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CHAMPION NUMERO 1 JANVIER 2014 SPÉCIAL JUDO M 181213 - 1 - F: 1,00€ - LM LE MAGAZINE DES COMPÉTITEURS

Champion Magazine (spécial judo)

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Dossier réalisé en première année de journalisme sur le thème du judo (principalement à Auxerre).

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CHAMPIONNUMERO 1JANVIER 2014

SPÉCIALJUDO M

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LM

LE MAGAZINE DES COMPÉTITEURS

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PORTRAIT

« Aujourd’hui être professeur me nourrit »Jean-Marie Lagerbe, directeur des Arts Martiaux Stade Auxerrois, a longuement été le plus jeune ceinture rouge-blanche de France. Troisième aux championnats d’Europe cette année, le quarantenaire n’a plus besoin de faire ses preuves depuis longtemps. Il nous explique comment il en

Jean-Marie Lagerbe a commencé le judo à l’âge de huit ans à Chau-mont (Haute-Marne). « Mes parents

m’avaient mis là bas parce que j’étais bagarreur, introverti et impulsif, c’était pour eux un moyen de me canaliser. » Il a eu la chance d’avoir pour professeur Jean-Paul Ramion qui a participé à la création de La progression française : «C’est une sorte de bible éducative. Un groupe de réflexion composé de profes-seurs de gym y a repensé le judo japo-nais comme un modèle éducatif ».

Pour lui, le sport était un moyen d’ex-pression très fort où il se sentait plus à l’aise que sur les bancs de l’école. « Dès mes 10-12 ans, j’avais un profil compétition, j’étais capable de me sor-tir les tripes pour accéder à la victoire.» Son père étant gendarme, le jeune Jean-Marie a beaucoup déménagé, il s’est retrouvé dans un petit club de faible niveau « mais un ceinture marron est arrivé et m’a donné des branlées qui m’ont mises à niveaux pour accé-der au cursus sport étude de Stras-bourg à quinze ans ». Il y est resté trois ans, jusqu’à son baccalauréat en 1983. Cette année là, il a terminé vice champion junior aux championnats de France, ce qui le propulsa en équipe de France. Côté étude, il fit un STAPS pour être professeur d’éducation phy-sique, tout en continuant de pratiquer le judo de façon soutenue. « Le choix de ma reconversion s’est fait à trente ans, juste après un stage au Japon, on m’a proposé de vivre de ma passion à Auxerre, ce qui à l’époque ne m’intéres-sait pas ». En effet, Jean-Marie Lagerbe se complaisait dans son rôle de « prof de sport », mais il a pourtant accepté le poste de directeur des Arts Martiaux Stade Auxerrois.

Nouveau départ à Auxerre

« Je suis arrivé en novembre 1994 sur Auxerre, il y avait tout à reconstruire, le judo auxerrois était très divisé suite au licenciement de mon prédécesseur.» Jean-Marie n’était pas intéressé par la façon dont était enseigné le judo à Auxerre. Il connaissait son potentiel en tant que professeur de judo, mais il a dû structurer tout ce qui était périphé-rique au métier : « Au début, je donnais vingt-cinq heures de cours par semaine, désormais il y a cinq professeurs, je fais moins de terrain mais je fais beaucoup plus de développement, je supervise le projet pédagogique. »

Pour Jean-Marie Lagerbe, le judo est un outil qui permet de former les jeunes et de les aider à affronter les difficultés qu’ils rencontrent dans la vie. Au Japon, il existe trois entités dans la construc-tion de soi qui, selon lui, peuvent être

assimilées à la pratique du Judo : « Il y a le moment où l’on se construit avec les autres, qui correspond à l’appren-tissage du judo, puis le moment où l’on se construit contre les autres, qui se rapproche de la compétition, et enfin le moment où l’on se construit pour les autres, qui peut être comparé au moment où l’on décide de transmettre et d’enseigner le judo ». La philosophie du club n’est pas de rendre ses élèves plus forts, mais de les rendre meilleurs.

