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Page 1: Intérêt du suivi thérapeutique des antirétroviraux chez le patient insuffisant rénal: Exemple du ténofovir

Pharmacocin6fique des m6dicaments anti-infectieux

INTERI T DU SUlVl THFZRAPEUTIQUE DES ANTIRI TROVIRAUX CHEZ LE PATIENT INSUFFISANT RENAL : EXEMPLE DU TENOFOVIR

Stephanie Badre-Sentenac a,*

R d s u m 6

Le dosage plasmatique des antiretroviraux (ARV) est particuli¢re-

ment indiqu6 dans trois circonstances : I'imputabilit6 d'un 6chec

virologique & une resistance virale, le contr61e de I'observance et

l'adaptation posologique dans certaines situations physiopatholo- giques particulieres tetles que I'insuffisance renale et/ou hepato-

cellulaire. Le tenofovir DF (Viread ®) est la premiere prodrogue du

tenofovir (PMPA), analogue nucleotidique, a avoir obtenu I'AMM en

2002 pour le traitement de I'infection par le VlH des adultes sous

multitherapie, en echec virologique.

Le tenofovir est majoritairement elimine par le rein. Les parametres

pharmacocinetiques d'un patient insuffisant renal recevant 1 com-

prim6 de 300 mg par jour de Viread ® sent doric modifies. L'aire

sous la courbe (AUC) est multipliee par 15 et la clairance plasma-

tique totale du tenofovir (CI/F) est divisee par 13. Deux adaptations

posologiques ont et6 proposees.

Comme pour les inhibiteurs nucl6osidiques de la transcriptase inverse (INTI), le dosage plasmatique du tenofovir chez un patient

insuffisant renal est indispensable. Afin d'optimiser ce suivi, une

methode analytique par chromatographie liquide haute perfor-

mance (CLHP) avec detection UV, simple et relativement rapide,

applicable en routine peut 6tre utilisee.

Insuffisance r6nale - antiretroviraux - t(~nofovir - dosage

plasmatique - adaptat ion posologique.

S u m m a r y : In te res t of ant i retrovira l drug m o n i t o r i n g of

pa t ien ts wi th renal fa i lure, E x a m p l e of tenofovir ,

Antiretroviral drug monitoring in plasma is important to prevent virus resistance, check drug compliance, and follow up patients with renal and/or hepatic failures. Since 2002, tenofovir DF (Viread ¢) is the first prodrug of tenofovir (PMPA), nucleotide ana- log used in combinaison with other antiretroviral drugs for the treatment of adults infected with the human immunodeficiency virus (HIV) who failed or are intolerant to nucleoside analog the- rapy or are not controlled by their current antiretroviral regimen.

a Service de pharmacie-pharmacologie-toxicologie HSteI-Dieu 1, place du Parvis Notre-Dame 75181 Paris cedex

* Correspondance [email protected]

article re~u et accept(~ le 7 juillet 2004.

© Elsevier SAS.

As tenofovir is extensivily and rapidely excreted in urine, the fellow up of treated patients with renal failure is critical. The pharmacoki- netics parameters from one HIV-infected patient with renal insuffi- ciency, treated with 300 mg of Viread ¢ were modified. AUC (area under the curve) was increased by a 15 fold and the total plasma- tic clearance (CI/F) was reduced by a 13 fold. Two dose adjust- ments were proposed. Like nucleoside analogs (NRTIs), tenofovir monitoring in plasma of patients with renal failure is essential In order to optimize this drug monitoring, a high-performance liquid chromatography assay

with UV detection, simple, relatively rapid, can be easily perfor- med in hospital laboratories.

Renal insufficiency - antiretroviral t reatment - tenofovir -

concentrations in plasma - dose adjustment.

1. Introduction

L a maladie VlH/sida est une << maladie chronique sous traitement >, et la prise en charge des patients au long cours dolt permettre sur

des criteres intermediaires (charge virale, taux de lymphocytes T CD4 +) de limiter au maximum les causes potentielles d'un echec therapeu- tique. Les dosages plasmatiques permettront d'adapter les schemas posologiques afin d'obtenir d'emblee une efficacite antiretrovirale opti- male, ce qui permet de reduire le risque d'#mergence de resistance virale et de maintenir par la suite une exposition constante du virus & des concentrations suffisantes en antiretroviraux (ARV), en surveillant I'observance des patients et en minimisant la fr6quence et I'intensit6 des effets indesirables.

2. Causes potentielles de modification des param~tres pharmacocin6tiques des medicaments administr6s par voie orale Iors d'insuffisance renale (IR)

L'insuffisance renale (IR) implique des modifications physiopatholo- giques qui vent influencer non seulement I'excretion r6nale des sub- stances endogenes, mais aussi celle des medicaments et notamment des ARV.

