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L'euro et le Maroc

Novembre 1998(Version actualisée en mars 2002)

Département de l’Economie,des Finances et de la Privatisation

Royaume du Maroc

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Constituant une sélection mensuelle des travaux menés par les cadres de la Direction de la Politique Economique Générale, les documents de travail engagent cependant la responsabilité de leurs auteurs. Ils sont diffusés par la Direction pour approfondir le débat sur les sujets en

question et susciter des observations.

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Table des matières

1. Préambule ............................................................................................................................... 2 2. Grandes étapes de la monnaie unique .................................................................................... 2 3. Conséquences pour l’Europe.................................................................................................. 3

3.1. Avantages........................................................................................................................ 3 3.2. Principales réserves......................................................................................................... 4 3.3. Euro face au dollar .......................................................................................................... 5

4. Conséquences pour le Maroc ................................................................................................. 6 4.1. Préparation de l’ouverture du Maroc sur la zone de libre-échange................................. 7

4.1.1. Principales réformes menées depuis 1996 ............................................................... 7 4.1.2. Conduite de politiques économiques plus réactives................................................. 7

4.1. Avantages de l’euro pour le Maroc................................................................................. 8 4.2. Certains risques pour l’économie nationale .................................................................... 9

4.2.1. Conséquences sur la dette extérieure ....................................................................... 9 4.2.1.1. Mécanisme de conversions de dettes en investissements.................................. 9 4.2.1.2. Réaménagements opérés par le Maroc ............................................................ 10

4.3. Effets sur les investissements directs étrangers............................................................. 11 4.4. Effets sur les réserves de change ................................................................................... 11 4.5. Enseignements pour la politique monétaire .................................................................. 11

5. Répercussions sur le milieu des affaires .............................................................................. 12 5.1. Préparation des entreprises ............................................................................................ 12 5.2. Conséquences pour les entreprises ................................................................................ 12 5.3. Actions de Bank Al Maghrib ........................................................................................ 13 5.4. Actions des banques commerciales ............................................................................... 13

6. Exemples de secteurs dépendant étroitement de l'euro ........................................................ 14 6.1. Textile et habillement .................................................................................................... 14

6.1.1. Chiffres clés du secteur .......................................................................................... 14 6.1.2. Effets prévisibles de l’avènement de l’euro fiduciaire sur le secteur ..................... 14

6.2. Secteur du tourisme ....................................................................................................... 15 6.2.1. Chiffres clés du secteur .......................................................................................... 15 6.2.2. Effets de l’avènement de l’euro sur le tourisme marocain..................................... 15

7. Perspectives d’une monnaie unique régionale pour le Maghreb.......................................... 16

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1. Préambule L’avènement de l’euro est un événement historique qui représente le couronnement

d'un long processus et constitue un facteur de stabilité à l’intérieur d’un espace économique qui s’est fortement restructuré depuis le traité de Rome de 1957.

Compte tenu des relations étroites entre l'Union Européenne et le Maroc renforcées par l’accord d’association conclu entre les deux parties en 1996, la mise en place de l’euro a plusieurs conséquences sur l'économie marocaine.

Après un aperçu de l’historique de l’euro et ses retombées sur l’Europe, la présente note a pour objectif de présenter les conséquences de l’avènement de la monnaie unique européenne sur l'économie marocaine et particulièrement sur certains secteurs qui dépendent étroitement de l’euro et de retracer le processus de préparation à cet événement aussi bien au niveau des pouvoirs publics (réformes, préparation à l’ouverture, action de Bank Al Maghrib) que des entreprises et du secteur bancaire.

2. Grandes étapes de la monnaie unique La naissance de l’euro est l’aboutissement d’un long processus de recherche de la stabilité monétaire nécessaire à la construction de l’Union Economique et Monétaire (UEM). Elle libère les européens des contraintes qu’imposait la gestion du Système Monétaire Européen (SME) et de ses marges de fluctuation. Ci-après sont présentées les grandes étapes de cette construction :

− 1944 : naissance du Système Monétaire International (SMI) de Bretton Woods qui repose sur deux principes : le dollar devient la monnaie de référence avec un rapport fixe avec l'or et des parités officielles sont fixées entre les monnaies et le dollar avec des fluctuations de + ou – 1%.

− 1971 : crise du SMI, fin de la convertibilité du dollar et l'or et assouplissement du système avec des fluctuations à 2,25%.

− Ecarts considérables entre les monnaies des pays européens et besoin de stabilité pour bâtir l'UEM : les européens vont donc créer leurs propres règles.

− 1972 : naissance du serpent monétaires européen.

− 1976 : avec la crise pétrolière de 1973, fin du SMI et flottement généralisé des monnaies. De 1972 à 1978, il y a eu 7 sorties du serpent monétaire européen.

− 1979 : naissance du Système Monétaire Européen (SME). Création de l'écu, avec une marge de fluctuation de 2,25% tolérée des monnaies de la CEE par rapport à l'écu. Le SME connaît un succès, il assure la stabilité des monnaies européennes et prépare le passage à la monnaie unique.

− Février 1992 : décision d’adopter l’euro lors du traité de l’Union Européenne signé à Maastricht par les chefs d’Etat ou de gouvernements des Etats membres.

− 15 et 16 décembre 1995 : décision des quinze d’appeler "euro" la monnaie unique lors du Conseil européen de Madrid.

− Mai 1998 : sélection des pays participants et fixation de cours pivots bilatéraux qui serviront à déterminer les taux de conversion irrévocables.

