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Un juriste montpélliérain chef d'école 8rémond, seigneur de Montferrier

Parmi les jlll'istes qui enseignent à Montpellier dans les dernit'l'cs années ÙU XIII ' siccle, le groupe fot'lné par Guillaume de Nogaret, GuillauIIIe de Plaisians. Pons ù' Aumelas el quelques autres fournil le rnodèl e le pins fréquemment cité ù'une brillante période dans l'histoire de celle UnÎvcl'sih',.

La calTière ultérieure de ces illustres serv iteurs de la monarchie frança ise a longtemps m asqué le rùlc de juristes docteurs contemporains, de tendan­ces hi en différen tes, e t dont la produclion intellectuelle est sans doule slIpfrieul'c; au groupe Cil question. il est nolanlmenl permis d'opposer. il nutre .wb. un e èqllipe aussi homogèn e. dont l'in spil'ntcur fut dt' tOllt(·

('\'Ïtlenl"(' Bl'émond de Montferrier.

La \'ic cl la carrière d e ce personnage sont relativemenl hl en connUl'S,

encore (Iu'on l'ail parfois confondu a\'ec Berlrand d e I\'Io nlfa\'cL l, 011 qu'il

ail élé pris à lorl pour le fondaleur de l'enseignem en L du droit eivil il

Monlpl'lIil'r 2.

S' il c..~s l l'Il l'ffcl cerlain que cc sludillm assurail régulièn-' m cnL Ull kl

enseigne m ent depuis 1267 au moins, Bl'émond <'lait alon; trop jeune..' pOlir y pal'Licipcr. Il apparaît pOlir la première rois dans tin doe ull1enL du 1;) jllin 1277, (illi le qualifie de jUI'Îspéril et le désigne sous le Hom dt'

1. CI. chicllllù:llter I.:onfondcnt 168.)

2. E.·M. MEIJEHS. ResplJJ1su dOClorllll1 lhofosulloY/lH/. Haark.-m. 1938. p. xxx 1 X "'" E/lldes d'histoire dll droit, L. Ill. Leyde. 1959, p . 205.

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BREMOND DE i\IONTFERRIER 109

Rri'lIIonel d 'Assas, alias de Montferrier ; il venait sans donte d'hi'rikr de sa part en (Ilia lité de coseigneur rie celle localité située aux environs immédiats d e Montpellier 3. Tous les tex les ultérieurs le donneront pour miles : à ce titre, ct comme Bernard Augier, Barthélemy d e Clusels et d'autres, il appartient à celle petite noblesse nléridionale qui a fourni ulle part non négligeable des effectifs de professeurs de J'Université à la même

époque.

Le docloral lui a élé concédé peu après. car il s'en donne déjà le' titre en mai 1279 4 ; sans doute l'a-t-il acquis, comme tant de mt'ridion3ux du temps ct notamment comme presque tous ses futurs collègues, à Bologne. On doit toulefois observer qu'il sc trouve à Albi au début d 'oelohre 1281 et il Béziers en filai de l'année suivante 5. En lout cas il reviendra lJ'ès vile à Monlpelliel' où il se trouve le l '" juillet 1282 6, et donl il pal'ait ne plus a\'oir <fuitté désormais la région que pOlir de courls voyages .

S'inLitulant volontiers juris civilis professor, il partage sa carrière entre l'enseignement, les consultations 7 el les charges administl'atiyes. Tout pal'ticulièrelllcnt, il sc Illet au service de .Jacques de Majorque, dont il ('st proclIJ-eur ou lieutenant presque sans interruption depuis 1285 au

3. Contrairement à ce que pense J. ROGOZINSKI, The cOl//1sellors of lhe ~eJ/escha/ of Beat/caire and Nimes, 1250-1350, Speculwll, t. XLIV (1%9) p. 430, n. 42. En effet, si Bré­mon~ n'est que simple témoin dans l'acte en question, par lequel Bernard .Gaillard, dOHucel!us de Montferrier, prête hommage et fidélité (éd. J .. BERTHELÉ, Le Cartulatre mo.nt­pelJiéram des rois d'Aragon et des rois de Majorque. Arclllves de la ville de MOllfpelller . IJ/vclltaircs et documents, t. III, Montpellier, 1904, n. 25, p. 413), le document précédent, au même Carlulaire (éd. ibid., n. 24, p. 412) rapporte, à la date du 19 février de la même an~ée une prestation d'hommage pour le même fief, de quatre coseigneurs, dont un GUIlhem d'Assas, sans doute proche parent de Brémond.

