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Annales de dermatologie et de vénéréologie (2008) 135, 187—193

Disponib le en l igne sur www.sc iencedi rec t .com

MÉMOIRE ORIGINAL

Prévalence des manifestations dermatologiqueschez les malades infectés par le VIH au Sénégalet association avec le degré d’immunodépression

Prevalence of skin disorders in HIV patients in Senegal and relationshipto degree of immunosuppression

G. Monsela, F. Lyb, A. Canestri a, P. Dioussec,B. Ndiayed, E. Caumesa,∗

a Service des maladies infectieuses et tropicales, groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière,Assistance publique—Hôpitaux de Paris, 47—83, boulevard de l’Hôpital,75651 Paris cedex 13, Franceb Service de dermatologie, institut d’hygiène sociale de Dakar, Sénégalc Service de dermatologie, hôpital régional de Thiès, Sénégald Service de dermatologie, hôpital Aristide-Le-Dantec, Dakar, Sénégal

Recu le 3 avril 2007 ; accepté le 23 novembre 2007Disponible sur Internet le 7 mars 2008

MOTS CLÉSInfection à VIH ;Peau et VIH

RésuméBut. — L’objectif de cette étude était de déterminer s’il existait une association significativeentre le type ou le nombre de manifestations dermatologiques chez les malades séropositifspour le VIH au Sénégal et le degré d’immunodépression évalué par le nombre de CD4 ou le stadeclinique CDC.Méthode et malades. — Tous les malades consécutifs infectés par le VIH et suivis dans troiscentres de dermatologie sénégalais entre le 1er janvier 2004 et le 1er janvier 2006 ont été

évalués rétrospectivement quant aux manifestations dermatologiques, au nombre de CD4 et au stade clinique CDC. Résultats. — Cent quarante-neuf malades ayant 331 manifestations dermatologiques ont étéinclus. Les dermatoses les plus fréquentes étaient la candidose orale (53 %), le zona (24 %), leprurigo (24 %) et les dermatophyties (16 %). Le nombre de manifestation cutanée était signi-ficativement plus important chez les malades ayant moins de 200 CD4 par millimètre cube

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (E. Caumes).

0151-9638/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.annder.2007.11.022

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ou classés stade C de la classification CDC. Deux dermatoses (candidose orale et chromonychies)étaient significativement associées (p < 0,05) à des CD4 inférieurs à 200 par millimètre cube etquatre dermatoses étaient associées au stade sida (trichopathie soyeuse, herpès, candidoseorale et xérose).Conclusions. — Les manifestations dermatologiques ont un intérêt à la fois diagnostique et pro-nostique. Il existe des spécificités liées à la peau noire : les mélanonychies longitudinales etles pigmentations unguéales bleues, semblent être un marqueur d’immunodépression avancéeet la trichopathie soyeuse est associée au stade clinique sida, probablement par le biais d’unedénutrition.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSHIV infection;Skin and HIV

SummaryBackground. — The aim was to evaluate the association between dermatological findings inHIV-infected patients in Senegal and degree of immunosuppression and HIV stage.Patients and methods. — All consecutive HIV infected patients followed up at three dermatologycentres in Senegal from 01 January 2004 to 01 January 2006 were evaluated retrospectivelyregarding dermatological findings, CD4 cell count and HIV stage.Patients and methods. — One hundred and forty-nine patients with 331 skin diseases were eva-luated. The most common forms of dermatosis were oral candidiasis (53%), herpes zoster (24%),prurigo (24%) and dermatophytosis (16%). An increasing number of skin diseases was significantlyassociated with CD4 counts of below 200 per cubic millimeter and Aids diagnosis. A significantassociation (p < 0.05) was found between two types of dermatosis (oral candidiasis and chromo-nychia) and CD4 counts of below 200 per cubic millimeter and between four types of dermatosis(straightened hair, herpes, oral candidiasis and xerosis) and Aids diagnosis.Conclusion. — Dermatological findings are of great diagnostic and prognostic significance. Wefound some features specific to black skin: longitudinal melanonychia and blue ungueal pigmen-tation potentially related to immunosuppression and straightened hair, associated with Aids,probably resulting from denutrition.

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© 2008 Elsevier Masson SAS

a situation du VIH au Sénégal est caractérisée par une épi-émie stable, avec une séroprévalence faible, de l’ordree 1,4 % dans la population générale, 2 % chez les femmesnceintes et les donneurs de sang et supérieure à 5 % danses groupes à risque [1].