− 31 décembre 1998 : fixation irrévocable des taux de conversion des monnaies "in" en euros.

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− 1er janvier 1999 : lancement de l’euro pour les onze pays qui ont rempli les conditions nécessaires fixées par le traité de Maastricht, suivis de la Grèce depuis le 1er janvier 2001.

− Naissance de la Banque Centrale Européenne garante de la stabilité des prix.

− Passage à l’euro fiduciaire le 1er janvier 2002 dans les douze pays de la zone euro.

− 30 juin 2002 : les pièces et billets en monnaies "in" cesseront d'avoir un cours légal.

3. Conséquences pour l’Europe En se dotant de l’euro, l’Europe se donne les moyens de mieux défendre ses intérêts

sur les marchés mondiaux, particulièrement face au dollar et de concentrer sa politique monétaire sur les objectifs internes d’inflation et de croissance. L’UEM forme, désormais, une grande économie, moins dépendante de l’extérieur que chacun de ses membres, pris séparément. Ainsi, la politique monétaire européenne a les moyens, à l’instar de la politique monétaire américaine, de gérer souplement le cycle conjoncturel avec un objectif hiérarchisé de stabilité des prix et de croissance.

L’avènement de l’euro se traduira par des avantages certains pour l’Europe, mais il impliquera des disciplines et comportera des risques. Il s’est révélé faible face au dollar à ce jour, mais il sera amené à concurrencer le billet vert et à s’imposer en tant que monnaie internationale.

3.1. Avantages

L’existence de monnaies différentes constituait un obstacle aux échanges européens compte tenu des limites du rôle stabilisateur du SME lors de dépréciations importantes (lire, livre, peseta) ou de hausses coûteuses de taux d’intérêt lors de défense des taux pivots (cas de la France en 1992 et 1993). Par conséquent, l’introduction de l’euro se traduit par de nombreux avantages :

− Importante économie de coûts pour les entreprises : la disparition du besoin de se couvrir contre le risque de change au sein de l’UEM implique la baisse des coûts des transactions. De même, le coût des transferts de fonds sera, massivement diminué. Enfin, un grand marché obligataire est né grâce à l’euro, facteur de liquidité et par conséquent de baisse du coût réel du financement des investissements.

− Suppression des dévaluations compétitives qui contribuera à la stabilisa tion des prix à l’intérieur de l’Union, et réduction des taux d’intérêt qui facilitera les échanges entre pays membres.

− Accroissement de la concurrence, dès lors que le marché européen sera rendu plus transparent, avec des prix directement comparables dans la durée. Parallèlement, les entreprises pourront rationaliser leurs implantations au sein de la zone euro, l’élément d’incertitude lié au change ayant disparu.

− Dynamisation du secteur financier : l’euro va tendre à unifier les marchés financiers de l’UEM par l’élargissement des placements domestiques à l’ensemble de la zone euro. Ce changement de dimension des bassins d’épargne et d’investissement s’accompagnera d’un développement des marchés financiers, avec une structure de financement de l’économie se rapprochant de celle prévalant aux Etats-Unis, faisant davantage appel à une gamme élargie d’instruments de marché.

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− Meilleure allocation de l’épargne et relance de l’investissement : les investissements les plus rentables seront financés en priorité. Le financement de l’innovation devrait s’en trouver facilité.

− Maîtrise de l’inflation : l’euro sera géré par la Banque Centrale Européenne, instance supranationale indépendante du pouvoir politique, dont l’objectif principal est de garantir la stabilité des prix.

− Rééquilibrage du système monétaire international : l’hégémonie du dollar en termes de monnaie de facturation des échanges, de monnaie de réserve ou de monnaie de placement pour les investisseurs privés sera de plus en plus partagée par l'euro qui devient un concurrent crédible au dollar et jouera progressivement un rôle important sur la scène internationale.

Par ailleurs, l’euro permettra une meilleure distribution de la croissance. Comme la dévaluation ne pourra plus donner un avantage compétitif à un pays, ou restaurer une compétitivité dégradée, c’est la compétitivité globale de chaque pays qui importera. Celle-ci recouvrera, dans une période transitoire, un ensemble complexe de facteurs (qualité des infrastructures, système de formation et qualité de la main d’œuvre, coûts salariaux, flexibilité du marché du travail, fiscalité, procédures administratives...).

Il pourrait en résulter une concentration de certaines activités de pointe dans un nombre limité de régions européennes. Cette concentration, observée aux Etats-Unis, permet en effet aux entreprises de disposer d’un environnement favorable en termes de main d’œuvre (fluidité du bassin d’emplois en personnes qualifiées), d’infrastructures spécialisées, de sous-traitance et de centres de recherche-développement.

Parallèlement, des charges fiscales ou sociales particulièrement lourdes, qui ne seront pas compensées par d’autres facteurs positifs, pousseraient à la délocalisation de certaines activités vers les autres pays de l’UEM. Ce risque est d’autant plus grand que la base taxable est plus mobile (les entreprises, l’épargne, la main d'oeuvre hautement qualifiée). De ce fait, des pressions fortes à la convergence des taux marginaux de prélèvement se feront jour. Cette convergence amènera les gouvernements à accélérer l'harmonisation des systèmes fiscaux.