4. Arch. Mun. Montpellier, Grand Thalamus, f o> 79 vO•

5. Il n'~st pas exclu qu'il ait enseigné d'abord, soit ~ Béziers, soit à Narbonne, il parait en tout cas avoir obtenu la confiance de la famIlle de Lautrec, dont di vers membres confient l'arbitrage de leurs différends à Aimeri de Narbonne, tout en s'accor­dant pour que le compromis soit rédigé ad noliciam domini Bermundi ... et cujusliber alterius sapienlis. Sur toute cette affaire, cf. CABlI~ et MAZENS. Un cartu/aire el divers actes des Alaman, des de Lautrec el des Lévis, Toulouse, 1883, p. 38 et s.

6 Arch. Dép. Hérault, E Supplément, MontpelJier. 7. Comme l'a remarqué J.·R. STRAYF.R. Les gens de justice dll Lal1gucdoc sous

Philippe le Bcl, Toulouse, 1970, p_ 55.

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110 A. GOURON

moins 8 jusqu'cn 1305, sinon jusqu'à sa mort, comme l' a ttest ent de très nombreuses sources. Cc mona rque lui confiera les responsabilités les plus diverses, jusqu 'cn en faire en 1298 l'un de ses ambassadeurs auprès dc Jacques d'Aragon 9. Il a néanmoins accepté les fonclions de juge mage ,le la sénéchaussée de Beaucaire, pour Philippe le Bel, peul-l'Ire en 121\7, certainement en 1290 ct au début de J'ann ée sui"anle JO ; mais nous croirions \'olontiers que son rôle à cc litre est resté intermittent. Même si le roi <le France, le qualifiant de miles regis, a essayé par la snile de faire appel à lui li, Brémond, à partir de 1291 , donne au majorquin, seigneur de Mont­pelli er, l'exclusivité de sa compélence dans les affaires publiqucs; un e lelle altitude est du r este yisiblemenl conforme, comme on le verra. à ce que l'on sail de sa doctrine juridique.

Sa mort peut ètre fixée ayec certitude au cours de l'année 1307, et nous savons aussi que sa sépu Hure se trouvait dans l'église ùes Frères Mineurs de Montpellier 12 . 11 laissa au moins un fils, lui aussi prénommé

8. On le voit alors faire construire un bâtiment sur la tour du palais des rois de Majorque. Arch. Mun. Montpellier, EEfJ (1 er juin) et 18 (2 juin ).

9. Cf. Et. BALuzE, Vitae paparum AvenioncnsillH1 ... , éd. MOLLAT, t. III, Paris 1928, p. 27 et s. - Les textes échelonnés au cour,; de ces vingt ans ont é té rassemblés par STRAYER, tes gens de justice ... , toc. cil. On .v Joindra notamment les documents publiés par J. Rou­QUETTE, Cartulaire de Maguelone, t. III , Vic·la-Gardiole, 1920-1921, p. 830, 844, 1007 et par t. GUiRA.UD, Le palais des rois d'A~W~Oll et de Majorque à MOlltpellier, Mémoires de la SocIété archéologique de Montpellier, 2e s .. t. III , fasc. 1 (1907) p. 186.

10. Outre les sources fournies par STR,\YI:R, ibid" d. Registres dôl Trésor dr.:; Chartes, t. 1, publiés par J . GLENISSON sous la direction de R. F,\wTlER, Paris , 1958, n° 1510 e t Ord. , 1. XII, p. 394 et s. Ce n 'es t du reste certainement pas sans malice qu'à J'occasion d'un litige avec les .gens du roi de Majorque, le procureur du roi de France Pierre de Béziers rappellera en Juin 1299 les conseils donnés quelques années plus tôt au sénéchal par Bré­mond en qualité de juge mage; cf. le texte publié par GERMr\IN, Histoire du commerce de Montpellier, t. 1. Montpellier, 1861, pièce just. LXIV, p. 369

11. Cf. Arch. Mun. Montpellier, BB2, n° 439: RO::OZINSKI, Tl1e counseltors ... , loc. ci!., et Eug. MARTlN,CUA80.T, Les archives de la COII~ des co.mptes, aides et finances de Mont­oeIl~er, avec un eSSai de restitutiol1 des pn.:mlers regLstres de sénéchaussée, Paris, 1907 (UnIversité de Paris. Bibl. de la Faculté des Lettres, t. XXII), n° 110, p. 147.

