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  • De l'infini mathmatique([Reprod. en fac-sim.])par Louis Couturat,...

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • Couturat, Louis (1868-1914). De l'infini mathmatique ([Reprod. en fac-sim.]) par Louis Couturat,.... 1896.

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  • DE L'INFINI

    MATHMATIQUE

    PAR

    LOUIS COUTURAT

    ANCIEN LVE DE L'ECOLE NORMALE SUPRIEURE

    AGB1G DE PHILOSOPHIE

    LICENCIE ES SCIENCES M A.THM AT1QUE8

    DOCTEUR ES LETTRES

    La vraie science do l'esprit n'est pas

    la psychologie, mais la mtaphysique.

    J. LACHLIER.

    Nouveau tirage

    PARIS

    LIBRAIRIE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

    Albert BLANCHARD

    9, rue de Mdicis

    1973

  • DE L'INFINI

    MATHMATIQUE

    PAR

    LOUIS COUTURAT

    ANCIEN LVE DE L'COLE NORMALE SUPRfEUHE

    AGRG DE PHILOSOPHIE

    LICENCIE Et) SCIENCES MATHMATIQUES

    DOCTEUR ES LETTRES

    La vraie science de l'esprit n'est pasla psychologie, mais la mtaphysique.

    J. LACHEUER.

    Nouveau tirage

    PARIS

    LIBRAIRIE SCIENTIFIQ UE ET TECHNIQUE

    Albert BLANCHARD

    9, rue de Mdicis

    1973Tons droits rservs.

  • Copyright by A. BLANCHARD 1973

  • DE L'INFINI

    MATHMATIQUE

    PAR

    LOUIS COUTURAT

    ANCIEN LVE DE L'COLE NORMALE SUPKnfBUTtE

    AGRG DE PHILOSOPHIIE

    LICENCI' 88 SCIENCES MATHMATIQUES

    DOCTEUR ES LETTRES

    CI La vraie science de l'esprit n'est pasla psychologie, mais la mtaphysique.

    J. Lachelier.

    Nouveau tirage

    PARIS

    LIBRAIRIE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

    Albert BLANCHARD

    9, rue de Mdicis

    1973Tous droits rservs.

  • Copyright by A. BLANCHARD 1973

  • DE L'INFINI

    MATHMATIQUE

  • PRFACE

    De tout temps la Philosophie s'est propos de connatre la

    nature des choses p et de pntrer le systme du monde .

    Seulement, tandis que dans l'antiquit elle se confondait avec la

    Science et se flattait de connatre directement l'Univers, dans

    les temps modernes elle se distingue de la Science, qui s'est

    constitue part pour rechercher les lois de la nature. Sans

    doute, elle est toujours la connaissance de l'Univers, mais une

    connaissance d'un ordre suprieur c'est un second degr dans

    la rflexion et dans la systmatisation des faits, une nouvelle

    laboration des donnes de l'exprience. Elle ne doit plus s'ap-

    pliquer au a monde sensible de l'exprience vulgaire, mais

    au monde idal construit par la Physique; de sorte qu'elle repose

    essentiellement sur la connaissance des lois scientifiques, qui

    rendent ce monde intelligible. En un mot, la Philosophie n'a

    pas pour objet immdiat les phnomnes et leurs lois, mais la

    Science elle-mme, qui tudie ces phnomnes et ces lois.

    Il ne faut donc pas croire que la Philosophie ne soit qu'un

    prolongement de la Science, et qu'elle n'ait d'autre fonction que

    de coordonner les lois dj connues pour en former des tho-

  • VI PRFACE

    ries gnrales, ou d'anticiper par des hypothsesles lois encore

    inconnues. Son rle n'est ni de complter ni de devancer la

    Science; elle n'a pas deviner les lois de la nature, les sim-

    plifier et les organiser en systmes provisoires et prmaturs,

    ni les rsumer en une formule unique qui expliquerait tous

    les phnomnes et serait la clef de l'Univers.Elle ne consiste

    pas dans ces synthses plus vastes que profondeset plus bril-

    lantes que solides qu'on a spirituellement nommes une phi-

    losophie d'Exposition universelle . On ne doit pas non plus

    l'opposer comme Science idale il la Science positive,car

    ce serait la relguer dans le domaine de l'ignorance et du rve,

    pour ne pas dire de la fantaisie. La Philosophie n'tudie pas les

    choses et les faits, mais les ides; elle ne recherche pas les lois

    de la nature, mais les lois de l'esprit. Pour cela, elle doit

    remonter aux principes mmes de la Science, pour en prouver

    la valeur et en scruter les fondements. Elle est essentiellement

    une Thorie de la connaissance, et son vrai nom est la Critique.

    Il importe d'ajouter, pour prvenir tout malentendu, que

    cette critique ne doit avoir l'gard de la Science aucune inten-

    tion hostile, aucune consquence subversive. En contrlant la

    mthode des sciences et en discutant leurs principes, la Cri-

    tique ne cherche nullement les ruiner, mais au contraire

    les justifier. La Science, du reste, a fait ses preuves, et con-

    tinue les faire chaque jour; il ne saurait tre question de

    rvoquer en doute sa valeur, mais simplement d'en dterminer

    les conditions et les limites. Elle n'a jamais tromp que les

    esprances de ceux qui, mconnaissant sa nature et sa comp-

    tence, attendaient d'elle autre chose que ce qu'elle peut pro-

    mettre et donner, et lui demandaient une Mtaphysique, une

    1. M. Boirac, ap. Revue philosophique, t. XXXII, p. 528.

  • PRFACE VU

    Morale et mme une Religion. Ce n'est pas l'branler que de

    constater qu'elle repose sur des notions qu'elle ne peut dfinir

    et sur des hypothses qu'elle ne peut prouver. Or c'est prci-

    sment l le domaine de la Critique son office est de rendre

    compte des concepts et des principes fondamentaux de la

    Science, et de rendre raison du succs de leur application la

    connaissance de la nature. En rsum, si c'est la Science

    d'expliquer l'Univers, c'est la Philosophie d'expliquer la

    Science; et si la Philosophie ne russissait pas justifier la

    Science, ce ne serait pas la banqueroute de la Science,

    mais bien celle de la Philosophie.

    Ainsi la Philosophie et la Science sont absolument distinctes

    elles ont chacune leur domaine et leur rle propre; et si elles

    ont t parfois tentes d'empiter l'une sur l'autre et de se sup-

    planter, elles ne peuvent et ne pourront jamais se remplacer.

    Mais il ne s'en suit pas qu'elles soient indpendantes l'une de

    l'autre, et qu'elles puissent impunment se sparer. Tout au

    contraire, la Philosophie ne peut se passer de la Science, car

    elle y trouve sa matire indispensable et son aliment naturel.

    C'est ce que son histoire entire pourrait dmontrer tous les

    philosophes, depuis Aiustote jusques Kast, ont pris pour

    objet de leurs spculations la Science telle qu'elle existait de

    leur temps, et lui ont emprunt les matriaux de leurs sys-

    tnes. Mais jamais le commerce de la Science et de la Philoso-

    phie ne fut plus intime et plus fcond que dans cet admirable

    xvnie sicle, o tous les penseurs taient verss dans les Sciences

    et nourris de Mathmatiques, et o les plus grands mtaphysi-

    ciens furent l'inventeur de l'Analyse et celui du Calcul infini-

    tsimal, c'est--dire les fondateurs de la Science moderne. Leur

    exemple suffirait prouver que la Science ne perd rien s'ins-

    pirer de la Mtaphysique, et qu'en retour la Philosophie trouve

  • VIII PRFACE

    dans la connaissance scientifique son point de dpart et son

    point d'appui.

    Or cette antique tradition parat aujourd'hui perdue, ou tout

    au moins interrompue. Depuis un sicle environ, pour des

    causes diverses que nous n'avons pas rechercher, la Philoso-

    phie, semble s'tre dtache dela Science et dsintresse de

    ses progrs. Abandonnant le monde physique aux savants, elle

    s'est confine dans l'tude de la conscience; elle a cru pouvoir

    se renfermer dans un domaine part, le monde mental, et en

    dcouvrir les lois par une mthode spciale, l'introspection.

    Nous ne voulons pas examiner ici si elle a russi se constituer

    comme science particulire, ou si, en prtendant devenir la

    science de l'me elle n'en a pas t plutt l'histoire natu-

    relle. En tout cas, elle s'est ainsi pose sur le terrain de la

    Science, et s'est oppose comme science morale aux sciences

    physiques. Par l mme, elle a considr l'esprit comme une

    chose faisant partie de la nature, et en a fait un objet d'tudes

    pour les savants. Aussi, comme elle avait fait reposer toute la

    Mtaphysique sur la Psychologie, la Mtaphysique a-t-elle paru

    ruine le jour o la Science s'est empare des phnomnes spi-

    rituels par leur face physiologique, la seule mesurable, et par

    suite la seule scientifiquement connaissable. Il en est rsult

    deux erreurs fort graves parmi les savants, les uns ont cru

    que toute Mtaphysique tait dsormais impossible et que la

    Science suffisait tous nos besoins intellectuels, ou que du

    moins notre lgitime curiosit devait se borner la connais-

    sance des lois de la nature; les autres ont espr qu'une

    Psychologie plus srieuse et vraiment scientifique pourrait

    remplacer la Mtaphysique, ou plutt serait la vraie Mtaphy-

    sique, et nous livrerait le dernier mot des choses et de l'esprit.

  • PRFACE IX

    C'est ainsi que la Psychologie soi-disant spiritualiste a pr-

    par, sinon engendr, la Psychologie prtendue scientifique

    et au fond matrialiste, et a failli compromettre la Mtaphy-

    sique elle-mme. L'clectisme et le positivisme ont galement

    mconnu le caractre original et la fonction vritable de la

    Philosophie. Le premier, en se figurant observer la conscience,

    ne faisait qu'analyser des concepts vagues et confus, produit

    spontan de l'exprience vulgaire; et il a cru qu'il suffisait de

    raisonner sur eux pour en tirer des vrits mtaphysiques il a

    ainsi abouti une idologie strile et vide. Le second s'est

    efforc d'atteindre les faits de conscience par la mthode exp-

    rimentale pour en dterminer les lois mais, au lieu de faits

    psychiques, il n'a pu observer que des phnomnes physiolo-

    giques, et ce n'est pas la pense qu'il a soumis l'exprimen-

    tation, mais seulement ses manifestations physiques. L'un et

    l'autre ont manqu le but, parce qu'ils ont viol ce principe

    de la Critique, savoir que la Mtaphysique consiste essen-

    tiellement en jugements synthtiques a priori, et ils se sont

    en vain flatts de la remplacer, soit par des vrits logiques

    (jugements analytiques), soit par des lois exprimentales (juge-

    ments synthtiques cz posteriori). Ils n'ont oubli qu'une chose

    c'est que les vrits, tant logiques que scientifiques, sont rela-

    tives l'esprit qui pense, et ne sont vraies qu'en tant qu'elles

    sont conformes aux principes rationnels. C'est donc une entre-

    prise chimrique et vaine que de chercher connatre scienti-

    fiquement les lois de la pense, attendu que toute connaissance

    scientifique est fonde sur ces lois elles-mmes, et que la

    moindre exprience n'a de valeur qu'autant qu'elle est soumise

    aux formes a priori de la raison.

