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Page 1: Une lésion trompeuse du pénis

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© 2 0 0 7 . E l s e v i e r M a s s o n S A S . T o u s d r o i t s r é s e r v é s .

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Caspour diagnostic

Accepté pour publication le 03 juillet 2006

Tirés à part :

T. Lazure, voir adresse en début d’article.e-mail : [email protected]

Une lésion trompeuse du pénis

A misleading lesion of the penis

Carole Dagher

(1)

, Julien Luini

(1)

, Raluca Ples

(1)

, Michel Bronstein

(2)

, Thierry Lazure

(1)

, Sophie Ferlicot

(1)

, Aliette Ladouch-Badre

(1)

(1) Service d’Anatomie Pathologique, CHU de Bicêtre, 78 rue du Général Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre Cedex.

(2) Centre Médico-chirurgical Parly II, Le Chesnay.

Dagher C, Luini J, Ples R, Bronstein M, Lazure T, Ferlicot S

et al.

Une lésion trompeuse du pénis.

AnnPathol 2007 ; 27 : 1-3

Observation

Un homme de 58 ans se présentait à laconsultation d’urologie pour un noduledouloureux de la verge. Ce nodule de1 cm était connu depuis deux ans et sataille s’était peu modifiée. Il était indo-lore jusqu’alors et avait été considérécomme une maladie de Lapeyronie aty-pique car il était superficiel, en relief etsans déformation axiale de la verge.Une exérèse localisée était décidée. Lalésion, bien limitée, noirâtre, tendue,était située sur le raphé médian et elleétait aisément clivée de l’albuginée descorps caverneux.L’examen histopathologique montraitun nodule sous-cutané assez bien limité,sans capsule. Il était constitué au cen-tre par des lobules compacts de gran-des cellules épithélioïdes au cytoplasmeéosinophile abondant

(figure 1a).

Leurnoyau était vésiculeux avec un nucléolede taille moyenne. À la périphérie dunodule, ces cellules semblaient s’arran-ger autour de fentes vasculaires étroites

(figure 1b).

Les mitoses étaient rares (2/10 champs

×

40) et il n’y avait pas denécrose. Quelques lymphocytes, plas-mocytes, sidérophages et polynucléaireséosinophiles étaient dispersés entre lescellules épithélioïdes. Celles-ci étaientpositives pour CD31 (marquage diffus),facteur VIII (marquage hétérogène) etvimentine. Elles n’exprimaient pas CD34,KL1, protéine S100 et HMB45. L’actinemuscle lisse mettait en lumière un impor-tant contingent de cellules allongées,myopéricytaires, disposées autour descellules épithélioïdes

(figure 2)

. L’index

prolifératif (Ki67) était de l’ordre de20 %.

Quel est votre diagnostic ?

FIG. 1. — Nappes de cellules épithélioïdes atypiques au centre du nodule (HES × 400) (a). En périphérie, vaisseaux mieux individualisés et bordés par des cellules endothéliales épithélioïdes (HES × 400) (b).

FIG. 1. — Sheets of atypical epithelioid cells, at the center of the nodule (HES×400) (a). More well-developed vessels lined by epithelioid endothelial cells were peripherally loca-ted (HES×400) (b).

b

FIG. 2. — Cellules myopéricytaires entourant les cellules épithélioïdes (actine muscle lisse × 200).

FIG. 2. — Myopericytic cells surrounding epithelioid cells (smooth muscle actin ×200).

a

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Carole Dagher et al.

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Diagnostic : Hémangiome épithélioïde

« atypique » du pénis

L’hémangiome épithélioïde est une lésion vas-culaire d’histogenèse incertaine et dont lanature tumorale ou réactionnelle n’est pasclairement établie [1]. Il se développe préfé-rentiellement dans les tissus sous-cutanés dela région céphalique ou à l’extrémité desdoigts [2]. Les localisations péniennes sonttrès rares avec moins de 30 cas rapportésdans la littérature [3, 4]. Il se présente typi-quement sous la forme d’un petit nodule(taille moyenne : 1,2 cm), superficiel, doulou-reux. Il peut siéger n’importe où sur la vergemais plus fréquemment sur la face dorsale.Son évolution est lente, de l’ordre de 4 à5 mois. Le traitement est conservateur. Ilconsiste en une exérèse localisée de la lésionsuivie d’une surveillance clinique pourdétecter d’éventuelles récidives [3, 4]. Dansla série de Fetsch

et al.

