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Conduite à tenir devant une surdité de l’enfant

Decision making in case of hearing loss in childrenG. Lina-Granade *, E. TruyService d’ORL, de chirurgie cervicofaciale et d’audiophonologie, hôpital Edouard-Herriot,69437 Lyon cedex 03

MOTS CLÉSSurdité ;Déficience auditive ;Audiométrie ;Prothèse auditive ;Orthophonie ;Implant cochléaire

KEYWORDSHearing impairment;Audiometry;Hearing aids;Speech therapy;Cochlear implant

Résumé Le diagnostic d’une surdité est possible dès les premiers jours de vie. Or, ledéveloppement du langage et l’intégration scolaire et professionnelle sont d’autantmeilleurs que la surdité est prise en compte précocement. En cas de doute sur l’audition,des tests comportementaux, simples et fiables, doivent être effectués rapidement, puiscomplétés par des tests objectifs. Un bilan orthophonique est impératif dans tous les cas.Dès la confirmation du diagnostic, l’appareillage auditif et la rééducation orthophoniquedoivent être mis en place, auprès de professionnels compétents. Dans les surdités les plusimportantes, l’enfant sera orienté vers une structure d’éducation précoce, et uneimplantation cochléaire sera discutée en fonction des résultats obtenus avec les appareilsauditifs.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Diagnosing hearing impairment is possible from the first days of life. Hearingtests should not be delayed when hearing loss is suspected. The earlier the diagnosis, thebetter the speech development and academic performances. Behavioural hearing testsare reliable, and necessary in addition to objective measures. Speech and language mustbe assessed in every case. As soon as sensorineural hearing impairment is confirmed,hearing aid fitting and speech therapy must start. In profound deafness the child shouldbe referred to a specialized early rehabilitation unit, and cochlear implant should bediscussed according to results with hearing aids.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Formes cliniques

Les surdités ont des manifestations très variableschez l’enfant selon leur caractère uni- ou bilatéral,l’âge de leur survenue et leur degré. La conduite àtenir dépend donc du type de surdité.

Surdité uni- ou bilatérale

Les surdités strictement unilatérales ont peu deretentissement sur l’acquisition du langage, maiselles gênent la perception dans le bruit et doncpeuvent provoquer des difficultés scolaires.1 Sil’audition est bonne sur l’autre oreille, la perteauditive ne se manifeste pas, et est découverte lorsd’un examen systématique (souvent en médecinescolaire). Les signes d’appel cités dans le Tableau 1sont en général absents.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected]

(G. Lina-Granade).

EMC-Oto-rhino-laryngologie 2 (2005) 290–300

http://france.elsevier.com/direct/EMCORL/

1762-5688/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emcorl.2005.05.001

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À l’opposé, les répercussions des surdités bilaté-rales sont beaucoup plus sérieuses. Les paragraphesqui suivent concernent donc les conséquences dessurdités bilatérales.

Age de survenue

La surdité a d’autant plus de répercussions qu’ellesurvient tôt (Tableau 2).Les surdités les plus graves sont les surdités

survenant avant l’âge de 2 ans, car les acquisitionsprécoces indispensables au développement ulté-rieur du langage ne se font pas correctement, et nepourront plus se faire si la surdité n’est pas rapide-ment corrigée.En effet, les 2 premières années de vie sont une

période critique pour l’acquisition du langageparlé, grâce à des capacités d’apprentissage et àune plasticité cérébrale très importantes. Les airessensorielles du cortex cérébral ne sont pas indivi-dualisées à la naissance, et ne se développent quepar les stimulations des divers organes sensoriels. Sile nouveau-né est sourd, les aires auditives, enparticulier les aires de discrimination et de compré-hension du langage, ne se développent pas. Sanscompréhension, l’expression orale ne se fera pas.Ces données ont été largement démontrées parl’imagerie fonctionnelle chez des sourds congéni-taux selon l’âge de la réhabilitation.2

Ces répercussions sur le langage sont d’autantplus graves que la surdité est importante : l’enfantsourd profond de naissance n’acquiert spontané-ment aucun élément du langage oral, on dit qu’ilest muet (à tort, puisque sa voix peut être enten-due).

Si la surdité survient après 2 ans, le cerveau del’enfant a déjà mis en place les mécanismes debase du langage. Le développement du langage vastagner au stade que l’enfant avait atteint avant lasurdité, et une prise en charge permettra plusaisément la poursuite de son développement.

Degré de surdité

La sévérité de la surdité influence considérable-ment les répercussions sur le langage et donc l’âgede suspicion (Tableau 3). Le degré de surdité estétabli en fonction des seuils d’audition mesurés parl’audiométrie tonale, selon les critères établis parle Bureau International d’Audiophonologie : on cal-cule la moyenne des seuils sur les fréquences 500,1000, 2000 et 4000 Hz, sur la meilleure oreille.4

Diagnostic

Le diagnostic d’une surdité de l’enfant est toujoursune urgence, car le développement ultérieur dulangage est en jeu. Le délai entre les premiersdoutes de la part de l’entourage et la réhabilitationest encore dramatiquement long et préjudiciablepour l’enfant. L’attitude de l’ORL lors de la consul-

Tableau 1 Signes d’appel et facteurs de risque des surdités infantiles.

