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Page 1: Splénose péritonéale simulant une carcinose péritonéale : à propos d’un cas

Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2012) 93, 941—944

LETTRE / Digestif

Splénose péritonéale simulant une carcinosepéritonéale : à propos d’un cas�

A.C. Akéa,∗, A. Menzli a, J.-C. Lecomtea,A. Mampassi-Makayaa, D. Valleixb

a Service d’imagerie médicale, centre hospitalier général de Guéret, BP 159, 39, avenue de laSénatorerie, 23011 Guéret cedex, Franceb Service de chirurgie viscérale, hôpital Dupuytren, CHU de Limoges, 2, avenue

Martin-Luther-King, 87042 Limoges cedex, France

MOTS CLÉSSplénose ;Carcinose ;Tomodensitométrie ;Exérèse

La splénose péritonéale est une entité rare [1], difficile à diagnostiquer car pouvant mimerdes affections péritonéales ou des tumeurs des organes pleins [1,2]. Nous rapportons uncas de splénose péritonéale de présentation diffuse simulant une carcinose péritonéalepour lequel le diagnostic de certitude a pu être réalisé grâce à l’exérèse d’un nodule souscœlioscopie avec examen anatomopathologique.

Observation

Mme R.J., 65 ans, nous a été adressée pour exploration d’adénopathies abdominales dedécouverte échographique suite à des douleurs abdominales. La patiente présentait unétat général conservé, stade 1 selon l’échelle « Performance Status » de l’OMS. Dans sesantécédents, on notait un cancer du col utérin localisé en 1995 (carcinome malpighienintra-épithélial peu invasif, de stade IA de la classification de FIGO), traité par hystérecto-mie totale élargie avec curage ganglionnaire revenu négatif et une splénectomie en août1964 à la suite d’un accident de la voie publique.

L’échographie réalisée dans notre service mettait en évidence des lésions ovalaires iso-échogènes par rapport au foie. Ces lésions étaient de siège intrapéritonéal en regard dela région épigastrique, faisant suspecter des adénopathies (Fig. 1). À l’examen tomoden-sitométrique thoraco-abdominopelvien, on retrouvait de multiples formations nodulaires

isodenses par rapport au foie, intrapéritonéales, centimétriques, à rehaussement homo-gène au temps veineux après injection intraveineuse de produit de contraste iodé. Cesnodules restaient inchangés lors d’une seconde exploration tomodensitométrique réaliséequatre mois après afin d’apprécier l’évolutivité des lésions compte tenu de l’état clinique

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2012.03.019.� Ne pas utiliser, pour citation, la référence francaise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and

Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (A.C. Aké).

2211-5706/$ — see front matter © 2012 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.jradio.2011.06.003

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igure 1. Échographie, coupes axiales en mode B. Nodules hypoé

atisfaisant de la patiente (Fig. 2). De plus, une explo-ation par tomoscintigraphie au 18F-FDG ne retrouvait pas’hyperfixation métabolique évocatrice de récidive néo-lasique ou d’un lymphome de haut grade (Fig. 3). Lesntécédents carcinologiques de la patiente nous avaientait suspecter une carcinose péritonéale et préconiser uneiopsie. Il a été réalisé une cœlioscopie avec exérèse d’unodule. L’examen macroscopique retrouvait un nodule de

g bien limité par une capsule, avec à la section un aspecte parenchyme splénique. À la microscopie, il s’agissait’un nodule bien limité par une capsule fibreuse fine délimi-ant un parenchyme splénique composé d’une pulpe rouget d’une pulpe blanche sans malignité. Les antécédentse splénectomie post-traumatique de la patiente firentonclure au diagnostic de splénose péritonéale.

iscussion

a splénose est l’implantation de fragments de rate dans’organisme. Elle est secondaire à une splénectomie le plusouvent après rupture traumatique [1—3]. Les fragmentse rate ou splénules peuvent s’implanter n’importe oùans la cavité abdominale avec comme localisation préfé-entielle la cavité péritonéale. Ils peuvent siéger dans lehorax en cas de rupture diaphragmatique associée [4]. Il’agit d’entités différentes des rates accessoires ou surnu-éraires qui correspondent à des anomalies embryonnairese migration des îlots spléniques primitifs [1,4,5]. La splé-ose péritonéale est le plus souvent de découverte fortuitehirurgicale, autopsique ou d’imagerie [2]. Elle est par-ois diagnostiquée à l’occasion de symptômes douloureuxbdominaux ou pelviens secondaires à un infarctus par tor-ion, une rupture spontanée, une occlusion digestive ou unffet de masse sur les structures adjacentes [1,2,5,6]. En

chographie, les splénules apparaissent hypoéchogènes parapport au parenchyme hépatique, homogènes, à limitesettes, avec un renforcement postérieur des échos [2]. Des

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ènes, ovalaires, bien limités, intrapéritonéaux.

ravaux récents [4] ont mis en évidence que l’utilisatione produit de contraste ultrasonographique permettait deaire le diagnostic différentiel entre les implants de splé-ose et les métastases péritonéales. Ainsi, Bertolotto et al.4] montraient que le rehaussement des nodules de splé-ose était intense avec un lavage (wash-out) précoceontrairement aux nodules de carcinose péritonéale qui searactérisaient par un rehaussement progressif sans lavage.’échographie de contraste constitue ainsi une alternativealable aux autres méthodes d’imagerie, notamment laomodensitométrie (TDM) qui est source d’irradiation.

