Transcript
Page 1: Reconnaissance de l’émotion faciale et schizophrénie

L’évolution psychiatrique 74 (2009) 123–135

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Visages

Reconnaissance de l’émotion faciale et schizophrénie�

Facial emotion recognition in schizophrenia

Valérian Chambon a,∗, Jean-Yves Baudouin a,b

a Doctorant, UMR 5229 CNRS, centre de neuroscience cognitive, institut des sciences cognitives,67, boulevard Pinel, 69675 Bron cedex, France

b Maître de Conférence, département de psychologie, université de Bourgogne, pôle AAFE,esplanade Erasme, BP 26513, 21065 Dijon cedex, France

Recu le 1er aout 2008 ; accepté le 18 decembre 2008Disponible sur Internet le 4 fevrier 2009

Résumé

La schizophrénie se caractérise par une large gamme de déficits dans les compétences interpersonnelles.Une manière d’aborder ces déficits consiste naturellement à explorer la capacité des patients schizophrènesà traiter des stimuli dont l’importance psychosociale est avérée : les visages, par exemple. Il est aujourd’huiadmis que les patients schizophrènes souffrent de difficultés importantes en matière de reconnaissance et dediscrimination faciales. Ces difficultés ont été mises en évidence dans des paradigmes variés, incluant destests de reconnaissance d’identité, d’émotion ou d’âge. L’étendue de ces troubles suggère l’altération d’unmécanisme de traitement commun à tous les types d’information faciale. À ce titre, le processus d’extractiondes informations configurales a été considéré comme un candidat privilégié. Néanmoins, peu d’études ontdirectement testé cette hypothèse. Après avoir procédé à une revue de la littérature, nous présenterons unesérie d’études destinées à évaluer l’implication probable des informations de configuration dans le traitementdysfonctionnel de l’émotion faciale chez le patient schizophrène.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract

A broad range of deficits in interpersonal skills characterizes schizophrenia. A natural way to tackle thesedeficits is to explore the ability of schizophrenic patients to process stimuli that have a well-establishedpsychosocial content: faces, for instance. Schizophrenia deficits in facial recognition and discriminationhave been studied extensively and most investigators have pointed out that patients with schizophrenia

� Toute référence à cet article doit porter mention : Chambon V, Baudouin JY. Reconnaissance de l’émotion faciale etschizophrénie. Evol psychiatr 2009; 74.

∗ Auteur correspondant.Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (V. Chambon).

0014-3855/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.evopsy.2008.12.014

Page 2: Reconnaissance de l’émotion faciale et schizophrénie

124 V. Chambon, J.-Y. Baudouin / L’évolution psychiatrique 74 (2009) 123–135

perform less well than non-patients and psychiatric controls in numerous facial paradigms, including facialidentity, emotion and age recognition tests. The extent of the schizophrenic deficit suggests the alteration ofa processing mechanism common to all kinds of facial information and the configural information extractionprocess has then been regarded as a probable candidate. Nevertheless, only a few studies directly tested thehypothesis. In what follows, we draw a general schema of the schizophrenia deficit in facial processing,next we present a series of studies investigating the putative implication of configural information in theabnormal processing of facial emotion in the disease.© 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Mots clés : Visage ; Identité ; Émotion ; Schizophrénie ; Informations configurales

Keywords: Face; Identity; Emotion; Schizophrenia; Configural information

1. Introduction

Les visages constituent une catégorie de stimuli bien particulière. À la fois marqueur del’identité personnelle et du statut social de l’individu (le sexe, l’origine ethnique ou l’âge, parexemple), le visage représente également un moyen de communication dont le contenu, biensouvent, excède ce que les mots seuls ne peuvent transmettre. De fait, il est depuis longtempsadmis que la reconnaissance et l’interprétation des informations faciales jouent un rôle majeurdans la régulation de nos comportements sociaux. En témoignent, invariablement, les difficultésd’adaptation sociale que rencontrent les patients souffrant d’un trouble, sélectif ou diffus, dutraitement de l’information faciale : c’est le cas de la prosopagnosie [1], des troubles du spectreautistique [2], mais également de la schizophrénie [3].

Il est aujourd’hui admis que les patients schizophrènes souffrent de difficultés importantes enmatière de reconnaissance et de discrimination faciales. Ces difficultés ont été mises en évidencedans des paradigmes variés, incluant des tests de reconnaissance d’identité, d’émotion ou d’âge[4–8]. Si ces troubles semblent affecter particulièrement la catégorie des visages, leur nature etleur étendue font encore toutefois l’objet de vives controverses :

• ces difficultés sont-elles généralisables à l’ensemble des informations faciales ou sont-ellesplus prononcées pour un type d’information en particulier (l’expression faciale, par exemple) ?Naturellement, la mise en évidence d’un trouble différentiel est susceptible d’avoir des réper-cussions qui dépassent le seul champ d’investigation de la schizophrénie. On touche ici à laquestion de la modularité de l’esprit [9] : que des déficits puissent affecter, dans la schizophrénieou ailleurs, le traitement d’une catégorie spécifique ou d’un type d’information particulier sug-gère l’existence de mécanismes cérébraux (ou « modules ») spécifiquement dédiés au traitementde cette catégorie ;

• la deuxième interrogation est directement liée à la première. La schizophrénie est une pathologiepsychiatrique caractérisée par un large éventail de déficits cognitifs ; il n’est donc pas exclu queles troubles que présentent les patients schizophrènes en matière de traitement facial résultent,en amont, de l’altération d’une aptitude plus générale, affectant les registres du langage, de lamémoire, de la perception ou de l’attention par exemple ;

• enfin, la schizophrénie est une affection trop hétérogène pour être appréhendée d’un seul blocet, de fait, il est peu probable qu’un seul mécanisme explique toutes ses manifestations. Il estdonc indispensable d’aborder la question dimension par dimension, en examinant plus avant

Page 3: Reconnaissance de l’émotion faciale et schizophrénie

V. Chambon, J.-Y. Baudouin / L’évolution psychiatrique 74 (2009) 123–135 125

les liens que ce déficit pour le traitement des visages entretient avec les différents symptômesde la maladie.