    Ce n'est donc ni par l'analyse logique et la dduction, ni par

    l'analyse psychologique et l'induction que l'on peut atteindre

  • X PRFACE

    les principes de la connaissance. Les problmes critiques ne

    relvent ni de la logique ni de l'exprience, mais de la raison.

    Ils ne relvent pas de la logique, s'il est vrai, suivant une

    pense profonde de Cournot qui a inspir tout notre Ouvrage,

    que la lche de toute Critique et de toute Philosophie consiste

    choisir, entre plusieurs enchanements de concepts galement

    l.ogiqices, le plus rationnel, c'est--dire celui qui met le plus

    d'unit, de lumire et d'harmonie dans nos ides, en les ratta-

    chant quelques ides primordiales et simples; car si, tant

    donn un systme de propositions logiquement unies, l'on peut

    indiffremment partir de l'une quelconque d'entre elles pour

    en dduire les autres, l'ordre le plus naturel et le plus philoso-

    phique est celui qui fait dpendre toutes ces vrits de quelques

    principes vraiment vidents et irrductibles, en un mot, vrai-

    ment principes.

    Les problmes critiques ne relvent pas davantage de l'exp-

    rience car l'esprit que l'on connait ne sera jamais l'esprit qui

    connat. Le premier est la conscience, thtre de phnomnes

    fugitifs et insaisissables dont la liaison et la raison d'tre

    chappent fatalement l'observation; le second est le moi

    pensant ou la raison, qui organise le chaos infiniment vari de

    la conscience phnomnale de ce mirage phmre et dcevant

    elle tire les lments d'un systme solide et permanent qu'elle

    construit conformment ses lois, qu'elle dote de la valeur

    objective et qu'elle nomme la ralit. Or ce travail obscur et

    pour ainsi dire souterrain de la raison informant les donnes

    de l'exprience ne se rvle que par ses produits les principes

    en vertu desquels la raison opre se sentent, ils ne se voient

    pas. Aussi n'est-ce pas en observant scrupuleusement les faits

    i. Correspondance ehtie l'Algbre ei La Gomtrie, chap. xvi, n 146.

  • PRFACE XI

    psychologiques que l'on surprendrale secret de ces oprations

    et qu'on se rendra compte de leur valeur. Jamais n'apparatront

    dans l'intuition sensible les rgles qui unissent nos ides, gui-

    dent nos jugements et nos raisonnements,et nous font distin-

    guer le vrai du faux. En gnral, la mthode empirique qui

    consiste tudier les dmarches de l'esprit la faon des ph-

    nomnes physiques ne permet pas de pntrerles raisons pro-

    fondes de leur enchanement. Ceux qui se flattent de dcouvrir

    les lois caches de la raison en observant la surface ondoyante

    et mouvante de la conscience ressemblent celui qui prten-

    drait expliquer la marche d'un vaisseau parle remous et le

    clapotis des flots qu'il soulve, sans connatrele gouvernail qui

    le dirige et l'hlice qui le pousse en avant.

    Ainsi, malgr les apparences, la Psychologie introspective

    ne peut saisir l'esprit dans sa spontanitintime et vivante,

    encore moins la Psychologie exprimentale et physiologique

    car elles n'atteignent l'esprit que dans ses manifestationsext-

    rieures, et l'tudient pour ainsi dire du dehors.Au contraire,

    la vraie mthode pour connatre l'esprit est celle qui pourrait

    paratre au premier abord extrieure et superficielle,et qui con-

    siste l'tudier dans son ouvrage, qui est la connaissance,et

    spcialement la Science. Ce paradoxe est facile justifierde

    mme que l'on ne comprend bien une machine qu'enla regar-

    dant marcher, de mme, pour pntrer les procdsde l'intelli-

    gence, il faut la voir l'oeuvre. Il y a plus pouravoir une juste

    image des oprations latentes de la raison,il faudrait la com-

    parer une machine invisible dont on n'apercevrait queles

    produits, et dont on ne pourrait connatre la structure que par

    les traces qu'elle y laisse et la forme qu'elle leur imprime.De

    mme, on doit laisser la pense oprer spontanment envertu

    de son mcanisme inconscient, et l'tudier aprs coup dans ses

  • XII PRFACE

    ouvrages, en y relevant l'empreinte des rouages intellectuels

    qui les ont faonns.

    C'est donc dans la Science, et surtout dans les sciences faites

    et rgulirement constitues, que l'on doit tudier l'organisa-

    tion de l'esprit et le prendre pour ainsi dire sur le fait. C'est

    dire que la Philosophie consiste essentiellement et avant tout

    dans la Critique gnrale des sciences; et quand elle n'aurait

    pas d'autre fonction, elle y trouverait une raison d'tre suffi-

    sante et ternelle car toute science, s'appuie sur des principes

    ou des notions supra-scientifiques qui ne relvent pas de sa

    mthode et qu'il ne lui appartient pas de vrifier, puisqu'elle

    les suppose. Ces donnes fondamentales, que la Science est

    oblige de postuler, mais qu'elle n'expliquera jamais, sont et

    resteront le domaine propre de la Critique. Ainsi conue, la

    Philosophie n'empite pas sur le domaine de la Science, et

    partant ne s'expose aucun dmenti de sa part. De son ct,

    la Science, au lieu d'vincer la Philosophie par son progrs

    indfini, ne fait, en se dveloppant, que fournir la rflexion

    critique une matire de plus en plus riche et abondante. Loin

    de supprimer ou de rsoudre les problmes critiques que

    reclent ses principes, elle les pose avec plus d'urgence et

    aussi de clart, elle en prcise et en simplifie les termes, et

    sans en donner la^ solution, qui n'est pas de son ressort, elle

    la prpare et en fournit les lments.

    Est-ce dire que la Philosophie ne puisse plus tre qu'une

    Critique? Nous ne le pensons pas. Tout d'abord, une Critique

    implique et engendre ncessairement une Thorie de la con-

    naissance, car elle aboutit distinguer divers modes et divers

    degrs de connaissance, et par suite diverses facults de con-

  • PRFACE XIII

    natre ayant une valeur ingale et des rles diffrents. Elle

    tablit donc une certaine hirarchie entre elles, et par l mme

    attribue l'une d'elles une autorit suprieure et un rle pr-

    pondrant cette facult matresse, arbitre des autres facults,

    est ce qu'on appelle la raison. Pour le dire tout de suite, la

    raison doit tre soigneusement distingue de l'entendement,

    qui abstrait et gnralise, juge et raisonne sur des concepts,et qui est la facult proprement logique et analytique, tandis

    clue la raison est la facult des ides pures et des principes

    synthtiques a priori.

    D'autre part, la Thorie de la connaissance enveloppe natu-

    rellement une Thorie de l'tre en effet, par cela mme qu'unede nos facults de connatre est reconnue juge suprme de la

    vrit, et dcide de la valeur relative de nos connaissances, on

    doit attribuer une valeur absolue, c'est--dire objective, aux

    connaissances ou aux dcisions de cette facult souveraine, de

    sorte que la raison sera aussi juge en dernier ressort de la

    ralit. Aussi, quoi qu'en disent l'agnosticisme et le mysti-cisme la mode, la ralit ne peut pas tre irrationnelle ou

    inintelligible car le rel pour nous, c'est ce que nous pensons

    comme vrai, et le vrai, c'est ce dont la raison comprend et

    affirme l'existence. Les noumnes inconnaissables procdent

    du prjug raliste (soutenu d'ailleurs par des exigences morales

    dont nous n'avons pas apprcier la valeur) qui considre les

    choses comme existant en dehors et indpendamment de l'es-

    prit mais au point de vue purement spculatif, qui est le ntre,

    ils n'ont aucune raison d'tre et nous paraissent injustifiables,

    mme titre simplement problmatique. C'est parce que KANT

    a conu arbitrairement la sensibilit comme une rceptivit

    qu'il a cru devoir admettre des choses en soi, causes transcen-

    dantes de nos sensations; et de mme, c'est parce qu'il a iden-

  • XIV PRFACE

    tifi gratuitement intuition et rceptivit qu'il a soutenu

    que nous ne pouvons avoir quedes intuitions sensibles. Pour

    un idalisme plus logique et plus radical,nos sensations n'ont

    pas d'autres causes que les objetsde notre exprience, c'est--

    dire l'ensemble des sensations organises et objectives parla

    raison'. Or, si l'on bannit cette idole raliste de la chose en

    soi p, lgue par l'ontologie substantialiste l'idalisme cri-

    tique, on devra reconnatre quela ralit n'est pas transcen-

    dante, mais immanente l'esprit, et qu'elle est au fondune

    construction de la raison.

    Il n'y a qu'un cas o la raison ne pourrait pasatteindre la

    ralit, c'est--dire confrer l'objectivit au systmede nos

    connaissances construit conformment il ses lois c'est celui

    o elle serait condamne se contredire elle-mme en portant

    des affirmations sur la ralit absolue une contradiction

    intrinsque pourrait seule l'empcher d'accorder ce systme

    l'existence objective. C'est pourquoi l'Antinomie dela Raison

    pure est vraiment la citadellede l'Idalisme transcendental.

    Or, si nous russissons prouver que la raison n'entre pas

    rellement en conflit avec elle-mme, mais seulement avec l'en-

    tendement et la sensibilit, qui lui sont subordonns, rien ne

    lui interdira plus de se prononcer sur la ralit objectivede

    l'Uriivers idal qu'elle construit; et si d'autre part nous parve-

    nons montrer que ses principes synthtiques reposent sur

    une intuition intellectuelle pure, nous aurons du mme coup

    tabli que son rle n'est passeulement rgulateur mais

    constitutif , que sa comptence n'est pas circonscrite dans

    les limites de l'exprience possible, et qu'il est permis d'en

    faire un usage transcendant (par rapport la sensibilit et

    1. Cf. A. Sp:n, De la nature des choses, ap. Revue de Mtapkysique et de Morale,t. III, p. 130.

  • PRFACE XV

    l'entendement). En rsum, si la Critique doit avant tout jus-

    tifier et fonder la Science, il ne nous semble pas qu'elle soit

    pour cela oblige de ruiner la Mtaphysique; tout au contraire,

    elle la prpare et y achemine naturellement.

