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Page 1: Maladie de Bourneville, épilepsie et troubles envahissants du développement

Neumpsychia~ Enfance Adoiesc 2001 ; 49 : 124-30 Q 2001 editions scientifiques et mbdicafes Elsevier SAS. Tous droits r&erv&

Cas ctinique

Maladie de Bourneville, 6pilepsie et troubles envahissants du d&eloppement

A. JulIien*, J.C. Bouley

Service de p~ch~at~e, sectew 93 I OS, EFS de Wle Evrard, 202, avenue Jean-Jaunty, 93332 Neu~L~~-sur- Mame cedex, France

(Requ le 1” aotX 2000 ; accept6 le 21 novembre 2000)

R&urn6 A partir d’un cas clinique, les auteurs proposent de discuter de Mat actuel des connaissances sur l’association troubles envahissants du developpement et epilepsie dans la maladie de Bourneville chez l’enfant. Cette association presente un inter& scientifique parce qu’elle laisse presager dune participation genetique a certains troubles psychiatriques de I’enfant. Plus de 60 % des patients atteints par cette maladie genetique souffrent dune epilepsie de topographie variable qui apparait intriquee a des troubles d’afiure autistique et a d’autres manifestations psychiat~ques dont I’agres- sivite et l’hyperactivit~. La litterature propose pour l’epilepsie, un traitement m~dicamenteux speci- fique (ca~amaz~pine, lamotrigine ou vigabatrin) qui n’entraverait pas le d~veloppement de I’enfant. 0 2001 editions scientifiques et medicales Elsevier SAS

autisme I Bpiiepsie / ScMross tub&use de Bourneville I troubles envahissants du d6veloppement

Summary - Tuberous sclerosis complex, epilepsy and pervssive developmental disorders. Using a case report, the authors talk about current state of knowledge in combination of pervasive developmental disorders and epilepsy in the case of childhood tuberous sclerosis called also Bourne- vile’s disease. This association presents a great scientific issue because it could imply a genetic link in numerous chilhood psychiatric disorders. More than 60% of patients diagnosed to have tuberous scleFosis complex suffer from seizures of different kind of to~raphy. Epilepsy seems to be linked with autistic-/ike disorders and with of~rpsychjat~c disorders like aggressive and h~eractjve behav- iors. Con~rning trea~ent against e~~epsy, literature provides sp~i~c drug therapy ~~rbarna~ zapine+ lamotdgjne or vi~abatrin~ which ~uldn’t damage the child mental de~lopment. 02001 gditions scientifiques et m&dicaies Elsevier SAS

autism I epilepsy I pervasive developmental disorder I tuberous sclerosis

C’est Bourneville qui, en 1880, emploie le premier le terme de sclerose tubereuse pour definir les lesions cerebrales, retrouvee chez un sujet Cpilep- tique et deficient mental [3]. Puis Vogt, au debut du XXe sitcle, decrit la triade “ Cpilepsie, retard mental et tache achromique ” et decouvre l’association de lesions cardiaques et &ales dans la sclerose tube- reuse [24]. Enfin, en 1988, Comez Ctablit des criteres de diagnostic precis, divises en criteres majeurs (un

seul suffrt pour etablir le diagnostic : tuberosites corticales ou nodules gliaux sous-Cpendymaires a l’imagerie, angiofibromes de la face, hamartomes retiniens multiples, fibromes p&iunguCaux, angio- myolipomes renaux) et exit&es mineurs (qui orien- tent en l’absence de criteres majeurs : spasmes infan- tiles, taches ac~omiques ou tache en peau de chagrin, fibromes gingivaux, polykystose r&ale bilaterale, rhabdomyome cardiaque, crises myocloniques ou

* Correspondance et tirb ri part : CCASA, 112, rue de Lagny, 93 100 Montreuil.

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toniques,. astrocytome a cellules geantes, ou parent de premier degre atteint) [8].