Les manifestations dermatologiques associées à’infection par le VIH et au sida sont très fréquentes,arfois même présentes dans 100 % des cas [2,3]. Cesanifestations sont plus fréquentes et plus sévères au fur

t à mesure que les fonctions immunitaires diminuent [4].a plupart de ces manifestations sont opportunistes, liéesdes agents infectieux viraux, bactériens, parasitaires ou

ongiques. La valeur pronostique péjorative de certainese ces manifestations est bien connue puisque certainesont partie de la classification CDC [5] et permettent delasser cliniquement le malade aux stades B (candidoserale, candidose vaginale persistante, leucoplasie oralehevelue, zona récurrent ou envahissant plus d’un derma-ome) ou C (infection herpétique supérieure à un mois,aladie de Kaposi, tuberculose cutanée). En revanche, la

aleur pronostique de nombreuses autres manifestationsermatologiques est moins bien établie.

Plusieurs études descriptives ont évalué, en Afrique,a prévalence des différentes manifestations dermatolo-

iques [6—10], les manifestations révélatrices [11,12] et laaleur prédictive positive (VPP) des manifestations dermato-ogiques chez les malades infectés par le VIH [13—16]. Seuleseux études africaines ont évalué l’association avec le degré

i2epV

s droits réservés.

’immunodépression [17,18]. Pourtant en Afrique, dans cer-aines régions, le recours à des examens de laboratoires,otamment la numération des CD4, peut être extrêmementifficile et l’examen dermatologique en est d’autant plusmportant.

L’objectif de cette étude était de déterminer s’il existaitne association significative entre le type ou le nombre deanifestations dermatologiques chez les malades séroposi-

ifs pour le VIH au Sénégal et le degré d’immunodépressionvalué par le nombre de CD4 ou le stade clinique CDC.

alades et méthodes

l s’agissait d’une étude descriptive rétrospective incluantous les malades consécutifs, séropositifs pour le VIH,us exclusivement en consultation de dermatologie. Lesalades ont été examinés par deux dermatologues référentsans trois centres de dermatologie sénégalais (l’hôpital.-Le-Dantec et l’institut d’hygiène sociale à Dakar ;

’hôpital régional de Thiès) sur une période de deux ans1er janvier 2004 au 1er janvier 2006). Les données ont étéecueillies par l’analyse du dossier des malades par un seul

er

nvestigateur entre le 1 novembre 2005 et le 31 janvier006. Les critères d’inclusion étaient l’existence d’unxamen clinique dermatologique consigné dans le dossier,ar le dermatologue référent, la présence d’une sérologieIH positive, confirmée par Western Blot et la numération
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Prévalence des manifestations dermatologiques chez les malade

Tableau 1 Caractéristiques épidémiologiques, cli-niques et biologiques des 149 patients VIH.

Caractéristiques n %

Sexe Homme 65 44Femme 84 56

Mode decontamination

Hétérosexuel 148 99Homosexuel 0 0Transmissionmaternofœ-tale

1 1

Statutmatrimonial

Célibataire 49 33Monogame 61 41Polygame 39 26

Infection VIHdéja connue

Oui 24 16Non 125 84

Stade CDC A 13 9B 89 60C 47 31

Sérotype VIH 1 137 92VIH 2 9 6VIH 1 + 2 3 2

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de révélation de l’infection par le VIH chez 84 % des malades

CD4 CD4 < 200/mm3 98 66CD4 > 200/mm3 51 34

des CD4 concomitante de l’examen clinique (délai de troismois précédant ou suivant la manifestation dermatologiqueaccepté). Le diagnostic des manifestations dermatologiquesétait principalement clinique, confirmé dans toute la mesuredu possible par des prélèvements microbiologiques ouanatomopathologiques, lorsque ceux-ci étaient nécessaires.

L’analyse statistique a utilisé les méthodes classiquesd’analyse univariée (test du �2 ou Test de Fisher si leseffectifs n’étaient pas suffisants). La valeur de p inférieureà 0,05 a été considérée comme significative. L’analyse aété conduite en utilisant le logiciel Statistical Package forSocial Sciences (SPSS) version 13.0. La valeur seuil des CD4a été choisie à 200 par millimètre cube pour une meilleureinterprétation clinique, car ce chiffre correspond à un tauxd’immunodépression nécessitant la mise en place d’un trai-tement antirétroviral chez les malades au stade A de laclassification CDC au Sénégal, dans le cadre de l’initiativesénégalaise d’accès aux antirétroviraux (Isaarv).

