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ournal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2012) 93, 778—795

EVUE ICONOGRAPHIQUE / Ostéoarticulaire

ésions sentinelles en traumatologiestéoarticulaire : les signes à ne pas méconnaître�

J. Jeantrouxa,∗, J.-C. Doscha, R. Sandaa,M. Ehlingerb, J.-L. Dietemanna, G. Bierrya

a Service de radiologie 2, CHU Strasbourg-Hautepierre, avenue Molière, 67000 Strasbourg,Franceb Service de chirurgie orthopédique et de traumatologie, CHU Strasbourg-Hautepierre,avenue Molière, 67000 Strasbourg, France

MOTS CLÉSTraumatologie ;Fractures ;Avulsions osseuses ;

Résumé Les lésions sentinelles sont des lésions osseuses ou des parties molles visibles sur lesradiographies standard réalisées dans un contexte traumatique, évocatrices de lésions osseusesou capsulo-ligamentaires plus sévères non visibles sur ces clichés. Une revue détaillée desarticulations périphériques ainsi que du rachis est réalisée avec un exemple de chaque type de

Radiographiesstandard

lésion à la radiographie standard. Une confrontation avec l’examen de référence, scanner ouIRM selon le cas, est ensuite réalisée.© 2012 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

La radiographie standard est, en règle générale, le premier examen réalisé dansl’exploration des traumatismes ostéoarticulaires. De ce fait, c’est souvent un médecin non-radiologue, urgentiste ou chirurgien, qui réalise une première interprétation. Cependant,certaines lésions ne sont pas évidentes et peuvent être manquées ou sous-estimées. Cer-tains signes doivent être spécifiquement recherchés et doivent alerter quant à la présenced’une lésion sous-jacente plus sévère. Nous les appellerons des lésions « sentinelles ». Ce

sont des lésions osseuses ou des parties molles visibles sur les radiographies standard, évo-catrices de lésions osseuses ou capsulo-ligamentaires plus sévères non directement visiblessur ces clichés. Elles sont de plusieurs types : avulsion ou fracture osseuse, épanchementintra-articulaire, refoulement d’un liseré graisseux physiologique. Les avulsions osseuses

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2012.03.021.� Ne pas utiliser, pour citation, la référence francaise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic andnterventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (J. Jeantroux).

211-5706/$ — see front matter © 2012 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.jradio.2011.12.008

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Lésions sentinelles en traumatologie ostéoarticulaire

consistent en l’arrachement d’un fragment osseux au niveaude l’insertion d’un tendon, d’un ligament ou d’une cap-sule articulaire. L’identification de ce fragment osseuxsur une radiographie standard permet donc d’affirmer,en fonction de sa localisation, l’atteinte d’une struc-ture capsulo-ligamentaire non visible sur ces radiographies.L’épanchement intra-articulaire est parfois la seule ano-malie visible au niveau d’une articulation traumatisée. Saprésence conditionne alors la réalisation d’autres examenscomplémentaires, à plus forte raison s’il existe un niveaugraisseux (lipohémarthrose), traduisant une fracture arti-culaire avec passage de moelle osseuse dans la cavitéarticulaire.

L’objectif de ce travail est de présenter, pour les diffé-rentes articulations périphériques et la colonne vertébrale,les différentes lésions sentinelles observables sur des radio-graphies standard. Nous expliquerons leur mécanisme etconfronterons les radiographies standard à un examend’imagerie en coupe (scanner ou IRM) selon le cas.

Épaule

Le bilan radiographique de première intention consisteen une incidence de face, un profil de Lamy et éven-tuellement une incidence de Bernageau, de Bloom-Obataou un profil axillaire. Les signes indirects de luxationglénohumérale sont à connaître, un épisode de luxationspontanément réduite pouvant être méconnu, notammentdans un contexte d’épilepsie ou de polytraumatisme. On dis-tinguera les luxations antérieures (Fig. 1) — avec encoche deMalgaigne (de Hill-Sachs) à la face postéro-supéro-latérale

de la tête humérale, bien visible en rotation interne, etarrachement du rebord antéro-inférieur de la glène (Ban-kart osseux) — des luxations postérieures (Fig. 2) où leslésions sont inversées — encoche de Mac Laughlin à la face

Figure 1. Luxation antéro-interne de l’épaule : a : radiographie standaret arrachement osseux du rebord inférieur de la glène (flèche pleine) ; blésions.