, il n’a été observéqu’un seul cas de récidive locale et aucunemétastase, avec un suivi moyen de 13 ans etdemi [3].La majorité des hémangiomes épithélioïdesdu pénis ont un aspect histopathologiquetypique et similaire à celui rencontré dansles autres localisations [3]. Une particularitéde ce siège est l’existence, parmi les héman-giomes épithélioïdes, d’un sous-groupe delésions « atypiques » (30 %), considérées parFetsch comme des formes immatures ouexubérantes [3]. Par leur caractère inquiétant,elles peuvent s’avérer trompeuses pour lepathologiste. En effet, les cellules épithé-lioïdes forment un nodule densément cellu-laire, d’architecture compacte où les lumièresvasculaires sont mal individualisées [3]. Desatypies cytonucléaires modérées peuventêtre notées ainsi qu’une activité mitotiquefocale. Le risque de confusion avec un méla-nome, un carcinome ou une tumeur vascu-laire épithélioïde plus agressive (hémangio-endothéliome et angiosarcome) est bien réel[2-4]. Les deux premières tumeurs sont écar-tées par l’examen immunohistochimique avecun piège à connaître : les cytokératines sontsouvent exprimées par un faible pourcen-tage de cellules tumorales dans les héman-giomes épithélioïdes, contrastant néanmoinsavec la positivité diffuse et intense observéedans la plupart des carcinomes [3]. Autreécueil : la négativité du CD34, souventdemandé en première intention en cas desuspicion de tumeur vasculaire, est presqueconstante dans l’hémangiome épithélioïde

et ne doit pas faire exclure ce diagnostic [3].Le facteur VIII et CD31 sont en revanche for-tement exprimés [3, 4]. Le diagnostic diffé-rentiel avec les autres tumeurs vasculairesépithélioïdes peut être plus difficile. Les cri-tères de bénignité incluent la taille (< 2 cm),le siège superficiel (en dehors de l’albugi-née), des atypies mineures ou modérées,une activité mitotique qui n’excède pas 2 à3 mitoses/10 champs

×

40, un phénomènede maturation du centre vers la périphériede la lésion où les lumières vasculaires sontmieux visibles, la présence (inconstante)d’une artère musculaire au centre de la lésion,la découverte de nombreux myopéricytesautour des cellules épithélioïdes avec ungradient de concentration croissant du cen-tre vers la périphérie du nodule [3]. Inverse-ment, une évolution rapide, une localisationprofonde dans les corps spongieux oucaverneux, une grande taille d’emblée, unemauvaise limitation, des atypies marquées,de nombreuses mitoses, une nécrose con-fluente sont évocateurs d’un angiosarcomeépithélioïde [3]. Un hémangioendothéliomeépithélioïde est écarté devant l’absence destroma fibro-myxoïde et d’agencement encordons des cellules épithélioïdes, le pointcommun trompeur entre les deux entitésétant la présence fréquente d’un gros vais-seau au centre de ces lésions, plutôt uneveine pour l’hémangioendothéliome, uneartère pour l’hémangiome [3].Les hémangiomes épithélioïdes « atypiques »ne peuvent être distingués cliniquementdes formes typiques. Ils semblent évoluercomme elles avec quelques réserves liées aumanque de suivi et au très faible nombre decas rapportés (6) [3]. La conduite thérapeu-tique conseillée est la même, en veillant à ceque l’exérèse soit bien complète.

Remerciements

Les auteurs remercient le Dr John Fetsch, Départementde Pathologie des tissus mous, AFIP, Washington, pouravoir confirmé le diagnostic.

Key words:

epithelioid hemangioma, penis, immunohisto-chemistry.

Mots-clés :

hémangiome épithélioïde, pénis, immunohisto-chimie.

Références

[1] Fetsch JF, Weiss SW. Observations concerning thepathogenesis of epithelioid hemangioma/angiolym-phoid hyperplasia.

Mod Pathol

1991 ;

4

: 449-55.

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[2] Tsang WY, Chan JK. The family of epithelioid vas-cular tumors.

Histol Histopathol

1993 ;

8

: 187-212.[3] Fetsch JF, Sesterhenn I, Miettinen M, Davis C. Epi-

thelioid hemangioma of the penis: a clinicopathologicand immunohistochemical analysis of 19 cases, withspecial reference to exuberant examples often con-

fused with hemangioendothelioma and epithelioidangiosarcoma.

Am J Surg Pathol

2004 ;

28

: 523-33.[4] Srigley JR, Ayala AG, Ordonez NG, van Nostrand

AW. Epithelioid hemangioma of the penis: a rare and dis-tinctive vascular lesion.

Arch Pathol Lab Med

1985 ;

109

: 51-4.


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