Signes d’appel Facteurs de risqueAbsence de réaction à la voix ou aux bruits remarquéepar l’entourage (parents, nourrice, garderie,pédiatre, même si avis contradictoires) +++Absence de diversification du babil à 9 mois,de syllabes redoublées à 12 mois, de mots à 15 moisEnfant agité, désobéissantEnfant absent, distrait, silencieuxToutes ces anomalies si elles persistent aprèsadénoïdectomie ou aérateur transtympanique

Rhinopharyngites ou otites répétéesTrisomie 21Fente labiale ou palatineMalformations de l’oreille externe ou craniofacialesPoids de naissance < 1500 gDétresse respiratoire néonataleInfection congénitale (rubéole, toxoplasmose, cytomégalovirus, herpès,syphilis)Ictère ayant nécessité une exsanguinotransfusionMéningites bactériennesTraumatisme crânien avec perte de conscienceChimiothérapie, aminosidesAntécédents familiaux de surdité

Tableau 2 Catégories de surdités selon leur âge d’apparition.

Dès la naissance Surdité congénitale Accès au langage limité et difficile malgré la réhabilitationAvant 2 ans Surdité prélingualeEntre 2 et 4 ans Surdité périlinguale Régression réversible du langageAprès 4 ans Surdité postlinguale Stagnation réversible du langage

Le diagnostic avant 6 mois des surditéscongénitales est donc impératif pour une réha-bilitation précoce, donnant les meilleureschances de développement du langage parlé.3

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tation est un pivot pour l’avenir de l’enfant ; il sedoit de mettre en œuvre les moyens adaptés pourle diagnostic.

Circonstances de diagnostic

La découverte d’une surdité chez un enfant se faitdans deux sortes de circonstances : soit l’enfant estamené parce qu’il existe un doute sur son auditionde la part de l’entourage ou d’un médecin ; soit laconsultation a un autre motif, et le médecin ORL ale devoir de penser à l’audition devant des troublesdu langage, du comportement ou des facteurs derisque qu’il repère.

Suspicion de la part des parentsou d’un médecinL’absence de réaction aux bruits, à la parole, auxordres simples, observée par les parents, est lemotif de consultation dans 40 % de nos cas person-nels.Ces constatations des parents sont souvent négli-

gées par le milieu médical.5,6 Pourtant, l’observa-tion quotidienne de l’enfant est fiable, et il n’estpas acceptable de rassurer des parents sans avoireffectué des examens probants, alors qu’une sur-dité peut se déclarer à tout âge et entraîner rapi-dement des difficultés longues à compenser.Toutefois, un enfant qui sursaute lorsqu’une

porte claque, ou lorsque l’on tape sur une table,peut être sourd : il perçoit la vibration ou le courantd’air, ou voit le mouvement (les sourds ont unemeilleure détection des petits mouvements dans lechamp visuel périphérique que les entendants).7

Par ailleurs, les pédiatres, en particulier dans lesservices de protection maternelle et infantile, pra-tiquent des examens auditifs de dépistage avec desjouets sonores. Certains enfants sont donc adressésdevant une absence de réponse à ce test. Il est

important que le médecin ORL sache les pratiqueraussi, et qu’au moindre doute, il oriente l’enfantvers un service spécialisé.

Facteurs favorisant la surdité (Tableau 1)Les antécédents qui augmentent le risque de sur-dité sont énumérés dans le Tableau 1. Toutefois, ilssont absents dans 50 % des surdités de perception.5

Il ne faut donc pas arrêter les investigations simple-ment devant l’absence de facteur étiologique.Les pathologies le plus fréquemment à l’origine

de surdité sont les infections rhinopharyngées réci-divantes ou traînantes, responsables d’otites chro-niques et de surdités de transmission. Ces otitessont également plus fréquentes en cas de fentepalatine et de trisomie 21.Le risque de survenue d’une surdité est plus

élevé s’il existe des antécédents familiaux de sur-dité précoce, ou une consanguinité entre les pa-rents qui favorise la révélation d’une surdité géné-tique récessive.Les antécédents de fœtopathie ou de pathologie

périnatale (rubéole, toxoplasmose, cytomégalovi-rus, grande prématurité, hypotrophie, anoxie néo-natale, ictère nucléaire) sont des facteurs de risquede surdité de perception. L’existence d’une mal-formation de l’oreille externe, mais aussi de laface, doit conduire à la vérification de l’audition.Enfin, une surdité de perception peut survenir

dans les suites d’un traumatisme crânien impor-tant, d’une méningite bactérienne, d’un traite-ment par aminoside ou d’une chimiothérapie.

Signes indirects de surditéUne audition normale est nécessaire pour l’acquisi-tion du langage, l’épanouissement psychologiqueet la réussite scolaire de chaque enfant. Il faut donctester l’audition en cas de difficultés dans ces troisdomaines.

Tableau 3 Perception et langage en fonction du degré de surdité.