12. Ainsi que le précise une mention e n marge du ms. Bibl. Nat. lat. 4446 : cf. Paul FOURNIER, Pierre JAME (Petrus Jacobi) d'Aurillac, jurisconsulte, Histoire littéraire de la France, 1. XXXVI (1927) , p. 483, n° 2. Ses liens avec les Frères Mineurs ressortent également de mentions figurant aux mss Bibl. VaL, Vat. lat. 794, fol. 341 vo, et 798, fol. 374 VU,

d'où il ressort que Bermond, en compagnie de son collègue Jean Marc et du prêtre Benoît Julien , agissant en qualité d'exécuteurs testamentaires d'un magister R. de Mont· ferr ier, assignèrent ces deux mss. - des copies de commentaires de St-Thomas d'Aquin sur Mathieu et sur Jean - au couvent de cet ordre à Montpellier (d. Ang. Pelzer, 1. II, p. 123 et 126). - Nous remercions M. Gérard Giordanengo, conservateur aux Arch. Dép des Bouches-du-Rhône, d'avoir hien voulu attirer notre attention su r ces mss.

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BREMOND DE MONTFERRIER III

Brémond, qui cul à soutenir en 1343 un procès relatif au x locaux où avait enseigné son père, et le gagna probablement 13. Un autre membre de la famill e, le jllrisperilus Bérenger de Montferrier est, en 1327, lieutenant du juge royal d e Beaucaire 14. Peul-ê tre enfin es t-ce un parent des précédents, prénommé Thomas, qu e désigne en 1334 le Parlement pour enquêter sur l'empri sonnement de pirates par l'évèque d 'Agde 15.

Encore qu e les titres de doc/or ou de professor qu'il porte n'aient. à cetle époque, pas grande signification dans ce domaine, Brémond a certai­nement enseigné, et sans doute lon gtemps. Il fi gure dans la liste, si sotlycnt cilée, des civilistes et d es canonistes qui professaient au stl1dillm cn 12H2 16, et il possédait des écoles près du portnii Saint-Firmin 17, dans ce quarti er du Puy Arquinel, voisin du Peyrou actuel, où se sont formés s i longtemps les juristes montpelliéra ins, naturellement dépourvus a lors de loca ux publics. De son activité int ellectuell e, il est toulefoi s malaisé d e rendre compte avec précision, car il n'a laissé que des gloses 18, indépen­damment des opinions qu e lui prê tenl ses élèves.

A Innrer s les conflits a uxqu els il a été m èlé, Bréuloncl <le Montrerrier lai sse a ppara ître une personnalité formant un violent contl'aste avec celle de ses collègues Nogaret. Plaisians et Aumelas. Son action en qualité de conseiller du roi d e Majorqu e ne pouva it manqu er d e l'opposer à ces r.1 e l·niersl voire à d 'an ciens élèves devenus officiers du roi ùe France. Déjà

13. L. GUIRAUD. Les fondations du pape Urbain V à Montpellier. t. II : Le collège Saint-Benoît, Montpellier, 1890, p. XXVI-XXVII.

14. G. D UPONT-FERRIER, Gallia Regia ou état des officiers royaux des bailliages et des sénéchaussées ... , t. l, Paris. 1942, n" 3543.

15. Cf. Fr. L. CHEYEnE. The sovereign alld the pirales, 1332, Speculum. t. XLV (1970), p. 42, n. 5.

16. Cartulaire de l'Un iversité de Montpellier, t. l, (publié par VICIÉ, GRAND e t au tres) Montpellier, 1890. n° XXII, p . 216.

17. L. GUIRAUD, Recherches topographiques sur Montpellier all Moyell âge, Mémoir·es de la Société archéologique de Montpellier, 28 S . , t. l , fase. 2 (1899). p. 2%. na 4.