3.2. Principales réserves

La mise en place de l’euro engendre des contraintes et une discipline rigoureuse pour les pays de l’Union. On peut citer, notamment, les contraintes ci-après :

− Renforcement des critères de convergence dits de Maastricht (taux d’inflation ne dépassant pas 2% ; déficits publics inférieurs à 3% du PIB ; endettement public inférieur à 60% du PIB) par le Pacte de Stabilité et de Croissance adopté au sommet d’Amsterdam en juillet 1997 pour garantir que la convergence sera durable et que des sanctions seront prises contre les pays de l’euro qui ne contrôleraient pas leur déficit.

− Abandons de souveraineté au profit de la BCE ; le Conseil de l’Euro1 qui comprend les gouverneurs des banques centrales nationales ne compensera pas véritablement l'influence de la BCE.

1 Le Conseil de l'euro a été créé en décembre 1997. C'est une instance informelle non décisionnelle créée à la demande de la France et de l'Allemagne pour coordonner les politiques économiques. Elle réunit les ministres des Finances des pays de la zone euro qui y discutent entre eux des questions concernant la gestion de la monnaie unique et les relations de change entre l'euro et les autres monnaies. C'est un organe essentiel pour l'établissement d'un bon équilibre entre une politique monétaire unique et les politiques budgétaires nationales.

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− Risque de chocs asymétriques : dans le cas où un pays de l’UEM se trouve seul affecté par un choc économique, il ne pourra plus disposer de l’instrument du change pour restaurer sa compétitivité et soutenir sa croissance. Une partie des chocs pourra être amortie par le jeu des finances publiques, dès que les marges de manœuvre auront été reconstituées. A terme, une augmentation du poids du budget communautaire permettrait d’opérer automatiquement un transfert de ressources vers un pays en difficulté.

− Lenteur de la mise en place des coordinations fiscale et sociale, alors que le problème de l’emploi, laissé au seul recours des Etats est loin d’être résolu et que le budget communautaire est insuffisant pour compenser les écarts, en matière de situation économique, qui pourraient survenir d’un pays à l’autre (chocs asymétriques).

− Lenteur de la réforme des institutions : la construction politique de l’Union Européenne est reportée, l’harmonisation fiscale est encore à l’état de projet et l’hypothèse d’un système fédéral, complément naturel de l’union monétaire suscite toujours une vive opposition.

− Absence de fédéralisme budgétaire qui prive l’Europe de capacités d’intervention. Compte tenu du montant limité du budget communautaire (environ 1,2 point du PIB européen), il apparaît, en effet, difficile de considérer que l’UEM puisse être de ce point de vue, une zone monétaire optimale.

− Problématique de l’élargissement de l'Union Européenne : l’adhésion des pays d’Europe Centrale et Orientale peut constituer aussi bien un élément de stabilisation d’une Europe considérablement élargie qu’un facteur supplémentaire de fragilisation de l’ensemble de l’édifice communautaire.

3.3. Euro face au dollar

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euro/dollardollar/dh

euro/dh

Cours de change

Depuis le début de sa cotation, début 1999, l'euro a perdu 25% de sa valeur et la part du dollar dans les réserves mondiales a grimpé à 65% contre un peu plus de 20% pour l'euro et 8% pour le yen2. Cette faiblesse structurelle trouve son origine dans les éléments suivants :

− La persistance d'un écart de croissance potentielle important entre les Etats-Unis et la zone euro (supérieur à 2%).

2 Selon le Conference Board américain.

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− L'importance des sorties de capitaux longs vers les Etats-Unis, investissements de portefeuilles et investissements directs confondus : en 1999 et le premier semestre 2001, ces mouvements s'expliquent notamment par la multiplication des opérations de fusion et d'acquisition des entreprises européennes attirées par les perspectives de croissance à long terme et de rentabilité aux Etats-Unis et l'attractivité du marché actions américain comparativement à celui de l'Europe.

− L'appartenance d'une grande partie du monde à la zone dollar. Selon la Réserve fédérale, 70% de la circulation monétaire est hors du territoire des Etats-Unis et les investissements, directs ou non s'orientent vers le monde du dollar.

− La lenteur de la mise en place de réformes structurelles profondes qui concernent les marchés des capitaux, des biens et du travail (manque de souplesse du marché du travail, qui décourage le transfert des forces productives vers les activités d'avenir comme les NTIC à l'instar de ce qui s'est produit aux Etats-Unis) et de mise en œuvre d’un policy -mix judicieusement dosé dans la zone euro.

− Rôle de monnaie refuge traditionnellement joué par le dollar en cas de crise internationale à l'image de ce qui s'est produit suite aux événements du 11 septembre.

En 1998, la monnaie unique intervenait dans 50% des opérations de change dans la zone euro alors que sur le plan international, le dollar intervient dans 94 % des opérations au comptant et à terme. De même, le dollar est la monnaie de réserve par excellence, puisque la proportion des réserves mondiales ou en instruments libellés en dollars est estimée à 70%.

L'évolution de l’euro face au dollar dépend étroitement de la conjoncture américaine, de l'amélioration de l'activité dans la zone euro et du rôle joué en tant que monnaie internationale, à savoir une monnaie de réserve, de transaction, e t de placement.

4. Conséquences pour le Maroc Les relations entre le Maroc et l'Union Européenne se sont intensifiées depuis la signature en 1996 de l’accord d’association portant création d’une zone de libre échange à l’horizon 2010 comme en témoignent les éléments ci-après.

− L'Union Européenne représente 74,8% de nos exportations en 2000, contre 73,7% en 1996 et 57,3% de nos importations en 2000, contre 57% en 1996.