Nous verrons au final que l’orientation actuelle des recherches invite à considérer le déficitsous la perspective de mécanismes généraux, susceptibles de mobiliser des processus communs àtoutes les informations faciales d’une part (identité, émotion, âge), et dont le champ d’applicationdéborde la seule catégorie des visages d’autre part. Plusieurs hypothèses, souvent complémen-taires, concourent aujourd’hui à éclaircir la nature de ces processus. Parmi elles, l’hypothèsed’un traitement anormal des informations dites « configurales » figure au premier plan et nousprésenterons en seconde partie une série d’études destinées à évaluer l’implication probable deces informations dans le traitement, normal ou dysfonctionnel, des visages.

2. Un déficit de traitement généralisé à toute l’information faciale ?

Un débat dans la littérature a longtemps partagé les chercheurs : s’il est admis que les patientsschizophrènes ont des difficultés avec le traitement du matériel facial, ces difficultés affectent-ellestoutes les informations véhiculées par le visage ? Cette perturbation semble au moins spécifiquede la catégorie des visages puisqu’on ne la retrouve pas pour le traitement de stimuli non faciaux,même complexes. Dans une expérience qui manipule des visages dégradés « non reconnais-sables » et non-dégradés « reconnaissables », Williams et al. [10] ont en effet montré de manièreconvaincante que les performances des patients schizophrènes en reconnaissance ne différaientdes sujets témoins que pour les visages non-dégradés, c’est-à-dire nettement identifiables commedes visages et traités comme tels.

Cette perturbation, spécifique de la catégorie « visage », pourrait être occasionnée par uneincapacité à traiter, puis à intégrer les traits caractéristiques qui véhiculent une significationsociale ou qui impliquent une évaluation affective [11]. De fait, on peut raisonnablement supposerque ce déficit devrait être encore plus marqué pour l’émotion faciale, puisque l’informationvéhiculée possède en ce cas une signification double, affective et sociale. De fait, la positionqui l’a d’abord emporté a été celle de la spécificité : les patients schizophrènes présenteraient undéficit caractéristique pour le traitement des émotions faciales.

2.1. L’hypothèse d’un déficit spécifique au traitement de l’émotion faciale

En soi, cette hypothèse n’a rien de surprenant. La perturbation de l’affect est un des traitscardinaux de la schizophrénie [12] et des problèmes avec le traitement de l’expression facialeémotionnelle ont été soulignés dès les premières descriptions de la maladie [13]. Plus récem-ment, de nombreuses études ont relevé des contradictions entre l’expression corporelle etl’expérience émotionnelle subjective des patients schizophrènes. Lorsqu’on leur présente surun écran des scènes émotionnellement connotées, les patients schizophrènes affichent en effetune expressivité faciale réduite alors qu’ils rapportent une expérience subjective de la scèneémotionnelle similaire à celle des sujets témoins [14,15]. L’activité faciale spontanée et volon-taire des patients schizophrènes (imitation et simulation de six émotions basiques) est égalementmoins importante que celle de sujets dépressifs et certains auteurs considèrent cette réductionde l’expressivité comme un facteur de trait de la schizophrénie [16]. En 1999, Yecker et al.ont concu une expérience qui réplique en partie ces observations [17] : la tâche consistait àimiter l’expression d’un visage présenté sur un écran ou à produire une expression faciale nom-mée à voix haute par l’expérimentateur. Dans les deux conditions, les patients schizophrènes

Page 4: Reconnaissance de l’émotion faciale et schizophrénie

126 V. Chambon, J.-Y. Baudouin / L’évolution psychiatrique 74 (2009) 123–135

tendaient à produire des émotions moins intenses que les sujets témoins et que les sujets dépres-sifs.

Cette réduction de l’expressivité faciale est un signe de pauvreté affective, l’une des caracté-ristiques majeures des symptômes négatifs de la schizophrénie. Or, Shaw et al. ont montré que laproduction d’affects inappropriés, telle qu’elle est précisément mesurée par l’échelle d’évaluationdes symptômes négatifs (SANS) ([18]), était corrélée avec les performances des patients enreconnaissance de l’expression faciale [19]. La plupart des études conduites avec du matérielémotionnel facial indiquent en général que les patients sont moins précis que les sujets témoinslorsqu’il s’agit d’identifier ou discriminer des émotions faciales [3,20–25]. Ces observations sontégalement vérifiées lorsque l’on compare les performances des patients schizophrènes à celles detémoins psychiatriques, appariés en âge et niveau d’éducation. Walker et al. [3], par exemple, ontproposé à des schizophrènes et à des patients souffrant de troubles affectifs une batterie de tests,comprenant :

• deux tâches de discrimination – faciale et émotionnelle ;• une tâche de dénomination émotionnelle (emotion labelling) ;• et une tâche émotionnelle à choix multiples.

Cette batterie de tests, réputée pour son efficacité à distinguer les patients atteints de lésionsde l’hémisphère gauche des patients atteints de lésions de l’hémisphère droit, offrait aux auteursl’occasion de tester l’hypothèse, chez les patients schizophrènes, d’un dysfonctionnement marquéde l’hémisphère gauche – dysfonctionnement qui pourrait rendre compte de la spécificité du déficitobservé pour le traitement de l’émotion faciale. Les résultats obtenus sont assez éloquents : tandisque les patients schizophrènes présentent, relativement aux sujets témoins non psychiatriques, unpattern de performances globalement dégradées, leurs résultats sont significativement inférieursà ceux des patients souffrant de troubles affectifs pour la tâche de dénomination émotionnelle.Au total, si les patients schizophrènes se montrent capables de déchiffrer correctement l’identitéd’un visage, leurs performances semblent indiquer néanmoins un déficit marqué pour l’extractiondes traits émotionnels saillants.

