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Immuno-analyse et biologie spécialisée 22 (2007) 156–159

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STRATÉGIE D’EXPLORATION FONCTIONELLE ET DE SUIVI THÉRAPEUTIQUE

Conduite à tenir devant une glycémie« limite supérieure »

Management of impaired fasting glycaemia

L. Kessler*, F. Moreau

Service d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, hôpitaux universitaires, 1, place de l’Hôpital,67091 Strasbourg cedex, France

Reçu le 14 décembre 2006 ; accepté le 5 mars 2007Disponible sur internet le 16 avril 2007

MOTS CLÉSHyperglycémie modéréeà jeun ;Diabète type 2 ;Intolérance glucosée ;Hyperglycémieprovoquée par voieorale

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : laurence.

0923-2532/$ - see front mattedoi:10.1016/j.immbio.2007.03

kessler@

r © 200.004

Résumé Le diabète de type 2 se caractérise par une longue phase de latence préclinique oùles anomalies de la tolérance glucosée vont progressivement s’installer. En dehors du diabètedéfini par une glycémie à jeun veineuse supérieure ou égale à 7 mmol/l (1,26 g/l), l’AmericanDiabetes Association a identifié deux anomalies de la tolérance glucosée : l’intolérance au glu-cose définie par une glycémie à la deuxième heure de l’hyperglycémie provoquée par voieorale (HGPO) comprise entre 7,8 et 11 mmol/l (1,4 et 1,9 g/l) et l’hyperglycémie modérée àjeun (HMJ) où la glycémie veineuse à jeun est comprise entre 6,1 et 6,9 mmol/l (1,1 et1,25 g/l). La prévalence de l’HMJ est de 2 à 10 % chez les adultes non diabétiques. Elleconcerne principalement les sujets de 40 à 50 ans, est 1,5 à 3 fois plus fréquente chezl’homme. La plupart des facteurs de risque connus pour favoriser le développement d’un dia-bète de type 2 sont présents chez les sujets ayant une HMJ : surcharge pondérale, obésitéabdominale, histoire familiale de diabète, consommation excessive de graisses et d’alcool.Plus de 50 % des sujets ayant une HMJ ont une hypertension artérielle. La moitié des sujetsayant une HMJ à jeun ont également une intolérance glucosée. L’HMJ est associée à un risqueélevé de développer un diabète de type 2 puisque 10 à 33 % des sujets ayant une HMJ déve-lopperont un diabète dans les cinq ans. L’HMJ et l’intolérance glucosée sont associées à uneaugmentation du risque de mortalité cardiovasculaire mais la glycémie à la deuxième heurede l’HGPO est plus prédictive que l’hyperglycémie modérée à jeun. Les facteurs de risquemacrovasculaire que sont la microalbuminurie et l’épaisseur intimale carotidienne sont signifi-cativement augmentés chez les sujets ayant à la fois une HMJ et une intolérance glucoséecomparés aux sujets n’ayant qu’une intolérance glucosée. Devant une HMJ associée ou non àdes facteurs de risque de diabète, il convient de réaliser une HGPO afin de rechercher uneintolérance glucosée ou un diabète.

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KEYWORDSImpaired fastingglycaemia;Impaired glucosetolerance;Type 2 diabetes;Oral glucose tolerancetest