− Elle a représenté 84% des IDE entrants en 1999 comme en 2000 et abrite l'essentiel des Marocains Résidants à l’Etranger.

− L’excédent commercial réalisé par l’Union Européenne vis-à -vis du Maroc est considérable et n’est pas compensé par les flux de capitaux privés. Cet excédent va probablement s’amplifier avec l’édification progressive de la zone de libre-échange.

− L'Union Européenne est le premier créancier du Maroc avec 38,3% de la dette extérieure totale en 1999.

Depuis 1996, le Maroc est un chantier de réformes visant à préparer l’ouverture de son économie au libre échange.

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4.1. Préparation de l’ouverture du Maroc sur la zone de libre-échange

4.1.1. Principales réformes menées depuis 1996

Les réformes ont concerné la promotion de l’investissement, le développement du secteur financier, l’intégration à l’économie mondiale, la poursuite du désengagement de l’Etat, la modernisation de l’administration publique, l’assainissement des finances publiques et la promotion des secteurs sociaux. L’objectif recherché est de créer les conditions d’une croissance rapide et soutenue créatrice d’emplois, d’améliorer le niveau de vie des citoyens et de renforcer les liens de solidarité sociale. Les principales réformes réalisées sont précisées ci-dessous :

− Environnement des affaires : charte de l’investissement, code du commerce, loi sur les sociétés, lo i sur la concurrence et la liberté des prix, lois relatives à la protection de la propriété intellectuelle et industrielle, l’OMPI, Groupements d’Intérêt Economique, tribunaux de commerce, Agence Nationale de Promotion de l’emploi et des Compétences, guichets uniques régionaux, …

− Réforme du secteur financier : libéralisation des taux d’intérêt, modernisation de la Bourse, réforme du marché monétaire, création du marché de change, renforcement de l’épargne institutionnelle (marché hypothécaire, réorganisation de la CMR, projet de loi sur les assurances) réforme du Crédit Populaire,…

− Intégration à l’économie mondiale : conclusion d’accords de libre échange (AELE, Zone de Libre Echange Arabe), poursuite de la libéralisation du commerce extérieur (valeur du GATT, Code des douanes), réaménagement du panier de cotation du dirham en renforçant la pondération de l'euro …

− Désengagement de l’État : privatisation (attribution de la deuxième licence GSM, ouverture du capital d’Itissalat Al Maghrib), concessions des services publics et préparation de la libéralisation des secteurs d’infrastructures.

− Transparence et moralisation : pénalisation de la fraude fiscale, Pacte de Bonne Gestion, code des marchés publics et lancement de la modernisation de l’administration.

− Développement du social (46,7% du budget général de l’État hors dette pour l’exercice 99-2000 contre 41% en 1996-1997) et des mécanismes de lutte contre la pauvreté (BAJ1, Agence de développement social, micro-crédit, habitat social,…). Poursuite du dialogue social et préparation en cours du régime d’assurance maladie obligatoire.

4.1.2. Conduite de politiques économiques plus réactives

En plus de la mise en œuvre de réformes structurelles tendant à améliorer l’environnement des affaires, la politique économique est désormais plus réactive pour s’adapter aux conditions du libre-échange. On observe notamment :

− la contractualisation des rapports public-privé, favorisée par la contribution du Fonds Hassan II (conclusion de contrats programmes dans les secteurs du tourisme et des NTIC) ;

− la dynamisation de l’investissement public et le développement d’une nouvelle approche budgétaire (programmation pluriannuelle des dépenses, meilleur ciblage des investissements en fonction de leur effet sur l’emploi et le secteur privé) ;

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− le renforcement programmé de l’autonomie de la Banque Centrale à travers l’amélioration du système de contrôle et une plus grande neutralité vis-à -vis des institutions contrôlées, ce qui lui permettrait de concentrer sa politique monétaire sur les objectifs de stabilité et de croissance ;

− la recherche d’une meilleure efficacité de la politique budgétaire en orientant les dépenses vers la valorisation des ressources humaines et l’accroissement du stock de capital productif ;

− l’accélération de la modernisation de la Bourse (renforcement de l'autorité du CDVM, création de nouveaux compartiments pour les PME et les entreprises d'infrastructure, développement des nouveaux indices de capitalisation MASI et MAEDEX) ;

− la priorité accordée à des gisements sectoriels de croissance tels que le tourisme, les NTIC, l’habitat social, l’agroalimentaire, la pêche et le textile ;

− l’opportunité d’une nouvelle stratégie de promotion des exportations (accélération de la mise en place de l’Agence Nationale de Promotion Économique, dynamisation de la diplomatie économique, diversification des marchés grâce à l’établissement de liens étroits avec les pôles d’entraînement de la croissance mondiale, accélération du partenariat Sud-Sud, promotion de la qualité, amélioration du financement des exportations, …).

4.1. Avantages de l’euro pour le Maroc

Le Maroc pourrait bénéficier de l’accélération de la croissance communautaire qui résulterait de l’introduction de l’euro, via l’amélioration de la demande étrangère qui lui est adressée. De ce fait, on pourrait s’attendre à ce que le Maroc puisse profiter aussi bien d’une augmentation des exportations vers l'Union Européenne que vers les autres pays en Europe et en Méditerranée qui verront aussi une accélération de leur croissance. Néanmoins, cet effet de stimulation économique n’est pas acquis puisque les entreprises marocaines seront confrontées à une forte concurrence de la part des entreprises communautaires ou tierces.

