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lE végétal Et vous

Semences et biodiversité

L a notion de « biodiversité » recouvre la variabilité, sous toutes ses formes, des organismes vivants : animaux et végétaux, micro-organismes, etc. En agriculture, la biodiversité a été

enrichie par l’homme à partir d’espèces sauvages qu’il a domestiquées depuis la Préhistoire. L’homme a ainsi sans cesse cherché à améliorer l’expression du patrimoine génétique des plantes cultivées.

Contrairement aux idées reçues, la recherche privée en création variétale ne réduit pas la biodiversité. Le travail du sélectionneur consiste précisément à composer avec la biodiversité existante pour créer de nouvelles variétés ; celles-ci servent en priorité à apporter une réponse aux enjeux d’amélioration des rendements rendus nécessaires par l’augmentation de la population mondiale. Le sélectionneur est donc le premier intéressé par la préservation de la biodiversité existante. En France, une trentaine de réseaux de conservation pour les différentes espèces a été créée par les entreprises de sélection privées et par les instituts de recherche publique.

LA FILIÈRE SEMENCES Au CœuR dE LA BIOdIVERSITÉ

Vocabulaire

Une espèce est constituée d’un groupe d’individus, animaux ou végétaux, qui se ressemblent et qui peuvent se reproduire entre eux. Exemple : la tomate est une espèce.

En agriculture, on emploie les termes de « race » pour les animaux et de « variété » pour les plantes. Au sein d’une même espèce, une variété est un ensemble homogène de plantes clai-rement identifiées par des caractères morphologiques, physiologiques et géné-tiques, qui les distinguent des autres plantes de la même espèce. Exemple : la Bintje est une variété de l’espèce pomme de terre.

LES SEMENCIERS PRÉSERVENT LA BIOdIVERSITÉLa biodiversité constitue

une réserve de gènes pour la recherche,

les « ressources génétiques », dont l’intérêt peut être

alimentaire, textile, agronomique,

pharmaceutique ou industriel.

un patrimoine vivant à préserver pour notre avenir

Certaines des ressources génétiques qui constituent la biodiversité des plantes cultivées sont utilisées aujourd’hui ; d’autres constituent les « réservoirs » de demain pour des besoins encore inconnus. Car les nouvelles variétés végétales sont créées à partir des ressources génétiques conservées. Il est donc nécessaire de conserver toutes les sources potentielles de biodiversité, des ancêtres sauvages aux variétés contemporaines, en passant par les populations anciennes.

Conserver : un métier d’expert

La conservation des ressources génétiques nécessite une gestion stricte, afin de préserver les qualités d’origine des différentes variétés. Il est indispensable tout d’abord de décrire ses caractéristiques de façon précise, puis d’éviter la dérive génétique.

La gestion des ressources génétiques exige ainsi des compétences pluridisciplinaires, des lieux et des modes de conservation variés et un suivi rigoureux.

Le rôle essentiel des semenciers dans cette sauvegarde

Le rôle des sélectionneurs dans la conservation est essentiel : grâce à leur travail sur le terrain, ils caractérisent, évaluent et régénèrent les ressources génétiques.

Ils ont été les premiers en France à collectionner des variétés et tous continuent de maintenir et bien sûr d’enrichir ces collections. Philippe-Victoire de Vilmorin a ainsi créé, en 1766, le premier catalogue recensant et décrivant les variétés. d’innombrables variétés auraient aujourd’hui disparu si les sélectionneurs ne les avaient répertoriées et préservées.

Quelques

définitions…

Les entreprises de sélection, ou obtentrices, sont les entreprises dans lesquelles les nouvelles variétés sont créées.

Les hommes dont le métier est la sélection sont les sélectionneurs.

La sélection permet d’amé-liorer les plantes et de créer de nouvelles variétés. On parle donc aussi d’« amé-lioration variétale » ou de « création variétale ».

Les variétés anciennes ne sont pas oubliées !

