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nt r t et limites du diagnostic biologique des anticorps anti-cellule endoth liale

B. B O U T I E . R E , D. A R N O U X , J.-P. P O U L E T e t J. S A M P O L *

R~:SUM~: SUMMARY

Les anticorps anti-cellule endothEliale (AECA) sont des auto-anticorps capables de reconna~tre des antigEnes prE- sents ~ la surface de l 'endothElium vasculaire. Initia- lement mis en Evidence dans les annEes 1970 par immu- nofluorescence indirecte sur des coupes de tissus animaux, les A E C A ont ~t~ dEtect~s depuis dans de nom- breuses maladies auto-immunes systEmiques, grdce d la mise au point de techniques immunologiques rEalisEes sur des cellules endothEliales humaines en culture. En dEpit de leur prevalence tr~s variable selon les Etudes, ces anticorps prEsentent un int~r~t certain pour les cliniciens, enpart icul ier dans les cas de vascularites auto-immunes primitives ou secondaires ~ une connectivite. De nom- breux travaux sont encore nEcessaires pour pr~ciser la nature de leurs antig~nes cibles et affirmer leur ~ventuel pouvoir pathog~ne. L'utilisation des A E C A en biologie clinique ne pourra s'(~tendre que par la raise en oeuvre d'Etudes prospectives faisant appel d u n e standardisation du mode de detection de ces anticorps, qui seule permet- tra la comparaison des r~sultats.

MOTS-CLES

anticorps anti-endothElium - vascularites - endothElium - antiphospholipides.

Anti-endothelial cell antibodies (AECA) are auto-antibo- dies reacting with vascular endothelial cell membrane antigens. Since their original description in the seventies using an indirect immunofluorescence technique on ani- mal frozen tissue sections as substrate, A E C A have been detected in a wide variety o f systemic auto-immune disor- ders, through the development of cell surface ELISA. Despite the large variability o f their prevalence among the different reports, these auto-antibodies have an inter- est for physicians, particularly in auto-immune vasculitis both primary and secondary to systemic connective tissue diseases. Several studies are still necessary to precise the antigens recognized by A E C A and to confirm their poten- tial pathogenic role. Further standardization of the methodology for A E C A detection is a prerequisite to compare the results of prospective studies and to precise their clinical usefulness.

KEY-WORDS

anti-endothelial cell antibodies - vasculitis - endothel ium - antiphospholipid antibodies.

Introduction

Outre son r61e majeur darts le maintien de la fluidit~ sanguine, il est maintenant clairement ~tabli que l'endoth~lium vasculaire intervient dans la pathoge- n~se des ph~nom~nes inflammatoires vasculaires sur- venant au cours de certaines maladies auto-immunes. La cellule endoth~liale ne constitue pas une simple barri~re passive mais participe de fagon active ~ la r~ponse immunologique et au d~veloppement de l ' inflammation selon plusieurs m~canismes : adhesion des leucocytes par l ' interm~diaire de molecules d'adh~rence endoth~liales, expression d'antig~nes HLA classe I et II, production de cytokines, expres- sion d'activit~ procoagulante, augmentation de la per- m~abilit~ vasculaire. Pour l'ensemble de ces raisons, la mise en ~vidence d'anticorps antiocellule endoth~liale (AECA) dans

divers contextes auto-immuns suscite depuis quelques ann~es l'int~r~t des sp~cialistes, notamment sur deux points : l'~ventuel pouvoir pathog~ne de ces anticorps et leur valeur pronostique en clinique. Ce chapitre a pour but, ~ travers une revue de la litt~- rature et l'exp~rience de notre laboratoire, de faire le point sur le diagnostic biologique des AECA, les pro- blames m~thodologiques qu'il soul , re en terme de standardisation et son domaine d'application en cli- nique.

* Laboratoire d'h~matologie C.H.R.U. - H6pital La Conception 147, bd Baille 13385 MARSEILLE CEDEX 5

TIR~S A PART : Mine le Dr B. BOUTIERE

article regu le 15 janvier, accept~ le 6 mars 1997.

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I. Comment situer les anticorps anti-cellule endoth@liale ?

