View
226
Download
0
Category
Preview:
Citation preview
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
1/380
Charcuterie ancienne etmoderne : trait
historique et pratiquerenfermant tous lesprceptes qui se
rattachent la [...]
Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France
http://www.bnf.fr/http://gallica.bnf.fr/8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
2/380
Dronne, Louis-Franois (1825-.... ; charcutier). Charcuterie ancienne et moderne : trait historique et pratique renfermant tous les prceptes qui se rattachent la charcuterie
proprement dite et la charcuterie-cuisine, suivi des lois... et statuts concernant cette profession... / par L.-F. Dronne ; [avec une biographie de l'auteur rdige par. 1869.
1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numriques d'oeuvres tombes dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur rutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n78-753 du 17 juillet 1978 :*La rutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la lgislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.*La rutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par rutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitslabors ou de fourniture de service.
Cliquer ici pour accder aux tarifs et la licence
2/ Les contenus de Gallica sont la proprit de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code gnral de la proprit des personnes publiques.
3/ Quelques contenus sont soumis un rgime de rutilisation particulier. Il s'agit :
*des reproductions de documents protgs par un droit d'auteur appartenant un tiers. Ces documents ne peuvent tre rutiliss, sauf dans le cadre de la copie prive, sansl'autorisation pralable du titulaire des droits.*des reproductions de documents conservs dans les bibliothques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signals par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invit s'informer auprs de ces bibliothques de leurs conditions de rutilisation.
4/ Gallica constitue une base de donnes, dont la BnF est le producteur, protge au sens des articles L341-1 et suivants du code de la proprit intellectuelle.
5/ Les prsentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont rgies par la loi franaise. En cas de rutilisation prvue dans un autre pays, il appartient chaque utilisateurde vrifier la conformit de son projet avec le droit de ce pays.
6/ L'utilisateur s'engage respecter les prsentes conditions d'utilisation ainsi que la lgislation en vigueur, notamment en matire de proprit intellectuelle. En cas de nonrespect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prvue par la loi du 17 juillet 1978.
7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute dfinition, contacter reutilisation@bnf.fr.
http://www.bnf.fr/pages/accedocu/docs_gallica.htmmailto:reutilisation@bnf.frmailto:reutilisation@bnf.frhttp://www.bnf.fr/pages/accedocu/docs_gallica.htmhttp://www.bnf.fr/http://gallica.bnf.fr/8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
3/380
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
4/380
ANCIENNE ET MODERNE. 4* *
.^ i
'RENFERMANT
TOUS LES PRCEPTES QUI SE RATTACHENT A IA CHARCUTERIE PROPREMENT DITE
ET A LA CHARCUTERIE-CUISINE
SUIVI
Des Lois, Ordonnances, Rglements el Statuts concernant cette profession
AVEC GRAVURES ET DESSINS
Par L.-F. DRONNE, charcutierMembre correspondant de la Socit d'Agriculture de Louhans.
PAKIS
EUGNE LACROIX, IJIBRAIRE- DITEUR
Si, HUIS DES SAINTS-PBBS
ET .AU BUREAU DU SYNDICAT DU COMMERCE DE LA GlU-RCITERIK,78, RUE MOHTMAHTRl:.
1869
TOUR droite rserves.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
5/380
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
6/380
TRAITE HISTORIQUE ET PRATIQUE
DU
LACHARCUTERIE
ANCIENNE ET MODERNE
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
7/380
NOMS ET TITHES DES OUVRAGES
CONSULTS PAR L'AUTEUR. ""
Pline. Histoire naturelle.
Varron. Des Moeurs des Romains.
Catn d'Utique. Histoire des Gaules,
Vitruve. Histoire naturelle,
Sulpico-Svre. Des Gaules.
Gllien. Observations sur les moeurs des Romains.Le Mnagier de Paris.
Anciennes ordonnances des rois de France.
De Lamare. Trait de la police.
Encyclopdie philosophique, etc.
Largilire. Des Matrises et des Jurandes.
Encyclopdie mthodique.Mercier. Tableau de Paris.
Sauvai. Histoire et Recherches des antiquits de Paris.Dictionnaire historique de la Ville de Paris.'
Dulauro. Histoire de Paris.
Iioileau, jivvl dis marchands. Des Mtiers dans Paris.
te.Moyen-gc et la Renaissance.
Encyclopdie des gens du monde.
Annales de l'agriculture franaise.Gurnaud. De Vlevage des animaux domestiques.
Savary. Dictionnaire universel du commerce.
Histoire des Franais.Documents administratifs de la Ville de Paris.
Bizet. Considrations sur la Boucherie et la charcuterie Paris.
Ordonnances et arrts du Prfet de la Seine.
Documents de l'histoire de France, recueillis par ordre de Napolon III
Enqute de 1SC0 de la Chambre de Commerce de Paris.
Hussein. De ta Consommation Paris.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
8/380
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
9/380
Louis-FRANOIS DRONNE.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
10/380
CHARCUTERIEANCIENNE ET MODERNE.
TRAITE .HISTORIQUE ET PRATIQUEJ' ,- -. -* .
f X. V'V'?* ?,.;.;;... RENFERMANT
^(lSjrflnllEPTBMlSE RATTACHENT A LA CHARCUTERIEPROPREMENTDITE
= f^&I& ^ ET A LA CHARCUTERIE-CUISINE
Dcs
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
11/380
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
12/380
BIOGRAPHIE
DE
L'AUTEUR DE CE ".TRAIT
Rdige par l'DITEUR.
DRON'NE (Louis-FRANOIS), auteur de cet ouvrage, est
ne le 8 juin 1825, dans le hameau de Maison-Neuve, com-
mune de 'Laign-on-Belin, dpartement de la Sartbe. Son
[ire tait fermier et tonnelier la fois ; il cumulait-cette der-
nire profession avec celle de tueur de porcs. C'est peut-tre
ce dernier tat, qui n'est pas sans avoir une certaine im-
portance domestique dans nos campagnes de l'ouest de la
France, que le jeune DRONNE fut redevable de l'ide qui le
porta embrasser la profession de charcutier, dont il a su
agrandir le domaine tout en l'levant au degr de l'art culi-
naire.
Il est incontestable que la 'fte de la tuerie du porc, que
chaque famille clbrait alors dans les villages de la Sarthe,tait propre laisser dans l'esprit d'un enfant vif et intelli-
gent, des impressions qui devaient ragir sur son avenir. Onsait combien sont bornes les jouissances des habitants d
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
13/380
II
nos campagnes et dans quelle large mesure ils savent en pro-
fiter, dans les rares occasions qui s'offrent eux de pouvoir
en user. La confection des rilles ou rillettes du' Mans, avecles restes de la salaison, qui suit la tuerie du porc, est
non-seulement la proccupation des familles rurales, mais
encore un motif de runion ou de festival des familles entre
elles.
lev dans ce milieu champtre, o dominaient des moeurs
simples et patriarcales, le jeune DRONNE fut envoy
l'cole,
peine gde huit ans. L'instruction, fort arrire
dans les dpartements, commenait alors se rpandre et
se rgulariser, la suite du progrs imprim l'esprit public
par la rvolution de 1830. La commune de Laign-Anblinavait pour institutrice la demoiselle Moine, qui lui enseignales premiers lments de la lecture; un instituteur, qui lui
succda deux ans aprs, complta une instruction primaire,
qui devait tre fort borne, puisqu'elle ne se continua que
jusqu' l'ge de douze ans.Mais, dans cet intervalle, l'intelligence de l'enfant, suppla
l'insuffisance de ses matres. Il s'instruisit en quelque
sorte.lui-mme, au sein de la famille, par des lectures qu'ilfaisait en commun dans le foyer domestique.
Cependant le fermier du hameau de Maison-Neuve, quine voulait pas faire de son fils un savant, le jugea assez ins-:truit pour lui faire apprendre un tat, et l'envoya, l'ge de
douze ans, en qualit d'apprenti charcutier, la ville duMans. Il est remarquer, la louange de son pre, que ce
fut sur sa demande lui, que le jeune DRONNEembrassa la
profession de charcutier.
Cette premire priode de la vie de l'auteur du Trait
de la charcuterie ancienne et moderne est, comme on voit,
trs-simple et trs-rnpdeste: dans ses commencements. Elle
se borne aux sentiments intimes de la famille, du milieu des-quels se;dgagent les impressions vives et prcocps de l'en-
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
14/380
III
fant, qui, par leur nature mme, chappent toute ana-
lyse. Ce n'est que par la suite, et mesure que l'ge raffermitla raison et l'intelligence, qu'il est possible de se rendre un
compte exact des efforts faits pour se crer un avenir et une
place dans la socit.
Ce fut dans la maison Baroche, successeur de Borrel,dans la ville du Mans, que le jeune DRONNEfit ses premiresarmes dans la profession qu'il avait voulu embrasser. A cette
poque,
c'est--dire en 1837, l'art du charcutier tait fort
arrir dans nos provinces. Si quelque innovation venait s'y
produire, ce n'tait que grces l'initiative ou l'entrepriseaudacieuse de quelque grand matre venant de la capitale.C'est ce qui arriva dans la ville du Mans. Borel, dont le nom
a une certaine clbrit dans sa profession, vint s'tablir dans
le chef-lieu del Sarthe, y fonda une maison importante qu'ilcda Baroche.
