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Page 1: Diagnostic et suivi thérapeutique du paludisme d’importation

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À la veille des départs en vacances, nous traitons dans ce dossier

deux agents infectieux sévissant dans les pays de nos destinations

touristiques : le plasmodium et le virus de la dengue.

Le diagnostic biologique du paludisme présente parfois quelques

difficultés surtout pour les formes pauci-parasitaires, mais le

diagnostic différenciel d’espèce est encore plus difficile à poser.

La dengue peut être responsable de formes graves, hémorragiques

avec ou sans syndrome de choc. Elle a été qualifiée par l’OMS

de maladie réémergente avec des foyers hyperendémiques.

La prévention de ces deux maladies est semblable : elle passe par

la lutte anti-vectorielle et la protection individuelle contre

les moustiques.

Paludisme et dengue, deux infections du voyage

La prise en charge et la prévention du paludisme d’importation à Plasmodium falciparum a fait l’objet, en 2007, d’une révision de la Conférence de consensus de 1999 dont quelques points sont rappelés ci-dessous.

Le paludisme est une maladie suivie attentivement par les structures internationales. En France, il existe depuis 1985 un Centre national de référence (CNR) à l’hôpital

Bichat (Paris). Les données épidémiologiques, actualisées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2008, font état de 250 millions d’accès palustres par an dans le monde, dont 60 % en Afrique et 1 million de morts (80 % en Afrique). En France sont observés chaque année environ 4 000 cas importés dont 20 morts, par défaut de diagnostic et de prise en charge, donc évitables. Toutefois, ce nombre décroît depuis 2000, en dépit d’une augmentation régulière des voyages en zone tropicale.

En France, le diagnostic de paludisme est généralement aisé : un patient consultant précocement pour accès palustre béné-ficie d’un frottis et d’une goutte épaisse, positifs dans 90 % des cas (à Plasmodium falciparum dans 82 % des cas ; P. ovale ou vivax dans 6 à 7 % des cas).

Réduire les délais de diagnostic du paludisme à P. falciparumLa plupart des cas surviennent dans les deux mois suivant le retour de voyage (90 % pendant le premier mois, 98 % à l’issue des deux mois), parfois dans les six mois, notamment pour les migrants. Les formes graves ou fatales sont essentiellement dues à des retards diagnostiques associant la négligence du patient, des erreurs diagnostiques et des errements thérapeutiques. Quelques cas sont diagnostiqués tardivement, chez des sujets immuns, primo-arrivants, ayant séjourné longtemps en zone de forte endémie (formes sanguines parasitaires pouvant rester

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L’interrogatoire du patient est primordial dans la recher-

che étiologique d’une fièvre. Ainsi le retour d’un voyage, sa

destination et les diverses expositions du patient pendant

son voyage permettent d’orienter et d’affiner le diagnos-

tic à travers la demande d’examens complémentaires

pertinents.

Viroses, tuberculose, otite, sinusite, pneumopathie, diar-

rhée fébrile, pyélonéphrite, érysipèle, méningite, leishma-

niose, toxocarose, toxoplasmose, trichinose, aspergillose,

cryptococcose, plus maladie thrombo-embolique et mala-

dies systémiques.

Bains en eau douce : bilharziose.

Piqûres d’insectes nocturnes : paludisme, leishmaniose.

Piqûres d’insectes diurnes : trypanosomiase humaine

africaine.

Hygiène alimentaire : amibiase, distomatose, trichinose.

Afrique : paludisme, amibiase, bilharziose, histoplasmose,

leishmaniose.

Asie : amibiase, paludisme, leishmaniose, distomatose,

bilharziose. |

C.E.

Fièvres parasitaires et fungiques : éléments d’orientation

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asymptomatiques pendant une période prolongée, de deux à cinq ans).