Les anticorps anti-cellule endoth~liale repr~sentent une popu- lation h~t~rog~ne d'auto-anticorps, d~finis par leur capacit~ se lier in vitro ~ diff~rentes structures membranaires le plus souvent constitutives de la cellule endoth~liale vasculaire. Initialement d~crits au d~but des ann~es 1970 par LINDQVIST (5) et TAN (8) dans le s~rum de patients atteints de lupus ~ry- th~mateux diss~min~ (LED), les AECA ont ~t~ retrouv~s depuis, avec une prevalence tr~s variable selon les s~ries, au cours de diff~rentes vascularites auto-immunes, qu'elles soient primitives ou secondaires & une connectivite. Malgr~ les travaux entrepris dans ce cadre, les anticorps anti- cellule endoth~liale suscitent encore davantage de questions que de certitudes : -quel le est (ou quelles sont) leur(s) cible(s) antig~nique(s) exacte(s) ? - quelle est leur prevalence r~elle dans les diverses pathologies off ils sont d~tectables ? - les AECA jouent-ils un r61e pathog~ne au cours de ces mala- dies ou ne constituent-ils qu'un ~piph~nom~ne, t~moin de l'atteinte vasculaire ? - c o m m e n t d~tecter de fagon sensible et sp~cifique ce type d'auto-anticorps ?

2. Dans quelles circonstances cliniques peut-on rencontrer des anticorps

anti-cellule endoth liale ? (1, 2, 6, 7)

Les AECA sont retrouv~s au cours de nombreuses pathologies auto-immunes distinctes, le groupe le plus important ~tant repr~sent~ par les vascularites, lls sont ~galement mis en ~vi- dence dans d'autres contextes tr~s divers, un cadre particulier ~tant constitu~ par les rejets de greffe d'organes (tableau I).

TABLEAU I Prevalence des AECA au cours de diff~rentes pathologies (2)

Maladie de Wegener 50 - 80 % Syndrome de Kawasaki 65 % (21/32)* P~riart~rite noueuse 28 % Polyarthrite rhumato'fde 28 - 60 % Connectivite mixte 45 % (20/44)* Scl~rodermie 20 - 70 % Lupus ~ryth~mateux diss~min~ 0 - 80% Syndrome des antiphospholipides 60 % Diab~te insulino-d~pendant 35 - 67 % Ath~roscl~rose 13 % Hypoparathyro/die 57 - 100 % Maladie de Behcet 18 - 33 % Syndrome de Sneddon 35 % Scl~rose en plaques 0 - 23 % Syndrome h~molytique et ur~mique 93 % (13/14)* Purpura thrombotique thrombocytop~nique 100 % (3/3)* (5/5)* Thrombop~nie induite par l'h~parine 100 % (27/27)* Dermatomyosite 44 % (8/18)* Infection par le VIH 15 % (17/111)*

* R~sultats correspondant & une ~tude isol~e.

1. AECA et vascularites auto-immunes La presence d'AECA est particuli~rement bien document~e dans les vascularites primitives telles que la granulomatose de Wegener, la polyang~ite noueuse microscopique, la p~riart~- bite noueuse et le syndrome de Kawasaki. Ces anticorps sont aussi rapport~s dans des vascularites secondaires notamment la polyarthrite rhumato'fde, les connectivites mixtes, la scl~rodermie, le lupus ~ryth~mateux diss~min~ (LED). Les AECA sont ~galement d~tect~s au cours du syndrome des antiphospholipides. II est &noter que ]e LED a fait l'objet d'un nombre important d'~tudes dont les r~sultats sont tr~s variables, voire m@me discordants, la prevalence des AECA ~tant comprise entre 0 et 88 %.

2. A E C A et maladies autres que les vascular i tes au to - immunes

La liste des maladies au cours desquelles les anticorps anti-cel- lule endoth~liale sont mis en ~vidence est Iongue et regroupe des pathologies fort diverses. Les pr~valences sont/~ nouveau tr~s variables, pouvant atteindre 100 % dans certaines s~ries ne comportant qu'un nombre limit~ de patients. II est donc tr~s difficile de se faire une idle exacte sur ce sujet. Les AECA ont ainsi ~t~ d~crits dans le diab~te insulino-d~pen- dant, l'ath~roscl~rose, l'hypoparathyro'fdisme, la maladie de Behcet, le syndrome de Sneddon, la sarco'fdose, la scl~rose en plaques, les microangiopathies thrombotiques (syndrome h~molytique et ur~mique, purpura thrombotique thrombocy- top~nique), les thrombop~nies induites par l'h~parine, les der- matomyosites et les infections virales dont celle par le virus de l'immunod~ficience humaine (VIH).