Degré de surdité Perte moyennede 0,5 à 4 kHzmeilleureoreille

Sonsnon perçus

Développement du langagesi début prélingual

Age moyende diagnostic5

Déficience auditive légère 21 à 40 dB Voix chuchotéeoulointaine

Retard de parole :erreurs de consonnes(par exemple : tr/cr)

Déficience auditivemoyenne

1er degré 41 à 55 dB Voix moyenneà plusieursmètres

Retard de langage : langageinsuffisant pour l’âge

35 mois

2e degré 56 à 70 dB

Déficience auditivesévère

1er degré 71 à 90 dB Voix forteà plusde 1 mètre

Retard important, voire absence delangage

17 mois

2e degré 81 à 90 dB

Déficience auditiveprofonde

1er degré 91 à 100 dB Voix et bruitsnon perçussauf très forts

Absence de diversification du babil,absence de langage

11 mois2e degré 101 à 110 dB3e degré 111 à 120 dB

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Retard de langageIl se manifeste même avant 1 an, avant l’apparitiondes premiers mots. Un décalage par rapport auxacquisitions normales doit orienter vers une sur-dité :

• l’appauvrissement du babil entre 6 et 9 mois,sans apparition de syllabes variées ;

• l’absence de réponse à des ordres simples ou auprénom à 12 mois ;

• l’absence de mots (papa, maman) à 18 mois ;• l’absence de mots-phrases (« à boire », « cacapot », « papa parti ») à 2 ans ;

• la persistance de déformation de certains motsau-delà de 4 ans.8

Troubles du comportementLes troubles auditifs peuvent entraîner deux typesde comportements :

• soit l’enfant est agité, n’obéit pas aux ordres, etest décrit comme bagarreur car il utilise desgestes comme communication ;

• soit au contraire l’enfant est excessivementcalme, solitaire, n’allant pas vers les autresenfants.

Difficultés scolairesDès la maternelle, une absence de réaction auxconsignes ou des difficultés d’expression orale per-mettent de suspecter une surdité, de même qu’àl’école primaire, des difficultés en orthographe eten lecture. On doit alors penser aux surdités évolu-tives qui se révèlent à n’importe quel âge.

Signes fonctionnels à rechercherpar l’interrogatoire

Aucun élément de l’interrogatoire n’est rassurant :un examen auditif antérieur normal ne préjuge enaucun cas de l’avenir, puisqu’il existe des surditésévolutives ; le fait qu’un parent, un frère ou unesœur, ait « parlé tard », n’élimine pas une surditéchez l’enfant qui vous est amené ; le langage peutêtre correct si l’enfant est vif, intelligent, et com-

pense le déficit auditif par une intense attentionvisuelle aux mouvements des lèvres. Enfin, commeexpliqué plus haut, les facteurs de risque sontabsents dans 50 % des surdités de perception, et lesréactions de l’enfant à certains bruits sont fausse-ment rassurantes.Par conséquent, dès qu’un problème auditif est

suspecté, il faut réaliser un examen auditif, sansdélai, puisque la précocité du diagnostic de surditéest un facteur pronostique déterminant.3 Le méde-cin n’a pas le droit de rassurer sans avoir effec-tué les examens nécessaires, d’autant qu’il peutcommencer par un examen non invasif, aux jouetssonores.

Examen clinique

Il faut rappeler que ni l’otoscopie ni la tympanomé-trie, bien qu’utiles dans un premier temps, ne sontdes tests « auditifs ». En effet, une surdité peutexister en l’absence de toute otite séromuqueuse,et une otite séromuqueuse peut masquer une sur-dité de perception. De surcroît, il est préférable depratiquer l’examen aux jouets sonores avant l’otos-copie, afin que le nourrisson soit calme.L’observation des réactions de l’enfant à la voix

ou aux jouets sonores apporte des indications pré-cieuses, à condition que l’examinateur soit expéri-menté et dispose de conditions de test correctes :du temps, de la patience, et l’aide d’une tiercepersonne elle aussi spécialement formée et atten-tive (Tableaux 4 et 5). Il faut tenir compte dessources d’erreurs : intensité élevée de certains sons(claquement dans les mains, voix chuchotée pro-che), perception somesthésique de la vibration (solou table), perception visuelle (mouvements du tes-teur, mouvements des lèvres), âge difficile à tester(de 2 à 9 mois), enfant vif qui compense sa surditépar le regard, enfant instable.Ces tests acoumétriques permettent une orien-

tation, et au moindre doute, au lieu de rassurer àmauvais escient, il faut renouveler l’examen ouadresser l’enfant sans tarder à un confrère spécia-lisé en audiologie infantile.

Tableau 4 Acoumétrie à la voix et aux jouets sonores (les fréquences et intensités sont variables selon le matériel utilisé et laforce de la percussion).

Intensitéà 1 mètre

+/- 250 Hz +/- 500 Hz +/- 750 Hz +/- 1000 Hz +/- 2000 Hz

20 à 40 dB Chuchotement+/- 60 dB Voix parlée Claquement de langue

Do grave métallophoneMaracasVacheCuillère-tasse

« tss » (bruit de bouche)Do medium métallophone

GrelotsAppeau mésangeCertains maracas

+/- 80 dB Voix forte Cloche 9 cm Wood-block Cloche 6 cmTambourin

Cloche 4 cm Pipeau

+/- 100 dB Voix hurléeCaisse claire 35 cm

Bongo 20 cm Bongo 15 cmCymbale

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Audiométrie

L’audiométrie tonale est le seul examen qui ex-plore tout le champ fréquentiel, des graves auxaigus, et toute la gamme des intensités, ce que nefont ni les otoémissions ni les potentiels évoqués(Tableau 6). La technique d’audiométrie sera adap-tée au développement et aux capacités d’attentionde l’enfant. Lors de l’audiométrie, on observe éga-lement le comportement, le développement, et lacommunication de l’enfant et des parents, pourune évaluation globale de la situation (Fig. 1).