« J’ai passé la phase où je devais prou-ver au monde qui j’étais, aujourd’hui, être professeur me nourrit » confie Jean-Marie Lagerbe, bien qu’il ait par-ticipé cette année aux championnats d’Europe. Il a terminé troisième en se faisant éliminer par carton rouge sur un geste qui était autorisé à son époque mais qui ne l’est plus désormais. « Du coup je me suis promis de faire les championnats du monde l’année pro-chaine. » n

Lisa Monin

Jean-Marie Lagerbe, durant ses derniers championnats de France en 1993 : DR

FOCUS

CHAMPIONChampion Magazine

28 rue Yvonne le Tac, 75018 Paris06.98.35.99.11

[email protected] général : Jean-Pierre Driay

Editeur : Michel Baldi

Directeur de publication : Lisa Monin

Secretaire de redaction : Lisa Monin

Conception graphique : Lisa Monin

Photographes : Lisa Monin, Christelle

Vermandé

Difficile d’en vivre !A la différence des footballeurs, tennismans ou autres golfeurs, les judokas ne perçoivent pas de salaires exorbitants. Au contraire, pour la plupart d’entre eux il est difficile de vivre de leur passion.

EDITO Le judo est aujourd’hui l’art martial le plus pratiqué de France, paraît-il. Pourtant, contrairement aux sports ultra-médiatisés, il semble qu’il soit peu familier de la majorité des personnes. Ainsi, j’ai ressenti le besoin de démystifier cette discipline à travers ces lignes. Non pas que je la pratique, ou qu’elle m’attire particulièrement : je suis bien trop timorée pour m’élancer sur un tatami. Mais, plusieurs de mes proches s’adonnent à ce sport, d’où mon envie de partager leur passion à travers le premier numéro de Champion Magazine. Au fil des interviews, je me suis rendue compte à quel point cette discipline était indissociable d’une philosophie de vie qui va bien au delà de l’effort physique. Comme il est impossible, en quelques pages, d’embrasser la discipline dans son ensemble, j’ai souhaité me concentrer sur l’humain, sa formation et ce qu’il en retire. J’ai également voulu attirer l’attention sur deux sujets épineux: les maigres salaires des judokas et les régimes intensifs. Le tout en se gardant des sujets purement techniques et du jargon pour permettre à tous les lecteurs de découvrir le judo et ses valeurs ! n

Les chiffres sont éloquents, le vainqueur du tournoi de judo de Paris ne reçoit que 3 500 euros,

tandis que le tennisman remportant Ro-land-Garros repart avec un 1,2 million d’euros. Il est inutile d’abor-der le montant des revenus des footballeurs et autres adeptes des sports collectifs les plus en vue. Le maga-zine l’Equipe avait recensé, il y a plus d’un an, les cin-quante sportifs français les mieux payés, le palmarès ne comptait aucun judoka !

En effet, la plupart des ath-lètes pratiquant le judo ne toucheraient même pas un SMIC. D’après un rapport du Sénat, il y a plus de 2 500 sportifs de haut niveau qui touchent moins de 1 300 euros par mois. Par exemple, Frederic Stiegel-mann, ancien titulaire de l’équipe de France de judo confiait au Monde, il y a deux ans : « on ne peut pas dire que j’ai bien vécu du judo. Ma prime fédé-rale s’élevait à 400 euros par mois et mon club me versait un salaire de 800 euros. Parfois mes parents devaient m’aider…».

Plus récemment c’est Laëtitia Payet qui a levé le voile sur les salaires des judo-kas. Elle déclarait début décembre 2013 au Parisien, qu’elle quittait le monde du judo pour devenir agent immobi-

lier. Excès de folie ? Pas tant que ça, lorsque l’on sait que la représentante française aux Jeux Olympiques n’est pas conventionnée par la Fédération Française de Judo et, de fait, ne touche que 800€ par mois !

Celui qui déroge à la règle n’est autre que Teddy Riner, sextuple champion du monde. Ce dernier toucherait plus d’un million d’euros par an. Pourtant, la Fédération Française ne lui verse que

3 000 euros par mois. Son club de Levallois, le rému-nère tout de même 15 000 euros par mois, mais c’est grâce aux 600 000 euros de sponsoring (Adidas, Pitch, Cloudwatt…) et aux 200 000 euros de primes de victoire, qu’on arrive à la coquette somme de 1,2 million d’eu-ros annuels. Teddy Riner est l’exception qui confirme la règle et ses confrères footballeurs touchent en moyenne dix fois plus. Il y a une réelle disparité de revenus entre les différents sports, et les judokas ne sont pas les mieux lotis.