Apres quelques don&es sur la genetique, les manifestations neuropsychiatriques et les axes de recherche actuels qui permettent d’entrevoir un lien entre maladie genetique et troubles env~issants du d~veloppement, nous proposons d’etudier B partir d’un cas, l’association de la maladie de Bourneville avec l’epilepsie et les troubles psychiatriques chez l’enfant.

Nous discuterons la demarche clinique et les outils diagnostiques necessaires, Ctant donne la complexite de l’intrication des trois tableaux et nous envisage- rons les implications therapeutiques basees sur des references bibliographiques de specialit& variees : chirurgie, neurologie et psychiatie, qui sont sollici- tees dans le traitement de la maladie de Bourneville.

G~N~T~QUE ET MANIFESTATIONS NEUROPSYCH~T~QUES

La sclerose tubereuse de Bourneville (STB, TSC en anglais de Tuberous Sclerosis Complex) et la maladie de Recklinghausen sont les deux plus frequentes phacomatoses.

La neurofibromatose de Recklinghausen est une affection a transmission autosomique dominante, a expressivite variable, apparaissant habituellement dans l’enfance, caracterisee par des taches pigmen- taires, des neuro~bromes cutanes, des tumeurs siegeant le long des trajets nerveux (neu~nome) ou plus centrale (gliome le plus souvent). Les repercus- sions neuropsychiatriques (debilite mentale dans 10 % des cas et Cpilepsie dans 9 % des cas) sont moins frequentes que dans la maladie de Bourneville du fait du caractere plus souvent pdripheriques des lesions [ 181.

La sclerose tubereuse de Boumeville est plus bruyante du fait de la frequence de lesions du systeme nerveux central souvent associees a une Cpilepsie et un retard mental profond. La transmis- sion est autosomique dominante a expressivite variable et les formes frustes ou incompletes sont assez frtquentes [ 141.

La prevalence du gene est de l/6 000 1171 mais dans les deux tiers des cas il s’agit d’une mutation sporadique de novo [16] non influencee par l’age parental. Les etudes genetiques des sujets atteints ont mis en evidence deux genes a l’origine des troubles. 11 s’agit de genes suppresseurs de tumeurs : TSCl (chromosome 9 : 9q34) et TSC2 (chromosome 16 : 16p 13) codant respectivement pour l’hamartine et la tuberine. Les etudes n’ont pas montre de difference

clinique entre les patients ayant une mutation sur le TSC 1 et ceux porteurs d’une mutation sur le TSC2 : les proteines synthetisees a partir de ces deux genes interviennent certainement dans la mCme voie meta- bolique regulant la croissance et la di~~renciation cellulaire [ 16, 19,2 1 ].

Par ailleurs, l’expression du gene est variable : en effet, la mutation est inscrite sur l’un des chromo- somes, dans toutes les cellules de l’organisme mais elle s’exprime seulement lorsque survient une muta- tion somatique qui entraine la perte de l’allble normal (perte de l’heterozygotie). 11 y a developpe- ment d’une lignee de cellules issues de la cellule porteuse de la double mutation. Ceci explique la repartition aleatoire des tumeurs.

Les manifestations neuropsychiatriques sont tres frequentes avec des taux equivalents quel que soit le gene incoming [16, 191.

Les p&valences de l’epilepsie et de la deficience mentale sont tres variables en fonction des etudes, respectivement : entre 70 a 93 % pour l’epilepsie et entre 50 et 80 % pour le retard mental [ 10-121. Ces pourcentages diminuent si l’on tient compte des formes frustes de maladie de Bourneville, qui sont la plupart du temps meconnues parce que la mutation s’exprime peu et qu’elle n’entraine pas de symptome invalidant. L’epilepsie a un debut souvent tres precoce, avant le 7” mois, parfois par des crises partielles ou par des spasmes en flexion. La STB rep&se&e d’ailleurs 10 % des syndromes de West. La maladie des spasmes en flexion ou syndrome de West est une forme d’epilepsie propre aux nourris- sons, associee d des anomalies particulieres de l’Clectroencephalogramme (EEG) appelees hypsa- rythmie. Dans le cadre de la STB, les spasmes sont plus ou moins typiques et peuvent Ctre associes a des crises partielles. Chez l’enfant plus grand, les crises partielles matrices et les crises partielles complexes sont les plus frequemment observees. Plus l’epilepsie debute precocement, plus le pronostic est mauvais.