L’analyse multivariée a été effectuée par régressionlogistique en utilisant la méthode pas à pas descendanteaprès avoir inclus toutes les variables associées à la variabled’intérêt en analyse univariée avec un degré de significationinférieur à 20 %.

Résultats

L’ensemble des caractéristiques des 149 malades est résumédans le Tableau 1. Cent quatre-vingt-douze dossiers demalades VIH suivis en dermatologie ont été analysés, parmilesquels 43 (22 %) ont été exclus en raison de l’absence de

numération des CD4.

Sur les 149 malades inclus, 81 (54 %) provenaient del’hôpital A.-Le-Dantec à Dakar, 22 (15 %) de l’institutd’hygiène sociale à Dakar et 46 (31 %) de l’hôpital régional

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s infectés par le VIH 189

e Thiès. L’âge médian (min—max) des malades était de 42ns (9—75). La médiane (min—max) des CD4 était 147 parillimètre cube (1—605 par millimètre cube).Le nombre total de manifestations dermatologiques dans

a cohorte des 149 malades était de 331. La médianemin—max) du nombre de manifestations dermatologiquesar malade était de 2 (0—8). Six malades (4 %) n’avaientucune manifestation dermatologique (sujets contacts sui-is dans le même centre). Les fréquences des différentesanifestations dermatologiques et la médiane des CD4 qui

eur était associée sont présentées dans le Tableau 2. Lesermatoses les plus fréquentes étaient la candidose buccale53 %), le zona (24 %), le prurigo (24 %) et les dermatophyties16 %). Parmi les dermatoses infectieuses, les manifestationsongiques étaient les plus fréquentes, suivies des manifes-ations virales, parasitaires et bactériennes.

Le nombre de manifestations dermatologiques était signi-cativement plus important chez les malades ayant moinse 200 CD4 par millimètre cube ou classés au stade C dea classification CDC (p = 0,003 et p = 0,02 respectivement)Tableau 3).

Le Tableau 4 présente l’association des manifestationsermatologiques les plus fréquentes avec le nombre de CD4.ne association statistiquement significative (p < 0,05) a étérouvée entre deux dermatoses (candidose buccale, chro-onychies) et des CD4 inférieur à 200 par millimètre cube.

es chromonychies sont définies comme une coloration anor-ale de la kératine de l’ongle. Les chromonychies incluaient

es pigmentations unguéales bleues (75 % des cas) et lesélanonychies longitudinales (25 % des cas). Ces anoma-

ies pigmentaires étaient apparues en dehors de toute priseédicamenteuse, en particulier de zidovudine (AZT).L’association des manifestations dermatologiques avec

e stade clinique CDC est également présentée dans leableau 4. En plus de la maladie de Kaposi (MK), asso-iées par définition au stade C, quatre autres dermatosestaient statistiquement associées au stade sida : la tricho-athie soyeuse (p = 0,005), l’herpès (p = 0,002), la candidoserale (p = 0,014) et la xérose (p = 0,034). À l’opposé, le zonatait statistiquement associé aux stades A ou B (p < 0,0001).

L’analyse multivariée n’a rapporté aucun résultatotable.

iscussion

ette étude, malgré la faiblesse du nombre de maladesnclus, est la première à documenter les manifesta-ions dermatologiques et leur association avec le degré’immunosuppression au Sénégal. Cependant, le caractèreétrospectif de cette étude limite la validité des donnéesar manque de recueil systématique des dermatoses à l’aide’un questionnaire préétabli. C’est la troisième étude de ceype en Afrique après celle réalisée en Tanzanie [17] et auameroun [18]. En revanche, plusieurs études occidentales19—24] et une Asiatique [25] ont étudié cette association.

La ou les manifestations dermatologiques étaient le mode

e notre étude. Cela rappelle l’importance de l’examen cli-ique dermatologique dans le dépistage de cette infection.’ailleurs, la VPP de certaines manifestations dermato-

ogiques comme la MK, le zona, le prurigo, la dermite

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Tableau 2 Fréquence et médiane des CD4 des 331 manifestations dermatologiques parmi 149 patients VIH.

