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Page 1: Rhabdomyosarcome pur du corps utérin : une tumeur exceptionnelle chez la femme ménopausée. À propos de deux cas

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ournal de Gynecologie Obstetrique et Biologie de la Reproduction (2009) 38, 72—76

RAVAIL ORIGINAL

habdomyosarcome pur du corps utérin :ne tumeur exceptionnelle chez la femmeénopausée. À propos de deux casure rhabdomyosarcoma of the uterine corpus:n exceptional tumor in postmenopausal women.eport on two cases

. Leunga, J.-J. Terzibachianb, R. Ramanaha, A. Govyadovskiyb,

. Aouara, C. Lassabec, D. Riethmullera,∗

Service de gynécologie-obstétrique, CHU Saint-Jacques, avenue du 8-mai-1945, 25000 Besancon, FranceService de gynécologie-obstétrique, CHG Belfort, FranceService d’anatomie pathologique, CHG Belfort, France

ecu le 26 mai 2008 ; avis du comité de lecture le 10 novembre 2008; définitivement accepté le 18 novembre 2008isponible sur Internet le 27 December 2008

MOTS CLÉSRhabdomyosarcome ;Corps utérin ;Post-ménopause

Résumé Le rhabdomyosarcome (RMS) du corps utérin est rare chez la femme adulte. Cettetumeur se rencontre dans deux contextes histopathologiques distincts : le plus souvent dans lecadre d’une tumeur mixte mullérienne maligne et exceptionnellement en tant que sarcome purhétérologue. Nous rapportons deux cas de RMS pur du corps utérin survenant chez la patienteménopausée. Le diagnostic a été établi en préopératoire dans les deux cas devant des métror-ragies post-ménopausiques. Un traitement chirurgical comportant une hystérectomie totale et

une annexectomie bilatérale par voie laparotomique a été effectué chez les deux patientes etces dernières sont en situation de rémission complète 15 mois et un an respectivement, aprèsla chirurgie initiale. L’intérêt de ces deux observations repose sur le caractère exceptionnel duRMS pur du corps utérin chez le sujet âgé.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (D. Riethmuller).

368-2315/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.jgyn.2008.11.003

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Rhabdomyosarcome pur du corps

initial surgery. These two observations are worthy of publication because pure RMS of the uterinecorpus is exceptional in postmenopausal women.© 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

KEYWORDSRhabdomyosarcoma;Uterine corpus;Postmenopause

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tdémontrant une réactivité positive pour la desmine et néga-tive pour la cytokératine après un échantillonnage tumoral

Introduction

Le rhabdomyosarcome (RMS) est une tumeur maligned’origine musculaire striée. Il se rencontre essentiellementen pédiatrie.

Le RMS de l’enfant est une tumeur fréquente, il a uneprédilection pour l’appareil génital et son pronostic estbon.

Le RMS de l’adulte s’y oppose point par point : c’est unetumeur peu fréquente dans cette population, il atteint rare-ment l’appareil génital et son pronostic est mauvais.

Le RMS du corps utérin chez la femme adulte est très rareet se rencontre en général dans le cadre d’une tumeur mixtemullérienne maligne (TMMM) où il représente la composantehétérologue.

Nous rapportons deux observations de RMS pur (indé-pendant d’une TMMM) du corps utérin chez des patientesménopausées.

Observation no 1

Il s’agit d’une patiente de 68 ans, ayant présenté trois gros-sesses. La patiente a été ménopausée à l’âge de 50 ans etn’a pas bénéficié d’une hormonothérapie substitutive.

Dans ses antécédents, elle a présenté un adénocarcinomede la vessie survenu à l’âge de 57 ans pour lequel elle abénéficié d’une cystectomie partielle et d’une irradiationpelvienne externe.

La patiente a consulté pour des métrorragies de sur-venue récente. L’examen clinique a retrouvé un utérushypertrophique. L’échographie pelvienne a confirmé la pré-sence d’une hypertrophie utérine suspecte avec la présenced’une rétention liquidienne intracavitaire. Une biopsied’endomètre à la curette tranchante a été réalisée etl’examen anatomopathologique avait conclu au diagnos-tic de RMS utérin. Une hystérectomie totale associée àune annexectomie bilatérale par voie laparotomique a étéréalisée. L’exploration chirurgicale a retrouvé un utérushypertrophique avec présence d’une tumeur endométrialemesurant 5 cm × 5 cm × 2 cm et une séreuse normale. Il n’apas été retrouvé d’autres lésions macroscopiques suspecteset la palpation des axes ganglionnaires n’a pas retrouvé

d’adénomégalie suspecte.

L’examen anatomopathologique de la pièce opératoirea confirmé le diagnostic de RMS. La tumeur était limitéeau corps utérin, le col et les annexes étant indemnes duprocessus tumoral. Le processus tumoral envahissait moins

eolrm

e 50 % de l’épaisseur myométriale (stade Ib de la FIGO)ig. 1 et 2.