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ntéro-supéro-médiale de la tête et lésion de Bankartnverse à la face postérieure de la glène. Le bilan lésionnelxhaustif sera réalisé par arthroscanner ou arthro-IRM.

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’épanchement intra-articulaire post-traumatique est par-ois la seule anomalie visible au décours d’une fracture duoude. Son identification est facile et sa méconnaissanceréjudiciable. Ces fractures occultes concernent souvent laête radiale chez l’adulte — parfois le processus coronoïdeu un épicondyle — et la palette humérale chez l’enfant.rois lignes graisseuses doivent être recherchées lors de’interprétation d’une radiographie du coude (Fig. 3) : ligneraisseuse antérieure, postérieure et ligne du rond prona-eur. Leur refoulement traduit un épanchement articulaire.a visualisation de la ligne graisseuse postérieure est incons-ante du fait des superpositions osseuses. La découverte’un épanchement post-traumatique du coude doit, en’absence de lésion osseuse manifeste, faire réaliser un scan-er.

oignet

es radiographies du poignet sont d’interprétation parfoisifficile. Certains signes peuvent aider le radiologue, bienue le scanner soit réalisé assez facilement en cas de doute.n rappellera que quatre incidences devront au minimumtre réalisées : face, profil et deux obliques, le plus souventn pronation (incidence scaphoïde) et supination.

d (face rotation interne) : encoche de Malgaigne (flèche en pointillé), c : l’athroscanner (coupe axiale (b) et coronale (c)) confirme les

De face, le liseré graisseux du scaphoïde est visible àa face latérale de cet os. Son refoulement ou sa dispa-ition évoque une fracture (Fig. 4) mais ce signe est peuensible et n’est pas spécifique puisqu’une ténosynovite de

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Figure 2. Luxation postérieure de l’épaule : a : la radiographie (incidence de Bloom-Obata) montre l’encoche de Mc Laughlin (flèche) ;b : l’athroscanner montre en outre une lésion de Bankart inverse (flèche pointillée).

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(LCA). Des lésions méniscales peuvent également êtreassociées. Dans les ruptures du ligament croisé posté-rieur (LCP) une lésion de Segond en « miroir » peut êtreobjectivée [3] ;

Encadré 1 Lésions associées à une rupture duligament croisé antérieur.

• Fracture de Segond et fracture-impaction du condylelatéral du fémur et du plateau tibial latéral, quasipathognomoniques.

• Hémarthrose constante en phase aiguë.• Une fracture de l’apex de la fibula peut être

e Quervain peut donner le même aspect. Les contoursu scaphoïde, du lunatum et du triquetrum sont à véri-er à la recherche d’une avulsion osseuse révélatrice d‘une

ésion d’un ligament intrinsèque (scapho-lunaire et luno-riquétral). L’image annulaire au niveau de l’hamulus de’hamatum doit être recherchée, son absence évoque uneracture ou un défaut de fusion. Le cliché de profil permete rechercher un fragment osseux en regard de la berge dor-ale du triquetrum, correspondant à l’avulsion d’un ligamentxtrinsèque dorsal (Fig. 4). Le liseré graisseux du carré pro-ateur est à rechercher à la face antérieure du radius distalFig. 5).

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a difficulté principale est de ne pas sous-estimer les lésionsevant un arrachement osseux pouvant sembler négligeable,otamment au niveau du pouce. On citera la lésion deennett [1]. La radiographie standard montre un fragmentsseux au niveau de la base du premier métacarpien (Fig. 6).ette lésion est en fait une authentique fracture-luxation de

’articulation trapézo-métacarpienne. Le fragment médialeste solidaire du trapèze alors que le reste du métacarpienst subluxé sous l’action du long abducteur du pouce. Leraitement est chirurgical. D’autres lésions doivent attirer’œil, notamment la présence de fragments osseux du bordadial ou ulnaire des articulations des doigts en rapport avec’arrachement d’un ligament collatéral.

