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Page 1: Intérêt de l'analyse en cytométrie en flux des sous-populations lymphocytaires chez les patients infectés par le VIH

nt@r@t de l'analyse en cytom@trie en flux des sous-populations lymphocytaires chez les patients infect@s par le VIH

G. CARCELAIN, C. BLANC, P. DEBRE, et B. A U T R A N *

R~:SUM~: SUMMARY

Les anomalies observ~es au cours de l'infection ~ VIII sont domin~es par un d~ficit ~ la fois quantitatif et quali- tatif des lymphocytes T CD4+, cible principale du virus. Chez la plupart des patients s~ropositifs, la valeur abso- lue et le pourcentage de lymphocytes T CD4+ diminuent progressivement au cours du temps. Ces valeurs sont d~tect~es par immunofluorescence directe avec adjonction de billes fluorescentes pour obte- nir s imultan~ment des valeurs absolues. Ce marqueur, associ~ ~ la mesure de la vir~mie VIH, reste le crit~re le plus utilis~ pour ce qui concerne les indications th~rapeu- tiques ou les ajustements individuels de traiternent anti- r~troviral. Actuel lement de nombreuses ~tudes encore pr~liminaires montrent que des r~sultats ne t tement sup~rieurs sont obtenus avec des associations d'anti-r~troviraux par rap- port aux monoth~rapies. Ces associations induisent une baisse de la charge virale et une augmentation des cel- lules T CD4 beaucoup plus importantes et plus stables. Ce marqueur du d~ficit immunitaire reste d'actualit~ et il est donc actuellement urgent d'en r~valuer la valeur pro- nostique sous ces nouveaux traitements .

MOTS-CLI:S

cytom~trie en f lux - sous-popula t ions lymphocytaires - VIH - quadruple marquage - valeur absolue.

Abnormalities observed during HIV course are dominated by a quantitatif and qualitatif deficit o f the CD4+ T cells, major target of the virus. HIV-infected patients show a progressive depletion of their CD4+ T lymphocytes.

This can be objected by indirect immunofluorescence analysis and adjonction of f luorescent beads to obtain cell count. This marker, associate with virus load measu- rement, is still use as clinical outcome of therapeutic stu- dies. Actually it seems that associations o f A R T are better than treatments with only one molecule. Such associations induce a significantly increase o f CD4 lymphocytes counts and a reduction o f plasma viral RNA with greatest magnitude and duration.

KEY-WORDS

f low cytometry - T lymphocyte subsets - H I V - quadruple color analysis - lymphocyte number.

Introduction

Un d~ficit progressif de l'immunit~ cellulaire caract~- rise l'ensemble des anomalies immunologiques obser- v~es au cours de l'infection ~ V IH (18). Le VIH para- site le syst~me immunitaire en utilisant ~ son propre compte diverses molecules de ce syst~me. La s~lecti- vit~ du tropisme cellulaire du V IH et la s~v~rit~ du d~ficit immunitaire induit par l'infection sont en grande partie li~es ~ l'interaction sp~cifique entre la glycoprot~ine d'enveloppe du VIH, la gp120 et la molecule CD4 r~cepteur de haute affinit~ au VIH. Les anomalies sont domin~es par un d~ficit ~ la fois quan- titatif et qualitatif des lymphocytes T CD4+, cible principale de l'infection par le VIH.

De nombreux param~tres immunologiques du d~ficit immunitaire ont ~t~ proposes. Parmi eux, la numera- tion des lymphocytes T CD4+ est devenue le crit~re universellement adopt~ du d~ficit immunitaire et a ~t~ introduite dans ia classification du CDC. Les patients sont ainsi habituellement classes en trois groupes selon qu'ils ont moins de 200 lymphocytes T CD4+, entre 200 et 500 , ou plus de 5 0 0 / m m 3 (4).

* Laboratoire d'irnrnunologie cellulaire et tissulaire Groupe hospitalier Piti~-Salp~tri~re 47-83, bd de l'H6pital 75651 PARIS CEDEX 13

TIRES A PART Nlme le Pr B. AUTRAN

article regu ie 2 ao~t, accept~ le 20 septembre 1996.

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I. La sous-population CD4 significative. La g~n~ralisation des m~thodes de lyse sans centrifugation rend cependant n~cessaire l'introduction du CD45 et du CD3 pour une meilleure d~finition de la popula- tion sous-lymphocytaire CD4.