L’analyse en hématoxyline et éosine (HES) a mis en évi-ence une prolifération tumorale fusocellulaire organiséen nappe, de caractère pléomorphe avec des cellules à destades variables de la croissance cellulaire. En immuno-istochimie, les cellules ont été positives pour la desminemarqueur de différenciation musculaire striée) et néga-ives pour la cytokératine (marqueur de différentiationpithéliale). Ce tableau histopathologique, après un échan-illonnage exhaustif, a permis d’exclure une TMMM et leiagnostic final a été celui d’un RMS pur du corps de l’utérus.

Les suites opératoires ont été simples. La patiente a étéuivie régulièrement et 15 mois après la chirurgie, elle a étéonsidérée en rémission complète.

bservation no 2

l s’agit d’une patiente de 77 ans, ayant présenté cinqrossesses. La patiente n’a pas eu d’antécédent médicalarticulier et a été ménopausée à l’âge de 51 ans.

Elle a consulté pour des métrorragies. L’examen cliniquemis en évidence une hypertrophie utérine. L’examen au

péculum a retrouvé la présence d’une tumeur nécrotiquextériorisée par le col. L’échographie pelvienne a retrouvén utérus hypertrophique, siège d’une tumeur intracavitaireuspecte. Des biopsies multiples de cette tumeur extériori-ée ont été réalisées et l’examen anatomopathologique aonclu au diagnostic de RMS.

La patiente a bénéficié d’une laparotomie explora-rice, d’une hystérectomie totale et d’une annexectomieilatérale. L’exploration chirurgicale n’a pas retrouvée localisations tumorales extra-utérines et la palpationes axes ganglionnaires n’a pas retrouvé d’adénomégalieuspecte. Macroscopiquement, l’utérus était hypertro-hique avec une séreuse normale. À la coupe, il a étéetrouvé une tumeur polypoïde intracavtiaire mesurantcm × 6 cm × 3 cm.

L’analyse immunohistochimique a confirmé le diagnos-ic initial de RMS du corps utérin de type pléomorphe, en

utérin chez deux femmes ménopausées 73

Summary Rhabdomyosarcoma (RMS) of the uterine corpus is rare in adult females. This tumorcan be encountered in two distinct histopathological contexts: usually as a component of amalignant mixed mullerian tumor and exceptionally as a pure heterologous sarcoma. We reporttwo cases of pure RMS of the uterine corpus occurring in postmenopausal women. The twopatients suffered from vaginal bleeding and preoperative diagnosis was achieved in both cases.Both patients benefited from exploratory laparotomy, total hysterectomy and bilateral salpingo-oophorectomy. Both of them were free from the disease 15 months and 1 year respectively, after

xhaustif. Les striations transversales ont été égalementbservées. Le processus tumoral était limité au corps utérin,e col et les annexes étant épargnés par le processus tumo-al. Ce dernier envahissait plus de la moitié de l’épaisseuryométriale (stade Ic de la FIGO).

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Figure 1 a : hématoxyline et éosine (HES) (× 60) : tumeur fusocellulaire organisée en nappe avec des cellules pléomorpheséosinophiles. Noter la striation transversale caractéristique du muscle strié (flèche) ; b : immunohistochimie (× 60) : réactiviténégative pour la cytokératine ; c : immunohistochimie (× 10) : réactivité positive pour la desmine.a cell( or cyf

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: HES (× 60): tumor composed of pleomorphic spindle-shapedarrow); b: immunohistochemistry (× 60): negative reactivity for desmin.

Les suites opératoires ont été simples. La patiente a étéuivie régulièrement et un an après la chirurgie, elle avaitne évolution favorable.

iscussion

e RMS est une tumeur maligne qui dérive de cellules pro-énitrices exprimant la différentiation musculaire striée

des degrés divers. Sur le plan histomorphologique,rois variantes peuvent être individualisées : embryon-aire, alvéolaire et pléomorphe. Le type embryonnairest le plus fréquent. Alors que les variantes embryon-aire et alvéolaire surviennent de manière quasi exclusiveans l’enfance ou dans l’adolescence, le RMS pléomorphest extrêmement rare et atteint quasi exclusivement lesdultes.

Si le RMS constitue la plus fréquente des tumeurs des

arties molles chez l’enfant [1], il est beaucoup plus rarehez l’adulte. Dans la population adulte, les sarcomes desissus mous représentent environ 1 % des cancers et le RMS neeprésente qu’une petite fraction de ces tumeurs, estiméentre 2 et 5 % [2].

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s with abundant eosinophilic cytoplasm. Note cross-striationstokeratin; c: immunohistochemistry (× 10): positive reactivity

S’il a une prédilection pour l’appareil génital chez’enfant, le RMS de l’appareil génital est rare chez la femmedulte et concerne le plus souvent le col utérin alors que laocalisation corporéale demeure exceptionnelle [3].

Le RMS représente moins de 5 % des sarcomes du corpstérin [4].