Cette étude, qui corrobore l’hypothèse d’un déficit rigoureusement spécifique à la perceptionémotionnelle faciale, réplique des résultats déjà validés par des groupes de recherche antérieurs[26,27]). Mais parmi ces études, l’expérience de Walker et al. [3] est la seule à coupler tâches dejugement émotionnel et tâches de jugement non émotionnel, c’est-à-dire à se doter d’une tâchecontrôle. Ce point est d’une importance particulière car la plupart des études utilisant un plandifférentiel similaire rapportent, chez les patients, des difficultés associées dans les tâches nonémotionnelles.

2.2. La notion de déficit spécifique rediscutée

Si les patients schizophrènes éprouvent des difficultés avec le traitement des expressionsfaciales émotionnelles, ces difficultés peuvent également s’étendre à d’autres aspects du visage,incluant la reconnaissance, la familiarité ou encore l’âge [4,6,28–32]. La mise en évidence de cesdéficits associés plaide naturellement en faveur d’un problème généralisé à toutes les informa-tions faciales ; ce problème émerge, nous l’avons vu, lorsque les performances des participantsaux tâches de reconnaissance émotionnelle sont contrastées avec les performances obtenueslors de tests de perception faciale non émotionnelle. De fait, on est en droit de se demandersi l’apparente spécificité du déficit pour le traitement des émotions faciales n’est pas seulement

Page 5: Reconnaissance de l’émotion faciale et schizophrénie

V. Chambon, J.-Y. Baudouin / L’évolution psychiatrique 74 (2009) 123–135 127

le produit d’une insuffisance méthodologique. À titre d’exemple, Novic et al. [31] n’observentaucune différence entre les patients schizophrènes et les sujets témoins lors d’une tâche de recon-naissance des émotions faciales lorsqu’ils contrôlent les performances des participants à un testde perception de visages non-émotionnels (e.g. le test de Benton). Feinberg et al. retrouvent desperformances sensiblement identiques chez un groupe de patients schizophrènes, associé à ungroupe de sujets témoins et de patients dépressifs, auxquels ils ont présenté 21 photographiesde visages exprimant des émotions fondamentales [4]. Les deux premières tâches consistaientà reconnaître l’identité d’un visage indépendamment de l’émotion exprimée ; deux tâches dereconnaissance et de dénomination émotionnelles étaient ensuite proposées. Les performancesdes patients dépressifs différaient de celles des témoins seulement dans la tâche de dénominationémotionnelle, tandis que les patients schizophrènes montraient, relativement aux témoins sains,des résultats déficitaires dans les quatre tâches et obtenaient des résultats plus mauvais que lespatients dépressifs dans toutes les tâches émotionnelles.

Ces résultats ont été également confirmés avec des visages, non plus statiques, mais enmouvement, chez des populations schizophrène et dépressive également [33]. Trois tâches étaientprésentées : une tâche de reconnaissance d’expressions faciales, une tâche d’identification devisages célèbres et une tâche de reconnaissance de visages non familiers. Les performancesgénérales des patients se sont révélées significativement plus faibles que celles des patientsdépressifs et des sujets témoins. On notera que, si les scores les plus bas obtenus par lesschizophrènes l’ont été dans les tâches de reconnaissance émotionnelle, les auteurs ont observéun lien entre ce déficit et la capacité des patients à analyser l’arrangement des mouvementsinternes du visage. Le déficit plus marqué des patients schizophrènes à traiter les émotionsfaciales pourrait être accentué par les difficultés qu’ils éprouvent à traiter les mouvements destraits faciaux internes et, par conséquent, à générer des descriptions structurales de qualitésuffisante pour reconnaître l’émotion ou l’identité d’un visage.

Ces observations, enfin, ont été répliquées avec des schizophrènes médicamentés [32]et non médicamentés [7] dans une expérience impliquant trois tâches distinctes : une tâched’identification d’émotions faciales, une deuxième de discrimination d’émotions faciales et unetroisième de reconnaissance faciale. Les performances générales des patients schizophrènes,traités et non traités, se sont avérées plus mauvaises dans les trois tâches, émotionnelles et non émo-tionnelles, relativement au groupe témoin. Addington et Addington [28] ont retrouvé des résultatsà peu près similaires avec un groupe de schizophrènes et un groupe de patients souffrant de troublesbipolaires : les schizophrènes obtiennent également de moins bons résultats dans les tâches dereconnaissances émotionnelle et non-émotionnelle. Les auteurs ont montré, en outre, que ces défi-cits étaient associés à des déficits plus généraux en attention visuelle, sur lesquels nous reviendrons.

L’hypothèse d’un déficit généralisé au traitement de toutes les informations faciales méritecependant quelques nuances. Le caractère généralisé (vs. spécifique) du déficit pourrait dépendrede la phase de la maladie : Gaebel et Wölwer [16] observent en effet un déficit spécifique dutraitement des émotions chez les patients schizophrènes en phase aiguë et un déficit plus généralisédurant les périodes de rémission. Penn et al. [34], en utilisant le test de reconnaissance desémotions faciales développé par Kerr et Neale [7], rapportent des variations de performancesimilaires selon le stade de la maladie, avec l’observation d’un déficit spécifique pour la perceptiondes émotions chez les patients schizophrènes en phase aiguë et un déficit étendu à toutes lesinformations faciales chez les patients en phase de rémission. Enfin, Schneider et al. [35] observentégalement la présence d’un déficit généralisé chez des patients dont l’état est stabilisé, résultat quiconfirme en partie l’existence d’un lien étroit entre l’étendue du déficit observé et le stade de lamaladie.