1. La population lymphocytaire T CD4+ et son int6r~t Les lymphocytes T matures se r@artissent en deux popula- tions principales, fonctionnellement distinctes, qui expriment soit la mol~cule CD4, soit la mol~cule CD8. La mol~cule CD4 est exprim~e ~ la membrane de 42 % (38- 46 %) des lymphocytes T p~riph~riques, soit 800 cellules T C D 4 + / m m 3 ( 7 0 0 - 1 1 0 0 / m m 3) (15). II s'agit d'une mol~cule de poids mol~culaire de 55 kilodalton, compos~e de quatre domaines extracellulaires de structure analogue & ceux des immunoglobulines. Cette mol~cule correspond au r~cepteur du VIH. Celui-ci s'y fixe par le biais de sa glycoprot&ine d'enveloppe gp120 ( 11, 20). Les cellules T CD4+, nomm~es CD4 auxilliaires, ont pour fonction essentielle d'initier et de r~guler l'activation et la fonction effectrice d'autres cellules (par exemple la production d'anticorps par les cellules B) par l'interm~diaire de cytokines. Leur fonction effectrice proprement dite est moins bien connue.

La lymphop~nie CD4 est caract&ristique de l'infection ~ VIH mais elle n 'est pas sp&cifique de cette infection. Le nombre de lymphocytes T CD4+ d'un sujet infect& fait partie des mar- queurs de routine utilis~s dans la surveillance immunologique des patients VIH+ (21, 27). II est bien corr~l~ ~ l'intensit~ du d~ficit immunitaire et aux stades cliniques de la maladie (24). II est utilis~ pour les indications de traitement anti-r~troviral et comme marqueur d'efficacit~ th~rapeutique (5) et il fait ~gale- ment partie des marqueurs pronostiques de l'infection ~ VIH bien que cette valeur pronostique soit controvers~e (31). La d~termination de l'intensit~ de la lymphop~nie CD4 permet de pr~dire la survenue d'infections opportunistes, d'instituer des traitements pr~ventifs et constitue une aide au diagnostic des complications opportunistes. Le marqueur CD4 reste actuellement toujours le marqueur de r~f~rence du d&ficit immunitaire induit par le virus bien qu'il ne puisse remplacer la mesure des param&tres virologiques (35). II est suivi tousles 4 mois 8 6 mois pour les sujets non trait~s ayant plus de 500 C D 4 / m m 3 et tousles 1 ~ 3 mois pour ceux ayant moins de 350 C D 4 / m m ~. Avant toute d~cision th~rapeutique, la valeur de ce marqueur est souvent mesur~e & un mois d'intervalle afin de v~rifier sa stabilit6 (14).

2. Technique d'analyse des lymphocytes T CD4+ en cytom6trie en flux

Ce typage lymphocytaire dolt comprendre au minimum l'ana- lyse des sous-populations T CD4+ et CD8+, en pourcentage et en valeur absolue par rapport aux lymphocytes totaux. Classiquement, cet examen est r~alis~ par un marquage en double couleur en immunofluorescence directe ou indirecte de cellules isol~es apr~s centrifugation du sang sur un gradient de Ficoll et lecture par cytom~trie en flux en analysant une popu- lation lymphocytaire d~finie par les param~tres taille (FSC) et structure (SSC). La technique s'est progressivement simplifi~e puisqu'elle est maintenant r~alis~e sur sang total avec lyse des h~maties suivie ou non d'un lavage. La d~termination du taux de CD4 doit ~tre r~alis~e dans un d~lai de 24 heures apr~s le pr~l~vement. Le CDC recommande actuellement un typage plus complet avec la d~termination simultan~e des marqueurs CD4+ CD8+ CD3+ CD45+ CD14+ CD19+ CD16+56+, par immunofluorescence directe, sur sang total avec lyse des h~maties et lavage. La lecture en cytom~trie en flux est alors faite sur une population lymphocytaire d~finie par la struc- ture (SSC) et le marqueur leucocytaire CD45+ e t /ou par la somme des marqueurs lymphocytaires. Les marqueurs CD14, CD19 et CD16+56 reconnaissent respectivement les monocytes, les lymphocytes B et les cellules NK et permet- tent une analyse plus complete et donc plus s~re des sous- populations. N~anmoins la multiplicit~ de ces marqueurs n'am~liore pas la qualit~ de la numerat ion CD4 de fa~on