3. A E C A et rejet de gref fe d 'organes

D~s 1977, des AECA sont identifies chez les greff~s r~naux. Depuis, des anticorps anti-endoth~lium ont ~t~ rapport~s Iors de rejets de greffes cardiaques. Plusieurs auteurs ont confirm~ que les antig~nes reconnus sont diff~rents des antig~nes du syst~me HLA, sans que la nature exacte de l'antig~ne cible ne soit d~termin~e. Les AECA pourraient presenter un int~r~t pronostique pour le suivi post-greffe cardiaque.

3. Les anticorps anti-cellule endoth liale sont-ils corr l s avec l' volution

de la maladie ? (1, 2, 6, 7)

La majorit~ des ~tudes sur les vascularites auto-immunes reportent un lien entre AECA et ~volution de la maladie. Au cours du syndrome de Kawasaki, bien que le titre en AECA ne soit pas corr~16 & une manifestation clinique particuli~re, les AECA ne sont plus d~tectables Iors de la phase de r~mission. Dans la granulomatose de Wegener et la micropolyart6rite, les AECA diminuent tout au long du traitement, parall~lement aux marqueurs endoth~liaux tels que le facteur Willebrand. La correlation est moins nette pour le LED. Pour certains, un lien semble exister entre AECA et phase de la maladie. Pour d'autres, les AECA pourraient davantage constituer un mar- queur de l~sions r~nales et de vascularite. Cependant, une ~tude contradictoire n'observe aucune relation entre appari- tion de glom~rulon~phrites et titre des AECA. II a ~t~ observ~ de faqon isol~e un lien avec d'autres manifestations cliniques du LED, comme les l~sions cutan~es, l'hypertension pulmo- naire, la perte de poids et l'anorexie. Quant & la relation entre AECA et survenue de thrombose, elle fait l'objet de conclusions nettement discordantes. Une premiere ~tude r~alis~e dans notre laboratoire sur une petite s~rie de patients porteurs d'une pathologie auto-immune n'a pas mis en ~vidence de correlation entre AECA et survenue de manifestations thrombotiques.

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Concernant les autres pathologies, deux ~tudes indiquent, au cours de la maladie de Behcet, une augmentation des AECA durant la phase active de la maladie et un lien avec la r~tino- pathie et les accidents thrombotiques.

4. Existe-t-il un lien entre les anticorps anti-cellule endoth liale et les autres types

d'auto-anticorps ? (1, 2, 4, 6, 7)

Les cytokines en modulant l'expression de certaines molecules de surface seraient & l'origine de l'apparition d'~pitopes reconnaissables par les AECA.

3. Isotypes • Les AECA sont des immunoglobul ines le p lus souvent mixtes Toutes pathologies confondues, la fr~quence des IgG est de 35 %, celle des IgM de 14 % ; le pourcentage restant ~tant une association de plusieurs isotypes d'immunoglobulines. II est & noter que ces pourcentages sont variables selon les pathologies.

La presence d'AECA n'est pas ]i~e & celle de facteur rhuma- to'fde ou & celle d'anticorps antinucl~aires. Un travail r~cent fait n~anmoins ~tat d'une fixation augment~e des AECA sur des cellules issues de veine ombilicale humaine (HUVEC) pr~- trait~es avec des anticorps anti-DNA. Bien que les AECA et les anticorps anticytoplasme des poly- nucl~aires neutrophiles (ANCA) soient fr~quemment d~tec- tables au cours des vascularites primitives, les deux types d'anticorps repr~sentent des entit~s distinctes. Une ~tude Ion- gitudinale r~cente montre cependant que leur ~volution s'effectue de fagon conjointe. L'association entre AECA et anticorps anticardiolipine (aCL) fait l'objet de conclusions oppos~es. Une ~tude ayant montr~ une r~activit~ crois~e entre aCL et AECA au niveau d'HUVEC conforte l'hypoth~se que les AECA constituent une population h~t~rog~ne d'anticorps, dans laquelle une sous- population, variable en fonction des patients, peut r~agir de fagon crois~e avec les phospholipides.