Une etude suggere que le retard mental severe s’observe uniquement chez ies sujets ~pileptiques [12]. Mais la reciproque n’est pas vrai puisque certains patients atteints de maladie de Boumeville ont une intelligence normale malgre une histoire Bpileptique ma1 Cquilibree [IO]. Hunt souligne aussi que les acquisitions matrices sont souvent moins retardees et que les garcons semblent avoir un risque accru de deficience mentale.

Les troubles autistiques sont observes dans 17 a 68 % des cas en fonction des etudes [ 1, 2, 9, lo] et semblent plus frequents apres les spasmes infantiles [ 11, 131. Ainsi, l’epilepsie, en particulier les spasmes

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infantiles, et ie retard menta1 apparaissent comme des facteurs dc risque a la survenue d’un autisme dam la maladie de Bourneville [9] mais 1”autisme peut survenir en leur absence [2, 71. Smalley [21] explique cette grande variabilite des resultats par le fait que certaines etudes incluent tous les troubles envahissants du developpement et elle retient une frequence de l’autisme autour de 25 % chez les patients atteints de maladie de Bourneville (et 45 % si on compt~bilise tous les troubles envahissants du d~ve1oppeme~t~.

L’auto- et l~h~t~ro-~~essivit~ sont souvent rappor- tees : environ un patient sur trois, avec une grande variabilite en fonction de la dverite de l’agressivitk [lo]. L’hyperactivitk est notee dans un cas sur trois g un cas sur deux en fonction des groupes Ctudies [ll, 121.

Ceci am&e 4 proposer un suivi psychiatrique systematique des enfants atteints de Bourneville &ant dorm6 la frequence des troubles psychiatriques associts.

PERSPECTIVES DE REC’HERCHE

L’&ude de l’association maladie de Bourneville et autisme peut orienter les recherches SW l’autisme pour lequel les Ctudes g&&iques sont diffkiles.

La survenue de YCpiIepsie, de la deficience mentale et de l’autisme semble like au nombre de t&w, mais les etudes sont en d&accord quant g la correlation entre localisation des tubers et sympto- matologie autistique. Effect&e sur de petits Bchan- tillons, aucune etude ne permet de conclure. Bolton et GrifIiths [2] observent que les diagnostics de retard mental et d’autisme sont corrcles au nombre de taben et que f’autisme se voit quand i1 y a une Iocalisation temporale. Mais Baker [1] ne retrouve pas de l~a1isation p~icu1i~re dans les cas d’autisme et insiste sur 1a frequence de l’association hypsarythmie et autisme dans la maladie de Bourne- ville. Une etude plus ancienne [12] demontrait l’implication de lesions multiples bifrontales et posterieures dans les manifestations autistiques.

Smalley [2 l] qui souhaite Cclaircir les mecanismes de comorbidite de l’autisme et de la STB propose trois hypotheses : - la STB entrake des anomalies du doveloppement cerebral dans une region qui est impliquee dans L’autisme ; - les genes sont sur des loci t&s proches et se trans- mettent simultan~ment ; - Ia STB est a l’origine du dcveloppement de tubers ccrebraux, d’un retard mental et d’une epilepsie qui favorisent la survenue de l’autisme.

