-ti. Les bolcheviks décrètent la division de la paysannerierusse, selon un schéma marxiste simpliste, entre koulaks(paysans riches), paysans moyens et paysans pauvres ; lesréquisitions, opérées de manière totalement inadaptée,touchent l'ensemble de la masse des populations pay-sannes, exacerbant les tensions et provoquant des sou-lèvements. Lénine envoie, en août 1918, une série detélégrammes ordonnant une répression impitoyable del'opposition paysanne, qu'il attribue aux « koulaks »[182].Il envoie ainsi au Comité exécutif du Soviet de Penzaun message intimant l'ordre de « 1) Pendre (et je dispendre de façon que les gens les voient) pas moins de100 koulaks, richards, buveurs de sang connus 2) publierleurs noms 3) s’emparer de tout leur grain 4) identifierles otages comme nous l'avons indiqué dans notre télé-gramme hier. Faites cela de façon qu'à des centaines delieues à la ronde les gens voient, tremblent, sachent et sedisent : ils tuent et continueront à tuer les koulaks assoif-fés de sang. (...) PS : Trouvez des gens plus durs »[183].

La spoliation dont ils font l'objet amène les paysans à ré-duire dramatiquement leur production, parfois à soutenirles ennemis des « rouges », armées blanches ou « vertes ».Parfois aussi, les détachements de réquisition prennenttoute la nourriture, jusqu'aux graines nécessaires aux se-mailles des paysans qui résistent. En janvier 1919, les re-cherches désordonnées de surplus agricoles sont rempla-cées par un système centralisé de réquisition, qui continuede dresser la paysannerie contre le gouvernement[182]. Lepouvoir réagit avec violence contre ses multiples oppo-sants. Trotski donne aux troupes l'ordre de réprimer sanspitié les ennemis supposés : dans toute la Russie, on fu-sille les « Blancs » capturés, les paysans, ainsi que les sol-dats et officiers ayant manqué d'énergie à réprimer[172].En juillet 1918, Lénine décide de faire arrêter les di-rigeants mencheviks[184]. Durant l'été 1918, soit avantmême le déclenchement officiel de la Terreur rouge, lesdirigeants bolcheviks, au premier rang desquels Lénine etDzerjinski, envoient un grand nombre de messages auxdirigeants locaux de la Tchéka, demandant des « mesuresprophylactiques » pour éviter tout risque d'insurrection,notamment en prenant des otages parmi la bourgeoisie.Le 9 août, Lénine télégraphie à Penza l'ordre d'enfermer« les koulaks, les prêtres, les Gardes blancs et autres élé-ments douteux dans un camp de concentration »[185].

Des soldats d'un détachement de l'Armée rouge à Moscou, en1918.

Durant la guerre contre les Blancs, malgré son manqued'expérience en matière militaire, Lénine acquiert rapide-ment des compétences dans ce domaine, et ne montre au-cune hésitation à ordonner l'usage de la force. Contraire-ment à Trotski, qui se déplace quasiment en permanencesur le front, Lénine ne s’approche pas des combats et en-voie ses directives depuis Moscou ; il n'en est pas moinsl'un des dirigeants les plus influents sur la conduite desopérations[186]. L'un de ses principaux bras droits est alorsIakov Sverdlov, qui joue un rôle clé dans l'organisation duParti et de l'État, jusqu'à sa mort de la grippe espagnole enmars 1919. Lénine est privé d'un collaborateur précieuxpar le décès de Sverdlov : dans les années qui suivent, iltente de remplacer ce dernier par plusieurs apparatchikssuccessifs - parmi lesquels Preobrajenski et Molotov -avant que son choix ne se porte finalement sur Staline[187].

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9.2 La Russie entre guerre civile et terreur 27

9.2.2 Dictature des bolcheviks et terreur rouge

Articles connexes : Terreur rouge (Russie),Décosaquisation et République socialiste fédérativesoviétique de Russie.

Le tsar déchu Nicolas II et sa famille sont, depuis la ré-volution, assignés à résidence à Iekaterinbourg. Lénineexprime très tôt sa volonté d'« exterminer tous les Ro-manov, c'est-à-dire une bonne centaine » ; cet avis estfinalement suivi d'effet dans la nuit du 16 au 17 juillet1918, quand Nicolas II, son épouse et leurs enfants sontmassacrés par un détachement de la Tchéka. D'autresmembres de la famille royale, installés à Perm ou àAlapaïevsk, sont également massacrés. Trotski rapportedans ses écrits que Sverdlov lui aurait expliqué que Lé-nine ne souhaitait pas « laisser aux Blancs un symboleautour desquels se rallier »[184],[188]. Lénine cache dansun premier temps le massacre des enfants du couple im-périal, pour éviter que le meurtre d'adolescents ne sou-lève l'horreur du public : il faut attendre 1919 pour quele pouvoir reconnaisse n'avoir épargné aucun membre dela famille. De manière plus large, Lénine prend garde dene pas mêler officiellement son nom aux mesures les plusrépressives : ses directives, ordonnant de tuer ou de fu-siller les opposants, demeurent secrètes, alimentant dansl'opinion le mythe du « bon Lénine ». En 2011, unecommission d'enquête russe ne permet pas de trouver lapreuve absolue du fait que Lénine ait ordonné directe-ment de tuer la famille impériale[189].Face à l'ensemble des oppositions, Lénine se montrepartisan de mesures terroristes et de la répression laplus violente : dans de nombreuses directives, il or-donne des exécutions publiques ou des mesures derépression et d'épuration à grande échelle, ainsi quel'instrumentalisation des tensions ethniques pour désta-biliser les gouvernements séparatistes. Ces documents,par la suite censurés durant des décennies et absentes del'édition de ses œuvres complètes publiée en URSS, nedeviennent publics qu'en 1999[89]. En janvier 1919 estégalement décidée la politique de « décosaquisation »,qui se traduit par l'élimination physique d'une partie im-portante de la population cosaque, soutien de l'ancien ré-gime ; l'historienne Hélène Carrère d'Encausse qualifie lacampagne menée contre les cosaques de « véritable gé-nocide »[184].Alors que la guerre civile se poursuit, le gouvernementde Lénine continue de mettre en place les outils d'unedictature politique. Lors du premier congrès des syndi-cats, en janvier 1918, un texte des mencheviks prévoyantle maintien du droit de grève est rejeté, au motif que laRépublique des Soviets étant un « État ouvrier », il estabsurde que les ouvriers puissent faire grève contre eux-mêmes. Les syndicats sont ensuite placés sous l'influencedirecte du Parti communiste. Après l'échec du soulève-ment des S-R de gauche et l'arrestation des dirigeants KD,les autres partis politiques sont progressivement éliminés,

Premières armoiries de la République socialiste fédérative sovié-tique de Russie.

les communistes s’assurant le monopole du pouvoir. Leseffectifs de la Tchéka connaissent une croissance expo-nentielle : Lénine, avec les autres dirigeants bolcheviks,appelle au développement d'une « terreur » populaire. Le6 juin 1918, un décret rétablit la peine de mort. Le 10juillet 1918, la première constitution de la Républiquesocialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR) estadoptée : La formation de partis politiques autres que leParti communiste n'est pas explicitement interdite, maisl'article 23 de la constitution précise que le nouveau ré-gime « refuse aux personnes et aux groupes les droits dontils peuvent se servir au détriment de la révolution socia-liste ». Par ailleurs, une catégorie de plusieurs millionsd'exclus est créée, les « oisifs », ecclésiastiques, anciens« bourgeois » et « nobles » étant décrétés inéligibles etprivés du droit de vote[190].L'exercice du pouvoir de Lénine entre donc en contra-diction avec ses propres théories : bien que se présentantfidèle aux thèses de Marx et Engels sur le caractère tran-sitoire de la dictature du prolétariat, il se trouve amené,confronté au chaos, à la guerre civile et aux problèmesde ravitaillement, à renforcer l'appareil d'État et à mettresur pied une dictature, loin du dépérissement progressifdes institutions étatiques annoncé dans L'État et la Ré-volution. Le pouvoir est progressivement monopolisé parle Parti communiste, tandis que la police politique - laTchéka, remplacée en février 1922 par le Guépéou - de-vient un organe de contrôle absolu[191]. Bien que les So-viets exercent en principe le pouvoir, l'État est, dans lesfaits, dirigé par le Parti communiste[192].L'attentat dont est victime Lénine lui-même contribue àaccentuer le caractère autoritaire du régime bolchevik, enfaisant passer les mesures de terreur à un degré très supé-

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28 9 VICTOIRE DES BOLCHEVIKS ET NAISSANCE DU MOUVEMENT COMMUNISTE INTERNATIONAL

Lénine et Trotski célébrant le second anniversaire de laRévolution d'Octobre.

rieur ; le 30 août 1918, Fanny Kaplan, membre du Partisocialiste-révolutionnaire, tente en effet d'assassiner Lé-nine : elle l'approche alors que celui-ci regagne sa voitureà l’issue d’un meeting à l'usine Michelson de Moscou, etlui tire dessus à trois reprises. Deux balles atteignent Lé-nine : l'une à la poitrine, l'autre à l'épaule ; il est emmenéà son appartement privé au Kremlin et refuse de s’aven-turer à l'hôpital, craignant que d'autres assassins ne l'yattendent. Les médecins appelés à son chevet renoncentà retirer la balle pénétrée par son épaule et logée dansson cou, qui se trouve dans un endroit trop proche de lacolonne vertébrale pour que l'on puisse tenter une opéra-tion chirurgicale avec les techniques disponibles en Rus-sie à l'époque. Le 25 septembre, Lénine, jugé transpor-table, est conduit à Vichnie Gorki pour y poursuivre saconvalescence[184],[193].Fanny Kaplan est interrogée par la Tchéka puis exécutéesans jugement cinq jours après sa tentative d'assassinat.En réaction, le Conseil des commissaires du peuple émetle décret instituant la Terreur rouge. La Tchéka est dé-sormais dégagée de toute considération légale : après larépression des S-R de gauche et l'exécution de la familleimpériale, qui avait marqué les premières étapes de la ré-pression politique, une campagne de terreur sans précé-dents s’abat sur l'ensemble du pays, entraînant rapidementdes dizaines, voire des centaines de milliers de morts par-mi les ennemis, réels ou supposés, du régime. Agissant demanière totalement arbitraire, la Tchéka multiplie arres-tations, tortures et arrestations. Le système concentration-naire - le premier camp étant apparu quelques mois aprèsla révolution - se développe rapidement, et les centres dedétention se multiplient[184],[193].Durant les deux mois qui marquent l'apogée de la Terreurrouge (septembre et octobre 1918), la Tchéka fait entre

Félix Dzerjinski, chef de la Tchéka, chargé de l'application de lapolitique de Terreur rouge.

10 000 et 15 000 victimes[190]. Lénine, pour sa part, sou-tient pleinement la Tchéka, qualifiant les critiques dontelle fait l'objet au sein même du Parti de « racontarspetits-bourgeois » ; il ne change à aucun moment de po-sition, même dans les occasions où il cautionne des sanc-tions contre certains tchékistes[194]. La continuité entrele système de camps de travail à l'époque de Lénine et leGoulag proprement dit, qui naît à l'époque stalinienne, estsujette à débats ; Moshe Lewin juge que le Goulag pré-sente un « lien organique avec le système stalinien »[195]

tandis que Anne Applebaum présente le Goulag commele prolongement naturel des camps de la Tchéka, dontles méthodes ont elles-mêmes été suscitées et alimentéespar le climat d'extrême violence que connaissait alors laRussie[7].La tentative d'assassinat contre Lénine a par ailleurscomme conséquence de le rendre plus familier du peuplerusse : jusque-là relativement peu connue du grand pu-blic par-delà les portraits officiels, la figure de Léninefait l'objet d'un début de culte de la personnalité, le Partis’employant à susciter une émotion populaire autour del'attentat. Sa survie est présentée comme un miracle, lapresse des bolcheviks faisant de Lénine une figure chris-tique aux pouvoirs quasi-surnaturels. Des ouvrages hagio-graphiques sur Lénine, parfois comparables aux vies deSaints, sont publiés. Lénine lui-même n'apprécie guèreles flatteries courtisanes, mais il ne s’oppose pas non plusau développement de ce culte. Il se prête au contraire au

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9.3 Création de l'Internationale communiste et échec de la révolution européenne 29

jeu et pose pour des sculptures et des portraits officiels,considérant que la diffusion de son image est « utile etmême nécessaire » car les paysans russes, souvent illet-trés, doivent « voir pour croire » et ont besoin de por-traits pour se convaincre que « Lénine existe ». A contra-rio, Lénine est diabolisé par la propagande des Arméesblanches, qui le présente comme le principal responsable,avec Trotski, d'une conspiration juive contre la Russie etl'ensemble de la civilisation[193],[106],[196].

Lénine (au centre, entouré de Staline et Kamenev) lors du VIIIe

congrès du Parti communiste (bolchevik), en mars 1919.

Lénine reprend le travail à la mi-octobre 1918, mal-gré une santé encore précaire. Il s’accorde des par-ties de chasse dans les environs de Moscou, en compa-gnie d'autres dirigeants bolcheviks, mais ses sorties ac-croissent son état de fatigue ; il ressent de fréquentes dou-leurs, qui semblent avoir découlé de légers problèmes car-diaques. Lénine devient, dès lors, d'autant plus impatientde voir la révolution mondiale se réaliser avant sa mort.Ses relations avec Nadejda Kroupskaïa, elle-même fati-guée par ses problèmes de santé, semblent s’être dégra-dées durant sa convalescence, d'autant plus qu'Inessa Ar-mand a été l'une des premières personnes à rendre visiteà Lénine après l'attentat[197]. Malgré ses soucis de san-té, qui lui imposent un séjour en sanatorium, et le poidsde ses responsabilités politiques, Lénine prend le tempsde polémiquer avec ses adversaires politiques. Son vieiladversaire Karl Kautsky a en effet publié en 1918 unouvrage critiquant la mise en place d'une dictature po-litique en Russie et soulignant que la dictature du prolé-tariat dont se réclame Lénine est bien loin de celle envisa-gée par Marx, qui n'a d'ailleurs employé que rarement leterme. Lénine réagit en rédigeant à la fin 1918 une bro-chure intitulée La Révolution prolétarienne et le renégatKautsky, dans laquelle il invective Kautsky, et réaffirmeque le socialisme ne saurait être mis en place que par lebiais de mesures dictatoriales[198],[199]. Dans le courant del'année 1919, Lénine continue de souffrir de fréquentesmigraines, d'insomnies et de douleurs cardiaques ; il par-vient à se détendre durant l'été en passant du temps avecson frère Dmitri, qu'il retrouve après dix ans de sépara-tion, mais son état physique et psychologique demeuremédiocre[200].

Le régime bolchevik poursuit sa réorganisation et, en jan-vier 1919, le Comité central crée deux organes de direc-tion du Parti communiste, le Politburo - dont fait par-tie Lénine - et l'Orgburo : bien qu'émanant du Parti, ilsconstituent désormais les principaux centres de directionde l'État soviétique, leurs décisions primant sur cellesdu Conseil des commissaires du peuple[187] ; le Politbu-ro constitue désormais le véritable gouvernement de laRSFSR[192]. Malgré la consolidation de l'autorité des bol-cheviks et les mesures de terreur, des mécontentementsparviennent encore à s’exprimer en Russie, notammentdans les milieux ouvriers où éclatent plusieurs grèves :en mars 1919, Lénine lui-même, venu haranguer des ou-vriers grévistes aux usines Poutilov, est hué aux cris de« à bas les youpins et les commissaires ! »[201]. Quelquesjours plus tard, la Tchéka prend d'assaut les usines et ar-rête 900 ouvriers[202]. Le 1er avril, une autre grève ou-vrière éclate à Toula, fief menchevik où se trouvent lesdernières usines d'armements à la disposition du gouver-nement soviétique : Lénine charge Dzerjinski de réprimerd'urgence le mouvement[201].En 1919, l'Armée rouge reprend l'avantage sur lesArmées blanches de Koltchak Dénikine et Ioudenitch ;les Blancs, en annulant tous les décrets d'octobre, se sontcoupés de la paysannerie et n'ont présenté aucun pro-jet politique alternatif, tandis que les Rouges ont béné-ficié à la fois de chefs militaires énergiques et d'un re-marquable appareil de propagande. En 1920, le derniergénéral blanc d'importance est Wrangel, qui continue lalutte en Crimée. Après avoir achevé de défaire les Arméesblanches, le régime soviétique se défait de l'armée anar-chiste ukrainienne de Nestor Makhno, qui avaient d'abordété son alliée contre les Blancs[203].

9.3 Création de l'Internationale commu-niste et échec de la révolution euro-péenne

9.3.1 Scission du socialisme international

Article connexe : Internationale communiste.Ayant remporté la victoire sur le gros des Armées

Lénine haranguant les soldats de l'Armée rouge en mai 1920.