5. Comment caract riser les anticorps anti-cellule endoth liale ? (1, 2, 6, 7)

1. Sp~cificit~ Les AECA ne sont pas totalement sp~cifiques de la cellule endoth~liale vasculaire : - il existe une r~activit~ crois~e avec les fibroblastes humains, - leur liaison & l'endoth~lium est partiellement inhib~e par une mise en contact pr~alable avec les cellules sanguines mononu- cl~es.

2. Antig~nes cibles Les AECA sont une famille h~t~rog~ne d'anticorps, r~agissant avec diff~rentes structures prot~iques pr~sentes & la surface de la cellule endoth~liale : des prot~ines de masse mol~culaire comprise entre 25 et 200 kd ont ~t~ mises en ~vidence par immuno-pr~cipitation. • La major i t~ des antig~nes cibles sont des prot~ines constitut ives de la membrane de la cel lule endoth~l iale. Un cas particulier est repr~sent~ par ]es anticorps d~tect~s chez des patients atteints du syndrome des antiphospholi- pides. Leur liaison & l'endoth~lium implique la presence d'une prot~ine plasmatique, la l~2-glycoprot~ine I (~2GPI). La ~2GPI, capable de se lier aux motifs structuraux anioniques de la membrane endoth~liale, sert de cible aux anticorps sp~cifique- ment dirig~s contre elle-m~me (anti-~2GPl) et de cofacteur pour les anticorps antiphospholipides ~2GPI d~pendants. • Pour la p lupar t d 'entre eux, les AECA reconnaissent des antig~nes presents sur la cel lule endoth~l ia le non activ~e. Le traitement pr~liminaire des HUVEC par des cytokines (interferon cq interleukine 1, tumor necrosis factor) serait cependant n~cessaire & la fixation des AECA d~tect~s dans le syndrome de Kawasaki et le lupus ~ryth~mateux diss~min&

6. Par quels m canismes les AECA exerceraient-ils

un pouvoir pathog@ne ? (1, 2, 6, 7)

1. Cytotoxicit~ En d~pit de quelques ~tudes ayant montr~ que les AECA ~taient capables in vitro de fixer le compl~ment, la majorit~ des s~rums "AECA positifs" ne pr~sente aucune activit~ cyto- toxique vis-&-vis des ceUules endoth~liales, qu'elle soit directe ou m~di~e par le compl~ment. Deux exceptions : - d a n s quelques cas de maladie de Wegener, une cytotoxicit~ m~di~e par les IgG et les cellules de type NK a ~t~ mise en ~vi- dence, - a u cours du syndrome de Kawasaki, une ~tude isol~e rap- porte une cytotoxicit~ compl~ment-d~pendante vis-&-vis de ceUules endoth~liales pr~alablement activ~es par des cyto- kines.

2. Modification des fonctions antithrombotiques de l'endoth~lium La cellule endoth~liale joue un r6le essentiel darts le maintien de la fluidit~ sanguine & travers plusieurs m~canismes : -inhibition de l'agr~gation plaquettaire principalement par synth~se de prostacycline vasodilatatrice et d'EDRF (endothe- lium derived relaxing factor), - contr61e de l'activation de la coagulation par les glycosami- noglycans (analogues naturels de l'h~parine) et la thrombomo- duline (n~cessaire & l'activation de la prot~ine C, inhibiteur de la coagulation), -activit~ fibrinolytique par la synth~se & la fois d'activateurs (activateur tissulaire et urokinase) et d'inhibiteur. Le d~r~glement dans un sens prothrombotique de l'un de ces syst~mes pourrait constituer une explication des thromboses observ~es chez des patients pr~sentant des anticorps anti- endoth~lium de sp~cificit~ antiphospholipides (APL). Malheureusement les nombreux travaux suscit~s par cette s~duisante hypoth~se ont fait l'objet de r~sultats contradic- toires ou isol~s. II semble donc qu'on ne puisse pas avancer & propos de ces anticorps un m~canisme pathog~ne univoque, ce qui renforce leur h~t&og~n~it~.

3. Augmentation de l'expression de molecules d'adh~rence Les anticorps anti-~2GPl et les APL en se fixant & l'endoth~- lium seraient & l'origine d'une activation de la cellule endoth& liale avec induction ou expression accrue de mol~cules de surface. Ce ph~nom~ne favoriserait l'adh~sion et l'activation des monocytes, alors capables d'exprimer une activit~ procoa- gulante de type facteur tissulaire, & l'origine d'une tendance prothrombotique.