Le diagnostic parasitologique est une urgenceUne prise de sang doit être réalisée immédiatement, sans atten-dre un frisson ou un pic thermique. Il convient d’associer frottis et goutte épaisse (même s’il n’est pas demandé à un biologiste qui diagnostique moins de cinq cas de paludisme par an de maîtriser la lecture de la goutte épaisse, celle-ci a néanmoins une sensibilité dix fois supérieure à celle du frottis). En cas de doute ou si le patient est déjà sous traitement antipaludique, il est recommandé d’effectuer un test de diagnostic rapide (HRP-2 + pLDH). La PCR n’a pas de place dans le diagnostic d’urgence du paludisme. Une thrombopénie est retrouvée dans 66 à 80 % des cas ; elle a donc une bonne valeur d’orientation dans un contexte clinique évocateur.Les résultats doivent être rendus dans les deux heures après réception du prélèvement, par contact direct entre le biologiste et le clinicien.Les tests de diagnostic rapide se sont beaucoup développés ces dernières années ; ils ont toutefois des limites d’utilisa-tion, hors les mains de biologistes qualifiés. Leur principe est fondé sur l’immunochromatographie sur bandelette avec des particules d’or colloïdal colorées. La phase mobile, migrant le long de la bandelette, est constituée de particules d’or préala-blement conjuguées à un anticorps monoclonal spécifique de l’antigène cible. L’anticorps de capture, déposé en un trait fin sur la membrane centrale de nitrocellulose, retient et concentre les particules d’or complexées à l’antigène cible éventuellement contenu dans l’échantillon à tester. Le contrôle interne de la réaction est constitué par une deuxième ligne de capture des particules d’or conjuguées, sur la même bandelette. Après dix à quinze minutes, un résultat négatif se traduit par l’apparition d’un seul trait coloré (ligne contrôle), tandis qu’un résultat positif apparaît en deux traits colorés (ligne contrôle et ligne test).

Les tests de diagnostic rapide (TDR) du paludisme font appel à la détection de l’Ag HRP-2 (Histidin Rich Protein 2) spécifique de P. falciparum et persistant un à deux mois après la guérison (limite à connaître), des enzymes pLDH (lactate deshydrogé-nase) et aldolase. Certains tests détectent uniquement l’anti-gène HRP2 (par exemple, Palutop®), d’autres l’antigène HRP-2 et une aldolase commune aux quatre espèces plasmodiales (Binax Now® Malaria), d’autres encore l’antigène HRP-2, une LDH spécifique de P. vivax et une LDH commune à toutes les espèces plasmodiales (par exemple, Palutop+4®).NB : la pLDH est une enzyme disparaissant très rapidement après clairance parasitaire ; elle peut témoigner de l’efficacité thérapeutique.

Test de diagnostic rapide (TDR) ou microscopie ?Les contraintes de la microscopie (temps, compétences...) sont à son désavantage et la rendent difficile d’utilisation, notam-ment en zone d’endémie. La robustesse de la technique est également au bénéfice des TDR, ce qui n’est pas le cas du coût, dix fois plus élevé. La sensibilité des TDR est dix fois moindre que celle de la goutte épaisse, mais équivalente à celle du frottis. Enfin, un TDR ne permet pas de différencier les formes sexuées (gamétocytes) et asexuées. Or, les gamétocytes peuvent per-sister deux mois après la guérison. De fait, un TDR réalisé après un traitement peut faussement faire croire à un échec thérapeutique.

Évaluer l’urgence et organiser la prise en chargeLes critères de paludisme grave chez l’adulte sont :– tout trouble de la conscience (même minime), défaillance respiratoire, cardio-circulatoire, convulsion (> 2/24 h), hémor-ragie, hémoglobinurie paroxystique ;– parasitémie > 4 % ;– ictère clinique ou bilirubinémie > 50 μmol/L ;

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Plasmodium vivax.

– insuffisance rénale : créatinininémie > 265 μmol/L ou urémie > 17 mmol/L et diurèse < 400 mL/24 h malgré réhydratation ;– anémie profonde : hémoglobine < 7 g/dL, hématocrite < 20 % ;– glycémie < 2,2 mmol/L ;– acidose (pH < 7,35 ou bicarbonates plasmatiques < 15 mmol/L) ;– hyperlactatémie.