C'est ainsi que le jeune DRONNEeut l'avantage d'avoir pour
patrons et matres deux hommes qui ont laiss une rputa-tion justement mrite dans le commerce de la charcuterie.
Mais si la renomme du matre exerce une certaine influence
sur l'esprit de l'apprenti et contribue lui faire faire des pro-
grs dans la carrire qu'il a embrasse, il importe aussi de
reconnatre que l'aptitude qu'il montra lui-mme ne l'aida
pas moins devenir un excellent ouvrier. C& fut l'aide deces deux moyens qu'il termina un apprentissage qui lui laissa
d'agrables souvenirs, dans lesquels se mlrent avec les sen-
timents de la reconnaissance qu'il devait ses premiers matres
un attachement sincre pour la ville o il avait appris les pre-miers prceptes de son art.
11 quitta, toutefois, non sans regret, la ville du Mansen
1812, pour venir Parisse
perfectionner.On
sait quetous les tats sont soumis plus ou moins d'exigences quiles rendent d'un accs non moins difficile pour ceux quiveulent les exercer d'une manire complte. Celui de cliar-
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
15/380
cutier est de ce nombre. Habilet, soins continuels, propret,
intelligence prompte, activit, il exige tout cela de celui quiveut l'exercer dans toute la plnitude des ressources qu'ilrenferme. C'est, ainsi qu'il pratiqua pendant trois annes son
tat dans diffrentes maisons de la capitale.Ces trois ans rvolus, le jeune DRONNE fut appel, dans
son pays, tirer au sort, lequel ne lui fut pas favorable ; car
il fut compris dans le nombre des conscrits tombs au sort;c'tait eu 1845. Nous ajouterons que, pour ne pas renoncer
saprofession,
il se fitremplacer.
. . .
Dlivr'des exigences du service militaire, Louis DRONNE
resta dans Paris, aprs avoir sjourn quelque temps dans
son pays natal, et entra, en 1846, dans la maison Breton, quilui appartient aujourd'hui, et dans laquelle il travailla en qua-lit d'ouvrier. Qu'il nous suffise de dire qu'en 1850, le-
20 mars, il s'tablit lui-mme dans une maison de charcuterie
qu'il acheta daiis le faubourg Montmartre.
Cependant, en 1855, Louis DRONNE se dtermina vendrecet tablissement. 11 se retira pendant deux ans des affaires,
afin d'tudier la question des porcs du Morvan, dans le but
d'en tirer un parti nouveau pour la confection des saucissons
de Lyon. Cette tude en amena d'autres touchant l'art du
charcutier, et c'estainsi que joignant la pratique. la thorie,
il voulut atteindre ce degr de perfection que tient acqurirtout travailleur amoureux de sa profession.
Nous ferons observer que ce ne fut qu'en 1857 qu'il acheta
la maison Breton, et prit possession le l01'
juillet de l'anne
1858. C'est dans cette maison (1) que l'auteur de ce trait
a voulu crire ce livre. 11 suffira de le parcourir pour y
(1) Portant l'enseigne de VHomme de la Roche de Lyon, qui fut cre,en 1777, par M. Cailloux pore, qui eut pour successeurs : Cailloux fils,
en 1S01 ; Etienne, on 1823; Breton, en 1841. On peut voir, au sujet decette enseigne, ce que nous en disons dans 'le'cours de cet ouvrage.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
16/380
V
retrouver dans tous les dtails de leurs, recettes et de leurs
confections tous les prceptes qu'il y a professs. Le Traitede la charcuterie ancienne et moderne est le rsum de la
science perfectionne applique l'art du charcutier. Dans ce
travail, consciencieusement crit, on retrouvera toute la vie
de l'auteur, on y reconnatra tout son gnie d'initiative ; c'est
la plus belle page de sa biographie, puisqu'il n'a pas hsit
livrer au public le fruit de ses veilles, de ses travaux et de
sonexprience.
C'est assez souvent le contrairequi
sepro-duit. Il n'a pas voulu, notre historien de l'art du charcutier,
que les prceptes dont il s'est fait l'interprte restassent
ignors du public.
E. L\CROIX.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
17/380
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
18/380
PRFACE.
J'ai hsit longtemps avant d'crire l'ouvrage que
je publie en ce moment. Jene
me suis dtermin je faire que lorsque le jury de l'Exposition univer-selle de Paris de l'anne 1867, et plusieurs autres
jurys, ont reconnu mes produits dignes de rcom-
penses (1). C'est alors que, recueillant tous les docu-ments qui se rattachent notre profession, et les
ajoutant aux faits-qu'une pratique de trente ans m'a
port reconnatre comme importants, au point devue du travail de la charcuterie, je me suis dcidenfin rdiger ce livre.
Que le lecteur me permette, ce sujet, de lui faire
(1) Les Expositions universelles o mes produits ont t rcom-
penss, sont :A Paris, Exposition universelle de 1867, mdailles d'argent et de
bronze. A Amiens, Exposition'agricole et industrielle de 1867, m-daille d'argent. A Lo'uhans, Exposition de 1867, mdaille d'argent. Au Havre, Exposition internationale et maritime de 1868, mdaille
d'argent. A Loulians, Exposition du concours, 1869, mdaille d'ar-
gent. A Beauvais, Exposition industrielle de 1869, mdaille de ver-meil. A Altona, Exposilion universelle de 1869, mdaille d'or.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
19/380
VIII
part de quelques-unes de mes observations; ellesserviront lui expliquer les motifs de ma dtermi'-nation.
L'art du charcutier est trs-ancien ; on pourraitmme dire qu'il se perd dans la nuit des temps.Ainsi que l'art culinaire, il traite de la subsistancede l'homme et de son bien-tre matriel; et, ce
titre, il m'a paru digne de fixer l'attention non-seule-
ment des gens de notre mtier, mais encore de ceuxqui s'occupent d'amliorer l'conomie domestique.Sous ce rapport, on verra que les anciens peuples ne
ddaignaient pas cette partie de l'alimentation pu-blique dont le porc est la base.
Aussi, pour tre.le plus complet possible clanscelte tude, T'ai-je divise en deux parties, comprises
sous les dnominations de charcuterie ancienne etcharcuterie moderne.
Dans la premire partie, j'ai d rechercher tout ce
qui se rattache l'usage que les anciens faisaient dela chair dujporc; dans quelle.proportion elle entraitdans leur approvisionnement et comment ils savaient
justement l'apprcier, mme dans les plus hautes
classes,dela socit. En suivant successivement
l'ordre des faits, j'ai constat ce qu'avait t la char-cuterie pendant le moyen ge, quels furent les r-
glements qui la.concernaient et quelle poque il faut
assigner l'origine de notre corporation. Sous ce
rapport, je crois : n'avoir nglig aucuns dtails
pouvant intresser 'non-seulement les gens de notre
mtier, mais encore tous ceux qui s'occupent de re-
cherches historiques.- A cet effet, j'ai mis contri-bution tous ls auteurs:qui se sont occups, de prs
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
20/380
IX
ou.de loin, de la charcuterie sous sesdivers dvelop-
pements, soit thoriques, soit pratiques,, soit, mmerelatifs sa rglementation. -
Dans.la seconde partie, qui a rapport .la charcu-terie moderne, j'ai cru,ne devoir rien ngliger de/toutce qui se rattache mon sujet. Ainsi l'levage du
porc,les
diffrentes,races dont il se
compose,la ma-
nire de le tuer, de le dpecer et d'utiliser ses di-verses parties pour servir l'alimentation, toutescesdiverses questions ont t traites avec le soin le
plus scrupuleux, en ne sortant jamais du cercle trac
par la pratique la plus simple et la plus ration-nelle.
L ne s'est pas born mon rcit; j'ai cru devoirle faire suivre de dtails particuliers sur la char-cuterie proprement dite, sur la charcuterie-cuisine,sur la ptisserie et la confection des pts et des ter-
rines, dans leurs rapports avec l'art du charcutier.Pour remplir ce vaste cadre de la charcuterie mo-
derne, je me suis dtermin dcrire tous les articles
qui la concernent, en indiquant ce que la pratique etl'exprience m'ont appris. De sorte que j'ai ajoutaux prceptes de l'art, les faits que j'ai constatmoi-mme pendant un long exercice de ma profes-sion.
Dans tous les cas, je n'ai rien nglig pour plaire,intresser et instruire tout lecteur, mme celui qui
relve de notre mtier. Il importe de remarquer, ce sujet, que mon intention a t de composer unlivre nouveau sur un art fort peu connu dans ses di-verses phases historiques, et dont les ressources ali-mentaires ont tjuges, tort, comme trs-bornes.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
21/380
Je serais heureux de lui restituer le rang qu'il m-rite d'occuper parmi tous les autres arts qui traitentde la nourriture de l'homme.