On peut donc «vivre» du judo mais il est très diffi-cile de toucher des salaires

élevés comme dans certaines autres disciplines. C’est peut-être aussi ça, la philosophie propre au tatami : sobriété, pudeur et modestie. n

Teddy Riner, en polo Adidas : DR

Lisa Monin

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DOSSIER DOSSIER

La voie de la souplesseLe judo est aujourd’hui l’art martial le plus pratiqué de France. Pour comprendre son essor, il faut remonter à ses origines. Jean-Marie Lagerbe a accepté de nous livrer sa vision de l’histoire, de la philosophie et des valeurs du judo.

Au Japon, les arts martiaux sont pratiqués depuis des siècles. Les Samouraïs étaient formés

à différentes disciplines (la calligra-phie, la méditation...) mais surtout aux arts de la guerre qu’on leur enseignait dans les écoles de ju-jitsu. Pendant leur apprentissage, ils devaient suivre un code moral très strict, le «bushido ». Bien qu’avec l’avènement des armes à feu les Samouraïs aient disparus, ces préceptes restent très présents dans la mentalité japonaise.

Avènement du judoJigoro Kano était un intellectuel qui vou-lait se former au combat. A l’époque les écoles de ju-jitsu encadraient l’armée et la police, elles étaient très rigoureuses et très violentes. Jigoro Kano possédait un petit gabarit, il était donc très difficile pour lui d’intégrer ces écoles de ju-jitsu et de se former au combat malgré toute sa bonne volonté. La légende raconte

qu’en se promenant dans son jardin en hiver, il remarqua que les roseaux se pliaient sous le poids de la neige afin de se débarrasser avec souplesse de leur assaillant, tandis que les branches de cerisier, beaucoup plus robustes, se cassaient. Il eut alors l’idée d’appliquer cette méthode à l’apprentissage des arts martiaux. Le principe était d’ensei-gner les techniques du ju-jitsu avec sou-plesse, en dépouillant la discipline de toute violence. Il s’est donc inspiré du code moral des Samouraïs, le « bushido », duquel il a supprimé le côté guerrier « bushi », pour ne conserver que la voie « do » à laquelle il ajouta la souplesse « ju ».

Jigoro Kano a été l’équivalent d’un ministre des sports et de la jeunesse. Il voulait créer une méthode plus douce, plus éducative, accessible au plus grand nombre, c’est-à-dire utiliser davantage le « bushido » que le ju-jitsu. Le souci était alors la crédibilité de sa discipline. Heureusement, chaque année la meil-leure des écoles de combat avait le pri-vilège d’entrainer la police, une aubaine ! Après avoir formé un petit groupe d’élèves, l’école de Jigoro Kano rem-porta le contrat en 1881, ce qui a rendu sa discipline extrêmement populaire au Japon. Il fonda son école de Judo en 1882, appelée « Kodokan ».

Arrivée en Europe

Dès le début du vingtième, Jigoro Kano envoya ses meilleurs élèves au quatre coins du monde pour développer sa discipline. Le judo est arrivé en France avec maitre Kawaishi en 1938. Il a crée à Paris le Ju-jitsu Club de France . C’est à Maurice Cottereau qu’il a remis la première ceinture noire française en avril 1939, et c’est Jean de Herdt qui remporta les premiers championnats de France en mai 1943. Quelques années plus tard était née la Fédération Fran-çaise de Judo.

Les élèves les plus assidus de maître Kawaishi eurent pour mission de mon-ter des clubs dans toute la France, si bien que dans les années cinquante, il y avait autour de vingt mille adhérents. A l’époque, il n’y avait pas d’autres arts martiaux en France, ceux qui vou-laient s’essayer au combat pratiquaient

la lutte ou la boxe. Le judo est apparu comme une alternative alléchante : ce sont d’abord les notables et les intellec-tuels qui se sont essayés à ce sport, ils lui ont donné une image assez élitiste. Cela explique l’engouement du grand public. Une fois qu’il fut démocratisé, il y eut un développement impressionant du self-défense dans l’hexagone.