2.1. Absorpt ion

Les ARV sent tous administrables par vole orale et dans ce sens, deux param¢tres sent susceptibles d'etre perturbes. L'absorption peut ~tre retardee consecutivement au ralentissement de relimination, entrai- nant un decalage dans le temps des concentrations maximales (Cm~). La biodisponibilit6 des substances & coefficient d'extraction hepatique

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Pharmacocinetique des medicaments anti-infectieux

eleve peut egalement etre augmentee, & cause de la diminution du cap- tage hepatique au premier passage. La diminution de I'effet de premier passage peut s'expliquer, soit par la reduction de certaines reactions de biotransformation, soit par I'augmentatien de la bio- transformation des dechets endogenes nombreux chez I'insuffisant renal au detriment de I'elimination des medicaments.

2.2. Dis t r ibut ion

De nombreux facteurs influencent la distribution tissulaire des medi- caments.

Lors d'lR, la fixation proteique est perturbee par plusieurs facteurs, qui sont :

- la modification des structures proteiques, comme I'albumine, entrafnant une diminution de I'affinite des substances avec les sites de liaison ;

- I'augmentation des lipoproteines et I'accumulation des molecules endogenes (uree) qui perturbent la liaison des medicaments aux pro- teines plasmatiques ;

- I'hypoalbuminemie, dont la consequence est une diminution de la fixation des medicaments acides (furosemide, benzylpenicilline, sul- famethoxazole). Ceci entrafne des modifications pharrnacocinetiques dont il faudra tenir compte en therapeutique ;

- I'augmentation des concentrations en c~1 glycoproteine acide (cd gp) qui entrafne I'accroissement de la fixation des medicaments basiques (lidoca"l'ne, quinidine, disopyramide...), dent les conse- quences cliniques sont peu importantes.

L'acidose, frequente dans I'insuffisance renale, entrafne une diminu- tion du pH sanguin. Uetat d'ionisation de certains medicaments sera modifie. La consequence est une meilleure distribution, notamment au niveau du systeme nerveux central (exemple des salicyles et du phe- nobarbital peu ionises au pH acide).

De nombreux facteurs perturbent la distribution des medicaments chez I'insuffisant renal et provoquent, en general, une augmentation des concentrations plasmatiques et, en particulier, de la fraction libre plas- matique du medicament (fu). Ainsi, la diffusion tissulaire est favorisee et peut etre a I'origine :

- de concentrations tissulaires elevees avec majoration des effets the- rapeutiques et/ou apparition d'effets toxiques,

- de modifications du volume apparent de distribution (Vd). Le Vd est augmente pour les principes actifs acides, diminue pour les principes actifs basiques et inchange pour les medicaments acides ou basiques peu lies aux proteines plasmatiques. Le Vd est egalement influence par la variation de repartition des volumes liquidiens (oedemes...).

2 . 3 Me, tabo l i sme

Les medicaments elimines par voie metabolique hepatique et biliaire sont normalement peu touches. Neanmoins, il existe des meca- nismes compensatoires entre les systemes d'elimination renaux et hepatiques qui seraient susceptibles de modifier la pharmacoci- netique de certains principes actifs.

Le captage hepatique de certaines substances peut egalement etre diminue par ralentissement des reactions chimiques d'acetylation (cas de I'isoniazide et de I'hydralazine) et de reduction (cortisol).

Enfin, pour certains medicaments, apparaissent des metabolites incon- nus chez I'adulte a fonction renale normale. Ainsi, I'accumulation des metabolites est a surveiller chez I'insuffisant renal (metabolites inac- tifs qui perturbent la pharmacocinetique de la molecule mere, meta- bolites actifs qui augmentent I'effet pharmacologique et les metabo- lites toxiques qui sont responsables des effets secondaires). De plus, I'uremie augmentee, par perturbation de la biotransformation des sub- stances, accrott la sensibilite des patients aux effets pharmacologiques et toxiques des medicaments.

2.4. F_limination

L'elimination des medicaments par filtration glomerulaire depend de plusieurs facteurs qui sont :

- le debit sanguin renal,

- le hombre de nephrons fonctionnels,

- l a fraction libre plasmatique du medicament (fu),

- la taille et le poids des molecules.

UIR se caracterise par une alteration des fonctions renales qui entrafne une diminution du debit sanguin renal et une perturbation des meca- nismes d'excretion renale (filtration glomerulaire ou FG, secretion tubu- laire et reabsorption tubulaire).

La consequence est une diminution de la clairance renale (CI R) des medicaments. Cette diminution est due & la diminution de la FG et est proportionnelle ~. la diminution du debit sanguin renal.

Pour les medicaments elimines par voie renale, la clairance totale (CI,ot,Lo) des medicaments est diminuee, la demi-vie d'elimination (T1/2) est augmentee et les concentrations plasmatiques sont ¢galement aug- mentees. Les metabolites de ces substances, s'ils sont 61imines par le rein, sont susceptibles de s'accumuler.