Smalley fait remarquer, & propos de fa troisieme hypothese, que le Q1 est bas dans les etudes ou l’on retrouve beaucoup d’autistes mais qu’il est diffkile de faire des etudes statistiquement significatives dans le domainc wtisme, Cpilepsie et Bourneville puisqu’il y a trcs peu de Bourneville non cpileptique. Hunt et Dennis [11] ont con&t que l’epilepsie, surtout It debut precoce, et Ie retard mental sont des facteurs de risques au d6veIoppement de l’autisme, mais ils mettent en avant qu’il existe des patients Bourneville autiste avec un QI normal et Bolton [2] suggkre que I’cpilepsie n’est pas une condition nkessaire au d~velop~ment de l’autisme dans la mafadie de Bourneville. Les progres de I’imagerie fonctionnelle c6rebrale permettront certainement de visualiser de facon plus precise les l&ions cCrdbrales impliquees et aideront a clucider les consequences de la mutation sur le developpement cerebral.

La seconde hypothese semble peu probable parce qu’elle ne tient pas compte du sex-ratio dans l’autisme en general. MalgrC tout, les etudes gene- tiques de liaison ~Z~~~uge~ en tours pourraient fournir une reponse definitive sur cette hypothese.

CAS CIINIQUE

Un cas clinique va maintenant illustrer les dificultes souvent rencontrees face a I’intrication de l’bpilep- sie, du retard mental et des troubles psychiatriques chez un enfant et permet d’envisager quelques axes diagnostiques et therapeutiques.

Adrien a et& adresse h l’bge de quatre ans k f’hopital de jour pour des troubles du developpement associes a une epilepsie d’dtiologie indeterminee. Le diagnostic de maladie de Bourneville a et6 pose au tours de 1’hospitalisation de jour. Un traitement chirurgical a et& propose, nous en examinerons Ies bCn&kes.

Adrien etait ne g 37 semaines d’amcnorrhee par cesarienne pour presentation par 1e siege et grossesse gemellaire dizygote. Sa jumelle etait en bonne Sante, elle ne presentait aucun signe de maladie de Bourne- ville et n’avait pas de trouble psychiatrique. 11 n”y avait, a priori, pas d’antecedents familiaux de maladie de Boumeville, mais Ia famille paternelle n’avait pas et6 interrogee puisque le pere n’avait pas reconnu l’enfant, Le rythme des acquisitions etait dans les limites de ta normale : B 10 mois, if commence B ramper et se tient apsis, la marche sans appui est acquise au lri” mois. A 24 mois, il mange seul, obCit aux ordres simples, superpose des cubes, joue avec sa saeur et associe quefques mots. Cepen- dant il n’est pas scolarise en meme temps que sa jumelle parce qu”i1 n’est pas propre.

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Adrien a et& adress & l’equipe de secteur, par le service de protection materno-infantile a deux ans et demi pour une hyperactivitb, mais la m&e interrompt rapidement le suivi psychiatrique. Elle expliquera que le developpement lui Ctait apparu normal jusqu’a la survenue de crises d’epilepsie.

L’epilepsie a commence a 33 mois, au tours de pits febriles pendant une gastro-entdrite, par des crises partielles de une minute sans chute avec myoclonies des membres superieurs et hypotonie cervicale. Puis les crises se sont modifiees, pour devenir tonico-cloniques g~n~ralis~es avec perte de cormaissance pendant deux a trois minutes. Le pediatre a remarqud une perte des acquisitions en quelques mois et une cassure de la courbe pond&ale : il note un comportement regressif d’allure autistique, avec perte totale du babillage, passivite et isolement alternant avec des moments d’agitation. L’EEG mettait en evidence un rythme de quatre a cinq cycles par secondes et des polypointes-ondes en bouffees diffuses. Des calcifications multiples Ctaient les seules anomalies visibles au scanner cerebral : la toxoplasmose est Ccartee par les serologies qui sont negatives.

A l’entree, le tableau clinique etait cot& en uti- lisant la classification americaine des troubles mentaux (DSM-IV), trouble envahissant du develop- pement de type desintegratif (axe 1) avec retard mental severe (axe 2) et Cpilepsie (axe 3).