Valeurs du judo

Le « do », c’est la voie, au sens de la direction à prendre. Le « ju » signifie la souplesse, elle s’applique aussi bien physiquement que moralement. Le tout est de canaliser les énergies pour restituer les meilleures forces. La philo-sophie du judo est basée sur trois prin-cipes : le Jita Kiyoei (entraide et prospé-rité mutuelle), Seiroiku Zenyo (meilleur utilisation de l’énergie) et Shin Ji Tai (le cœur, la technique et l’esprit).

Le code moral que l’on attribut aujourd’hui au judo est en réalité euro-péen. Les valeurs qu’il prône (politesse, courage, sincérité, honneur, modestie, respect, contrôle de soi et amitié) sont enseignées aux japonais dès leur plus jeune âge, c’est induit dans leur modèle éducatif, par opposition au nôtre.

Jigoro Kano : DR

Maître Kawaishi : DR

Jean-Marie Lagerbe donnant des instructions à ses élèves : LM

Fin du cours, Jean-Marie Lagerbe fait faire le «Zarei» (salut à genoux) : LM

Mise en pratique

Jean-Marie Lagerbe explique de quelle façon il tente de transmettre cette philosophie dans son enseignement du judo. « Je suis athée et humaniste, je mets la personne au centre de mes convictions ». Il se demande sans cesse si les valeurs qu’il inculque aux jeunes vont être efficaces pour que ces derniers s’insèrent dans une société peu repré-sentative de cette mentalité. « Aujourd’hui, on veut toujours aller plus vite alors qu’en réalité, la construction d’un être, cela prend toute une vie ».

Sa tâche a donc été d’établir les fondements des valeurs éducatives et morales. « On est tous habillés de la même manière, seule la ceinture nous distingue », cela permet d’abolir les différences sociales, sur le tatami ce sont le comportement et les compé-tences dans la pratique qui font la distinction. L’obtention d’une ceinture ne relève pas que des connaissances pratiques mais aussi des valeurs morales.

Quand la maturité physique de l’élève est faite, Jean-Marie Lagerbe les « envoie au combat », pour leur apprendre le dépassement de soi, l’abnégation. « C’est quand l’élève devient jeune adulte qu’on peut le confronter à d’autres valeurs ». Selon lui, il faut garder en tête que l’on ne combat pas pour écraser l’autre, mais pour l’affronter. Il n’y a pas de coups bas au judo.

La ceinture noire symbolise la fin d’un apprentissage. Pourtant, le judoka se doit de continuer à construire sa personnalité philosophique, il doit trouver sa place, et se remettre constamment en question. « Une des particularités du judo est qu’on apprend à se relever avant d’apprendre à tomber ». La discipline donnerait donc une certaine confiance en soi pour affronter les difficultés que nous réserve la vie. Ce qui est impor-tant, c’est ce dont l’homme a réellement besoin pour exister. Il y a autrui, évidemment, mais surtout et avant tout, la connaissance de soi-même. « Les chocs émotionnels ren-contrés dans la vie nous affaiblissent si on ne se connaît pas ». Il faut avoir conscience que l’individu, à travers sa vie, accumule tellement de choses que si il sait les classifier, il n’aura aucun mal à devenir une bonne personne. « Il nous faut forcément des pare-feux pour éviter de devenir mauvais, moi j’ai choisi le judo pour ça. » n

Lisa Monin

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INTERVIEWINTERVIEW

« Le régime, c’est le premier combat »Face à la nourriture, les judokas ne sont pas tous égaux. Quelque soit leur âge, leur poids défini leur catégorie et donc leur adversaire. Certains se livrent à des régimes drastiques quelques jours avant la compétition.

Pour la plupart des adeptes du judo, la perte de poids avant la compétition est un passage obli-

gatoire. En effet, à très haut niveau, les professionnels pensent à leur poids sur le long terme : ils font attention à leur ali-mentation de façon quotidienne et conti-nue. Ce n’est pas le cas de la plupart des judokas. En général, ces derniers se privent uniquement dans les jours précédant la compétition. Ils font subir à leur corps d’importants dérèglements.