Toutefois, quel que soitle jugement que l'on porterasur l mrite de ce livre, il en est un qu'on ne pourracontester son auteur, c'est qu'il l'a compos au
point de vue du progrs, dont il s'est toujours mon-
tr, dans l'exercice de sa profession, le srieux et
l'ardent propagateur.
L.-F. DRONNE.
Paris, le 2 novembre 1869.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
22/380
TRAITEDE LA
CHARCUTERIE ANCIENNE ET MODERNE.
PREMIRE PARTIE.
CHARCUTERIE ANCIENNE.
CHAPITRE PREMIER.
De l'art du charcutier chez les anciens peuples. Comment il se transmit
chez les Gaulois. Adopt par les Francs, il fait partie de l'alimen-
tation publique. Premiers rglements de police qui concernent la
profession de charcutier ou chaircuitier, en France.
L'art du charcutier remonte une trs-haute antiquit. A
Rome, on s'occupait d'une faon toute particulire du soin
d'lever et d'engraisser les porcs. On dcrta mme sous le
nom de porcella une loi qui indiquait la manire dont on de-
vait les lever, les nourrir, les tuer et les prparer .pour servir la nourriture du peuple et des grands seigneurs. Cettemme loi rglait l'exercice de la profession de charcutier dansles moindres dtails. Aussi Pline estime-t-il que le nombredes porcs que l'Etrurie seule expdiait annuellement Rome,
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
23/380
2
tait de vinyt mille, chiffre qui ne doit pas nous paratre
exagr,alors
quenous
voyons Paris, capitalede la
France,en consommer, chaque anne, environ trois cents mille (1).Aussi, sous les Empereurs romains, la prparation de la
viande de porc tait-elle porte un degr extraordinaire de.
raffinement. Les riches appartenant la haute aristocratie
avaient deux manires de la prparer. La premire consisrtait servir l'animal tout entier et cuit de telle faon, qu'unct en tait bouilli et l'autre rti, sans que ces deux genres
de cuisson se confondissent ensemble. Il est regretter quele procd qu'on employait ne nous ait pas t transmis.
Nous savons seulement que la cuisson de l'animal s'effectuait
en mme temps, au moyen d'un appareil que Vitruve appelle
trs-ifignieux.La seconde manire tait dite la troyenne et avait lieu
de la faon suivante : Le cochon, vid et cuit dlicatement,tait rempli de grives, de becs-figues, d'hutres et d'une
grande quantit d'oiseaux et de poissons rares et prcieux,arross devins et de jus exquis. Cette prparation lait si
onreuse, qu'elle ruina plusieurs chefs de grandes familles,et devint le motif d'une loi sompluaire.
Quant au peuple de Rome, il prparait la viande de porcde diverses manires et la conservait en la hachant et en la
rduisant en chair pt mlange avec du sel, des pices et
des aromates. La mortadelle qui se fabrique encore Gnes
et dans quelques villes d'Italie, parait tre une tradition del'ancienne manire dont le peuple de Rome prparait la viande
de porc. Nous observerons, ce sujet, que la charcuterie ac-
tuelle de l'Italie, celle qui est surtout la plus renomme, re-
(1) Un 'dos plus clbres mdecins de l'antiquit, Gallien, dit que le porc est le plus excellent et le plus nourrissant aliment que l'on
connaisse; sa chair est foitilianto, entretient le corps dans son ner-
gie, et ne saurait l'exposer aucune maladie, etc.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
24/380
3
monte par soi origine l'poque de l'Empire romain. Elle
est un reste de cette charcuterie.
On sait que dans les Gaules, le porc tait la nourriture la
plus gnrale et la plus estime. Les forts de chnes dont le
sol tait couvert fournissaient dans les glands une nourriture
fort recherche par ces animaux qui y trouvaient un engrais-
sementrapide
etpeu
coteux. En
parlant
de ces forts, Sul-
pice-Svre dit textuellement : qu'elles fournissaient en
abondance des chnes propres la construction des na-
vires et dont les fruits (glandul) servaient l'engraisse- ment d'une grande quantit de porcs trs-estims et dont
il se faisait un commerce considrable. La ville de Sois-
sons parait avoir t, dans les Gaules, le centre o l'levage
ducochon
jouissaitde la
plus grande rputation.Nous trou-
vons, au reste, dans toutes les anciennes chartes, que la
principale dot des glises, l'origine de la monarchie fran-
aise, consistait dans la dme des cochons; et c'est ainsi queles plats destins en servir la chair, taient dsigns par un
mot particulier (baccon), qui signifiait porc engraiss.Nous lisons, en effet, dans un capitulaire de l'anne 885,
concernant l'glise de Reims, la disposition suivante : Le chapitre de l'glise prlvera sur le territoire de
Saint-Pi otais, la dme d'un cochon de lait par six habitants et celle d'un cochon gras par dix habitants, lesquels ani-
| maux seront ports l'conomat du chapitre, tous les ans, partir de la Toussaint jusqu'au premier jour du carme. Rcipiss en sera donn nominativement aux habitants du territoire dixmaire. Lesquels cochons de lait et engraisss seront vendus au profit de l'glise pour en tre le produit consacr la construction de la Basilique. .
Lorsque les Francs, matres de la Gaule, la suite de la
conqute, s'y furent tablis, ils adoptrent en grande partieles moeurs et les habitudes des anciens habitants. L'usage
2
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
25/380
4.; .
dese nourrir de la
viandede
porc entra,un des
premiers,dans leur genre d'alimentation. Il est mme croire, si
l'on en juge par le gt des Allemands, leurs anctres, pourle lard qui est pass en proverbe, qu'ils avaient une prdi-lection trs-marque pour la viande de pore. Les documents
anciens constatent, en effet, que le cochon servait, en mme
temps, de nourriture fondamentale et d'assaisonnement :
toute autre nourriture. Le ricbe lui devait le moelleux, la
varit,le luxe mme de ses
mets;le
pauvre, l'unique agr-ment de sa table; il n'tait pas une seule partie du porc dont
ils ne tirassent profit. Aussi,: un proverbe populaire qui est
parvenu jusqu' nous, disait du cochon : que tout en est bon,
depuis l'a tte jusqu'aux pieds.Pour justifier la vrit de ce proverbe qui trouve sa sanc-
tion dans l'usage gnralement Tpandu que faisaient nos
anctres de la viande de porc, dans leur alimentation, il nous
suffirade remonter
l'poquela
plusrecule de notre his-
toire o nous trouvons les premiers titres concernant la r-
glementation se rapportant l'usage qu'on en faisait.
Disons d'abord que dj vers le milieu du xvr3
sicle, on
appelait chaircutiers ceux qui prparaient et vendaient de la
chair de porc, soit crue, soit cuite, soit apprte en cervelas,
saucisses, boudins ou autrement. Ils prparaient et vendaient
galement les langues de boeuf et de mouton. L se bornaient
leursuniques prparations.Nous ferons observer, ce sujet, que le commerce pro-
prement dit des chaircutiers est bien plus ancien que la com-
munaut qui les concerne et que nous faisons remonter,
d'aprs des documents authentiques, vers le milieu du
xve sicle. Il est incontestable qu'avant cette poque, il yavait depuis longtemps, et en remontant mme jusqu'au
rgne de Charlemagne, des: saulcssiers et des chaircuiticrs
quine s'taient
pasrunis encore en communaut formant
une corporation distincte. Ce fut prcisment leur sujet
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
26/380
5
que furent proclams les premires ordonnances et les pre-
miers statuts que nous allons transcrire.
Toutefois et avant eux, les bouchers, comme nous le
voyons dans les rglements de Boileau, prvt des mar-
chands, sous le rgne de saint Louis, faisaient le commerce de
la viande de porc ; et ce fut prcisment au sujet de la m-
fiance que l'autorit conut touchant l'exercice de leur tat,
relativement cette qualit de viande, qu'eut lieu la crationde trois sortes d'inspecteurs dsigns sous le nom de :
1 Langayeurs ou visiteurs des porcs la langue ; 2 Tueursou agents s'assurant par l'examen des parties internes des
corps de ces animaux, s'ils taient sains ou non; 3 Cour-tiers ou visiteurs des chairs, dont les fonctions consistaient chercher dans les chairs dpeces et coupes par morceaux,
s'ils n'y remarquaient pas des signes de maladies qui ne semanifestent pas toujours soit la langue, soit aux partiesintrieures.