Le diagnostic Ctait particulibrement difftcile & Ctablir, puisque 1’Ctiologie de l’epilepsie &it inconnue et que le pole autistique Ctait particuliere- ment d$veloppe (score autistique a 25 pour un total a 41 a 1’Echelle des comportements autistiques). Les criteres A du DSM IV pour troubles autistiques sont remplis : - Alterations quali~tives des interactions sociales : l pas de contact oculaire, pas ~utilisation de mimique faciale dans l’interaction ; l incapacite & Ctablir des relations correspondant au niveau de ddveloppement ; l ne cherche pas a partager ses plaisirs ; l manque de reciprocite sociale et Cmotionnelle. - Langage et communication : l absence totale de langage ; l absence de (( faire semblant )). - Caractere restreint et rep&itif des comportements : preoccupation persistante pour certaines parties des objets (lumibre, roues des petites voitures, creux des objets qu’il observe avec une chaine qu’il garde toujours avec lui).

Le DSM precise par ailleurs que le trouble autis- tique est parfois associe a la maladie de Boumeville. Cependant, le cas de Adrien parait mieux cot6 en

trouble desintegratif parce qu’il y a un net flechisse- ment des acquisitions apres un developpement normal jusqu’a deux ans.

Si on utilise la Classification franqaise des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA), on peut Bvoquer le diagnostic (( autre for-me d’autisme )) : - les troubles de la relation sont au premier plan (l’isolement est important avec pr&ence de manceuvres de retrait autistique, il n’y a pas de deve- loppement du langage et les Cmissions vocales se limitent a des ~ognements et B un babillage de voyelles) ; - il n’y a pas de stereotypic en dehors des preoccu- pations persistantes pour certaines parties des objets et on ne retrouve pas d’immuabilite ; - la dysharmonie du developpement cognitif est tres difficile a &valuer du fait d’un retard severe. La comprehension des situations est tres limitee et il ne semble pas avoir de rep&age temporospatial. Adrien n’a jamais d’utilisation adaptCe des objets’ qu’il explore par le toucher et le contact oral. 11 n’y a pas de comprehension du (( non P, ni des ordres simples. On note aussi une hypemctivit~ alternant avec des kpisodes de somnolence. I1 a des troubles du sommeil avec r&veils precoces et des troubles du comporte- ment alimentaire de type pica.

Malgre l’acide valpro’ique (DCpakine@), Adrien presente dans les mois qui suivent l’admission, une intensification de l’epilepsie avec une crise par jour environ, survenant de faqon preponderante la nuit. L’EEG s’est modifie : il y a des bouffees d’ondes aigues a la stimulation lumineuse sans pointes- ondes. Les crises persistent malgre le traitement et il est decide d’ad’oindre une benzodiazepine (~lobazam : 4 Urbanyl ) sans benefice durable. Un bilan approfondi est realid devant le caractere resis- tant de l’epilepsie. A l’IRM, on retrouve des nodules sous-ependymaires calcifies, associes a une lesion d’allure dysplasique cortico-sous-corticale frontale droite avec un discret Clargissement ventriculaire sus-tentoriel. A I’EEG, les traces de veille et de sommeil sont ma1 structures et mettent en evidence l’existence de sdquences d’ondes lentes frontales droites amples, non bloquees par l’ouvertures des yeux, diffusant aux regions frontales et centrotempo- rales gauches. La sclerose tubereuse de Bourneville est &oquee malgre l’absee_ce de lesion cutanee.