    On sait du reste que la Critique kantienne n'a prtendu ruiner

    que la Mtaphysique conue comme la connaissance des choses

    en soi, mais nullement la Mtaphysique entendue comme le

    systme des principes de la nature et l'exemple mme de son

    auteur montre que ces principes sont au fond les lois de la

    pense, et qu'ils doivent tre cherchs dans l'analyse critique

    de nos facults de connatre. Donc, en tout tat de cause, la

    Critique ne supprime pas plus la Philosophie de la nature que

    la Philosophie de l'esprit. Seulement, si l'on renonce la chi-

    mre ontologique de l' tre en tant qu'tre ou de la chose

    en soi , c'est la Philosophie de la nature qui devient (ou plutt

    redevient) la vritable Mtaphysique, au sens primitif et ty-

    mologique de ce mot or, comme elle repose ncessairement

    sur la Science do la nature, elle se confond avec la Philosophie

    des sciences, ou tout au moins y prend racine. Qui nous dit,

    en effet, que les jugements synthtiques a prioj'i qui constituent

    la Mtaphysique soient autres que ceux qui constituent la

    Mathmatique pure et la Physique pure? Dans tous les cas,

    que l'on recherche les principes de la nature ou les lois de la

    raison, c'est toujours il la Critique de la Science qu'il faut

    recourir, et par elle qu'il faut commencer de sorte que la

    Thorie de la connaissance engendre en mme temps une Phi-

    losophie de la nature et une Philosophie de l'esprit. Encore

    une fois, la Mtaphysique ainsi entendue, comme la Critique

    qui en est la source, n'a rien craindre des progrs de la

    1. KANT, Premiers Principes mtaphysiques de la Science de la Nature, trad.

    Andler et Chavannes (Alcan, 1891).

  • xvi PRFACE

    Science, dont elle accepte et lgitimed'avance toutes les

    dcouvertes loin de reculer devant son dveloppementinces-

    sant, elle y trouve l'occasionde se confirmer, de se complter

    ou de se corriger, et y puisela sve ncessaire son renou-

    vellement perptuel.

  • bINTRODUCTION

    Le problme capital de la Critique consiste dterminer la

    part respective de l'a priori et de l'a posteriori dans la connais-

    sance, autrement dit, les rapports de la raison et de l'exp-

    rience. Or la Mathmatique est la science rationnelle et a priori

    par excellence, tandis que la Physique emploie la mthode

    et posteriori et est fonde sur l'exprience. La question fonda-

    mentale de la Critique scientifique peut donc se ramener

    celle-ci Quels sont les rapports de la Physique et de la Math-

    matique ?

    Mais ce n'est l qu'une formule superficielle et vague, qu'il

    faut prciser et approfondir. On sait que ces deux sciences

    s'unissent intimement dans la Physique mathmatique, et col-

    laborent en quelque sorte la connaissance de la nature, de

    sorte qu'il est impossible d'tablir entre elles une dmarcation

    tranche. Si l'on ne considre que la mthode, on serait tent

    de sparer la Physique mathmatique de la Physique expri-

    mentale mais ces deux branches de la science se fondent

    ensemble tel point que leur distinction se rduit une simple

    diversit de points de vue ce sont deux procds diffrents

  • XVIII INTRODUCTION

    pour traiter les mmes questions et tudier les mmes faits,

    peu prs comme la synthse et l'analyse en Gomtrie. D'ail-

    leurs, ce qui appartenait hier la Physique exprimentale rel-

    vera demain de la Physique mathmatique, de sorte que celle-ci

    empite de plus en plus sur celle-l, et tend l'absorber. Si,

    au contraire, on envisage leur objet, non seulement la Physique

    mathmatique et la Physique exprimentale ont le mme objets,

    mais cet objet leur est commun avec la Mcanique et mme la

    Gomtrie, sciences dites mathmatiques car les lois de ces

    dernires s'appliquent au monde matriel et sont vraies de tous

    les corps de la nature, aussi bien que les lois physiques, et

    mme avec un degr suprieur de certitude et de gnralit.

    L'Astronomie, par exemple, est une science physique, en tant

    qu'elle emploie la mthode d'observation et tudie des phno-

    mnes rels et des objets concrets; et en mme temps elle est

    une science mathmatique et dductive, car la Mcanique

    cleste n'est qu'une branche de la Mcanique rationnelle ou

    analytique. Ainsi la Gomtrie et la Mcanique paraissent bien

    tre . ce titre des sciences de la nature; du reste, l'Hydrosta-

    tique et l'Hydrodynamique rattachent troitement la Physique

    la Mcanique, comme la Cinmatique relie la Mcanique la

    Gomtrie. Il est donc impossible de sparer ces deux der-

    nires sciences de la Physique, dont elles forment en quelque

    sorte les premiers chapitres.

    D'autre part, l'une et l'autre reposent sur des principes (hypo-

    thses ou postulats, comme on voudra les appeler) qui sont

    essentiellement synthtiques. Par l encore elles se rapprochent

    de la Physique, qui, pour employer la mthode dductive et le

    calcul, n'en emprunte pas moins ses principes l'exprience;

    et au contraire elles s'opposent nettement aux Mathmatiques

    pures, savoir l'Arithmtique et l'Algbre, qui procdent d'une

  • INTRODUCTION XIX

    manire rigoureusement analytique. Que ces principes synth-

    tiques soient a priori ou a posteriori, il importe peu pourle

    moment; disons toutefois que les savants sont en gnral ports

    penser que la Gomtrie et la Mcanique sont dessciences

    exprimentales par leurs donnes initiales, et les fondersur

    des faits d'observation c'est leurs yeux une raison de plus

    pour les considrer comme des parties de la Physique. Quoi

    qu'il en soit, on les distingue des Mathmatiques puresen les

    runissant avec l'Astronomie sous le nom de Mathmatiques

    appliques. Ainsi la barrire vritable se trouve, nonentre la

    Mathmatique et la Physique, mais entre les Mathmatiques

    pures et les Mathmatiques appliques, auxquelles la Physique

    se soude intimement, et dont elle ne fait que continuer et dve-

    lopper l' application la nature. Le problme critiquese

    pose donc prsent dans ces termes Quels sont les rapports

    des Mathmatiques pures et des Mathmatiques appliques?

    On connat, au moins en gros, quels sont ces rapports ils

    consistent dans l'application de l'Algbre la Gomtrie, quia

    engendr non seulement la Gomtrie analytique,mais l'Ana-

    lyse, et en particulier le Calcul infinitsimal, qui permetde

    mesurer exactement les figures les plus complexes, et de suivre

    avec prcision les grandeurs gomtriquesdans leurs varia-

    tions continues. Or, si nous en croyons les mathmaticiens,

    l'Analyse reposerait exclusivement surl'ide de nombre, tandis

    que la Gomtrie, la Mcanique et la Physique auraient pour

    objet des grandeurs connues-par exprience. Par suite, l'Ana-

    lyse pourrait tre construite entirement a priori, et s'oppose-

    rait comme science du nombre pur aux sciences de la nature.

    Ainsi l'application de l'Algbre la Gomtrie, et plus gnra-

    lement de l'Analyse la Physique, consiste essentiellement

    dans l'application des nombres aux grandeurs. La question

  • XX INTRODUCTION

    critique revient donc en dfinitive celle-ci Quels sont les rap-

    ports du Nombre et de la Grandeur?

    Comme on le voit, c'est, au fond, de la valeur objective du

    Calcul infinitsimal qu'il s'agit, c'est--dire de la lgitimit de

    son application aux grandeurs physiques, et par suite de la

    possibilit de soumettre les phnomnes naturels des lois

    mathmatiques. C'est aussi et avant tout de sa valeur logique,

    qui a t si longtemps discute, et qui est encore conteste ou

    mconnue de nos jours par certains philosophes. C'est enfin et

    surtout de la valeur et mme de l'existence positive des ides

    d'infini et de continu, sur lesquelles repose l'Analyse tout

    entire. Mais on voit en mme temps que cette question, qui a

    t autrefois dbattue d'une manire souvent si confuse et si

    obscure, se ramne une question tout fait lmentaire, et se

    pose prsent dans les termes les plus simples et les plus clairs

    car l'application des nombres aux grandeurs consiste principa-

    lement dans la mesure des grandeurs, dont la notion est fami-

    lire tout le monde. Il s'agit donc, en somme, de savoir

    quelles conditions les grandeurs sont mesurables, et dans quel

    sens cette opration (de l'esprit) est possible et lgitime.

    Cette tude nous amnera naturellement rechercher l'ori-

    gine respective des ides de nombre et de grandeur, et dcider

    si elle est a priori ou a posteriori. Les savants, avons-nous dit,

    considrent les grandeurs en gnral, et les grandeurs gom-

    triques en particulier, comme des donnes exprimentales, et

    c'est pourquoi ils s'efforcent d'difier toute l'Analyse avec la

    seule notion du nombre, qu'ils regardent comme l'unique base

    rationnelle de la Mathmatique. Nos recherches aboutiront

    une conclusion toute contraire l'Analyse ne repose pas, selon

    nous, sur l'ide de nombre, quelque extension qu'on lui donne,

    mais sur l'ide universelle de grandeur or cette ide ration-

  • INTRODUCTION XXI

    nelle ne peut se construire au moyen du nombre, mme gn-

    ralis elle est au contraire la raison d'tre de la gnralisation

    du nombre, et le fondement intuitif des jugements synthtiques

    a priori qui constituent la Mathmatique pure. D'ailleurs,

    l'Analyse ne s'applique pas seulement aux grandeurs gomtri-

    ques, mais toutes les espces de grandeurs aussi est-elle

    l'instrument commun de la Gomtrie, de la Mcanique et de

    la Physique proprement dite. En un mot, elle n'est pas la science

    du nombre pur et abstrait, mais la science de la grandeur en

    gnral.

    On comprend aisment, ds lors, que cette Mathmatique

    universelle, rve et fonde par DESCARTES et par LEIBNITZ, trouve

    dans la Physique un champ d'application illimit, puisque celle-

    ci se propose de dterminer les lois des phnomnes matriels,

    qui se ramnent en fin de compte des rapports de grandeurs.

    Aussi l'Analyse pntre et envahit progressivement toutes les

    sciences de la nature, mesure qu'elles deviennent exactes

    en rduisant leurs objets des grandeurs mesurables. En effet,

    l'Analyse construit a priori toutes les relations concevables

    entre les grandeurs, et tudie dductivement leurs proprits et

    leurs transformations. C'est un rpertoire de formes abstraites,

    un catalogue de lois mathmatiques, rattaches quelques types

    gnraux et simples, parmi lesquelles la Physique doit nces-

    sairement trouver celles qui unissent en fait telles et telles

    grandeurs concrtes. Ce n'est donc pas une science part,

    juxtapose ou oppose aux sciences physiques c'est la langue

    universelle des sciences c'est une vritable Logique, la

    Logique de la quantit

    1. C'est la Logistique de Cournot.

  • XXII INTRODUCTION'

    On s'tonnera peut-tre de nous voir traiter la question de

    l'Infini mathmatique sans faire appel aucune notionni

    aucun principe de Calcul infinitsimal. Cette simplificationdu

    problme est due aux savants eux-mmes,et l'on ne saurait

    trop leur en tre reconnaissant. Dans cesicle o la plupart

    des philosophes cessaient de se tenir au courantdes dcou-

    vertes scientifiques et surtout du progrs des mthodes, les

    mathmaticiens ont cru devoir reviser et rformer la constitu-

    tion de leur science. Aprs l'extension prodigieuse quel'Ana-

    lyse avait reue au xvm sicle, il tait indispensable d'orga-

    niser ces conqutes immenses et rapides, et de revenirsur les

    principes d'o l'on tait parti pour les affermiret les coor-

    donner. Aussi, pendant que la science poursuivait sondve-

    loppement de plus en plus acclr,des savants l'esprit

    critique la reprenaient pourainsi dire en sous-uvre, et la

    reconstruisaient sur des fondements solides et prouvs. Ils

    contrlaient l'enchanement logique des propositions, recher-

    chaient avec soin toutes les ptitions de principe dissimules

    dans la trame des raisonnements, et les rduisaient un petit

    nombre d'axiomes ou de postulats o toutes les donnes fonda-

    mentales venaient se rassembler et se condenser. Ils s'atta-

    chaient surtout bannir des dmonstrations tout argument

    Imaginatif, tout appel l'intuitionils purifiaient ainsi l'Ana-

    lyse des considrations gomtriques,et la reconstituaient par

    une mthode vraiment analytique, de sorte que tous les prin-

    cipes synthtiques implicitement admis parles inventeurs dans

    le cours de leurs dductions se trouvaient dsormais formuls

    explicitement au dbutmme de la science, runis et rsums

    dans ses hypothses primordiales.Ainsi les notions et les pro-

    positions constitutives dela science se prsentent aujourd'hui

    sous la forme la plus lmentaire et la plus accessible,et dans

  • INTRODUCTION XXIII

    un enchanement rigoureux et systmatique tout fait propre

    faire ressortir leur valeur philosophique.