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30 9 VICTOIRE DES BOLCHEVIKS ET NAISSANCE DU MOUVEMENT COMMUNISTE INTERNATIONAL

blanches, les bolcheviks considèrent que la révolution,réalisée dans un pays aussi « attardé » que la Russie,ne peut espérer déboucher sur le socialisme que si elles’étend aux grands pays capitalistes développés ; Léninerevient ainsi à son idée de création d'une nouvelle In-ternationale, pour remplacer la Deuxième Internationalediscréditée par le soutien des partis socialistes à la Pre-mière Guerre mondiale[204]. Lors de la capitulation del'Empire allemand à la fin de la Première Guerre mon-diale, Lénine abroge le traité de Brest-Litovsk, se libérantdes conséquences de la « paix obscène » conclue avec lesEmpires centraux ; la révolution socialiste européenne fi-gure à nouveau parmi ses objectifs immédiats. En Alle-magne, une prise du pouvoir par les révolutionnaires pro-curerait à la Russie un allié de premier ordre : les diri-geants spartakistes, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht,n'ont guère de proximité politique avec Lénine, mais ap-paraissent comme les seuls alliés possibles. Les sparta-kistes se constituent en Parti communiste d'Allemagneet tentent une insurrection à Berlin, mais leur coup deforce échoue et Rosa Luxemburg comme Karl Liebk-necht sont tués. L'échec des communistes allemands ap-paraît comme un désastre du point de vue de la révolutioneuropéenne ; dans la perspective de la fondation d'une In-ternationale, Lénine voit en revanche sa tâche facilitée,car Rosa Luxemburg s’opposait à ce projet et aurait pului porter la contradiction. Le 2 mars 1919, le premiercongrès de l'Internationale communiste (dite égalementTroisième Internationale, ou Komintern) se tient à Mos-cou, en présence d'un nombre réduit de délégués, dontseuls quatre sont venus de l'étranger : l'organisation, dontZinoviev prend la tête, se place d'emblée dans la perspec-tive d'une révolution européenne et vise à la création departis communistes sur tout le continent[205],[204].

Lénine en compagnie d'autres participants du second congrès del'Internationale communiste, en 1920.

Quelques semaines après la fin du premier congrès del'Internationale communiste, et pendant le VIIIe congrèsdu Parti communiste, Lénine apprend que la révolutionvient d'éclater à Budapest : Béla Kun, chef des commu-nistes hongrois, fonde la République des conseils de Hon-grie. L'échec rapide de cette révolution et l'écrasement de

la République des conseils de Bavière, qui font suite à ladéfaite des révolutionnaires finlandais l'année précédente,convainquent Lénine de la nécessité de mieux coordonnerl'action des partis communistes, en organisant des rami-fications de l'Internationale à l'étranger[206].En 1918, l'armée allemande à l'Est commence à battreen retraite vers l'Ouest. Les zones abandonnées par lespuissances centrales deviennent le théâtre de conflits entreles gouvernements locaux mis en place par les Alle-mands, d'autres gouvernements qui ont éclos indépen-damment après le retrait allemand, et les bolcheviks, quiespèrent incorporer ces zones dans la Russie soviétique.En novembre 1918, Lénine ordonne à l'Armée rouged'avancer vers l'Ouest, en occupant les territoires quequittent les Allemands. Le but poursuivi est d'atteindrel'Europe centrale, d'installer des gouvernements sovié-tiques dans les pays nouvellement indépendants de la ré-gion et de soutenir les révolutions communistes en Alle-magne et Autriche-Hongrie. La situation internationalechange radicalement quand la Pologne, reconstituée etindépendante depuis peu, s’oppose à la Russie sovié-tique et avance vers l'est en vue de reprendre ses terri-toires orientaux, annexés par la Russie à l’occasion de lapartition de la Pologne à la fin du XVIIIe siècle. JózefPiłsudski, chef de l'armée polonaise, juge que la sécu-rité de la Pologne face à la Russie pourra être assuréeen constituant un bloc avec le territoire ukrainien ; la Po-logne reçoit en outre le soutien des pays occidentaux, quisont désormais convaincus que les Armées blanches nel'emporteront pas en Russie et désirent contenir les com-munistes. La guerre soviéto-polonaise débute mal pourles Polonais qui, sous-estimant l'Armée rouge, sont re-poussés ; les forces soviétiques avancent dès lors versVarsovie[207]. À la fin de 1919, les victoires militaires desbolcheviks et la multiplication des tentatives révolution-naires à l'étranger donnent à Lénine le sentiment que lemoment est venu de « sonder l’Europe avec les baïon-nettes de l’Armée rouge[208] » pour étendre la révolutionvers l’ouest, par la force. À ses yeux, la Pologne appa-raît comme le pont que l’Armée rouge doit traverser afind’établir le lien entre la Révolution russe et les partisanscommunistes d’Europe occidentale. C'est à cette mêmeépoque, en mai 1920, que Lénine rédige son dernier ou-vrage important, La Maladie infantile du communisme (le« gauchisme »), dans lequel il répond aux critiques de la« gauche communiste » sur ses méthodes de gouverne-ment : d'une part, il affirme, fort du succès des bolcheviksen Russie, que la révolution ne peut espérer l'emporterque commandée par un parti ; d'autre part, il tempère leradicalisme révolutionnaire des « gauchistes » en prônantune action adaptée aux situations des différents pays, etqui utiliserait de manière raisonnable les syndicats et lesparlements[209].Le second congrès de l'Internationale communiste, cettefois organisé en présence de 200 délégués venus de 35pays, se tient du 19 juillet au 9 août 1920, dans uneatmosphère d'apothéose, alors que l'Armée rouge appa-

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9.4 Révoltes en Russie et Nouvelle politique économique 31

raît en position de l'emporter en Pologne et d'étendrela révolution à l'étranger. Lénine et Trotski, en posi-tion de force, imposent 21 conditions d'admission àl'Internationale communiste, destinées à renforcer l'unitéde doctrine des partis communistes et qui font de la Rus-sie soviétique l'autorité unique de l'organisation[204],[207] :les partis communistes sont tous tenus d'adopter commemode de fonctionnement interne le centralisme démocra-tique, défini comme une « discipline de fer confinant àla discipline militaire » et une organisation très hiérar-chisée où la direction du parti jouit de larges pouvoirs ;toutes les décisions des Congrès et du Comité exécutifde l'Internationale communiste sont « obligatoires » poureux[210].

9.3.2 Défaite en Pologne et reflux de la vague révo-lutionnaire

Article connexe : Guerre soviéto-polonaise.

Les espoirs de Lénine sont cependant déçus dès août1920, quand l'armée polonaise renverse la situation mili-taire et repousse les troupes soviétiques[207]. La défaitede la Russie dans le conflit avec la Pologne porte uncoup d'arrêt à la tentative d'exporter la révolution. Lé-nine doit constater la solitude internationale de la Rus-sie soviétique, et le manque de réaction du prolétariateuropéen, et notamment polonais, dont il espérait unsoulèvement[211]. Lors du second congrès de la TroisièmeInternationale, l'Indien M.N. Roy plaide pour que soit re-connue l'importance des mouvements orientaux ; Lénineconsidère que la révolution doit compter sur les mouve-ments indépendantistes au sein des pays colonisés, maisconstate que ses vues ne sont pas encore partagées par laplupart des communistes européens. Confronté à l'échecdes révolutions européennes, il revient cependant à sonidée de se tourner vers les « arrières » du monde occiden-tal, en explorant le rôle des mouvements orientaux. Lé-nine demeure, en Russie, l'ennemi de l'« asiatisme » (sy-nonyme d'arriération), le paysan russe devant à ses yeuxêtre « européanisé » - c'est-à-dire modernisé - pour sortirde sa semi-barbarie. Il considère cependant que le conti-nent asiatique peut tenir un rôle capital dans la mondia-lisation de la révolution, car il accueille la majorité de lapopulation du globe, qui lutte pour son affranchissement.Les « pays arriérés » d'Asie pourraient en outre, à sesyeux, suivre un schéma historique différent de celui dela Russie et sauter l'étape du capitalisme pour passer di-rectement à un régime soviétique. En septembre 1920, le« Premier congrès des peuples d'Orient » se tient à Bakou,animé par Grigori Zinoviev, Karl Radek et Béla Kun ; lecongrès souligne cependant une absence d'unités de vueentre les communistes occidentaux et orientaux, ces der-niers ne parvenant pas encore à faire reconnaître le carac-tère spécifique de leurs luttes[212],[213].En mars 1921, une tentative révolutionnaire en Al-lemagne échoue totalement ; Lénine est furieux

d'apprendre, après coup, la manière désastreusedont le coup de force communiste a été préparé[214]. Lapriorité lui apparaît désormais de mettre les efforts dumouvement communiste au service de l'État soviétiquedont il convient, en tant que base de la future révolutionmondiale, de mettre au point l'organisation politiqueet territoriale[215],[211]. Malgré l'échec de la vaguerévolutionnaire en Europe, la tendance léniniste continuede constituer un important défi, non seulement auxdémocraties parlementaires et aux régimes autoritairesoccidentaux, mais également à la Deuxième Interna-tionale et à la famille socialiste et social-démocratedans son ensemble : durant les années 1920, les partissocialistes connaissent des scissions dans le mondeentier, les militants favorables au régime bolchevik seconstituant en partis communistes affiliés à la TroisièmeInternationale[216]. Au sein du mouvement communiste,les conceptions de Lénine en matière d'organisations’imposent face au « gauchistes » : la Gauche com-muniste - et notamment la tendance luxemburgiste etconseilliste qui s’oppose à la domination du parti et prônele gouvernement des conseils ouvriers - est marginaliséedès 1921[217]. La théorie marxiste tend désormais à êtreassimilée avec l'interprétation qu'en donne Lénine, cequi inclut les justifications théoriques qu'il apporte auxfluctuations de sa pratique politique[218].Sur le plan privé, Lénine est par ailleurs très éprouvé, enseptembre 1920, quand Inessa Armand, pour qui il avaitconservé une grande affection, meurt du choléra. Il restepar la suite proche de la famille de son amie et s’assureque les enfants de celle-ci ne manquent de rien[219].

9.4 Révoltes en Russie et Nouvelle poli-tique économique

9.4.1 Nouveaux soulèvements contre les bolcheviks

Articles connexes : Révolte de Tambov et Révolte deKronstadt.

Malgré la victoire militaire des bolcheviks en Russieet la consolidation du régime, l'état du pays demeuredésastreux. La politique du communisme de guerre, sielle a contribué à sauver le pouvoir soviétique, a éga-lement abouti à ruiner l'économie du pays[220], qui su-bit une terrible régression : la production industrielles’effondre et la politique des réquisitions impose àla paysannerie une ponction insupportable. Des nom-breuses révoltes paysannes éclatent contre le pouvoirsoviétique[221]. L'insurrection la plus importante est cellequi se déclenche en 1920 dans la région de Tambov : cesoulèvement contribue à convaincre Lénine que le sys-tème des réquisitions agricoles doit être aboli[222].Le Parti communiste doit également régler à la foisles problèmes de la qualité de son recrutement et del'organisation du pays. En mars 1919, lors du VIIIe

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32 9 VICTOIRE DES BOLCHEVIKS ET NAISSANCE DU MOUVEMENT COMMUNISTE INTERNATIONAL

congrès du Parti, il est décidé de procéder à une purgedes éléments douteux et de viser à l'avenir le recrutementd'authentiques prolétaires : environ 150000 militants sontexclus dans les mois qui suivent[223]. Lénine inaugure ain-si une tradition de « purges » des éléments du Parti, quisera plus tard reprise, à une bien plus grande échelle,par Staline[224]. Celles-ci se passent cependant sans vio-lence, contrairement aux futures pratiques de l'époquestalinienne[89].Les débats internes sur l'organisation économique de laRussie sont également vifs : le courant de l'Oppositionouvrière, mené notamment par Alexandre Chliapnikov etAlexandra Kollontaï, réclame que la gestion de l'industriesoit confiée aux syndicats, une position que Lénine dé-nonce comme relevant de l'« anarcho-syndicalisme » ;Trotski, au contraire, souhaite la fusion des syndicats avecl'appareil d'État et une gestion militarisée de l'économiereposant plus sur les militants de base plus que sur la bu-reaucratie du Parti. Les débats se poursuivent des moisdurant ; Lénine élabore un texte de compromis, qui ren-voie dos-à-dos l'Opposition ouvrière et Trotski, ce dernierétant critiqué implicitement pour avoir permis « la dégé-nérescence de la centralisation et du travail militarisé enbureaucratie »[223].

Portrait de V.I. Lénine, par Ivan Parkhomenko (1921).

Alors que le Parti communiste débat et que son dixièmecongrès doit s’ouvrir le 8 mars 1921, le régime soviétiqueest confronté à un nouveau péril avec la révolte de Krons-tadt, soulèvement armé des marins de la forteresse quiréclament un véritable pouvoir des soviets, des électionslibres, ainsi que la liberté de la presse. Au sein du Co-mité central, Lénine se fait l'avocat d'une répression sans

pitié du soulèvement, que Trotski et Toukhatchevski sechargent d'écraser[225],[226].

9.4.2 Famine et terreur, puis redressement écono-mique de la Russie

Articles connexes : Nouvelle politique économique etFamine soviétique de 1921-1922.

Au cours du dixième congrès du Parti communiste, qui sedéroule en même temps que la répression de Kronstadt,Lénine fait adopter le principe du passage à une Nouvellepolitique économique (NEP). Cette réforme, que Lénineparvient à imposer grâce à la situation d'urgence que vit laRussie, prend le contre-pied du communisme de guerre :elle se traduit par la libéralisation du commerce exté-rieur et l'autorisation de créer de petites entreprises pri-vées. Lénine restaure ainsi une forme de « capitalismed'État », en l'occurrence une dose limitée d'économie demarché, régulée par l'État et progressivement socialiséevia des coopératives. Il entend ainsi assurer une transi-tion de la Russie vers le socialisme, l'économie du paysétant à ses yeux insuffisamment développée pour pas-ser directement à ce stade. Lénine lui-même n'est passans exprimer des doutes quant aux conséquences de laNEP, dont il craint qu'elle n'aboutisse au développementd'une nouvelle classe de capitalistes ; il n'en demeure pasmoins convaincu que la réintroduction d'une dose de capi-talisme est, pour la Russie, une étape indispensable avantd'atteindre le socialisme. Au sein du mouvement commu-niste, la NEP ne va pas sans susciter des oppositions - plu-sieurs milliers de militants quittent le Parti - ce qui pousseLénine à faire adopter une résolution interdisant toutesles fractions au sein du Parti communiste russe. Une se-conde résolution condamne les opinions de l'Oppositionouvrière concernant les syndicats et le contrôle ouvrier,que Lénine - qui avait pourtant adopté des positions si-milaires en 1917 - qualifie de déviation par rapport aumarxisme ; la résolution adoptée par le Parti stipule que« le marxisme enseigne que seul le parti politique dela classe ouvrière, c'est-à-dire le Parti communiste, esten mesure de grouper, d'éduquer et d'organiser l'avant-garde du prolétariat et de toutes les masses laborieuses(...) et de diriger toutes les activités unifiées du proléta-riat ». Les idées de Lénine sur le rôle dirigeant du Partise trouvent ainsi institutionnalisées et élevées au rang decomposante de la pensée marxiste, tandis que l'oppositionau sein du Parti perd la possibilité de s’exprimer. Ledixième congrès est par ailleurs suivi de l'élimination défi-nitive des mencheviks, dont les propositions présentaientde grandes ressemblances avec la NEP désormais adoptéepar Lénine[226],[227],[228],[229]. L'historien Nicholas Ria-sanovsky juge qu'en faisant adopter la NEP, Lénine afait preuve de qualités d'« homme d'État réaliste », endépit de la considérable opposition doctrinale qu'il adu affronter au sein du Parti[230]. La mise en place dela NEP contribue par ailleurs à mettre en lumière les

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9.5 Formation de l'URSS 33

lourdeurs bureaucratiques de l'État soviétique, suscitantl'inquiétude de Lénine qui préconise de combattre lesmauvaises pratiques et la paralysie administrative[231].Malgré le tournant de la NEP, le régime soviétique conti-nue de mener des politiques répressives à grande échelle.Plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de rebelles deKronstadt faits prisonniers sont exécutés sans jugementou envoyés en camp de concentration. Après l'écrasementde Kronstadt, Lénine envoie Toukhatchevski et Antonov-Ovseïenko écraser la révolte de Tambov : la répressiontouche non seulement les rebelles, mais également leursfamilles ; l'Armée rouge fait usage de gaz asphyxiantspour venir à bout de la population paysanne révoltée. LaTchéka, sous les ordres de Dzerjinski, multiplie les ar-restations de mencheviks, de socialistes-révolutionnaireset d'anarchistes[222],[232]. Parmi tous les opposants répri-més, Lénine voue une haine particulière aux membres desautres mouvements socialistes[7]. Il conserve cependant,malgré les violentes polémiques qui les ont opposés, del'affection pour son ancien ami Martov ; ce dernier estuniquement mis en résidence surveillée par la Tchéka. Àl'hiver 1919-1920, apprenant que celui qui fut son rival ausein du POSDR est très souffrant, Lénine ordonne queles meilleurs médecins de Moscou soient envoyés à sonchevet[233].Avant que les politiques de la NEP puissent être mises enplace, la Russie soviétique est victime, à partir de 1921,d'une famine atroce, causée non seulement par la séche-resse, mais également par la destruction des capacitésproductives des campagnes, victimes des violences et desréquisitions. Pour lutter contre la famine, Lénine préco-nise la restauration immédiate des structures chargées desréquisitions, malgré leur rôle dans le déclenchement dudésastre. La Russie bénéficie d'une assistance extérieure,apportée notamment par les États-Unis ; Lénine acceptecette aide, mais ordonne que la Tchéka espionne la com-mission américaine dépêchée à Moscou pour organiserl'aide[234].La famine donne également l'occasion à Lénine de lan-cer une vaste campagne contre le clergé russe. Le pa-triarche de l'église orthodoxe ayant prescrit que soientdonnés, pour soutenir les victimes de la famine, tous lesobjets de valeur contenus dans les églises à l'exceptiondes objets consacrés, Lénine fait ordonner la saisie gé-nérale de ceux-ci. L'opposition de l'église et des fidèlesdonne le signal d'une violente répression. Affirmant quele clergé est sur le point de se tourner contre le pouvoir so-viétiques, Lénine écrit, dans une document secret adres-sé aux membres du Politburo, que le contexte de la fa-mine permettra de « réaliser la confiscation des trésorsde l'église avec l'énergie la plus sauvage et la plus im-pitoyable », ce qui implique « l'exécution du plus grandnombre possible de représentants du clergé réactionnaireet de la bourgeoisie réactionnaire (...) Plus grand sera lenombre des exécutions, mieux ce sera ». Près de huit millemembres du clergé russe sont tués en 1922, tandis que leséglises sont pillées. L'athéisme, déjà soutenu par la pro-