C'est ainsi que les bouchers jouissaient paisiblement de lafacult de vendre des viandes de toute espce, notamment de
porc, "lorsque survinrent et l'ordonnance qui organisa la cor-
poration des charcutiers et les rglements qui les concernaient :ordonnance et
rglements quenous allons
reproduire. L,est l'origine de la charcuterie pendant le moyen-ge, laquellese relie par la tradition la charcuterie ancienne. Ce quiexplique comment nous classons la charcuterie pendant le
moyen-ge, dans l'poque ancienne. Nous verrons, d'ailleurs
qu'elle se rattache plutt la priode ancienne par son orga-nisation et sa fabrication qu' l'poque moderne dont ellediffre entirement. Autrefois le travail du charcutier se bor-
nait une pratique simple et primitive ; aujourd'hui le tra-vail du charcutier s'est lev jusqu'au degr de l'art. On
comprend donc toute la diffrence que nous devons mettre,dans l'ordre de notre rcit, entre ces deux sortes de fabrica-
tion, au point de vue de leurs dates.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
27/380
6
Ilimporte de constater que jusqu'au Ve sicle de l're chr-
tienne, la charcuterie tait en grande rputation dans les
Gaules, si bien qu'on y expdiait pour Rome et autres villes de
l'empire, des quantits considrables dejambons, saucisses,
cervelas, etc. Il fallait donc que la profession ft alors en trs-
grand renom.
Mais partir du xQ sicle, nous voyons la charcuterie
perdre son importance primitive ; le nom mme de la pro-fession disparat et ce sont les bouchers qui s'en emparent et
en continuent l'exercice. Il est curieux de suivre dans lesanciens titres la marche de celte substitution d'un tat un
autre. Les rglements de police et les statuts mmes quiconcernent la corporation des bouchers nous en offrent une
preuveII est dit d'abord que la corporation des bouchers est la
plus ancienne de toutes et qu'elle se perd clans la nuit des
temps; que ses membres ont t de tous les temps libres
et indpendants de toute autorit ;
que leur communauts'tant forme et constitue toute seule, n'avait pas besoin
d'tre approuve ni confirme. Quant l'exercice de la bou-
cherie il tait hrditaire dans chaque famille de boucher et
transmissible du pre au fils, sans qu'aucune ordonnance
royale pt empcher cette transmission.
Relativement l'exercice de leur profession, ils avaient le
droit de tuer et dbiter toute sorte de viande, tels que boeufs,
veaux, moutons, porcs, chvres, dans les lieux dtermins et
qui taient primitivement aux environs de la Tour Saint-
Jacques ou plutt de l'glise de Saint-Jacques de la Bouelie-
rie, ainsi nomme cause du voisinage des bouchers, et plustard auprs du parvis de NotreDame. Or, il est incontes-
table, d'aprs tous les titres qui les concernent, que les bou-
chers achetaient les porcs et les vendaient au dtail. C'est
ainsi qu'ils s'emparrent d'un monopole qui appartenait pr-cdemment une communaut particulire, celle des char-
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
28/380
7
! cutiers. C'est, au reste, comme nous l'avons vu plus haut,
: cause d'eux que l'on cra les langayeurs et visiteurs de
i porcs.Mais si les bouchers avaient le privilge exclusif, partir
du vc sicle jusqu' une poque postrieure que nous dter-
I minerons plus lard, de tuer et vendre le porc cru, ils n'avaient
pas celui de l prparer ni de le vendre cuit. A qui apparte-I nait ce dernier privilge ? videmment aux oyers (rtisseurs
: ou vendeurs d'oies rties) qui d'aprs le livre des rglements: des Arts-et~Mtiers de la Ville de Paris, recueillis par Boi-
; leau, prvt des marchands en 1134, habitaient la rue aux
Oyesdont on afait plus tard, par corruption du mot, la rue aux
Ours. Les oyers s'taient donc empars du droit ancienne-
ment dvolu un corps d'tat spcial que nous voyons dispa-raltre Yers le v sicle, de prparer et faire cuire le cochon,
i et qui n'tait autre que le charcutier de l'poque.\ Les statuts qui concernent les oyers, et que nous relevons'dans le livre des rglements des Mtiers de Boileau, ne nous
' laissent aucun doute ce sujet ; si bien que nous croyonsdevoir considrer les oyers comme tant le.scharcutiers de la
; priode qui se trouve place entre le v etle xv" sicles. Le
| commerce de la charcuterie n'a plus, il est vrai, cette haute
i importance qui faisait de ses produits, sous l'poque gauloise,I sagrande rputation par les expditions lointaines qu'elle elec-
| tuait; mais elle se borne fournir l'alimentation de Paris
; quelques produits dtermins d'avance par les rglements et: que nous allons faire connatre dans le chapitre suivant.
Vers le xiv sicle, des contestations nombreuses s'le-vrent entre les bouchers et les oyers ou rtisseurs au sujetdo leurs droits
rciproques. Les premiers prtendaient que; ces derniers devaient leur acheter le porc qu'ils vendaient et
| non ailleurs ; qu'ils n'avaient pas surtout le droit de l'acheteri a des marchands forains, au prjudice de leurs taux, et, en: consquence, dirigrent des poursuites contre eux. Ces con-
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
29/380
8
testations fort nombreuses, pendant le moyen-ge, durrentainsi plusieurs sicles. Elles prirent une nouvelle transfor-
mation en 1350, par suite de l'intervention des ptissiersdans l'exercice de la charcuterie. Ceux-ci prtendaient qu'ilsavaient, aussi bien que les oyers ou rtisseurs, le droit de
prparer le porc, de le dbiter et le vendre au dtail. De l
s'ensuivit de nouvelles rglementations qui semaient la
guerre, au lieu de la conciliation, au sein des corporations.Ainsi, les bouchers, les rtisseurs et les ptissiers s'taient
partags eux seuls le droit d'exercer l'ancienne charcuterie,
mais ils n'avaient pas hrit de la science qu'avait montrecette dernire d'en faire le commerce. Avec ces trois corps
d'tat, la charcuterie se bornait simplement servir diffrentes
parties du porc cuites et prpares seulement de quatre ou
cinq manires diffrentes. 11 fallait encore-que ces prpara-tions fussent bien stipules par les rglements et conformes,en tous points, leurs statuts respectifs.
Cette division dans un travail qui n'aurait d concerner
qu'une seule et unique corporation, et les nombreuses con-testations qui en furent la suite, donnrent lieu la forma-
tion d'une communaut qui runit les diverses attributions,en si; fondant sous les noms de charcutiers, saulcisseurs.
Cette formation eut lieu en 14-75. Comment s'opra cette
cration 1 Un certain nombre de rtisseurs et de ptissiers,
jugeant par le dbit que la vente du porc devait et pouvaitdevenir considrable, surtout si cette viande tait travaille
et prpare convenablement, se runirent ensemble, rdi-grent dos statuts, acquittrent des droits en argent au roi,les firent approuver, et fondrent'la communaut ou corpora-tion des charcutiers.
A dater de ce moment, la vritable tradition de l'ancienne
charcuterie est retrouve ; elle se relie son pass, et aprsdix sicles environ d'interrgne elle reparait pour continuer
l'histoire et l'exercice de son art. C'est ainsi que la corpora-
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
30/380
9
tion des charcutiers, cre en 1475, se rattache l'ancienne
charcuterie ; et c'est, au reste, ce point de vue que nous
allons l'tudier dans les chapitres suivants.
Toutefois, avant d'aborder les dtails qui la composent soit
dans son organisation, soit dans sa fabrication, nous allons
consacrer le chapitre suivant faire connatre les principales
dispositions des statuts qui concernent les bouchers, les
oyers ou rtisseurs et les ptissiers qui s'taient empars du
domaine de l'ancienne charcuterie et dont ils sont, leur
tour, expulss par les vritables hritiers de l'art ancien.
C'est donc aprs avoir mis sous les yeux de nos lecteurs tous
les documents curieux et intressants qui se rapportent la
profession de charcutier, pendant le moyen-ge, que nous
aborderons la question de la corporation elle-mme, dater
de sa nouvelle origine, en 1475, et que nous continuerons
jusqu' la rvolution de 1789, poque o prend fin l'histoirede la charcuterie ancienne et o commence celle de la char-
cuterie moderne.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
31/380
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
32/380
CHAPITRE II.
Rglements et Statuts concernant les oyers ou rtisseurs. Rglements
et Statuts relatifs aux Ptissiers. De la Boucherie et de ses usages
pendant le moyen Age. Statistique de la viande do pore consomme
, celte poque. tat de la charcuterie au moment o se forme la
corporation, en 1475.
Nous avons vu comment les bouchers s'taient approprile droit de tuer et de vendre les porcs qui se consommaient
dans Paris, aprs le v sicle. Voici, ce sujet, une citation
qui confirme le fait; elle est emprunte au Trait de la po-
lice, de Delamare : Autrefois, dit-il, les seuls bouchers
vendaient toute la grosse chair crue, celle de porc aussi
bien que celles de tous les autres bestiaux qui composent encore aujourd'hui leur commerce. Quant au lard et aux
jambons quiarrivaient Paris, ils taient,
djavant le
rgnede Louis IX et sous le rgne de ce prince, soumis un droit
d'entre qu'on nommait, cette poque, Yobole du rivage de
Saine. Ce droit tait formul en ces termes : chascun
bascon (1) entiers doit obole de rivage, et si son oint
(graisse) i est, ne doivent-ils qu'obole de rivage, portant (pourvu) ques li bascon et li oins soient une per-
sonne,etc.