    Nous voudrions faire profiter la Philosophie de ce grand tra-

    vail de cristallisation logique de la science, qui prpare et faci-

    lite singulirement la tche de la Critique, et en mettre les

    principaux rsultats la porte et la disposition des philoso^

    phes. C'est grce ce travail qu'il nous est possible de ramener

    la question tant controverse de la valeur du Calcul infinit-

    simal celle de l'infini de grandeur et de nombre car celle-ci

    implique celle-l, de sorte que la premire se trouvera rsolue

    dans le sens et dans la mesure o nous aurons russi rsou-

    dre la dernire. Il nous sera donc permis d'agiter le problme

    de l'Infini mathmatique sans parler d'intgrales ni de diffren-

    tielles. En effet, tout l'algorithme infinitsimal repose aujour-

    d'hui sur la seule notion de linaite, laquelle s'introduit dans les

    lments, et peut s'expliquer sans avoir recours aucune for-

    mule cabalistique, aucun symbolisme mystrieux car c'est

    prcisment cette notion rigoureuse qui sert dfinir et jus-

    tifier tous les symboles et toutes les formules du Calcul infinit-

    simal. D'ailleurs, si cette notion permet de se passer de l'ide

    d'infini dans la constitution de l'Analyse, c'est peut-tre qu'au

    fond l'infini se trouve impliqu dans la dfinition mme de la

    limite, de sorte que c'est par elle qu'il s'introduit dans toutes

    les branches de l'Analyse.

    D'autre part, cette notion capitale de limite est intimement

    lie l'ide de continuit; elle suppose par suite l'extension

    progressive de l'ide de nombre,et en particulier la cration

    des nombres irrationnels. Or, pour le dire d'avance, cette cra-

    tion ne parat se justifier que par l'applicationdes nombres aux

    grandeurs de sorte que l'tude dela gnralisation du nombre

    est propre clairer les rapports du nombre et de la grandeur.

  • XXIV INTRODUCTION

    De son ct, le nombre infini offre des analogies profondes

    avec le nombre irrationnel l'un et l'autre reprsentent des

    grandeurs incommensurables, et trahissent l'insuffisance du

    nombre traduire la grandeur. En outre, il y a une connexion

    troite entre les ides d'infinit et de continuit or, si celle-ci

    trouve son expression naturelle et adquate dans les nombres

    irrationnels, celle-l s'exprime par le nombre infini. Enfin, la

    continuit essentielle des grandeurs enveloppe elle-mme une

    infinit de parties, et justifie encore par l le nombre infini.

    Pour toutes ces raisons, le nombre infini est une des extensions

    de l'ide de nombre, la plus choquante peut-tre, en tout cas

    la plus conteste, sans doute parce qu'elle manifeste le mieux

    le contraste du nombre et de la grandeur c'est celle o se

    rvle pour ainsi dire l'tat aigu le conflit de ces deux ides

    primitives, irrductibles l'une l'autre, et o apparaissent

    d'une manire saisissante leur disproportion et leur radicale

    htrognit. Or, pour savoir si ce nombre paradoxal a un

    sens et une raison d'tre, il faut le comparer aux autres exten-

    sions de l'ide de nombre, et se demander s'il ne se justifie

    pas de la mme manire et par consquent, il faut aupara-

    vant rechercher si ces autres extensions sont lgitimes, et

    pourquoi elles le sont. Ainsi l'tude de l'Infini mathmatique

    parat devoir jeter une vive lumire sur les rapports du nombre

    et de la grandeur; mais, comme les notions de limite et de

    continuit, qui sont les bases de l'Analyse et le vhicule de

    l'ide d'infini, ne peuvent tre lucides que par l'examen cri-

    tique de la gnralisation du nombre, c'est par cet examen qu'il

    convient de commencer.

  • iPREMIRE PARTIE

    GNRALISATION DU NOMBRE

    Nous allons exposer et apprcier tour tour les diverses concep-tions de l'Arithmtique gnrale, c'est--dire les diverses mthodes

    par lesquelles on peut gnraliser l'ide de nombre, et les diverses

    thories par lesquelles on peut justifier cette gnralisation. La plus

    simple et la plus logique parait tre celle qui engendre toutes les

    extensions du nombre au moyen des seuls nombres entiers, ou plutt

    qui rduit aux nombres entiers toutes les autres espces de nombres.

    C'est celle que M. Jur.Es Tannery a adopte et expose dans son

    Introduction la thorie des fonctions d'une variable, et dont il a

    rsum l'esprit dans les lignes suivantes

    On peut constituer entirement l'Analyse avec la notion de

    nombre entier et les notions relatives l'addition des nombres

    entiers; il est inutile de faire appel aucun autre postulat, aucune

    autre donne de l'exprience. La notion de l'infini, dont il ne faut

    pas faire mystre en mathmatiques, se rduit ceci aprs chaquenombre entier, il y en a un autre 1.

    Suivant cette conception rigoureuse et systmatique, il n'existe,

    il. proprement parler, que des nombres entiers; toutes les autres

    formes de nombres se dfinissent comme des groupes de nombres

    entiers, et toutes les oprations sur ces nombres, comme des combi-

    1. Op. cit., Prface, p. vue. Cette phrase montre bien, soit dit en passant, larelation ncessaire qui unit la question de l'infini mathmatique celle de lagnralisation de l'ide de nombre.

  • 2 GNRALISATION DU NOMBRE

    naisons des nombres entiers qui les composent, se ramenant en

    dfinitive aux quatre rgles .

    L'Analyse ainsi conue n'est qu'une extension (prodigieusement

    complique, d'ailleurs) de l'Arithmtique lmentaire. C'est ce queM. TANNERY a voulu prouver en reconstruisant l'Analyse entire,

    depuis les lments jusqu'aux principes du Calcul infinitsimal, sans

    jamais faire appel aux notions d'infini et de continu, ni aucune

    intuition gomtrique'. Nous ne saurions mieux faire que de ren-

    voyer le lecteur curieux cet Ouvrage. Seulement, comme il est

    destin au public scientifique, l'auteur s'est dispens d'exposer tout

    au long la gnralisation du nombre entier; il s'est attach surtout

    dfinir le nombre irrationnel, et s'est content, pour les autres

    espces -de nombres, de ces brves indications

    A la vrit, pour tre complet, il et fallu reprendre la thorie des

    fractions; une fraction, du point de vue que j'indique, ne peut pastre regarde comme la runion de parties gales de l'unit; ces

    mots parties de l'unit n'ont plus de sens. Une fraction est un

    ensemble de deux nombres entiers, rangs dans un ordre dtermin;sur cette nouvelle espce de nombres, il y a lieu de reprendre les

    dfinitions de l'galit, de l'ingalit et des oprations arithmtiques.J'aurais d aussi reprendre la thorie des nombres positifs et nga-

    tifs, thorie que l'on ne dgage pas toujours de la considration des

    grandeurs concrtes, et dans laquelle il faut encore reprendre

    nouveau les dfinitions lmentaires.

    Pour nous, qui ne nous adressons pas aux savants, mais aux

    profanes , il y a un intrt philosophique exposer la gnrali-sation du nombre entier dans son ensemble et d'une manire syst-

    matique, en nous conformant la mthode qui vient d'tre dfinie.

    En effet, cette mthode tant la mme, en principe, pour les notions

    les plus simples que pour les plus complexes, il y a avantage

    l'appliquer d'abord aux cas les plus lmentaires, afin d'en mieux

    saisir l'esprit car c'est dans les premiers principes que se rvlent

    plein le caractre et la tendance d'une mthode. 'a t d'ailleurs

    notre proccupation constante, dans le cours de cet Ouvrage, de

    ramener toutes les thories leur forme la plus lmentaire, et deles illustrer par les exemples les plus clairs et les plus familiers.

    Nous n'avons mme pas craint l'uniformit et la rptition, au risque

    i, Voir notamment la dfinition analytique des fonctions circulaires, op. cil.,ch.iv, S 96.

  • GNRALISATION DU NOMBRE 3

    d'ennuyer et de fatiguer le lecteur, car cela mme fait ressortir

    l'unit de la mthode et en prcise le caractre. De plus, en le con-

    duisant par degrs du simple au compos et du connu l'inconnu,

    nous pensons lui avoir rendu la lecture plus accessible et le juge-

    ment plus sr car il pourra apprcier les cas les plus difficiles par

    les plus faciles, et les moins connus par leur analogie avec les plus

    connus.

    Enfin, il tait ncessaire d'exposer part la thorie des nombres

    fractionnaires, ngatifs et imaginaires, car, ainsi qu'on le verra, on

    ne peut pas les dfinir et les introduire de la mme manire que les

    nombres irrationnels, et cette diversit mme de mthode sera peut-

    tre instructive elle seule.

    Voila pourquoi nous avons cru devoir dvelopper et complter

    l'exposition de M. TANNERY, en nous inspirant de ses indications et

    de son enseignement. Qu'il nous soit permis de le remercier ici de

    ses leons et de ses conseils, qui nous ont t trs prcieux dans

    tout le cours de notre travail, et de lui faire hommage en particulier

    de cette premire Partie, dont nous lui devons la plus grande et la

    meilleure part. Nous voudrions que cet essai ne part pas trop

    indigne de notre matre, et qu'il pt servir aux philosophes novices

    en mathmatiques d'introduction son excellente Introduction.

  • LIVRE 1

    GNRALISATION ARITHMTIQUE DU NOMBRE

    Nous supposons connus l'ensemble des nombres entiers, y compris

    zro, et les quatre oprations arithmtiques (addition, soustraction,

    multiplication et division) dfinies pour les nombres entiers, ainsi

    que leurs proprits essentielles, que nous aurons du reste l'occasion

    de rappeler bientt.