pagande antireligieuse des bolcheviks, devient une com-posante décisive de l'idéologie d'État soviétique[235].Bien que les politiques de Terreur subsistent, elles tendentensuite à se relâcher. Durant la période de la NEP — etpar-delà l'enrichissement d'une nouvelle classe de spécu-lateurs et de bureaucrates — la population, dans son en-semble, ne subit plus la terreur ni la famine, et tend à re-trouver des conditions de vie normales[236]. La NEP est unsuccès, qui fait reculer la famine et permet à l'économierusse de se redresser de manière remarquable[230]. Aprèsle pic de la guerre civile, le nombre de prisonniers inter-nés dans les camps diminue fortement pour tomber à 25000, soit le tiers de la population carcérale en Russie[237].Moshe Lewin affirme que « ceux qui ont étudié le fonc-tionnement de la justice et des pratiques pénitentiairesdans les années vingt (période de la NEP) savent que lecamp était conçu pour être une pratique plus humaineque les « cages » appelées prisons. Ce lieu où l'on tra-vaillait dans des conditions proches de la normale étaitconsidéré comme le meilleur moyen de rééduquer et deréhabiliter », ces conceptions « libérales » n'ayant pris finque dans les années 1930[195] . Anne Applebaum soulignequant à elle l'existence, aux côtés des camps de « réédu-cation », d'autres camps au régime « spécial » nettementplus dur, et gérés par les services de sécurité - la Tchéka,puis son successeur le Guépéou - dans des conditionsparfaitement arbitraires ; les deux systèmes de camps fi-nissent plus tard par fusionner, le second prenant le passur le premier[7]. Durant la période de la NEP, Lénine lui-même continue de prôner des mesures répressives radi-cales, aussi bien contre les opposants que contre les « sa-boteurs », les « espions » et les profiteurs qui se retrouventjusque dans le Parti. Face aux abus de la bureaucratie duParti et aux ennemis supposément infiltrés, il préconise« l'épuration par la terreur : justice sommaire, exécutionsans phrases »[238].Lénine lui-même, au sein du Parti communiste, n'occupepas d'autres postes officiels que ceux de membres duComité central et du Politburo. Jugeant nécessaire denommer un organisateur pour l'aider à contrôler l'appareildu Parti et à appliquer la NEP, il se tourne vers Staline ;en mars 1922, lors du XIe congrès, il soutient la nomina-tion de ce dernier au poste de Secrétaire général du Co-mité central du Parti communiste, créé pour l'occasion.Cette fonction d'apparence technique permet à Stalinede contrôler les nomination des cadres, s’assurant ain-si de solides appuis et renforçant son influence sur leParti[239],[240].

9.5 Formation de l'URSS

Article connexe : Union des républiques socialistessoviétiques.

Jusqu'en 1920, Lénine croit encore à l'exportation de larévolution vers l'Ouest. Les échecs successifs des révolu-

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34 9 VICTOIRE DES BOLCHEVIKS ET NAISSANCE DU MOUVEMENT COMMUNISTE INTERNATIONAL

tions, en Finlande, en Allemagne, en Hongrie ou en Ba-vière, la défaite en Pologne, le conduisent à prendre actede l'isolement de la Russie soviétique. Afin d'installer larévolution dans la durée, il convient d'organiser le terri-toire dont elle dispose, ce qui revient à recomposer ce quela politique d'autodétermination, dont il n'était pas parve-nu à garder la maîtrise, a décomposé[171]. Entre 1918 et1922, la plus grande partie des anciens territoires impé-riaux séparés à la suite de la révolution et de la guerre ci-vile sont réunifiés suivant un processus complexe, passantde la phase des autodéterminations - durables ou éphé-mères - à des phrases de regroupement dans un cadre fé-déral, le plus souvent improvisé au gré des circonstanceset selon l'évolution des rapports de force[169].Le cadre fédéral s’impose rapidement dans les faitscomme la meilleure solution pour organiser l'espace del'État révolutionnaire et pour tenter d'éviter la désintégra-tion provoqué tant par la possibilité d'autodéterminationque par le contexte de la guerre civile et des interven-tions étrangères. En juillet 1918, avec l'adoption de laconstitution de la République socialiste fédérative sovié-tique de Russie (RSFSR), le cadre fédéral est fixé pour laRussie[171], sans que la constitution soit très précise sur lecontenu et le fonctionnement de la fédération[169].Durant quatre ans, la fédération se développe selon deuxprocessus. D'une part, l'entrée au sein de la Russiede républiques ou des régions autonomes. D'autre part,une série d'alliances bilatérales entre la Russie et desRépubliques soviétiques voisines, officiellement indépen-dantes, où les bolcheviks locaux ont pris le pouvoir du-rant la guerre civile : (Ukraine et Biélorussie, et, dans leCaucase, Azerbaïdjan et Arménie). Un système complexede traités lie progressivement ces républiques à la RSFSRen réduisant leurs domaines de compétences[169]. Dans leCaucase, le cas de la Géorgie, qui souhaite conserver sonindépendance et où les mencheviks locaux sont au pou-voir, s’avère plus complexe. Pressé par Ordjonikidze etStaline de recourir à la force, Lénine hésite, craignant no-tamment une réaction des Britanniques qui compromet-trait la situation internationale de la RSFSR ; il finit ce-pendant par se laisser convaincre de donner son accord.En février 1921, l'Armée rouge envahit la Géorgie, qui estrapidement soviétisée comme les deux autres républiquescaucasiennes[171].La reconquête de la Géorgie, et donc la garantie des in-térêts territoriaux de la Russie, se fait au prix d'accordsimplicites avec diverses puissances. Lénine, qui souhaitefaire sortir la Russie de son isolement, en tire égale-ment un bénéfice diplomatique, mais au détriment del'extension de la révolution. Les Britanniques acceptent lamain-mise russe sur le Caucase (région cruciale à la foisdu point de vue géographique, mais aussi du fait de sesmatières premières) en échange d'un arrêt du soutien so-viétique aux tentatives révolutionnaires en Occident ; legouvernement turc de Mustafa Kemal ferme égalementles yeux à condition que celui de Lénine cesse de sou-tenir non seulement Enver Pacha, rival de Kemal, mais

également les communistes turcs[171].

Tableau d'Isaak Brodsky, représentant Lénine lors du 1er mai1920.

La nécessité de mieux organiser l'économie soviétiqueen utilisant au mieux les ressources existantes pousseLénine à encourager les regroupements régionaux : ce-la provoque néanmoins une nouvelle criser dans le Cau-cause, du fait de la réticence des dirigeants communistesde la RSS de Géorgie. Lénine charge alors Ordjonikidzede réorganiser la Transcaucasie, ce dont ce dernier secharge de manière unilatérale et souvent brutale ; il dé-lègue par ailleurs la supervision de l'affaire caucasienneà Staline, dont il soutient les décisions dans un premiertemps[171]. Les difficultés persistante dans le Caucase eten Ukraine incitent Lénine à accélérer le processus defédéralisation[169] ; au dixième congrès du Parti, Stalineexpose le projet de fédération, dont le modèle sera laRépublique fédérative de Russie, destinée à servir plustard également de modèle à une fédération mondiale desÉtats socialistes. Le 10 août 1922, une commission pré-sidée par Staline est constituée pour élaborer le projetd'État fédératif. Un mois plus tard, elle présente son pro-jet dont le principe, baptisé « autonomisation », impliqueen réalité l'absorption des autres Républiques soviétiquespar la RSFSR, dont le gouvernement deviendrait celui dela fédération. Géorgiens et Ukrainiens contestent le pro-jet ; Lénine, temporairement éloigné par la maladie, enprend connaissance à la fin du mois et demande à Sta-line de revoir son projet. Aux yeux de Lénine, il convientd'unir dans une fédération des Républiques égales, et non

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10.1 Dégradation de la santé de Lénine 35

pas dominées par la Russie : l'État fédéral devra doncavoir ses propres organes de gouvernement, qui coifferontceux des Républiques. Staline, tout en déplorant le « li-béralisme national » de Lénine, se conforme au souhaitde ce dernier et présente un nouveau projet, qui est ap-prouvé par le Comité central le 6 octobre. Les Géorgienscontinuent néanmoins d'exprimer leurs réticences, dont laprincipale tient à leur refus d'intégrer l'Union en tant quesimple élément de la République socialiste fédérative so-viétique de Transcaucasie, au sein de laquelle la Géorgiea été intégrée avec l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Les dis-cussions des communistes géorgiens avec Ordjonikidzesont si houleuses que ce dernier en arrive à frapper l'unde ses interlocuteurs[241]. Lénine accueille d'abord les re-quêtes des Géorgiens avec scepticisme, mais finit par exi-ger d'être complètement informé de l'affaire. Scandalisépar ce qu'il apprend des excès d'Ordjonikidze dont il avaitinitialement pris le parti, il se montre de plus en plus pré-occupé par le comportement de Staline et de ses alliés,et commence à revoir la politique nationale à la lumièrede cette affaire[242]. En décembre 1922, malgré la dégra-dation de son état de santé - il est, dans le courant dumois, frappé par plusieurs attaques - Lénine tente de re-prendre le contrôle de la situation. Déplorant que la ques-tion nationale soit confiée à des personnes qui se com-portent comme des « brutes bureaucratiques », il rédigedes notes en vue du futur congrès du Parti, prévu en mars1923 : il y reconnaît être « gravement coupable » de nepas s’être occupé lui-même de l'autonomisation au seinde l'Union, ce qui risque d'aboutir à livrer les minorités àun « produit cent pour cent russe, le chauvinisme grand-russien, qui caractérise la bureaucratie russe ». Lénine,qui considérait jusque-là que les communistes étaient, pardéfinition, des internationalistes, est forcé de reconnaîtreque des communistes - même issus des minorités, commeStaline et Ordjonikidze qui sont eux-mêmes Géorgiens -peuvent se comporter en « ultranationalistes russes »[241].L'inquiétude de Lénine ne freine pas le cours des évène-ments, ni l'adoption par le Politburo du texte sur les Prin-cipes fondamentaux de l'Union. Le 30 décembre 1922,un traité donne naissance à l'Union des républiques so-cialistes soviétiques, qui réunit les Républiques socialistessoviétiques de Russie, d'Ukraine, de Biélorussie et deTranscaucasie[241],[169]. Lénine, qui souffre d'une dent,n'assiste pas à la signature du traité ; le jour même, il an-nonce dans une lettre à Kamenev son intention de déclarerune guerre « à mort » au « chauvinisme russe »[243].

10 Maladie et mort

10.1 Dégradation de la santé de Lénine

Lénine, à la mi-1921, est épuisé mentalement et physi-quement. Souffrant toujours de migraines et d'insomnies,il a subi plusieurs alertes cardiaques et connaît des diffi-cultés croissantes pour faire face à sa charge de travail :

divers médecins, dont des spécialistes étrangers, sont ap-pelés pour l'examiner, mais ne parviennent pas à se mettred'accord sur un diagnostic. En juin, le Politburo ordonneà Lénine de prendre un mois de repos ; il retourne alorsà Gorki[244]. Malgré sa santé déclinante, Lénine conti-nue de suivre les affaires de l'État ; il insiste sur la né-cessité d'appliquer une politique de terreur contre les op-posants. Au-delà de la répression des paysans révoltés àTambov, il prône au début de 1922 une extension de laterreur à toutes les menaces réelles ou potentielles contrele pouvoir soviétique, qu'il s’agisse d'agir contre le clergéen milieu rural ou d'organiser des procès publics contreles socialistes-révolutionnaires et les mencheviks. Léninen'obtient pas satisfaction sur tous les points : le procèsdes dirigeants mencheviks n'est pas organisé, mais celuides S-R a bien lieu, sans pour autant se solder par descondamnations à mort comme Lénine l'avait escompté.Sur le plan international, il se tient informé des négo-ciations en cours à Gênes et à Rapallo après avoir, pourdes raisons de sécurité et de santé, renoncé à se rendreen personne à la conférence de Gênes[245]. Le 19 mai1922, il demande à Félix Dzerjinski de faire dresser parla Tchéka une liste d'intellectuels soupçonnés de sympa-thies « contre-révolutionnaires », en vue de les expulserde Russie[246].

Nadejda Kroupskaïa et Lénine au Manoir de Gorki (photo prisepar la sœur de Lénine, Maria Oulianova).

De plus en plus angoissé par sa santé, Lénine va jus-qu'à envisager le suicide au cas où il deviendrait handi-capé ; il demande à Staline de lui fournir du poison danscette éventualité[245]. Le 23 avril 1922, sur le conseil del'un des médecins allemands appelés à son chevet, il est

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36 10 MALADIE ET MORT

opéré pour retirer la balle logée près de son cou depuisl'attentat de 1918. L'opération se passe bien mais, le 25mai, Lénine est victime d'un accident vasculaire céré-bral. Frappé d'hémiplégie du côté droit, il a en outre desdifficultés à parler. Il fait l'objet de nouveaux examenspour trouver l'origine de son mal ; un test de détection dela syphilis s’avère négatif. Lénine récupère progressive-ment au Manoir de Gorki et continue de se tenir informédes travaux du Politburo et du Sovnarkom, notammentpar l'intermédiaire de Staline qui lui rend régulièrementvisite[247].En juillet, son état semble s’améliorer quelque peu. Il s’in-forme auprès de Staline de l'expulsion de Russie des S-R,mencheviks et KD. Un nouveau malaise, le 21, provoqueune paraphasie qui dure plusieurs jours. En septembre,sa capacité de travail augmente ; il reçoit de nombreuxvisiteurs et suit les travaux de la commission chargée derédiger le projet mettant sur pied l'Union des républiquessocialistes soviétiques[248].

Lénine, convalescent, recevant la visite de Staline.

Fin septembre, Lénine reçoit de ses médecinsl'autorisation de reprendre ses fonctions. Il revientle 2 octobre dans son bureau du Kremlin, mais dépassetrès rapidement les limites du rythme de travail quelui ont prescrit les docteurs. En parallèle, ses rapportsavec Staline se dégradent : Lénine manifeste une irri-tation croissante envers le Secrétaire général du Parti,qu'il considérait jusque-là comme un collaborateur deconfiance et qui avait été l'un de ses principaux visiteursdurant sa convalescence à Gorki. Sur le plan humain,Staline lui apparaît comme un personnage vulgaire et dé-nué d'intelligence ; sur le plan politique, Lénine s’inquiètede ses manifestations de « chauvinisme grand-russe »dans les contextes de l'affaire géorgienne et du projet defédération. Il s’oppose également au projet de différentsdirigeants communistes, dont Staline, d'affaiblir ou de

supprimer, dans le cadre de la NEP, le monopole del'État sur le commerce extérieur[243],[249].Lénine continue de réclamer l'expulsion de Russie des in-tellectuels « bourgeois » et s’irrite que la Tchéka tarde àmettre ses demandes à exécution. À Maxime Gorki qui luiécrit pour protester contre cette mesure, Lénine répondque « les intellectuels, les laquais de la bourgeoisie »,ne sont pas, comme ils le croient, le « cerveau de la na-tion » mais, en réalité, « sa merde ». En novembre, Lénineassiste au quatrième congrès du Komintern : il apparaîtphysiquement marqué, s’exprime avec moins d'aisancequ'auparavant et se tient à l'écart des débats[250].