De nombreuses variétés traditionnelles ont disparu des étals de légumes. Elles ne sont pas perdues pour autant ! Elles existent encore bel et bien, car elles sont soigneusement conservées. L’attente des consommateurs de retrouver certaines variétés anciennes a été prise en compte par les législateurs à partir des années 1990. Ils ont fait évoluer le cadre réglementaire pour autoriser la commercialisation de ces variétés anciennes. Aujourd’hui, différentes listes existent au niveau national et européen.

LES SEMENCIERS ENRICHISSENT LA BIOdIVERSITÉPour s’assurer une nourriture régulière, abondante et diversifiée, les hommes ont très tôt cherché à créer de nouvelles variétés de plantes. La création variétale est le fruit de l’observation, de la patience et du travail de générations de sélectionneurs.

CROISER ET SÉLECTIONNER, C’EST CRÉER

La sélection végétale, une activité ancestrale

Il y a environ 10 000 ans, les hommes se sont lancés dans l’élevage et dans l’agriculture ; ils ont appris à domestiquer les plantes sauvages et à les adapter à leurs besoins. La sélection consistait à l’origine à repérer les plantes faciles à cultiver. Puis l’homme a cherché à favoriser les individus les mieux adaptés, les plus résistants, les plus productifs et nutritifs. L’amélioration des plantes se développe ainsi, de manière empirique, pendant des siècles.

Les découvertes respectives de la sexualité des végétaux, vers 1700, puis de la génétique, à la fin du XIXe siècle, ont posé les bases scientifiques de la sélection végétale.

Aujourd’hui, les techniques de biologie cellulaire et moléculaire apportent des informations sur le patrimoine génétique des plantes, qui, combinées aux outils informatiques, aident à prévoir le poten-tiel du croisement de tel parent avec tel autre ; la part laissée aux croisements aléatoires est ainsi considérablement réduite.

L’aventure a commencé au Néolithique

et l’évolution des techniques

et connaissances a permis, au XXe siècle, de réaliser des progrès

qualitatifs et quantitatifs exceptionnels.

Le métier de sélectionneur

Aujourd’hui, l’amélioration des plantes est au cœur des métiers de la filière semences. Elle consiste à créer de nouvelles variétés à partir des variétés existantes en les croisant entre elles : on féconde des ovules d’une plante « mère » avec le pollen d’une plante « père », plantes choisies pour leurs qualités respectives. Ensuite les meilleures plantes issues de ces croisements – les descendants – sont sélectionnées jusqu’à obte-nir une plante avec les qualités souhaitées. La création d’une nouvelle variété est très longue : elle nécessite jusqu’à quinze ans de travail.

CRÉER POuR VIVRE MIEuX

Garantir une nourriture abondante et diversifiée

Grâce aux sélectionneurs, le consommateur dispose d’aliments de plus en plus variés et d’une qualité constante. La diversité des variétés répond également à la diversité des usages.

Exemple : les nouvelles variétés de pommes de terre s’adaptent aux pratiques culinaires. Le consommateur peut ainsi se procurer en toute saison des variétés à chair ferme idéales pour la cuisson vapeur, des variétés plus adaptées à la cocotte ou à la cuisson au four, en passant par des variétés offrant une chair farineuse très utile à la préparation de frites, de potages ou de purée.

CRÉER POuR AdAPTER ET S’AdAPTER

Adapter les plantes aux différentes zones climatiques

de nombreuses plantes cultivées en France, comme la tomate, la pomme de terre, le maïs ou le tournesol, sont originaires de pays lointains, avec des conditions naturelles (climat et sol) très différentes des nôtres. Le travail de sélection a permis d’acclimater ces plantes à de nouvelles conditions, et c’est grâce à celui-ci que l’on peut cultiver ces espèces en France.

Par ailleurs, la sélection permet de créer des variétés adaptées à des milieux ou à des climats particuliers. Ainsi, des variétés mieux adaptées au froid ou à la sécheresse peuvent gagner de nouvelles zones de culture.

Exemple : en France, jusque dans les années 1950, le maïs poussait uniquement dans le Sud-Ouest. Il a pu être acclimaté au nord de la Loire, grâce au travail de sélection effectué à partir de populations du Haut-Languedoc et de variétés américaines.