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n devra d’emblée rechercher l’épanchement intra-rticulaire au niveau du cul-de-sac sous-quadricipital. Sa

résence en contexte traumatique signe l’hémarthroseFig. 7) d’autant plus s’il est très dense, dont la présence autade précoce doit faire évoquer des lésions ligamentaires,otamment des ligaments croisés (Encadré 1). La présence’un niveau graisseux surnageant dans l’épanchement liqui-ien (lipohémarthrose) est pathognomonique du passage deraisse de la médullaire osseuse vers l’articulation, donc’une fracture articulaire. La mise en évidence de ce niveauécessite un rayon horizontal. L’indication de scanner estormelle si la lésion n’est pas visible sur les radiographiesFig. 8). Une fracture ou une avulsion osseuse doit êtreinutieusement recherchée à certains endroits stratégiques

2] :la fracture de Segond (Fig. 9) consiste en une avulsiondu bord latéral du plateau tibial latéral au niveau del’insertion capsulaire. Elle accompagne les traumatismesen rotation médiale-varus. Elle est quasiment pathog-nomonique d’une rupture du ligament croisé antérieur

associée dans le cadre de l’atteinte des stabilisateurslatéraux.

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Figure 3. Épanchement intra-articulaire du coude : a : coude normal. Trois lignes graisseuses sont à rechercher (1, antérieure ; 2, pos-térieure ; 3, rond pronateur). Elles sont non visibles ou discrètes à l’état normal ; b : radiographie correspondante (cliche de profil) ; c :épanchement : les lignes graisseuses sont refoulées ; d : coude traumatique, l’épanchement est bien visible ; e, f : le scanner (coupessagittales) confirme l’épanchement et en retrouve la cause, ici une fracture non déplacée, subtile, de la tête radiale.

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Figure 4. Poignet. Fracture du scaphoïde (a, b), avulsion ligamentaire sur la berge dorsale du triquetrum (c, d) : a : refoulement du liserégraisseux à la radiographie standard (face) ; b : la fracture est bien visible au scanner (coupe coronale) ; c : fragment osseux de la facedorsale du carpe sur le cliché de profil ; d : arthroscanner (coupe sagittale) : fracture-avulsion de la berge dorsale du triquetrum.

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Figure 7. Hémarthrose. Radiographie standard (profil) : épan-cs

Figure 5. Radiographie standard de profil : refoulement de laligne graisseuse du carré pronateur au contact d’une fracture duradius.

• la fracture-impaction du condyle latéral et du plateautibial latéral (Fig. 10) témoigne de la translation anté-rieure du tibia lors des ruptures du LCA. Elle est visible surle cliché de profil et est à différencier de l’encoche phy-siologique du condyle fémoral latéral, qui est inférieureà 2 mm ;

• la fracture de l’apex de la fibula (arcuate sign des

Anglo-Saxons, Fig. 11) [4] témoigne d’une atteinte desstabilisateurs postéro-latéraux (point d’angle postéro-latéral). Une rupture du pivot central est fréquemment

Figure 6. Lésion de Bennett. Un fragment osseux semble arrachéde la colonne du pouce. En fait, ce fragment reste solidaire del’articulation trapézo-métacarpienne et la colonne du pouce estluxée.

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hement intra-articulaire (flèches) visible au niveau du cul-de-sacous-quadricipital.

associée. Sa topographie précise est variable selon le fais-ceau concerné ;devant un fragment osseux dans l’échancrure inter-condylienne on suspectera une avulsion de l’insertiondu LCA (Fig. 12) [5] ou du LCP (Fig. 13) [6], au niveaurespectivement de l’aire antérieure ou postérieure del’éminence inter-condylienne. Cette lésion est d’autantplus fréquente que le patient est jeune, elle se retrouvefréquemment chez l’adolescent ;on recherchera enfin un fragment libre ostéochondral,pouvant témoigner d’un épisode de luxation patellaire(Fig. 14).

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es principales difficultés sont la mise en évidence des frac-ures du dôme du talus [7] et l’interprétation des fragmentssseux à proximité des malléoles, notamment latérale.’hémarthrose se recherche sur le cliché de profil (Fig. 15).

l’instar du coude, sa présence indiquera un scanner danses meilleurs délais, en l’absence de lésion osseuse causaleetrouvée sur le cliché standard.