Relativement aux oyers, appels cuisiniers ou rtisseurs
(1) On appelait buscon ou bacon, dans l'ancien langage, le cte d'un
porc sal et quelquefois le porc entier. 11dsignait parfois le lard ou le
jambon.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
33/380
12
indistinctement, les rglements et statuts qui les concernent,remontant une date fort ancienne, offrent un vritable
intrt historique et nous confirment dans notre opinion,
qu'ils ont t les successeurs, concurremment avec les bou-
chers, de ces anciens charcutiers qui, selon Caton, appor-taient des Gaules Rome jusqu' quatre mille flches de lard;
auquel envoi ils ajoutaient encore, d'aprs Varron, beaucoupde jambons, d'andouilles et de saucisses.
Voici, au reste, quelques-uns des articles que nous dta-
chons des statuts des gens du meslier des oyers de la ville de
Paris : Item, que nulz n'achate os que en la place ou es-champ s
qui sont entre le ponceau du Rotille du pont du Chaillouau (Chaillot) jusques aux faubourgs de Paris, au cost d'entre .Saint-Honor et le Louvre
Item, que nulz ne cuise ou rtisse ous, ou vel, agniaux, chevraux, couchons, se ils ne sont bons, loyaux et souffl-
et sans pour manger et vendre, et aient bonne moelle, sur
la peine de l'amende de x solz. Item, que nulz ne puisse garder viande cuite jusqu'au
tiers jour pour vendre ne acheter, se elle n'est sale souf-'( fisamment, sur les peines dessus dites.
Item, que nulz ne puisse faire saucisses de nulle char
. que de porc, et que la char de porc de quelle elles sontA faites soit seine, sous peine de la dite amende, et se elles sont autres trouves, elles seront arse (brles).
Item, que nulz ne cuise char de buef, de mouton ne de porc, se elle n'est bonne et loial et souffisante a bonne monelle, sur la peine dessus dite.
Item, que toutes chars qu'ils vendront, soient cuites, sales et appareilles bien souffsamment
Item, que nulz du dit mestier ne puisse vendre boudins de sanc, peine de la dite amende, car c'est prilleuse viande
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
34/380
13
Nous observerons, ce sujet, que la.prohibition relative
au boudin de sang se trouve dj dans les dcrets du Bas-Empire, que Delamaro a rappele dans son Trait de lapo-
lice. Peut-tre l'aversion pour ce comestible venait-elle de
la crainte qu'on avait, dans le temps des Barbares, du m-
lange du sang de porc au sang humain.
Quoi qu'il en soit, cet article seul dmontre l'anciennet
du mtier des oyers et nous confirme dans l'opinion que nous
avons mise, qu'ils taient les successeurs des charcutiersgaulois nos anctres, qui fournissaient de la viande de porcnon-seulement Rome, mais encore plusieurs provinces de
l'Empire romain. Au reste, le commerce des porcs tait si
grand Paris, dans les premiers temps de cette ville, que la
place o se vendaient tous les bestiaux n'tait connue que
sous le nom de March aux pourceaux, parce que le nombre
qui s'y trouvait devait excder, sans doute, celui des boeufset des moutons, que leur chair tait plus estime et, d'un
usage plus gnral.C'est aussi dans cet ancien temps, o les approvisionne-
ments considrables prsentaient tant de difficults, que l'on
encouragea l'importation des porcs des marchands forains.
On leur accorda mme, ces poques recules, des faveurs
de toute sorte, une protection spciale et des franchises dontils ne manqurent pas, dans la suite, de se prvaloir, et quidonnrent lieu de nombreuses contestations, ainsi que nous
l'indiquerons leurs dates.
Les ptissiers, leur tour, ne manqurent pas de faire
concurrence aux oyers ou cuisiniers-rtisseurs : En ce temps ancien, dit Delamare, les ptissiers, taient galement
cabaretiers, rtisseurs et cuisiniers. C'taient eux qui en- treprenaient les noces et banquets. Les anciennes ordon- nances de police font dfense toutes personnes de les y troubler. Ce n'est pas qu'il n'y et Paris une commu- naut de rtisseurs aussi ancienne que celle des ptissiers,
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
35/380
. _ 14. _
mais il n'tait permis ceux de cette communaut que de faire rtir seulement de la viande de boucherie et des oyes. C'est de l qu'ils furent nomms oyers. Tout le gibier, toute la volaille et l'autre commune viande, mme le porc, taient prpars et vendus par les ptissiers. Cet usage est tir de leurs statuts.
Deux.corporations puissantes, comme on voit, se parta-
geaient le commerce de la charcuterie pendant le moyen geet avant la constitution de la corporation des charcutiers, en14-75-.Nous allons voir dans quelles proportions, en retraantd'une manire rapide quelles taient les moeurs publiques,
pendant le moyen ge sous le rapport de l'alimentation.
Nous avons vu qu'entre tous les animaux domestiques,le porc tait, l'origine de la monarchie et dans les sicles
suivants, considr comme le plus utile l'homme. Les vo-
ques, les grands, les rois mmes, entretenaient des trou-
peaux de cochons, tant pour la consommation de leur table
quepour l'augmentation
de leur revenu. Saintltemy, partestament, laisse ses porcs partager galement entre ses
deux hritiers. Mappinius, archevque de Reims au vr si-
cle, crivait Villicus, voque de Metz, pour s'informer du
prix courant des cochons. Charlemagne, dans les Capitu-laires, ordonne ses rgisseurs d'lever un grand nombre de
porcs. Un tat des revenus et dpenses de la maison de
Philippe-Auguste, pour l'anne 1200, fait mention d'une
somme de 100 sous employe pour achat de cochons. On voitenfin, par un dnombrement de l'abbaye" de Saint-Remy de
Reims, que cette abbaye possdait quatre cent quinze
porcs.Cette prdilection pour la chair du porc fut telle, au moyen
ge, qu'il n'y avait pas, pour ainsi dire, un bourgeois de
Paris, qui n'engraisst chez lui deux ou trois cochons. Du-
rant le jour, on les lchait dans les rues, qu'ils taient chargs
de nettoyer. Philippe, fils de Louis le Gros, passant, le 2 oc-
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
36/380
15
tobre 1131, rue du Martroi, entre l'Htel de ville et l'glise
Saint-Gervais, fut renvers par un cochon qui s'tait jetentre les jambes de son cheval, et il se brisa la tte en tom-
bant. Cet accident occasionna contre les porcs un rglementde police qui fut bientt oubli. Ce ne fut que plus tard qu'ondfendit de nourrir des porcs dans la ville.
Il y avait certains repas o l'on ne servait que du cochon
apprt de diffrentes manires. Ces repas taient nomms
baconiques, du vieux mot bacon, qui, comme on sait, signifie
porc. Le chapitre de Notre-Dame banquetait ainsi solennel-
lement aux ftes de Nol, de l'Epiphanie et de quelques au-
tres ftes. On croit que ce fut l l'origine de l'ancienne foire
aux jambons qui se tenait, le jeudi de la semaine sainte, au
parvis de Notre-Dame. A la fin du xvie sicle, on accourait
de tous les points de la France, et surtout de la Normandieet de la basse Bretagne, cette foire clbre, qui s'est per-
ptue jusqu' nos jours. On assure qu'au xvi" sicle ,le meilleur porc venait de Chalon-sur-Sane. Toutefois, au
sur sicle, le cochon d'Angleterre avait t en grande rpu-tation; c'tait l une des denres que rapportaient le plusvolontiers les marchands franais qui allaient ngocier en- ce
pays.A Nol et la Saint-Martin, jours de rjouissance domes-
tiques, depuis les commencements de la monarchie, les gensaiss tuaient un cochon, qu'ils salaient ensuite pour leur
provision de l'anne (1). Ceux qui n'taient pas assez riches
pour subvenir seuls cette dpense, s'associaient plusieurset la partageaient entre eux. On faisait alors, comme aujour-
d'hui, des boudins et des saucisses qu'on mangeait en fa-mille.
L'auteur anonyme du Wnagier de Paris nous a laiss, sur
(1) Cet usage existe encore dans plusieurs de nos provinces, notam-ment danslaUourgognc, le Dauphi n, la Franche-Comt, la Lorraine, etc.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
37/380
16
les diverses boucheries de la capitale et sur la vente hebdo-madaire de chacune d'elles, au xivc sicle, la curieuse statis-
tique suivante :
Boucheries de Paris et leur dlivrance de char (chair) :
A la porte de Paris (espace aujourd'hui compris dans la place du Cbtelet), dix-neuf bouchers vendent pour sep- maine, eulx tous, l'un temps parmi l'autre, et la forte
saison portantla
faible : Moutons 1,900 Boeufs 400 Pourceaulx 400 Veaulx ". 200
Saincte-Genevifve :
Moutons 500
Boeufs 16
ft Porcs 16 Veaulx 6
Le Parvis : Moutons 80 Boeufs 10
Porcs. 8 Veaulx 10
Saint-Germain, a treize bouchers :
Moutons 200 Boeufs 30
Porcs 50
Veaulx 30
Le Temple, deux bouchers : Moutons 200
Boeufs 24 Porcs 32
Vaulx 28
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
38/380
17
Saint-Martin :
Moutons '. 250
Boeufs.. 24 Porcs 32
Vaulx. 28
Ce qui faisait, en somme, pour la consommation de Paris,
sans le fait du roy et de la royne et des autres nos sei-gneurs de France, 512 boeufs, 3,130 moutons, 528 co-
chons et 306 veaux par semaine; et 26,624 boeufs,-
162,760 moutons, 27,456 cochons, et 15,912 veaux par an.