L’essai de la carbamaz~plne (T~~~tol*~ permet un a&t des crises pendant deux mois avec un meilleur rep&age temporospatial et une diminution de l’insta- bilite. Malheureusement les crises reprennent sur un autre mode : il y a d’abord une absence puis des myoclonies des membres superieurs accompagnees

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d’une rougeur de la face. La prescription de viga- batrin (Sabril@) ne permet qu’une amblioration tran- sitoire. La prCsentation clinique des crises Bvolue encore : tremblement fin des extrCmit& puis raidis- sement. L’EEG viddo permet de faire le lien entre la sCmiologie des crises et les perturbations Blectriques (rCvei1, tcarquillement des yeux puis dkviation d gauche, extension des membres supkrieurs &!vation du tronc et de la nuque, relflchement). L’activitC de base est lente et moyennement structurke. Les images en tomog~phie monophotonique (SPECT : single photon emission computed tomo~aphy) permettent d’apprkier le debit vasculaire c&bra1 qui est diminuC au niveau de la l&ion d&j8 rep&e en IRM.

La bonne corrdlation anatomo-Clectroclinique fait suspecter un tuber et permet de poser l’indication de l’intenrention chirurgicale qui a consist6 en l’abla- tion d’une dysplasie frontale droite. La partie r&C- q&e est la partie antkeure de F2 et F3 et du cortex orbitaire droit. 11 existe des calcifications en profon- deur se prolongeant vers le ventricule. L,‘examen ~atomopa~olo~que de la pi&e opkatoire confirme la maladie de Bo~eville. 11 n’y a pas de skquelle motrice & l’inte~ention chirurgicale et les crises d’kpilepsie s’interrompent. Les emegistrements Clectroenckphalographiques sont cependant encore perturb& nkessitant le maintien d’antibpileptiques (vigabatrin et carmabazdpine).

Adrien fait des progrks notables dans le domaine de la relation et de la communication. En effet, l’attention conjointe est parfois prksente, il n’est plus somnolent, il peut rester concentrk de courts instants sur des jeux et manifeste de l’intdr& aux 6changes avec l’adulte. La comm~ication avec les enfants n’est toujours pas investie. Malgrt=! 1’Cvolution favo- rable, le langage ne semble pas progresser. Ceci peut en partie s’expliquer par la r&e&on du pied de F2 F3 & droite et par la prkence d’une l&ion symkrique controlatkale qui correspond g l’aire de Broca. Les troubles du comportement alimentaire sont encore impressionnants. Les scores de I’ECA (Cchelle des comportements autistiques) ont CtC mod%& avec une diminution du score autistique B 16 pour un total de 40 : il recherche moins l’isolement mais est devenu turbulent et hCttroagressif.

En effet, quelques mois apr& I’intervention, l’agressivite est apparue d’abord vers les objets puis vers les personnes : elle est maintenant au premier plan. La m&e explique qu’il est plus agressif quand il est fatiguk, elle a fait le lien avec l’dpilepsie &ant don& l’aspect on-off (d&but et fin brusque sans raison apparente) des dpisodes d’agressivitd qui durent quelques minutes. Elle distingue l’agressivit8

de l’opposition. Actuellement, les crises de violence sont incontrdlables et pluriquotidiennes. 11 semble qu’il ait deux modes de contact agressif : un qui est inscrit dans la relation (jeu de poursuite avec une attention conjointe), et un deuxikme type d’agressi- vitC au tours de laquelle l’enfant se prkcipite sur un adulte ou un enfant sans raison et oti il agrippe tout azimut sans qu’on parvienne B le faire l&her prise. La question de l’origine Bpileptique de 1’agressivitC est posCe : 1’EEG toujours t&s perturb6 (activitb ma1 modulke, sCquence d’ondes lentes theta et delta en regard de la rbgion frontale droite et des anomalies asynchrones ~ontocen~ales gauches) ne permet pas de conclure.