Page 6: Reconnaissance de l’émotion faciale et schizophrénie

128 V. Chambon, J.-Y. Baudouin / L’évolution psychiatrique 74 (2009) 123–135

3. Un processus de traitement commun à toutes les informations faciales ?

Au total, on notera que l’utilisation d’un plan différentiel, qui propose des tâches de juge-ment émotionnel et non-émotionnel, permet d’opérer des distinctions plus fines dans la gammede déficits observée chez le patient schizophrène. D’une part, cette altération spécifique au trai-tement du matériel émotionnel, quoique marquée (en particulier durant les phases aiguës de lamaladie), paraît dépendre d’un déficit plus large pour le traitement des informations facialesen général. D’autre part, à quelques rares exceptions près, on notera que la plupart des étudesrécentes s’efforcent de mettre en évidence les liens qu’entretient ce déficit – pour le traitement del’information faciale en général et pour l’expression faciale en particulier – avec des perturbationsde fonctions cognitives spécifiques, comme l’attention [28,36], l’exploration visuelle [10,37,38]ou l’extraction d’informations relatives à la configuration du visage [39]. Ces travaux traduisentla volonté d’inscrire le déficit observé pour le traitement des informations faciales (identité, émo-tion, âge) sur un arrière-plan de perturbations plus générales, affectant des processus communsà toutes ces informations. Si, comme le suggèrent Frith et al. [11], les schizophrènes présententun problème d’intégration des traits faciaux, les processus mis en œuvre lors de cette intégrationfont en effet probablement appel à des capacités cognitives générales, impliquant des processusd’abstraction ou des capacités attentionnelles particulières. Or, il n’est pas exclu que la richesseet la complexité des informations véhiculées par le visage rendent ces processus fondamentaux,plus encore que pour d’autres catégories de stimuli.

3.1. Attention sélective et pattern d’exploration visuelle

Plusieurs études ont montré, chez les patients schizophrènes, une perturbation de l’attentionsélective, notamment dans les tâches visuelles [40]. Or, reconnaître une expression faciale sup-pose de pouvoir faire abstraction de l’identité ou de la familiarité du visage percu, c’est-à-dire dene prêter attention qu’à une seule des dimensions du stimulus quand les autres varient (lorsquel’identité varie mais que l’émotion exprimée reste la même, par exemple) : les difficultés despatients schizophrènes à analyser l’information faciale pourraient ressortir d’un problème atten-tionnel de ce type [28]. Il a été montré en effet que le traitement de l’émotion faciale interagissaitavec les processus mobilisés pour la reconnaissance faciale [41], interaction qui semble affecterparticulièrement les performances des patients schizophrènes [36].

L’hypothèse d’un déficit en attention sélective est également supportée par plusieurs étudesportant sur les patterns d’exploration faciale des patients schizophrènes. Ces travaux présententl’intérêt d’employer un marqueur psychophysiologique de l’attention visuelle : les anormalitésenregistrées dans le pattern d’exploration visuelle du schizophrène (pattern de mouvements ocu-laires et fixations fovéales) produisent en effet une mesure objective des stratégies employées parle patient pour traiter les stimuli faciaux qu’il rencontre. Loughland et al. [37] ont montré, chezdes patients schizophrènes, une réduction de ce pattern spécifique aux stimuli faciaux (nombretotal de fixations réduit, mouvements oculaires plus courts entre ces fixations, durée décroissantede l’exploration et attention réduite aux traits faciaux saillants), réduction qu’on ne retrouve paspour d’autres stimuli complexes comme des figures géométriques ou des visages dégradés [10].Ces anormalités du pattern d’exploration faciale, relativement stables, ne sont pas affectés par ledécours de la maladie [42] et sont significativement plus marquées chez les patients schizophrènesque chez les patients souffrant de troubles affectifs [38].

Au total, le déficit observé en schizophrénie pour le traitement des informations faciales,en général, émotionnelles en particulier, pourrait rendre compte d’une défaillance des stratégies

Page 7: Reconnaissance de l’émotion faciale et schizophrénie

V. Chambon, J.-Y. Baudouin / L’évolution psychiatrique 74 (2009) 123–135 129

neurocognitives qui sous-tendent habituellement le traitement des stimuli faciaux. Ce déficit reflè-terait un échec d’intégration des traits saillants, sans doute dû à une altération du traitement localde l’information pertinente et à un dysfonctionnement des réseaux neuronaux qui synchronisentles traitements local et global des visages [37]. En outre, les pattern d’exploration réduits despatients schizophrènes suggèrent une dépendance excessive aux stratégies de recherche séquen-tielle, mécanisme compensatoire d’un problème peut-être plus précoce de traitement configuraldes traits faciaux [42,37].

3.2. Le rôle des informations configurales dans le traitement de l’identité faciale

Carey et Diamond ont introduit en 1977 [44] le terme d’information configurale pour rendrecompte de l’interrelation observée entre les différents traits faciaux (également Baudouin et al.[45]). Cette interrelation a été mise en évidence, entre autres, par des phénomènes d’interférencedans le traitement d’un composant facial lorsque, dans le contexte d’un visage, sa position ouson orientation est modifiée relativement à l’emplacement et à l’orientation canoniques des autrestraits faciaux [46,47]. Historiquement, on distingue deux types d’information configurale, depremier et de second ordre [48]. Les informations relationnelles de premier ordre réfèrent auxdispositions simples et canoniques des composants faciaux (l’information qui fait d’un visage, unvisage) : deux yeux disposés horizontalement sous le front, un nez vertical médian, une bouchehorizontale sous le nez, etc.

Ces informations, qui suffisent à distinguer une table d’une chaise, sont néanmoins insuffisantespour distinguer un visage d’un autre. La distinction entre exemplaires faciaux mobilise en effetdes informations plus subtiles : les relations configurales de « second ordre ». Elles représententles relations entre les différentes positions des composants faciaux (la position du nez relativementà la position de la bouche, par exemple), autrement dit, renvoient à des « relations singulières »entre « relations courantes ». Enfin, un troisième type d’information faciale a été identifié plustardivement : les informations dites « holistiques » du visage, qui réfèrent au traitement par lequelles traits faciaux sont littéralement fusionnés en un tout, ou gestalt [49,50].

