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Page 1: Le cas particulier de la reprise des ostéotomies fémorales

Les résultats (scores, complications, qualité de la réaxation)ne sont pas différents de ceux des reprises d’ostéotomie devalgisation. Avec un recul moyen de 6 ans, aucun échecn’est à déplorer.

LE CAS PARTICULIER DE LA REPRISEDES OSTÉOTOMIES FÉMORALES

P. Hernigou, O. Manicom, L. deAbreu (Hôpital Henri Mon-dor, Créteil)

Déformations induites par les ostéotomies fémoralesinférieures

La reprise d’une ostéotomie fémorale inférieure par pro-thèse totale de genou est souvent rendue difficile par ladéformation induite par l’ostéotomie préalable. Pour appré-cier la fréquence et le type de déformation induite par lesostéotomies fémorales de varisation précédant une pro-thèse, 30 ostéotomies fémorales de varisation ont été étu-diées. Il s’agissait, pour la majorité d’entre elles, d’ostéoto-mies fémorales de varisation, réalisées en zonemétaphysaire dans la portion sus-trochléenne et ostéosyn-thésées par une lame-plaque externe.Les déformations induites sont relativement fréquentespuisque 60 anomalies ont été retrouvées.Il s’agissait 6 fois d’un récurvatum (compris entre 5 et 15°).Dans 3 cas, il s’agissait d’un recurvatum d’origine arthrosi-que. L’apparition d’un recurvatum dans un genu valgumarthrosique correspond à un stade tardif de l’évolution ets’associe habituellement à une laxité frontale. La profon-deur de la cupule osseuse du genu valgum entraîne un rap-prochement des points d’insertion proximaux et distaux duligament croisé postérieur et de la coque condylienne qui neleur permet plus d’assurer leur fonction de blocage del’extension, même si sur le plan anatomique ils restent pré-sents.Trois fois le recurvatum a été créé lors de l’ostéotomie,constituant un véritable cal vicieux. Des anomalies en rota-tion ont été retrouvées dans 15 cas. Cette anomalie (supé-rieure à 20°) était en rotation interne dans 6 cas et en rotationexterne dans 9 cas. Elle peut être dépistée sur une incidencefémoro-patellaire montrant l’asymétrie des trochlées lors-que le côté opposé est normal. Il mérite d’être précisé lors-qu’il est présent par une étude des torsions en scanner avantd’envisager une prothèse. D’autres anomalies peuvent êtreobservées telle qu’une translation de l’épiphyse fémorale.Une translation interne, fréquente (8 fois) est liée à l’ostéo-synthèse par lame-plaque externe qui à tendance à repous-ser en dedans l’épiphyse fémorale inférieure. Cette transla-tion rend difficile l’introduction d’un guide centro-médullaire lors de la reprise par prothèse et entraîne parfoisune translation anormale du composant fémoral.Une translation sagittale, antérieure ou postérieure peut êtreobservée (8 fois). Elles rendent difficile la mesure de lataille antéro-postérieure du composant fémoral. L’impac-

tion de l’ostéotomie, qui modifie brutalement par une mar-che d’escalier, la distance antéro-postérieure entre l’épi-physe et la diaphyse, a les mêmes inconvénients. Cetteimpaction a été retrouvée dans 6 cas.La déformation la plus ennuyeuse reste un varus métaphy-saire important, supérieur à 5°. Retrouvé dans 15 cas, cevarus métaphysaire rend difficile l’introduction d’un guidecentro-médullaire lors de la reprise par prothèse. Il a aussil’inconvénient de rendre difficile, lorsque cela sera néces-saire, la pose d’une pièce fémorale avec une tige d’ancrageendo-médullaire.Enfin, l’appréciation de l’origine du genu valgum est ren-due difficile après ostéotomie fémorale de varisation. Il estdéjà difficile sur certains genoux non opérés, de préciserl’origine acquise ou constitutionnelle du valgus et de savoirsi le condyle externe est simplement usé, ou ascensionnémais de diamètre antéropostérieur normal, ou s’il s’agitd’une véritable hypoplasie du condyle externe. Une ostéo-tomie fémorale de varisation rend quasiment impossiblel’appréciation de la taille et de la position du condyleexterne en l’absence des clichés précédant l’ostéotomie.Au total, indépendamment de la correction angulaire impo-sée par l’ostéotomie et recherchée par la technique chirur-gicale, de nombreuses modifications sont induites par uneostéotomie fémorale inférieure. Ces modifications peuventrendre plus difficile la pose d’une prothèse.