En revanche, pour les medicaments elimines seulement en partie par le rein, les phenomenes compensatoires peuvent entrer en jeu et la partie excretee par voie extra-renale peut augmenter. Ce phenomene est dG a une augmentation de la fu des medicaments & faible coeffi- cient d'extraction dont la clairance hepatique se trouve ainsi majoree.

En conclusion, les concentrations plasmatiques sont generalement aug- mentees lots d'lR. La consequence directe est donc I'apparition de phenomenes toxiques. Une adaptation posologique est necessaire pour les medicaments #. marge therapeutique etroite e ta pour prin- cipe de maintenir la meme concentration moyenne & I'equilibre (Cmoy) que chez le sujet normal afin d'obtenir un effet pharmaco]ogique iden- tique.

3, Adaptation posologique des medicaments chez I'insuffisant renal Trois methodes peuvent 6tre proposees [8] :

- methode de la dose et maintien du meme intervalle de prise,

- augmentation de I'intervalle de prise et maintien de la dose,

- modifications de la dose et de I'intervalle de prise.

Dans le cas des ARV, il est important d'assurer une concentration resi- duelle (C,,~n) suffisante pour maintenir une pression antivirale. Le choix de la methode de la dose paraft donc le plus rationnel.

L'inconvenient de cette methode est qu'elle necessite I'administration de doses parfois non commercialement disponibles sur le marche. En cas d'impossibilite de preparer magistralement ces doses, le recours & la methode de I'intervalle devient obligatoire.

4. La diaiyse

Le principe de la dialyse est d'epurer le sang de substances que I'organisme n'arrive plus a. eliminer du fait de la deficience des mecanismes d'excretion (insuffisance renale) ou de depassement de capacit¢ de ces mecanismes (intoxication medicamenteuse). Les techniques peuvent exister en continu (dialyse peritoneale continue ambulatoire : DPCA) et en discontinu (hemodialyse : HD ; dialyse peritoneale intermittente : DPI) [8].

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Pharmacocin~tique des medicaments anti-infectieux

Deux grandes methodes d'epuration extrarenale sont utilisees, il s'agit de la dialyse peritoneale (DP) et de I'hemodialyse (HD).

Les seances d'epuration extra-renales pratiquees chez les malades insuffisants renaux tres severes perturbent le devenir des medicaments. Les modifications pharmacocinetiques sont dues & la fois #. I'IR et & I'extraction des medicaments par les syst¢mes de dialyse.

Lors d'une epuration extra-renale, il s'agira donc de savoir si le medicament administre est epure ou non afin d'adapter la posologie. Le but etant toujours de conserver une zone de concentrations plasmatiques efficaces et non toxiques. Tres generalement, les medicaments & Vd important sont peu elimines par epuration extra- renale, mais de nombreux parametres entrent en jeu : le type de dialyse, les caracteristiques physico-chimiques et pharmacocinetiques des medicaments qui seront differentes en periode interdialyse et pendant la seance de dialyse.

4.1. La dialysance des medicaments (cas de l'hemodialyse)

[_'extraction d'un medicament Iors de la dialyse definit sa dialysance, qui s'exprime soit par la quantite de medicament extrait, soit par la vitesse d'extraction Iors de la dialyse, soit par la clairance de la dialyse [8].

Plusieurs facteurs interviennent sur la dialysance du medicament lots de I'hemodialyse (HD) :

- les facteurs physico-chimiques et pharmacologiques du medica- ment : ]es medicaments hydrosolubles de faible poids moleculaire sont plus extraits que les medicaments liposolubles. De plus, seule la fraction libre du medicament (fu) est concernee par le mecanisme de diffusion passive. Un medicament A faible Vd et possedant une faible fixation aux proteines plasmatiques est fortement epur& Les consequences therapeutiques seront donc prises en compte ;

-les caracteristiques de I'hemodialyse :le gradient de concentration est favorable a la diffusion du medicament dans le liquide de dialyse, le circuit ouvert permet une meilleure epuration du medicament. Les debits sanguin et du dialyseur, la duree de la dialyse, le type de membrane (surface et permeabilite) influencent I'extraction du medicament.

La clairance d'hemodialyse (CIHo, mesuree & mi-dialyse) et le coefficient d'extraction E mesurent la capacite du dialyseur & 6purer un medicament du sang, neanmoins la CI,u ne renseigne pas totalement sur I'extraction des medicaments par HD. En effet, une absence de correlation a 6te constatee entre la fraction du medicament elimine au cours d'une seance d'HD et sa Cl.o [8].

4.2. I~valuation de I 'epurat ior d'un medicament Iors d'une seance d 'HD

Afin de savoir si un medicament est 6pure Iors d'une HD et de connaftre I'adaptation de dose & effectuer en fin de seance, une premiere approche consiste a evaluer la quantite d'un medicament perdue dans le liquide de dialyse durant la periode de

traitement.