Tableau 1 Critères diagnosde glycémies veineuses à j

DiabèteIntolérance glucoséeHyperglycémie modérée à

tiques deun et

jeun

Abstract Type 2 diabetes is preceded by a long preclinical period with progressively glucosetolerance abnormalities. Beside diabetes defined by a venous fasting glucose superior to7 mmol/l (1.26 g/l), American Diabetes Association identified two others abnormalities of glu-cose tolerance: the impaired glucose tolerance (IGT) defined by a two hours glycaemiabetween 7.8 and 11 mmol/l (1.4 and 1.9 g/l) at the oral glucose tolerance test (OGTT) andthe impaired fasting glycaemia (IFG) with a fasting glycaemia between 6.1 and 6.9 mmol/L(1.1 and 1.25 g/l). Prevalence of IGF is between 2 and 10% in non diabetic adult subjects. IFGconcerns mainly subjects aged 40–50 years and is 1.5 to 3 fold more frequent in man. Most ofthe well-known risk factors for developing type 2 such us overweight, abdominal obesity,familial history of diabetes, over –consumption of fat and alcohol are present in subjects hav-ing IFG. Hypertension is present in more than 50% of the subjects with IFG. Fifty percents ofsubjects with IFG are also an impaired glucose tolerance. IFG is associated with a high dia-betes risk because 10 to 30% of subjects with IFG will develop type 2 diabetes after fiveyears. Both IFG and IGT are associated with an increase of risk of cardiovascular mortalitywhile the two hours glycaemia of OGTT is more predictive than IFG. Microalbuminuria and car-otid intima media-thickness are significantly increased in subjects having both IGT and IFGcompared to subjects with only IGT. Subjects with IFG are associated with an increase risk ofdeveloping diabetes and cardiovascular disease. IFG requires the realization of an OGTT tosearch IGT or diabetes.

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Le Diabète de type 2 en affectant 3 à 6 % de la populationest devenu un authentique problème de santé publiquemondial touchant les pays industrialisés et les pays en voiede développement [16]. Il est associé à une augmentationde deux à trois fois des complications cardiovasculaires et àune réduction de l’espérance de vie des patients atteintspar la maladie [4]. Le diabète de type 2 est une maladiepolygénique sous l’influence de facteurs environnementauxque sont l’obésité, la sédentarité et le stress. Il se caracté-rise par une longue phase de latence préclinique où les ano-malies de la tolérance glucosée vont progressivements’installer. En dehors du diabète défini par une glycémie àjeun veineuse supérieure ou égale à 7 mmol/l (1,26 g/l),l’American Diabetes Association a identifié deux anomaliesde la tolérance glucosée : l’intolérance au glucose définiepar une glycémie à la deuxième heure de l’hyperglycémieprovoquée par voie orale (HGPO) comprise entre 7,8 et11 mmol/l (1,4 et 1,9 g/l) et l’hyperglycémie modérée àjeun où la glycémie veineuse à jeun est comprise entre6,1 et 6,9 mmol/l (1,1 et 1,25 g/l), Tableau 1 [2,12,14].

Comme le diabète de type 2, l’intolérance au glucose estassociée à une augmentation du risque de maladies cardio-vasculaires [6]. Il a bien été démontré que les facteurs derisque de survenue du diabète et de l’intolérance au glucoseétaient superposables : l’obésité abdominale, l’histoire fami-liale de diabète de type 2, les antécédents personnels dediabète gestationnel, l’âge, l’insulinorésistance [1,7]. Plu-sieurs études d’intervention ont démontré que 23 à 42 %des patients présentant une intolérance au glucose dévelop-peront un diabète de type 2 dans les trois à cinq ans et que

u diabète, de l’intolérance gluau cours de l’HGPO réalisée apr

Glycémie à jeun e≥ 1,26 (7,0)< 1,26 (6,1)1,1–1,25 (6,1–6,9)

la mise en place de mesures visant à rééquilibrer les apportsalimentaires et à stimuler l’activité physique permettait dediminuer de 50 % l’apparition de diabète de type 2 au stadede l’intolérance glucosée [8,11]. Dans ce contexte de dépis-tage précoce des anomalies de la tolérance glucosée, qu’elleest la prévalence et la signification de l’hyperglycémiemodérée à jeun ? Quelles sont les caractéristiques cliniquesde ces sujets ? L’hyperglycémie modérée à jeun représente-t-elle un facteur de risque de diabète et/ou un facteur derisque cardiovasculaire ? Requière-t-elle une prise en chargespécifique ?

Prévalence de l’hyperglycémie modéréeà jeun et caractéristiques cliniques

Différentes études épidémiologiques ont rapporté une pré-valence de l’hyperglycémie modérée à jeun de 2 à 10 % ausein d’adultes non diabétiques alors que celle de l’intolé-rance au glucose varie de 6 à 20 % [12].