Algorithme diagnostiqueLa révision de la Conférence de consensus détaille la conduite à tenir pour poser le diagnostic d’infection à Plasmodium du prélèvement au diagnostic d’espèce :– Prélever 2 tubes EDTA, 1 pour le diagnostic, 1 pour un contrôle à conserver à + 4° C pour transmission éventuelle au CNR paludisme au moindre doute (Bichat : 01 40 25 78 97 ou Pitié-Salpêtrière : 01 43 26 33 08).– Recherche de Plasmodium par frottis mince et goutte épaisse (détermination de l’espèce et mesure de la parasitémie) : si ce diagnostic est positif, il s’agit d’une urgence thérapeutique ; s’il est négatif, il convient de faire un TDR. Si le TDR est négatif, le diagnostic de paludisme peut être réfuté ; s’il est positif, il faut discuter un deuxième prélèvement avec le clinicien (la parasitémie a pu augmenter) ou bien le clinicien peut traiter d’emblée si le contexte épidémio-clinique est très évocateur ou s’il existe au moins un signe de gravité.

Algorithme de prise en chargeLa révision de la Conférence de consensus détaille également la prise en charge du malade et son traitement en fonction de l’es-pèce de Plasmodium et des facteurs de risque du malade :– En cas de diagnostic de paludisme à P. ovale, malariae ou vivax, le traitement est la chloroquine.– En cas de paludisme à P. falciparum, tout vomissement néces-site le recours initial à la quinine IV. Il convient de rechercher des signes de gravité cliniques et biologiques. S’ils sont retrouvés, le patient est hospitalisé immédiatement et traité par quinine IV.

Sinon, le patient peut être traité en ambulatoire si et seulement si les 10 critères suivants sont réunis : patient adulte, diagnostic fiable, absence de facteur de risque de mauvaise observance, absence de facteur de risque associé (isolement, âge > 60 ans, pathologie sous-jacente, splénectomie, grossesse...), proxi-mité d’un hôpital, disponibilité immédiate de l’antipaludique prescrit, suivi possible à J3 et J7, plaquettes > 50 000/mm3, Hb > 10 g/dL, créatininémie < 150 μmol/L, parasitémie < 2 %. Si tous ces critères sont vérifiés, le traitement ambulatoire est possible par atovaquone + proguanil (Malarone®) ou artémé-ther + luméfantrine (Riamet®, Coartem®) ; en deuxième ligne, quinine ou méfloquine (Lariam®).Un suivi par frottis mince et goutte épaisse doit être effectué à J3 (la parasitémie doit être inférieure à 25 % de la valeur initiale), J7 (la parasitémie doit être négative) et J28 (recom-mandée, car il existe des porteurs asymptomatiques, y compris des européens). Le contrôle quotidien de la parasitémie n’a pas d’intérêt.Les critères OMS d’échec thérapeutique précoce sont une fièvre et une parasitémie persistante à J3.

Prévention du paludismeDans plus de 90 % des cas, le paludisme atteint des voyageurs n’ayant pas respecté les recommandations associant la protec-tion contre les piqûres de moustique et la chimioprophylaxie. Le biologiste doit participer à l’information des patients et peut s’aider pour cela d’un référentiel mis à jour chaque année et publié dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH ; dernière mise à jour : 2 juin 2009, n° 23-24). |

CAROLE ÉMILE

Biologiste, CH de Montfermeil (93)

[email protected]

Sourceswww.sfmu.org/documents/consensus/rbpc paludisme-court.pdfCommunication de Jacques Le Bras lors des Journées internationales de biologie (JIB), Paris, novembre 2008.

Le diagnostic d’espèce |de Plasmodium est primordial, il conditionne la prise en charge du malade.©

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Plasmodium ovale.

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Plasmodium malariae.


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