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Page 1: Carcinose péritonéale secondaire à un adénocarcinome de la prostate: une entité rare

CAS CLINIQUE / CASE REPORT

Carcinose péritonéale secondaire à un adénocarcinome de la prostate :une entité rare

Peritoneal carcinomatosis secondary to adenocarcinoma of prostate: a rare entity

M. Okouo · G. Service · B.I. Atipo Ibara · D. Gassaye · S.C. Djabanga ·J. Nsonde Malanda · J.B. Nkoua Mbon · J.R. Ibara · A. Itoua Ngaporo

© Springer-Verlag France 2009

Résumé Les auteurs rapportent un cas de carcinose périto-néale dont la tumeur primitive est prostatique, chez unpatient de 81 ans ayant subi une prostatectomie trois ansplutôt. La découverte d’une ascite hémorragique riche enprotéine et en cellules adénocarcinomateuses identiques àcelles de la tumeur primitive, l’augmentation de l’antigèneprostatique spécifique et le résultat de l’histologie de la pièceopératoire, qui montre la présence d’un adénocarcinome,font évoquer une carcinose péritonéale à point de départprostatique. Cette observation permet de souligner la raretéreconnue à ce type de localisation de métastases de l’adéno-carcinome de la prostate.

Mots clés Carcinose péritonéale · Adénocarcinomeprostatique · Ascite hémorragique

Abstract The authors report a case of peritoneal carcinoma-tosis deriving from a prostatic primary tumour in an 81 yearold patient, who had undergone prostatectomy three yearsearlier. There was haemorrhagic ascites with high proteincontent. This contained many adenocarcinomatous cellsidentical to those of the primary tumour. Prostate specificantigen was raised. Histology of the original operativespecimen had revealed adenocarcinoma. All of these fin-dings suggested a diagnosis of peritoneal carcinomatosissecondary to a prostatic primary. This case enables us toemphasise the known rarity of this locus for metastases inprostatic adenocarcinoma.

Keywords Peritoneal carcinomatosis · Adenocarcinoma ofprostate · Haemorrhagic ascites

Introduction

Les localisations secondaires de l’adénocarcinome de laprostate se font fréquemment au niveau des ganglions, desos et des poumons. Les localisations péritonéales sont rares[1–3]. Nous rapportons un cas de carcinose péritonéalesecondaire à un adénocarcinome de la prostate diagnostiquéau service de gastroentérologie et de médecine interne auCHU de Brazzaville.

Observation

M. O.T., âgé de 81 ans, était admis dans le service degastroentérologie et demédecine interne duCHUdeBrazzavillele 14 mars 2008, pour douleurs abdominales et constipation.

La symptomatologie remonterait au début du mois defévrier 2008. Le patient se plaignait d’une constipation opi-niâtre alternant avec des épisodes de diarrhées, associée à desdouleurs abdominales de type colique d’intensité modérée.

Le patient était hypertendu connu, suivi depuis cinq ans.Il prenait du captopril comprimé dosé à 25 mg : 25 mg lematin et 50 mg le soir. Il avait subi une prostatectomie seuleen janvier 2005, et l’histologie de la pièce opératoire était enfaveur d’un adénocarcinome de la prostate. Il n’était pas soustraitement spécifique antimitotique.

À l’admission, les conjonctives étaient bien colorées. Iln’était pas asthénique, ni anorexique. Le poids était de70 kg pour une taille de 1,64 m, soit un indice de massecorporelle de 24 kg/m2. Le performans status OMS étaitde 1 ; l’état général était donc conservé. L’examen del’abdomen montrait une cicatrice de laparotomie médianesous-ombilicale. Il était ballonné de façon asymétrique,

M. Okouo (*) · G. Service · B.I. Atipo Ibara · D. Gassaye ·J.R. Ibara · A. Itoua NgaporoService de gastroentérologie et de médecine interne,CHU de Brazzaville, Congoe-mail : [email protected]

S.C. Djabanga · J. Nsonde Malanda · J.B. Nkoua MbonService de carcinologie et de médecine interne,CHU de Brazzaville, Congo

J. Afr. Hépatol. Gastroentérol. (2009) 3:224-225DOI 10.1007/s12157-009-0112-y

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ascitique sans circulation veineuse collatérale. Le périmètreabdominal était de 97 cm. On palpait une masse périombili-cale nodulaire, mal limitée faisant évoquer des conglomératsde gâteaux péritonéaux. La ponction exploratrice ramenaitun liquide hémorragique. L’examen proctologique était nor-mal. Les aires ganglionnaires périphériques étaient libres.