10.2 Tentative de rupture avec Staline

En ce qui concerne la vie intérieure du Parti communiste,Lénine est choqué, lorsqu'il reprend le travail à l'automne,par l'étendue des rivalités personnelles entre dirigeantsbolcheviks et par la prolifération des organes administra-tifs inutiles. La lutte contre la bureaucratie lui apparaîtprogressivement comme une priorité[251]. Le rôle de Sta-line et de son entourage - notamment Ordjonikidze, dufait de sa brutalité lors de la crise géorgienne - lui semblede de plus en plus néfaste. Mais la santé de Lénine sedégrade à nouveau et l'empêche de prendre des mesuresconcrètes ; entre le 24 novembre et le 3 décembre, il estvictime de plusieurs malaises. À la mi-décembre, ses mé-decins lui prescrivent un repos complet[252].Lénine fait venir sa secrétaire Lidia Fotieva et entreprendde lui dicter des lettres pour faire connaître ses positionsà différentes personnalités bolcheviques, dont Trotski.En effet, face au pouvoir grandissant de Staline, Lénineenvisage maintenant de trouver un allié en la personnede Trotski, qui partage ses positions quant au monopoledu commerce extérieur, et qu'il charge de parler en sonnom lors du prochain Plénum du Comité central. Dansle même temps, l'état physique de Lénine se détériore ànouveau : le 16 décembre, une nouvelle attaque le privemomentanément de l'usage de sa jambe et de son brasdroit. Le 18 décembre, le Comité central confie à Stalinele soin de veiller sur Lénine et de s’assurer que ce derniersuit bien les conseils de ses médecins ; Staline, arguantdes ordres donnés par le corps médical, interdit à Léninetoute activité et enjoint à son entourage ne lui communi-quer ni informations ni documents et de ne pas écrire soussa dictée. Lénine soupçonne dès lors Staline de le priverdélibérément d'informations et d'être lui-même à l'originedes consignes de prudence des médecins. Lénine est veillépar sa sœur Maria et par son épouse Nadejda Kroups-kaïa ; cette dernière, notamment, le tient au courant desderniers évènements et transmet ses messages à différentsdirigeants. Le 22 décembre, Staline apprend que Kroups-kaïa a transmis à Trotski une lettre dictée par Lénine ; iltéléphone alors à la femme de Lénine et l'injurie[252],[253].Dans la nuit du 22 au 23 décembre, l'état de Lénine s’ag-grave à nouveau. Les 23 et 24, il entreprend malgré tout

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10.2 Tentative de rupture avec Staline 37

de dicter une « lettre au congrès », qui passera par la suiteà la postérité sous le nom de « testament de Lénine »[254].Dans ce texte, qu'il envisage de faire lire ou de présen-ter lui-même lors du XIIe congrès du Parti communiste- prévu au printemps 1923 - Lénine passe en revue plu-sieurs problèmes inhérents à l'organisation du Parti et sou-ligne les atouts et les faiblesses de plusieurs personnali-tés - Staline, Trotski, Zinoviev, Kamenev, Boukharine etPiatakov - qui pourraient chacune être appelée à devenirle principal dirigeant de l'Union soviétique. Il se gardenéanmoins de désigner explicitement son propre « suc-cesseur » et laisse le Comité central libre de ses choix.Le « testament » insiste notamment sur la rivalité entreTrotski et Staline, soulignant que ce dernier a concentré« un pouvoir immense entre ses mains », dont il n'est « passûr qu’il sache toujours en user avec suffisamment de pru-dence »[253].Le 4 janvier 1923, peut-être après avoir été informé desinjures proférées par Staline à l'égard de son épouse, ilajoute à sa lettre au congrès un addendum dans lequel ilreproche au secrétaire général d'être « trop grossier » (ou« trop brutal », selon les traductions) et préconise de leremplacer par quelqu'un qui soit « plus patient, plus loyal,plus poli et plus attentionné envers les camarades »[253].Durant les mois suivants, Lénine s’emploie à se prononcersur tous les domaines, en vue de faire prendre en compteses avis lors du prochain congrès[253]. Dans ses derniersarticles, publiés en janvier et mars 1923, il se penche surles questions de la bureaucratie et de l'organisation del'appareil politique[255]. Il vise notamment à trancher laquestion des compétences du Parti et de l'État et envi-sage de replacer le Parti au centre du système politique.Face aux problèmes du socialisme russe, la solution luisemble résider non pas dans l'introduction d'une formede pouvoir populaire, mais dans le renforcement des or-ganes du Parti. Pour ce faire, il prône notamment la réor-ganisation du Rabkrin (l'Inspection ouvrière et paysanne),chargée de superviser l'ensemble de l'administration, enla réduisant à un petit nombre de fonctionnaires char-gés de contrôler à la fois le Parti et l'État. Bien queconscient des dérives bureaucratiques de l'appareil d'Étatsoviétique, Lénine continue de placer ses espoirs dans leParti[251],[256].L'évolution de la pensée de Lénine, durant les derniersmois de sa vie, alors qu'il prend conscience du dan-ger représenté par Staline et qu'il entreprend de lut-ter contre la bureaucratie, a fait l'objet, chez les histo-riens, d'interprétations divergentes. Pour Moshe Lewin,la prise en compte par Lénine de la dimension humainede l'Histoire traduit une évolution capitale dans sa ré-flexion et, s’il avait vécu, l'histoire de l'URSS en auraitété radicalement changée. Hélène Carrère d'Encausse,tout en qualifiant l'étude de Moshe Lewin de « stimu-lante », se montre moins convaincue et souligne que lessolutions proposées par Lénine pour combattre la bureau-cratie s’avèrent elles-mêmes très bureaucratiques et que,si Lénine a indéniablement pris davantage en compte le

La dernière photo de Lénine, prise en 1923 ou 1924.

facteur humain - voire découvert l'« humanisme » - iln'en est pas moins resté attaché à sa conception du rôledirigeant du Parti ; pour elle, Lénine n'a en définitive« guère changé » au seuil de la mort[253],[256]. L'historienNicolas Werth souligne également que jamais Lénine,malgré l'évolution de sa pensée durant les derniers moisde sa vie, ne remet en cause l'usage de la violence[89]. Lesoviétologue Archie Brown juge quant à lui que Léninene se montre pas préoccupé par la nature dictatoriale despouvoirs détenus par Staline, mais bien par le fait que c'estStaline qui les détient[257].Durant sa maladie, Lénine apprend que Martov, en exilà Berlin, est lui-même mourant. Il s’enquiert à plusieursreprises du sort de son ancien camarade, allant jusqu'à de-mander s’il est possible de lui venir financièrement en aidepour se soigner, et regrettant la rupture de leur amitié[233].On ignore à quelle date précise Lénine découvre le com-portement de Staline à l'égard de Kroupskaïa : peut-êtrel'a-t-il appris à la fin du mois de décembre 1922, ce quil'aurait alors poussé à rédiger son addendum au « testa-ment » ; aucune certitude n'existe cependant à ce sujet.Ce n'est qu'au bout de plusieurs mois qu'il réagit explicite-ment à cet épisode : le 5 mars 1923, il envoie à Staline unelettre comminatoire, dans laquelle il lui reproche d'avoirinsulté son épouse et lui réclame des excuses sous peineque toute relation soit rompue entre eux. Le lendemain, ilfait porter à Trotski ses notes sur le dossier géorgien, et lecharge d'aborder cette question en son nom devant le Co-

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38 11 POSTÉRITÉ

mité central ; il envoie également aux Géorgiens une notedans laquelle il leur annonce son soutien. Mais le 10 mars,avant le XIIe Congrès du Parti qui aurait pu se révéler dé-cisif dans l'affrontement avec Staline, Lénine est frappéd'une nouvelle attaque, qui le laisse paralysé et incapablede parler distinctement[253].

10.3 Derniers mois

Le cercueil de Lénine, transporté lors de ses funérailles par LevKamenev, Félix Dzerjinski et Timofei Sapronov.

Lors du XIIe congrès, qui se déroule en avril 1923,Trotski annonce être en possession des notes de Léninesur la question nationale, mais Staline retourne la situa-tion en l'accusant de dissimuler des documents au Par-ti, ce qui ruine l'effort de Lénine pour être présent parl'intermédiaire de Trotski. Ce dernier, mis en positiond'accusé, se tient dès lors coi durant le congrès et ne faitaucun usage des notes de Lénine, tandis que Boukha-rine, qui avait tenté de contrer Staline, finit par renon-cer et soutenir ce dernier[258],[253]. Au cours de ce mêmecongrès, Kamenev et Zinoviev se livrent à un panégyriquede la pensée de Lénine. Le chef des bolcheviks avait pu,jusque-là, faire l'objet de critiques de la part des autrescadres du parti. Alors que Lénine est désormais mis àl'écart par la maladie, exalter les mérites du « léninisme »en tant qu'idéologie officielle du Parti commence à de-venir, pour chacun des dirigeants communistes, une ma-nière d'affirmer sa propre légitimité[259].À la mi-mai, Lénine est jugé transportable et emmené auManoir de Gorki. Encore capable de se faire comprendre,il réclame du poison à son épouse et à sa sœur, mais lesdeux femmes, qui espèrent le voir guérir, refusent. Laprésence de Preobrajenski, qui est lui-même en convales-cence dans les environs, l'aide à se détendre. En juillet, àsa demande, Lénine est transporté à Moscou, où il visiteses appartements du Kremlin. Il effectue là sa dernièresortie. Dans l'après-midi du 21 janvier 1924, il succombeà une nouvelle attaque[260]. Un communiqué officiel desautorités soviétiques annonce : « il n'est plus parmi nous,mais son œuvre demeure »[261].

Les causes exactes de la maladie et de la mort de Lé-nine ont fait l'objet de différentes hypothèses, qui dé-coulent en partie de celles émises à l'époque par ses dif-férents médecins. Ces derniers ont évoqué comme possi-bilités un empoisonnement dû au plomb contenu dans laballe tirée par Fanny Kaplan, et resté ensuite logée dansle cou de Lénine durant plus de trois ans ; d'aucuns ontégalement jugé que l'opération nécessaire pour retirer laballe du cou de Lénine a été la cause de dommages ir-réparables. La possibilité d'une artériosclérose cérébralea enfin été évoquée. L'hypothèse selon laquelle Lénineserait mort de la syphilis a été invalidée à l'époque parun test, mais reprise ensuite par ses adversaires politiquesen vue d'insinuer que le dirigeant soviétique menait unevie dissolue[262] ; elle a été cependant jugée crédible, surla base de diagnostics posthumes, dans une étude pu-bliée en 2004[263]. D'autres rumeurs ont également circu-lé, comme celle, évoquée par Trotski lui-même[264], d'unempoisonnement de Lénine par Staline[265]. En 2013, uneéquipe américano-russe de médecins juge, sur la basedes documents disponibles, que Lénine est probablementmort d'une artériosclérose, qui pourrait avoir été causéepar une anomalie génétique[266] ; l'hypothèse d'une mortcausée par l'artériosclérose est d'autant plus crédible quele père de Lénine, de même que son frère Dmitri et sessœurs Anna et Maria, sont tous morts des suites de pro-blèmes circulatoires[262].

11 Postérité

Articles connexes : Léninisme, Marxisme-léninisme,Stalinisme, Trotskisme, Maoïsme, Histoire du commu-nisme, Mausolée de Lénine, Liste de monuments dédiésà Lénine et Liste de lieux nommés d'après Lénine.

Le Mausolée de Lénine, à Moscou.

11.1 Le culte de Lénine au sein du mouve-ment communiste

Immédiatement après la mort de Lénine, le Politburo or-donne que son corps soit mis dans la glace, en atten-

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11.1 Le culte de Lénine au sein du mouvement communiste 39

Statue de Lénine à Almaty (Kazakhstan).

Billet de 50 roubles à l'effigie de Lénine, 1947.

dant de trouver le meilleur moyen de le conserver. Unecryogénisation est un temps envisagée, mais le corps estfinalement embaumé et exposé publiquement dans unmausolée sur la Place Rouge à Moscou, malgré les protes-tations de Kroupskaïa[267]. Lénine est, après sa mort, utili-sé comme une icône par le régime soviétique ; des monu-ments lui sont consacrés et de nombreux lieux sont rebap-tisés en son honneur : Pétrograd (ex-Saint-Pétersbourg)est ainsi rebaptisé Leningrad ; Simbirsk, sa ville de nais-sance, prend le nom d'Oulianovsk tandis que VichnieGorki, où il est mort, prend celui de Gorki Leninskie.L'image de Lénine devient omniprésente : statues, bustes,fresques et monuments divers consacrés à Lénine de-viennent un élément important du paysage soviétique et,plus tard, se généralisent aux autres régimes commu-nistes. On lui consacre des livres, des timbres, des photos

et des films[196]. Une littérature de propagande tend à fairede Lénine une sorte de Saint : Maxime Gorki le présentecomme « un héros de légende, un homme qui a arrachéde sa poitrine son cœur brûlant pour l'élever comme unflambeau et éclairer le chemin des hommes »[268].

Pièce de 1 rouble commémorant le 115e anniversaire de la nais-sance de Lénine.

Sur le plan idéologique, la pensée de Lénine est d'embléeérigée en référence politique indépassable. Deux joursaprès la mort de Lénine, le gouvernement soviétique pu-blie la brochure Lénine et le léninisme, Les dirigeants so-viétiques s’empressent, immédiatement après la mort deLénine, de revendiquer l'héritage intellectuel de ce der-nier, souvent de manière contradictoire et dans le cadrede leurs rivalités respectives. Trotski publie dès janvier1924 la brochure Cours nouveau (réunissant des articlespubliés à la fin 1923), dans laquelle il se revendique duléninisme pour pourfendre le bureaucratisme de l'appareilet soutenir sa théorie de la révolution permanente[11].Entre avril et octobre 1924, Staline prononce une sériede conférences, réunis ensuite dans l'opuscule Les Prin-cipes du léninisme : le secrétaire général du Parti présenteune synthèse de la pensée de Lénine, qu'il systématise enun tout cohérent, simplifiant au passage ses conceptionsmarxistes, et dont il fait une doctrine obligatoire pourl'ensemble du mouvement communiste, qui lui permet des’introniser gardien de l'orthodoxie[11]. Zinoviev publieen 1925 une brochure intitulée Le Léninisme, surtout des-tinée à dénoncer Trotski. Les membres de l'Oppositionde gauche, qui regroupe les partisans de Trotski et diversadversaires de Staline, se disent quant à eux « bolcheviks-léninistes »[269]. Boukharine et Kamenev participent éga-lement à la mise en avant du léninisme comme idéologiede référence[267]. La veuve de Lénine et ses deux sœurscontribuent à entretenir sa mémoire, qui se mue dansle discours officiel en une dévotion quasi-religieuse[267] ;Maria, en particulier, publie sur son frère des souve-nirs hagiographiques et souvent fantaisistes ; en 1926, ellesoutient Staline en assurant que Lénine avait toujours ac-cordé à ce dernier une entière confiance[270].En mai 1923, les notes composant le « testament de Lé-nine » sont communiquées au Comité central par NadejdaKroupskaïa[271] ; le 22 mai, le CC débat de l'opportunitéde démettre Staline de ses fonctions et de communiquerle document au Parti. Staline croit, ou feint de croireque sa carrière est achevée, et propose de démissionner.Mais, tandis que Trotski s’abstient d'intervenir, Staline

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40 11 POSTÉRITÉ

Mosaïque dans le métro de Moscou.

est soutenu par Kamenev et Zinoviev ; ce dernier, notam-ment, déclare : « nous sommes heureux de constater queles craintes d'Ilitch concernant notre secrétaire généraln'étaient pas fondées ». La passivité des autres dirigeantspermet à Staline de conserver son poste et de consolider,dans les années qui suivent, sa dictature personnelle, touten se présentant comme le disciple, le continuateur et leseul exégète autorisé de Lénine, tout en éliminant ceuxqui l'avaient soutenu. Malgré l'insistance de Kroupskaïa,le CC décide, par 30 voix contre 10, de ne pas commu-niquer le texte au congrès du Parti[272]. En 1925, le testa-ment est publié hors d'URSS par des partisans de Trots-ki comme Max Eastman. Les autorités soviétiques dé-noncent alors le texte comme un faux ; Trotski lui-mêmedoit, sous la pression de Staline, désavouer ses proprespartisans et signer une déclaration qui nie l'existence dutestament[273]. Deux ans plus tard, reprenant le combatcontre Staline, Trotski mentionne à nouveau le testamentdont il avait nié l'existence, et réclame en vain qu'il soitrendu public[274].Bien que le courant trotskiste - bientôt réduit à la clan-destinité ou à l'exil - continue de se réclamer de Lé-nine, c'est Staline qui s’impose, en URSS et au sein del'Internationale communiste, comme le seul interprète au-torisé de Lénine[267] ; il fixe pour des décennies la doc-trine communiste, résumant la pensée et les analyses deLénine par une série de formules répétitives et de proces-sus historiques rigides. L'expression marxisme-léninismeest par la suite créé pour désigner l'interprétation des pen-sées de Marx et de Lénine en vigueur en URSS, puisdans les autres régimes communistes[11],[267]. La publi-cation des textes de Lénine - et notamment de ses œuvrescomplètes, dont l'édition officielle est maintes fois re-poussée et remaniée - s’effectue désormais, en URSS, augré des besoins politiques conjoncturels du régime ; sesécrits sont soumis, si besoin, à une sévère censure, le pou-voir soviétique s’attachant à ne présenter de la pensée deLénine que la version qui sert le mieux ses intérêts du

moment[275]. En 1938, une directive secrète du Comitécentral, rendue publique vingt ans plus tard, interdit la pu-blication en URSS de nouveaux ouvrages sur Lénine[276].

Buste de Lénine à Salihorsk (Biélorussie).

Le cerveau de Lénine est, à sa mort, prélevé et conser-vé dans du formol. Deux ans plus tard, le gouvernementsoviétique demande au neuroscientifique Oskar Vogt del’étudier, dans l'espoir que ses travaux permettent de dé-couvrir la source du « génie » de Lénine ; un Institutdu cerveau est créé spécialement à Moscou pour per-mettre à Vogt de poursuivre ses recherches. Vogt pu-blie en 1929 un article sur le cerveau dans lequel il rap-porte que certains neurones pyramidaux dans la troisièmecouche du cortex cérébral de Lénine étaient particulière-ment larges ; cependant, les théories de Vogt sur les liensentre l'intelligence et la structure du cerveau ont depuisété discréditées. Les Soviétiques cessent par la suite depublier des informations sur le cerveau de Lénine. Lesscientifiques tendent aujourd'hui à considérer que le cer-veau de Lénine était tout à fait normal et ne se distinguaitque par la taille du lobe frontal[277],[278].Lénine continue, après la déstalinisation, d'être considérécomme une référence politique et intellectuelle, sa figureétant désormais opposée à celle de Staline dans le dis-cours officiel du mouvement communiste : en 1956, dansson rapport au XXe congrès du PCUS, Nikita Khroucht-chev oppose ainsi la « grande modestie du génie de

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11.2 Jugements et controverses sur son rôle historique 41

la révolution, Vladimir Ilitch Lénine » au culte de lapersonnalité dont s’entourait Staline[279]. L'existence du« testament de Lénine » est alors reconnue par l'URSS,et les remarques de Lénine sur la personnalité de Stalinesont rendues publiques[267]. La référence à Lénine de-meure fondamentale au sein du mouvement communiste,mais héritage est revendiqué de manière contradictoirepar des camps opposés. Khrouchtchev présente ainsi ladéstalinisation comme un retour à Lénine et aux sourcesdu socialisme[280] ; mais Mao Zedong et ses partisans,qui refusent la déstalinisation, s’appuient eux aussi sur demultiples références aux textes de Lénine au moment dela rupture sino-soviétique puis durant la révolution cultu-relle, pour arguer de la nécessité de nouvelles révolutionset dénoncer la politique soviétique[11].Durant toute la période de la guerre froide, la figure deLénine continue d'être officiellement honorée en URSSet dans les pays du Bloc de l'Est ; seule une version idéa-lisée et hagiographique du personnage est cependant au-torisée dans l'historiographie communiste, au mépris deses aspects humains et de la complexité de sa pensée[267] ;cette utilisation de l'image de Lénine aboutit à réduirece dernier à ce que le politologue Dominique Colas dé-crit comme un « ectoplasme au service du pouvoir »[196].Même chez une partie des adversaires du système sovié-tique, Lénine continue de faire l'objet d'un certain res-pect. L'historien et dissident soviétique Roy Medvedevpublie ainsi dans les années 1960-1970 des travaux par-ticulièrement critiques à l'égard du stalinisme, tout encontinuant de présenter une figure idéalisée de Lénine,qu'il oppose à celle de Staline[281].