3. D6termination de la valeur absolue

Plusieurs m~thodes sont actuellement utilisables pour d~termi- ner ~ partir du pourcentage la valeur absolue correspondante. - U n e numeration formule sanguine peut ~tre faite en paral- l&le sur compteurs de cellules automatiques et les valeurs abso- lues de CD4 ou de CD8 calcul~es ~ partir du nombre de lym- phocytes ainsi d~termin& - Le cytom~tre en flux peut &tre calibr~ en volume. Les pr~pa- rations sont analys~es pendant un temps fixe (d~termin& Iors d'une calibration du cytom&tre & l'aide d'un sang dont on conna~t la numeration des lymphocytes en valeur absolue). On suppose que le m~me volume de pr&paration est ensuite ana- lys~ sur chaque ~chantillon. -Enf in , ces valeurs peuvent &ire directement d&termin&es simultan~ment ~ l'analyse ph~notypique par l'adjonction & la preparation d'un ~talon interne qui consiste en des billes fluo- rescentes de concentration connue. Un volume de billes fluo- rescentes identique au volume de sang utilis~ pour le mar- quage est m~lang~ ~ la preparation. Pendant l'analyse, ces billes sont compt&es en m&me temps que les cellules de l'&chantillon. Puisque la valeur absolue des billes est connue et que les volumes de bille et de sang dans la preparation sont les m@mes, le nombre de cellules en valeur absolue peut @tre calcul~ automatiquement par le cytom~tre. Au total, on peut disposer ~ l 'heure actuelle d'une analyse tr~s automatis~e : sur un seul tube, on r~alise une immunofluores- cence directe comportant les marqueurs CD4+ CD8+ CD3+ CD45+ et des billes permettent d'obtenir simultan~ment les valeurs absolues, la lecture est r~alis~e sur un cytom~tre quatre couleurs (un ou deux lasers) ~ l'aide d'un Iogiciel semi- fig~.

4. La variabilit6 du comptage II faut tout d'abord garder ~ l'esprit la notion de l'existence de fluctuations pathologiques, des lymphocytes totaux et des lym- phocytes CD4, mais non sp~cifiques de l'infection ~ VIH (infections intercurrentes, immunosuppresseurs...). De plus, il a ~t~ mis en ~vidence une variabilit~ dans la repro- duction inter-laboratoires de la d~termination du param~tre CD4 (un coefficient de variabilit~ inter-laboratoires de | 'ordre de 15 % a &t~ trouv~ dans l'~tude de ABOULKER et col.) (1, 30). Ainsi il est clairement ~vident que la variabilit& inter-labo- ratoires du comptage des cel|ules T CD4+ peut perturber des d~cisions concernant une &ventuelle mise sous traitement ou un classement en stade de la maladie VIH. II convient donc mieux de se baser non pas sur un r~sultat donn~ mais sur la tendance ressortant de plusieurs comptages, le tout replac~ dans un contexte plus large clinique et biologique. Ces ~l&- ments soulignent la n~cessit~ de contr61es de qualit~ fr~- quents.

2. Les anomalies quantitatives observ6es au cours des diff6rentes phases

de l'infection VIH

1. La lymphop6nie CD4

La lymphop~nie CD4+ permanente et progressivement crois- sante constitue le stigmate essentiel de l'infection ~ VIH. Elle conduit en moyenne en 10 ans depuis la primo-infection une d@l~tion absolue en lymphocytes T CD4+. Les m~ca- nismes exacts de cette d@l~tion restent cependant mal connus, probablement multifactoriels et controvers~s (24).