3.3. Le rôle des informations configurales dans le traitement de l’émotion faciale

Si les informations configurales sont cruciales pour l’identification d’exemplaires faciaux, ilest probable qu’elles le soient également pour la reconnaissance de l’émotion faciale. Calderet al. [51] ont répliqué avec des visages émotionnels un paradigme élaboré initialement parYoung et al. [52] afin d’évaluer le rôle des informations relationnelles (de type « holistiques »)sur les capacités de reconnaissance faciale. La tâche adaptée par Calder et al. consistait à jugerl’expression d’un visage composite (dont les parties inférieure et supérieure étaient alignées) ounon-composite (parties non alignées). Dans les deux conditions, composite et non-composite, lesdeux moitiés des visages présentées n’exprimaient pas la même émotion. Les auteurs ont montréque l’alignement perturbait la reconnaissance de l’expression de l’une des parties désignées parl’expérimentateur : le visage composite, artificiellement créé, générait une nouvelle configurationémotionnelle faciale qui interférait avec la capacité des participants à identifier l’émotion de l’uneou l’autre moitié de ce même visage. En revanche, lorsque cette configuration faciale était rompue(parties non alignées), les sujets reconnaissaient immédiatement l’émotion exprimée par la partiedu visage sur laquelle ils devaient se concentrer, sans que n’interfère l’émotion exprimée par lapartie à négliger.

Page 8: Reconnaissance de l’émotion faciale et schizophrénie

130 V. Chambon, J.-Y. Baudouin / L’évolution psychiatrique 74 (2009) 123–135

Or, si la reconnaissance de l’émotion faciale était largement basée sur l’analyse de traits indivi-duels, alors l’alignement des moitiés haute et basse du visage n’aurait dû avoir qu’un effet minimesur la capacité des participants à identifier l’émotion spécifiée, dans la mesure où, précisément,seule la configuration est perturbée par cette manipulation (l’alignement des parties). Ce n’est pasle cas. Cet effet composite, qui témoigne d’un traitement configural de l’émotion faciale, disparaîtlorsque les visages sont inversés : à l’envers, les émotions exprimées par les parties haute et bassedu visage n’interfèrent pas, même lorsque ces parties sont alignées. La nouvelle configurationémotionnelle n’est pas détectée par les sujets, qui peuvent alors traiter sélectivement l’émotionexprimée par la moitié de visage désignée par expérimentateur.

4. Visages et schizophrénie : une perturbation du processus d’extraction desinformations configurales ?

Nous avons souligné que le déficit des patients schizophrènes pour le traitement des informa-tions faciales supposait, en raison de son caractère généralisé, l’atteinte d’un processus communà toutes ces informations. Le processus d’extraction des informations configurales semble à cetitre un candidat privilégié. Trois arguments, que nous rappelons, étayent cette hypothèse :

• des études ont mis en évidence une réduction significative du pattern d’exploration visuelledes patients schizophrènes, suggérant l’existence d’un déficit pour le traitement configural destraits faciaux [43,37] ;

• les déficits observés chez les patients schizophrènes pour le traitement des informations facialesen général, émotionnelles en particulier, pourraient être liés à une perturbation spécifique du oudes mécanismes mobilisés par le sujet sain pour effectuer ce type de traitement : le processusd’extraction des informations configurales, par exemple ;

• le fonctionnement normal de ce mécanisme d’extraction est crucial pour l’expertise des visagescomme pour la reconnaissance de l’expression faciale ; commun à toutes les informationsfaciales, il pourrait donc expliquer le déficit des patients schizophrènes pour le traitement del’identité et de l’émotion faciales.

Peu de travaux, néanmoins, ont directement testé cette hypothèse. Schwartz et al. [53] rap-portent, chez les patients schizophrènes, un effet d’inversion pour les visages plus importantque celui observé pour des images de maisons. L’« effet d’inversion » quantifie ici le degré aveclequel les performances des participants sont affectées par la présentation de visages « renversés »(i.e. présentés « tête à l’envers »). Le renversement est une procédure connue pour perturberl’extraction des informations configurales ; l’« effet d’inversion » est donc une mesure indirectede l’importance que les sujets accordent aux informations de configuration en conditions deprésentation normale (i.e. visages à l’endroit). Dans l’étude de Schwartz et al., les patients schi-zophrènes paraissent donc sensibles aux informations configurales puisque leurs performanceschutent (effet d’inversion) lorsqu’on perturbe expérimentalement l’extraction de ces informationsde configuration.

Dans un second paradigme manipulant des visages composites, les auteurs observent égalementchez les patients le même effet d’interférence que l’on retrouve chez les sujets sains : lorsque lesdeux moitiés du visage sont alignées, l’une des contre-parties perturbe le traitement de la moitiéà laquelle les patients doivent prêter attention. Ces deux résultats indiquent que le déficit dereconnaissance de l’expression faciale émotionnelle ne peut s’expliquer dans la schizophréniepar une altération du traitement des informations configurales.

Page 9: Reconnaissance de l’émotion faciale et schizophrénie

V. Chambon, J.-Y. Baudouin / L’évolution psychiatrique 74 (2009) 123–135 131

Fig. 1. Variation du critère de décision selon l’orientation du visage et son émotion chez un groupe de sujets témoins(n = 26) et de patients schizophrènes (n = 26).

Nous avons conduit en 2006 une expérience similaire, qui utilisait également le paradigmed’inversion [54]. Vingt-six patients schizophrènes et 26 sujets témoins ont participé à l’étude, quiconsistait à identifier l’émotion exprimée (e.g. joie, peur, tristesse, colère, dégoût, neutralité) surun ensemble de 48 visages à l’endroit et 48 visages inversés. Comme dans l’étude de Schwartzet al., les patients schizophrènes présentaient des performances globalement altérées pour lareconnaissance des émotions faciales et cela, dans les deux conditions, droit et renversé. Lespatients présentaient également le même effet d’inversion que les sujets témoins.

Mais lorsque nous avons examiné le critère de décision1 utilisé par les patients dans les condi-tions droit et renversé, certaines particularités ont émergé, qui ne s’accordaient pas, ou mal,avec la conclusion d’un traitement configural préservé. Puisque les patients présentaient un effetd’inversion, nous nous attendions à ce qu’ils modifient, comme les sujets témoins, leur stratégied’analyse perceptive après inversion des visages. Ce n’était pas le cas : les patients adoptaientles mêmes stratégies de réponse pour les visages à l’endroit comme à l’envers. Cet effet apparaîtnettement sur le graphique (Fig. 1).