Dans cette statistique ne figurent pas les lars (porcs sals),dont on faisait un grand usage. Au vendredi absolu (vendredi
saint), il s'en vendait deux trois mille.
L'ostel duroy
en office de boucherie montaitbien, pour sepmaine :
En boeufs 16
En moutons 120
En vaulx 16
En porcs 12
Soit, par an, 6,240 moutons, 832 boeufs, 832 veaux et
624 cochons.
La royne et les enfants, pour sepmaine :
Moutons 80
Vaulx 12
Boeufs. '..... 12
Porcs 12
Soit, par an, 4,160 moutons, 624 veaux, 624- boeufs et
624 porcs, auxquels il faut ajouter 200 lars pour l'ostel du roy et 120 lars pour la maison de la royne et dos enfants.
Quanta la consommation des maisons des ducs d'Orlanset de Berry, elle tait la mme que celle de la maison de lareine.
Tel est l'tat de la consommation de la viande de boucherie
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
39/380
18
Paris, pendant le moyen ge. Il nous donne une ide de son
importance, en la comparant ce qu'elle est de nos jours.Nous trouvons galement que, pendant le xive sicle, le
porc tait, comme rti, en grand honneur dans les palais et
les htels des princes. C'est ainsi qu'on ne manquait jamaisde servir, dans les grands repas, un porc eschaud, un por-celet farci et un bourbelier (poitrine) de sanglier. On servait
mme, en guise d'entremets, des cervelas, une hure de san-
glieret un jambon de
Mayence.C'est ainsi qu'antrieurement la constitution de la com-
munaut des charcutiers, la viande de porc tait en trs-
grande estime non-seulement dans la classe du peuple, mais
encore dans les hautes rgions de l'aristocratie.
Grces au got qu'on avait pour la viande de porc et au
grand dbit qu'en faisaient les oyers et les ptissiers, il arriva
que plusieurs de ces derniers se runirent pour former une
communaut,en vendant du
porccuit et des saucisses toutes
faites. Us se dsignrent sous les noms de saulcissiers ou
chaircuiiiers. La profession devenant lucrative et le nombre
des dbitants augmentant tous les jours, le Parlement fut
oblig de les limiter un certain chiffre. Un rglement de
1419 interdit l'exercice de cette profession aux chandeliers et
aux corroyeurs, qui s'immisaient dans ce commerce. Ce fut
au milieu de ces circonstances que se constitua, en 1475, la
corporation des charcutiers proprement dite, et dont nousallons faire connatre l'origine et les progrs dans le chapitresuivant.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
40/380
35
lit. Parmi ces marchands, ceux de Nanterre se trouvaienttre prcisment les plus dangereux sous ce rapport ; si bien
que dix-huit d'entre eux furent condamns par sentence de
police du 1er fvrier 1737 de fortes amendes, notamment
le nomm Carthery et sa femme, qui apportaient Paris des
viandes de porc gtes. Afin d'obvier cet inconvnient, et
pour satisfaire aux plaintes lgitimes des charcutiers de
Paris, on restreignit, par une nouvelle ordonnance du 25 d-cembre 1742, l'autorisation accorde aux marchands forains
d'approvisionner la ville. A dater de ce jour, il ne leur fut
plus permis d'apporter du pore coup que deux fois par se-
maine, le mercredi et le samedi ; on exera, en outre, sur
eux une plus rigoureuse surveillance.
Cette satisfaction accorde aux charcutiers de Paris n'tait
pas suffisante pour rtablir l'ordre et l'harmonie trouble ausein de la corporation. On jugea donc opportun de rformer
les statuts. Nous allons voir dans quel but et sous quel pointde vue on procda cette rforme.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
41/380
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
42/380
CHAPITRE V.
Les Statuts rforms del corporation des charcutiers. Approvision-nement de Paris au xvm sicle. Usages, moeurs et coutumes de
ses habitants. Situation du commerce de la charcuterie cette
poque. Transformation que ce commerce prouva la rvolution
de 17S9. Coup-d'oeil rtrospectif sur cette premire partie de l'his-
toire de la charcuterie.
Les ides de progrs qui, pendant le cours du xvm0 sicle,
pntraient dans la socit et transformaient l'esprit public,influrent sur toutes les institutions qui, par leur origine, se
rattachaient un pass qui tendait se modifier tous les
jours. La corporation des charcutiers et le commerce qu'elle
reprsentait taient de ce nombre.Nous avons vu comment les Statuts de leur communaut
avaient constitu un monopole exclusif dans le droit de pr-paration et de vente de la viande de porc, et comment il fut
successivement restreint, par suite de l'accroissement de la
population, d'une part, et l'extension que prenaient, d'aulre
part, les professions rivales, telles que les ptissiers et les
rtisseurs auxquels il faut joindre les marchands forains, no-tamment ceux de Nanterre, qui lui faisaient une rude concur-
rence. Dans ces circonstances, l'autorit, d'accord avec le
syndic et les membres jurs de la corporation, jugea proposde modifier encore les Statuts de la. communaut dans un sens
plus conforme l'esprit de libert qui commenait pntrerdans la population. Il nous suffira de citer, ce sujet, quel-
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
43/380
38
ques -uns des articles emprunts aux Statuts rforms par laDclaration du roi, en date du 20 octobre 1705.
Nul ne peut exercer Paris le mtier de charcutier, s'il
n'a fait un apprentissage de quatre ans, et s'il n'a exerc chez
son patron ou chez un autre patron, pendant cinq annes, en
qualit de compagnon, c'est--dire d'ouvrier, Nul ne pouvait entrer apprenti s'il n'avait atteint l'ge
de quinze jusqu' vingt ans, justifi par son extrait de bap-
tme dment lgalis. L'acte d'apprentissage devait, en outre,tre pass par devant notaire en prsence de deux membres
jurs de la communaut. Une copie de cet acte devait tre
donne, dans le dlai de quinze jours, soit par le matre, soit
par l'apprenti, pour tre transcrite sur le registre de la com-
munaut, la diligence de l'un ou de l'autre. L'apprenti
payait, en outre, la communaut, pour son brevet, un droit
de 12 livres.
Nulapprenti
nepouvait quitter
sonmatre,
nis'absenter,ni demeurer ailleurs, pendant la dure de son apprentissage,
sans cause lgitime, sous peine de cinquante livres d'amende
et d'tre priv du droit d'aspirer la matrise. Le matre quiavait favoris le dpart d'un apprenti tait galement con-
damn 50 livres d'amende, et, de plus, l'interdiction, pen-dant six mois, de pouvoir exercer son mtier.
Nul niallre ne peut prendre un deuxime apprenti, si le
premier n'a dj trois ans d'exercice.
Tous les autres articles ont rapport la communaut en
gnral, son organisation intrieure, la bonne tenue des
tablissements et aux ouvertures des boutiques, aux rapports
qui doivent exister entre les charcutiers et les ptissiers-traiteurs et les rtisseurs, la police des halles et marchs,aux tueries et chaudoirs, la permission que les gens du
mtier avaient d'acheter et de vendre des issues de mouton,de veau et de boeuf, aux charcutiers forains; enfin au privi-
lge qui leur tait accord, ainsi qu' tous les marchands et
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
44/380
39
matres des corps et communauts d'arts et mtiers de Ja ville et faubourgs de Paris, de pouvoir s'tablir partouto ils voudront.
Il est remarquer, dans ces nouveaux Statuts, qu'il existe
plusieurs dispositions favorables, non-seulement au dvelop-
pement de la profession, mais encore l'esprit de libert dont
le souffle pntrait dj dans l'esprit public.C'est ainsi
quel'exercice du commerce d la charcuterie ne se borne plus
la vente des saulcisses, char cuite et saingdoux, comme
le prescrivaient les anciens Statuts; mais cette vente s'tend,
comme nous allons bientt le rapporter, toutes autres pr-
parations de chairs, denres de boucherie et autres comesti-
bles. On s'tait dj affranchi des nombreuses entraves que
l'ancienne rglementationavait
imposes l'exercice de l
profession de charcutier et son commerce.
Disons, toutefois, que cette tolrance ou ce relchement de
la part de l'autorit, dont le rigorisme galait le despotismedu monopole lui-mme, s'explique par l'tat de la professionelle-mme et celui de la population, dont il fallait satisfaire les
besoins et pourvoir aux ncessits.
