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Page 1: Anatomie faciale et toxine botulique : les balances musculaires

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected]

© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2009), 136, S61-S66

Anatomie faciale et toxine botulique : les balances musculaires

Facial anatomy and botulinum toxin: the muscular balances

MOTS CLÉSAnatomie faciale ;Toxine botulique ;Balance musculaire

KEYWORDSFacial muscular anatomy;Botulinum toxin;Muscular balance

P. Trevidica,*, R. Cauchoisb, F. Ingallinaa

a 7, rue de Sontay, 75116 Parisb 94, boulevard de la Tour Maubourg, 75007 Paris

RésuméL’anatomie topographique musculaire du visage est connue depuis longtemps, quant à l’anatomie fonctionnelle, elle a été étudiée par de nombreux neurologues dont un des premiers fut Duchenne de Boulogne.La possibilité de corriger non seulement des rides, mais aussi de modifi er certains équi-libres régionaux donne à la toxine botulique une dimension, mais aussi des contraintes qui doivent être connues des futurs injecteurs, mais aussi par ceux plus chevronnés qui voudraient traiter dans ces zones plus diffi ciles.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

SummaryThe muscular topographic anatomy of the face has long been known. The functional anat-omy of the face has been studied by many neurologists, with Duchenne of Boulogne one of the fi rst.The possibility of correcting not only wrinkles, but also certain regional balances gives botulinum toxin a certain number of advantages as well as limitations that should be well known by future injectors as well as the more experienced of practitioners who seek to treat the most diffi cult zones.© 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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Introduction

La connaissance de l’anatomie topographique des muscles peauciers est la base des injections de toxine botulique. Nous nous concentrerons, non pas sur l’anatomie de l’en-semble des muscles du visage, mais uniquement sur ceux qui présentent un intérêt, en vue des injections de toxine botulique.Nous allons revoir brièvement cette anatomie, pour nous concentrer sur leur action, puis plus globalement, nous verrons les balances dans lesquelles ils sont impliqués, au niveau de la partie supérieure et inférieure de la face [1,2].

À la partie supérieure de la face

Le frontalis (Fig. 1)

Muscle fi n, quadrangulaire, pair et symétrique, il est très adhérent au fascia superfi ciel sans insertion osseuse, il s’atta che en bas sur la peau au niveau des deux tiers internes de la partie supérieure des sourcils, ses fi bres se mêlent avec celles de l’orbicularis oculi, et en dedans avec celles du corrugator, du procerus et du depressor supercilii.De là, il rejoint en dessous de la ligne chevelue, la galea aponeurotica.Certains auteurs considèrent que le frontalis n’est que la partie antérieure du muscle occipitofrontalis.Les deux muscles frontaux sont toujours séparés par un triangle médian à base supérieure et ne vont jamais au-delà de la crête temporale.Il élève le sourcil et abaisse la ligne d’implantation anté-rieure des cheveux.

L’orbicularis oculi (Fig. 2) [3]

Véritable sphincter oculaire, l’orbicularis est divisé en trois parties : la partie orbitaire, la partie préseptale, et la partie prétarsale.C’est un muscle fi n, concentrique qui prend son insertion sur l’os frontal, l’os lacrymal, le maxillaire supérieur et le tendon canthal interne.Ses fi bres s’intriquent avec celles du frontalis et du corrugator.Il rejoint en dehors le raphé palpébral latéral.Il est extrêmement lié à la peau sus-jacente, sauf à sa partie inféro-externe.Il ferme les paupières et abaisse le sourcil.

Figure 1. Le frontalis surligné en noir avec l’artère temporale injectée. Sur cette photo, on remarque que le fron-talis ne dépasse jamais en externe la ligne temporale et qu’il existe toujours un espace triangulaire à base supérieure qui sépare les deux muscles frontalis (avec l’autorisation de Expert 2 Expert SAS Group).

Figure 2. L’orbicularis oculi. Tenu par 2 crochets dans sa partie inférieure, ce véritable sphincter de l’œil est ainsi sou-levé dans sa partie inférieure (avec l’autorisation de Expert 2 Expert SAS Group).

Le corrugator (Fig. 3) [4-6]

Muscle puissant de 3 cm de longueur en moyenne. Il a des insertions osseuses sur la fi n de la partie interne de l’arcus

Figure 3. Le corrugator. Sur cette photo, le corrugator a été libéré des plans superfi ciels et profonds à gauche et laissé intriqué avec le procerus et l’orbiculaire à droite (avec l’autorisation de Expert 2 Expert SAS Group).

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superciliaris de l’os frontal. Puis, ses fi bres se dirigent en haut et en dehors, de la profondeur à la superfi cie en passant entre les portions palpébrales et orbitaires de l’orbicularis pour rejoindre la peau située juste au-dessus de la jonction tiers moyen tiers interne du sourcil.Il ramène la tête du sourcil en dedans et un peu en bas.