En TDM, ces nodules sont hypo- ou isodenses par rapportu foie et présentent une cinétique de rehaussement simi-aire à celle de la rate avec une hétérogénéité à la phasertérielle et une homogénéisation à la phase veineuse [7—9].ans notre observation, la phase artérielle n’avait pas étééalisée, ce qui nous aurait permis une meilleure caractéri-ation lésionnelle.

En IRM, les nodules de splénose sont hypo-intenses en1 et T2 et se rehaussent précocement en T1 au temps arté-iel après injection de gadolinium de facon hétérogène,’homogénéisant en phase tardive [2]. De plus, l’IRM peutffectuer le diagnostic de certitude grâce à l’injection deroduit de contraste superparamagnétique. Ainsi, Rousselt al. [2] faisaient le diagnostic de splénose chez un patientorteur d’une lésion qui mimait une tumeur hépatiquexophytique grâce à l’injection de produit de contrasteuperparamagnétique contenant de l’oxyde de fer (SPIO :uperParamagnetic Iron Oxide).

Une autre méthode d’imagerie permettant d’affirmer leiagnostic de splénose est la scintigraphie : Chagnaud et al.1] ont porté le diagnostic de splénose péritonéale devantne masse rétropéritonéale droite, grâce à la scintigra-hie splénique sélective aux hématies altérées marquées auechnétium 99m, plus sensible que la scintigraphie hépa-

osplénique aux colloïdes [1,2,5,9]. Les cancers de l’utérusouvant métastaser à la surface du péritoine, l’antécédentarcinologique de la patiente nous avait fait évoquer des
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Figure 2. Nodules à limites nettes, homogènes, siégeant en avant de l’antre gastrique et en fosse iliaque droite, spontanément isodensesau foie et se rehaussant de manière intense et homogène. a : TDM : coupes axiales sans injection (décembre 2008) ; b : TDM : coupes axiales

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au temps portal après injection intraveineuse de produit de contrasinjection intraveineuse de produit de contraste iodé (avril 2009).

adénopathies puis une carcinose péritonéale qui se carac-térise par des nodules, de l’ascite et un épaississement desfeuillets péritonéaux [8,9]. La TDM est l’examen de choixdans l’évaluation de la carcinose péritonéale. Elle est sou-vent précédée par l’échographie qui est performante pourdépister un épanchement intrapéritonéal. Du fait du bonétat général de la patiente et des 15 années de recul sansrécidive après le traitement de la pathologie tumorale, lediagnostic évoqué de carcinose péritonéale était peu pro-bable.

Les autres diagnostics différentiels importants à consi-dérer sont les rates accessoires, la polysplénie, lesadénomégalies, les nodules endométriosiques et les tumeursdesmoïdes [2,3,9,10]. Les rates accessoires siègent le plussouvent dans le hile splénique, le ligament splénopancréa-tique et le ligament gastrosplénique [1,9]. Elles sont de plus

petite taille et moins nombreuses et présentent en ima-gerie les mêmes caractéristiques que la rate orthotopique[9]. La polysplénie, souvent associée à d’autres anomalies

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é (décembre 2008) ; c : TDM : coupes axiales au temps portal après

iscérales et notamment à une continuation azygos de laeine cave caudale, se caractérise par une rate divisée eneux à six splénules retrouvées dans l’hypochondre gaucheu dans l’hypochondre droit [9]. Les adénomégalies siègente long des axes vasculaires. Les nodules d’endométrioseeront recherchés chez une femme dans un contexte d’algieselviennes chroniques. Ils peuvent s’implanter n’importe oùans la cavité abdominopelvienne mais siègent préférentiel-ement au niveau du péritoine et des organes pelviens et sontarement aussi volumineux [3].

Enfin, les tumeurs desmoïdes ou fibromatoses bénignesurviennent classiquement en postopératoire de colecto-ie. En imagerie, il s’agit de lésions tissulaires bien limitées,

omogènes à rehaussement variable plutôt modéré [3].orsque le diagnostic de splénose péritonéale n’a pasté évoqué comme ce fut le cas dans notre observa-

ion, le diagnostic de certitude est alors réalisé aprèsiopsie ou exérèse d’un nodule avec étude anatomopatho-ogique.
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R Régent D. Édition 2010 Lavoisier: Médecines Sciences Publi-

igure 3. Tomoscintigraphie au 18F-FDG : coupes axiales et corone l’antre gastrique.

onclusion

a splénose péritonéale est rare, surtout dans sa forme dif-use. Des antécédents de splénectomie post-traumatiquesoivent y faire penser devant tout nodule ou masse intrapé-itonéale unique ou multiple, même chez un patient ayantes antécédents néoplasiques. La TDM aide à la caractéri-ation lésionnelle.

L’échographie de contraste, l’IRM avec injection de pro-uit de contraste superparamagnétique et la scintigraphieux hématies altérées marquées au technétium 99m per-ettent de porter le diagnostic de splénose péritonéale et’éviter tout geste invasif.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

éférences

[1] Chagnaud C, Champsaur P, Di Costanzo V, Petit P, Chamati S,Charifi AB, et al. Splénose péritonéale simulant une masserétropéritonéale droite. J Radiol 1998;79:1407—9.

[

Absence d’hyperfixation au niveau des nodules siégeant en ventral

[2] Roussel A, Petit E, Mallet L, Zins M. Splénose : intérêt de l’IRMavec injection de produit de contraste superparamagnétique.J Radiol 2008;89:1944—6.

[3] Levy AD, Shaw JC, Sobin LH. Secondary tumors and tumorlikelesions of the peritoneal cavity: imaging features with patho-logic correlation. Radiographics 2008;29:347—415.

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cations; 2010, p. 582—9.10] Fleming CR, Dickson ER, Harrison Jr EG. Splenosis: autotrans-

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