Prothèse totale de genou après ostéotomie fémorale

Treize patients opérés de leur ostéotomie fémorale à un âgemoyen de 59 ans (de 48 à 65 ans) ont pu être revus aprèsintervention par prothèse reprenant leur ostéotomie fémo-rale. L’échec d’ostéotomie fémorale s’est fait en moyenne àdouze ans de recul (entre 5 et 15 ans). Les patients étaientâgés au moment de leur prothèse de genou de 71 ans (entre68 à 81 ans).L’incision cutanée initiale était latérale externe. Lespatients ont été repris au moment de leur prothèse par uneincision qui était para-patellaire interne pour 8 d’entre eux,cette incision para-patellaire interne étant associée à unesection d’aileron rotulien dans 4 cas. Cinq fois la réinter-vention s’est effectuée par une incision externe reprenantcelle de l’ancienne ostéotomie (deux fois avec une transpo-sition de la tubérosité tibiale associée et trois fois sans).L’ablation de matériel avait été effectuée 9 fois avant lareprise par prothèse (plus de six mois auparavant). Dans 3cas, le matériel d’ostéosynthèse de l’ostéotomie a étéconservé lors de la pose de la prothèse totale de genou. Dans1 cas, l’ablation de matériel a été effectuée le jour même dela pose de la prothèse : cela s’est traduit par une fracturepostopératoire dans le mois suivant l’intervention chirurgi-cale.Les implants utilisés pour l’intervention chirurgicaleétaient variables, dépendant de l’habitude de l’opérateur,mais aussi de l’état du genou : prothèse conservant les croi-sés dans 3 cas, postéro-stabilisée 7 fois, « GSB » dans 2 cas

380 PROTHÈSES TOTALES DE GENOU EN REPRISE D’UNE OSTÉOTOMIE

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et charnière 1 fois. Une tige fémorale pontant le foyerd’ostéotomie a été utilisée dans 5 cas.

Aucune nécrose cutanée n’a été observée. Une prothèses’est descellée à la septième année postopératoire. La seulecomplication notable observée est la fracture déjà mention-née.

En préopératoire, selon le score de la Knee Society, le scorepréopératoire du genou était de 45 points, et celui de lafonction du genou de 52 points. L’intervention par prothèsea permis d’améliorer les scores pour le genou (89 points)comme pour la fonction (74 points). La flexion moyenne dugenou en préopératoire avant la prothèse était de 89° ; elleest de 105° après l’arthroplastie.Avant la prothèse, la gonio-métrie préopératoire indiquait un valgus moyen de 3° (de– 6° à + 5°). En postopératoire, les arthroplasties étaientplutôt en varus, la moyenne étant de 2° (de – 2° à + 8°).

Les difficultés rencontrées au cours des interventions ontété de plusieurs ordres :

La translation interne de l’épiphyse fémorale a induit dans 4cas une translation du composant fémoral. Cette translationinterne de l’épiphyse fémorale a rendu difficile l’utilisationd’un matériel centro-médullaire, et se trouve sans doute àl’origine du varus postopératoire observé dans certainsimplants fémoraux.

L’interligne fémoral a été ascensionné dans trois cas etabaissé dans 6. Les rotules basses imposent un choix diffi-cile : soit abaisser le composant fémoral, soit détacher latubérosité tibiale pour l’ascensionner.

En cas de recurvatum, il faut diminuer la taille de l’implantfémoral, pour augmenter la hauteur du polyéthylène etdiminuer l’espace en extension. Ceci entraîne une ascen-sion de l’interligne articulaire. De plus, un recurvatumfémoral d’origine osseuse rend difficile la coupe fémoraleantérieure.