18. Qui ont été relevées avec soin par MEIJERS. Responsa ...• op. cil., p. -'FXXIX ~

~tlé1;:;;ge~;i.c~~.' (f9~~~ ~.Pil8~C~.D~A:;.~~s Q~~~h~q~~~t~11~1l~11~is:i~~~~h~ '1il ~~~. tMeij::~ sulle scuole di Orléans. Tolosa et Montpellier, Tiidschri ft voor Rechtsgeschiedenis, t. XXXVI (1968). p. 397; K.-W NORR, Münchner Kodexhandschriften, Zeitsch rift der Savigny Sti/tung. Rom. Abt., t. LXXXII (1965) p. 326-327.

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\12 A. GOURON

en 12H3, il n'ayail accepté «ue so us réserve Icul" install a tion ù Monlpel­li érel 19, Deux an s plus Lard, il s'a ttaquait a ux exigences, si sou\"cnL réit érées par ces per sonnages, visa nt à contraindre les ma rch anùs tra fiqu a nt pa r voie de mer à fair e transiter leurs marchandi ses pa r Ai gucs-Morlt's ayant de gagner MonlpeHier 20, Mai s son a ltitude de\'ait ê tre plus ex plicit e CI1('o r c

en 1303, lorsqu e les commissaires d e Philippe le Bel, dirigés l'al' n~ t autre

professeut' qu'éta it Barthélemy de Clusels, tenlè rent d'obtenir des adIH~si()Il S

au proj et de convocati on d'lin r oncile h m; \lIc à Boniface VIII. Non conlt'nl

(l'ex primer L1nc opposition pel'so!lneHe, Brém ond semble avoir l~ lt.' 1' :.'\nH' du

grolll' <' d e professe urs qui milita contre cel appel el soutint les ('onsuls de la dllc dans leur refu s 21.

Sur plu sicurs points, l'enseignem ent (le I3rém ond nou s cs! ('Ollllll , tl U

peul ètre déduit, g râee a ux œlnTes d e ses élèyes. Deu x <le ('es tl el'ni C' l' s

all Illoin s non s ont laissé des t rai lés, c.c l'les inéga lement réptllt's : Pkne .Iame d 'Aurillac e t Pi erre Anlihoul. Ou premi er l'Aurea prae/iea libr IJor1l11l,

s i souvent utilisée par des a uLeurs postéri eurs, cite à plusie1ll's reprises le

Illailrc 22. Le second a la issé un Divcr sorium ou Tl'aclatus d e In li Il cJ'Um ,'î

asscz singuli cr 23, où l'a uteul' sC' réc la me à plusieurs repri ses d e Bn' IHo ud ,

19. Cf. le lexte publié par AI GER1\I .\l~, Histoire de la COI1UI1W1C de MUIl/pell iC/", t. II. Montpellie r, 1851. pièce just. VIII , p. 361-363

on t é~J:p!Jli:r:~~eld~~i~~it~,i~1i:~~~;~!f~f: f.~l~t?A~~Ct~~·S E~~~~ lt~:! ~~I~~;_~,s p~~rs~ 1~6 ~~ ;.f~a~r~ Jy1.. FOU RNIER, Les staluts el privilège.~ des Universités français es ~epllis leur !.onûatÎoll lusqu 'en 1789, t. II, Par is, 1891, nU 1214 ; L. G UIR'\UU, Les fondatwHs ... , op. Cil ., t. Il , p. XXI-XXII. Cf. ,:,ussi Edg. BOUT~~ IC, La ~r~lI1ce sous Philippe le Bel, Paris, 1861, p. 108, c t A. H EN RY, GUillaume d e PlalsulIls, III/n1Slre de Philippe le Bel, Le Moyen A.t: i..',

b. riJ~~~!FE~R I3E~.eles·r61eS~~s I~Co~!~'~s~~e;e~~~11~c d~~~Teis:~;;::r:e~~~t,e d~ç~:s~?~dlJ~~, 5pécialemenl du X IVe arl XVIe siècle, Mélanges Paul Foumier, Paris, 1929, p . 173

22. MEIJERS, Respollsa . . , loc. cil., R. GRAND, Un jurisconsulte du X IV siècle, Pierre .Iacobi, auteur de la Practica adrea, Biblioll1i!que de l'Ecole des Chartes, 1. C, LXX IX ( 1918), p . 75 e t s . ; ESQU I ROU J)E PARI EU, EIll'!e sar la Pralic/tw Dorée de Pierrc Jacobi, iuri.,,· cOl1sulte du qualOrzièmc siècle, Revue de législatiOll et de juri . .;prudence, n. S., t. IV (1 884 ), p. 422·423.