Audiométrie tonale conditionnéePour l’enfant ayant un niveau de développementinférieur à 5 ans, l’audiométrie requiert un condi-tionnement pour être parfaitement fiable. Ceconditionnement, mis au point chez l’animal parPavlov, ne nécessite pas de parler : on produit

plusieurs fois un son fort associé à une stimulationvisuelle ludique ; puis on ne présente plus que leson ; alors l’enfant va chercher à obtenir la « ré-compense » visuelle.Le son est produit par un audiomètre classique,

permettant d’obtenir des sons purs calibrés en in-tensité et en fréquence. Pour familiariser l’enfantavec le test, on commence en champ libre, le sonétant émis par un haut-parleur. Dans un deuxièmetemps, on utilise le vibrateur, posé sur le crâne,pour tester la conduction osseuse. Dans un troi-sième temps, éventuellement lors d’une consulta-tion ultérieure, on propose le casque pour tester laconduction aérienne oreilles séparées.La stimulation ludique et le conditionnement

peuvent être de plusieurs sortes.Chez le petit enfant (à partir de 12-18 mois), le

« réflexe d’orientation conditionnée » : l’enfant est

Tableau 5 Réactions comportementales attendues et intensités auxquelles elles sont obtenues normalement.

Age Réponse Intensité du sonNouveau-né Réflexe de Moro > 70 dBDe 0 à 18 mois Écarquillement des yeux < 70-80 dB

Arrêt du regardAccélération ou arrêt de la succion, des mouvements, de la respirationAccélération du battement de la fontanelleÉveil > 70-80 dBPleursClignement (réflexe cochléopalpébral)Sursaut

À partir de 6 mois Orientation-investigation du regard et/ou de la tête < 70-80 dB

L’audiométrie comportementale peut êtreréalisée dès les premiers mois de vie, et estindispensable, en complément des examens ob-jectifs, pour décider de l’appareillage auditif.Pour répondre à l’obligation de moyens médi-colégale devant toute suspicion de surdité, uneconsultation est donc nécessaire auprès d’unmédecin spécialisé en audiologie infantile, quidispose du matériel, de l’expérience et dutemps pour tester les nourrissons et jeunesenfants.

Tableau 6 Limites des tests auditifs objectifs.

Potentiels évoqués OtoémissionsStructures explorées Oreille externe, moyenne, interne, nerf,

tronc cérébralOreille externe, moyenne, interne

Conditions de recueil Sommeil naturel ou sédation, 30 à 60 minutes Sommeil naturel ou sédation, 10 minutesFréquences explorées 2000 à 4000 Hz 500 à 6000 HzSeuils auditifs explorés 30 à 90 dB < 40 dBSurdités pouvant êtreconfondues

Surdités sévères et profondes Surdités moyennes, sévères et profondesAudition normale et surdités légères

Audition normale et surdités légères

Figure 1 Limites des divers degrés de surdité à l’audiogrammetonal.

294 G. Lina-Granade, E. Truy

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assis sur les genoux d’un parent, face à une tiercepersonne qui lui montre des jouets simples et colo-rés.Au cours d’une première phase, le testeur condi-

tionne l’enfant, lors d’un son fort, à tourner la têtevers une image qui apparaît sur un écran (télévisionou ordinateur) placé dans une autre direction. Àl’arrêt de la stimulation sonore, l’écran s’éteint, etl’enfant se retourne vers le jouet. On réitère lastimulation double, sonore et visuelle, trois ouquatre fois, jusqu’à ce que l’enfant tourne la têtevers l’écran, dès le début du son, avant mêmel’apparition de l’image. Il est alors « conditionné ».La mesure des seuils auditifs peut alors débuter.

L’examinateur présente le son à intensité décrois-sante, et l’enfant va se retourner vers l’écran àchaque fois qu’il entend le son, jusqu’à l’intensitéminimale située 10 à 20 dB au-dessus du seuil deperception. Afin de ne pas dépasser la durée d’at-tention du jeune enfant, parfois très brève, onteste en priorité trois fréquences lors du premierexamen : 250, 1 000 et 4 000 Hz.Ce même type de conditionnement peut être

obtenu avec un train qui avance sur un circuitélectrique (« train-show »), un jouet lumineux dontune partie s’éclaire (clown avec nez lumineux parexemple), ou deux écrans situés chacun près d’unhaut-parleur pour observer l’orientation vers lasource sonore.Si on dispose de temps, de patience, et que l’on

arrive à « apprivoiser » l’enfant, le réflexe d’orien-tation conditionné ou le réflexe d’orientation-investigation, peut être obtenu avec des sons purs,en champ libre, au vibrateur, ou même au casque,chez le nourrisson avant 1 an, comme l’a montrél’équipe de Bordeaux.9

L’enfant ayant un développement supérieur à 24à 30 mois peut participer plus activement : lorsquele son apparaît, l’examinateur incite l’enfant àappuyer sur un bouton qui fait apparaître ou modi-fie l’image sur l’écran ; une fois conditionné, l’en-fant appuie seul à chaque son qu’il entend, letesteur diminue alors l’intensité du son jusqu’auseuil, puis teste d’autres fréquences.On peut remplacer le bouton qui anime l’image

sur l’écran, par un jeu répétitif simple : empilaged’anneaux colorés autour d’une tige, remplissaged’un bocal avec des boules de cotillon ou de petitsjouets, ou déplacement des boules d’un boulier.