L’hémogrammemontrait : 33 000 000 globules rouges/mm3

et 10,20 g/dl d’Hbs, l’hématocrite était à 30 %, le VGMà 90,9 fl et la TGMH à 27,8 pg, les globules blancs étaientà 5 200/mm3, la vitesse de sédimentation était accéléréeà 50/95 mm et la créatininémie élevée à 30,5 mg/l. Letaux de prothrombine était de 100 %, l’antigène Hbs étaitnégatif. Le liquide était hémorragique ; il s’agissait d’unexsudat avec 51 g de protéines par litre, riche en cellules(990/mm3), en hématies (5 500 000/mm3) et en cellulesadénocarcinomateuses identiques à celles observées à l’his-tologie de la pièce opératoire de la prostate. L’antigènecarcinoembryonnaire était inférieur à 0,5 mg/l et le CA19-9 normal. Le cholestérol était de 8 g/l. L’antigènespécifique prostatique était élevé (71,9 ng/μl) de mêmeque les phosphatases acides (30 UI/l).

La radiographie du thorax était normale. L’échographieabdominale montrait une ascite et une carcinose péritonéale,le foie et la rate étaient de taille et d’échostructure normales demême que le système porte. L’endoscopie digestive haute ainsique la coloscopie totale étaient normales. Il s’agissait doncd’une carcinose péritonéale secondaire à un adénocarcinomede la prostate en l’absence de toute autre tumeur maligne.

Le patient avait subi une chimiothérapie sous forme deblocage androgénique complet comprenant : triptoréline3 mg (une ampoule en i.m. profonde, une fois par mois),cyprotérone 50 mg (deux comprimés, trois fois par jour).

L’évolution était marquée au troisième mois de traitementpar la régression de l’ascite, mais le patient avait présentédes troubles psychosomatiques rattachés probablement àdes métastases cérébrales de l’adénocarcinome de la pros-tate. Il décéda.

Discussion

La carcinose péritonéale oriente le plus souvent vers larecherche des cancers suivants : rectocolique, gastrique, pan-créatique ou gynécologique, en raison de sa survenue fré-quente au cours de l’évolution de ces cancers. Le cancer dela prostate peut avoir une extension locorégionale. Il n’y ahabituellement pas de carcinose péritonéale associée [1,2].Les localisations métastatiques les plus fréquentes sontganglionnaires, osseuses, pulmonaires et, dans une moindremesure, hépatiques et cérébrales. Les localisations métasta-tiques plus rares sont orbitaires, uvéales, laryngées, pleuraleset péritonéales [1–4]. La localisation péritonéale est le cas denotre patient.

La carcinose péritonéale peut être isolée et révéler unadénocarcinome de la prostate ou être le signe d’une repriseévolutive un à trois ans après une adénomectomie d’appa-rence bénigne. L’apparition retardée des métastases n’est pasrare dans l’adénocarcinome de la prostate malgré l’exérèsede la tumeur primitive. Celle-ci est en rapport avec une dif-fusion précoce et indécelable des cellules tumorales par voiehématogène ou lymphatique [1,3]. Dans notre observation,les phosphatases acides et l’antigène spécifique prostatiqueétaient élevés, mais nous n’avons pas de biopsies du péri-toine. La présence de cellules carcinomateuses dans leliquide d’ascite et l’absence d’une tumeur carcinomateuseautre que celle de la prostate, sont des arguments pour ratta-cher cette carcinose péritonéale à l’apparition retardée desmétastases de l’adénocarcinome de la prostate. La carcinosepéritonéale d’origine prostatique est accompagnée d’uneascite qui est soit hémorragique, soit chyleuse et riche enprotéine [1–4]. L’antigène prostatique spécifique et les phos-phatases acides prostatiques sont élevés dans le sang [1,5,6]et dans le liquide d’ascite [2].

La carcinose péritonéale secondaire à un adénocarci-nome de la prostate est sensible à l’hormonothérapie.Celle-ci bénéficie d’une place prépondérante dans la priseen charge thérapeutique de l’adénocarcinome de la prostateavancée [2,6,7]. Notre patient a présenté une carcinosepéritonéale sans doute, parce qu’il n’avait pas bénéficié nide la radiothérapie ni d’hormonothérapie. Cette dernièren’a été instituée qu’après le diagnostic de la carcinosepéritonéale.

Devant une ascite hémorragique riche en protéine, sanssignes d’insuffisance hépatocellulaire et d’hypertension por-tale, en présence de l’antigène prostatique spécifique et del’élévation des phosphatases acides, il faut rechercher unecarcinose péritonéale secondaire à un adénocarcinome de laprostate [2].

Références

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J. Afr. Hépatol. Gastroentérol. (2009) 3:224-225 225


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