Les valeurs rapportées dans la Fig. 1 correspondent à un indicateur du critère de décision(B”), emprunté à la théorie de détection du signal [55]. Ces valeurs peuvent varier de -1 à 1.Une valeur négative indique que le sujet a tendance à « percevoir » l’émotion considérée. Ilrépond fréquemment « joie » lorsque le visage exprime réellement la joie, mais également lorsqu’ilexprime une autre émotion. On parle alors d’un critère de décision libéral. Une valeur positiveindique au contraire un critère conservateur : le sujet tend à ne pas percevoir l’émotion considéréesur des visages exprimant d’autres émotions. Il tend aussi à ne pas la percevoir sur les visagesl’exprimant réellement. Les valeurs proches de zéro, enfin, indiquent un critère neutre, signifiantque le sujet ne présente pas de biais de réponse particulier. L’examen de la Fig. 1 indique queles sujets témoins adoptent un critère libéral pour la joie et neutre à conservateur pour les autresémotions. Lorsque le visage est renversé, ils modifient leurs critères, qui deviennent encore plusconservateurs pour les émotions négatives et plus libéraux pour la neutralité. Les sujets témoinsadaptent donc leurs critères selon l’orientation du visage. Chez les schizophrènes, en revanche,aucune évolution des critères n’est observée suite au renversement. Plus encore, leurs critèrescorrespondent, sous les deux orientations, aux critères que les sujets témoins adoptent pour lesvisages renversés.

1 Le critère de décision indique la présence d’un biais (libéral ou conservateur) dans la réponse du sujet : le sujet tend-t-ilà percevoir telle ou telle émotion, même sur des visages ne l’exprimant pas ?

Page 10: Reconnaissance de l’émotion faciale et schizophrénie

132 V. Chambon, J.-Y. Baudouin / L’évolution psychiatrique 74 (2009) 123–135

Cette absence d’effet d’inversion sur les critères de décision évoque l’absence d’évolutiondu pattern d’exploration visuelle rapportée par Schwartz et al. [43]. Elle suggère également queles patients schizophrènes traitent les visages à l’endroit comme les témoins traitent les visagesà l’envers, c’est-à-dire avec une perturbation du traitement des informations configurales. Dansl’étude que nous présentons ici, cette conclusion est renforcée par l’observation chez les schizo-phrènes, mais pas chez les sujets témoins, d’une corrélation significative entre les performancessous les deux orientations.

Ces résultats nous apprennent au moins deux choses : la persistance d’un effet d’inversionsur les performances des schizophrènes suggère que les patients sont sensibles aux informationsconfigurales. Ce traitement, néanmoins, pourrait ne pas être tout à fait approprié. La reconnais-sance faciale (identité ou émotion) suppose d’intégrer correctement les traits critiques du visageen un tout cohérent. Or, des informations configurales de mauvaise qualité pourraient naturelle-ment affecter la constitution de cette gestalt (en perturbant le traitement des parties locales duvisage par exemple) et rendre compte, parallèlement à la persistance d’un effet d’inversion, desmauvaises performances que les patients schizophrènes obtiennent aux tests de reconnaissancefaciale en général.

Une seconde explication émerge de la nature foncièrement composite des informations confi-gurales. L’inversion pourrait affecter davantage les informations holistiques que les informationsrelationnelles de second ordre [50] dont le traitement serait préservé chez les patients schi-zophrènes. Pour tester cette hypothèse, Baudouin et al. ont récemment élaboré un paradigmeexpérimental manipulant directement les relations de second ordre du visage [56]. Pour ce faire,les auteurs ont modifié, avec différentes intensités, la distance entre les yeux de visages simi-laires, présentés côte à côte. Ils ont ensuite calculé la distance minimale que les participantsétaient capables de discriminer. Or, il s’est avéré que les patients schizophrènes avaient besoind’une distance deux fois plus importantes que les sujets témoins. Ces résultats, obtenus via un pro-tocole différant du traditionnel paradigme d’inversion, indiquent que les patients schizophrèneséchouent à traiter correctement les relations de second ordre. Comme nous l’indiquions plus haut,les anormalités enregistrées dans le pattern d’exploration facial des schizophrènes pourraientrendre compte de ce traitement inapproprié. Chez les sujets sains, le scanning visuel d’un visagesuit un chemin régulier : les participants se concentrent sur les traits principaux, puis « sautent »entre les différents composants qui constituent le visage (e.g., les yeux, le nez et la bouche [57]).Les patients schizophrènes présentent quant à eux un pattern d’exploration visuel caractérisé parun nombre réduit de saccades et des fixations plus longues, pattern qui pourrait traduire un privi-lège excessif accordé aux stratégies de recherche séquentielle. Basées sur un traitement hiératiquedes parties locales du visage, de telles stratégies seraient mobilisées au détriment du traitementdes propriétés relationnelles, lesquelles impliquent de réaliser des saccades entre les différentstraits du visage.