11.2 Jugements et controverses sur sonrôle historique

Le rôle historique de Lénine fait l'objet d'un grandnombre d'études, que l'ouverture des archives soviétiquesfacilite en apportant un nouvel éclairage sur son ac-tion politique. Si le rôle fondamental de Lénine dansl'histoire du XXe siècle n'est généralement pas contes-té, d'autres points sont plus polémiques ; la questionde la continuité entre le léninisme et le stalinisme anotamment fait l'objet d'interprétation contrastées, cer-tains auteurs arguant d'une rupture entre l'époque léni-niste et l'époque stalinienne, d'autres considérant Stalinecomme un digne héritier de Lénine, qui aurait pleine-ment profité de l'appareil répressif mis en place par Lé-nine, tout en élevant les pratiques dictatoriales à un niveausupérieur[267].Après la déstalinisation, des interprétations affirment quele léninisme de l'époque de la Nouvelle politique écono-mique était un régime d'une nature toute différente quela dictature de Staline ; dans les années 1970, à l'époquede l'Eurocommunisme, divers partis communistes oc-cidentaux débattent du rôle de Lénine, certains voyantdans le Lénine des dernières années un précurseur du

« socialisme à visage humain », d'autres allant jusqu'às’interroger sur ses pratiques dictatoriales et son usagede la terreur. Plusieurs partis communistes occidentauxcessent alors de faire référence au léninisme dans leursstatuts[267]. Lors de la fin de la guerre froide, l'ouvertureaux chercheurs des archives soviétiques permet de dé-couvrir les directives dans lesquelles Lénine prône, avecconstance, les mesures répressives les plus brutales àl'égard des opposants[89].

La figure de Lénine dans un bar lillois.

Boris Souvarine voit en Lénine « un utopiste pour quila fin justifie les moyens », et commente : « Lénine citeMarx pour justifier le régime soviétique identifié à la “dic-tature du prolétariat”, alors que Marx entendait par cetteexpression une “hégémonie politique” résultant du “suf-frage universel" ; ce qui n'a rien de commun avec le mo-nopole d'un parti, l'omnipotence d'une “oligarchie” (Lé-nine dixit), un Guépéou inquisitorial et un archipel duGoulag »[282]. Il tourne en dérision le culte de « SaintLénine » et estime qu'« on reconnaît un arbre à sesfruits », concluant : « Il serait absurde de confondre Lé-nine et Staline dans une même appréciation sans nuancescomme de prétendre que le maître n'est pour rien dansles turpitudes de son disciple. En conscience, on ne sau-rait écrire désormais sur Lénine en fermant les yeux surles conséquences du léninisme et de son sous-produit, lestalinisme ; sur l'injustice atroce des répressions, des exac-tions, des dragonnades, des pogromes, des hécatombes ;sur les tortures et la terreur infligées aux peuples co-bayes de “l'expérience socialiste” ; sur l'avilissement dela classe ouvrière, l'asservissement de la classe paysanne,l'abrutissement de la jeunesse studieuse, l'anéantissementd'une intelligentsia qui faisait honneur à la Russie de tou-jours. Lénine n'avait pas voulu cela. Quand même, poursa large part, il en est responsable[283] ».L'historien Stéphane Courtois, coauteur du Livre noirdu communisme, juge que la pensée et la pratique po-litique de Lénine font de lui le véritable inventeurdu totalitarisme, Staline n'ayant été que son « par-fait exécuteur testamentaire »[9]. L'un des biographesde Lénine, l'historien et militant trotskiste Jean-JacquesMarie, déplore en 2004 qu'après « un demi-siècle

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42 12 TERREUR ET CRIMES DE MASSE

d'hagiographie » imposée par le discours officiel so-viétique, la figure de Lénine soit désormais diabolisée,dans des écrits qui le présentent comme un monstre ouune sorte d'Antéchrist[275]. L'historienne Hélène Carrèred'Encausse, autre biographe, remarque au contraire queLénine « échappe au jugement » - ou du moins y a échap-pé pendant longtemps - car il a été assimilé à l'incarnationdu marxisme orthodoxe, donc du projet de Marx, tandisque la condamnation a, durant des décennies, frappé leseul Staline, accusé d'avoir corrompu l'œuvre léniniste.Hélène Carrère d'Encausse insiste sur le caractère excep-tionnel de Lénine, « prodigieux tacticien » et « génie poli-tique », « inventeur des moyens de transformer une utopieen État », bien que théoricien finalement « fort moyen » ;elle rappelle cependant la contradiction entre « un dis-cours dont le thème dominant est le bien de l'humanité etune pratique fondée sur le malheur des hommes, pour le-quel Lénine n'eut jamais un mot de pitié, et encore moinsde remords » et juge que le succès de l'entreprise révolu-tionnaire de Lénine « ne justifie rien des tragédies inhé-rentes à l'entreprise léniniste »[284].

11.3 Condamnation posthume lors de lafin de l'URSS, puis réhabilitationpartielle sous Poutine

La période de la Perestroïka aboutit dans les années 1980-90 à une réévaluation, voire un renversement de l'imagede Lénine en URSS. Le mouvement de réformes impulsépar Mikhaïl Gorbatchev se présente d'abord comme unretour aux sources de la pensée léniniste, mais la rééva-luation de l'histoire soviétique, l'ouverture des archiveshistoriques dans le cadre de la Glasnost aboutissent à unerelecture de plus en plus critique du rôle de Lénine lui-même, dont l'image se dégrade aux plans idéologique etpersonnel. Le 11 mars 1990, le jour même où le rôle di-rigeant du PCUS est aboli, l'historien et député réforma-teur Iouri Afanassiev, lors d'une intervention retransmiseen direct à la télévision soviétique, critique Lénine enlui reprochant d'avoir « élevé la violence, la terreur demasse en principe d'État » et « l'illégalité en principe po-litique de l'État »[285]. Si le début de la Perestroïka et de laGlasnost s’était accompagné d'une redécouverte du pas-sé stalinien, les années 1990-1991 voient une remise encause, en URSS, de la figure historique de Lénine. Le sta-linisme est, de manière croissante, présenté comme unecontinuation logique de la période léniniste ; avec la finde la censure en Union soviétique, une grande partie desnouveaux journaux tend, de manière croissante, à présen-ter Lénine comme un criminel sanguinaire et à dénoncerla révolution d'Octobre, tandis que le passé tsariste estsouvent idéalisé[280]. Avec la chute des régimes commu-nistes en Europe, de nombreuses statues de Lénine sontabattues en tant que symbole des anciens régimes. Uncertain nombre de monuments en l'honneur de Lénineexistent encore cependant en Europe, surtout en Russie,mais également dans des pays ex-communistes d'Europe

de l'Est[286].

Statue de Lénine à Hanoï (Viêt Nam).

Après la chute de l'URSS à la fin 1991, la période com-muniste dans son ensemble a été condamnée en Russie,sous la présidence de Boris Eltsine. En 1993, Eltsine sup-prime la garde d'honneur du mausolée de Lénine[287]. Ilest un temps envisagé de faire enterrer le corps et de sup-primer le mausolée, mais ce projet est finalement aban-donné : le mausolée de Lénine continue d'être un monu-ment touristique visité en Russie. En janvier 2011, le par-ti Russie unie a créé un site Web où l’on peut voter pourou contre l’enterrement du corps de Lénine[288],[289],[290].En 2012, la possibilité de faire retirer tous les monu-ments consacrés à Lénine est évoquée devant le par-lement russe ; cette proposition se heurte cependant aufait qu'il est illégal, en Russie, de détruire un monumenthistorique[291].Après l'élection de Vladimir Poutine en 2000, la figurede Lénine fait l'objet en Russie d'une certaine réhabili-tation, ce qui lui vaut d'être présenté avant tout commeun grand homme d'État, fondateur de l'URSS - futuresuperpuissance - et, par là-même, artisan de la moder-nisation de la Russie. L'idéologie communiste de Léninetend, a contrario, à être occultée[292].

12 Terreur et crimes de masse

L'utilisation de la terreur, de la violence et des mesuresdictatoriales pour assurer le triomphe de la révolution,tient une place primordiale dans la pensée de Lénine[89].

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43

Lénine élabore le concept de « Terreur de masse » dès1905, au lendemain de la répression de la première Révo-lution russe par le régime tsariste[202]. Ce concept est misen pratique une fois la révolution commencée - révolu-tion dans laquelle les bolchéviques sont très minoritaires,par ailleurs[202] - par une « politique volontariste, théori-sée et revendiquée [...] comme un acte de régénération ducorps social[202]. » La terreur est « l’instrument d’une poli-tique d’hygiène sociale visant à éliminer de la nouvelle so-ciété en construction des groupes définis comme « enne-mis »[202] » ; sont ainsi voués à la mort la « bourgeoisie »,les propriétaires fonciers et les koulaks, vus comme des« paysans exploiteurs » [202]. Ceux-ci sont considérés dansle vocable léninien comme des « insectes nuisibles », des« poux », des « vermines », des « microbes[202] », dontil faut « épurer », « nettoyer », « purger » la sociétérusse[202].Lénine crée en 1919, en pleine guerre civile, un sys-tème de camps de concentration[2] ; « les camps deconcentration et la peine de mort deviennent dès ce mo-ment des composantes indispensables du système de Ter-reur, qui, pour Lénine, est inséparable de la dictature dupeuple[293]. »Lénine est également le principal responsable d'une poli-tique de déportation de populations entières, ainsi traitéescar vues comme « ennemies du régime soviétique » ; laplus marquante d'entre elles étant la « décosaquisation »,une politique visant à exterminer les Cosaques, liés au ré-gime tsariste et supposés « riches », dès 1919[224].L'usage de la violence de masse, en accord avec lesconceptions léninistes, est bien plus importante que sousle régime dictatorial de Nicolas II : en seulement quelquessemaines, la Tchéka exécute deux à trois fois plus de per-sonnes que l'ancien régime n’en avait condamné à morten 92 ans[294].Les exactions commises à l'encontre des populations ci-viles commencent, dans les territoires de la future Unionsoviétique, sous le gouvernement de Lénine[295],[296],elles sont seulement poursuivies, et non initiées par sonsuccesseur, Joseph Staline. De même, la propagande demasse et un culte de la personnalité sont utilisés en UnionSoviétique pour rallier la population du pays aux idéesdu régime déjà sous Lénine, bien avant que Staline neprenne le pouvoir[297],[298],[299]. Ces méthodes de gouver-nement, « mises en place par Lénine et systématisées parStaline[300] », ont précédé celles des nazis, et pourraientmême les avoir inspirées, notamment en ce qui concernel'utilisation des camps de concentration[300],[301].

13 Dictature et totalitarisme

Dès les premiers temps du régime soviétique, les mé-thodes dictatoriales employées par Lénine font l'objet devives critiques dans les rangs socialistes, et sont l'une desprincipales causes de la rupture entre le socialisme dé-

Plaque commémorative à Leipzig, RDA (1955).

mocratique et le communisme. En 1920, lors du congrèsde Tours, Léon Blum dénonce la vision léniniste dela dictature du prolétariat, qui n'est en fait à ses yeuxque la « dictature exercée par un parti centralisé, oùtoute l'autorité remonte d'étage en étage et finit par seconcentrer entre les mains d'un comité patent ou oc-culte », soit finalement la « dictature de quelques in-dividus »[302]. Karl Kautsky s’en prend, dans l'entre-deux-guerres, aux mesures dictatoriales du régime bol-chevik, dont il juge qu'elles conduisent, tout autant que lefascisme, à l'oppression du prolétariat : la différence étantque cette oppression est une intention de départ dans lefascisme, tandis que dans le bolchevisme, elle est le ré-sultat naturel des méthodes employées. Kautsky va jus-qu'à considérer que « Mussolini n'est que le singe de Lé-nine »[303].Diverses analyses existent quant au rôle personnel de Lé-nine dans l'évolution totalitaire de l'État soviétique. Lejugement porté sur Lénine par la philosophe HannahArendt évolue avec le temps : elle conteste dans un pre-mier temps que Lénine ait détruit toute démocratie in-terne au Parti bolchevik, et considère que Staline est levéritable coupable du basculement de la Russie dans letotalitarisme ; sa réflexion l'amène ensuite à considérerque Lénine, en commettant l'erreur fondamentale de pré-férer l'outil de la dictature à celui de la démocratie pourfaire triompher la révolution, a abouti à priver les Sovietsde tout pouvoir véritable au profit du Parti. Elle conti-nue cependant d'attribuer au seul Staline la responsabilitéde la nature proprement totalitaire du régime[304] : pour

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44 15 NOTES ET RÉFÉRENCES

elle, les « phases totalitaires » du régime soviétique, paropposition aux « phases autoritaires », correspondent àla grande terreur stalinienne et à la période 1950-1953.Cette analyse est contestée par d'autres auteurs, commeLeonard Schapiro, qui considèrent que le totalitarisme so-viétique commence dès l'époque de Lénine[305].Dominique Colas, pour sa part, considère que Lénine est,en tant qu'« inventeur de la dictature du parti unique »,le « prototype des tyrans modernes »[8] ; à ses yeux, si lesidées contenues dans Que faire ? ne sauraient être consi-dérées comme la cause unique de l'évolution de la révo-lution russe, le « programme démiurgique » de Lénine etla logique léniniste n'en tiennent pas moins un rôle im-portant dans l'histoire de l'URSS, ce qui permet de se de-mander si le parti tel que le concevait Lénine n'est pas la« matrice du totalitarisme »[306].Nicolas Werth juge, dans un article de l'EncyclopædiaUniversalis, que c'est bien Lénine qui est à l'originede la nature totalitaire du communisme moderne[224].Stéphane Courtois juge également fondamental le rôledu léninisme dans le développement du totalitarisme[9]

et le philosophe et historien Tzvetan Todorov qualifieLénine de « fondateur du premier État totalitaire »[10].De même, le magazine américain Time présente Léninecomme « l'initiateur de la tragédie de notre ère, la montéeen puissance des États totalitaires[307]. »

14 Écrits

Article détaillé : Œuvres et bibliographie de/sur Lénine.

Lénine est l’auteur d'une œuvre théorique etphilosophique qui se veut dans la continuité de cellede Karl Marx, dont il a défendu les interprétationsorthodoxes contre les « révisionnistes » comme EduardBernstein.Parmi ses nombreux écrits (ses œuvres complètes ont étépubliées en français en 45 volumes) on peut retenir :

• Que faire ? [308]

• Matérialisme et empiriocriticisme[309]

• L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme[310]

• L'État et la Révolution[311]

• La Maladie infantile du communisme (le « gau-chisme »)[312]

15 Notes et références

[1] On trouve parmi ses textes les plus fondamentaux Quefaire ?, L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme,

L'État et la Révolution, La Maladie infantile du commu-nisme (le « gauchisme »), et Matérialisme et empiriocriti-cisme

[2] Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, Encyclopédie La-rousse

[3] Lénine fait partie de la liste des 100 personnes les plusinfluentes du XXe siècle élaborée par TIME.

[4] Lénine lui-même soulignait la proximité de son actionavec la Terreur sous la Révolution française, expliquantnotamment que le nouveau pouvoir avait besoin de son« Fouquier-Tinville, qui nous matera toute la racaillecontre-révolutionnaire. » Cité dans Le Livre noir du com-munisme 1997, p. 83-84

[5] Lénine expose sa vision de l'utilisation de l'action desmasses afin d'instaurer la terreur dans une lettre adresséeà Zinoviev en ces termes, croyant que celui-ci avait empê-ché des débordements meurtriers de la part des ouvriers :

« Camarade Zinoviev ! Nous venons justed'apprendre que les ouvriers de Petrogradsouhaitaient répondre par la terreur de masseau meurtre du camarade Volodarski et quevous (pas vous personnellement, mais lesmembres du comité du Parti de Petrograd)les avez freinés. Je proteste énergiquement !Nous nous compromettons : nous prô-nons la terreur de masse dans les résolu-tions du soviet, mais quand il s’agit d'agir,nous faisons obstruction à l'initiative absolu-ment correcte des masses. C'est i-nad-mis-sible ! Les terroristes vont nous considérercomme des chiffes molles. Il est indispen-sable d'encourager l'énergie et le caractère demasse de la terreur dirigée contre les contre-révolutionnaires, spécialement à Petrograd,dont l'exemple est décisif. »

Cité dans Le Livre noir du communisme 1997, p. 102

[6] D'autres dirigeants révolutionnaires, comme Léon Trots-ki, usaient eux aussi de l'analogie avec la Terreur fran-çaise :

« Dans moins d'un mois, la terreur vaprendre des formes très violentes, à l'instar dece qui s’est passé lors de la Grande révolutionfrançaise. Ce ne sera plus seulement la pri-son, mais la guillotine, cette remarquable in-vention de la Grande révolution française, quia pour avantage reconnu celui de raccourcirun homme d'une tête, qui sera prête pour nosennemis. »

Cité dans Le Livre noir du communisme 1997, p. 86

[7] Anne Applebaum, Gulag : a history, Penguin Books,2003, pages 12-36

[8] Colas 1987, p. 105

[9] Stéphane Courtois, Communisme et totalitarisme, Perrin,2009, pages 63-95

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45

[10] Tzvetan Todorov, L'Expérience totalitaire, in Le Siècle destotalitarismes, Robert Laffont, 2010, page 457

[11] Colas 1987, p. 110-114

[12] Le Petit Robert des noms propres - 2012 : édition des 60ans : dictionnaire illustré, paru en mai 2011, page : 1311.ISBN 978-2-84902-888-9

[13] Figes 1998, p. 142

[14] Service 2000, p. 16-23, 28-29

[15] Carrère d'Encausse 1998, p. 21

[16] Helen Rappaport, Conspirator : Lenin in Exile,BasicBooks, 2010, p. 11.