Par ailleurs, le renforcement de l’intégration commerciale et financière entre les pays de l’Union a permis d’observer depuis une dizaine d’années une synchronisation de leurs cycles conjoncturels. Cet effet va d’autant s’intensifier que la monnaie unique met fin à l’instrument de politique de change et que la convergence va s’accroître. Ceci signifiera pour le Maroc que les cycles conjoncturels impliqueraient des impulsions sur l’économie marocaine plus prononcées qu’avant.

Le renforcement de la concurrence en Europe après l’introduction de l’euro devrait contribuer à une certaine réduction des prix ainsi qu’une baisse des taux d’intérêt associés à l’euro en raison de la concurrence entre les banques européennes. La baisse des prix impliquerait certainement diverses retombées pour les entreprises marocaines dont essentiellement :

− un avantage pour les entreprises qui dépendent des importations européennes ;

− une baisse des coûts d’emprunt pour les entreprises pouvant mobiliser des fonds sur le marché européen suite à l’intégration renforcée du marché financier eur opéen, sa transparence et sa compétitivité ;

− une protection contre les risques de change que couraient les entreprises quand elles s’endettaient dans une monnaie européenne qui est différente de celle de leurs recettes d’exportation ;

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− une simplification des calculs et des opérations ;

− un meilleur jeu de la concurrence entre les fournisseurs européens sur le marché local avec la transparence des prix ;

− une opportunité pour mobiliser des fonds supplémentaires à des coûts relativement modérés, à travers notamment des émissions obligataires en euros.

Les impacts que pourrait récolter le Maroc ne sont pas automatiques. Pour en tirer profit, le Maroc devrait poursuivre sa politique de mise à niveau et de diversification de l’économie. De plus, la politique économique de l’Union qui est orientée, durablement vers la stabilité, donnera certainement une opportunité et une incitation supplémentaires pour le Maroc de poursuivre sa politique de stabilisation macro-économique. Cette politique est indispensable pour maîtriser l'inflation, renforcer la compétitivité de l’économie marocaine et créer les bases pour une croissance soutenue et durable.

4.2. Certains risques pour l’économie nationale

Toutefois, l’euro présente quelques sources d’inquiétude pour l’économie nationale liées notamment :

− au caractère néfaste des fluctuations euro/dollar sur la compétitivité des exportateurs, allégé cependant par le réaménagement du panier de cotation du dirham qui a renforcé le coefficient de pondération de l'euro en avril 2001 ;

− à l’intensification de la concurrence de la part des entreprises de l’Union monétaire qui verront leurs coûts de transaction et de financement réduits. De ce fait, le Maroc se doit de conduire avec détermination une politique de diversification de ses marchés extérieurs et de renforcer sa base exportatrice afin d'amortir les retournements de cycles ;

− aux retombées limitées à plus longue échéance en l’absence d’un système monétaire méditerranéen (régimes de change hétérogènes, convertibilité partielle des monnaies méditerranéennes,…).

4.2.1. Conséquences sur la dette extérieure

Les retombées sur la dette extérieure se seraient traduites par le renchérissement du remboursement des dettes contractées par le Maroc en devises faibles (pesetas, lires) et à des taux d’intérêt faibles si le Ministère de l’Economie, des Finances de la Privatisation et du Tourisme n'avait pas anticipé la reconversion de la dette en investissements et réaménagé sa structure selon les monnaies.

4.2.1.1. Mécanisme de conversions de dettes en investissements

Ce mécanisme, qui porte sur la dette rééchelonnée à l'égard des créanciers membres du Club de Paris, concerne à la fois la conversion de la dette en investissements publics et la conversion en investissements privés.

− En effet, 1,9 milliard USD ont été traités au titre de la dette extérieure : la conversion de dettes en investissements pour 868,1 millions USD, le refinancement de dettes onéreuses pour 881 millions USD et la transformation de certains taux d'intérêt onéreux pour 157 millions USD.

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− Un accord a été signé le 19 septembre 2000 avec le Gouvernement espagnol portant sur la conversion de 40 millions de dollars. 46,4% de l'enveloppe totale a été utilisé à ce jour.

− Un accord a été signé le 12 avril 2000 avec le Gouvernement italien pour la conversion de 100 millions de dollars de dettes en projets publics inscrits au niveau des Lois de Finances pour le 2ème semestre 2000 et pour 2001. L'annulation d'une première tranche a été opérée en septembre 2001 portant sur un montant d'environ 550 millions de dirhams relatif aux dépenses couvrant la période du 11/04/2000 au 31/12/2000.

Avec la France, la reconversion a été réalisée en trois tranches.

− La première tranche (accord du 13/01/1996) portant sur un montant de 600 millions de FF (120 millions USD) a été totalement épuisée. 32 projets ont bénéficié de ce mécanisme pour un montant agréé de 1,2 milliard de FF. Le montant effectivement débloqué par le Trésor marocain s'élevait à 563 millions de dhs et a généré un investissement d'environ 2 milliards de dhs. Par ailleurs, en 1996, un accord pour l'annulation de la dette marocaine en faveur d'investissements publics d'un montant de 400 millions de FF a été signé. Cette enveloppe, entièrement épuisée, a été affectée à la réalisation de projet s d'infrastructures dans les provinces du nord.