Certains confient qu’ils « connaissent des amis qui peuvent perdre jusqu’à onze kilos en quelques jours », mais quand on leur parle d’eux-mêmes, ils restent évasifs. Pour eux c’est presque normal : « tout le monde le fait, si tu décides de ne pas le faire, tu te retrouves face à un mec qui peut faire dix kilos de plus que toi en temps nor-mal, et là t’es foutu ». A les écouter, tout le monde semble être adepte de cette technique qui consiste à être plus léger, juste le temps de la pesée.

L’avis de la professionnelle

Cécile Losay, diététicienne à Lannion (Côte d’Armor), nous livre son point de vue sur ces régimes : « Lorsque l’on pratique des régimes de sudation intense, qui consistent à ne rien boire et à beaucoup transpirer pour perdre

du poids en eau, on met son corps en situation de jeun, or ce n’est pas en mangeant des sucres rapides juste avant le combat que l’on retrouve une forme physique parfaite. Au contraire, on est plus faible. Forcément, chez les adolescents cela se remarque moins car ils ont d’énormes ressources d’énergie. Mais le corps a une mémoire, donc si ces régimes sont fréquents, ils seront de moins en moins efficaces et de plus en plus nocifs pour le métabolisme du judoka. »

Interrogé sur les motivations qui le poussent à se lancer dans cet engre-nage malsain, un jeune judoka répond : « Il faut se dire que le régime, c’est le premier combat, si tu n’y arrives pas, c’est que tu n’as pas le mental pour la compétition ». n

Cécile Losay, diététicienne à Lannion : CV

Au pôle espoir de Dijon, il faut suivre la cadence ! Eliott Monin est une jeune judoka de dix-sept ans qui est actuellement au pôle espoir de judo de Dijon. Il concilie tant bien que mal ses études et sa passion. Il nous en dit un peu plus sur sa formation.

Tout d’abord, comment as-tu décou-vert le judo ?

C’est mon père qui m’a inscrit aux Arts Martiaux Club Auxerrois quand j’avais sept ans. Dans

ma famille, il y a une longue tradition de judokas. De mon grand-père à mon petit frère, c’est un passage obligé chez les Monin. Mon père, Fréderic Monin, est même devenu il y a un an, le président du comité de l’Yonne de la Fédération Française de judo, c’est pour vous dire à quel point on prend ça au sérieux !

Qu’est-ce qui t’as plu dans ce sport ? Au début, je n’appréciais pas vraiment le judo, ou du moins pas autant qu’au-jourd’hui. Je pratiquais le judo pour faire honneur à mon père. Avec le temps, j’ai appris à l’aimer à ma manière et désor-mais je ne peux plus m’en passer ! J’adore l’effort, la difficulté. Quand tu réussis à effectuer, pendant un combat, une technique que tu as répété des cen-taines de fois, c’est magique.

Quel est ton niveau ? J’ai été quasiment chaque année, entre mes onze et mes seize ans, champion

de Bourgogne. J’ai obtenu la première place aux interrégionales quand j’étais minime. Là je vais essayer d’être au niveau national, je suis junior 1 et je tire (ndlr : tirer signifie combattre) en moins de soixante-treize kilos. En juin dernier, j’ai obtenu la ceinture noire, c’est Lucie Décosse, la championne olympique, qui me la remise lors d’une cérémonie. C’était vraiment génial.

Tu es actuellement au pôle espoir de Dijon, comment t’es-tu retrouvé là-bas ?Les recruteurs du pôle m’avaient repé-ré depuis longtemps, que ce soit aux championnats de Bourgogne ou dans de simples opens. Ils m’ont envoyé des courriers, je suis ensuite allé faire à Dijon une série de tests physiques, puis j’ai passé un entretien oral à la suite duquel j’ai été accepté. J’y suis allé pour devenir plus fort parce qu’à un moment le club ne suffit plus.