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4. Augmentation de la perm~abilit~ membranaire II a ~t~ montr~ dans la granulomatose de Wegener et la scl~ro- dermie que les AECA pouvaient augmenter l 'expression des mol~cules d'adh~rence et la s~cr~tion de cytokines proinflam- matoires et chimiotactiques, facilitant ainsi l'adh~sion des leu- cocytes et leur migration extravasculaire. Au vu de ces arguments, en d~pit du manque de sp~cificit~ absolue des AECA pour la cellule endoth~liale et de la grande diversit~ de leur expression clinique, il appara~t comme vrai- semblable que ces anticorps poss~dent un pouvoir pathog~ne et participent au dysfonctionnement vasculaire survenant au cours des vascularites auto-immunes.

7. Comment d tecter les anticorps anti-cellule endoth liale ? (i, 3, 5, 7, 8, 9)

1. Immunofluorescence indirecte C'est par une technique d'immunofluorescence indirecte sur des coupes de rein de souris que LINDQVIST et TAN ont mis en ~vidence, dans le s~rum de patients atteints de maladies auto- immunes, des anticorps se fixant & l'endoth~lium vasculaire.

2. M~thodes immunologiques Plus r~cemment, la possibilit~ d'isoler et de cultiver des cel- lules endoth~liales humaines in vitro a permis le d~veloppe- ment de techniques radioimmunologiques et de type ELISA (enzyme - linked immunosorbent assay). Ces deux m~thodolo- gies pr~sentent une sensibilit~ comparable, mais sur un plan pratique, la technique immunoenzymatique ~tant plus facile- ment accessible, elle a l e plus souvent ~t~ adopt~e. Cependant, en d~pit d'un principe g~n~ral identique, il existe selon les protocoles une grande h~t~rog~n~it~ concernant chacun des temps du mode op~ratoire : - choix du support cellulaire et son traitement pr~alable, - conditions de la r~action (dilution du s~rum, dur~e, temperature), - r~v~lation des anticorps fixes.

2.1. Le support cellulaire et son traitement pr~alable Les techniques ELISA mettent en jeu des cellules endoth~liales confluentes cultiv~es en microplaques 96 puits. La celluladt~, la nature des plaques, l'utilisation de facteurs d'adh~rence (collag~ne, g~latine, fibronectine...) peuvent influencer les r~sultats.

2.1.1. L'utilisation de cellules humaines d'origine ombilicale (HUVEC) constitue une source de variabilit~ II existe un nombre tr~s important d'antig~nes de surface endoth~liaux d'expression modulable, il n 'est donc pas surpre- nant de constater un manque de reproductibilit~ entre les HUVEC provenant de donneurs diff~rents. De plus, le ph~notype cellulaire et sa capacit~ de r~ponse divers stimuli peut @tre modifi~ & partir d'un certain hombre de passages des cultures cellulaires.

2.1.2. L'int~r~t de lign~es cellulaires perrnanentes a donc ~t(~ envisag~ La lign~e EA.hy 926 obtenue par EDGELL, provient de la fusion d'HUVEC avec une lign~e permanente ~pith~liale A 549-8. Cette lign~e conserve de nombreuses caract~ristiques de la cellule endoth~liale : elle s~cr~te du facteur Willebrand, de la prostacycline, de l'activateur tissulaire du plasminog~ne et de son inhibiteur, elle exprime la thrombomoduline. Cependant, il est impossible d'exclure la perte de certains d~terminants antig~niques survenue au moment de l'immortalisation de la lign~e, & l'origine de faux r~sultats n~gatifs. Afin d'assurer la sp~cificit~ de la technique, il est prudent de proc~der & une ~tape pr~liminaire d'adsorption de l'~chan- tillon sur la lign~e mare ~pith~liale A 549-8, operation per- mettant d'exclure la d~tection d'anticorps anti-~pith~liaux.

Cette precaution respect~e, la lign~e EA.hy 926 pr~sente des avantages li~s & une facilit~ de culture et de conservation ainsi qu'& un gain de reproductibilit~ des r~sultats. De plus, une forte correlation entre la r~activit~ des anticorps sur EA.hy 926 et sur HUVEC a ~t~ obtenue par certains auteurs.