− La deuxième tranche (accord du 24/10/1997) a porté sur 1,4 milliard de FF (280 millions de USD). La dette effectivement rachetée au Trésor français a atteint un montant de 721 millions de FF. Au cours du lancement de cette tranche, 20 projets ont été agréés pour un montant de 1,4 milliard de FF. Le montant versé par le Trésor marocain aux promoteurs s'élevait, au 17/02/1999, à 665 millions de dhs et a généré un montant d'investissement de 4,7 milliards de dhs.

− La troisième tranche (accord du 21/03/2000) porte sur un montant de 700 millions de FF.

4.2.1.2. Réaménagements opérés par le Maroc

Le Ministère de l’Economie, des Finances de la Privatisation et du Tourisme, anticipant l’avènement de l’euro fiduciaire, a réalisé les aménagements suivants sur la dette extérieure nationale :

− Conversion de tous les prêts libellés en monnaies fortement fluctuantes telles que la peseta espagnole ou la lire italienne, en deutschemark, la monnaie européenne de référence avant la mise en place de l'euro en 1999. Seuls les prêts libellés en franc français et en livre sterling sont restés inchangés. Le franc constitue l’autre monnaie européenne de référence et la livre reste collée au dollar. Ces deux devises présentent un risque limité.

− Conversion début 1999 de la totalité des prêts libellés en monnaies allemande et française

en euros tout en optimisant les risques en devises. Ce traitement a eu pour effet non seulement de sécuriser l’encours mais aussi et surtout de soulager le budget de l’Etat puisqu’il a permis de limiter l’impact négatif des fluctuations des taux de change de certaines monnaies.

− Adaptation de la Direction du Trésor, sur le plan informatique, de son système de gestion

de la dette extérieure en intégrant les modifications nécessaires pour chaque prêt et en tenant compte de l’historique des prêts dans les devises initiales.

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4.3. Effets sur les investissements directs étrangers

Le passage à l’euro ne semble pas exercer une influence sur les investissements directs étrangers. Ces derniers obéissent à d’autres variables plus pertinentes comme la taille et le taux de croissance du marché local, l’existence d’un tissu industriel local performant … Néanmoins, l’alignement du dirham sur l'euro, opéré en avril 2001, aurait pour conséquence de dynamiser les entrées d'investissements européens.

4.4. Effets sur les réserves de change

Au niveau de la structure et de la gestion des réserves de change, on observe le renforcement du poids de l’euro. L’accroissement de la part de l’euro dans les réserves de change résulte, en effet, de :

− l’intensification des échanges commerciaux surtout avec la mise en place progressive de la zone de libre-échange ;

− l’augmentation des échanges libellés en euros à mesure que la facturation des opérations sera alignée sur la structure des échanges extérieurs du Maroc ;

− la nature des engagements financiers futurs du Maroc qui se feront probablement davantage en euros.

4.5. Enseignements pour la politique monétaire

L’ensemble des éléments qui précédent, permet de dégager les enseignements suivants.

− L’intégration du Maroc à l’espace financier européen implique une libéralisation financière plus poussée et une plus grande exposition aux investissements étrangers de portefeuille, dont la volatilité peut-être à l’origine de crises financières (expérience des pays d’Asie du Sud Est en 1997-1998).

− L’ancrage explicite du dirham à l’euro est non souhaitable dans l’immédiat (préalables : mise à niveau de l’économie, réduction de la vulnérabilité à l’aléa climatique et élargissement des marges de manœuvre budgétaires). Par contre, il est primordial de neutraliser les impacts négatifs des dévaluations compétitives menées à l’étranger par l’intégration éventuelle au panier de cotation de dirham des devises de pays concurrents.

− Il est nécessaire de poursuivre l’adaptation de notre politique de change régulièrement à l’évolution de notre environnement en accordant une attention privilégiée aux fluctuations des monnaies de nos concurrents.

− Il est fondamental surtout de renforcer la compétitivité structurelle de l’économie marocaine (accélération de la mise à niveau , développement d’un véritable climat entrepreneurial, dynamisation du partenariat euro-MED, …).

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5. Répercussions sur le milieu des affaires 5.1. Préparation des entreprises

Les entreprises marocaines, comme les entreprises européennes, ont eu une période de trois ans appelée ni ni (ni obligation ni interdiction) pour se préparer et se familiariser au passage à l’euro. Durant cette période, les actions ont notamment concerné :

− la préparation des documents et des prix en euro ;

− la formation du personnel et ce, avant le premier janvier 2002 ;

− l'investissement dans des logiciels pour pouvoir convertir les sommes libellées en monnaie « in » en euros et en dirhams ;

− l'ouverture des comptes en euros pour alléger les frais des transactions passées avec les clients européens et rendre les opérations de change de la monnaie marocaine transparentes.

En effet, depuis novembre 2001, les exportateurs reçoivent leur règlement en euros, puis les cèdent à leurs banques dans les 48 heures. Quant aux importateurs, ils règlent leurs fournisseurs en euros achetés préalablement auprès de leurs banques.

5.2. Conséquences pour les entreprises

L’entrée en vigueur de l’euro fiduciaire engendre les répercussions suivantes pour les entreprises :

− Avec une monnaie unique, l’entreprise n’aura qu’une seule démarche pour traiter avec différents partenaires de la zone euro. L’euro sera la seule monnaie de facturation, ce qui simplifiera les calculs et unifiera les prix.

− Pour les importateurs et exportateurs, l’organisation simplifiée de comptes étrangers et la centralisation de la trésorerie en euros faciliteront les opérations de couverture ou de change.