5. Conclusion

Le rôle des informations configurales dans le déficit observé chez les patients schizophrènesen matière de reconnaissance ou de discrimination faciale reste une piste intéressante à explorer.À n’en pas douter, il sera l’objet d’une attention particulière dans les années à venir. Ces étudesgagneront certainement à considérer la distinction entre informations relationnelles de secondordre et informations holistiques introduite par Maurer et al. [50]. Les divergences recensées dansla littérature pourraient en effet traduire l’altération d’un seul de ces deux types d’informationconfigurale, en particulier de second ordre. Enfin, il convient de souligner que la schizophrénie

Page 11: Reconnaissance de l’émotion faciale et schizophrénie

V. Chambon, J.-Y. Baudouin / L’évolution psychiatrique 74 (2009) 123–135 133

est une affection excessivement hétérogène et, de fait, il est peu probable qu’un seul mécanismeexplique toutes ses manifestations. Il paraît donc indispensable d’examiner plus avant les liensque ce déficit pour le traitement des visages entretient avec les symptômes prévalants chez lespatients testés. La taille de l’effet d’inversion, par exemple, semble associée à la sévérité dessymptômes négatifs, les patients déficitaires étant peu sensibles au renversement des visages [54].Les patients dont la symptomatologie prédominante est négative ont également plus de diffi-cultés à reconnaître l’émotion faciale que les schizophrènes productifs [35,28,58]. En revanche,nous avons observé que la « discriminabilité » de certaines émotions, ainsi que le changementde stratégie décisionnelle après inversion (de libéral à conservateur), covariait avec la sévéritédes symptômes positifs de la maladie [59]. En général, plus sévères sont les hallucinations, lesidées délirantes et la bizarrerie du comportement, moins bonnes sont les performances en dis-criminabilité et plus le critère de décision devient conservateur après l’inversion [54]. Certainssymptômes pourraient donc entretenir une relation spécifique avec le déficit que présentent lesschizophrènes aux tests de reconnaissance faciale. Les difficultés dont souffrent les patients enmatière de reconnaissance émotionnelle faciale, ainsi que leur tendance à ne pas « reconnaître » lesémotions négatives, pourraient naturellement favoriser (causer ?) l’émergence de comportementsinadaptés, comportements dont témoignent ici les liens observés entre le déficit et la sévérité dessymptômes positifs – hallucinations, délire et comportements bizarres.

Références

[1] Barton JJ, Cherkasova MV, Press D, Intriligator J, O’Connor M. Developmental prosopagnosia: a study of threepatients. Brain Cogn 2003;51:12–30.

[2] Barton JJ, Cherkasova MV, Hefter R, Cox TA, O’Connor M, Manoach DS. Are patients with social developmentaldisorders prosopagnosic ? Perceptual heterogeneity in the Asperger and socio-emotional processing disorders. Brain2004;127:1706–16.

[3] Walker E, McGuire M, Bettes B. Recognition and identification of facial stimuli by schizophrenics and patients withaffective disorders. Br J Clin Psychol 1984;23:37–44.

[4] Feinberg TE, Rifkin A, Schaffer C, Walker E. Facial discrimination and emotional recognition in schizophrenia andaffective disorders. Arch Gen Psychiatry 1986;43:276–9.

[5] Berndl K, von Cranach M, Grusser OJ. Impairment of perception and recognition of faces, mimic expression andgestures in schizophrenic patients. Eur Arch Psychiatry Neurol Sci 1986;235:282–91.

[6] Archer J, Hay DC, Young AW. Face processing in psychiatric condition. Br J Clin Psychol 1992;31:45–61.[7] Kerr SL, Neale JM. Emotion perception in schizophrenia: specific deficit or further evidence of generalized poor

performance ? J Abnorm Psychol 1993;102:312–8.[8] Martin F, Baudouin JY, Tiberghien G, Franck N. Processing of faces and emotional expression in schizophrenia.

Psychiatry Res 2005;124:43–53.[9] Fodor J. Modularity of mind. Cambridge, MA: MIT; 1983.

[10] Williams LM, Loughland CM, Gordon E, Davidson D. Visual scanpaths in schizophrenia: is there a deficit in facerecognition ? Schizophr Res 1999;40:189–99.

[11] Frith CD, Stevens M, Johnstone EC, Owens DGC, Crow TJ. Integration of schematic faces and other complex objectsin schizophrenia. J Nerv Ment Dis 1983;171:34–9.

[12] Kraepelin E. Dementia praecox and the paraphrenia. Edinburg: E. & S. Livingston; 1919.[13] Bleuler E. Dementia praecox ou groupe des schizophrénies (1911) [Préface de Viallard A]. Paris: EPEL, GREC;

1993.[14] Kring AM, Neale JM. Do schizophrenic patients schow a disjunctive relationship among expressive, experiential

and psychophysiological components of emotion ? J Abnorm Psychol 1996;105:249–57.[15] Weiss T, Baudouin JY, Demily C. Production d’émotions faciales dans la schizophrénie. Evol Psychiatr 2009:74.[16] Gaebel W, Wölwer W. Facial expression and emotional face recognition in schizophrenia and depression. Eur Arch

Psychiatry Clin Neurosci 1992;242:46–52.[17] Yecker S, Borod JC, Brozgold A, Martin C, Murray A, Welkowitz J. Lateralization of facial emotional expression

in schizophrenic and depressed patients. J Neuropsychiatry Clin Neurosci 1999;11:370–9.

Page 12: Reconnaissance de l’émotion faciale et schizophrénie

134 V. Chambon, J.-Y. Baudouin / L’évolution psychiatrique 74 (2009) 123–135

[18] Andreasen NC. The Scale for the Assessment of Negative Symptoms (SANS). Iowa City, IA: The University ofIowa; 1983.

[19] Shaw R, Dong M, Lim KO, Faustman WO, Pouget ER, Alpert M. The relationship between affect expression andaffect recognition in schizophrenia. Schizophr Res 1999;37:245–50.

[20] Borod JC, Martin CC, Alpert M, Brozgold A, Welkowitz J. Perception of facial emotion in schizophrenics and rightbrain-damaged patients. J Nerv Ment Dis 1993;181:494–502.

[21] Bryson G, Bell M, Lysaker P. Affect recognition in schizophrenia: a function of global impairment or a specificcognitive deficit. Psychiatry Res 1997;71:105–13.