Cette quantite peut etre calculee & partir de la quantite de medicament presente dans le sang en debut de dialyse : A o = V x C o. Une seconde approche, plus exacte, consiste a ramener la concentration sanguine du medicament mesuree & la fin de la seance d'HD a la valeur de cette concentration si le patient n'avait pas ete dialys& Tres souvent, ces donnees ne sont pas accessibles aux cliniciens [9]. I 'influence de I'H D est alors estimee par le FHo. Ce nouvel index permet de quantifier la participation de I'hemodialyse 9. I'elimination naturelle encore existante Iors d'une insuffisance renale :

ClH D FHD(%)= - - x lO0 (equation 1)

ClHD + CIER

ClHD represente la clairance d'H D, et CIER repr6sente la clairance extra- renale estimee par la Cl~ota~e ou CI/F, qui est la clairance totale du medicament mesuree en dehors d'une seance d'HD. FHD represente un argument pertinent en clinique si sa valeur est superieure & 25 %. Ce qui signifie que plus de 25 % de I'elimination totale du medicament chez un patient hemodialyse s'effectue par cette route [9].

5. int6r~t du suivi therapeutique dans le cas de patients insuffisants renaux infectes par le VII-I

Les dysfonctionnements renaux sont des complications frequemment observees au cours de I'infection par le VlH (6 b. 10 %) [13]. Les causes peuvent etre variees et tres souvent intriquees. Les nephropathies iatrogenes et la glomerulopathie Nee au VIH (NVIH) dominent ces complications. La NVlH et les autres desordres renaux lids au sida pourraient devenir les causes majeures d'evolution vers I'insuffisance renale chronique (IRC) dans certaines populations o~ auparavant l'l RC etait la complication terminale d'autres pathologies comme le diabete. De plus, la prevalence de I'infection par le VlH dans les unites d'hemodialyse varie de 0 & 15 % [15].

Par ailleurs, de nombreux ARV sont elimines majoritairement par le rein et certains sont directement nephrotoxiques. L'indinavir provoque des lithiases urinaires transparentes chez 5 % des patients et une elevation plus rare de la creatinine [3]. Le ritonavir entrafne une elevation de la creatinine isolee ou associee & un syndrome pancreaticorenal [4, 22]. Ces substances provoquent egalement des troubles hydroelectro- lytiques resumes dans le tableau L

6. Nature des modifications phatmacocin6tiques dans le cas particulier des ARV

Les analogues nucleosidiques de ]a TI sont peu lies aux proteines plas- matiques. Ainsi, la fraction Iibre reste inchangee Iors d'lR. IIs se dis- tribuent tres largement darts ['organisme et leurs Vd sont voisins de 1 L/kg. D'autre part, les INTI peu metabolises par le foie sont 61imi- nes majoritairement par le rein sous forme inchangee (10 & 60 % de la dose absorbee), ce qui laisse prevoir une modification de leur phar- macocinetique Iors d'lR. Enfin, les analogues nucleosidiques sont de petites molecules qui sont epurables en dialyse.

Les nombreuses etudes menees chez I'IR ont rapporte des pharma- cocinetiques modifiees pour tousles I NTI commercialises (tableau II) [12, 18] avec des recommandations posologiques adaptees & chaque stade d'lR et pour les differents types d'hemodialyse (tableau III) [2, 10, 12, 18] sauf pour I'abacavir pour lequel Izzedine H. et al ont demontre que I'ajustement posologique n'etait pas necessaire chez les patients insuffisants renaux et que I'administration pouvait se faire independamment d'une seance de dialyse [11].

Les patients insuffisants renaux sont predisposes aux risques d'ane- mie. La toxicit6 hematologique de I'AZT precedemment correlee & la concentration a I'equilibre de I'AZT impose une adaptation posologique Iors d'insuffisance renale moderee et severe [16]. L'hemodialyse (H D) et la dialyse peritoneale (DP) influencent peu la pharmacocinetique de I'AZT et meme si I'¢limination du metabolite actif (GZDV) est aug- mentee, des dosages plasmatiques supplementaires ne sont pas necessaires pendant la dialyse [5].

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Pharmacocin~tique des m~dicaments anti-infectieux

ddC, ddl !

Saquinavir Fosamprenavir

Zidovudine (AZT) Zalcitabine (ddC)

Poids _> 60 kg Poids _<_< 60 kg Stavudine (d4"l') Poids _> 60 kg Poids _< 60 I,,g Lamivudine (3TC)

40 mg/12 h 30 mg/12 h 150 mg/12 h

~ i~ / i , I

Emtricitabine [FTC)t-200 mg/24 h l t O0mg/72h ! ~ ~ ~ I 1 Tenofovir (TN F) 300 mg/24h 300 rag/48 h 300 mg/~2-96 h ND surS leSla base7 j

seances d'l- h par semair pros 12 h d'f-

CIcR : clairance de la cr~atinine ; ND : non d6termine ; ~ : le traitement doit 6tre pris apres la seance de dialyse ; HD : h~modialyse ; DP : dialyse p~riton6ale.