− Les fluctuations de la parité euro/dirham deviennent une source d’inquiétude pour les entreprises exportatrices car en cas d’appréciation, le dirham se trouvera apprécié vis-à -vis des douze pays membres de l’Euroland en même temps.

− Le risque de change, qui continuera d’exister avec le bloc Europe dans son ensemble sera minimisé.

− Le client bénéficiera d’un meilleur jeu de la concurrence entre les fournisseurs s’il est importateur, et d’une ouverture sur de nouveaux marchés plus concurrentiels s’il est exportateur.

− La crainte de perte sur les opérations de l’arrondissement de l’euro sur la trésorerie des entreprises persiste mais son effet est conjoncturel.

− En accentuant la concurrence entre les entreprises européennes, l'euro précipite le processus de mise à niveau du tissu ind ustriel marocain face à l’échéance du libre échange.

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5.3. Actions de Bank Al Maghrib

La Banque Centrale Nationale a largement anticipé l’euro fiduciaire à travers une mobilisation à travers tout le Royaume et la mise en place d’un ensemble de procédures afin d’assurer aux opérateurs économiques ce passage dans les meilleures conditions. L’action de Bank Al- Maghrib s’est déroulée comme suit.

− Début décembre 2001 : pré-alimentation de Bank Al Maghrib (BAM) en billets euro (la pré-alimentation de la Banque Centrale en euro a excédé les besoins réels suite à l’achat de 40 millions de billets en euro).

− Fin décembre 2001 : pré-alimentation des banques en billets euro par Bank Al Maghrib.

− A partir du 31 décembre 2001, les banques n’étaient plus autorisées à négoc ier avec leurs clientèles les billets de banques et travellers chèques libellés dans les monnaies étrangères devenues dépassées car remplacées par l’euro.

− Période transitoire de 2 mois (du début janvier à fin février 2002) durant laquelle le change de devises en dirhams s’effectuera uniquement dans les guichets de Bank Al Maghrib (exception pour les touristes et les Marocains Résidants à l’Etangers).

− Mobilisation d'un dispositif à travers tout le Royaume d’acceptation des billets en monnaies étrangères jugées « monnaie in ». Une fois cette date passée, les traitements se feront au cas par cas.

− Dès le 2 janvier, tous les chèques et lettres de changes doivent être strictement libellés en euro. Les chèques émis avant le premier janvier continueront à être acceptés à l’encaissement par les banques commerciales jusqu’au 15 février. Il s’agit là d’un engagement pris d’un commun accord avec la Banque de France et la Banque Centrale Européenne.

5.4. Actions des banques commerciales

Les banques commerciales sont beaucoup plus concernées par l’opération de la mise en circulation de l’euro car c’est à travers ces institutions que s’opèrent les transactions monétaires, le règlement des contrats commerciaux, les transferts des filiales de multinationales installées au Maroc vers les maisons mères ou simplement la conversion de devises.

Depuis la circulaire de Bank Al- Maghrib datée du 4 janvier 1999 qui coïncidait avec le passage à l’euro scriptural, les institutions financières ont réagi rapidement en se mettant à niveau (investissement en logiciels, formation des agents et opérateurs des salles de marché...).

La mise en place de l’euro fiduciaire a incité les banques à prendre certaines dispositions :

− Lancement d’une vaste compagne de sensibilisation et de formation interne et externe.

− Désignation d’une commission au sein du GPBM pour se charger du passage à l’euro et dont la principale mission est d’informer et de résoudre les problèmes techniques.

− Mobilisation des agences bancaires pour préparer leurs clients au calendrier de retrait des monnaies in. Il s’agit surtout de la conversion des comptes convertibles en devises, des transactions à l’exportation et à l’importation, surtout les aspects juridiques des règlements en devises et enfin les conseils pratiques.

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− Bank Al- Maghrib est chargée de collecter les billets en circulation dans les banques commerciales pour les verser à la Banque Centrale Européenne.

6. Exemples de secteurs dépendant étroitement de l'euro 6.1. Textile et habillement 6.1.1. Chiffres clés du secteur

Le secteur du textile et habillement représente près de 3% du PIB et emploie environ de 210.000 personnes soit une part de 42% dans le personnel des industries manufacturières (année 2000).

Les exportations ont atteint à fin novembre 2001, 27 milliards de DH soit une croissance de 4,4% par rapport à la même période de l’année 2000. Elles ont représenté 38% des exportations totales du pays.

La balance commerciale de la filière a dégagé, à fin novembre 2001, un solde positif de près de 13 milliards de DH (27 milliards de DH d’exportation et 13 milliards de DH d’importation) occupant ainsi la quatrième place dans la balance des paiements après les Marocains Résidants à l’Etranger, le tourisme et les phosphates.

L’industrie du textile est dominée par la sous-traitance. Les admissions temporaires représentent, en effet, près de 40% des importations totales de la filière.

Près de 86% des exportations marocaines des produits textiles sont écoulées sur le marché de l’Euroland.

6.1.2. Effets prévisibles de l’avènement de l’euro fiduciaire sur le secteur

La comparaison des prix entre les donneurs d’ordres européens, rendue plus facile à travers l’euro fiduciaire, risque de créer une baisse des prix et une reconfiguration de la demande pour lesquelles les entreprises marocaines devraient se préparer et ce, à travers l’intégration de la filière et l’accélération de l’insertion du Maroc dans l’espace "Euromed textile-habillement" à même de contrer les concurrences asiatique et américaine.