    CHAPITRE 1

    THORIE DES NOMBRES FRACTIONNAIRES

    1. On appelle nombre fractionnaire ou fraction l'ensemble de deux

    nombres entiers rangs dans un ordre dtermin, et dont le second

    n'est pas nul (c'est--dire zro). Soient a, b ces deux nombres, qu'on

    nomme termes de la fraction on appelle le premier numrateur, le

    second dnonainateur, et l'on crira provisoirement la fraction sous

    la forme

    afin d'exclure le signe de la division, qui n'a plus de sens ds que a

    n'est pas divisible par b.

    2. Dfinition de L'galit. Deux fractions

    (a, b) (a', b')

    sont dites gales, et l'on crit

    (a, b) = (a', b')

    quand leurs termes vrifient la relation suivante

    ab' ba'.

  • 6 LIV. I. GNRALISATION ARITHMTIQUE DU NOMBRE

    On reconnat aisment que cette dfinition satisfait les conditions

    gnrales de toute galit, et notamment l'axiome Deux grandeurs

    gales une mme troisime sont gales entre elles. En effet, si

    l'on a

    (a, b) = (a', b') (a', b') =

    c'est--dire

    ab' = ba' a'b, = G'a"

    et qu'on multiplie membre membre les deux galits prcdentes,on obtient l'galit

    ab'a'b" = bca'b'a"ou

    ab" = ba'

    qui signifie que

    (a,b) (a", b"). C. Q. F. Il.

    3. Thorme. Si l'on multiplie ou divise les deux termes d'une

    fraction par un mme nombre, on obtient une fraction gale.En effet, si l'on multiplie les deux termes de la fraction (a, b) par

    le nombre (entier) n, on a

    (a, b) (an, bn)

    car la condition d'galit est remplie

    abn ban

    La mme formule montre qu'on peut diviser les deux termes

    d'une fraction par un mme nombre (qui est ncessairement un

    diviseur commun des deux termes); car si l'on met ce facteur

    commun n en vidence, diviser les deux termes par ce facteur

    revient le supprimer, et l'on a

    (an, bn) (a, b).

    Si l'on supprime ainsi tous les facteurs communs aux deux termes

    d'une fraction, ou, ce qui revient au mme, si l'on divise ces deux

    termes par leur plus grand commun diviseur (qui est le produit de

    tous leurs facteurs premiers communs), on rduit la fraction sa

    plus simple expression. Les deux termes de la fraction obtenue sont

    premiers entre eux une telle fraction est dite irrductible.

    Ainsi toute fraction est gale une fraction irrductible, et ses

    termes sont des quimultiples des termes de celle-ci.

    4. Rciproquement, toute fraction qui est gale une fraction irr-

    ductible a ses termes quimultiples des termes de celle-ci.

  • CH. I. THORIE DES NOMBRES FRACTIONNAIRES 7

    Soit (rz, bj une fraction irrductible, (a', b') une autre fraction galei la prcdente; on a par dfinition

    ab' = ba'.

    Or un thorme d'Arithmtique dit que, si un nombre divise un

    produit de deux facteurs et est premier avec l'un d'eux, il divise

    l'autre. Ici, le nombre b divise le produit ab', puisque le quotient

    (ab' b) est le nombre enlier a'; or, par hypothse, b est premier avec

    a; donc b divise b', et l'on doit avoir

    b' :b n

    ou

    b' = bn,

    n tant un nombre entier. Remplaons b' par sa valeur, il vient

    abn = ba'

    ou

    a' = an,

    ce qui prouve que a', b' sont des quimultiples de a, b.

    6. Deux fractions qui sont gales une mme fraction irrduc-

    tible sont gales entre elles, d'aprs ce qui a t dit plus haut; rci-

    proquement, deux fractions gales sont gales une mme fraction

    irrductible. Soient en effet les deux fractions gales (a, b), (a', br)

    dont aucun n'est irrductible (sans quoi la proposition serait vi-

    dente). Soit m le plus grand commun diviseur de a et de h, et les

    quotients de a et de b par m

    a = om b = pm.

    Soit n le plus grand commun diviseur de a' et de b', x et j' les

    quotients de a' et de b' par n

    a' a!n b' = p'n.

    La relation qui exprime l'galit des deux fractions devient

    m. p'rt = m. m'n

    ou

    a\. mn =fa'. mza.

    Supprimons le facteur commun mn; il reste

    *f=

    p (c, d) (a, b) = (c, d) (a, b) < (c, d)

    correspondent aux trois hypothses distinctes

    ad~> bc ad=bc ad < bc

    qui sont exclusives l'une de l'autre, et qui comprennent tous les cas

    possibles.

    Itemarques. La diffrence de deux fractions gales est zro. En

    effet, on a dans ce cas

    ad = bcou

    ad c= 0,

    ce qui montre que la diffrence (ad bc, bd) est nulle.

    Quand deux fractions ont mme dnominateur, leur galit corres-

    1. Dans le cas o les fractions' ont le mme dnominateur, la formule se

    simplifie

  • CI!. I. THORIE DES NOMBRES FRACTIONNAIRES 13

    pond l'galit de leurs numrateurs, et leur ingalit est de mme

    sens que l'ingalit de leurs numrateurs 1. Si donc on range plu-sieurs fractions de mme dnominateur par ordre de grandeur, les

    numrateurs seront rangs par ordre de grandeur. L'ensemble des

    fractions ayant pour dnominateur un nombre donn est ainsi sem-

    blable l'ensemble des nombres entiers.

    11. thorme. Le produit d'une fraction par un entier n tant,

    par dfinition, la somme de n fractions gales la propose, est une

    fraction ayant mme dnominateur que la propose, et un numra-

    leur n fois plus grand.On crit

    (a, b) X n = (an, b).

    Cela rsulte de la dfinition de l'addition des fractions et de celle

    de la multiplication des nombres entiers.

    Remarque. Si b est divisible par n, on peut simplifier le pro-duit prcdent, car

    d'o la seconde rgle bien connue de la multiplication d'une fraction

    par un entier.

    12. Thorme. Le quotients d'une fraction par un entier re est une

    fraction ayant mme numrateur que la propose, et un dnomina-

    teur n fois plus grand.

    En effet, le quotient est par dfinition un nombre qui, multipli

    par le diviseur, reproduit le dividende. Or, si l'on multiplie le quo-

    tient suppos par n, on trouve

    (a, bu) X n = (an, bn) = (a, b).

    On peut donc crire

    (a, b) sz = (a, bn).

    i. Quand deux fractions ont mme numrateur, leur galit rpond l'galitde leurs dnominateurs, et leur ingalit est en sens inverse de l'ingalit deleurs dnominateurs. Cela rsulte des formules

    o l'on fait, soit a = c, soit b = d.

  • 14 LIV. I. GNRALISATION ARITHMTIQUE DU NOMBRE

    Remarque. Si a est divisible par n, on peut simplifier le quotient

    obtenu, car

    d'o la seconde rgle bien connue de la division d'une fraction parun entier.

    13. Dfinition de la multiplication. On appelle produit de deux

    fractions une fraction ayant pour numrateur le produit des num-

    rateurs, et pour dnominateur le produit des dnominateurs des

    fractions proposes.On crit

    (a, b)X(c, d)=(ac, bd).

    Les proprits commutative et associative de cette opration sont

    presque videntes, tant donn que la multiplication des nombres

    entiers possde ces proprits.i On a

    A. B = B. A.En effet

    (a, b) (c, d) (ac, bd) = (ca, db) (c, d) (a, b).

    2 On a

    (A. B) C = A (B. C).En efiet

    Remarques. Dans la formule gnrale du produit, faisons c= 0

    (a, b) (0, d) := (0, bd).

    Cela montre que le zro fractionnaire possde la mme proprit

    que le zro entier, savoir d'annuler tout produit dont il est facteur.

    Le produit d'une fraction par une fraction nulle est une fraction

    nulle.

    Rciproquement, le produit de deux fractions ne peut tre nul quesi l'une au moins est nulle, car pour qu'on ait

    (a, b) (c, d) (0, bd),il faut qu'on ait

    ac=0,ce qui exige, soit que

    a = 0,

  • CII. I. TUORIE DES NOMBRES FRACTIONNAIRES 15

    soit quec 0.

    En rsum, pour que le produit de deux fractions soit nul, il faut

    et il suffit que l'un des deux facteurs le soit. Ainsi se trouve tendue

    aux nombres fractionnaires une proprit bien connue de la multipli-

    cation des nombres entiers.

    14. Multiplier une fraction (a, b) par une fraction (c, d) quivaut

    multiplier la premire par l'entier c et la diviser ensuite par l'en-

    tier d. En effet, d'aprs les rgles nonces ci-dessus [11, 12], on a

    En particulier, multiplier une fraction par une autre dont le dno-

    minateur est 1 quivaut multiplier simplement la premire par le

    numrateur de la seconde. Ainsi

    (a, b) (c, 1) = (ac, b) (a, b) X c.

    On est ainsi amen considrer une fraction de dnominateur 1

    comme gale au nombre entier qui est son numrateur, puisqu'elle

    joue le mme rle que ce nombre entier dans la multiplication des

    fractions.

    En particulier, la fraction (1, 1) est le module de la multiplicationdes fractions, comme le nombre 1 est le module de la multiplication

    des entiers. En effet, le produit d'une fraction par la fraction (1, 1)

    ou, plus gnralement, par une fraction dont les termes sont gaux,

    est gal la fraction propose

    (a, b) (n, n) (an, bit) = (a, b);or

    On est donc naturellement port A identifier les fractions de dno-

    minateur 1 avec les nombres entiers qu'elles ont pour numrateur;

    d'autant plus que ces fractions, comme nous l'avons dit [10], ont

    entre elles les mmes relations de grandeur que les nombres entiers

    qui en sont les numrateurs.

    15. Pour que cette identification soit valable, il faut (et il suffit)

    que les dfinitions poses pour les fractions concident avec les dfi-

    nitions correspondantes pour les nombres entiers, et que les opra-tions dfinies pour les fractions se rduisent aux oprations analo-

    gues dfinies pour les nombres entiers, quand on remplace dans les

    formules la fraction (a, 1) par l'entier a.

  • 4 LIV. I. GNRALISATION ARITHMTIQUE DU NOMBRE

    C'est ce qu'on vrifie, d'abord sur les dfinitions de l'galit et des

    ingalits

    puis sur les formules des oprations fondamentales

    L'identification propose est donc .justifie.

    1,6. Remarque.. En vertu de l'identification prcdente, multi-

    plier un entier par une fraction quivaut le multiplier par le

    numrateur et le diviser par le dnominateur de cette fraction

    En mme temps la proprit commutative de la multiplication des

    fractions se trouve tendue au produit d'un entier par une fraction,car on a

    n X ( a, b) (n, 1) (a, b) = (a, b) (n, 1) = (an., b) (a, b) X H.

    Enfin, toujours en vertu de la mme identification, on a

    (an, n) (a, 1) = a,

    ce qui dmontre ce thorme

    Une fraction dont le numrateur est divisible par le dnominateur

    est gale au quotient de son numrateur par son dnominateur.