Manifestations dermatologiques n (%) Médiane des CD4/mm3 [min—max]

Manifestations fongiquesCandidoses 88 (59) 95 [1—605]

Candidose orale 79 (53) 80 [1—375]Candidose génitale 14 (9) 135 [2—605]Candidose des plis 4 (3) 163 [3—376]Onyxis candidosique 2 (1) 162 [33—191]Candidose anale 1 (1) 90

Dermatophyties 24 (16) 183 [2—594]Peau glabre 16 (11) 146 [22—594]Teignes 9 (6) 183 [2—291]Unguéales 5 (3) 128 [29—258]Plis 2 (1) 322 [296—348]

Cryptococcose 1 (1) 48

Manifestations viralesZona 35 (24) 199 [22—597]Maladie de Kaposi 15 (10) 191 [2—442]Herpès (cutanéomuqueux, aigu et chronique) 12 (8) 34 [1—241]Verrues vulgaires 7 (5) 222 [2—564]Condylomes 5 (3) 305 [46—651]Molluscum contagiosum 4 (3) 111 [22—182]Leucoplasie orale chevelue 4 (3) 95 [58—300]Varicelle 2 (1) 58 [38—78]

Manifestations parasitairesGale 11 (7) 159 [6—305]Leishmaniose 2 (1) 74 [40—107]

Manifestations bactériennesInfections cutanées bactériennes (folliculite,

furoncle, abcès, dermohypodermite)7 (5) 197 [21—320]

Mycobactériose cutanée 2 (1) 427 [260—594]Syphilis 1 (1) 40

Autres manifestationsPrurigo 36 (24) 73 [1—594]Dermite séborrhéique 11 (7) 147 [20—358]Trichopathie soyeuse 9 (6) 112 [2—260]Chromonychies 8 (5) 54 [1—169]Dermatite atopique 7 (5) 162 [6—208]Xérose 5 (3) 100 [6—216]Psoriasis 3 (2) 305 [65—375]Acné 3 (2) 320 [178—403]Toxidermie 3 (2) 109 [1—163]Erythrodermie 1 (1) 375

Tableau 3 Nombre de manifestations dermatologiques en fonction du taux de CD4 (< ou > 200 par millimètre cube etdu stade CDC (C et A ou B) chez 149 patients séropositifs pour le VIH.

Nombrede manifestations dermatologiques

Nombre depatients

CD4< 200/mm3

CD4 >200/mm3

p Stade Aou B

Stade C p

n (%) n (%) n (%) n (%) n (%)

0 6 (6) 5 (5) 0 (0)

p = 0,003

5 (5) 0(0)

p = 0,021 55 (37) 28 (29) 29(57) 47(46) 10(21)

2 34 (23) 28 (29)3 ou plus 54 (36) 37 (38)

9(18) 20(20) 17(36)13(26) 30(29) 20(43)

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Prévalence des manifestations dermatologiques chez les malades infectés par le VIH 191

Tableau 4 Association des manifestations dermatologiques les plus fréquentes avec le taux de CD4 chez 149 patients.

Manifestationdermatologique

Total CD4 < 200(n = 98)

CD4 > 200(n = 51)

p Stade Aou B

Stade C(sida)

p

Candidose orale 79 (53 %) 65 (66 %) 14 (28 %) p < 0,0001 47 (46 %) 32 (68 %) p = 0,014Prurigo 36 (24 %) 27 (28 %) 9 (18 %) ns 21 (20 %) 15 (32 %) nsZona 35 (24 %) 19 (19 %) 16 (31 %) ns 33 (32 %) 2 (4 %) p < 0,0001Dermatophyties 24 (16 %) 16 (16 %) 8 (16 %) ns 19 (19 %) 5 (10 %) nsMaladie de Kaposi 15 (10 %) 8 (8 %) 7 (14 %) ns 0 (0 %) 15 (32 %) p < 0,0001Candidose génitale 14 (9 %) 10 (10 %) 4 (8 %) ns 3 (6 %) 11 (11 %) nsHerpès 12 (8 %) 11 (11 %) 1 (2 %) p = 0,06 3 (3 %) 9 (19 %) p = 0,002Dermite séborrhéique 11 (7 %) 8 (8 %) 3 (6 %) ns 7 (7 %) 4 (9 %) nsGale 11 (7 %) 8 (8 %) 3 (6 %) ns 8 (8 %) 3 (6 %) nsTrichopathie soyeuse 9 (6 %) 6 (6 %) 3 (6 %) ns 2 (2 %) 7 (15 %) p = 0,005Chromonychies 8 (5 %) 8 (8 %) 0 (0 %) p = 0,05 5 (5 %) 3 (6 %) nsVerrues vulgaires 7 (5 %) 3 (3 %) 4 (8 %) ns 5 (5 %) 2 (4 %) nsDermatite atopique 7 (5 %) 6 (6 %) 1 (2 %) ns 6 (6 %) 1 2 %) nsInfections cutanées