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Cette d@letion T CD4+ est correlee <5. l'intensite de la produc- tion virale & laquelle elle semble directement ou indirectement lice (10, 23, 26, 29). En effet, une phase de relative stabilite des lymphocytes T CD4+ est habituellement associee & un contr61e partiel de la replication virale et & des charges virales plasmatiques ou viremies cellulaires moderees (mise en evi- dence d'une correlation significative - p<0,001 - entre les charges virales plasmatiques et les valeurs absolues de cellules T CD4+) (26). A l'inverse, les phases de primo-infection et de progression vers le sida sont associ&es & une production virale intense et une depletion accrue en lymphocytes T CD4+. On peut, en l'absence de traitement, estimer la perte moyenne en lympho- cytes T CD4+ & 50 cellules/mm3/jour. La demi-vie des lym- phocytes T CD4+ infectes a pu recemment ~tre evaluee in vivo & 2 jours grSce & l'etude de la dynamique d'evolution des lymphocytes T CD4+, au cours de traitements anti-retroviraux capables de diminuer transitoirement la charge virale d'un fac- teur de 10 & 100. Ce renouvellement extraordinairement important necessite que l'organisme regenere un nombre

• , , • 9 considerable, d environ 10 , cellules T CD4+ par jour (16, 23, 30, 34).

2. Evolut ion de la l ymphop~n ie C D 4

Les ~tudes sequentielles et transversales realisees sur de larges series de patients montrent que cette lymphopenie CD4 appara~t tr~s schematiquement en quatre phases (figure 1A) (14). 1. Une premiere phase, qui suit la primo-infection, of~ l'on observe une chute rapide et profonde mais transitoire du taux de cellules T CD4+ (mais avec des taux restant habituellement

la limite inferieure de la normale) et une forte augmentation concomitante de la charge virale. Le retour complet ou partiel

la normale ayant d'ailleurs probablement une valeur pronos- tique. Durant cette phase, les variations de cellules T CD4+ et de virus sont parall&les. Neanmoins, une lymphopenie absolue, entre 500 et 200 lym- phocytes T C D 4 + / m m s, peut, dans 2 % environ de cas, per- sister et aboutir au developpement rapide d'un sida, definis- sant le cadre des patients progresseurs ~ court terme (figure 1C). Cette evolution d'un seul tenant vers le sida pourrait @tre lice & la severite de la primo-infection, ou & un dysfonctionne- ment immunitaire anterieur. 2. Dans la deuxieme phase, qui correspond & la phase asymptomatique de la maladie pouvant aller de quelques mois

plus de dix ans, on observe une lente diminution progressive

du taux de T CD4 qui passe en dessous des limites inferieures de la normale (entre 500 et 350 /mm3). Le pourcentage decrott egalement progressivement. Recemment, a ete mise en evidence l'absence de depletion T CD4+ et de progression clinique & long terme (>8 ans) surve- nant, dans moins de 7 % des infections & VIH, definissant les asymptomatiques ou non progresseurs & long terme (figure 1B). 3. La troisi6me phase, correspondant cliniquement ~ la phase d'acceleration de la progression de la maladie, est, en dehors de tout traitement, caracterisee par un brusque inflechisse- ment de la pente de depletion des cellules T CD4+ : 50 % des sujets entre 200 et 3 5 0 / m m 3 atteignent un taux de 200 C D 4 / m m 3 en 24 & 30 tools, taux prec6dant de 6 h 18 mois la survenue de sida. 4. Dans la quatri&me phase, correspondant au stade IV de la maladie, un declin allant jusqu'h une disparition des cellules T CD4+ est mis en evidence. Cette periode peut durer de quelques mois h quelques annees. A l'heure actuelle, ce phe- nom~ne peut ~tre invers~ par la mise sous anti-retroviraux et l 'on voit de plus en plus de fortes regenerations de cel|ules T CD4+, dont la perennite reste & etablir. Certains patients, n&anmoins, ont des profils evolutifs distincts en dehors de tout traitement anti-retroviral, caracteris&s par une stabilisation de la lymphocytose T CD4+ aux stades : asymptomatique, au del& de 500 C D 4 / m m 3, paucisymptoma- tique, entre 200 et 400 C D 4 / m m 3 ou, & l'extr@me, stabilisa- tion des taux de lymphocytes T CD4+ en dessous de 5 0 / m m 3 sans symptomatologie clinique severe. Cette non-progression

long terme semble etre d'origine multifactorielle et pose d'importantes questions physiopathologiques et therapeu- tiques.

3. L 'hyper lymphocytose C D 8

Le compartiment de cellules T CD8+ est amplifie ~ tousles stades de la maladie en pourcentages et en valeurs absolues, hormis en phase terminale de sida, oQ la lymphopenie T majeure induit une relative normalisation quantitative des lym- phocytes T CD8+. Cette hyperlymphocytose n'est pas consi- deree comme un marqueur de mauvais pronostique. Ces cel- lules presentent tres frequemment, des la phase de seroconversion et tout au long de l'infection, un phenotype dit de cellules activees, exprimant les molecules HLA-DR ou CD38, ce dernier marqueur pouvant &tre correle quant & lui la charge virale et reli& & un pronostic defavorable ( 13, 16, 22).