A quoi ressemble une semaine au pôle espoir ? Le lundi, je fais une heure de muscula-tion après les cours, ensuite j’enchaîne sur une séance de judo très orientée sur la technique. Le mardi j’ai un entraine-ment de judo avant mes cours, on ne fait que du ne-wasa (les techniques au sol), puis le soir après les cours, j’ai une seconde séance pendant laquelle on fait beaucoup de répétitions de mou-vement. Le mercredi j’ai cours le matin, une heure et demi de musculation l’après-midi et le soir il y a entrainement de judo. C’est le plus important de la semaine parce qu’il est ouvert, c’est-à-dire que n’importe quel judoka licencié peut y participer. Un mercredi par mois il y a ce qu’on appelle une CPS : plusieurs pôles espoir de France se rejoignent pour combattre, à haut niveau, il faut être attentif et observateur car tu risques de recroiser ces judokas en compéti-tion. Le jeudi matin, l’entrainement est orienté sur le tachi-wasa (les techniques debout). Tous ces entrainements se font avec Cedric Gaudet. Mais le jeudi soir, c’est Eric Fauroux qui vient nous entrai-ner, il est double vainqueur du tournoi de Paris, champion d’Europe Junior … Avec lui on ne sait jamais à quoi s’at-tendre mais c’est toujours éprouvant ! Pour finir, le vendredi, j’ai musculation très tôt le matin, et le soir tous les judo-kas repartent dans leurs clubs respec-tifs, moi je m’entraine jusqu’à 22 heures à Auxerre.

Ta semaine est extrêmement char-gée, le week-end est-il plus calme ? En ce moment pas vraiment, j’ai des compétitions tous les week-ends, en vue des compétitions fédérales, il y en a trois dans l’année, ce sont les plus importantes, il faut bien les préparer. Pendant les périodes creuses, j’ai au minimum une compétition par mois, mais actuellement tous mes dimanches sont pris et parfois même les samedis !

N’est-il pas difficile de concilier tes cours et ta passion ?Si ça l’est extrêmement, je suis en première STMG (management et ges-tion), le soir, quand je rentre je suis rincé. Je n’ai qu’une envie c’est d’aller dormir, mais c’est impossible car il y a les devoirs à faire. Au pôle, on n’a pas une minute à soi. Je me lève vers sept

heures et me couche vers vingt-trois heures sans avoir eu un moment pour moi. Après on s’habitue et on accepte ce rythme parce qu’on a la chance de prati-quer à fond notre passion.

As-tu un régime particu-lier ?Oui on peut dire ça, mainte-nant que je suis au pôle je

m’oblige à faire plus attention qu’aupa-ravant. Je fais un petit déjeuner très vitaminé le matin, le midi je mange copieusement, et le soir je fais un diner assez léger. Avant je me nourrissais n’importe comment ce qui m’obligeait à faire des régimes intenses avant les compétitions. Avec le rythme que j’ai aujourd’hui, je ne peux plus faire ça.

Souhaites-tu vivre du judo plus tard ?J’aimerais bien mais je n’essayerai pas, c’est extrêmement difficile de percer dans le judo et c’est dur de bien gagner sa vie. J’admire ceux qui arrivent à en vivre mais je ne les envie pas, ça doit représenter beaucoup de pression.

Alors pourquoi avoir intégré le judo à ton cursus scolaire ?Parce que ça reste une passion. Mon objectif est d’être champion de France et pour y arriver, j’étais obligé de pas-ser par le pôle espoir. Et franchement, même si le rythme est délirant, je ne le regrette pas. n

Lisa Monin

Lisa Monin

Eliott Monin durant un de ses entrainements :LM

Eliott Monin et Lucie Décosse, après la remise de sa ceinture noire : LM

Cécile Losay, diététicienne à Lannion : CV

« Tout le monde le fait, sinon t’es foutu »

« J’y suis allé pour devenir plus fort »

« Au pôle, on n’a pas une minute à soi »

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PORTRAIT

Kamel Mohamedi, celui à qui tout souritKamel Mohamedi, jeune prodige du judo français, commence à tracer son chemin sur la voie du succès. Il revient sur son parcours. Portrait d’un champion en devenir.