Augmenter les rendements pour répondre à une demande alimentaire croissante

La population mondiale est en progression constante. La filière semences est en première ligne pour répondre aux enjeux de production et d’approvisionnement induits par cette évolution dé-mographique. Le progrès génétique, en rendant les plantes plus fertiles et plus résistantes, a permis d’augmenter les rendements.

Exemple : en France, le rendement du blé a plus que triplé en quarante ans. On estime que cet essor est dû pour moitié au progrès génétique.

Réduire l’impact des cultures sur l’environnement

Le respect de l’environnement fait partie des grandes priorités de la recherche variétale. Les sélectionneurs élaborent des variétés plus résis-tantes aux maladies pour limiter les traitements, ou encore des variétés plus économes en engrais et en eau.

Exemple : les variétés anciennes de tomates (comme la Rose de Berne et la Cornue des Andes) sont très fragiles ; elles font fréquemment l’objet d’attaques par des champignons. Les nouvelles variétés de tomates mises au point par les sélectionneurs sont plus résistantes à ces champignons (oïdium, fusarium…), ce qui permet de préserver les récoltes et de réduire l’utilisation de fongicides.

Les variétés ne sont jamais créées au hasard,

mais pour répondre à des besoins précis.

Chaque jour, sans même en être nécessairement conscient, le consommateur bénéficie du travail des sélectionneurs.

Améliorer les qualités nutritionnelles des aliments

Teneur en protéines du blé, composition en acides gras du tournesol ou du colza, oméga 3… Les qualités nutritionnelles des espèces végétales cultivées peuvent être améliorées par la sélection.

Exemple : à la fin des années 1960, les sélectionneurs sont parvenus à modifier la com-position en acides gras de la graine de colza. Son huile, riche en acides gras insaturés, est désormais l’une des plus diététiques du monde. Les poules ou les vaches nourries avec des variétés de graines de lin riches en oméga 3 produisent des œufs ou du lait à haute teneur en cet acide gras. La consommation d’oméga 3 réduit les risques de mala-dies cardio-vasculaires…

PROTÉGER LES VARIÉTÉS POuR ENRICHIR LE VIVANT

Les variétés végétales, comme les œuvres

artistiques, sont proté-gées : il est reconnu

à leurs créateurs des droits

qui rémunèrent le travail réalisé.

Le certificat d’obtention végétale : un système de protection original dédié au vivant

Le droit de propriété intellectuelle en création variétale correspond à la reconnaissance d’un tra-vail et à sa juste rémunération pour les bénéfices qu’en tire l’utilisateur de variétés (agriculteur, etc.). Il assure ainsi l’avenir de la recherche variétale. En effet, la création variétale nécessite de longues années de sélection (jusqu’à quinze ans) et repré-sente de lourds investissements : 10 % à 15 % du chiffre d’affaires des entreprises semencières.

deux systèmes de protection des variétés existent dans le monde : le certification d’obtention végétale (COV), en France notamment, et le brevet, aux uSA par exemple. Le COV, que la France a mis en place dans les années 1960, est un droit de propriété intellectuelle spécifique à la création de variétés végétales. Contrairement au brevet, il laisse un libre accès aux variétés créées à des fins de recherche. Le COV assure donc la continuité de l’amélioration génétique des espèces végétales, tout en empêchant l’appropriation du vivant et en limitant les éventuelles situations de mono-pole. Par ailleurs, le COV autorise tout amateur à reproduire les variétés pour son usage personnel. Il prévoit aussi la possibilité d’accords avec les agriculteurs pour autoriser l’utilisation d’une partie de leur récolte pour leurs propres semis moyennant rétribution de l’obtenteur de la variété. Aujourd’hui, plus de 70 Etats adhèrent à la convention de l’uPOV (union pour la protection des obtentions végétales), qui établit les bases du COV à l’échelle internationale.

En France, la création de ce droit spécifique au végétal a permis d’augmenter la diversité cultivée. Ainsi, pour l’espèce blé tendre, on comptait 40 variétés en 1969 contre 150 en 2007.

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