Audiométrie tonale non conditionnéeLa technique utilisée chez l’adulte (le patient lèvele doigt lorsqu’il entend) n’est fiable qu’à partird’un âge mental de 5 ans. Chez les enfants plusjeunes, l’audiométrie non conditionnée risqued’ignorer une surdité si on insiste trop pour faire

dire à l’enfant qu’il entend, ou au contraire desuspecter à tort une surdité chez un enfant peucoopérant qui ne réagit qu’à forte intensité.

Audiométrie vocaleL’audiométrie vocale est indispensable pour véri-fier les seuils obtenus avec des sons purs, et pourestimer la gêne de l’enfant dans la vie quotidienne.Chez l’enfant ayant un développement inférieur

à 6 ans, on utilise des listes de mots adaptées, endemandant à l’enfant de désigner, sur des planchesd’images, le mot entendu, et non de le répéter.10,11

Les listes de mots peuvent être dites à voix nue, àcôté ou derrière l’enfant pour éliminer la lecturelabiale, ou à travers microphone, double cabine etcasque pour un calibrage exact. Rappelons ici quel’intensité de la voix chuchotée est d’environ 55 dBà l’oreille, 20 dB à 1,20 mètre, et la voix parléed’environ 60 dB à 1 mètre(Tableau 4). La mesure del’intensité de la voix nue avec un sonomètre estutile pour avoir des repères précis.Chez les enfants de plus de 6 ans ayant un bon

langage, les listes pour adultes, avec répétition desmots entendus, peuvent être utilisées.L’audiométrie vocale doit être systématique

chez les grands enfants ou préadolescents, lorsquela perte auditive est de découverte récente, lacourbe tonale plutôt plate, surtout si les seuilsauditifs sont variables d’un examen à l’autre. Eneffet, à cet âge surviennent fréquemment des« surdités psychogènes », manifestations de diffi-cultés psychologiques (conflit familial, souhaitd’attirer l’attention, ou de s’identifier à une per-sonne malentendante de l’entourage), qui ne relè-vent pas d’un appareillage auditif.12

RésultatsLa réalisation de l’audiométrie tonale, si possiblesur les six fréquences d’octave entre 250 et8000 Hz, en conduction aérienne et osseuse, per-met de déterminer le degré de surdité et de diffé-rencier surdités de transmission et de perception.La réalisation systématique d’un audiogrammeaprès le traitement chirurgical de l’otite séreuseest ainsi prudente pour éliminer une surdité deperception sous-jacente.En audiométrie vocale, l’intensité permettant de

désigner correctement 50 % des mots correspondnormalement au seuil moyen sur les fréquences1 000 et 2 000 Hz à l’audiométrie tonale.

Annonce du diagnostic

De la manière dont le diagnostic est reçu par lesparents dépend leur participation ultérieure à laréhabilitation, pierre angulaire du développement

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de leur enfant. Il faut donc s’y préparer avec soin,en s’inspirant de l’attitude recommandée dansd’autres pathologies graves.13

Une manière de procéder progressive est souhai-table, et peut reposer sur les différentes étapes dela consultation : souligner, lors de l’entretien avecles parents, de l’examen par les jouets sonores, etde l’audiométrie en champ libre, les réactionsattendues et le niveau sonore minimum auquell’enfant réagit. Mieux vaut ne pas employer leterme de « surdité » tant que le diagnostic n’est pasconfirmé.Enfin, il est important que le médecin donne une

information claire aux parents sur les différentstypes de surdités, les modes de réhabilitation, etmême les associations de parents. Il faut expliqueraux parents qu’ils doivent continuer à parler à leurenfant, et que leur enfant leur apportera de toutefaçon beaucoup de joies. Il doit aussi évoquer lesperspectives d’avenir, la possibilité d’accès au lan-gage oral et à une scolarité ordinaire, en restanttoutefois prudent dans le pronostic.