Le RMS du corps utérin peut se rencontrer dans deuxontextes histopathologiques bien distincts : le plus souvent,ans le cadre d’une TMMM où il représente la composanteétérologue et exceptionnellement, en tant que sarcomeur hétérologue. Les techniques immunohistochimiques sontndispensables pour faire la distinction entre ces deuxormes : la positivité des marqueurs de différentiation épi-héliale signe une TMMM avec une composante hétérologuehabdomyosarcomateuse et seule l’absence de différentia-ion épithéliale, après un échantillonnage tumoral large,ermet de porter le diagnostic de sarcome pur de type RMS3].

Dans la littérature, certaines tumeurs décrites commees RMS purs étaient en fait des composantes hétérologuese TMMM [5]. Seule une trentaine de cas bien documen-és de RMS purs du corps utérins ont été rapportés dans laittérature [6].

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Figure 2 a : immunohistochimie (× 60) : réactivité positivepour la desmine. Noter la présence de striations transversalescaractéristiques du muscle strié (flèches) ; b : immunohistochi-mie (× 60) : réactivité négative pour la cytokératine.

Tableau 1 Classification des RMS selon l’IRSG.IRSG classification of RMS.

Groupe I Maladie localisée ; résection complète ;absence de résidu tumoral microscopique

A Confinée à l’organe ou le muscle d’origineB Infiltration en dehors de l’organe ou le

muscle d’origine ; absence d’infiltration desganglions régionaux

Groupe II Résection macroscopique totaleA Tumeur réséquée macroscopiquement avec

résidu microscopiqueB Maladie régionale avec envahissement

ganglionnaire ; résection complète ;absence de résidu tumoral microscopique

C Maladie régionale avec envahissementganglionnaire macroscopiquement réséquémais persistance de résidu tumoralganglionnaire et/ou à un organe adjacent

Groupe III Résection incomplète ou biopsie avec

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Le pronostic de cette tumeur est mauvais avec un taux

a: immunohistochemistry (× 60): positive reactivity fordesmin. Note cross-striations (arrows); b: immunohistochemis-try (× 60): negative reactivity for cytokeratin.

Concernant nos deux observations, la négativité desmarqueurs épithéliaux, après un échantillonnage tumoralexhaustif, a permis d’éliminer l’éventualité d’une TMMM.

Le RMS du corps utérin n’a pas de symptomatologie spé-cifique et se révèle le plus souvent par des métrorragies oudes douleurs pelviennes [3].

L’évaluation de l’extension de cette tumeur peut se faireselon deux classifications : celle de la FIGO utilisée pour lessarcomes du corps utérin ou celle de l’IRSG [7] qui est uneclassification chirurgicale basée sur l’extension tumorale,la résécabilité tumorale et l’évaluation microscopique desmarges chirurgicales (Tableau 1).

Contrairement au RMS génital de l’enfant dont le

pronostic reste favorable avec un taux de survie à cinqans de l’ordre de 85 % [8,9], chez l’adulte le pronosticde cette tumeur reste péjoratif avec un taux de survie àcinq ans d’environ 30 % [3]. Le stade tumoral représente le

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résidu tumoral macroscopique

Groupe IV Métastases à distance

acteur pronostic majeur [2,10]. Les sous-types alvéolairet pléomorphe constituent des facteurs histopathologiquese mauvais pronostic [3,9]. Arndt et al., dans leur série de51 patientes atteintes de RMS génital, ont retrouvé desaux de survie à cinq ans de 82 % et de 66 % concernantespectivement le sous-type embryonnaire et les variantesutres qu’embryonnaire [9].

La chirurgie constitue le premier temps du traitementu RMS pur du corps utérin de l’adulte. L’intervention deéférence consiste en une hystérectomie totale associée àne annexectomie bilatérale par voie laparotomique [11].

En pédiatrie, l’association chirurgie, radiothérapie etolychimiothérapie (de type vincristine-dactinomycine-yclophosphamide) a fait la preuve de son efficacité àravers des études prospectives randomisées [1,9]. Dans laopulation adulte, de telles études n’ont pas été possiblesu la rareté du RMS dans cette population et la place desraitements adjuvants reste discutée. Des études rétrospec-ives évaluant l’efficacité d’une polychimiothérapie baséeur des recommandations pédiatriques ont montré des résul-ats encourageants avec des taux de réponse supérieurs à0 % [12,13]. Cependant, d’autres études n’ont pas retrouvée réponse significative à la chimiothérapie chez des adultestteints de RMS [10].

onclusion

e RMS pur du corps utérin demeure exceptionnel chez laemme adulte. Seule l’absence de composante épithélialecarcinomateuse) associée, après un échantillonnage tumo-al exhaustif, permet d’affirmer le caractère pur du RMS.

e survie à cinq ans de l’ordre de 30 %. Le stade tumoralonstitue le facteur pronostic majeur.

Le traitement est essentiellement chirurgical. La placees traitements adjuvants est difficile à évaluer du fait de

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6

’absence d’études prospectives. Cependant, les résultats’études rétrospectives évaluant l’efficacité des polychi-iothérapies sont encourageants.

onflits d’intérêts

ucun.

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