[17] Service 2000, p. 23-25

[18] Service 2000, p. 25-27

[19] Service 2000, p. 27-29

[20] Carrère d'Encausse 1998, p. 23

[21] Le père de Lénine est décoré de l'Ordre de Saint-Vladimir, IIIe classe. Cette classe donne accès à la no-blesse héréditaire. Ainsi se trouve ici confirmé le titre denoble dont jouit à titre personnel (et héréditaire ensuite)le père de Lénine. Ce n'est donc pas, aux termes de laloi russe de l'époque, un anoblissement mais une simpleconfirmation de privilèges. Cette question, peu surpre-nante s’agissant du fils d'un haut fonctionnaire de l'Empirerusse, est abordée par de nombreux auteurs russes (voirTitres, uniformes et ordres de l'Empire russe, (ru) Титулы,мундиры и ордена Российской империи) de Léonid E.Chepelev (Леонид Ефимович Шепелев).

[22] Service 2000, p. 30-53

[23] Figes 1998, p. 6-13

[24] Figes 1998, p. 30-51

[25] Figes 1998, p. 134-141

[26] Figes 1998, p. 17-24

[27] Carrère d'Encausse 1998, p. 24

[28] Service 2000, p. 49-51

[29] Carrère d'Encausse 1998, p. 25-26

[30] Service 2000, p. 56-59

[31] Marie 2004, p. 32

[32] Service 2000, p. 60

[33] Carrère d'Encausse 1998, p. 26-27

[34] Marie 2004, p. 35-36

[35] Carrère d'Encausse 1998, p. 27-28

[36] Figes 1998, p. 131-132

[37] Marie 2004, p. 36-41

[38] Service 2000, p. 79-85

[39] Carrère d'Encausse 1998, p. 28

[40] Service 2000, p. 85-86

[41] Carrère d'Encausse 1998, p. 28-29

[42] Service 2000, p. 86-90

[43] Colas 1987, p. 6

[44] Brown 2009, p. 32-33

[45] Marie 2004, p. 46-50

[46] Service 2000, p. 102-103

[47] Service 2000, p. 104-106

[48] Carrère d'Encausse 1998, p. 83

[49] Service 2000, p. 106-109

[50] Service 2000, p. 116

[51] Service 2000, p. 111-121

[52] Carrère d'Encausse 1998, p. 34-35

[53] Marie 2004, p. 59

[54] Carrère d'Encausse 1998, p. 36-37

[55] Service 2000, p. 121-123

[56] Le Développement du capitalisme en Russie sur le siteMarxists Internet Archive.

[57] Service 2000, p. 123-125

[58] Marie 2004, p. 61

[59] Marie 2004, p. 62-65

[60] Service 2000, p. 130-136

[61] Marie 2004, p. 69-70

[62] Service 2000, p. 137-138

[63] La première missive signée Lénine date du 21 septembre1901 ; cf Colas 1987, p. 13

[64] Colas 1987, p. 13-16

[65] Carrère d'Encausse 1998, p. 104-105

[66] Colas 1987, p. 16-21

[67] Colas 1987, p. 41

[68] Carrère d'Encausse 1998, p. 106

[69] Service 2000, p. 144-145

[70] Service 2000, p. 147-152

[71] Carrère d'Encausse 1998, p. 101-102

[72] Carrère d'Encausse 1998, p. 106-118

[73] Texte intégral sur marxists.org

[74] Service 2000, p. 157-165

Page 46: Vladimir Ilitch Lénine

46 15 NOTES ET RÉFÉRENCES

[75] Carrère d'Encausse 1998, p. 118-124

[76] Robert Service, Trotsky : a biography, Pan Books, 2009,pages 82-83

[77] Carrère d'Encausse 1998, p. 124-130

[78] Carrère d'Encausse 1998, p. 130-131

[79] Carrère d'Encausse 1998, p. 133-142

[80] Marie 2004, p. 99-100

[81] Deux tactiques de la Social-Démocratie dans la révolutiondémocratique, 1905, texte sur marxists.org

[82] Riasanovsky 1999, p. 505-506

[83] Service 2000, p. 168-175

[84] Service 2000, p. 176-178

[85] Carrère d'Encausse 1998, p. 152-170

[86] Service 2000, p. 179-181

[87] Colas 1987, p. 22-29

[88] Colas 1987, p. 42

[89] Nicolas Werth, « Lénine est aussi coupable que Staline »,L'Histoire, no 324, octobre 2007

[90] Service 2000, p. 177

[91] Selon une tradition qui se transmet entre générationsd'élèves de cet établissement, Lénine aurait été pendantquelque temps surveillant ou répétiteur au Collège Stanis-las durant son séjour à Paris ; cf Georges Sauvé, Le CollègeStanislas : deux siècles d'éducation, Éditions Patrimoines& médias, 1994, page 341

[92] Carrère d'Encausse 1998, p. 171-190

[93] Marie 2004, p. 122-123

[94] Colas 1987, p. 32-33

[95] Service 2000, p. 190-192

[96] Service 2000, p. 192-194

[97] Marie 2004, p. 123-127

[98] Carrère d'Encausse 1998, p. 190-196

[99] Service 2000, p. 197-200

[100] Service 2000, p. 204-206

[101] Colas 1987, p. 43-44

[102] Colas 1987, p. 45

[103] Service 2000, p. 206-212

[104] Colas 1987, p. 52-54

[105] Carrère d'Encausse 1998, p. 198-200

[106] Service 2000, p. 394-396

[107] Carrère d'Encausse 1979, p. 117-118

[108] Service 2000, p. 220-221

[109] Carrère d'Encausse 1998, p. 200-206

[110] Service 2000, p. 222-223

[111] Carrère d'Encausse 1998, p. 216-217

[112] Service 2000, p. 223-226

[113] Carrère d'Encausse 1998, p. 220-223

[114] Marie 2004, p. 159-160

[115] Carrère d'Encausse 1998, p. 224-229

[116] Michel Dreyfus, L'Europe des socialistes, Complexe,1991, pages 67-69

[117] Winock 1992, p. 137-138

[118] Service 2000, p. 235

[119] Carrère d'Encausse 1998, p. 216-222

[120] Marie 2004, p. 160-161

[121] Service 2000, p. 248

[122] Service 2000, p. 239-244

[123] Service 2000, p. 245

[124] Marie 2004, p. 161-162

[125] L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme, texte inté-gral sur marxists.org.

[126] Riasanovsky 1999, p. 506-507

[127] Carrère d'Encausse 1998, p. 232-233

[128] Marie 2004, p. 164

[129] Carrère d'Encausse 1998, p. 254-256

[130] Werth 2004, p. 78-82

[131] Figes 1998, p. 307-345

[132] Carrère d'Encausse 1998, p. 260-261

[133] La Wilhelmstrasse facilite le retour en Russie de« quelques centaines de Russes (de toutes nuances poli-tiques, non pas les seuls bolcheviks) », décision acceptéepar l’état-major allemand » cf. Boris Souvarine Contro-verse avec Soljénitsyne, Éditions Allia, 1990, 167 pages,p. 43-45 (ISBN 2904235248).

[134] « Suisse-Russie : retour des Bolcheviks » de ChristianFavre

[135] Service 2000, p. 253-262

[136] (en) George Katkov, « German Foreign Office Documentson Financial Support to the Bolsheviks in 1917. », Inter-national Affairs 32 (1956).

[137] (en) Stefan Possony, Lenin : The Compulsive Revolution-ary, Chicago : Regnery (1964).

[138] Carrère d'Encausse 1998, p. 298

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47

[139] (en) États-Unis, Committee on Public Information, TheGerman-Bolshevik Conspiracy, War Information Series,numéro 20, octobre 1918.

[140] George F. Kennan, « The Sisson Documents », Journalof Modern History 27-28 (1955-1956), p. 130-154.

[141] Dans ses mémoires, le général en chef allemandLudendorff explique qu’il espérait que la révolution enRussie amènerait la décomposition de l’armée tsariste et leretour en Russie de révolutionnaires favorables à une paixséparée avec l’Allemagne ; cf. Erich Ludendorff, MeineKriegserinnerungen 1914—1818, Berlin, 1919. Traduc-tion française : Souvenirs de guerre (1914-1918), Payot,1920.

[142] Service 2000, p. 262-263

[143] « 2 000 ans d’histoire », France Inter, 6 novembre 2007.

[144] Carrère d'Encausse 1998, p. 258-271

[145] Figes 1998, p. 385-387

[146] Les tâches du prolétariat dans la présente révolution, thèsesd'avril, 1917, Pétrograd, thèse no 5, texte intégral surmarxists.org.

[147] Service 2000, p. 282-288

[148] Carrère d'Encausse 1998, p. 278-285

[149] Service 2000, p. 292-297

[150] Brown 2009, p. 56-57

[151] André Piettre, Marx et marxisme, Presses universitaires deFrance, 1966, pages 79-91

[152] Carrère d'Encausse 1998, p. 288-291

[153] Werth 2004, p. 116-122

[154] Service 2000, p. 301

[155] Carrère d'Encausse 1998, p. 292-301

[156] Werth 2004, p. 122-133

[157] Figes 1998, p. 469-473

[158] Le Livre noir du communisme 1997, p. 61

[159] Figes 1998, p. 476-477

[160] Service 2000, p. 309-310

[161] Figes 1998, p. 480-495

[162] Werth 2004, p. 133-136

[163] Isaac Deutscher, Trotsky : the prophet armed 1879-1921,Verso, édition de 2003, page 269. Deutscher précise quela version de Trotski n'a, sur ce point, jamais été mise endoute par aucune source.

[164] Carrère d'Encausse 1979, p. 95-96

[165] Figes 1998, p. 496-507

[166] Werth 2004, p. 136-140

[167] Texte intégral sur marxists.org

[168] Figes 1998, p. 630

[169] Werth 2004, p. 183-195

[170] Carrère d'Encausse 1979, p. 118

[171] Carrère d'Encausse 1998, p. 487-518

[172] Carrère d'Encausse 1998, p. 402-410

[173] Werth 2004, p. 133

[174] Figes 1998, p. 507-517

[175] Carrère d'Encausse 1979, p. 96

[176] Carrère d'Encausse 1979, p. 97

[177] Carrère d'Encausse 1998, p. 370-381

[178] Service 2000, p. 338-346

[179] Werth 2004, p. 140-143

[180] Werth 2004, p. 143-148

[181] Marie 2004, p. 266

[182] Werth 2004, p. 150-156

[183] Le Livre noir du communisme 1997, p. 84

[184] Carrère d'Encausse 1998, p. 431-433

[185] Le Livre noir du communisme 1997, p. 84-85

[186] Service 2000, p. 373-374

[187] Service 2000, p. 378

[188] Service 2000, p. 362-364

[189] Pas de preuve que Lénine a ordonné de tuer le tsar NicolasII, selon l'enquête, La Dépêche, 17 janvier 2011

[190] Werth 2004, p. 158-163

[191] Winock 1992, p. 148

[192] Riasanovsky 1999, p. 527

[193] Figes 1998, p. 627-649

[194] Marie 2004, p. 288

[195] Moshe Lewin, Le siècle soviétique, Paris, Fayard, 2003,526 p., p. 151-152.

[196] Colas 1987, p. 107

[197] Service 2000, p. 378-380

[198] Service 2000, p. 375-376

[199] Brown 2009, p. 52

[200] Service 2000, p. 404

[201] Marie 2004, p. 304

Page 48: Vladimir Ilitch Lénine

48 15 NOTES ET RÉFÉRENCES

[202] Crimes et violences de masse des guerres civiles russes(1918-1921), page 1, Online Encyclopedia of Mass Vio-lence

[203] Werth 2004, p. 163-172

[204] Werth 2004, p. 169-170

[205] Service 2000, p. 384-387

[206] Carrère d'Encausse 1998, p. 459-462

[207] Service 2000, p. 407-415

[208] Cité par Maxime Mourin dans Les Relations franco-soviétiques (1917-1967), Payot, 1967, p. 116.

[209] Carrère d'Encausse 1998, p. 465-466

[210] Winock 1992, p. 151

[211] Carrère d'Encausse 1979, p. 123-125

[212] Carrère d'Encausse 1998, p. 473-484

[213] Colas 1987, p. 85-86

[214] Service 2000, p. 433

[215] Carrère d'Encausse 1998, p. 485

[216] Winock 1992, p. 154-159

[217] Winock 1992, p. 64-65

[218] Carrère d'Encausse 1998, p. 621

[219] Service 2000, p. 416-417

[220] Riasanovsky 1999, p. 528

[221] Werth 2004, p. 171-173

[222] Service 2000, p. 423-424

[223] Werth 2004, p. 174-177

[224] Nicolas Werth, « Lénine (1870-1924) », EncyclopædiaUniversalis (lire en ligne) Consulté le 9 février 2013

[225] Werth 2004, p. 177-179

[226] Service 2000, p. 425-428

[227] Figes 1998, p. 770

[228] Werth 2004, p. 179-183

[229] Colas 1987, p. 98

[230] Riasanovsky 1999, p. 529-530

[231] Marie 2004, p. 394

[232] Carrère d'Encausse 1998, p. 549

[233] Israel Getzler, Martov : A Political Biography of a Rus-sian Social Democrat, Cambridge University Press, 2003,pages 207-208

[234] Carrère d'Encausse 1998, p. 561-563

[235] Carrère d'Encausse 1998, p. 565-569

[236] Carrère d'Encausse 1979, p. 158-159

[237] Jean-Jacques Marie, Le Goulag, PUF, collection Que sais-je ?, p. 31-33.

[238] Colas 1987, p. 99-100

[239] Werth 2004, p. 182-183

[240] Robert Service, Stalin : a biography, Pan Books, 2004,pages 188-189

[241] Carrère d'Encausse 1998, p. 518-535

[242] Carrère d'Encausse 1979, p. 131-132

[243] Marie 2004, p. 425-427

[244] Service 2000, p. 435-436

[245] Service 2000, p. 439-443

[246] Carrère d'Encausse 1998, p. 583-584

[247] Service 2000, p. 443-446

[248] Marie 2004, p. 418-423

[249] Service 2000, p. 451-454

[250] Carrère d'Encausse 1998, p. 582-586

[251] Carrère d'Encausse 1998, p. 590-594

[252] Service 2000, p. 458-463

[253] Carrère d'Encausse 1998, p. 597-607

[254] Texte intégral sur marxists.org

[255] Lénine, Mieux vaut moins mais mieux, Pravda no 49, 4mars 1923 :

« Les choses vont si mal avec notre ap-pareil d'Etat, pour ne pas dire qu'elles sontdétestables, qu'il nous faut d'abord réfléchirsérieusement à la façon de combattre sesdéfauts ; ces derniers ne l'oublions pas, re-montent au passé, lequel, il est vrai, a étébouleversé, mais n'est pas encore aboli. (…)il faut que les meilleurs éléments de notrerégime social, à savoir : les ouvriers avan-cés, d'abord, et, en second lieu, les élémentsvraiment instruits, pour lesquels on peut seporter garant qu'ils ne croiront rien sur pa-role et qu'ils ne diront pas un mot qui soitcontraire à leur conscience, ne craignent pasde prendre conscience des difficultés, quellesqu'elles soient, et ne reculent devant aucunelutte pour atteindre le but qu'ils se seront sé-rieusement assigné. Voilà cinq ans que nousnous évertuons à perfectionner notre appa-reil d'Etat. Mais ce n'a été là qu'une agi-tation vaine qui, en ces cinq ans, nous amontré simplement qu'elle était inefficace,ou même inutile, voire nuisible. (…) Il fautenfin que cela change. (…) Nous sommesdonc à l'heure actuelle placés devant cette

Page 49: Vladimir Ilitch Lénine

49

question : saurons‑nous tenir avec notre pe-tite et très petite production paysanne, avecl'état de délabrement de notre pays, jusqu'aujour où les pays capitalistes d’Europe oc-cidentale auront achevé leur développementvers le socialisme ? (…) Nous devons réali-ser le maximum d'économie dans notre appa-reil d'État. Nous devons en bannir toutes lestraces d'excès que lui a laissées en si grandnombre la Russie tsariste, son appareil capi-taliste et bureaucratique. »

(cité dans Moshe Lewin, Le dernier combat de Lénine, éd.Les Éditions de Minuit, coll. Arguments, 1978, p. 164 ;Texte complet sur marxists.org)

[256] Carrère d'Encausse 1979, p. 162-169

[257] Brown 2009, p. 59

[258] Carrère d'Encausse 1979, p. 174-175

[259] Nina Tumarkin, Lenin Lives !: The Lenin Cult in SovietRussia, Harvard University Press, 1997, page 122

[260] Service 2000, p. 474-480

[261] Édition de la Pravda du 22 janvier 1924.

[262] Service 2000, p. 444-446

[263] V. Lerner, Y. Finkelstein et E. Witztum, « The Enigmaof Lenin’s (1870-1924) Malady », European Journal ofNeurology, vol. 11, no 6, juin 2004, p. 371-376.