    Il faut bien prendre garde qu'ici le mot quotient est pris dans le

    sens de l'Arithmtique lmentaire; il dsigne le quotient exact et

    entier de deux nombres entiers.

    En d'autres termes, si

    Si le numrateur a d'une fraction, tout en tant plus grand que;le dnominateur b, n'est pas divisible par celui-ci, on peut toujours

    essayer la division; elle donne alors un quotient q approch moins

    d'une unit par dfaut, et un reste r plus petit que b, ce qui s'crit

    a = bq -+- r.

    1. Nous retrouvons ainsi la conception de M. Mray, qui considre une frac-tion comme un facteur fictif ou complexe, form d'un multiplicateur et d'undiviseur runis en un symbole (Les fractions et les quanlits ngatives).

  • C)l. I. THORIE DES NOMBRES FRACTIONNAIRES 17

    La fraction peut alors se simplifier, et se mettre sous la forme

    d'une somme d'un entier et d'une fraction

    (a, b) = (bq + r, b) = (bq, b) + (r, b) q -h (r, b).

    L'entier est q, quotient approch par dfaut de a par b moins

    d'une unit prs; la fraction est (r, b), o le numrateur est plus

    petit que le dnominateur. Cette opration s'appelle extraire les

    tin tiers d'une fraction.

    Nous savons dj multiplier et diviser une fraction par un nombre

    entier. Appliquons une fraction et un' nombre entier les for-

    mules de l'addition et de la soustraction

    Ces formules traduisent les rgles bien connues, qu'il est inutile

    d'noncer.

    17. On voit que la diffrence d'un entier n et d'une fraction (a, b)n'existe qu'autant qu'on a

    a bn

    que la fraction (a, lr) est plus grande ou plus petite que le nombre

    entier az, suivant qu'on a

    a > bnou

    a < bn.

    En vertu de la dfinition de l'ingalit des fractions, on crira

    donc, suivant les cas

    (a, b)> nou

    (a, b) < n.

    En particulier, une fraction (a, b) est plus grande ou plus petite

    que 1, suivant qu'on a

    a> bnu

    a C. b.

    On a dj vu que si

    a=bnon a aussi

    (a, b) = n

    Dans ce cas, la diffrence de la fraction et de l'entier qui lui est

    gal est nulle.

  • 18 LIV. I. GNRALISATION ARITHMTIQUE DU NOMBRE

    Ainsi sont dfinies l'galit et l'ingalit d'une fraction et d'un

    nombre entier, et cette dfinition est lgitime, car les trois hypo-

    thses prcdentes s'excluent mutuellement et comprennent tous

    les ca.s possibles. tant donn un nombre entier, toute fraction est,

    ou gale, ou suprieure, ou infrieure ce nombre.

    Cette dfinition cadre encore parfaitement avec la rgle que nous

    avons donne pour extraire les entiers d'une fraction. En effet,

    puisque l'on a

    a = bq +- r,

    il en rsulte

    a > bqou

    (a, b) > q.

    Or cela est conforme la dlinition gnrale de l'ingalit de deux

    fractions, car la fraction (a, b) est dans ce cas la somme de l'entier qet d'une fraction non nulle (r, b), r tant diffrent de zro

    (a, b) = q-h(r, b).Si

    r=0,

    c'est que

    a bq,

    donc

    (a, b) q.Mais on a aussi

    (r, b) = 0,

    donc

    (a, b) = q.

    Les deux rsultats concordent.

    18. Les dfinitions prcdentes permettent de ranger un ensemble

    quelconque de fractions et d'entiers par ordre de grandeur. Nous

    savions dj ranger par ordre de grandeur les fractions entre elles;

    nous pouvons maintenant les intercaler dans la suite naturelle des

    nombres entiers. Ou plutt, grce l'identification des entiers avec

    les fractions de dnominateur 1, nous pouvons intercaler les entiers

    dans l'ensemble des fractions ranges par ordre de grandeur, et

    nous savons que dans cet ensemble ils seront rangs dans le mme

    ordre que dans la suite naturelle des nombres, attendu qu'ils sont

    maintenant considrs comme des fractions de mme dnominateur.

  • CH. I. THORIE DES NOMBRES FRACTIONNAIRES 19

    Ainsi s'opre, suivant le point de vue, l'extension de l'ensemble des

    nombres entiers par l'intercalation de nouveaux nombres interm-

    diaires, ou la rduction des nombres entiers aux fractions par leur

    identification avec certains lments de ce nouvel ensemble. C'est

    d'ailleurs ce second point de vue, le seul parfaitement logique et

    analytique, que nous nous sommes plac dans toute cette thorie

    19. Dfinition de la division. On appelle quotient de deux frac-

    tions une fraction qui multiplie par la seconde reproduit la pre-

    mire.

    Soient les deux fractions

    (a, b), (c, d).

    Je dis que leur quotient est

    (ad, bc).

    En effet,

    (ad, bc) (c, d) = (acd, bcd) = (a, b).

    On crit donc

    (a, b) (c, d) = (ad, bc).

    Telle est la formule de la division, qu'on peut noncer comme

    suit Diviser une fraction par une autre, c'est multiplier la premire

    par l'inverse de la seconde.

    Dfinition. On appelle fraction i;averse d'une fraction donne la

    fraction forme des mmes termes que la propose rangs dans

    l'ordre inverse.

    Si l'on rapproche la formule de la division de celle de l'galit, on

    voit que le quotient de deux fractions gales est l'unit car si

    (a, b) = (c, d)

    on a

    ad = bc,

    d'o

    (ad, 6c) =(1, 1)=1.

    En particulier, le produit d'une fraction par son inverse est

    l'unit

    (a, b) (b, a) = (ab, ab) = (1, 1) = 1.

    Tout cela concorde avec la proprit que la fraction (1, 1) possde

    d'tre le module de la multiplication.

    1. Cf. PADE, Premires leons d' Algbre lmentaire, Introduction.

  • 20 LIV. I. GNRALISATION ARITIIMTIQUE DU NOMBRE

    Appliquons la formule gnrale de la division aux cas o le divi-

    dende ou le diviseur sont des nombres entiers

    1 (a, 1) (c, d) = (ad, r) = a X (d, c),

    d'o la rgle connue Diviser un entier par une fraction, c'est le

    multiplier par la fraction inverse.

    2 (a, b) (c, 1) = (a, bc).

    Ce rsultat confirme l'identification de la fraction (c, 1) au nombre

    entier c car alors la formule prcdente concide avec celle de la

    division d'une fraction par un entier, dont nous avons donn la rgle

    plus haut [12].

    3 (a, l) (b, i) = (a, b),

    ce qui dmontre les deux tlicormes suivants

    Le quotient de deux nombres entiers quelconques est la fraction

    qui a pour numrateur le dividende et pour dnominateur le diviseur.

    Et rciproquement Toute fraction est gale au quotient de son

    numrateur par son dnominateur.

    20. On remarquera qu'ici le mot quotient est pris dans le sens

    dfini pour les fractions. On entend par quotient de deux nombres

    entiers le quotient des deux fractions identifies ces nombres.

    D'ailleurs, ce quotient est en gnral fractionnaire, et ne se rduit

    un quotient entier que lorsque les deux nombres sont divisibles

    l'un par l'autre. 11 n'y a donc pas de contradiction entre les propo-

    sitions prcdentes, qui tablissent que deux nombres entiers ont

    toujours un quotient, et le thorme d'Arithmtique lmentaire

    selon lequel deux nombres n'ont de quotient que lorsqu'ils sont

    divisibles l'un par l'autre; car le .mot quotient n'a pas le mme sens

    dans les deux cas (quotient entier, quotient fractionnaire). C'est

    simplement une extension du sens du mot quotients aux cas pour

    lesquels il n'tait pas encore dfini, et une gnralisation de la pro-

    position tablie plus haut [16] Une fraction dont le numrateur est

    divisible par le dnominateur est gale au quotient de ces deux

    nombres. Pour mieux dire, le sens de quofient entier rentre comme

    cas particulier dans celui de quotient fractionnaire, comme les

    nombres entiers eux-mmes rentrent dans l'ensemble des fractions.

    Aussi une telle gnralisation ne modifie-t-elte en rien les lois de la

    divisibilit des nombres, et ne trouble nullement la thorie des

    nombres entiers.

  • CII. I. THORIE DES NOMBRES FRACTIONNAIRES 2i

    En vertu des propositions prcdentes, on peut crire

    ce qui justifie la notation usuelle des fractions.

    On peut encore noncer la mme proposition sous une autre

    forme Toute fraction peut tre considre comme le produit d'un

    nombre entier (son numrateur) par l'inverse d'un autre nombre

    entier (son dnominateur). En effet

    (a, b) = (a, 1) (I, b) = ax(i,b).

    En particulier, le produit d'un nombre entier par son inverse est

    l'unit

    On peut donc dire que l'inverse d'un nombre entier est le quotient

    (fractionnaire) de l'unit par ce nombre.

    La formule prcdente est susceptible d'une autre interprtation

    le produit de (1, n) par n tant la somme de n fractions gales

    (1, n), on peut dire que (1, n) est la ne partie de l'unit; non pas du

    nombre entier 1 qui est indivisible, mais de l'unit fractionnaire

    (1, 1) qu'on a identifie l'unit entire. D'ailleurs, si.l'on applique

    la formule de la division des fractions, on trouve

    On retrouve ainsi la conception vulgaire des fractions, qui repose

    sur l'ide d'une unit divise en sous-units gales. Une fraction

    quelconque (m, n) peut tre considre comme la somme dem par-

    ties ne' de l'unit

    Mais on voit que cette conception, loin de pouvoir servir de prin-

    cipe l'introduction des fractions, ne se justifie, au contraire, que

    par la cration pralable des nombres fractionnaires, en particulier

    de l'unit fractionnaire, et par les conventions qui dfinissent les

    oprations effectuer sur ces nombres, notamment leur division.

    Bien plus, cette conception devient contradictoire, ds qu'onidentifie

    l'unit fractionnaire (divisible) l'unit entire (indivisible), de sorte

    que, au lieu de servir de trait d'union entre l'ensemble desnombres

    entiers et celui des fractions, elle serait un obstacle leur fusion

  • 22 LIV. I. GNRALISATION ARITHMTIQUE DU NOMBRE

    partielle, par suite l'extension qui en rsulte pour le premier, et

    la gnralisation de l'ide de nombre.

    On remarquera que la dfinition de l'ingalit des fractions fixe

    seulement leur ordre de grandeur [18], et que c'est la dfinition de

    la division qui leur assigne une grandeur absolue rl9]. Cette dfini-

    tion elle-mme repose sur celle de la multiplication par un entier

    [11], qui dcoule de la dfinition de l'addition [6]. C'est donc celle-ci,

    en dfinitive, qui dtermine la grandeur absolue des nouveaux

    nombres, tandis que la dfinition de l'ingalit ne dterminait queleur grandeur relative'. Cette remarque est gnrale, et s'appli-

    querait toutes les autres espces de nombres que nous allons

    dfinir; nous nous dispenserons de la rpter.