FIGURE 1 VIH, CD4+, CD8+ : trois ~volutions diff~rentes au cours du temps

Taux relatifs

CD8+ ~ CD8+ . ~ CD8+ K ,

Armies

A : l~volution classique : la charge virale apr&s une pouss&e initiale est maintenue & des taux bas alors que les CD4 diminuent progressivement ; puis la charge remonte, les CD4 diminuent et le patient entre dans le stade sida. B : Non progresseurs & long terme : la charge virale apr&s une pouss~e initiale est maintenue & des taux bas et le taux de CD4 reste stable. C : Progresseurs rapides : la charge virale initiale persite & des taux &leves tandis que le taux de CD4 diminue rapidement. Ces patients entrent dans le stade sida en moins de 5 ans.

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3. Les marqueurs pronostiques

1. Le d~ficit C D 4 , m a r q u e u r de progress ion du d~ficit i m m u n i t a i r e ?

La valeur predictive de la lymphopenie T CD4+ a ete large- ment demontree parmi differents autres marqueurs et & titre individuel (9, 28, 32). Cette valeur pronostique est cependant limitee et ne permet de predire que la survenue d'infections opportunistes ; 50 % des sujets sans prophylaxie ayant moins de 200 lymphocytes C D 4 + / m m 3 ont un risque eleve d'appari- tion d'une pneumonie & Pneurnocystis carinii dans les 6 mois. Un taux de lymphocytes T CD4< ou egal & 2 0 0 / m m 3 est ainsi une indication reconnue aux traitements anti-retrovi- raux et & la prevention des infections opportunistes. II devient cependant de plus en plus frequent de debuter ces traitements en dessous de 350 lymphocytes T C D 4 + / m m 3. La lymphope- nie CD4 profonde (<100 voire & 5 0 / m m 3) est etroitement associee aux autres infections opportunistes et peut guider les investigations diagnostiques; une infection s&v~re & CMV ou mycobacterie atypique ne se d&veloppant qu'& des taux infe- rieurs ~ 50 lymphocytes T C D 4 / m m 3. La numeration absolue des lymphocytes CD4+ a une plus grande valeur pronostique que le pourcentage de lymphocytes CD4 et le rapport CD4/CD8. II faut cependant signaler que d'importantes lym- phocytoses, touchant surtout les lymphocytes CD8 mais aussi CD4, peuvent masquer la progression du deficit qui n'est alors revel&e que par la decroissance du pourcentage de lympho- cytes CD4 et du rapport CD4/CD8. Soulignons que ces caracteristiques pronostiques sont actuelle- ment en plein bouleversement du fait des progr&s therapeu- tiques qui modifient l'evolution des lymphocytes T CD4+, au moins transitoirement. L'utilisation de combinaisons thera- peutiques d'anti-retroviraux permet en effet d'obtenir des ascensions prolongees des taux de lymphocytes T CD4+, en relation avec la decroissance de la charge virale. Le caractere pronostique du taux de lymphocytes T CD4+, tant en pour- centage qu'en valeur absolue, necessite donc d'etre reevalue en parall&le & la charge virale. II reste neanmoins un marqueur simple et essentiel du deficit immunitaire.

2. Les sous-populations CD4+ D'importantes controverses ont eu lieu sur les variations des cellules T CD4+ definies comme naYves (CD45RA+) et memoires (CD45RO+), la proportion de cellules portant un phenotype "na'ff" pouvant d&croitre avec la progression de la maladie. Une amplification d'une sous-population lymphocytaire T de phenotype CD4+CD7- a ete mise en evidence au cours de l'evolution de la maladie & VIH. Cette population presente une faible capacite & proliferer, un profil de production de cytokines evoquant une fonction Th0 /Th2 et un phenotype activ& (8). Ces anomalies peuvent participer au deficit fonc- tionnel. Par ailleurs, il a et& rapporte que la diminution de l'expression de la molecule CD28 sur les cellules CD4+ etait correlee au cours de la maladie ~ l'intensite du deficit fonctionnel et & un pronostic defavorable (3). Enfin sous traitement par antiprotease, il a ete montre que le nombre des cellules T CD4+CD45RO+ augmente significati- vement pendant les 4 premieres semaines de traitement (19). De plus, on observe une diminution stable du marqueur d'acti- vation HLA-DR et une augmentation transitoire du marqueur CD25 (19). Toutes ces modifications sont contemporaines de la restauration du compartiment de cellules T CD4+ au cours des premiers mois de l'induction therapeutique.