[264] François Kersaudy, Quelques faux ouvrages remarquablessur l'Union soviétique, revue Communisme no 29-30-31,1992

[265] Lénine : “J'ai été empoisonné", Historia, 1er février 2003

[266] Le mystère de la mort de Lénine enfin résolu ?, , parPierre Barthélémy, passeurdesciences.blog.lemonde.fr, 3mars 2013

[267] Service 2000, p. 481-494

[268] Marie 2004, p. 12

[269] Marie 2004, p. 469-473

[270] Marie 2004, p. 453, 469

[271] Marie 2004, p. 467

[272] Carrère d'Encausse 1979, p. 185-186

[273] Bertrand M. Patenaude, Stalin’s Nemesis : The Exile andMurder of Leon Trotsky, Faber and Fabe, 2010, page 308

[274] Robert Service, Trotsky : a biography, Pan Books, 2009,page 361

[275] Marie 2004, p. 8-11

[276] Georges Labica et Gérard Bensussan, Dictionnaire critiquedu marxisme, Presses universitaires de France, 1985, page716

[277] Ces faits ont inspiré au romancier allemand Tilman Spen-gler son roman Le Cerveau de Lénine (paru en traductionfrançaise en 1995).

[278] Lenin’s brain : They took it out to understand the sourceof a Revolution they now reject., The Independent, 1er no-vembre 1993

[279] Rapport Khrouchtchev, site de l'Université de Sherbrooke

[280] Maria Ferretti, La Mémoire refoulée. La Russie devant lepassé stalinien, in Nazisme et communisme : Deux régimesdans un siècle, ouvrage dirigé par Marc Ferro, Hachette,Pluriel, 1999, pages 260-271

[281] Brown 2009, p. 406

[282] Article « Soljenitsyne et Lénine », Est et Ouest, 1er avril1976, reproduit dans le recueil Chroniques du mensongecommuniste, Commentaire/Plon, 1998 (citation p. 24-25).

[283] Article Saint Lénine, revue Preuves n°107, janvier 1960,reproduit dans Chroniques du mensonge communiste,Commentaire/Plon, 1998, p. 57

[284] Carrère d'Encausse 1998, p. 622-623

[285] Jutta Scherrer L'érosion de l'image de Lénine, Actes de larecherche en sciences sociales, Année 1990, Volume 85

[286] Richard Candida Smith, Text & Image : Art and the Per-formance of Memory, Transaction Publishers, 2005, page72

[287] Yeltsin Withdraws Honor Guard From Lenin’s Mauso-leum, Los Angeles Times, 7 octobre 1993

[288] (ru) Поддерживаете ли Вы идею захоронения телаВ.И. Ленина ?. // „Единая Россия“

[289] (ru) Голосование за и против захоронения телаВладимира Ленина началось в интернете

[290] (fr) En finir avec la momie de Lénine, Courrier internatio-nal, 11 janvier 2011.

[291] All monuments of Lenin to be removed from Russian ci-ties, Russia Today, 20 novembre 2012

[292] Nicolas Werth, La Leçon d'histoire de Vladimir Poutine,L'Histoire no 324, octobre 2007

[293] Hélène Carrère d'Encausse, Le Malheur russe : Essai surle meurtre politique

[294] Crimes et violences de masse des guerres civiles russes(1918-1921), page 2, Online Encyclopedia of Mass Vio-lence

[295] Le Livre noir du communisme 1997, p. 20

[296] L'historien russe Sergeï Melgounov cite l'un des premierschefs de la Tchéka [la première police politique soviétique,« ancêtre » du KGB], en ces termes :

Page 50: Vladimir Ilitch Lénine

50 16 FILMS ET TÉLÉFILMS METTANT EN SCÈNE LÉNINE (LISTE NON EXHAUSTIVE)

« Nous ne faisons pas la guerre contre despersonnes en particulier. Nous exterminonsla bourgeoisie comme classe. Ne cherchezpas, dans l'enquête, des documents ou despreuves sur ce que l'accusé a fait, en actesou en paroles, contre l'autorité soviétique. Lapremière question que vous devez lui poserc'est à quelle classe il appartient, quelles sontson origine, son éducation, son instruction, saprofession. »

Le Livre noir du communisme 1997, p. 20

[297] Propagande et arts totalitaires en URSS

[298] Staline cherche ensuite par les mêmes procédés à aug-menter son prestige en s’associant à la personne de Lé-nine : voir par exemple, les quelques pages que Jean-PierreBertin-Maghit y consacre dans Une histoire mondiale descinémas de propagande.

[299] Régine Robin, « Le culte de Lénine. Réinvention d'un ri-tuel » in Annales, Économies, Sociétés, Civilisations, vo-lume 40, 1985, p. 805-809 Lire en ligne sur Cairn.info

[300] Le Livre noir du communisme 1997, p. 29-30

[301] Rudolf Höss, gestionnaire du camp d'extermination nazid'Auschwitz, notait que :

« la direction de la Sécurité avait faitparvenir aux commandants des camps unedocumentation détaillée au sujet des campsde concentration russes. Sur la foi de té-moignages d'évadés, les conditions qui y ré-gnaient étaient exposées dans tous les détails.On y soulignait particulièrement commentles Russes anéantissaient des populations en-tières en les employant au travail forcé. »

, cité dans Le Livre noir du communisme 1997, p. 30

[302] Winock 1992, p. 82-83

[303] Karl Kautsky, article Le Bolchevisme dans l'impasse,1931, cité dans Commentaire no 17, printemps 1982

[304] Francis Moreault, Hannah Arendt, l'amour de la liberté. :Essai de pensée politique , Les Presses de l'Université La-val, 2003, pages 197-200

[305] Jean-Yves Dormagen et Daniel Mouchard, Introduction àla sociologie politique, De Boeck Université, 2009, page86

[306] Colas 1987, p. 33-34

[307] (en) Vladimir Ilyich Lenin, TIME magazine

[308] Texte intégral sur marxists.org.

[309] Texte intégral sur marxists.org.

[310] Texte intégral sur marxists.org.

[311] Texte intégral sur marxists.org.

[312] Texte intégral sur marxists.org.

16 Films et téléfilms mettant enscène Lénine (liste non exhaus-tive)

Lénine est représenté, soit sous forme de simple appari-tion, soit en tant que personnage central, dans de nom-breux films et téléfilms. Il est une figure récurrente ducinéma soviétique, que ce soit durant la période stali-nienne qu'après la déstalinisation, et apparaît également,en tant que personnage historique familier, dans de nom-breuses productions originaires de divers pays.

• The Trotsky de Jacob Tierney (2009), joué par JacobTierney

• Taurus de Alexandre Sokourov (2001), joué parLeonid Mozgovoi

• Staline de Ivan Passer (1992, téléfilm), joué parMaximilian Schell

• Un train pour Petrograd de Damiano Damiani(1988, téléfilm), joué par Ben Kingsley

• Monty Python à Hollywood de Terry Hughes et IanMacNaughton (1982), joué par John Cleese

• Lénine à Paris de Sergueï Ioutkhevitch (1981), jouépar Youri Kaïourov

• Reds de Warren Beatty (1981), joué par Roger Slo-man

• La Chute des aigles (1974, mini-série télévisée, di-vers réalisateurs), joué par Patrick Stewart

• Vladimir et Rosa par le Groupe Dziga Vertov,(1971), joué par Jean-Luc Godard

• Nicolas et Alexandra de Franklin J. Schaffner(1971), joué par Michael Bryant

• Ernst Thälmann – Sohn seiner Klasse de Kurt Maet-zig (1955), joué par Peter Schorn

• La Grande Aube de Mikhaïl Tchiaoureli (1938),joué par Konstantin Myuffke

• Lénine en octobre de Mikhaïl Romm (1937), jouépar Boris Chtchoukine

• Trois chants sur Lénine, documentaire de Dziga Ver-tov (1934)

• Octobre de Sergueï Eisenstein et Grigori Aleksan-drov (1928), joué par Vasili Nikandrov

• Moscou en octobre de Boris Barnet (1927), joué parVasili Nikandrov

Page 51: Vladimir Ilitch Lénine

51

17 Chansons sur Lénine• Fleur cueillie sur la colline, chant traditionnel adapté

à la mort de Lénine.

• Vladimir Ilitch, interprétée par Michel Sardou en1983.

18 Bibliographie

Article connexe : Œuvres et bibliographie de/sur Lénine.

: document utilisé comme source pour la rédactionde cet article.

Statue de Lénine à Kiev.

• Hélène Carrère d'Encausse, Lénine, Fayard, 1998(ISBN 978-2213601625)

• (en) Robert Service, Lenin : a biography, PanBooks, 2000 (ISBN 978-0330518383)

• Jean-Jacques Marie, Lénine, Balland, 2004 (ISBN978-2715814882)

• (en) Orlando Figes, A People’s tragedy : the Russianrevolution 1891-1924, Penguin Books, 1998 (ISBN978-0712673273)

• Dominique Colas, Lénine et le léninisme,Presses universitaires de France, 1987 (ISBN978-2130414469)

• Nicolas Werth, Histoire de l'Union soviétique,Presses universitaires de France, 2004 (ISBN 978-2130561200)

• Hélène Carrère d'Encausse, Lénine : la révolu-tion et le pouvoir, Flammarion, 1979 (ISBN 978-2080810724)

• Le Livre noir du communisme (ouvrage collectif),Paris, Robert Laffont, 1997 (ISBN 978-2266191876)

• Michel Winock, Le Socialisme en France et en Eu-rope, Seuil, 1992 (ISBN 978-2020146586)

• (en) Archie Brown, The Rise and fall of com-munism, éditions Vintage Books, 2009 (ISBN 978-1845950675)

• Nicholas Riasanovsky, Histoire de la Russie, RobertLaffont, 1999 (ISBN 978-2221083994)

• Vladimir Maïakovski, Vladimir Ilitch Lénine(poème), 1924

• Léon Trotski, Ma vie, 1930

• Curzio Malaparte, Le Bonhomme Lénine, Grasset,1932

• Léon Trotski, La Jeunesse de Lénine, 1936

• Gérard Walter, Lénine, Julliard, 1950

• Henri Lefebvre, La Pensée de Lénine, Crét, 1957

• Jacques Baynac (dir), La Terreur sous Lénine (1917-1924), Sagittaire, 1975

• Nicolas Valentinov, Mes Rencontres avec Lénine,traduit du russe par Christian de Jouvencel, éditionsGérard Lebovici, 1964 (rééd. 1987)

• Moshe Lewin, Le Dernier Combat de Lénine, LesÉditions de Minuit, 1967 (ISBN 978-2707302373)

• Nikita Khrouchtchev, Rapport secret sur Staline auXXe Congrès du P.C. soviétique, suivi du Testamentde Lénine, éditions Champ Libre, 1970

• Henri Guilbeaux (1923), Le portrait authentiquede Vladimir Ilitch Lénine, Librairie de l'Humanité,1924

• David Shub, Lénine, Gallimard, 1972

• Anton Ciliga, Lénine et la révolution, Spartacus,1978

• Boris Souvarine, Sur Lénine, Trotski et Staline(1978-79), entretiens avec Michel Heller et BrankoLazitch, éditions Allia, 1990

• Dimitri Volkogonov : Le vrai Lénine : D'après lesarchives secrètes soviétiques, Robert Laffont, 1995

Page 52: Vladimir Ilitch Lénine

52 19 VOIR AUSSI

• Nina Tumarkin, Lenin Lives !: The Lenin Cult in So-viet Russia, Harvard University Press, 1997

• Richard Pipes (dir), The Unknown Lenin : from thesecret archive, Yale University Press, 1999

• Jean-Jacques Marie, Lénine. La révolution perma-nente, Payot, 2011

• Christopher Read, Lenin : a Revolutionary Life,Routledge, 2013

• Alexandre Dorozynski Moi, Vladimir Oulianov ditLénine : Le Roman du bolchevisme, Le Cherche Mi-di, 2004

19 Voir aussi

19.1 Articles connexes

• Marxisme

• Léninisme

• Communisme

• Socialisme

• Social-démocratie

• Histoire du communisme

• Bolcheviks

• Marxisme-léninisme

• Stalinisme

• Trotskisme

• Internationale ouvrière

• Internationale communiste

• Révolution russe

• Révolution d'Octobre

• Guerre civile russe

• Communisme de guerre

• Terreur rouge (Russie)

• Nouvelle politique économique

19.2 Liens externes

• Recueil de textes de Lénine sur marxists.orgs(œuvres incomplètes)

• Lénine philosophe (ouvrage critique d'Anton Pan-nekoek)

• Le Testament politique de Lénine classé secretd'État en URSS.

• Textes inédits de Lénine commentés par NicolasWerth

• Discours d'ouverture au Ier congrès del'Internationale communiste (1919) sur Wikisource

• « Vladimir Ilitch Lénine » dans le Dictionnaire his-torique de la Suisse en ligne.

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• Portail de l’URSS

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Page 53: Vladimir Ilitch Lénine

53

20 Sources, contributeurs et licences du texte et de l’image

20.1 Texte• Vladimir Ilitch Lénine Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Vladimir_Ilitch_L%C3%A9nine?oldid=120160045 Contributeurs : Yann,

Marc Girod, Med, Nataraja, INyar, Céréales Killer, Aurelienc, Delorme, Kelson, Semnoz, Pontauxchats, JorgeGG, Emmanuel, ( :Julien :),Howard Drake, HasharBot, Abrahami, Serged, Gem, Nezumi, Alexboom, Yohan, Sebmonnier, Jusjih, Koyuki, Libre, P-e, Ratigan, Al-phonse Wagner, NicoRay, Archeos, Lucas thierry, Tieum, Sanao, Phe, MedBot, Neymad, ChrisJ, Sam Hocevar, Iznogood, Mschlindwein,Oblic, Power~frwiki, Badowski, Phe-bot, La pinte, Turb, Olivier Mengué, Cédric, ~Pyb, Chief, Usul Tomchin, Hégésippe Cormier, Xate,Spone, Kassus, Tarap, Papy77, Goliadkine, Kokoyaya, Man vyi, Escaladix, Notafish, Eskimo, Jef-Infojef, Fahd.Walid, Darkoneko, Geor-gio, Poulpy, EcceAngelo, Orthopedix, UGhz, Rama, Popo le Chien, Dunshi~frwiki, Leag, Mmenal, Arkonide, Bbullot, Anierin, Muad,Eric.dane, DocteurCosmos, Jodelet, Henry Salomé, Gede, Yvowanko, Chobot, Stéphane33, RobotE, Stanlekub, Taguelmoust, David Be-rardan, Lgd, Pruneau, Probot, Mandrak, Inisheer, Nkm, A3nm, Arnaud.Serander, Yelkrokoyade, 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angeles, Grimlock, Myrmy, Octave.H, Attis~frwiki, Marvoir, En passant, Escar-bot, Thomas D., Circular, Creasy, @nar, Axou, Bombastus, Wikilogramme, Laurent Nguyen, Kropotkine 113, Rémih, Redmlm, Pj44300,JAnDbot, BOT-Superzerocool, Fm790, El Caro, HR, .anacondabot, Yvanhausmann, IAlex, M4C C41N, Sebleouf, AxelFedo, Authueil, Al-chemica, Soljen, Jbdepradines, Zouavman Le Zouave, Nabulione932, CommonsDelinker, Verbex, Erabot, Jeje54sp, Siegmund, Jaczewski,Diderot1, Analphabot, Salebot, Bot-Schafter, Brisseden, Speculos, Zorrobot, Saku~frwiki, DodekBot~frwiki, Ouille57, Isaac Sanolnacov,Anisou, Critias, AlnoktaBOT, Idioma-bot, Homo sovieticus, WarddrBOT, Cheep, Priper, TXiKiBoT, Localhost, VolkovBot, Wikifrédé-ric, Brigit, Theoliane, Fabrice75, Nanoxyde, Nonoxb, AmaraBot, Moyg, Nestormakhno, Jymm, Ptbotgourou, ArsenePlus, Docteur SaintJames, Félix Potuit, AlleborgoBot, Gz260, Galoric, Xic667, Rédacteur Tibet, BotMultichill, SieBot, Ordifana75, Baudouin de Lille, Myst-Bot, Punx, JLM, 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Coyotedu 57, Lomita, Xiglofre, Orlodrim, TobeBot, Paleoalexpicturesltd, Florianpelle, Marinelapro, GrrrrBot, AviaWiki, Florn88, TjBot, CharlesAlexis Gérard, Masterdeis, Frakir, Evgenior, EmausBot, Mrfredo, Kilith, Crochet.david.bot, Hugues lethierry, ZéroBot, Floricord, Seve-noclock, Saber68, Le Minotaure, Franz53sda, SalebotJunior, LD, Остроголовый, WikitanvirBot, Juju49, Jules78120, NeptuneGalaxy,Coaco, Cardabela48, Mjbmrbot, Portgas~frwiki, Surdox, CocuBot, LinedBot, Breogan2008, Porkipic, Emile103, MerlIwBot, Bertol, Uti-lisateur disparu, Rezabot, LoveBot, Droit de retrait 02, OrlodrimBot, Le pro du 94 :), AvicBot, Pano38, Rene1596, Red-october, ÉricMessel, James Montana, Black-pudding, SleaY, Titlutin, Mattho69, MesRats, LeCardibot, Shewbel, Dkpote62, Melancholia, Enrevseluj,66Mathias66, Shadowxfox, Ramzan, OrikriBot, Rome2, Snoopchien, Yaksanda, StarusBot, Leodegar, VVVF, Tibauty, Addbot, Gaspardel,Geogong, Sahrayana, Claritudo, Sevenex, Godot13, Leperebot, Mabythemplattr, Louisonze, Panam2014, HunsuBot, NB80, Zozs, Bonga,Mminic, Antoine334, YaaaAAAh, Do not follow, Manu1944, LeoDeLyon, RobySagard, Antho91, BadasssBadasss, BadassBadass, HeyCat,KasparBot, Danoube85, Bdg300 et Anonyme : 441

20.2 Images• Fichier:1918-guard_detachment_red_army.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/02/1918-guard_

detachment_red_army.jpg Licence : Public domain Contributeurs : Scan from Mrazkowa, Remes : “Die Sowjetunion zwischen denWeltkriegen”, page 26 Artiste d’origine : Grigori Petrowitsch Goldstein (1870 - 1941)

• Fichier:1987_CPA_5869.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b4/1987_CPA_5869.jpg Licence : Public do-main Contributeurs : trini.ru Artiste d’origine : художник И. Мартынов (по картине В. А. Серова)

• Fichier:50_roubles_à_l'effigie_de_Lénine,_1947.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/7f/50_roubles_%C3%A0_l%27effigie_de_L%C3%A9nine%2C_1947.jpg Licence : Public domain Contributeurs : http://www.cgb.fr/50-roubles-russie-1947-p-229,b28_0760,a.html Artiste d’origine : cgb

• Fichier:5_May_1919-Trotsky_Lenin_Kamenev.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/fa/5_May_1919-Trotsky_Lenin_Kamenev.jpg Licence : Public domain Contributeurs : http://digitalgallery.nypl.org/nypldigital/dgkeysearchdetail.cfm?trg=1&strucID=289853&imageID=51923&word=trotsky&s=1&notword=&d=&c=&f=&lWord=&lField=&sScope=&sLevel=&sLabel=&total=9&num=0&imgs=12&pNum=&pos=2# NYPL Digital gallery, image ID 51923 ; record ID 289853. Artiste d’origine :Leo Leonidow. The collection was presented to the NYPL in 1923.