2.1.3. Le traitement du support cellulaire Bien qu'il n'existe pas de r~el consensus & ce sujet, la plupart des ~quipes semble favorable & la fixation pr~alable des cel- lules par du glutarald~dyde ou du paraformald~hyde. La fixa- tion de la monocouche cellulaire permet d'~viter le d~tache- ment des cellules au cours de l'essai, notamment durant les lavages de la plaque de titration, ce qui a pour effet d'am~lio- rer la reproductibilit~ intra-laboratoire des r~sultats. II est cependant possible que certains d~terminants antig~niques endoth~liaux soient altar,s par ce traitement. [I est & noter qu'une correlation satisfaisante est souvent retrouv~e entre les essais effectu~s avec et sans fixation. Nous avons pu ~galement constater que le traitement des cel- lules EA.hy 926 par le glutarald~hyde ne modifiait en rien le pouvoir discriminant du test, montrant ainsi qu'aucun site anti- g~nique n'~tait masqu~ par le proc~d~ de fixation des cellules. En revanche, la reproductibilit~ des mesures d'absorbance est net- tement am~lior~e avec des coefficients de variation de l'ordre de 10 & 15 % pour la reproductibilit~ inter-essai. Dans ces condi- tions, les plaques peuvent @tre conserv~es pendant une dizaine de jours, ce qui repr~sente un gain en terme de praticabilit~ du test.

2.2. Les conditions de la r~action de fixation des AECA

2.2.1. La saturation de la plaque de titration Cette operation est r~alis~e & raide d'une solution tampon saline additionn~e soit d'albumine bovine, soit de s~rum de veau fcetal 10 ou 20 % (SVF). Ces deux additifs peuvent ~tre ou non presents dans les tampons de dilution et les solutions de lavage. II a ~t~ montr~ que rutilisation de SVF entra~nait une augmentation des r~sultats positifs, provenant de la presence de ~2<jlycoprot~ine I, cofacteur prot~ique de certains anticorps antiphospholipides.

2.2.2. La dilution optimale de l'~chantiUon (s~rurn le plus souvent) Elle doit @tre celle qui permet la raise en ~vidence des anti- corps faiblement affins tout en limitant les ph~nom~nes d'adsorption non sp~cifique. Ce facteur varie de fagon notable selon les ~tudes (du 1 /8 e au 1/80°), mais ce sont les dilutions au 1 /20 ° et au 1/50" qui sont le plus souvent retenues.

2.2.3. La ternp~rature d'incubation Bien que certains pr~conisent la temperature ambiante, la plu- part des auteurs adopte celle de 37 °C. Dans ces conditions, la r~action antig~ne-anticorps est optimale. L'incubation & une temperature fixe permet en outre de standardiser cette ~tape.

2.3. La r~v~lation des AECA fixes M~me si ce sont les anticorps de type IgG qui sont le plus fr~quemment retrouv~s, les AECA peuvent appartenir diff~rents isotypes. II semble donc int~ressant d'utiliser une antiglobuline polyvalente pour r~v~ler les anticorps fixes. Les antiglobulines sp~cifiques peuvent presenter un int~r~t Iors de la recherche d'une ~ventuelle correlation entre l'iso- type et les manifestations cliniques de la maladie.

2.4. D~termination du seuil de positivit~ et expression des r~sultats Au vu de la relative imprecision de la technique, m~me Iorsque l 'on utilise des cellules endoth~liales fix~es provenant de la lign~e EA.hy 926, le seuil de positivit~ de la m~thode doit ~tre d~termin~ dans les conditions exp~rimentales propres & chaque laboratoire. II est indispensable d'~tablir la norme sur une population t~moin statistiquement representa- tive et d'inclure syst~matiquement les m~mes contr61es posi- tifs et n~gatifs dans chaque s~rie de tests. l~tant donn~ l'absence de "standard AECA', il est conseill~ d'expri- mer les r~sultats sous la forme d'un "indice de fixation", tenant compte des absorbances de l'essai et des diff~rents contr61es.

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2.5. Remarques II a ~t~ ~galement mis au point une technique de type ELISA, utilisant comme support non pas des cellules enti~res, mais des preparations riches en membranes endoth~liales. La correlation entre les deux proc~d~s n'est pas satisfaisant~' et de faux r~sultats positifs peuvent @ire obtenus avec le sup- port "membranes", probablement en raison d'une contamina- tion par des composants du noyau ou du cytoplasme qui exposent des antig~nes diff~rents. R6cemment, vient d'etre d~crite une technique de cytom~trie en flux. Celle-ci n~cessite un grand nombre de cellules, ce qui rend difficile son ~valuation. De plus, la distribution des anti- g~nes de surface ~tant affect6e par la liaison & la matrice sous- endoth~liale, le d~tachement cellulaire peut induire une redis- tribution des mol~cules, modifiant la sensibilit6 de la m~thode.