bactériennes7 (5 %) 5 (5 %) 2 (4 %) ns 5 (5 %) 2 (4 %) ns

Condylomes 5 (3 %) 2 (2 %) 3 (6 %) ns 4 (4 %) 1 (2 %) nsXérose 5 (3 %) 4 (4 %) 1 (2 %) ns 1 (1 %) 4 (9 %) p = 0,034Molluscum

contagiosum4 (3 %) 4 (4 %) 0 (0 %) ns 2 (2 %) 2 (4 %) ns

Leucoplasie orale 4 (3 %) 3 (3 %) 1 (2 %) ns 2 (2 %) 2 (4 %) ns

)

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cispdpcop

cheveluePsoriasis 3 (2 %) 1 (1 %) 2 (4 %

séborrhéique (DS) ou la trichopathie soyeuse est élevée enAfrique [12—16].

La comparaison des fréquences des dermatoses de notreétude avec celles observées dans les autres pays est dif-ficile car les études diffèrent sur plusieurs points : lemode de recrutement (dermatologique [19,23,25,26] ouextradermatologique [7,8,17,18,21,22]), l’approche rétros-pective [23,27] ou prospective [7,8,17—19,21,22,24—26],le traitement antirétroviral (présent ou absent), le niveaud’immunodépression, le mode de contamination et le niveausocioéconomique.

Dans notre étude, la prévalence de la MK (10 %) était simi-laire à celle observée dans une étude récente au Cameroun[18] alors que la MK était quasi inexistante en Asie [25,26] etpeu fréquente en Europe et aux États-Unis en dehors de lacommunauté homosexuelle [19]. Ces disparités peuvent êtreexpliquées d’une part par une séroprévalence pour le virusHHV8 forte (> 40 %) en Afrique et faible (< 5 %) aux États-Unis, en Europe du Nord et en Asie [28] et d’autre part parle mode de contamination préférentiellement homosexueldans les pays occidentaux.

La fréquence de la DS dans notre étude et dans les autresétudes africaines était relativement faible (de 5,2 [8] à 10 %[7]), contrairement à celle observée en Europe (21 % [19]) eten Asie (47 % [25]). En dépit de cette relative rareté de la DSsur peau noire [29], il a été montré que cette manifestationétait fréquemment révélatrice de l’infection par le VIH [12]et sa VPP pour l’infection par le VIH était élevée (48 %) au

Mali [11].

Le prurigo était fréquent dans notre étude confirmantsa forte prévalence dans les pays tropicaux comparée auxpays occidentaux. Sa VPP est élevée en Afrique : 87 % auZaïre [15], 82 % en Zambie [7], 76 % en Ouganda [8] et 46 %

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ns 3 (3 %) 0 (0 %) ns

u Mali [13], ainsi qu’en Haïti [30]. La physiopathologie deette manifestation reste incertaine, mais une hypothèsectuellement retenue sur des arguments histologiques estelle d’une hypersensibilité aux piqûres d’insectes, exagé-ée chez les malades séropositifs pour le VIH [31].

Comme dans les études menées sur différents conti-ents (Togo [10], Royaume-Uni [22], États-Unis [4,24,27],haïlande [25]) nous avons trouvé que le nombre deanifestations dermatologiques augmente avec le degré’immunodépression.

Cependant peu d’études ont corrélé le degré’immunodépression au type de manifestations der-atologiques. Au Cameroun, la MK et la gale étaient

tatistiquement associées à une lymphopénie CD4 [18]. Enurope et aux États-Unis, les dermatoses le plus souventssociées à une immunodépression forte sont la candidoserale, la MK, la xérose, les molluscum contagiosum, lerurigo et les condylomes [19—24].