Examens complémentaires

Examens auditifs objectifsLes otoémissions acoustiques ne permettent pas dedéterminer le seuil auditif, puisqu’elles ne donnentqu’une réponse binaire : otoémissions présentes siles seuils auditifs sont inférieurs à 40 dB, otoémis-sions absentes sinon. Elles sont en revanche un bontest de dépistage, et peuvent confirmer une audi-tion subnormale.14

Les potentiels évoqués auditifs (PEA), quant àeux, mesurent le seuil auditif sur les fréquences2 000 à 4 000 Hz. Ils sont donc utiles après l’audio-métrie, dans plusieurs cas :

• à titre médico-légal pour confirmer une surditéavant tout appareillage auditif ;

• pour déterminer si l’audition est symétriquelorsque seule la perception en champ libre a puêtre testée ;

• chez les enfants pour qui l’audiométrie condi-tionnée n’est pas fiable du fait d’un retard dedéveloppement ou de troubles du comporte-ment ;

• chez les enfants présentant un retard de langageimportant, avec des seuils normaux en audiomé-

trie tonale, et chez qui la pratique de l’audio-métrie vocale est difficile ; ces enfants peuventen effet présenter une neuropathie auditive gê-nant considérablement leur perception de laparole, qui se manifeste par une détériorationimportante des PEA ;15

• chez les grands enfants et préadolescents, lors-que la perte auditive est de découverte récente,la courbe tonale plutôt plate, et l’audiométrievocale moins perturbée que la tonale.

Toutefois, ces deux types d’examens auditifs souf-frent de limites techniques et pratiques (Ta-bleau 6).

Bilan des répercussionsQuel que soit le degré de la surdité, même si elleest unilatérale, et l’âge de l’enfant, un bilan ortho-phonique est impératif pour évaluer les répercus-sions sur la parole, le langage oral et le langageécrit, et déterminer si une rééducation doit êtreentreprise.En cas de surdité légère ou unilatérale, le bilan

orthophonique permet de déceler des troubles per-ceptifs discrets, non détectables par le médecin oules parents, qui peuvent entraîner des difficultésscolaires s’ils ne sont pas pris en compte.Le bilan orthophonique est également utile en

cas de surdité de transmission, dès le diagnostic,pour évaluer les troubles de parole et de langage.Si l’enfant a moins de 3 ans, ou une surdité

sévère ou profonde, mieux vaut l’orienter, non versune orthophoniste libérale, mais vers un centred’éducation précoce, pour un bilan multidiscipli-naire (Tableau 7). Le contact avec ces structuresdoit être pris dès l’annonce du diagnostic, partéléphone, pour assurer rapidement un soutien auxparents.

Recherche de troubles associés et bilanétiologiqueLe développement global, le comportement et lacommunication doivent être évalués lors du bilanorthophonique, éventuellement complété par unexamen psychologique ou pédopsychiatrique. Cesfacteurs, qui influencent l’acquisition du langage,seront pris en compte pour l’élaboration du projetéducatif adapté à chaque enfant.

Tableau 7 Différents établissements spécialisés dans la prise en charge des enfants sourds.

Enfants avant 6 ans Enfants après 6 ans- Centre d’Action Médico-Sociale Précoce(CAMSP)

- Service de Soutien à l’Éducation Familiale et à l’Intégration Scolaire (SSEFIS) :en général, enfants sourds dans une classe d’enfants entendants

- Service d’Accompagnement Familial etd’Éducation Précoce (SAFEP)

- Classe spécialisée dans une école ordinaire (CLIS)- Institut de Jeunes Sourds (IJS) : école spécialisée- Centre de Rééducation de l’Ouïe et de la Parole (CROP)

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Les autres examens seront proposés après miseen place de la réhabilitation fonctionnelle, qui estprioritaire.La réalisation d’un examen ophtalmologique

avec fond d’œil doit être systématique en cas desurdité congénitale, surtout sévère ou profonde,afin de décider rapidement d’une implantation co-chléaire s’il existe un trouble visuel dégénératifassocié.L’imagerie des rochers est indiquée lors de mal-

formation de l’oreille externe, ou de surdité detransmission persistant malgré la pose d’aérateurstranstympaniques, à la recherche d’une malforma-tion ossiculaire et cochléaire, et dans les surditésde perception, pour orienter vers certaines étiolo-gies génétiques, et décider d’une implantation co-chléaire en cas de surdité profonde. Il est plusfacile de la réaliser chez le nourrisson, sous som-meil naturel, mais elle peut être différée si aucuneintervention n’est envisagée à court terme. Lescanner est en général suffisant, hormis dans lessurdités survenant après méningite bactérienne, oùl’imagerie par résonance magnétique (IRM) estutile pour détecter une labyrinthite ossifiante, etavant implantation cochléaire, pour diagnostiquerl’exceptionnelle agénésie du nerf cochléaire. L’IRMdoit comporter des séquences qui permettentd’évaluer le labyrinthe membraneux, le conduitauditif interne et son contenu.16

En cas de malformation de l’oreille externe asso-ciée à un kyste ou une fistule branchiale, il estprudent de réaliser une échographie rénale à larecherche d’une malformation liée au syndromebranchio-oto-rénal.Des sérologies virales (rubéole, toxoplasmose,

cytomégalovirus), l’examen urinaire à la bande-lette et un électrocardiogramme (à la recherched’un intervalle Q-T long, associé à la surdité dans lecadre d’un syndrome de Jervell-Lange-Nielsen),contribuent à la recherche étiologique (Fig. 2).Une consultation génétique est nécessaire pour

déterminer si la surdité est d’origine génétique, ens’appuyant sur l’analyse des gènes le plus fréquem-ment responsables (connexines 26 et 30), qui nepeut être prescrite que par un médecin habilité.17