23. Ed ilé notam ment dans le Tractatus univers; iuris, Venetiis, 1584, t XII , fU' 19-51 VU. Nous nous proposons de reven ir p rocha inement sur cet ouvragt!

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BREMOND DE ~mNTFERRIER 113

Des c.ilalÎons cont en ues dans ('('S d eux ou vrages, il J' essort qu e Br~montl éta it de ta ule cviden ce fav ora ble a ux immunit és d u clerge, a ussi bi en financi ères que judiciaires 24 . Antibou l so ulign e à plus ieu r s reprises une position analogue qu ' il lire d ' une glose d c son m a iLre s llr la loi plaet' t 2'5 ;

il ira mê me plu s loin en affirmant qu e l' immunité fi sca le, si des réparations sonl à fair e a u x mll1"S de la , ·ill e, s'appliquc même en ('u s dr IH;ress it r, qll t'

Brémond me ttait à part 26. Ceci n 'a rien pour {-lon n er da ns la nleS lIl'C Ol!

le seigneur <l e Mon tferri er parait a voir été forl li é à son coll ègue Hugu es Roger, lui aussi cit é plusi cu rs fois par .J aJll l' ct Anlihoul , cl inconl es tuhlc tenant d es privil èges eeelésias ti«u cs 27 . Il Il e fauL pas ouhlier d 'a utre part tlu e Brè mond ava it sans do ut e lin parent chanoine d(· Maguelone 28 .

I..:activit é de notre professe ur fa ce aux agissem ents des envoyl~s d e Philippe le Bel es l à m ettre d 'au tre peul en pa rallèle avec l'enseignement d e ses élèves en matière de préémin ence impéri a le. Pour Jarn e, qui lai ss(' d u reste un e large pl ace à la lhéorie des deux glaives, le roi de France fi nit être placé a u-desso us de " empereur, tand is <fu 'Anliboul n 'acceptl~ (IlH.' de fact o la doctrin e d e l'absence d e supér ieur a u tempore l, et a joute de jure lam en sllbes f imperio ~ : il y a là ulle dodl"in e exactem enl r eprise à la glose d e .Johann es TeuLoniclIs sur la cl écn;lal e Per venerabilem lO el :l de Jnultipcs aut eurs pos té ri e urs. C'est pe tll-être aussi au eomptc ci e BrénlO l1c1 quc l'on doit. me ttre les sévères criliqu es qU (' )'A urea }Jractieu, cl. sur loul le Tractaills de 1JI11neribus, aùressenl à la féodalilé m éridionale: avarice, avidité, fra ud es ca ract éri sent cell e-ci p OUf nos auteurs. Et ils n e trouvent

24. Comme l'a o,bservé Paul FOURt-.:IER , Pierre Jame ... , up. cir., p 487, 25. Edition préc itée. fo 40 vo, c. 2; fo 41, c. 1. 26. I bid., F" 41 v", c. 2 27. Diverses glosl;!s de ce professeur sont signa lées par M EIJ ERS, Responsa., loc . cil.

1290, J:. L~nali~~nfi96,u~~i~ts~~~:!îe d~n cr3Ôtté~. dXf 6~~\1~~N~eA~~~~,~r~e~V ~;d~fe~nn~~:o~r~~ de /a Société archéologiqlle de Montpellier, t. VII (l880), p. 734, 750 e t 766; ROUOUl:TTE, Cartu/aire ...• op. Cil., t. Ill , n . 821, p. 454. Ce même Raymond était en 1293 Créancier des fils du ;urisperitus montpelliéra in P. Ca ta lan (Arch. Mun. Montpellier, EE l , J . Gri­maud, notaire, Fo 14) ct s'identifie probablement au testa teur signalé supra, n. 12.

29 Edit ion préci tée, fo 45, c. 2. 30. Cf. cn dernier li eu G. POST. Sludies ;'1 mcdieval [egal 1 hrw;.Iu , Princeton. 1964,

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114 A. GOURON

pas de mols assez durs pour fustiger les officiers seigneuriaux, et Lout parliculièrement les fermiers de r.cs offices. faciles à corromp re et multi­plicateurs de procès. Chez l'un comme chez l'autre so nt enfin dl'nollcés les avocats malhonnêtes, les procureurs et les sergen ts qui exp loitent I(>s plaidcurs.