Dans notre étude, seules la candidose buccale et leshromonychies étaient significativement associées à des CD4nférieurs à 200 par millimètre cube. Le choix d’une valeureuil des CD4 à 200 par millimètre cube est discutable sur lelan statistique même si c’est le choix fait dans la plupartes études [20,22,24,25]. Ce choix est responsable d’uneerte de puissance statistique. En effet, en utilisant laomparaison des médianes des CD4 des malades ayantu non la manifestation, nous confirmons les donnéesrécédentes, mais nous trouvons également une médiane

ignificativement plus basse chez les malades ayant unrurigo et un herpès (p = 0,014 et p = 0,010 respectivement).otre étude montre, comme d’autres études, que la can-idose buccale est un bon marqueur d’immunodépression19,20,24].
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Les chromonychies sont un signe d’appréciation très sub-ective, difficile à diagnostiquer chez des sujets à peauoire puisqu’il existe des pigmentations unguéales linéairesénignes d’origine ethnique [29]. Dans notre étude, cetteigmentation unguéale bleue était apparue de facon récentehez des malades qui ne prenaient pas de zidovudine (AZT),édicament classiquement incriminé dans les chromony-

hies [32]. Des manifestations identiques ont déjà étéécrites sur peau noire, en dehors de toute prise médi-amenteuse, chez des malades séropositifs pour le VIH29,33—36]. La coloration bleue touchait la totalité de’ongle, débutant à la lunule et s’étendant en périphé-ie, sans jamais régresser ultérieurement, à la différencees pigmentations secondaires à la prise d’AZT. Nous avonsrouvé une association avec le degré d’immunodépressionomme dans une étude africaine récente [37].

Dans notre étude, les dermatophyties n’étaient pas sta-istiquement associées à une lymphopénie CD4. Celles-cieuvent survenir très précocement dans l’histoire natu-elle de l’infection VIH, en moyenne pour un taux deD4 de 500 par millimètre cube. Parmi les dermato-hyties, certaines études montrent une association entreeigne de l’adulte et immunosuppression [38—40], d’autreson [41]. Dans notre cohorte, huit malades avaient uneeigne profuse du cuir chevelu et sept d’entre eux avaientes CD4 inférieurs à 200 par millimètre cube. Malgré’absence de significativité, due peut-être au manque deuissance, cela plaide en faveur d’une immunodépressionmportante chez ces malades ayant des dermatophytiestendues.

La trichopathie soyeuse, qui revêt également un carac-ère subjectif, était statistiquement associée au stade sidat non au taux de CD4. Une seule étude [16] s’est intéres-ée à cette manifestation et trouve une VPP pour l’infectionVIH très élevée (97 %). Les auteurs rwandais émettaient

’hypothèse que le défrisage des cheveux pourrait être plusié à la dénutrition qu’à l’immunodépression. De même,ans notre étude, sept malades sur les neuf ayant une tri-hopathie soyeuse avaient un syndrome cachectique qui leslassait au stade C de la classification CDC. La trichopathieoyeuse pourrait donc être associée au stade sida par le biais’une dénutrition et indépendamment du déficit immuni-aire.

Nous avons mis en évidence une association significa-ive entre le stade C et la xérose (cinq cas), commeans une étude espagnole [21], mais pas avec le degré’immunodépression. Il est difficile de conclure compte tenuu faible nombre de malades ayant une xérose, probable-ent lié à l’absence de recueil exhaustif des manifestationsermatologiques, mais de même que pour la trichopathieoyeuse, il est possible que l’état nutritionnel altéré desalades au stade C soit un facteur confondant.

onclusion

otre étude montre l’importance de l’examen clinique

ermatologique, qui présente un double intérêt, diag-ostique (découverte de séropositivité VIH à l’occasion’une manifestation dermatologique) et pronostique (cer-aines manifestations sont un bon indicateur du degré’immunodépression). Ce deuxième intérêt prend toute son

[

G. Monsel et al.

mportance en Afrique où le recours à des examens de labo-atoire peut-être particulièrement difficile.

De plus, nous avons mis en évidence certaines spécifici-és liées à la peau noire : les mélanonychies longitudinales etigmentations unguéales bleues semblent être un marqueur’immunodépression avancée et la trichopathie soyeuse esttatistiquement associée au stade clinique sida, très proba-lement par le biais d’une dénutrition.

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Page 7: Prévalence des manifestations dermatologiques chez les malades infectés par le VIH au Sénégal et association avec le degré d’immunodépression

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