En1475,
c'est -dire l'poque
o s'estconstitue,
comme
nous l'avons vu, la communaut des charcutiers, elle ne
comptait que onze membres, dont les noms mritent d'treconservs dans l'histoire, et qui s'appelaient : Oudin, Bon-
nard, Gartie, Yvonnet, Alot, Laurent le Grand, Jean Ma^
bonne, Guillaume Alot, Geoffroy Auger, Thomas Bonnard etJean Cbappon, qui furent les fondateurs del corporation des
charcutiers. D'un autrect,
lapopulation
deParis,
cette
mme poque, tait peine de deux cent mille mes, tandis
qu'en 1709, Paris comptait 700,000 habitants, c'est--diredeux tiers de plus qu'au milieu du xv sicle, et il rapportait Louis XV, roi de France, prs de cent millions de revenus
par an. C'est pour cela sans doute, dit Mercier, qu'il l'ap-pelait sa bonne ville de Paris.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
45/380
40
Si le nombre des matres charcutiers est. fix, ds l'origine
de la commuuaut, onze; il s'accrut successivement avecnne rapidit assez tonnante, alors surtout qu'on songe aux
entraves apportes par les Statuts l'obtention de la matrise
et aux difficults qu'il fallait surmonter pour avoir le diplmede matre. Nanmoins, nous trouvons que le nombre des
charcutiers de Paris tait, en 1560, de quarante ; en 1680,de soixante, et de quatre-vingt-dix en 1775. A cette
poque, dit l'auteur du Tableau de Paris, les boutiques des ptissiers, des charcutiers, des rtisseurs, frappent la vue dans tous les carrefours. On y voit des langues four-
res, des jambons couronns de lauriers, de grasses pou-. lardes, des pts vermeils, des gteaux tout sucrs. Les
ptissiers cuisent les viandes pour les mnages, dans leurs
fours. Il ajoute plus loin : Il se consomme, chaque anne, Paris, prs de 30,000 porcs. Les charcutiers
mtamorphosent le porc en cent manires diffrentes ; et
ce qu'on appelle saucisses, boudins, cervelas, langues, andouilles, etc, y est d'un got excellent, qu'on n'attrappe point ailleurs. Les charcutiers, la fourchette la main, distribuent les morceaux de petit sal, renfort journalier des dners et soupers des demi-bourgeois.
Malgr cette apparente prosprit, la corporation des char-
cutiers adressa des dolances au roi, au sujet d'un impt
inique contre lequel protestait d'ailleurs toute la population ;c'tait l'impt du sel. Le sel pour les salaisons se vend
13 sols la livre, dit la requte du syndic des charcutiers.
Il est impossible, sire, qu' ce prix, ceux de notre corpo- ration puissent prparer convenablement leurs viandes et
les vendre un prix marchand. Pour bnficier, les reven-
deurs (regraltiers) sont obligs de mlanger et de falsifier
le sel, ce qui nous expose, malgr nous, vendre nos
prparations dfectueuses et par suite ce que nos pro- duits ne rpondent pas l'attente des acheteurs. Le syn-
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
46/380
41
die et conseil de la communaut supplient donc votre
Majest, de vouloir bien les allger de l'impt de la ferme; elle aura la reconnaissance de ses trs-humbles et fidles
sujets. tII ne parat pas que cette requte soit parvenue jusqu'au
roi ; ou s'il en a eu connaissance, les dpenses d'une cour
fastueuse absorbant les recettes, il jugea propos de laisser
subsister l'impt inique du sel. Les charcutiers et le peupln'en continurent pas moins en supporter les inconvnients.
Quoi qu'il en soit, la corporation fut maintenue toujoursdans tous ses droits et dans toutes ses prrogatives. Aprsles luttes et les procs qu'elle avait eu soutenir et dont
nous avons fait mention, elle tait arrive au point d'tre
reconnue par l'autorit elle-mme, comme une professionaussi utile que celle des bouchers et des boulangers. Nous
voyons, en effet, que dans un rglement de police, en date
du 14 dcembre 1771, le syndic des charcutiers est chargde nommer des membres pris au sein de la communaut pour exercer, la foire aux jambons qui se tient, tous les ans, les mardi, mercredi et jeudi saints, au parvis de Notre- Dame, l'office d'inspecteurs de viandes sales et dessches, et ce, en vertu de notre ordonnance du mois dernier; laquelle se conformeront lesdits-syndics et inspecteurs, llap- port de leurs visites nous sera fait; afin que tout contre- venant soient amends et punis conformment nos rgle- ments. '
Nous avons dit que la population de la capitale tait, auXVIII 0 sicle, de sept cent mille habitants ; un relev de la
boucherie porte qu'en 1765, les tueries de Paris recevaient
92,000 boeufs, 24,000 vaches 35,000 porcs et 500,000moulons. Si nous ajoutons ce chiffre, ce que lesmarchandsforains introduisaient de viandes dans l'intrieur de la capi-tale, nous pouvons tablir que l'approvisionnement, cette
poque, tait dans les mmes rapports avec la population que
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
47/380
k2
l'approvisionnement de nos jours l'est avec la population ac-
tuelle de la capitale. En faisant ce rapprochement, nous vou-lons constater seulement ce fait : que peu d'annes avant la
rvolution de 1789, et vers le milieu du xvrrr sicle, les
corps des mtiers, malgr les obstacles que la rglementation
opposait lenr essor, taient nanmoins en prosprit, tout
en se dveloppant dans le sens de leur complet affranchis-
sement.
La charcuterie, nous devons le reconnatre, avait acquis
alors un extrme degr de prosprit et participait, commetous les corps d'tat, aux bienfaits de la loi de progrs quidevait rgnrer l'ancienne socit. Afin de convaincre nos
lecteurs ce sujet, il suffira de retracer l'tat des moeurs pu-
bliques au sein de la capitale.En 1770, il existait six sept cents caf dans Paris, o l'on
y prenait, dit Mercier, du caf trop brl, de la limonade
dangereuse, des liqueurs malsaines l'esprit de vin. On y
courtisait les cafetires. On y voyait autant de gargoltes
appeles Arche de No, o l'on donnait manger pour 22 sols;
quelques cabarets o nos anctres allaient autrefois entre-
tenir leur belle humeur; et h Marmite perptuelle pendue
une longue crmaillre sur le quai de la Volaille. L na-
geaient des chapons au gros sel qui cuisaient tous ensemble
et qui se communiquaient, ajoute le mme auteur, leurs sucs
restaurants. Enfin, leprix
de la viande de boucherie,grce la caisse de Poissy, n'tait que de neuf dix sols la livre.
Les limonadiers se trouvaient tablis au nombre de dix-huit
cents dans les divers quartiers de la ville.
Quant au commerce de la charcuterie, il n'tait pas moins
prospre. Tandis que les rtisseurs-ptissiers faisaient des.
bouillies et des consomms pour le publie, le matre charcu-
tier prparait le sanglier la crapaudine cuit sur le gril, lard
de foie gras, flamb avec de la graisse fine et inond avec desvins les plus savoureux et le servait entier. A. l'htel d'Ali-
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
48/380
43
re,rue Saint-Honor, s'ouvrait la boutique d'un clbre
charcutier qui exposait des andouillettis, des jambons bruts,
des saucissons, des jambons cuits de Bayonne, des gorges et
langues cuites de Vierson. Il tait dj question et on prisait
beaucoup, dans les boutiques des charcutiers, des dindes aux
truffes du Prigord, des pts de foie gras de Toulouse, des
pts de thon frais de Toulon, des terrines de perdrix rouges
deNrac,
des mauviettes de Pithiviers, des bures cuites de
Troyes et des saucissons de Bologne.En fait de gibier, on avait introduit alors dans i'alimnita-
tion publique, les bartavelles des montagnes, les becassons
de Dombes et les coqs vierges de Caux. Ainsi le progrsdans l'art, les tendances vers la libert commerciale et l'a-
mour du luxe et de la bonne chre avaient prpar ou taient
prts accueillir la Rvolution
quiallait se
produire.Aussi,
lorsqu'elle clata et que s'croula la vieille socit franaise,les lments de la nouvelle socit se trouvrent prts se
reconstituer. Relativement au commerce de la charcuterie,cette rnovation surtout devait s'effectuer sans faire trop de
ruines. La destruction des matrises et des jurandes fut le
seul sacrifice qu'il eut s'imposer. Sous le rapport de son
existence etde sa nouvelle constitution,
nous allonsvoir,clans la charcuterie moderne qui compose la seconde partie
de cet ouvrage, qu'elle n'a eu qu' suivre les traditions du
passen les compltant par les connaissances et les perfec-tionnements que l'art fait acqurir par la pratique ceux qui
l'exercent avec zle, conviction et intelligence.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
49/380
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
50/380
CHAPITRE VI.
Juridiction de la corporation des matres-chaicutiers de la ville de
Paris. Ce qu'on appelait fenestres, boutiques et ouvroirs. En-
seignes des marchands avant la rvolution de 1789. Origine do
l'enseigne de l'Homme de la roche de Lyon. Rflexions sur cette
dernire partie de l'histoire ancienne de la charcuterie.