• Fichier:ALALenin.JPG Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/10/ALALenin.JPG Licence : Public domainContributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : Ds02006

• Fichier:Alexander_Kerensky_LOC_24416.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d4/Alexander_Kerensky_LOC_24416.jpg Licence : Public domain Contributeurs : Cette image est disponible sur la Prints and Photographs division de laBibliothèque du Congrès des États-Unis sous le numéro d’identification ggbain.24416.Ce bandeau n’indique rien sur le statut de l’œuvre au regard du droit d'auteur. Un bandeau de droit d’auteur est requis. Voir Commons :À propos des licencespour plus d’informations. Artiste d’origine : Inconnu

Page 54: Vladimir Ilitch Lénine

54 20 SOURCES, CONTRIBUTEURS ET LICENCES DU TEXTE ET DE L’IMAGE

• Fichier:BLR_Soligorsk_Statues_of_Lenin.JPG Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f6/BLR_Soligorsk_Statues_of_Lenin.JPG Licence : CC BY-SA 3.0 Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : Dina Panayotis

• Fichier:Bistro_LeKremlin.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/54/Bistro_LeKremlin.jpgLicence : CC BY-SA 2.5 Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : 01.camille

• Fichier:Bundesarchiv_Bild_102-00032,_Felix_Dzierzynski.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9e/Bundesarchiv_Bild_102-00032%2C_Felix_Dzierzynski.jpg Licence : CC BY-SA 3.0 de Contributeurs : Cette image a été donnée àWikimedia Commons par les Archives fédérales allemandes (Deutsches Bundesarchiv) dans le cadre d'un projet commun. Les ArchivesFédérales allemandes garantissent l'authenticité de la photographie, grâce à l'utilisation exclusive d'originaux (positifs/négatifs) de leurArchives d'images numériques et leur numérisation. Artiste d’origine : Inconnu

• Fichier:Bundesarchiv_Bild_183-33616-0004,_Leipzig,_Lenin-Gedenktafel.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3c/Bundesarchiv_Bild_183-33616-0004%2C_Leipzig%2C_Lenin-Gedenktafel.jpg Licence : CC BY-SA 3.0 de Contribu-teurs : Cette image a été donnée à Wikimedia Commons par les Archives fédérales allemandes (Deutsches Bundesarchiv) dans le cadre d'unprojet commun. Les Archives Fédérales allemandes garantissent l'authenticité de la photographie, grâce à l'utilisation exclusive d'originaux(positifs/négatifs) de leur Archives d'images numériques et leur numérisation. Artiste d’origine : Müller

• Fichier:Coat_of_arms_of_the_Soviet_Union_1923–1936.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/dc/Coat_of_arms_of_the_Soviet_Union_1923%E2%80%931936.svg Licence : Public domain Contributeurs : vectorized version of : File:URSSblason1er.gif Artiste d’origine : TheSign 1998

• Fichier:Concorde_on_Bristol.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/06/Concorde_on_Bristol.jpg Licence :Public domain Contributeurs : Adrian Pingstone Artiste d’origine : Arpingstone

• Fichier:Delegates_VIII_Congress_of_the_RKP(b).jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/eb/Delegates_of_the_8th_Congress_of_the_Russian_Communist_Party_%28Bolsheviks%29.jpg Licence : Public domain Contributeurs : Фотографиянаходится в общественном достоянии. Сканирование выполнено из книги "Пропавшие комиссары", автор - Девид Кинг, ISBN5-93882-023-5 Artiste d’origine : unknown

• Fichier:Disambig_colour.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3e/Disambig_colour.svg Licence : Public do-main Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : Bub’s

• Fichier:Doctored_Stalin-Lenin.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/62/Doctored_Stalin-Lenin.jpg Li-cence : Public domain Contributeurs : http://www.mielofon.com/king/iosif_stalin/Stalin-Lenin.jpg Artiste d’origine : M.I.Ulyanova (1878-1937)

• Fichier:Emblem_of_the_Russian_SFSR.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/92/Emblem_of_the_Russian_SFSR.svg Licence : Public domain Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : Pianist

• Fichier:Fairytale_bookmark_gold.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/66/Fairytale_bookmark_gold.svgLicence : LGPL Contributeurs : File:Fairytale bookmark gold.png (LGPL) Artiste d’origine : Caihua + Lilyu for SVG

• Fichier:Fairytale_bookmark_silver.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a0/Fairytale_bookmark_silver.svg Licence : CC BY-SA 3.0 Contributeurs : File:Fairytale bookmark silver.png (LGPL) + Travail personnel Artiste d’origine : Hawk-Eye

• Fichier:First_page_of_first_number_newspaper_Iskra.gif Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9d/First_page_of_first_number_newspaper_Iskra.gif Licence : Public domain Contributeurs : http://lib.rus.ec/ Artiste d’origine : Inconnu

• Fichier:Fist.png Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/17/Fist.png Licence : Public domain Contributeurs : ? Artisted’origine : ?

• Fichier:Flag-map_of_Russia.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/94/Flag-map_of_Russia.svg Licence :Public domain Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine :

• en.wiki : Aivazovsky• Fichier:Flag_of_the_Soviet_Union.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a9/Flag_of_the_Soviet_Union.svg

Licence : Public domain Contributeurs : http://pravo.levonevsky.org/ Artiste d’origine : СССР• Fichier:Fondation_Archives_Vie_Privée_03.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/2b/Fondation_

Archives_Vie_Priv%C3%A9e_03.jpg Licence : CC BY-SA 3.0 Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : Franck Schneider• Fichier:Gtk-dialog-info.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b4/Gtk-dialog-info.svg Licence : LGPL

Contributeurs : http://ftp.gnome.org/pub/GNOME/sources/gnome-themes-extras/0.9/gnome-themes-extras-0.9.0.tar.gz Artiste d’origine :David Vignoni

• Fichier:Inessa_Armand.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/ce/Inessa_Armand.jpg Licence : Public do-main Contributeurs : http://all-photo.ru/portret/index.ru.html?kk=aa6cc54d96&img=28815&big=on Artiste d’origine : Inconnu

• Fichier:Karl_Kautsky_01.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/09/Karl_Kautsky_01.jpg Licence : Publicdomain Contributeurs : Cette image est disponible sur la Prints and Photographs division de la Bibliothèque du Congrès des États-Unis sousle numéro d’identification ggbain.30969.Ce bandeau n’indique rien sur le statut de l’œuvre au regard du droit d'auteur. Un bandeau de droit d’auteur est requis. Voir Commons :À propos des licencespour plus d’informations. Artiste d’origine : George Grantham Bain Collection (Library of Congress)

• Fichier:KrupskayaYLenin1922PorMariaUlyanova.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/8f/KrupskayaYLenin1922PorMariaUlyanova.jpg Licence : Public domain Contributeurs : Scanned from ISBN 9780805052947, page88 Artiste d’origine : Maria Ulyanova (1878 - 1937), Lenin’s sister

• Fichier:Lenin-1895-mugshot.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a8/Lenin-1895-mugshot.jpg Licence :Public domain Contributeurs : http://prostointeresno.com/wp-content/uploads/2013/04/Lenin_-_jizn_v_fotografiyah_5.jpg Artiste d’ori-gine : Inconnu

• Fichier:Lenin-Trotsky_1920-05-20_Sverdlov_Square_(original).jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/63/Lenin-Trotsky_1920-05-20_Sverdlov_Square_%28original%29.jpg Licence : Public domain Contributeurs : This source can be foundin various publications on the subject of early Soviet history, including Robert Service, 2000, Lenin : A Biography (London : Macmillan).Artiste d’origine : Goldshtein G.

Page 55: Vladimir Ilitch Lénine

20.2 Images 55

• Fichier:Lenin-circa-1887.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/7f/Lenin-circa-1887.jpg Licence : Publicdomain Contributeurs : ? Artiste d’origine : ?

• Fichier:Lenin-last-photo.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c6/Lenin-last-photo.jpg Licence : Public do-main Contributeurs : ? Artiste d’origine : ?

• Fichier:Lenin-office-1918.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/60/Lenin-office-1918.jpg Licence : Publicdomain Contributeurs : ? Artiste d’origine : Ocup, P.A.

• Fichier:Lenin.gif Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f1/Lenin.gif Licence : Public domain Contributeurs : http://www.archive.org/details/Communis1952 Artiste d’origine : Inconnu

• Fichier:Lenin.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b9/Lenin.jpg Licence : Public domain Contributeurs : http://s123.photobucket.com/albums/o298/RedElephantMSU/?action=view&current=Lenin.jpg Artiste d’origine : L. Léonidov

• Fichier:Lenin1914.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/75/Lenin1914.jpg Licence : Public domain Contri-buteurs : http://www.sadcom.com/pins/photos/lenin/lenin06.html Artiste d’origine : Inconnu

• Fichier:Lenin_05d.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3e/Lenin_05d.jpg Licence : Public domain Contri-buteurs : http://www.fbuch.com/memories.htm Artiste d’origine : Inconnu

• Fichier:Lenin_V_I_1921_by_Parkhomenko.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a8/Lenin_V_I_1921_by_Parkhomenko.jpg Licence : Public domain Contributeurs : http://ru-teacher.gallery.ru/watch?a=vGi-bvq3 Artiste d’origine :ru :Пархоменко, Иван Кириллович (1870-1940)

• Fichier:Lenin_and_manifistation_by_Isaak_Brodsky_(1919,_GIM).jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/67/Lenin_and_manifistation_by_Isaak_Brodsky_%281919%2C_GIM%29.jpg Licence : Public domain Contributeurs : http://www.bibliotekar.ru/k105-Brodskiy/10.htm Artiste d’origine : Isaak Brodsky

• Fichier:Lenin_book_1902.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/8e/Lenin_book_1902.jpg Licence : Publicdomain Contributeurs : собственный архив Artiste d’origine : Ленин В. И.

• Fichier:Lenin_family.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/87/Lenin_family.jpg Licence : Public domainContributeurs : http://www.marxists.org/archive/lenin/photo/family/009.htm Artiste d’origine : Inconnu

• Fichier:Lenin_i_krasnaia_gvardia.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/77/Lenin_i_krasnaia_gvardia.jpgLicence : Public domain Contributeurs : архив Остроголового Artiste d’origine : Inconnu

• Fichier:Lenin_monument_in_Kiev.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/8a/Lenin_monument_in_Kiev.jpg Licence : Public domain Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : Ferran Cornellà

• Fichier:Lénine.JPG Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f7/L%C3%A9nine.JPG Licence : CC-BY-SA-3.0Contributeurs : ? Artiste d’origine : ?

• Fichier:Lénine_mosaïque.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/02/L%C3%A9nine_mosa%C3%AFque.jpg Licence : CC-BY-SA-3.0 Contributeurs : ? Artiste d’origine : ?

• Fichier:Nadezhda_Krupskaya_portrait.JPG Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/cc/Nadezhda_Krupskaya_portrait.JPG Licence : Public domain Contributeurs : Список иллюстраций // Книга : Пейн, Роберт. Ленин : Жизнь и смерть. — М. :Молодая гвардия, 2002. — 667 с. — (Жизнь замечательных людей). — ISBN 5-235-02456-7 Artiste d’origine : Photographe inconnu

• Fichier:Nuvola_apps_ksig_horizonta.png Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/58/Nuvola_apps_ksig_horizonta.png Licence : LGPL Contributeurs : http://www.icon-king.com Artiste d’origine : David Vignoni

• Fichier:Pièce_de_1_Rouble_commémorant_le_115e_anniversaire_de_la_naissance_de_Lénine.jpg Source :https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/81/Pi%C3%A8ce_de_1_Rouble_comm%C3%A9morant_le_115e_anniversaire_de_la_naissance_de_L%C3%A9nine.jpg Licence : CC BY-SA 3.0 Contributeurs : http://www.cgb.fr/russie-urss-1-rouble-be-proof-115e-anniversaire-de-la-naissance-de-lenine-1985,fwo_226825,a.html Artiste d’origine : cgb

• Fichier:Plekhanov.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/bd/Plekhanov.jpg Licence : Public domain Contri-buteurs : http://rkpkpss.narod.ru/pdf/116.pdf Artiste d’origine : В. Вайнштейн (1867—1915)

• Fichier:Pogrzeb_Lenina1924.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/03/Pogrzeb_Lenina1924.jpg Licence :Public domain Contributeurs : Pravda 1924 Artiste d’origine : Inconnu

• Fichier:Red_flag_waving.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c5/Red_flag_waving.svg Licence : Public do-main Contributeurs : Original PNG by Nikodemos. Artiste d’origine : Wereon

• Fichier:Red_star.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/34/Red_star.svg Licence : Public domain Contribu-teurs : Own work. The color is taken from Soviet flag red star Artiste d’origine : Zscout370 and F l a n k e r

• Fichier:Russia-2007-Moscow-Kremlin_Senate_at_night.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b4/Russia-2007-Moscow-Kremlin_Senate_at_night.jpg Licence : CC BY-SA 3.0 Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : Godot13

• Fichier:SegundoCongresoDelCominternLeninKárajanBujarinZinoviev19200719.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c2/SegundoCongresoDelCominternLeninK%C3%A1rajanBujarinZinoviev19200719.jpg Licence : Public domainContributeurs : Scanned from ISBN 9780805052947, page 74 Artiste d’origine : Viktor Bulla

• Fichier:Society.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5b/Society.svg Licence : CC-BY-SA-3.0 Contributeurs :own work based on Image:Society.png by MisterMatt originally from English Wikipedia (en:Image:Society.png) Artiste d’origine :MesserWoland

• Fichier:Soviet_leaders_Red_Square_Moscow_1919.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/64/Soviet_leaders_Red_Square_Moscow_1919.jpg Licence : Public domain Contributeurs : Famous Pictures - Altered Images Artiste d’origine : L.Y.Leonidov

• Fichier:The_Development_of_Capitalism_in_Russia_cover.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/df/The_Development_of_Capitalism_in_Russia_cover.jpg Licence : Public domain Contributeurs : http://magister.msk.ru/library/lenin/len03v00.htm Artiste d’origine : Vladimir Lenin

Page 56: Vladimir Ilitch Lénine

56 20 SOURCES, CONTRIBUTEURS ET LICENCES DU TEXTE ET DE L’IMAGE

• Fichier:The_Russian_Revolution,_1905_Q81555.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4a/The_Russian_Revolution%2C_1905_Q81555.jpg Licence : Public domain Contributeurs : http://media.iwm.org.uk/iwm/mediaLib//27/media-27192/large.jpg Artiste d’origine : Ivan Vladimirov (ru :Владимиров, Иван Алексеевич, 1870-1947

• Fichier:Unterschrift_Lenins.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3b/Unterschrift_Lenins.svg Licence : Pu-blic domain Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : M Vilez

• Fichier:Vladimir_Lenin_1_May_1920_by_Isaak_Brodsky.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b3/Vladimir_Lenin_1_May_1920_by_Isaak_Brodsky.jpg Licence : Public domain Contributeurs : Media project Snob : Main page (inRussian), Pic. Artiste d’origine : Isaak Brodsky

• Fichier:YuliMartovEnero1896FotoPolicial.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/32/YuliMartovEnero1896FotoPolicial.jpg Licence : Public domain Contributeurs : Scanned from ISBN 0521526027, pp. 34-35. Ar-tiste d’origine : Unknown, Russian police

• Fichier :Демонстрация_работниц_Путиловского_завода_в_первый_день_Февральской_революции_1917.jpg Source :https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5a/%D0%94%D0%B5%D0%BC%D0%BE%D0%BD%D1%81%D1%82%D1%80%D0%B0%D1%86%D0%B8%D1%8F_%D1%80%D0%B0%D0%B1%D0%BE%D1%82%D0%BD%D0%B8%D1%86_%D0%9F%D1%83%D1%82%D0%B8%D0%BB%D0%BE%D0%B2%D1%81%D0%BA%D0%BE%D0%B3%D0%BE_%D0%B7%D0%B0%D0%B2%D0%BE%D0%B4%D0%B0_%D0%B2_%D0%BF%D0%B5%D1%80%D0%B2%D1%8B%D0%B9_%D0%B4%D0%B5%D0%BD%D1%8C_%D0%A4%D0%B5%D0%B2%D1%80%D0%B0%D0%BB%D1%8C%D1%81%D0%BA%D0%BE%D0%B9_%D1%80%D0%B5%D0%B2%D0%BE%D0%BB%D1%8E%D1%86%D0%B8%D0%B8_1917.jpg Licence : Public domainContributeurs : State museum of political history of Russia Artiste d’origine : Inconnu

• Fichier :КПСС.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/fe/%D0%9A%D0%9F%D0%A1%D0%A1.svg Li-cence : CC0 Contributeurs : Combo of http://openclipart.org/detail/151021/marx-engels-lenin-by-worker and File :КПСС.png Artisted’origine : Kosogorsky Yaroslav, and others.

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