Les translations antérieures ou postérieures, ainsi quel’impaction de la diaphyse dans le foyer d’ostéotomie, ren-dent difficile l’évaluation de la taille du composant fémoralpar la mesure de la distance antéro-postérieure.

Les modifications de torsion induites par l’ostéotomie doi-vent bien entendu être appréciées par scanner. Il n’endemeure pas moins que, pendant l’intervention chirurgi-cale, l’appréciation de la torsion de l’épiphyse reste elle-même difficile : la palpation des épicondyles, déjà difficilehabituellement, est quasiment impossible si le matériel uti-lisé a été une lame plaque. Dans ces circonstances, l’élé-ment qui reste le moins modifié est sans doute la ligne deWhiteside.

En conclusion, la pose d’une prothèse après une ostéotomiefémorale reste une intervention difficile du fait des modifi-cations induites par l’ostéotomie. Dans certaines circons-tances, il faudra discuter une nouvelle ostéotomie del’extrémité inférieure du fémur avant ou dans le mêmetemps opératoire que la prothèse de genou.

PROTHÈSE TOTALE DU GENOU ASSOCIÉEÀ UNE « DÉSOSTÉOTOMIE » :

TECHNIQUE DE L’OSTÉOTOMIEAPRÈS LA MISE EN PLACE DE LA PROTHÈSE

J.-L. Lerat, A. Godenèche, T. de Polignac, K. Maatougui,M. Bourhaoua, H. El Kasmaoui, J.-L. Besse, B. Moyen(CHU Lyon-Sud)

Introduction

Les difficultés sont réunies au maximum lorsqu’il existeune déformation mixte associant une usure, une rétractiondes formations de la concavité, une distension ligamentairede la convexité et en plus une déformation osseuse extra-articulaire (la part respective de chacun des éléments decette déformation doit être mesurée sur une télégonométriedebout et des radiographies en varus et valgus). Les problè-mes sont différents selon que la déformation osseuse estlocalisée à la diaphyse ou à la métaphyse et selon qu’il s’agitd’un genu varum ou d’un genu valgum. Dans les suites desostéotomies avec hypercorrection en valgus faites pourarthrose interne, l’arthrose devient bicompartimentale, demême que dans les suites des arthroses externes qui ont eudes ostéotomies excessives en varus.

Limites du relâchement ligamentaire

Théoriquement, rien ne peut empêcher de corriger unedéformation frontale par un relâchement ligamentaireinterne ou externe et une section des croisés. En revanche,c’est au niveau de l’espace en flexion entre le fémur et letibia qu’il peut y avoir des problèmes pour qu’il soit rectan-gulaire et on se trouve limité ici par la nécessité de faire unecoupe fémorale en rotation. Dans les déformations impor-tantes, il devient impossible de tricher par une coupe enrotation c’est pourquoi on a proposé de faire une prothèse enmême temps qu’une nouvelle ostéotomie.On peut faire l’ostéotomie première, puis la prothèse. Nousdéfendons la mise en place de la prothèse en premier etl’ostéotomie ensuite pour corriger la déformation osseuse.

Associer une ostéotomie à la prothèse

Dans cette option, les coupes osseuses sont faites classique-ment et la libération des ligaments périphériques est limitéeau strict minimum, se bornant à l’obtention d’un écartsymétrique, comme dans toute gonarthrose interne ouexterne. La déformation osseuse est ensuite corrigée indé-pendamment par une ostéotomie.Cette option présente un certain nombre d’avantages :l’ostéotomie corrigera toute la déformation osseuse, si bienque lors de la mise en place de la prothèse, on peut respecterl’équilibre ligamentaire et préserver la place de l’interlignearticulaire ainsi que la hauteur de la rotule. On peut conser-ver le ligament croisé postérieur et poser une prothèse àglissement non contrainte.L’inconvénient de cette méthode est de raccourcir le mem-bre, si l’on fait une ostéotomie de fermeture, ce qui est le cas

COMPTE RENDU SFGH 381