Avec l’avènement de l’euro, les exportateurs du secteur auront une meilleure visibilité sur la répartition géographique de la concurrence au sein du marché européen. En raison du risque d’inflation et de ses effets sur les salaires, une dévaluation importante du dirham par rapport à l’euro n’est pas forcément bénéfique pour l’industrie du textile-habillement qui se base essentiellement sur la main d’œuvre (selon l’AMITH, les frais du personnel, y compris les charges salariales, représentent plus de 50% de la valeur ajoutée globale de cette industrie).

Structure des exportations marocaines des produits textiles durant la période 1990-1997

Monde Arabe

5%

Reste de l'UE7%

Etats Unies2%

Zone euro86%

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L’entrée en vigueur de la monnaie unique ne manquera pas d’accentuer la concurrence asiatique sur le marché de l’Euroland, notamment après l’adhésion de la Chine à l’OMC (le coût minute est de 0,117$ pour le Maroc contre 0,098$ pour la Chine). Rappelons que dans le cadre de l’Accord Multi-Fibres, les quotas appliqués par l’Union Européenne à certains pays tiers, dont la Chine, devront disparaître en 2005 ou même avant cette date étant donné que les parties négocieront à partir de 2003.

Ainsi, l’industrie marocaine devra relever le défi de la concurrence asiatique avec des stratégies industrielles et commerciales offensives, dont les maîtres-mots sont différenciation (migration vers les produits à haute valeur ajoutée), qualité, innovation, réactivité à la concurrence, flexibilité et exploitation des niches commerciales. 6.2. Secteur du tourisme 6.2.1. Chiffres clés du secteur

2000 2001 Var (%)

Entrées de touristes étrangers 2,5 millions 2,4 millions -3,6%

Recettes en devises (en dh) 21,6 milliards 27 milliards 25%

Emplois 628.000 --- ---

Le tourisme marocain est largement lié à la zone euro puisque 80% des arrivées de touristes au Maroc proviennent des 11 pays qui constituent l’Euroland. 6.2.2. Effets de l’avènement de l’euro sur le tourisme marocain

Le surplus potentiel de croissance économique européen corollaire à l’avènement de l’euro fiduciaire est de nature à dynamiser la demande touristique adressée au Maroc. Un euro fort peut engendrer une orientation de la demande vers des destinations moins chères en dehors de l’Europe. L’attrait de ces destinations pour les Européens augmenterait et pourrait éventuellement profiter au Maroc en raison de sa proximité et de ses potentialités touristiques importantes.

Structure de la clientèle touristique

au Maroc

Amériques 6%

Autres pays 8% Moyen Orient

3% Pays

maghrébins 3%

Europe 80%

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Néanmoins, l’euro pourrait constituer un moyen de promotion pour les destinations européennes en raison de l’élimination des commissions de change dans le cadre du tourisme intra-européen. De ce fait, le Maroc devra tenir compte de cette compétitivité accrue de la zone euro et de la nouvelle reconfiguration de la demande touristique au niveau mondial pouvant en résulter.

L'affichage en euro des coûts de la majorité des destinations touristiques, notamment méditerranéennes, permettra aux consommateurs européens de comparer les tarifs des différentes prestations. Cette comparaison qui devient plus aisée est de nature à créer une concurrence intense, ce qui nécessite une plus grande compétitivité du produit touristique marocain. Cet objectif exige, notamment, de suivre le comportement des consommateurs et de la concurrence afin de mieux gérer le changement lié au passage à l’euro et de mieux informer le personnel des entreprises sur l’euro particulièrement pour les personnes en contact direct avec les clients.

7. Perspectives d’une monnaie unique régionale pour le Maghreb. Les accords de Barcelone sont principalement commerciaux et ne prévoient aucun

arrangement d’ordre monétaire. Cette absence de coopération monétaire dans les accords d’association est de nature à fragiliser le partenariat. En effet, cette situation ouvre, aux politiques de change maghrébines, la voie des dévaluations compétitives, comme elle laisse les monnaies maghrébines sans couverture en cas de dépréciations fortes induites, soit par des manœ uvres spéculatives, soit par des chocs réels négatifs externe (baisse brutale des termes de l’échange) ou interne (récession économique due à des aléas climatiques).

Néanmoins, l’intégration monétaire euro-méditerranéenne, que l’avènement de l’euro laisse entrevoir, ne peut être sérieusement envisagée sans que soit résolue la question centrale de l’établissement d’un système monétaire régional.

Les relations monétaires en Méditerranée sont loin de caractériser un système monétaire régional. La convertibilité, condition première à l’établissement d’un système monétaire régional, est très partielle. Les monnaies méditerranéennes ne remplissent pas non plus la deuxième condition, à savoir, d’être des monnaies de paiement internationales, et n’obéissent à aucun régime de change homogène. En outre, les trois choix majeurs qui définissent un système monétaire international, à savoir le choix d'un régime de change, celui relatif aux réserves de change, et une option relative à la mobilité des capitaux, ne sont pas réunis dans la zone sud de la Méditerranée.

La région doit toutefois évoluer vers l'intégration monétaire afin de parachever le processus euro-méditerranéen en recherchant la mise en place des préalables pour l'intégration économique et en y mettant la volonté politique. Dans ce sens, la dynamisation de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) constitue un point clé pour la réalisation de cet objectif.