DISCUSSION

Discussion diagnostique

A son enMe, Adrien ne prksentait pas un tableau d’autisme typique mais ce diagnostic aurait pu Ctre &oqut, C’est l’histoire qui a orient6 vers un trouble dCsintt?gratif et l’association avec une Cpilepsie a fait rechercher soi~eusement une Ctiologie organique au tableau psy~hiat~que. Dans le cas d’Adrien, la chirurgie a permis une stabilisation de l’epilepsie et une reprise des acquisitions. Le contact s’est amClior& le diagnostic d’autisme n’est plus mainte- nant envisageable et c’est l’aspect ddficitaire qui prCdomine. Ceci illustre que l’asso&ation retard mental et Cpilepsie trbs frkquente dans la STB, entraine une perturbation des acquisitions et un repli qui peuvent faire kvoquer B tort, le diagnostic d’autisme.

Le cas d’Adrien met en avant l’intrication du trouble autistique, de l’hypera~tivit~, de l’agressivitk et de l’kpilepsie chez les patients sou~ant d’une maladie de Boumeville ce qui etait annon& dans la litkature.

Quelles dimarches pour dkpister une maladie de Bourneville devant un tableau psychiatrique ?

Certains auteurs considerent qu’un trouble atitistique associk B une bpilepsie chez le jeune enfant doit faire rechercher une s&rose tubkreuse [ 133, surtout si les crises ont debut& prkocement et s’il s’agit de spasmes en flexion. L’anamnkse, l’examen cutank, le scanner c&%bral, au moindre doute l’IR.M, voir I’kchographie cardiaque et r&ale, doivent orienter le clinicien [20]. La maladie de Boumeville doit etre recherchCe parce qu’elle peut modifier la prise en charge.

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kpilepsie et troubles psychiatriques

Ce tableau clinique met en evidence la grande varia- bilite des manifestations epileptiques dans la STB (syndrome de West, crises generalisees ou partielles complexes : tremblements, reaction vasoplegique). Meme l’heteroagressivite nous est apparue comme pouvant etre d’origine Cpileptique mais cette Cven- tualite n’a pas CtC Cvoquee dans la litterature.

Ce cas clinique montre que l’epilepsie, meme si elle debute apres les deux premieres annees, peut avoir de lourdes repercussions sur le developpement. On pourrait meme considerer qu’il y a, dans ce cas clinique, une relation entre Cpilepsie et retard des acquisitions puisque l’enfant a progresse depuis la regression des crises.

Traitement mddicamenteux de l’kpilepsie

La comorbidite de l’epilepsie et de l’autisme est importante, cependant il y a peu d’etudes sur l’utili- sation des antiepileptiques chez l’autiste. 11 en est de mCme pour l’utilisation de ces medicaments dans la maladie de Bourneville au tours de laquelle, comme nous l’avons vu, l’epilepsie est particulibrement frequente.

Nous avons souligne qu’Adrien etait tres somno- lent avant la chirurgie, ce symptome peut etre attribue aux traitements medicamenteux ou aux phases post-critique des crises.

Gillberg, en 1991, a explique les effets nefastes des anticonvulsivants sur les symptomes negatifs de l’autisme (retrait, inertie, manque de motivation) mais, il expose l’amelioration de la symptomatologie autistique sow carbamazepine avec peu d’effets indesirables sur le comportement par rapport aux autres molecules [6].

Le lamotrigine (Lamictal@) a CtC CtudiC chez 50 enfants Cpileptiques dont 13 Ctaient autistes. 11 parait plus efficace sur les crises partielles et les absences et a montre une amelioration des perfor- mances et des symptomes autistiques chez huit autistes sur 13 [23].

Le vigabatrin (Sabrif) a une efficacite particuliere dans la STB : il permet chez le petit enfant souffrant d’hypsarythmie, une regression de l’epilepsie avec une reperfusion con&&e au SPECT de zones Cpileptogenes souvent temporales differentes des tubers [4].