On ne manquera pas, pour terminer, d c noLer la tl'ès grande imporLance (IUC prend la coutume dans l' un et l'au tre de ces traités : généra le ou loca le, écrite o u non écrite, elle bénéficie ù'UllC utLention de tous les instants ch ez .Jame, d'Ull respect marqué cht'z Antiboul. Mais es l-ct' là lin trait propre à r école de Brémond de Monferrier? Des signes dh'ers Jl

nOlis amèn ent à présumer qu'il y a là , plus généra lemcnt. une t'-ollsla nle de l'école de Montpellier, cons lanle nullement paradoxale lor sql1c l'on connaî t les ambiguïtés qui, a u XIV' siècle, se cachenl sous l'exprcssion de

pays de droil écrit. De telles conslantes, n 'exagérons point la portèe : à preuve la cocxistence, dans la m ême Univel'silt\ d'une tcndanc<, dont sont issus d'illustres légis tes 32, et d'une école d'csprit tout opposé que Bn'molld de Mo ntferrier a marquée de son enseignement. L'ull c el l'au ll'e la isseront <lu reste des traces durables: en\'il'on un siècle plus la rd, ,J acq ues Hehuffi retiendra les leçons de la deuxième, tandis que .Jean de Terre\'ermeille, héritier de la première, se fera le théorici en d es lois fondam ental es ÙlI

royaume.

31. Comme la formation présumée de Jean Faure. dont les études à Montpellier ne sont guère éloignées dans le tcmps de celles de Pie\re Jarne; comme la présenc,: de manuscrits des cou tumes de cette vi ll e dans l'inventaire après décès de divers jUristes locaux; comme auss i la place qu'accordera Jean de Terrevermei ll e à la consuetudo face à la lex,

32. Non sans que certains n 'aient pu assurer la li aison , tel peut·être Bérenger Fre­dol. dont l'appui n'a pas manqué à Pons d'Aumelas: cf J. PEG UES, The lawyers of the las! Capelians, Princeton, 1962, p. 104-105. On peut même imaginer que Guillaume de Nogaret a suivi l'enseignement de Bermond. En effet, s i, comme on l'a souvent observé, la vie du premier n'est guère connue avant 1287, nous croyons avoir retrouvé Guillaume, témoignant à Labruguière en qualité de jurisperitus le 4 octobre 1281, au bas de l'un de ces actes cités supra, n. S, et relalifs à ce litige enlre les membres de la famille de Lautrec à la solution duquel Brémond a participé; cf. C\BIÉ et MAZENS, Un cartulaire .. . , op, cil., p. 41.

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lJREMOND DE MONTFERRIER 115

A ce dualisme doctrinal, il fa ut chercher l'explica tion dans la situation politique originale de la seigneurie de Montpellier a u temps de Brémond : d 'étendue assez m édiocre, ce lle-ci es t rra tiqu em ent cern ee par le domaine royal et constitue une proie de ch oix rouI' des offici ers entreprena nt s. En outre, si le fâcheux démembrement du royaume d'A ragon l'a attribuée à la faible maison de Majorque, Montpellier aLLeint alors l'apogée de sa puissance économiqu e, m aIgre to us les efforts des officiers de la séné­chaussée de Beaucaire-Nimes pOUl" en détourn er les marchands étrangers. La pati ente poussée française est donc faite d'interventions r épétées dans la vie administrative de la cHé, interventions dont l'acquisition de Mont­pelliéreL n'est qu'ull épisode, e l qui suscitent so uven t les protestations, et toujours l'inquiétud e du souverain majorquin et des consuls.

Dans un e société où Je juriste es t l'auxilia ire indi spensable à toute initiative politique, ch aque parti, à l'i mage de Frédéric Barberousse aussi bien que des villes de la Ligue un siècle plus tôt en Itali e, s'en lo ure de docteurs, de praticiens cl d'admini strule llrs : d'Oll l'intérê t présente par des hommes conlnle Brémond de Montferrier, au surplus issu d'un e petite noblesse riche d'a mbition, sinon de llloyens. Que l'on se soit disputé ses services, et qu'à un bref intermède près, il a il consacré ses Lalents à son seigneur e t à sa cité, tout cela térnoigne cn faveur d 'un juriste qui ne méritait peut-ê tre pas de tomber dans l'oubli.

André GOURON.


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