Le procerus (Fig. 4) [7]

Il prend son insertion sur le périoste de l’os nasal, l’aponé-vrose du muscle transversalis du nez et le périchondre du cartilage latéral du nez.Les fi bres de ce petit muscle pyramidal montent verticale-ment en s’échangeant avec le frontalis, le corrugator et le supercilii pour s’insérer sur la peau de la glabelle entre les 2 têtes du sourcil. Il recouvre une partie du corrugator et ses fi bres supérieures se mêlent à celle du frontal.Il abaisse la tête du sourcil et l’ensemble de la région inter-sourcillière.

Au niveau interne, le frontalis remonte la tête du sourcil, tandis que les muscles glabellaires entraînent une descente en interne et en dedans de cette tête du sourcil.

À la partie inférieure [10,11]

Les muscles du nez

Le levator labii oris alaeque nasi (Fig. 5)

A des insertions osseuses en haut sur le processus frontal du maxillaire supérieur sous les fi bres de l’orbicularis oculi, puis ses fi bres se dirigent vers le bas verticalement et se terminent par des insertions cutanées au niveau de la partie latérale des orifi ces narinaires et la lèvre supérieure adjacente.Il est élévateur de l’aile du nez et de la lèvre supérieure. Il creuse la partie haute du sillon nasogénien.

Figure 4. Le procerus à droite est parfaitement bien identifi é depuis la racine du nez jusqu’à la région intersourcilière (avec l’autorisation de Expert 2 Expert SAS Group).

Le depressor supercilii

Muscle petit et fi n, il s’insère sur l’os frontal à 1 cm au-des-sus du tendon canthal interne par deux insertions qui sont séparées par l’artère angulaire, puis il se dirige en haut et en dehors derrière l’orbicularis oculi et rejoint la peau au niveau de la tête du sourcil.Il abaisse la tête du sourcil légèrement en dedans.L’ensemble de ces muscles forme deux balances musculaires supérieures [8,9].La médio-externe qui implique le muscle frontalis et l’orbi-cularis oculi et la balance interne impliquant le frontalis et le corrugator, le procerus et le depressor supercilii.La frontière de cette balance est le sourcil.Sa mobilité est liée au coussinet adipeux de Charpy.Au niveau médio-externe, le frontalis entraîne globalement une ascension du sourcil, tandis que l’orbicularis entraîne un abaissement de celui-ci.Le frontalis, dans sa partie supérieure, entraîne un abaisse-ment de la ligne chevelue, mais extrêmement modéré.

Figure 5. Le levator alaeque nasi. Dont les insertions osseuses sont visibles après avoir récliné vers le haut grâce au crochet l’orbicularis oculi, son trajet vers la peau de l’orifi ce narinaire est parfaitement identifi é (avec l’autorisation de Expert 2 Expert SAS Group).

Le nasalis

Il est constitué de deux parties : une partie alaire et une partie transverse [12,13].La partie pars transversa est un muscle triangulaire se réunissant au niveau du dorsum à celui controlatéral, puis descend en bas et en dehors recouvrant le car-tilage triangulaire pour se terminer au niveau du sillon alogénien.La partie alaire comporte 3 muscles : dilatator naris, compressor nasi (ou constrictor naris) et le depressor septi nasi.Ces muscles s’insèrent au niveau de la peau de l’aile nari-naire et recouvrent la partie inférieure du cartilage alaire.

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Le depressor septi nasi

Individualisé parfois par rapport au nasalis, il est de forme quadrangulaire. Il s’insère au niveau de la fossette myrtiforme du maxillaire supérieur et se dirige en haut et en dedans pour se terminer au niveau de la peau de la columelle à son tiers inférieur. Il abaisse la pointe, mais de façon plus ou moins importante selon la structure du nez.

Les muscles péribuccaux

Le depressor anguli oris (Fig. 6) [14]

Part de la ligne oblique externe de la mandibule (certaines de ses fi bres inférieures sont intriquées avec celles du platysma) et se dirige vers la peau de la commissure labiale ses fi bres s’intriquent avec celles de l’orbicularis et du depressor. Il est de forme triangulaire à sommet supérieur. Il est situé au dessus du risorius et du buccinateur.Il abaisse la commissure labiale en bas et en dehors.

Le depressor labii inferioris

Ce muscle prend son insertion sur la ligne oblique externe de la mandibule en continuité avec le platysma et au-dessus de la ligne d’insertion du depressor anguli oris. Il se dirige en haut et en dedans et s’insère en haut sur la peau de la lèvre inférieure en s’intriquant avec l’orbicularis auquel il envoie des fi bres et avec le depressor labii controlatéral.Sa contraction entraîne un abaissement de la lèvre infé-rieure [16].