Au niveau de la malléole latérale, il convient de dif-érencier l’arrachement osseux consécutif à une avulsione l’insertion d’un chef du ligament collatéral latéral de’arrachement du rétinaculum des fibulaires (Fig. 16). Danse dernier cas, le fragment osseux se situe à la partie hautee la malléole.

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es traumatismes des interlignes de Chopart (médiotarsien)t de Lisfranc (tarso-métatarsien) sont de diagnostic radio-ogique difficile. Ils nécessitent la maîtrise de l’anatomie et

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Figure 8. Lipohémarthrose : a : la radiographie de profil (rayon horizontal) montre un niveau dans l’épanchement, témoignant d’unsurnageant graisseux (flèches pleines) ; b : le scanner (coupe axiale) montre deux niveaux, délimitant trois strates, graisse en surface,sédiment hématique en profondeur (flèches pointillées).

Figure 9. Fracture de Segond, associée à une rupture du ligament croisé antérieur (non montrée) : a : radiographie de face : fragmentosseux au niveau du bord latéral du plateau tibial latéral (flèche) ; b : IRM en pondération T1 (coronale).

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Figure 10. Fracture-impaction du condyle latéral du fémur et du plateau tibial latéral. La translation antérieure du tibia au moment dutraumatisme entraîne une impaction de la partie antérieure du condyle latéral du fémur sur le rebord postérieur du plateau tibial latéral.Le ligament croisé antérieur (LCA), principal frein à cette translation antérieure, se rompt ainsi : a : radiographie standard (profil) : encochedu condyle latéral ; b : scanner (coupe sagittale). L’impaction est bien visible ; c, d : IRM en densité de proton avec saturation du signal dela graisse. Impaction du condyle fémoral (flèche pleine) et tibial (flèche en pointillé). Rupture concomitante du LCA (têtes de flèche).

Figure 11. Arcuate sign : a : radiographie standard (face) : fracture de l’apex de la fibula ; b : IRM (sagittale DP FS) montrant une atteintedu point d’angle postéro-latéral : hypersignal de l’apex fibulaire au niveau de l’insertion du ligament arqué et du ligament collatéral latéral.

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Figure 12. Avulsion du ligament croisé antérieur (LCA) : a : radiographie standard (profil) : fragment osseux intra-articulaire ; b : scanner(coupe coronale) : avulsion de l’aire inter-condylienne antérieure, site d’insertion du LCA.

Figure 13. Avulsion du ligament croisé postérieur à son insertion sur l’aire inter-condylienne postérieure : a : radiographie standard ; b :scanner ; c : IRM T2 avec saturation du signal de la graisse.

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Figure 14. Luxation patellaire : a : radiographie standard : fragment osseux intra-articulaire, d’origine indéterminée ; b : scanner ; c : IRM :confirmation du caractère intra-articulaire de ce fragment ; d : L’IRM permet d’affirmer le mécanisme lésionnel en montrant les anomaliesde signal de la berge médiale de la patella et du condyle latéral du fémur (têtes de flèche), témoignant de l’épisode de luxation latéralede la patella.

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Figure 15. Hémarthrose révélant une fracture du dôme du talus : a : radiographie standard : cheville normale ; b : radiographie standard :hémarthrose : comblement liquidien du cul-de-sac antérieur ; c : scanner : confirmation de l’hémarthrose ; d : scanner : lésion ostéochondraledu dôme du talus.

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ne bonne connaissance de la physiopathologie. En contexteraumatique l’exploration consiste en des radiographies deace, de profil et un déroulé du pied (3/4).