Traitement et réhabilitation

Appareillage auditif

Surdités de perception bilatéralesL’appareillage auditif est indiqué dans toutes lessurdités bilatérales, quel que soit le degré de sur-dité, et il doit être rapidement mis en place aprèsconfirmation du diagnostic de surdité par les poten-

tiels évoqués. Pour envoyer un enfant chez l’audio-prothésiste, il est également impératif d’avoir éva-lué, au moins aux jouets sonores, la perception surles graves, pour connaître la forme de la perteauditive (plate ou descendante) et l’amplification àapporter sur les différentes fréquences.L’appareillage peut être fait dès les premiers

mois de vie. Chez le petit nourrisson, les appareilsseront portés lors des périodes d’éveil (changes,repas), et retirés lors du sommeil (pour éviter leLarsen lié au déplacement des embouts). L’appa-reillage à cet âge est toutefois limité par la possi-bilité de l’évaluation auditive, en se rappelant quele nouveau-né normo-entendant ne réagit pas endessous de 70 dB. Enfin, une maturation de l’audi-tion et des potentiels évoqués peut être observéeau cours de la première année, en particulier chezle prématuré : la récupération progressive de la

Figure 2 Répartition des causes de surdité de perception.

Mise au point

La réhabilitation comporte deux volets aussiindispensables l’un que l’autre : l’appareillageet l’orthophonie.Ils doivent être rapidement organisés, dans

les semaines qui suivent le diagnostic, afin delimiter les conséquences de la surdité, en par-ticulier sur le développement du langage.L’appareillage et la rééducation orthophoni-

que doivent être confiés à des professionnelsspécialisés dans la surdité de l’enfant, afind’être réalisés d’emblée correctement. Tousles audioprothésistes et toutes les orthophonis-tes ne sont pas compétents dans ce domaine. Laconstitution d’un réseau de professionnels ex-périmentés est donc impérative.

297Conduite à tenir devant une surdité de l’enfant

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perte auditive peut alors conduire à réduire l’am-plification prothétique mise en place précoce-ment.18,19

Même s’il ne semble pas exister de restes auditifs(surdité profonde du 3e degré ou cophose bilaté-rale), l’appareillage auditif doit être tenté avantd’envisager une implantation cochléaire. En effet,dans les surdités très importantes, l’attention et ladiscrimination auditives de l’enfant ne sont pasdéveloppées avant l’appareillage, mais l’éducationauditive, grâce à la stimulation acoustique par lesprothèses, peut permettre l’apparition de réac-tions de l’enfant oreilles nues.Les appareils auditifs sont généralement bien

acceptés par les enfants, qui sentent rapidement lebénéfice qu’ils apportent, et qui s’y adaptent bienplus rapidement qu’un adulte (grâce à leur remar-quable plasticité cérébrale). Plusieurs raisons peu-vent expliquer qu’un enfant retire systématique-ment ses prothèses : amplification insuffisante ouexcessive, otite séreuse ou externe intercurrente,troubles psychoéducatifs (en particulier, enfant quin’accepte aucune contrainte et auquel les parentscèdent), parents non convaincus du diagnostic. Untel rejet doit avant tout conduire à vérifier lesseuils subjectifs et objectifs.Chez l’enfant, les appareils auditifs sont systé-

matiquement des contours d’oreille, du fait de lataille du conduit, avec des embouts souples quiseront renouvelés aussi souvent que la croissancedu conduit auditif externe l’impose (tous les 2 moischez le tout-petit). Les intra-auriculaires sont ré-servés à l’adolescent, en cas de surdité légère.

Surdités unilatéralesL’appareillage des surdités unilatérales est l’objetde controverses. Deux objectifs sont visés : d’unepart, la stéréophonie et l’amélioration de la per-ception dans le bruit, d’autre part la stimulationdes voies centrales de l’oreille malentendante,pour éviter la dégradation de l’intelligibilité. Ladécision sera fonction du développement de la pa-role et du langage (bilan orthophonique), de lascolarité (l’appareillage se justifie surtout à partirde la grande section de maternelle, et à l’écoleprimaire), et de la gêne éprouvée par l’enfant ouremarquée par l’entourage (enfant qui fait répéterdans le bruit, enfant distrait en classe). La motiva-tion a priori de l’enfant n’est pas un critère dedécision, car, présenté de façon positive, l’appareilauditif est souvent bien accepté.L’appareillage est inutile en cas de cophose uni-

latérale (seuils > 120 dB sur toutes les fréquences),et il est peu probable qu’il rétablisse la stéréopho-nie en cas de surdité profonde.

Surdités de transmissionL’appareillage auditif est indiqué dans les surditésde transmission persistant malgré la pose d’aéra-teurs, en attente d’une chirurgie fonctionnelle à unâge plus tardif (aplasies mineures, problème ossi-culaire). Lorsqu’il existe un conduit auditif ex-terne, l’appareillage en contours d’oreille, par voieaérienne, est toujours préférable, car sa toléranceest bien meilleure.L’appareillage en conduction osseuse, avec un

vibrateur maintenu par un bandeau ou un serre-tête en métal, est impératif dès le diagnostic en casd’atrésie bilatérale des conduits auditifs externes,bien qu’il se heurte à des problèmes pratiques :tendance à glisser lors des mouvements de tête, età provoquer une lésion cutanée, voire une em-preinte osseuse s’il est placé toujours au mêmeendroit. Le vibrateur constitue une solution d’at-tente indispensable, avant l’âge où une prothèse àancrage osseux et/ou une chirurgie reconstructriceseront envisagées.20 En cas d’atrésie unilatérale,l’appareillage est inutile car il stimulerait plus fortl’oreille normale que l’oreille atteinte, entraînantun inconfort auditif.