    1. Cf. H. Poincar, Le conlitzu mathmatique, ap. Revue de Mtaphysique et (le

    Momie, t. 1, p. 33.

  • CHAPITRE II

    THORIE DES NOMBRES QUALIFIS

    Nous possdons prsent l'ensemble des nombres fractionnaires,

    comprenant l'ensemble des nombres entiers. Nous ne distinguerons

    plus dsormais ceux-ci des fractions proprement dites, et nous dsi-

    gnerons les uns et les autres par les mots nombres arithmtiques

    ou par le mot nombres tout court, aucune confusion n'tantil

    craindre depuis l'identification des entiers des fractions.

    1. On peut dfinir d'une manire analogue un nouvel ensemble,

    celui des nombres qualifis (positifs et ngatifs) 1.

    Nous appellerons couple l'ensemble de deux nombres arithm-

    tiques rangs dans un ordre dtermin. Soient a et b ces deux

    nombres; nous crirons provisoirement le couple comme suit

    (a, b).

    2. Dfinition de l'galit. Deux couples (a, b), (a', b') sont dits

    gaux, et l'on crit

    (a, b) = (a')si l'on a

    a + 4' = + '

    Il rsulte de cette dfinition que, si ? b, a' V.

    Donc tous les couples dont les deux termes sont gaux sont gaux

    entre eux

    On vrifierait sans peine que cette dfinition remplit les conditions

    gnrales de toute galit par exemple, que si l'on a

    A = B, B = C,

    1. Pour plus de symtrie, nous emploierons la mthode de M. Weierstrass,

    indique par M. TANNERY, ap. Pad, Premires leons d'Algbre lmentaire. Pr-

    face, p. xii, note.

  • 24 LIV. I. GNRALISATION ARITHMTIQUE DU NOMBRE

    on a aussi

    A-C.

    3. Dfinition de l'addition algbrique. On appelle somme de deux

    couples le couple form en ajoutant terme terme les couples donns,suivant la formule

    (a, b) + (a', b') = (a a', b -f- b').

    On peut vrifier que cette dfinition satisfait les conditions gn-rales de l'addition, et notamment que l'addition algbrique possdeles proprits commutative et associative, ce qui est presque vident,tant donn que l'addition des nombres arithmtiques les possde,et qu'une addition algbrique revient deux additions arithmtiquesdes termes semblables.

    4. En vertu de cette dfinition, on a

    (a, b) + (0,0) = (a, b),

    ce qui prouve que le couple (0,0) est le module de l'addition alg-brique. Nous l'appellerons zro algbriques, par analogie avec le zro

    arithmtique dfini prcdemment, et nous le dsignerons par lechiffre 0. L'addition algbrique vrifie ainsi la relation

    A + 0 = A.

    Tout couple dont les deux termes sont gaux est donc nul, d'aprsla remarque faite ci-dessus [2].

    .Dfuniton. On appelle couples symtriques deux couples formsdes mmes termes rang's en ordre inverse.

    Thorme. La somme de deux couples symtriques est zro.En effet

    (a, b) + (b, a) = (a + b, a + b) (0, 0).

    5. Thorme. Quand deux couples sont ingaux, il existe un

    couple non nul qui ajout l'un reproduit l'autre, et qu'on nommeleur diffrence.

    Soient en effet les deux couples ingaux

    ce qui veut dire

    a -+- b' b -+- a'.

    i. Dmonstration analogue h celle du chap. i, a, ou encore celle du S dece chapitre il suffit d'y changer partout le signe > en =.

  • CE. II. THORIE DES NOMBRES QUALIFIS 25-

    3

    Je dis que leur diffrence est gale au couple

    (a + b', b + a').En effet

    (a + b', b + fl') + (a', b') = (a, b) + (b', a') + (a', b').

    Or, en vertu du thorme prcdent et de la proprit associative

    de l'addition, on a

    (a, b) + (b', a') + (a', b') = (a, b) + 0 = (a, b),

    ce qui prouve que

    (a b + a') + (a', 6') (a, b).

    On crira donc la formule de la soustraction comme suit

    (a, b) (a', b') = (a + b', 64-0')= (a, b) + (b', a'),

    d'o la rgle, qui s'nonce ainsi Retrancher d'un couple un autre

    couple, c'est ajouter au premier le symtrique du second.

    Remarque. Quand deux couples sont gaux, leur diffrence,

    forme par la rgle prcdente, est nulle, car on a alors

    a -h ?/ = b -h a'

    d'o

    (a -4- b', b -h a') = (0,0) =0.

    Cela concorde avec la proprit que possde le couple (0,0) d'tre

    le module de l'addition.

    6. Il nous reste dfinir le sens de l'ingalit de deux couples.Nous savons que l'on a

    (a, b) = (a', b')quand

    a -4- V b + a'.Nous conviendrons d'crire

    (a, b) > (a', b')quand

    a +- b! > b a',et

    (a, b) < (a', b')quand

    a- b' < b -f- a'.

    Cette convention est lgitime, car elle satisfait les conditions.

  • 26 LIV. I. GNRALISATION ARITHMTIQUE DU NOMBRE

    gnrales de toute ingalit. Les ingalits prcdentes sont rver-

    sibles, c'est--dire que si l'on a

    (a, b) > (a', G')on a aussi

    (a', b') < (a, b).

    De plus les ingalits

    A > B, B > C

    entranent celle-ci

    A > C.

    En effet, les ingalits

    (a, b) > (a', b'), (a', b') > (a", b")

    quivalent celles-ci

    a -+- b' > b -+- a', a' -+- b" > b' -+- a".

    Ajoutons-les membre membre; il vient l'ingalit

    a -i- b' -h a' + b" > -+- a' -+- b' -+ a"

    ou

    a -h > b H- a"

    qui quivaut

    (a, b) > (a", b"). C. Q. F. D.

    7. Dfinition. Le produits d'un couple (a, b) par un nombre

    entier aa est la somme de n couples gaux (a, b).

    En vertu de l rgle de l'addition algbrique, ce produit est

    (an, bn),

    et l'on crit

    (a, b) X = (an, bn).

    Dfinition. Le quotient d'un couple (a, b) par un nombre entier h

    est un couple qui, multipli par aa, reproduit (a, b).

    Je dis que ce quotient est

    En effet, si l'on multiplie ce couple par n en appliquant la rgle

    prcdente, on trouve

    en vertu des rgles du calcul des fractions.

  • CH. Il. THORIE DES NOMBRES QUALIFIS 37

    8. Multiplier un couple (a, b) par l'entier c, et le diviser ensuite par

    l'entier d, revient multiplier ses deux termes par la fraction -7;en

    cffet

    On conviendra de dire dans ce cas qu'on a multipli le couple (a, h)

    lui-mme par la fraction 3,et d'crire

    Ainsi la formule de multiplication

    (a, b) X n = (an, bn)

    est gnrale, et s'tend il tout nombre arithmtique n.En particulier, diviser un couple par un entier n, c'est le multi-

    plier par l'inverse de ce nombre; car on a, d'aprs la rgle tablie

    plus haut:

    9. Dfinition de la multiplication. algbrique. On appelle produitde deux couples le couple compos de leurs termes conformment

    la formule suivante

    (a, b) X (a', b') (aa' + bb', ai/ -t- ba').

    Il est ais de vrifier que l'opration ainsi dfinie a les mmes

    proprits (commutative, associative, etc.) que la multiplication

    arithmtique.

    Remarque. Le produit d'un couple par le couple (0,0) est ce

    mme couple (0, 0), comme on le voit en faisant, dans la formule

    prcdente, a' et b' nuls; ce rsultat justifie et confirme l'assimilation

    du zro algbrique au zro arithmtique.10. Nous avons tenu exposer la thorie des couples dans toute

    sa gnralit, pour en faire ressortir l'analogi avec la thorie des

    fractions. Nous allons maintenant dmontrer un thorme quenous aurions pu tablir aussitt aprs la dfinition de l'galit des

    couples, et qui nous permettra de simplifier leur expression.Thorme. On peut ajouter ou retrancher un mme nombre aux

    deux termes d'un couple sans changer sa valeur.

  • 28 LIV. I. GNRALISATION ARITHMTIQUE DU NOMBRE

    Il suffit de prouver que le couple (a-f- az, b -f- n) est gal au couple

    (a, b). En effet, s'il est vrai que

    (a, b) = (a + n, b + n),on doit avoir

    a -{-.b -+- n b -+- a -f- n,

    ce qui est une identit.

    On peut encore dire, en faisant appel la dfinition de l'additionet la proprit du zro

    (a -f- n, b -1- nr.j (a, b) + (h, n) = (a, Il) + 0 (a, b).

    Rciproquement, si deux couples sont gaux, la diffrence de leurs

    termes correspondants est la mme.

    En effet, si

    (a, b) = (a', b'),on a

    a -4- bl b -+- a'.Si

    a = a',on a auss

    b =b';le thorme est alors vident.

    Si

    a a',

    supposons

    a' > a,c'est--dire

    a' = a -f- cl.

    La condition d'galit devient

    a -+-{/ = b -1- a -+- d,d'o

    b' = b + d.Ainsi

    a' a d = b'-b. C. Q. F. D.Si des deux termes d'un couple on retranche le plus petit, on

    annule ce plus petit terme; c'est ce qu'on peut appeler rduire un

    couple sa plus simple expression..Soit un couple quelconque

    (a, b).

  • CH. II. THORIE DES NOMBRES QUALIFIS 29

    Si

    a > b,

    on a

    (a, b) = (a b, 0).Si

    a < b,on a

    Si(, b) =: (0, h a).

    a-b,on a, comme on sait,

    (a, b) = (0, 0).

    Tout revient donc considrer deux espces de couples: ceux qui,rduits leur plus simple expression, ont leur second terme nulon les appellera nombres positifs; et ceux qui, rduits leur plus

    simple expression, ont leur premier terme nul on les appelleranombres ngatifs. A ces deux groupes, il convient de joindre le couple

    (0,0) ou le zro algbrique, qu'on appellera nombre neutre.Les nombres positifs, les nombres ngatifs et le nombre neutre

    constituent l'ensemble des nombres qualifis.Le terme non nul qui figure dans tout couple rduit sa plus

    simple expression se nomme valeur absolue de ce couple; c'est unnombre arithmtique. La valeur absolue de (0, 0) est 0.

    Pour simplifier l'criture (puisque l'un des termes de chaquecouple est rduit zro) on reprsentera un nombre positif par savaleur absolue affecte de l'indice p; un nombre ngatif par sa valeurabsolue affecte de l'indice Il,

    On appellera symtriques, conformment la dfinition de ce mot,deux nombres de mme valeur absolue et d'indices diffrents. Eneffet (a, 0) et (0, a) sont symtriques; donc a? et aa le sont.

    Le zro algbrique peut s'crire indiffremment Op ou On; il est

    donc son propre symtrique. On l'crit simplement 0.

    Nous allons reprendre les dfinitions poses pour les couplesen gnral, en les appliquant aux nombres qualifis, c'est--direen supposant les couples rduits leur plus simple expression.