3 . E s s a i s d e c y t o t o x i c i t 6

Des essais de cytotoxicit~ ont ~t~ utilis~s par certains auteurs pour mettre en ~vidence les AECA : fixation du compl6ment, cytotoxicit6 directe ou compl~ment d~pendante, inhibition de la croissance cellulaire. Ces techniques restent d'emploi limit~.

4. Techniques biochimiques Des m~thodes d'immuno-blotting ou d'immunopr~cipitation pr~sentent un int~r~t dans la caract~risation du d~terminant antig6nique reconnu par les AECA (masse mol~culaire, point iso~lectrique). Ces techniques ne sont pas & la port~e de tousles laboratoires et demeurent du domaine de la recherche fondamentale. Au total, ce sont les techniques de type ELISA utilisant comme support des cellules enti~res qui sont le plus souvent utilis~es, notamment dans les ~tudes cliniques. La grande variabilit~ des r~sultats obtenus a suscit~ r~cemment un besoin de standardisation de la part des sp~cialistes et la raise en place d'un groupe de travail intemational. La premiere confrontation a eu lieu en 1994 (6) e t a permis, outre une mise au point sur le sujet, d'initier une ~valuation multicen- trique ayant notamment pour objet de comparer diff~rentes sources de cellules endoth~liales : HUVEC d'origine commer- ciale, HUVEC pr~par6es par le laboratoire testeur, lign~e cel- lulaire EA.hy 926.

Conclusion

Depuis leur premi6re descr ipt ion il y a une v ingtaine d 'ann6es , ies ant icorps anti-cel lule endoth61iale ont ~t6 mis en 6v idence au cours de maladies auto- i m m u n e s sys t6miques tr6s diverses . Bien ClUe la pr6- va l ence des AECA soit fort variable d 'une 6rude cli- n ique A i'autre, il apparaR que ces ant icorps cons t i tuent e s s en t i e l l ement un marqueur de vascula- rites a u t o - i m m u n e s s a n s sp~cificit6 pour l 'une d'entre e l les en particulier. N 6 a n m o i n s , que lques travaux semblent indiquer que les AECA pourraient p o s s 6 d e r darns certains cas une valeur d iagnos t ique et pronos t ique . De plus, le fait que ce s ant icorps r6agissent in vitro avec des anti- g6nes de surface endoth61iaux permet d 'envisager leur 6ventuel r61e pa thog6ne . Plus ieurs travaux vien- nent ~ l 'appui de cet te h y p o t h 6 s e en montrant que la f ixation des AECA sur des ce l lules endoth61iales en culture entra lne des perturbat ions de l 'endoth61ium sur un plan fonct ionne l , favorisant le d 6 v e l o p p e m e n t de l ' inf lammation. En revanche , le l ien AECA-thromboses n 'es t pas 6vi- dent. Au se in de l ' ensemble h6t6rog6ne form6 par ce s ant icorps , seu l s les ant iphospho l ip ides sera ient a s so - ci6s 6 la survenue de mani fe s ta t ions thrombot iques . L'util isation plus large des AECA en b io log ie clinique, pour l ' instant s tr ic tement r6serv6e ~ des laborato ires sp6cial is6s , ex ige q u e ces no t ions so i ent conf irm6es . D a n s ce but, la s tandardisat ion des m 6 t h o d e s de d6tect ion de ce s ant icorps es t une 6tape pr6alable indispensable . Un comit6 internat ional s 'es t const i tu6 et un e s sa i mult icentr ique es t en cours de r6alisation. II e s t /a souha i ter clue ce s travaux permettront de pro- gres ser clans la c o m p r 6 h e n s i o n du sy s t6me AECA-cel- lule endoth61iale vasculaire .

REMERCIEMENTS :

Les auteurs remercient Mines B. BUSSOTTI et M. LO PRESTI pour leur contribution d la preparation de ce texte.

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Revue frangaise des laboratoires, mai 1997, N ° 293 77


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