L’articulation de Chopart associe l’articulationalo-calcanéo-naviculaire et l’articulation calcanéo-uboïdienne, stabilisées par plusieurs ligaments. L’avulsionu ligament talo-naviculaire dorsal peut être facilementiagnostiquée sur les radiographies, associée à un épaissis-ement des parties molles (Fig. 17). Le cliché de trois quartseut montrer un arrachement du rostre du calcaneus auiveau de l’insertion du ligament bifurqué ou de la base de5 à proximité de l’insertion du court fibulaire. L’interlignee Lisfranc unit le tarse antérieur et les métatarsiens.l est renforcé par un puissant ligament, le ligament deisfranc, tendu entre le cunéiforme médial et la baseu deuxième métatarsien. Les entorses de l’articulationarso-métatarsienne surviennent le plus souvent lors

’accidents de la voie publique, de chutes d’un lieu élevéu de traumatismes sportifs [8]. On estime qu’environ0 % des lésions sont méconnues sur les clichés standardnitiaux. Certains signes sont à connaître afin d’évoquer

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a lésion et de compléter l’exploration par un scanner. Onappellera que l’interprétation de cette articulation seraaite au mieux en charge. Trois points sont particulièrementmportants (Fig. 18) :

le parfait alignement des pièces osseuses, notammentdes bords médiaux de M1 et du cunéiforme médial et deM2 et du cunéiforme intermédiaire sur le cliché de face.Sur le cliché de trois quarts, on vérifiera l’alignement ducuboïde avec la base de M4 ;la présence d’une avulsion sentinelle du ligament deLisfranc, sous la forme d’un fragment osseux entre lecunéiforme médial et la base du deuxième métatarsien ;l’existence d’une fracture de la base des métatarsiens,notamment du deuxième, physiologiquement « enchâssé »entre les cunéiformes médial et latéral.

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es radiographies standard restent, en dehors du polytrau-atisme, l’examen de première intention dans l’exploration

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Figure 16. Luxation des tendons fibulaires : a : radiographie : tuméfaction des parties molles péri-malléolaires latérales (flèches poin-tillées) associée à une avulsion osseuse (flèche) ; b—d : au scanner en coupe coronale (b) et axiale (c et d) cette avulsion correspond à unarrachement du rétinaculum des fibulaires (têtes de flèche). Il existe en outre une fracture du calcaneus.

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Figure 17. Entorse du Chopart. Épaississement des parties molles (flèches longues) et avulsion de l’insertion naviculaire du ligamenttalo-naviculaire dorsal (flèche courte) : a : radiographie ; b : scanner.

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es traumatismes du rachis. Réputées difficiles et peu sen-ibles elles sont en fait riches d’information pour qui lesecherche. On distinguera les anomalies des parties molles,es avulsions corporéales, les fractures des processus épi-eux et les fractures des processus transverses [9]. Nousiscuterons enfin le problème du « tassement vertébral ».

L’étude des parties molles fait partie de l’interprétatione tout cliché. Elle obéit à des règles strictes au niveau duachis cervical (Fig. 19). Elles sont étudiées sur l’incidencee profil au niveau cervical, de face au niveau thoracolom-aire (Fig. 20). Toute anomalie impose la réalisation d’uncanner, voire d’une IRM à la recherche d’une lésion duigament vertébral commun antérieur.

Une avulsion osseuse est à connaître au niveau du rachiservical, il s’agit du tear-drop (Fig. 21), transsection rachi-ienne par hyperflexion, donc hautement instable, dontarfois la seule manifestation sur la radiographie standardst le détachement d’un fragment osseux corporéal, antéro-nférieur, qui reste solidaire du disque sous-jacent. Cettenomalie ne doit donc pas être banalisée mais doit conduire

l’immobilisation du patient et à la réalisation d’un scan-er qui confirme la lésion en démontrant la classique triade :

ne larme, deux traits — l’un coronal, qui sépare le fragmentntéro-inférieur, le second sagittal — trois fragments. Lorse la découverte d’une fracture d’un processus épineux, on’attachera à étudier l’orientation du trait. Au niveau du