    11. Dfinition de l'galit. Quatre cas peuvent se prsenter.On a

  • 30 LTV. GNRALISATION ARITHMTIQUE DU NOMBRE

    Mais ces deux dernires galits ne peuvent tre vraies que si les

    valeurs absolues des deux nombres sont nulles, car la somme de

    deux nombres arithmtiques ne peut tre nulle que s'ils sont nuls

    tous les deux. On peut noncer ces rsultats de la manire suivante

    Pour que deux nombres qualifis soient gaux, il faut et il suffit

    qu'ils aient mme indice et mme valeur absolue, ou encore quetous deux soient nuls.

    12. Dfinition de l'addition. On peut encore distinguer quatre

    cas, mais les deux derniers se confondent, cause de la proprit

    commutative de l'addition algbrique. On a les trois formules sui-

    vantes

    Les deux premires formules s'noncent

    La somme de deux nombres de mme indice est un nombre de

    mme indice, dont la valeur absolue est la somme de leurs valeurs

    absolues.

    La troisime formule donne lieu un couple; rduisons-le sa

    plus simple expression; il vient, suivant les cas,

    d'o la rgle suivante

    La somme de deux nombres d'indice diffrent a pour valeur

    absolue la diffrence de leurs valeurs absolues, et prend l'indice de

    celui qui a la plus grande valeur absolue.

    Enfin, nous savons dj que la somme d'un nombre qualifi et de

    zro est gale ce nombre.

    Quant la rgle de soustraction des couples, nous n'avons qu'unmot y changer pour l'appliquer aux nombres qualifis Retrancher

    un nombre qualifi d'un autre, c'est ajouter celui-ci le symtriquede celui-l.

    La soustraction des nombres qualifis se ramne donc, comme

    celle des couples, l'addition algbrique.

    dlemarque. --Si deux nombres qualifis sont gaux, leur diffrence

    est nulle.

    13. Dfinition de l'ingalit. Appliquons' successivement la

  • en. II. THORIE DES NOMBRES QUALIFIS 31

    formule gnrale [6] aux diffrents cas que nous avons distingus

    pour l'galit.

    On a

    (a, 0) > (a', 0)

    quanda > a';

    donc De deux nombres positifs, le plus grand est celui qui a la

    plus grande valeur absolue.

    On a

    (0, b) > (0, b')

    quand

    > b;

    donc De deux nombres ngatifs, le plus grand est celui qui a la

    plus petite valeur absolue.

    On a

    (a, 0) > (0, L')

    quanda -+- b' > 0,

    mais on n'a jamais

    (0, b) > (a', 0),

    car l'ingalit de condition

    b -+- a' < 0

    ne peut tre vrifie par des nombres arithmtiques.

    La formule

    (a, 0) > (0, b)

    quand

    a-h b > 0

    est vrifie ds que les nombres a et b ne sont pas tous deux nuls.

    Si l'on suppose que ni a ni b ne sont nuls, on en comlut

    Tout nombre positif est plus grand que tout nombre ngatif.

    Si l'on suppose b nul, on en conclut

    Tout nombre positif est plus grand que zro.

    Si l'on suppose a nul, on en conclut

    Tout nombre ngatif est plus petit que zro.

    Il va sans dire qu'il ne s'agit pas du zro arithmtique, mais du

    zro algbrique, que nous appelons noabre neutrc.

    14. Remarque. Si l'on rapproche la dfinition gnrale du sens

    de l'ingalit de celle des nombres positifs et ngatifs, on est conduit.

  • 32 LIV. I. GNRALISATION ARITHMTIQUE DU NOMBRE

    noncer la proposition que voici Suivant que la diffrence de deux

    nombres qualifis est positive ou ngative, le premier est plus grandou plus petit que le second.

    En effet, la. diffrence de deux couples (a, b), (a', b'), tant

    (a +- b', b + a'),est positive quand

    a-+-b' > b+a',

    c'est--dire quand

    (a, b) > (a1, b'),et ngative quand

    a + b' < b + a',c'est--dire quand

    (a, b) < (a', b').

    Cette proposition peut servir dfinir l'ingalit des nombres qua-lifis, une fois qu'on a dfini leur soustraction.

    Les rgles gnrales d'ingalit que nous avons nonces plushaut permettent de ranger tous les nombres qualifis par ordre de

    grandeur. On mettra par exemple les nombres positifs droite de

    zro, les nombres ngatifs gauche de zro; les nombres positifsseront rangs par ordre de valeur absolue croissante, les nombres

    ngatifs par ordre de valeur absolue dcroissante. On formera ainsi

    deux suites symtriques (au sens gomtrique du mot) par rapport zro

    3n, 2", ln, 0, *pi 2p, Op.

    Chaque suite se compose de tous les nombres arithmtiques affects

    du mme indice; elle est donc illimite comme la suite des nombres

    arithmtiques. L'ensemble des nombres qualifis est en quelquesorte double de l'ensemble des nombres arithmtiques, et forme une

    suite linaire illimite dans les deux sens.

    15. Dfinition de la ntultiplication. Nous avons toujours quatrecas distinguer

    Ces quatre formules se rsument dans la rgle suivante

    Le produit de deux nombres qualifis a pour valeur absolue le

    produit de leurs valeurs absolues; il est positif si les deux facteurs

  • CIl. II. THORIE DES NOMBRES QUALIFIS 33

    ont le mme indice, ngatif s'ils ont des indices diffrents. On sait

    que si l'un des facteurs est zro, le produit est toujours zro.

    Corollaire. Le carr de tout nombre qualifi est un nombre

    positif. En effet, c'est un produit de deux facteurs qui ont le mmeindice.

    Par suite, un nombre ngatif n'est jamais un carr parfait.16. Remarque. Si l'on rapproche les deux formules o le mul-

    tiplicateur est positif

    on voit que multiplier un nombre qualifi par un nombre positifquivaut le multiplier par la valeur absolue de ce nombre.

    En gnral, on a

    (ai b) X (n, 0) = (an, bn) (a, b) x n.

    Ainsi un nombre positif joue comme facteur le mme rle qu'unnombre arithmtique. En particulier, on a

    (M)x(i,0) = (a, b),

    ce qui montre que le nombre positif (1, 0) ou ip est le module de la

    multiplication algbrique, comme le nombre 1 est le module de la

    multiplication arithmtique.On est ainsi amen identifer, dans la multiplication, les nom-

    bres positifs aux nombres arithmtiques qui constituent leurs valeurs

    absolues; et cette identification est lgitime, puisque la multiplica-tion des nombres positifs concide avec la multiplication des nom-

    bres arithmtiques.En particulier, le facteur lp sera identifi au nombre arithmtique

    i, et l'on pourra le supprimer dans tout produit o il figure. Or tout

    nombre positif est gal au produit de sa valeur absolue par iv; on

    peut donc supprimer dans un produit tous les indices p, d'autant

    mieux que l'indice n suffit distinguer les facteurs ngatifs des

    facteurs positifs ou arithmtiques.

    17. D'autre part, si l'on rapproche les formules o le multiplica-teur est ngatif

    on constate que multiplier un nombre qualifi par un nombre

  • 34 UV. I. GNRALISATION ARITHMTIQUE DU NOMBRE

    ngatif quivaut le multiplier par la valeurabsolue de ce nombre

    et changer son indice. En particulier, on a

    (a, b) X (0, 1) = (b, a),

    ce qui montre que multiplier un nombre qualifi par (0, 1) ou 1,

    c'est le changer en son symtrique. Ainsi tout nombre ngatif est

    gal au produit de son symtrique par ln c'est--dire (puisque tout

    facteur positif est assimil sa valeur absolue) au produit de sa

    valeur absolue par 1. Il ne reste donc plus, dans un produit quel-

    conque, qu'un seul facteur qualifi, savoir in. Or multiplier un

    nombre qualifi par ne change pas la valeur absolue de ce

    nombre, mais seulement son indice. On peut donc supprimer dans

    un produit le facteur la condition de changer l'indice du pro-

    duit. Mais comme changer deux fois l'indice revient laisser le

    mme indice, on n'aura pas le changer quand on supprimera un

    nombre pair de facteurs ln, mais seulement quand on en suppri-

    mera un nombre impair'.

    En rsum, un produit de nombres qualifis (en nombre quel-

    conque) a pour valeur absolue le produit des valeurs absolues de.

    tous ses facteurs; il est positif ou ngatif suivant que le nombre de

    ses facteurs ngatifs est pair ou impair. On peut donc y supprimer

    tous les indices p et un nombre pair d'indices n. S'il reste un indice

    n, on en affectera le produit arithmtique des valeurs absolues de

    tous les fa.cteurs, et le produit algbrique sera ngatif; s'il ne reste

    aucun indice, le produit sera positif.

    18. Telle est la rgle usuelle de la multiplication algbrique.

    Quant la division algbrique, elle se d6.nit sans difficult comme

    l'opration inverse de la multiplication. L'addition algbrique donne

    lieu une simplification analogue des formules, grce l'identifica-

    tion des nombres positifs aux nombres arithmtiques. Cette identi-

    fication est lgitime, car l'addition algbrique concide avec l'addition

    arithmtique quand on confond les nombres positifs avec leurs

    valeurs absolues, comme on le vrifierait sans peine. On peut donc,

    dans les formules de l'addition algbrique, supprimer l'indice p quand

    il n'y figure que des nombres positifs, et le sous-entendredans tous

    les autres cas, un seul indice suffisant distinguer les nombres

    ngatifs des nombres positifs assimils aux nombres arithmtiques.

    1. D'ailleurs ln.l = (0,I) x (0,1)=

    (1,0)= lP = 1, ce qui montre qu'un

    couple' de facteurs ne change pas le produit.

  • CU. II. THORIE DES NOMBRES QUALIFIS. 35

    De plus, tous les nombres qualifis peuvent se rduire la somme

    ou la diffrence de zro et d'un nombre positif. En effet, on a, en

    vertu des formules gnrales d'addition et de soustraction,

    On voit que tous les nombres ngatifs peuvent s'exprimer au

    moyen de zro et des nombres positifs. L'indice p, tant seul, n'est

    plus ncessaire, et l'on peut le supprimer dans le second membre, ce

    qui revient confondre (dans l'criture) les nombres positifs et les

    nombres arithmtiques. On a les deux formules

    at 0 -f- a,

    b" 0 b.

    Ainsi, de mme que tout nombre qualifi est gal au produit de

    sa valeur absolue par il, ou 1, tout nombre qualifi est gal zro,

    plus ou nzoius sa valeur absolue Ces deux propositions n'ont de

    sens, d'ailleurs, que grce l'identification de chaque nombre positif

    sa valeur absolue.

    Comme le premier terme du binme qui reprsente un nombre

    qualifi est toujours zro, on peut le sous-entendresans inconv-

    nient, et le supprimer pour abrger l'criture. On a donc sim-

    plement

    il,, =+- a, b" = b,

    ce qui est la notation usuelle des nombres qualifis.Elle consiste

    remplacer les indices 1) et n par les signes + et Toutesles pro-

    prits des nombres qu