76 Revue Frangaise des Laborato res, septembre 2004, N o 365

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Pharmacocin#tique des m~dicaments anti-infectieux

indinavlr 60i65 20

Neifinavii ~ 0 8 0 3,5 5 o

CI/F : clairance totale.

ND

N D

2, t

8,6* i

6 * , 1 - 1 5

Cllv : clairance totale plasmatique mesur6e apres ~dminJstration intraveineuse du medicament. * : valeur de la CI/F uniquement ; ND : non determin&

.............. . . . . . . . ~

fill ' ' . i i i ':T'.I~'~:

Dans le cas de la didanosine (ddl), aucune correlation definitive n'a vraiment et6 etablie entre les concentrations plasmatiques de la ddl et sa toxicite. Les ajustements posologiques et le suivi therapeutique sont donc recommandes uniquement pour assurer la conservation de la meme zone de concentrations plasmatiques entre les patients non insuffisants renaux et les patients insuffisants renaux. L'HD entrafne I'elimination de 5 % de la dose de ddl alors que la DP n'a pratique- ment pas d'effet, mais I'adaptation posologique reste identique dans les deux cas [14].

Le risque de developpement des effets secondaires avec la ddC devrait 6tre superieur chez les patients insuffisants renaux de par les modifications pharmacocinetiques de la substance Iors d'IRC (tableau II).

Le suivi therapeutique permettra apres adaptation de la dose de sur- veiller la correspondance des concentrations plasmatiques entre le patient normal et I'insuffisant renal.

L'ajustement posologique pour la d4T est justifie par le fait que la demi- vie d'elimination (T1/2) est multipliee par 7 Iors d'IRC (tableau II) et que des neuropathies peripheriques ont et6 retrouvees chez 15 & 20 % des patients non insuffisants renaux [21]. La dose de lamivu- dine (3TC) retrouvee inchangee dans les urines est de 71% et la T1/2 est augmentee de 5 fois chez I'IRC (tableau I1.) [19]. Uajustement poso- Iogique est donc recommande. De plus, il peut exister avec le 3TC des phenomenes de competition au niveau de la secretion tubulaire Iors de I'elimination. Ainsi, en association avec la trimethroprime, la clairance renale (CI R) du 3TC est augmentee de 30 o/0 [17]. Enfin, les combi- naisons commercialisees sous }es noms de Combivir ® (AZT + 3TC) et Trizivir ® (AZT + 3TC + Abacavir ®) sont contre-indiquees en cas d'in- suffisance renale [18].

Contrairement aux INTI, les IP sont majoritairement metabolises par les cytochromes P4~o (CYP4~o) hepatiques et intestinaux. Seulement 1 & 20 % de la fraction absorb6e selon les substances sont elimines sous forme inchangee par la voie renale (tableau IV) [12, 18]. Cependant, pour certains IP, des metabolites actifs sont formes (par exemple, le meta- bolite actif du nelfinavir nomm6 M8) et sont susceptibles de s'accumuler Iors de dysfonctionnements renaux. Aucune donnee sur I'accumulation de metabolites n'est actuellement disponible.

Le foie est le principal lieu de biotransformation. Neanmoins, d'autres Iocalisations des CYP4~ o ont et6 retrouvees, incluant le rein [6]. La clai- rance non renale de I'aciclovir est diminuee chez les patients insuffi- sants renaux. En effet, certains systemes enzymatiques sont ralentis Iors d'IRC [20]. Cependant, I'effet de ce ralentissement sur te meta- bolisme des IP Iors d'lR reste inconnu.

D'autres caracteristiques pharmacocinetiques des I P, incluant la varia- bilite de la biodisponibilite (F) (tableau IV), sont & prendre en consi- deration Iors d'lR. De plus, les IP sont de grosses molecules lipophiles et basiques, non ionisees au pH physiologique. Elles sont fortement liees #. I'c~l gp acide (fixation superieure & 90 % sauf pour I'indinavir qui est fixe & 60 %) [7]. En consequence, la fraction libre des IP est diminuee en cas d'lR.

Les caracteristiques pharmacocinetiques des IP font qu'en pratique leur elimination semble inchangee chez I'insuffisant renal (tableau IV). Beaucoup de questions subsistent et concernent le pouvoir dialysable de ces principes actifs ainsi que les ajustements posologiques (tableau IV) [12, 18].

Le saquinavir est tr#s majoritairement metabolise par les CYP3A4 intes- tinaux et hepatiques et les metabolites sont elimines par la voie biliaire. Seulement 1 & 3 % de la dose est retrouvee inchangee dans les urines (tableau IV.) : ainsi, aucun ajustement posologique ne serait necessaire en cas d'lR. De plus, le saquinavir est bien tolere et aucun effet nephro- toxique n'a ete rapport&

Le ritonavir ne necessite pas d'ajustement posologique chez I'IR (tableau V). Le ritonavir est lie a plus de 98 % aux proteines plasma- tiques. Cette substance ne devrait donc pas 6tre dialysable.