Les effets indesirables des antiepileptiques ont CtC &dies de facon g&&ale. Tous les auteurs decon- seillent l’association de plusieurs medicaments. Ce principe peut Ctre cependant difficile a appliquer

comme dans le cas d’Adrien puisque l’epilepsie persistait malgre les prescriptions medicamenteuses. La phenyto’ine (Di-hydan@) est la molecule entrainant le plus de diminution des performances mnesiques, motrice et de concentration. Le phenobarbital (Gardenal@) n’entrave pas le developpement mais diminue les capacites mnesiques. L’acide valpro’ique (DCpakine@) a un effet moindre sur les performances mais semble plus fi-Cquemment agir sur le comporte- ment (agitation, irritabilite ou agressivite). Le carba- mazepine (TCgretol@) apparait comme le mieux tolere et surtout le moins sedatif des antidpilep- tiques classiques mais provoque des nausees et une elevation des enzymes hepatiques ne contre-indi- quant pas, le plus souvent, la poursuite du traitement. Le carbamazepine est aussi connu pour son effet thymoregulateur, mais des effets paradoxaux sont d&-its : agitation, irritabilite ou agressivite [22].

Les benzodiazepines entraveraient les perfor- mances cognitives et la concentration. Elles semble- raient avoir d’autres effets indesirables puisqu’ont CtC constatees une aggravation paradoxale de l’anxiete et la survenue de coleres dans 10 % des cas, surtout chez ceux presentant des tumeurs cerebrales [ 151. Ces molecules sont done dificiles a manier dans la STB.

IntCret de la chirurgie

Dans le cas d’Adrien, la chirurgie a permis une reprise des acquisitions. La litterature a deja fait part de progres constates apres la chirurgie mais les resul- tats ne sont pas stables dans le temps. Apres chirurgie, deux garcons atteints de maladie de Bour- neville, Cpileptiques et autistes se sont ameliores. Mais pour l’un d’entre eux, la diminution des signes autistiques (amelioration des scores, meilleure adap- tation sociale avec diminution de l’heteroagressivite, meilleure utilisation du langage, augmentation du QI) n’a CtC que provisoire [5].

La resection des tubers peut diminuer l’epilepsie et c’est pour cela qu’une intervention chirurgicale a CtC pratiquee dans notre exemple. La chirurgie peut etre proposee quand les tubers provoquent d’autres complications (compression, hypertension intra- cranienne), mais elle n’est souvent que partielle, &ant donne la multiplicite des localisations dans la STB. Par ailleurs, elle n’est pas sans risque (nous avons souligne l’absence de progres dans le domaine du langage comme pouvant etre secondaire a la resection chirurgicale) et les indications sont a poser avec prudence.

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CONCLUSION

La maladie de Bourneville est une maladie genetique au cow-s de laquelle l’epilepsie, le retard mental, les troubles envahissants du developpement et d’autres manifestations psychiatriques sont frequents. 11 est done indispensable de proposer un suivi psychia- trique systematique chez les patients atteints de sclerose tubereuse. Inversement, il faut, devant un tableau associant troubles envahissants du develop- pement et Cpilepsie, penser au diagnostic de maladie de Boumeville et demander les investigations necessaires parce que ce diagnostic peut modifier la conduite a tenir.

Le traitement conseille pour l’epilepsie du nour- risson atteint de maladie de Boumeville est le viga- batrin. Le carbamazepine, le lamotrigine n’ont pas CtC CtudiC dans la sclerose tubereuse mais ils semblent &t-e les mieux toleres des anticonvulsivants et peuvent Ctre utilises en premiere intention. La chirurgie peut etre parfois proposee pour l’epilepsie ou bien lors d’autres complications likes aux processus expansifs intracerebraux.

L’association maladie de Boumeville, trouble autistique permet comme nous l’avons vu, une approche genetique interessante des troubles enva- hissants du developpement meme si les mecanismes physiopathologiques d’intrications des tubers, de l’epilepsie, du retard et des troubles psychiatriques sont encore ma1 connus.

REMERCIEMENTS

Nous remercions toute l’equipe de l’unite Arc-en- Ciel pour sa collaboration dans la prise en charge de l’enfant dont il a CtC question ici et pour sa disponi- bilite qui a permis la realisation de cet article.

RRFRRENCES

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