Le mentalis

Son origine osseuse se fait sur l’éminence mentonnière en regard des incisives et canines et, de là, il s’insère au niveau cutané sur l’ensemble de la peau du menton. Sa contraction entraîne une élévation de la peau du menton avec un aplatissement du volume de celui-ci associé à une élévation de la partie médiane du la lèvre inférieure.

À part

Le platysma (Fig. 8)

Muscle plat et fi n, sous-cutané et quadrangulaire, il prend son origine depuis les fascia superfi ciels de la partie supé-rieur du thorax, de la clavicule et, de là, rejoint l’ensemble des muscles depressor anguli oris, risorius, remontant par-fois jusqu’à la commissure buccale, il s’insère aussi sur le périoste de la partie inférieure de la mandibule à la partie interne de la branche horizontale.Pour la partie inférieure, les balances musculaires sont plus complexes. Elles règlent la profondeur du sillon nasogénien, les orifi ces narinaires, la sangle orale avec le posi tionnement commissural et dans une moindre partie la ligne mandibulaire.

Figure 6. Le depressor anguli ori. Cette photo montre les intrica-tions du muscle avec le platysma en bas et les muscles du menton en avant. Le pédicule facial à son bord pos-térieur est parfaitement visible (avec l’autorisation de Expert 2 Expert SAS Group).

L’orbicularis labii oris (Fig. 7)

C’est un sphincter buccal, mais non homogène [15], car il est constitué de nombreuses fi bres musculaires indépen-dantes ou intriquées venant d’autres muscles comme le buccinateur, le canin, le triangulaire, et le depressor labii. Ses insertions osseuses proviennent donc du maxillaire et de la mandibule et se dirigent vers la peau et la muqueuse des lèvres.Il est classiquement divisé en deux parties : une partie interne (pars labialis) et une partie externe (pars marginalis).Il ferme l’orifi ce buccal et projette les lèvres en avant.

Figure 7. L’orbicularis ori avec ses deux portions interne et externe parfaitement visibles (avec l’autorisation de Expert 2 Expert SAS Group).

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Les muscles impliqués dans le contrôle du sillon nasogénien (dans sa partie haute) et de l’orifi ce narinaire (taille et obliquité) sont le levator alaquae nasi, le nasalis, le levator labii superioris.Leur action entraîne un approfondissement du sillon et une remontée de l’aile narinaire, ce qui provoque un aspect élargi de la narine.Tandis que le depressor septi nasi et certaines fi bres du nasalis entraînent un abaissement de la pointe nasale et une constriction des narines.La balance musculaire labiale est complexe.L’orbicularis labii oris doit être considéré comme un élas-tique soumis aux contraintes des différents muscles qui l’entourent.Certains de ses muscles attirent l’élastique vers le haut (levator alaeque nasi...), d’autres l’attirent vers le bas (depressor anguli ori), certains l’attirent en dehors (comme les zygomatiques).Pour la commissure, le pli d’amertume et le menton, les muscles impliqués sont le depressor anguli oris, le mentalis et le depressor labii.L’action de ces muscles donne un abaissement commissural avec parfois une petite élévation de la partie centrale de la lèvre.Pour la ligne mandibulaire, nous retrouvons le platysma, le depressor et le mentalis. Il existe une action inverse entre le mentalis qui remonte la peau du menton et le platysma qui abaisse plutôt la région de la bajoue et de la ligne man-dibulaire, sans pour cela réaliser un véritable lifting.L’intrication au niveau inférieur des fi bres, des actions et donc des balances, rend diffi cile la systématisation des injections et imposent la plus grande prudence [6,17].En effet, la diffusion à des fi bres musculaires non ciblées et les asymétries liées le plus souvent à des variations anato-miques peuvent rendre la vie sociale des patients injectés diffi ciles pendant quelques mois.

Figure 8. Les deux platysma totalement séparés sur la ligne médiane avec, visible à gauche en regard du rebord basilaire, la voussure du pédicule facial et à droite, la veine jugulaire (avec l’autorisation de Expert 2 Expert SAS Group).

Conclusion

La connaissance de l’anatomie non seulement topographi-que, mais fonctionnelle est impérative pour comprendre les points d’injection de la toxine botulique [18-20], son action, les échecs et ses complications.Certaines variations peuvent aider l’injecteur à comprendre les différences de résultat observées chez les patients.

Remerciements

Nous tenons à remercier Expert 2 Expert SAS pour son aide pratique dans la réalisation des dissections.

Confl it d’intérêts

Les auteurs n’ont aucun confl it d’intérêts pour cet article.

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