Les manifestations renales causees par l'indinavir (Iombalgies, dysurie, lithiases urinaires radiotransparentes chez 5 % des patients) imposent des preventions dietetiques indispensables associees & la prise de ce medicament (boissons abondantes non alcalines de plus de 1,5 litres par jour et apports hydriques et protidiques adaptes chez les patients presentant des manifestations renales visant & abaisser le pH urinaire) [10]. Ainsi, I'indinavir est la seule IP pour laquelle un suivi therapeu- tique chez I'IR est souhaitable. Uamprenavir, l'association Iopinavir/rito- navir ainsi que les nouvelles IP mises sur le marche (Atazanavir ®, Fosamprenavir®), ne necessitent pas d'adaptation posologique Iors de leur utilisation chez le patient insuffisant renal [18].

Comme les IP, les INNTI sont de grosses molecules lipophiles et basiques, non ionisees au pH physiologique. L'efavirenz et la delavir- dine sont tres lies & I'albumine, respectivement & 60 % et & plus de 90 %. La nevirapine en outre est largement distribuee dans I'ensemble de I'organisme (Vd de 1,2 L/kg).

En consequence, la fraction libre des INNTI est augmentee en cas d'lR. D'autre part, les INNTI sont metabolises majoritairement par les enzymes microsomales hepatiques. I '61imination des IN NTI est biliaire et faiblement renale (3 % pour la nevirapine et inferieure & 1 % pour I'efavirenz). Les ajustements de posologie, uniquement recommandes Iors d'association aux IP ne semblent donc pas necessaires chez I'lR.

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Pharmacocin~tique des m~dicaments anti-infectieux

, . , 300O

= 2000 ' ....... .......... o. . . . . . . . . . . . ........ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

• ~ 1500 .... . . . . . :~: @ u 1 0 0 0 e,.,

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0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 t9 2021 22 23 24

Temps (heures)

vent necessaires chez les patients insuffisants r6naux, traites. Ces adaptations doivent etre pratiquees afin d'optimiser I'exposition du virus a. des concentrations residuelles suffisantes en medicaments et de reduire le risque d'effets ind6sirables.

va/F ( i ) '

* : C l / F c a l c u l e e I o r s d e l a c i n e t i q u e u n j o u r s a n s d i a l y s e .

Neanmoins, aucune etude concemant I'elimination des IN NTI chez I'1R n'a 6te publi6e & ce jour.

En pratique, seule la classe des INTI a fait I'objet de recommandations d'adaptation posologique dans I'IR (tableau III). Cette classe d'an- tiretroviraux est tres largement prescrite dans les multitherapies actuelles. En conclusion, les ajustements posologiques paraissent sou-

7. Cinetique plasmatique d'un patient sida insuffisant renal multitraite ayant re{:u un cornprime de tenofovir DF (Viread ®) en une seule prise

7.1. Faut-il prevoir une adaptat ion posolog ique en cas d ' insuf f isance r6nale ?

Le tenofovir (ou PM PA) est un analogue nucleotidique monophosphate stable ou nucleotide, avec une activite contre le virus de I'immunodeficience humaine de type I (VIH-1). Les donnees pharmacocin6tiques d'61imination du t6nofovir chez le patient non insuffisant renal, proches de celles des INTI (Vd faible de 0,8 L/kg et liaison aux proteines plasmatiques inf6rieure & 0,7 %) laisse pr6voir des

7 8 R e v u e F r a n g a i s e d e s L a b o r a t o i r e s , s e p t e m b r e 2 0 0 4 , N ° 3 6 5

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Pharmacocin6tique des m#dicaments anfi-infectieux

(ng/mL) CmaTXr~a, (h)

AUC (ng x h/mL)

T1/2 (h)

CI/F (I/h)

Vd/F (I)

(~) I~tude cinetique realis6e sur le

1540

2

21639

18,5

123,9

2O0

~atient insuffisant renal.

2836

1

45808

35

40.3

122

303

2.4

2937

13.7

521"*

617

(b) I~tude cinetique r¢alisee sur le rn6me patient insuffisant renal. * Pararn6tres pharmacocin~tiques medians obtenus #. partir des concentrations plasmatiques & I'~tat d'6quilibre apres 15 jours de traitement de 8 patients sida multitraites non insuffisants r6naux par 300 mg en prise unique de tenofovir [18]. ** Extrapolee ~. partir d'un poids moyen de 60 kg.

modifications des parametres pharmacocinetiques de ce principe actif dans ce cas. Ces caracteristques pharmacocinetiques ajoutees aux caracteristiques physico-chimiques du tenofovir (faible poids moleculaire de 305,23 g/mole et solubilite superieure & 75 mg/mL dans I'eau ajustee au pH 7 par de I'hydroxyde de sodium) font que le tenofovir sera certainement fortement epure Iors d'hemodialyse. Une adaptation posologique du tenofovir chez I'insuffisant renal semble donc indiscutable.