[22] Cutting J. Judgement of emotional expression in schizophrenics. Br J Psychiatry 1981;139:1–6.[23] HeimbergC, Gur RE, Erwin RJ, Shtasel D, Gur RC. Facial emotion discrimination: III. Behavioral findings in

schizophrenia. Psychiatry Res 1992;42:253–65.[24] Mandal MK, Rai A. Responses to facial emotion and psychopathology. Psychiatry Res 1987;20:317–23.[25] Mandal MK, Pankey R, Prasad AB. Facial expressions of emotions and schizophrenia: a review. Schizophr Bull

1998;24:399–412.[26] Dougherty PE, Bartlett ES, Izard CE. Responses of schizophrenics to expressions of fundamental emotions. J Clin

Psychol 1974;30:243–6.[27] Muzekari LH, Bates ME. Judgment of emotion among chronic schizophrenics. J Clin Psychol 1977;33:

662–6.[28] Addington J, Addington D. Facial affect recognition and information processing in schizophrenia and bipolar disorder.

Schizophr Res 1998;32:171–81.[29] Gessler S, Cutting J, Frith CD, Weinman J. Schizophrenic inability to judge facial emotion: a controlled study. Br J

Clin Psychol 1989;28:19–29.[30] Kohler CG, Bilker W, Hagendoorn M, Gur RE, Gur RC. Emotion recognition deficit in schizophrenia: association

with symptomatology and cognition. Biol Pyschiatry 2000;48:127–36.[31] Novic J, Luchins DJ, Perline R. Facial affect recognition in schizophrenia: is there a differential deficit ? Br J

Psychiatry 1984;144:533–7.[32] Salem JE, Kring AM, Kerr SL. More evidence for generalized poor performance in facial emotion perception in

schizophrenia. J Abnorm Psychol 1996;195:480–3.[33] Archer J, Hay DC, Young AW. Movement, face processing and schizophrenia: evidence of a differential deficit in

expression analysis. Br J Clin Psychol 1994;33:517–28.[34] Penn DL, Combs DR, Ritchie M, Francis J, Cassisi J, Morris S, et al. Emotion recognition in schizophrenia: further

investigation of generalized versus specific deficit models. J Abnorm Psychol 2000;109:512–6.[35] Schneider F, Gur RC, Gur RE, Shtasel DL. Emotional processing in schizophrenia: neurobehavioural probes in

relation to psychopathology. Schizophr Res 1995;17:67–75.[36] Baudouin JY, Martin F, Tiberghien G, Verlut I, Franck N. Selective attention for facial identity and emotional

expression in schizophrenia. Neuropsychologia 2002;40:518–26.[37] Loughland CM, Williams LM, Gordon E. Visual scanpath to positive and negative facial emotions in an outpatient

schizophrenia sample. Schizophr Res 2002;55:159–70.[38] Loughland CM, Williams LM, Gordon E. Schizophrenia and affective psychosis show different visual scanpath

strategies for faces: a trait versus state-based distinction ? Biol Psychiatry 2002;52:338–48.[39] Morrison RL, Bellack AS, Mueser KT. Deficits in facial-affect recognition and schizophrenia. Schizophr Bull

1988;14:67–83.[40] Everett J, Laplante L, Thomas J. The selective attention deficit in schizophrenia. Limited ressources or cognitive

fatigue ? J Nerv Ment Dis 1989;177:735–8.[41] Schweinberger SR, Soukup GR. Asymmetric relationships among perceptions of facial identity, emotion and facial

speech. J Exp Psychol Hum Percept Perform 1998;24:1748–65.[42] Streit M, Wölwer W, Gaebel W. Facial-affect recognition and visual scanning behaviour in the course of schizophrenia.

Schizophr Res 1997;24:311–7.[43] Schwartz BL, Rosse RB, Johri S, Deutsch SI. Visual scanning of facial expressions in schizophrenia. J Neuropsy-

chiatry Clin Neurosci 1999;11:103–6.[44] Carey S, Diamond R. From piecemeal to configurational representation of faces. Science 1977;195:312–4.[45] Baudouin JY, Chambon V, Tiberghien G. Expert en visages ? Pourquoi sommes-nous tous. . . des experts en recon-

naissance des visages ? Evol Psychiatr 2009:74.[46] Thompson P. Margaret Thatcher: a new illusion. Perception 1980;9:483–4.[47] Leder H, Bruce V. When inverted faces are recognized: the role of configural information in face recognition. Q J

Exp Psychol 2000;53:513–36.

Page 13: Reconnaissance de l’émotion faciale et schizophrénie

V. Chambon, J.-Y. Baudouin / L’évolution psychiatrique 74 (2009) 123–135 135

[48] Diamond R, Carey S. Why faces are and are not special: an effect of expertise. J Exp Psychol Gen 1986;115:107–17.

[49] Tanaka JW, Farah MJ. Parts and wholes in face recognition. Q J Exp Psychol 1993;72:499–503.[50] Maurer D, Le Grand R, Mondloch CJ. The many faces of configural processing. Trends Cogn Sci 2002;6:255–60.[51] Calder AJ, Young AW, Keane J, Dean M. Configuration information in facial expression perception. J Exp Psychol

Hum Percept Perform 2000;26:527–51.[52] Young AW, Hellawell D, Hay DC. Configural information in face perception. Perception 1987;16:747–59.[53] Schwartz BL, Marvel CL, Drapalski A, Rosse RB, Deutsch SI. Configural processing in face recognition in schizo-

phrenia. Cogn Neuropsychiatry 2002;7:15–39.[54] Chambon V, Baudouin JY, Franck N. The role of configural information in facial emotion recognition in schizophrenia.

Neuropsychologia 2006;44:2437–44.[55] Grier JB. Nonparametric indexes for sensitivity and bias: computing formulas. Psychol Bull 1971;75:424–9.[56] Baudouin JY, Vernet M, Franck N. Second-order facial information processing in schizophrenia. Neuropsychology

2008;22:313–20.[57] Walker-Smith GJ, Gale AG, Findlay JM. Eye movement strategies involved in face perception. Perception

1977;6:313–26.[58] Kline JS, Smith JE, Ellis HC. Paranoid and nonparanoid schizophrenic processing of facially displayed affect. J

Psychiatr Res 1992;26:169–82.[59] Andreasen NC. The Scale for the Assessment of Positive Symptoms (SAPS). Iowa City, IA: The University of Iowa;

1984.