L’hyperglycémie modérée à jeun concerne principale-ment les sujets de 40 à 50 ans à l’exception des femmeseuropéennes chez qui on observe un pic de prévalenceaprès 70 ans. Elle est classiquement pour tous groupesd’âge confondus 1,5 à 3 fois plus fréquente chez l’homme,sa prévalence tend vers un plateau dans la tranche d’âge40–50 ans puis chute dans les populations plus âgées surtouten Europe. La plupart des facteurs de risque connus pourfavoriser le développement d’un diabète de type 2 sont

cosée et de l’hyperglycémie modérée à jeun selon les valeursès prise orale de 75 g de glucose

n g/l (mmol/l) HGPO glycémie à 2 h en g/l (mmol/l)≥ 2,0 (11,1)1,4–1,99 (7,8–11,0)< 1,4 (7,8)

Figure 1 Arbre décisionnel de prise en charge d’une hyperglycémie modérée à jeun.

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présents chez les sujets ayant une hyperglycémie modéréeà jeun : surcharge pondérale, obésité abdominale, histoirefamiliale de diabète, consommation excessive de graisseset d’alcool. Plus de 50 % des sujets ayant une hyperglycé-mie modérée à jeun ont une hypertension artérielle [13].

Hyperglycémie modérée à jeun et intoléranceau glucose

Les études de prévalence montrent qu’en moyenne 50 %des sujets ayant une hyperglycémie modérée à jeun ontune intolérance glucosée et que seulement 20 à 30 % dessujets ayant une intolérance au glucose ont aussi unehyperglycémie modérée à jeun [9]. Cette concordancelimitée entre les deux populations est probablementl’expression de différentes anomalies de la tolérance glu-cosée avec comme déterminant principal un défaut pré-coce de l’insulinosécrétion pour l’intolérance au glucoseet une insulinorésistance périphérique pour l’hyperglycé-mie modérée à jeun.

Hyperglycémie modérée à jeun et diabète

Au moment du diagnostic de l’hyperglycémie modérée àjeun, 5 % des patients ont déjà un diabète confirmé par laglycémie de la deuxième heure de l’HGPO supérieure à2 g/l [6]. L’hyperglycémie modérée à jeun est associéeà un risque élevé de développer un diabète de type 2.Selon une méta-analyse de plusieurs études de cohortes,10 à 33 % des sujets ayant une hyperglycémie modérée àjeun développeront un diabète dans les cinq ans. Lorsquecette hyperglycémie modérée à jeun est associée à uneintolérance glucosée cette prévalence atteint 44 à 64 %[3]. Même si la plupart des facteurs de risque connuspour favoriser le développement d’un diabète de type 2sont présents chez les sujets ayant une hyperglycémiemodérée à jeun, il n’a pas été réalisé jusqu’à présentd’étude d’intervention de modification du mode de viedans cette population.

Hyperglycémie modérée à jeun et maladiescardiovasculaires

L’étude DECODE montre que l’hyperglycémie modérée àjeun et l’intolérance glucosée sont associées à une augmen-tation du risque de mortalité cardiovasculaire mais que laglycémie à la deuxième heure de l’HGPO est plus prédictiveque l’hyperglycémie modérée à jeun [5]. La prévalence de lamicroalbuminurie comme l’épaisseur intimale carotidiennesont comparables chez les sujets ayant une hyperglycémiemodérée à jeun et une tolérance glucosée normale. Enrevanche, ces deux paramètres sont significativement aug-mentés chez les sujets ayant à la fois une hyperglycémiemodérée à jeun et une intolérance glucosée comparés auxsujets n’ayant qu’une intolérance glucosée [10,15].

Proposition de prise en charge d’unehyperglycémie modérée à jeun

L’hyperglycémie modérée à jeun doit être considéréecomme un facteur de risque de diabète de type 2. Son asso-ciation à une intolérance glucosée majore à la fois le risquede diabète et de maladies cardiovasculaires (Fig. 1).

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