7.2. Resul ta ts et d iscuss ion

Le profil cinetique determine chez le sujet insuffisant renal une journee avant la dialyse suivante (bi-seances hebdomadaires) (figure 1) montre qu'apres administration orale, I'absorption est rapide et la Cm~ est obtenue apres une heure. L'elimination devient monoexponentielle partir de la neuvieme heure.

Les parametres pharmacocinetiques mesures et calcules sont presentes dans le tableau VL Les donnees plasmatiques sont traitees selon un modele monocompartimental. L'etude cinetique a ete menee chez le patient insuffisant renal quand sa clairance de la creatinine (ClcR) etait de 10 mL/min. L'insuffisance renale chronique (IRC) du patient a donc impose une prise en charge par hemodialyse.

Initialement, une cinetique du tenofovir avait ete realisee chez le meme patient Iorsque la CIcR etait de 20 mL/min, ne justifiant pas d'hemo- dialyse. Les resultats correspondants a cette etude figurent dans le tableau VlL Les deux premieres colonnes de ce tableau montre bien une augmentation approximativement d'un facteur 2 des AUG, Cm~ et T1/2 parall61ement & I'alteration de la fonction renale 6galement d'un facteur 2. Ces modifications etaient attendues de part les caracteristiques pharmacocinetiques d'elimination du tenofovir (elimination essentiellement renale). II est important de rappeler que cette comparaison ne s'applique qu'& un seul patient. Une etude cinetique plus complete sur une cohorte de patients insuffisants renaux permettrait de confirmer ces premiers resultats.

Lorsque la CIcR etait de 20 mL/min, I'AUC et la Cm~ x ont ete augmentees respectivement d'un facteur 2,4 et 5,1 par rapport aux vateurs obtenues chez les patients non insuffisants renaux [1] (tableau V//). Neanmoins, la T1/2 n'augmente pas dans les m6mes proportions et passe de 13,7 & 1 8,5 h. II est possible que la T1/2 calculee de 18,5 h ne corresponde pas & la T1/2 terminale, qui dolt 6tre certainement plus elevee et responsable de l'augmentation de la

Cm~ et de I'AUC. II aurait donc fallu prolonger le hombre de pr61¢vements apres la prise du tenofovir jusqu'& 48 h. En effet, la T1/2 a ete calcul#e alors que les prelevements ont ete arretes & 21 h. Ace stade, aucune prise en charge par hemodialyse et aucune adaptation posologique n'ont et6 proposes. A titre de comparaison, les recommandations posologiques pour les INTI commencent & partir d'une CIcR inferieure & 25 mL/min en doublant I'intervalle de prise.

En revanche, Iorsque la CIcR etait de 10 mL/min (etude cinetique realisee un jour sans dialyse), la Cm~ et I'AUC sont augmentees d'un facteur 9,3 et 15,6, respectivement si I'on compare les valeurs & celles donnees dans la litterature pour des sujets & fonction renale normale [1] (tableau VII). Ces resultats sont correles & I'augmentation d'un facteur 2,5 de la demi-vie d'elimination (T1/2) qui passe de 13,7 h & 35 h. Le tenofovir avait ete administre au patient depuis un mois avant de proceder & l'etude cinetique. Les resultats suggerent une accumulation du tenofovir entre les seances de dialyse sans adaptation de dose.

Par rapport aux autres I NTI, ces modifications apparaissent de maniere plus importante dans le cas du tenofovir. Par exemple, les AUC ont ete augmentees d'un facteur 2,2 (IRC) pour I'AZT ; 2,8 (CIoR = 32 mL/min) ; 5,3 (CIcR -< 15 mL/min) pour le 3TC ; et 3,2 (CIoR _< 20 mL/min) pour la d4T [11]. Ce dernier point capital, ajoute b. une revue de la litterature rapportant plusieurs cas de nephrotoxicite suite & rutilisation du tenofovir, a permis des recommandations d'ajustement posologique dans I'insuffisance renale (CIcR inferieure & 50 mL/min) (tableau III). Au regard de ces resultats, il seraft donc indispensable d'adapter soit la dose, soit I'intervalle de prise chez I'insuffisant renal Iorsque la CIcR est inferieure & 10 mL/min. Le maintien de I'intervalle de prise, bien que pr6ferable dans le cadre d'un traitement antiretroviral (concentration residuelle suffisante pour maintenir une pression antivirale) semble difficile car la specialite Viread ® n'est commercialisee qu'au dosage de 300 mg (en comprime non secable). La modification de I'intervalle de prise calculee Iorsque le patient avait une ClcR de 10 mL/min, soit 300 mg toutes les 70 h, aurait pu etre proposee. Sachant qu'on s'expose dans ce cas & maintenir des concentrations residuelles trop faibles, il a ete preconise dans un premier temps un intervalle de prise de 48 h pendant une semaine.