3. Les sous-populations CD8+ L'activation des cellules T CD8+ dont nous avons parle plus haut peut etre raise en evidence & l'aide de diff~rents mar- queurs de surface tels que le CD38 et le HLA-DR. L'appari- tion respective des molecules HLA-DR et CD38 sur la cellule T CD8+ pourrait refleter les divers stades de l'infection :

l'apparition precoce de la molecule d'activation HLA-DR ne serait pas pejorative et plut6t associee & un etat de stabilite (13). Elle serait suivie de l'expression du CD38 dont la pre- eminence ulterieure, par rapport & HLA-DR, deviendrait de mauvais pronostique (17). II a de plus ete mis en evidence une correlation positive entre les valeurs de charge virale et le pourcentage de cellules CD8+ et plus particuli&rement avec le pourcentage de la sous-population cellulaire CD8+CD38+ (2). Cependant, il faut souligner le fait que l'ensemble de ces cor- relations entre sous-populations CD4 ou CD8 (12) et progres- sion de la maladie ou charge virale restent statistiques et que leur inter~t pronostique ~ titre individuel n'est pas demontre.

4. Regeneration quantitative des CD4 sous traitements anti-r troviraux

Plusieurs molecules sont actuellement commercialisees et de nombreuses autres vont ~tre rapidement lancees sur le mar- che. Leur utilisation en monotherapie a vite ete evaluee. Ainsi, I'AZT, chef de file des inhibiteurs de la reverse trans- criptase, fait baisser la charge virale d'un facteur de 0,5 log (33), tandis qu'un inhibiteur de protease toujours en monothe- rapie, la fait chuter de 1 & 2 log ( 7, 25). Ces monotherapies ont une efficacite de courte duree et favorisent l 'emergence de mutants resistants (6). Les nouvelles combinaisons de molecules anti-retrovirales (bi ou tritherapies) font rapidement chuter la charge virale de 2 3 log et sont actuellement en cours d'evaluation. D'autres types d'associations sont actuellement & l'etude, elles concernent entre autres l'association d'immunomodulateurs et d'anti-retroviraux. Par ailleurs, des travaux ont analyse de fagon tr~s fine la dynamique de renouvellement des lympho- cytes T CD4+ au cours des therapeutiques anti-retrovirales, lls ont montre une relation etroite entre la restauration quantita- tive des lymphocytes T CD4+ et la clairance virale sous traite- ment (17, 34). L'amplification majeure et durable des taux de lymphocytes T CD4 par de nouvelles associations synergiques d'anti-retrovi- raux souligne la possibilite de mobilisation active de ce com- partiment et l'urgence d'evaluation fine des modifications des parametres d'activation et de fonctionnalite des lymphocytes T CD4+ peripheriques, sous traitement en relation avec l'etude dynamique de la charge virale.

Conclusion

Le phenotypage des lymphocytes T CD4+ ou CD8+ reste un marqueur simple, performant et d'actualite puisqu'il permet rapidement d'evaluer l'evolution du deficit immunitaire lie au V IH sous traitement. I1 reste donc le marqueur immunologique de reference. La plupart des protocoles therapeutiques utilise ie taux de cellules T CD4+ associe & la charge virale comme crit/~re evolutif & court terme, les indications thera- peutiques dependant souvent de ces mesures de refe- rence. L'evolution actuellement rapide des traitements anti- V IH necesssite une reevaluation approfondie de la valeur pronostique de ce marqueur sous traitement et de son evolution par rapport & la charge virale. D'autres marqueurs immunologiques tels que des marqueurs d'activation, de differenciation ou d'adhe- sion pourront etre utiles pour tenter de comprendre qui sont les cellules CD4+ qui reapparaissent, d'od elles viennent et quelles sont leur fonctions.

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Revue frangaise des laboratoires, octobre 1996, N ~ 287 57


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