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achis cervical (Fig. 22), s’il est vertical, il s’agit le plus sou-ent d’une fracture en hyperextension, isolée et bénigne, enehors des traumatismes violents avec transsection rachi-ienne. En revanche, une orientation horizontale témoigne’un mécanisme en hyperflexion avec « ouverture de laertèbre », à l’origine d’une possible atteinte du segmentobile rachidien, à évaluer au mieux par IRM. Au niveau du

achis lombaire, une orientation horizontale d’une fracture’un processus épineux impose la réalisation d’un scanner àa recherche d’une fracture de Chance (Fig. 23). Cette lésionst associée aux accidents de la voie publique, notammenthez les passagers ceinturés, avec hyperflexion autour duoint fixe que représente la ceinture (seat-belt injuries).a lésion se situe alors à la charnière thoracolombaire. Ellest fréquemment associée à des lésions viscérales, imposanta réalisation d’un scanner thoraco-abdominopelvien avecnjection de produit de contraste. Les fractures des pro-essus transverses sont relativement fréquentes au rachisombaire. Elles sont rarement au premier plan. On retiendraeur association très fréquente avec des lésions viscéralest/ou de la charnière lombosacrée. Le terme de « tassementertébral » est à utiliser avec prudence. La perte de hau-

eur d’un corps vertébral peut recouvrir plusieurs entités,’une simple fracture-tassement sans atteinte du murostérieur (Fig. 24) — type A1 de Magerl [10] — à une frac-ure de Chance (Fig. 23) — type B1 — en passant par une
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Figure 18. Entorse de Lisfranc : a : radiographie standard : alignement normal des pièces osseuses ; b : radiographie standard : entorse deLisfranc : perte des rapports normaux entre le cunéiforme intermédiaire et la base de M2 ; c : le scanner montre l’avulsion du ligament deLisfranc ; d : le mode VRT permet une meilleure étude des rapports anatomiques dans les grands déplacements.

Figure 19. Étude des parties molles pré-vertébrales : a : cliché normal. Les parties molles sont concaves vers l’avant au-dessus et auniveau de C2 et d’épaisseur inférieure à celle de la base du processus odontoïde ; d’épaisseur inférieure à 7 mm du coin antéro-inférieur deC2 à C4 ; inférieur à 21 mm en dessous chez l’adulte ; b : cliché post-traumatique : épaississement pathologique des parties molles sans lésionosseuse évidente ; c : l’IRM (chez un autre patient) montre l’interruption du ligament vertébral commun antérieur, un hypersignal discalet un hypersignal intra-médullaire. Atteinte également postérieure avec hypersignal du ligament jaune et des parties molles en arrière durachis.

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Figure 20. Traumatisme du rachis thoracique : a, b : les radiographies montrent un fuseau para-vertébral ; c, d : le scanner montre unefracture-luxation T4-T5.

Figure 21. Tear-drop fracture : a : radiographie : avulsion du coin antéro-inférieur de C5 ; b : le scanner confirme le tear-drop en montrantles deux traits de fracture, séparant trois fragments osseux.

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Figure 22. Fracture des processus épineux. Orientation du trait : a : trait vertical et isolé ; b : trait horizontal avec risque d’atteinte dusegment mobile rachidien.

Figure 23. Fracture de Chance de la charnière thoracolombaire. Mécanisme en hyperflexion entraînant une transsection rachidienne.Ouverture postérieure du processus épineux T12 associé à un enfoncement du plateau supérieur de L1.

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Figure 24. Fracture-tassement : a : radiographie standard : tassement du plateau supérieur, la hauteur du mur postérieur est respectée.Pas d’anomalie de l’arc postérieur ; b : scanner : confirmation d’une fracture-tassement de type A1.

Figure 25. Burst-fracture : a : radiographie standard : tassement du plateau supérieur. Perte de hauteur du mur postérieur par rapportaux étages adjacents, sans lésion de l’arc postérieur ; b : scanner : confirmation de l’atteinte du mur postérieur ; c : fracture verticale de lalame affirmant le type A3.

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urst-fracture (Fig. 25) — type A3. Il est donc indispensablee vérifier l’intégrité du mur postérieur (burst) et de l’arceural (Chance) avant de conclure à un simple « tassement ».n cas de doute, le scanner est indispensable.

onclusion

a recherche d’un épanchement intra-articulaire doit êtreystématique lors de l’interprétation des clichés standard

n contexte traumatique. Les avulsions osseuses ne doiventas être négligées, elles témoignent souvent d’une lésionapsulo-ligamentaire sous-jacente. La découverte d’uneracture d’allure banale sur des clichés standard n’épuise

as le sujet, elle peut être associée à d’autres lésions plusévères.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

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Lésions sentinelles en traumatologie ostéoarticulaire

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