~, ce stade, un contr61e de la concentration plasmatique residuelle a ere effectu& La valeur de 513 ng/mL mesuree est trop elevee par

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Pharmacocinetique des m~dicaments anti-infectieux

2500 E

= 2000

O = 1500

c ® 1000 u c O u 500

0

Debut de la dialyse Fin de la dialyse

0 1 2 3 4 5 6 7 8

Temps (heures)

9 10 11 12

rapport & la valeur moyenne (98,5 4- 55,0 ng/mL) chez les 11 patients & fonction renale normale. Une nouvelle adaptation de dose a donc ete proposee. Les seances d'HD sont programmees 2 fois par semaine. Afin de favoriser I'observance au traitement, nous avons propose une prise de tenofovir de 300 mg toutes les 72 h.

La dialysance du tenofovir a ete verifiee en calculant les parametres pharmacocinetiques durant une seance d'hemodialyse. Le profil cinetique determine ohez le sujet insuffisant renal hemodialyse Iors d'une seance de dialyse est presente dans la figure 2. La clairance d'hemodialyse a ete calculee selon I'equation 3 :

CI.D (mL/min) = ((Ca-Cv)/Ca) x Qpf~m~,~qo~

dans laquelle Ca est la concentration plasmatique & I'entree du dialyseur (prelevement arteriel), Cv est la concentration plasmatique ~t la sortie du dialyseur (prelevement veineux) et Qp~a,ma~oo est le debit plasmatique durant I'HD (mL/min).

La CIHD du tenofovir est elevee (129,8 mL/min) si I'on compare cette valeur & la clairance extra-renale (CIeR) estimee par la clairance totale du tenofovir (CI/F) determinee dans la cinetique effectuee un jour sans dialyse (40,3 mL/min). L'index FHD (calcule selon I'equation 1) est de 76,2 %. Cette valeur etant largement superieure & 25 %, le tenofovir doit etre considere comme dialysable et I'administration devra etre proposee apres la seance de dialyse. Ces resultats sont en accord avec les caracteristiques pharmacocinetiques du tenofovir (Vd et fixation aux proteines plasmatiques faibles) et les caracteristiques physico-chimiques du tenofovir (poids moleculaire faible de 305,23 D et solubilite dans I'eau superieure & 75 mg/mL), faisant de ce principe actif un candidat favorable & I'epuration par hemodialyse.

Deux autres prelevements effectues ont demontre que le schema therapeutique suggere semble correct. Les valeurs des concentrations plasmatiques retrouvees ont ete de 680 ng/mL avant la seance de dialyse et de 154 ng/mL juste apres. Cette derniere valeur se rapproche de la concentration minimale mediane de 70 ng/mL lots des essais de phase 1/11 [1].

Neanmoins, la cinetique effectuee durant une seance de dialyse et presentee dans la figure 2 montre une remontee des concentrations

plasmatiques awes la seance de dialyse jusqu'& 1 221 ng/mL, 5 h awes la fin de la seance. Ce phenomene avait egalement ete constate pour le 3TC [9]. Ceci pourrait etre d~ & une redistribution du medicament vers le plasma & partir des tissus, La difference importante existant pour le tenofovir entre la clairance d'hemodialyse (CIHD = 129,3 mL/min) et la clairance totale (CI/F = 40,3 mL/min) calculee un jour sans dialyse ferait que I'elimination renale naturelle redeviendrait le facteur limitant et entrafnerait une hemoconcentration. Au total, les parametres pharmacocinetiques du tenofovir sont fortement modifies Iors d'une insuffisance renale chronique (IRC), justifiant une adaptation du schema therapeutique. Chez le patient hemodialyse, I'adaptation posologique proposee semble correcte, mais devra etre confirmee par une cinetique plus complete durant et apres une seance d'HD.

8. Conclusion

L 7 etude pharmacocinetique du tenofovir chez rinsuffisant renal revele des modifications importantes de I'ensemble des para-

metres. Depuis novembre 2002, des recommandations precises et adaptees aux differents degres de I'insuffisance renale existent dans le resume des caracteristiques du produit (RCP). Lorsque la CIcR se situe entre 30 et 49 mL/min, la posologie de tenofovir est de 300 mg administree toutes les 48 h. La dose de 300 mg sera don- nee toutes les 72 h ou 96 h Iorsque la CIcR est comprise entre 10 et 29 mL/min. Enfin, Iors d'insuffisance renale terminale necessitant

une hemodialyse, la dose de 300 mg de Viread ® sera administree une seule fois par semaine, apres la fin de la seance. Ces recom- mandations ont ete etablies au regard de nombreux cas cliniques isoles de nephrotoxicite et d'acidose lactique rapportes dans la lit- terature. Neanmoins, aucune etude sur une cohorte de patients per- mettant de confirmer ces resultats n'a ete menee & ce jour. Ainsi, aucune recommandation posologique n'a pu etre 6tablie pour les patients non hemodialyses avec une clairance de creafinine inferieure & 10 mL/min.

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Pharmacocin#fique des m#dicaments anti-infectieux

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