Kamel Mohamedi a aujourd’hui vingt-trois ans, il n’en avait que cinq quand il a commencé le

judo au club des Arts Martiaux Stade Auxerrois auprès de Jean-Marie La-gerbe. C’est son père qui, à l’époque, l’avait inscrit. « J’ai accroché, il y avait un bon groupe, un bon état d’esprit et sur-tout un bon coach » confie-t-il. Il a peu à peu pris goût à la compétition. Après sa première victoire aux régionales de Bourgogne, le pôle espoir de Dijon l’a contacté afin qu’il durcisse les rangs de la formation. « C’était un passage obligé pour aller aux championnats de France, Dijon possédait la meilleure opposition au niveau régional. »

Dès lors, le jeune natif auxerrois s’en-traine deux fois par jour, intégrant le judo à son cursus scolaire. Après un an dans la structure Dijonnaise, et grâce aux bons résultats qu’il avait obtenu lors de différentes compétitions, Kamel Mohamedi quitta la Bourgogne pour rejoindre le CREJ d’Orléans en sep-tembre 2007. Ce fut de courte durée car après le premier trimestre, Kamel Mohamedi pouvait se vanter d’être classé numéro deux junior en -60 kg en France, et il rejoint alors le pôle France d’Orléans. « C’était très différent de Dijon, ce n’était plus un niveau régional mais international, c’était l’endroit où les Français pouvaient percer à l’étranger. »

Le pôle France fut un véritable tremplin pour lui, car il obtenu la médaille de bronze aux Championnats de France en 2008. « Je me souviens m’être jeté dans les bras de mon coach, Jean-Marie

Lagerbe en sortant du tapis, cette com-pétition était très importante, elle allait déterminer plein de choses pour mon avenir en tant que senior ». Cette année là fut certainement la plus marquante qui soit pour Kamel Mohamedi, effecti-vement, entre son podium aux Cham-pionnats de France, sa réussite au BAC et l’obtention de son permis de conduire, tout semblait sourire au judoka. « C’était intense, tous mes efforts étaient enfin récompensés ». De surcroit, il rempor-tait la même année les zones seniors pour monter en première division aux championnats de France.

Actualités du championEn septembre dernier, Kamel Moha-medi fait sa rentrée à l’INSEP (institut national du sport, de l’expertise et de la performance), et commence à faire ses premières performances à l’interna-tional. Le judoka, qui est ceinture noire 3e dan, s’entraine entre quinze et vingt heures par semaine. C’est certainement son assiduité et sa motivation qui lui ont permis d’être sacré vice-champion de France en moins de soixante kilos le neuf novembre dernier. Ce mois-ci, il

entame une formation AGFF pour être professeur de sport dans une salle de fitness. Quand on lui parle de son mode de vie, il semble être un jeune homme tout à fait commun. Son régime alimentaire quoti-dien n’étant pas très strict, il est obligé de faire des régimes avant chaque com-pétition. « Mon maximum c’était sept kilos en une semaine ». Il faut compter environ deux compétitions par mois, bien que cela varie en fonction des dif-férentes sélections. Si on lui demande ce qu’il fait pour se détendre : « Dor-mir, c’est automatique ». Kamel Moha-

medi retourne dès qu’il le peut dans sa ville natale, Auxerre. « On ne peut pas comparer Paris et Auxerre, je préfère de loin ma province, c’est là que tout a com-mencé, que j’ai ma famille, mes amis, mon coach… Mais pour avoir de la qualité en judo on est obligé de par-tir. »

Ce qu’il souhaite pour la suite ? Il répond hum-

blement « des bons résultats et des bons moments ». Le sourire du judoka semble être immuable. A terme, Kamel Mohamedi souhaite transmettre sa passion aux plus jeunes. « J’aimerais être un aussi bon coach que le mien, Jean-Marie Lagerbe ». Le mot de la fin : «C’est un sport, une passion, une sacrée aventure humaine, mais on ne peut pas en vivre, physiquement ou psychologiquement, car dès que l’on fait du judo pour une quelconque raison (et surtout financière), on ne prend plus de plaisir et on craque ». n Lisa Monin

Kamel Mohamedi sur le tatami à Auxerre : LM