Orthophonie

L’appareillage sans orthophonie est un non-sens. Eneffet, les appareils ne suffisent pas pour que l’en-fant « rattrape » le retard pris dans l’acquisition dulangage, et dans l’analyse auditive nécessaire pourune parole précise et un apprentissage facile dulangage écrit. De la même manière, l’orthophonieest utile, même en cas de surdité de transmissiontransitoire, après le traitement de l’otite séreuse.L’orthophoniste peut également procurer un

soutien moral et des conseils aux parents déstabili-sés par l’annonce du diagnostic.

Guidance parentale, projet éducatif

Si l’enfant a moins de 3 ans ou si la surdité estsévère ou profonde, la rééducation est en généralréalisée dans un centre d’éducation précoce. Unprojet éducatif adapté à chaque enfant est élaboréaprès discussion entre les parents et l’équipe pluri-disciplinaire (médecin audiologiste, orthophoniste,psychomotricien, psychologue). Les différents mo-des de communication sont expliqués aux parents(Tableau 8). Le travail en groupe de la communica-tion, une rééducation psychomotrice, un soutienpsychologique et éducatif pour les parents, précè-dent ou sont associés à l’orthophonie.La prise en charge comporte plusieurs aspects :

donner aux parents les moyens de communiquer auquotidien avec leur enfant (par une « guidance » ou

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« accompagnement » parental), aider l’enfant àdifférencier et reconnaître les sons (« éducationauditive »), puis travailler l’articulation, la paroleet le langage.21

Suivi évolutif

Il est indispensable de revoir l’enfant plusieurs foisdans les premiers mois suivant le diagnostic, pourguider le réglage des appareils, répéter et affinerl’évaluation audiométrique, et suivre le développe-ment de l’enfant. Les progrès de parole et delangage sont évalués par des bilans orthophoniquesréguliers. Une surveillance audiométrique au moinsannuelle permet de juger l’évolutivité de la perteauditive.Le médecin conseille également les parents dans

le choix de la scolarité, et informe le médecinscolaire des adaptations nécessaires (en particuliermicrophone hautes fréquences, qui transmet lesparoles de l’enseignant directement aux prothèsesauditives de l’élève). Une évaluation neuropsycho-logique est conseillée en cas d’évolution insuffi-sante du langage oral ou de difficultés d’apprentis-sage scolaire.En cas de surdité profonde, si les progrès de la

communication orale et le gain prothétique sontlimités, l’enfant doit être orienté vers un centred’implantation cochléaire dans l’année qui suit lediagnostic, car les résultats sont d’autant meilleursque l’implantation est précoce.22

Dépistage et prévention

Prévention

La vaccination contre la rubéole, les oreillons, lepneumocoque et l’Haemophilus, la surveillance del’immunité contre la toxoplasmose des femmes en-ceintes, les progrès de la réanimation néonatale,contribuent à réduire la fréquence des surditésliées à ces causes.La prévention de l’aggravation de la surdité re-

pose surtout sur l’appareillage auditif précoce, quilimite la dégénérescence nerveuse et la détériora-tion de l’intelligibilité de la parole. Les facteurspouvant aggraver la perte auditive (barotraumatis-

mes, traumatismes sonores, traumatismes crâ-niens, efforts violents) doivent être évités, surtouten cas de dilatation de l’aqueduc du vestibule. Lesseuls traitements dont l’ototoxicité est irréversible(aminosides, sels de platine, quinine) ne sont utili-sés que lorsque le pronostic vital est en jeu ; il n’estdonc pas utile d’en remettre une liste aux parents.Enfin, il faut conseiller de consulter en urgence siune perte auditive brusque se produit, afin demettre en route rapidement un traitement corti-coïde et vasodilatateur.

Dépistage

Comme la précocité du diagnostic et de l’appa-reillage influence considérablement le développe-ment ultérieur de l’enfant, il est vivement souhai-table qu’un dépistage auditif soit réalisésystématiquement, en maternité, par des moyensobjectifs (otoémissions ou potentiels évoqués auto-matisés). Ce dépistage devrait se généraliser dansnotre pays dans les prochaines années, comme ill’est dans de nombreux pays occidentaux.23

Enfin, quand une surdité est détectée chez unenfant, il faut tester l’audition de ses frères etsœurs.

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Tableau 8 Différents modes de communication utilisés par les sourds sévères et profonds.

Communication orale Communication mixte ou « totale » Communication gestuelleParole Français Signé (français parlé accompagné

de signes de LSF suivant la même syntaxe)Mimogestualité

Lecture labiale Langue des Signes Française (LSF) (grammaire etsyntaxe propres)Langage Parlé Complété

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