En vertu des statuts qui rgissaient les anciennes corpo-rations des arts et mtiers, chaque communaut avait un
syndic, trois et quelquefois cinq membres jurs qui, lus partous les autres membres du corps d'tat, taient chargs de
son administration intrieure, de dfendre sesdroits et de faire
excuter les rglements qui le concernaient.
C'est ainsi que nous avons vu le syndic de la corporationdes charcutiers faire saisir le produit de tout infracteur des
articles des statuts et condamner ce dernier l'amende. Il y
avait, ce sujet, une procdure suivre, laquelle nous tenons faire connatre, car elle prouve que les anciennes corpora-tions n'taient pas soumises, comme on le croit gnrale-ment, un pur arbitraire;
D'abord, chaque corps d'tat avait son huissier particulierqui tait charg de faire toutes les significations ordonnes
par le syndic de la communaut; et ce n'tait que par la voie
de la procdure que le dlinquant ou-le contrevenant compa-raissait devant le prvt, juge au Chtelet, pour rpondreaux inculpations formules contre lui. Il s'agissait presquetoujours soit d'une violation de certains articles importantsdes statuts, soit de la vente sans autorisation de quelque pro-
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
51/380
46
duit dont le dbitappartenait
une autrecommunaut,
soit
enfin d'une infraction aux ordonnances de l'autorit.
Dans tous les cas, le dlinquant ou contrevenant compa-raissait devant le jug assist d'un procureur spcial, ayantcontre lui, pour accusateur, l'avocat de la corporation chargde reprsenter le syndic lui-mme. Ce n'tait donc qu'aprsla production du procs-verbal, l'avoir discut contradictoi-
rement, que le juge prononait sa sentence.
Ci a comparu devant nous, juge au Chtelet, dit un juge- ment copi dans un vieux recueil d'arrts, le nomm Fran-
oisJammin, chaircuitier, demeurant rue Sainte-Oppor-o tune, l'angle de l'impasse Barrois, lequel a t surpris vendant de la chair crue de porc, le jour de la fte de
Notre-Dame d'aoust, contrairement l'ordonnance de Sa
Majest; laquelle char (chair) elle-mme, n'tait ni saine
ni mangeable. Pour ce et afin de punir pareilles infractions; oui le procureur de la communaut des charcutiers de
Paris dans son procs-verbal d'ordre et conclusions; oui
galement l'avocat du lieutenant de la prvt, au nom du -
. roi, condamnons ledit Franois -Jammin, chaircuitier,
300 livres d'amendes et la confiscation des viandes sai-
sies en son ouvroir; de plus, en 80 livres de dommages- intrts en faveur de la communaut des chaircuitiers.
reprsente par le syndic. Le prsent jugement sera excut la diligence du syndic de la susdite communaut, etc.
Nous ferons observer que ces sortes de condamnations
taient d'autant plus rares, que les motifs qui pouvaient les
provoquer taient peu nombreux, cause du discrdit qu'elles
jetaient sur celui qui les avait encourues. En gnral, son
tablissement tait mal not de la part du public, et ses con-
frres eux-mmes ne le voyaient pas d'un bon oeil. Nousajouterons, au reste, que les infractions graves aux rgle-ments de la corporation ou aux ordonnances de l'autorit
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
52/380
47
n'taient pas communes. On n'en constatait, pendant cestemps, qu' de trs-longs intervalles.
Si les gens du mtier avaient, cette poque, le mme
respect que nous avons pour notre profession, il faut recon-
natre, toutefois, que la manire de l'exercer diffrait de celle
de nos jours. La vente des denres s'effectuait, pendant le
moyen ge, non p'us dans des boutiques splendidement
ornes et richement pourvues de comestibles,mais bien dans
des salles troites, obscures souvent et quelquefois humides.
Outre que les produits de la charcuterie se trouvaient tre
alors trs-peu varis, consistant seulement en jambon, porc
frais, saucisses, lard, cervelas et boudins, ces mmes pro-
duits n'taient mis en montre que sur des fentres ouvrant
sur la rue, ct de la porte d'entre de l'ouvroir. On lait
loin encored'imaginer
lapossibilit
depouvoir
tablir ces
belles devantures et ces talages lgants que l'on distinguede nos jours.
Cantonn de la sorte, dans ces modestes rduits, le com-
merce de la charcuterie n'attirait pas moins le respect et la
considration que lui avaient acquise nos anctres par leur
probit et l'amour du travail,
Nous ajouterons ces considrations que la rglementationdel'exercice du charcutier, quoique fixe parles ordonnances,laissait beaucoup dsirer sous le rapport de la salubrit.
C'est ainsi que la facult qu'avaient les charcutiers de pouvoir
gorger les porcs dans leur domicile donnait lieu de gravesinconvnients. Aussi ce droit leur fut-il retir dans la suite,et c'est partir de cette prohibition que l'exercice do la pro-fession prit un plus libre essor dans le sens de son perfec-
tionnement.A cette poque galement, le march du Parvis de Notre-,
Dame faisait concurrence aux gens du mtier, si bien qu'ilsse trouvaient dans la ncessit de se conformer aux prix fixsaux denres qui s'y vendaient, et dont le jambon et le lard.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
53/380
48
constituaient celles qui s'y vendaient le plus communment.C'est ainsi qu'en 1753, nous voyons que la livre du jambon
y tait cote 10 sous et 11 deniers, et celle du petit lard10 sous et 12 deniers. Il est remarquer que ce march tait,
pour le temps pass, ce qu'est de nos jours la foire aux jam-bons, qui se tient tous les ans, Paris, pendant la derniremoiti de la semaine sainte.
Afin de distinguer les boutiques des charcutiers, dans le
vieux Paris , on avait adopt comme indication des figuresemblmatiques qui tenaient lieu d'enseignes. Nous voyonsainsi que dans la rue St-Paul, avant la rvolution de 1789,et remontant peut-tre une date trs-ancienne, il existaitune boutique de charcuterie l'enseigne del-Hure de san-
glier. On en voyait une, l'angle de la rue Saint-Honor etde celle des Bons-Enfants, qui portait SaintAntoine, re-
prsentant un ermite ayant un cochon ses pieds; l'enseigne
l'Homme de la Roche de Lyon se trouvait l'entre de la ruedes Petits-Champs, en face de l'htel de la Vrillire, o ellesubsiste encore. Plusieurs enseignes de genres diffrents exis-taient dans les autres quartiers de Paris. Celle de YHomme dela Roche de Lyon nous intressant plus d'un titre, nous
croyons devoir en faire connatre l'origine.L'enseigne, sinon la boutique, qui existait peut-tre depuis
delongues annes, date de l'anne 1777. C'est un nommCailloux, originaire de Lyon, qui, venant exercer la charcu-
terie Paris, l'adopla comme indication de sa maison.
Qu'tait-ce que VHomme de la Roche de Lyon? reprsentantun chevalier tenant une pique d'une main et une bourse del'autre? C'est l'histoire qui va nous le dire. .
Jean Flberg, qu'on appela plus tard, par corruption du
mot,. Clbtrg, naquit Nuremberg en 1485, et tait par
consquent d'origine allemande, d'une famille trs-considredans le ngoce. Il reut une brillante ducation; mais destinau commerce par ses parents, il commenait s'y distinguer
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
54/380
_. 49
par toutes les qualits qui caractrisent l'homme d'ordre etd'intelligence, lorsqu'il fut appel au service du ride France;
Franois I", pendant les guerres d'Italie.Il assista plu-
sieurs combats clbres, o il se distingua par son courage et
sa bravoure, notamment l bataille de Pavie, qui fut si fatale
au roi de France.
Aprs cet chec, Franois I,r, qui avait pu apprcier l-
mrite et la valeur de Jean Flberg , l'attacha sa personneet lui donna la direction de sa maison en qualit d'officier d
bouche du Palais. Il remplit ses fonctions avec tout le dvouer
ment dont il tait anim l'gard de la personne du roi, et ce
n'est qu'aprs la fin de sa captivit qu'il se retira d'abord
Berne et ensuite Lyon, o il continua d'exercer le ngoce
auquel il s'tait consacr avant d'entrer au service du roi de
France.
Ce fut en 1532 que nous le voyons dj dans la ville de
Lyon, o i! avait acquis non-seulement une grande rputationd'homme de finances, de ngociant intgre et d'honnte
citoyen, mais encore une grande fortune. On assure que c'est
son influence que Franois I-' obtint de la ville de Lyon un
emprunt de six millions, qui servirent le relever de la
mauvaise fortune danslaquelle
il tait tombdepuis
la fatale
bataille de Pavie.
Quoi qu'il en soit, Jean Flberg n'en continua pas moins de
jouir d'une trs-grande considration dans la ville de Lyon, parsafortune et son crdit, mais surtout par sa gnrosit et son
extrme bienfaisance, sa bourse tant ouverte toutes les infor-
tunes soit publiques, soitprives. En 153l,lafamine svissaitdans la ville de Lyon. Jean Flberg ou Clberg,.car les Lyon-nais prononaient indistinctement les deux noms, fut le pre-mier venir en aide aux malheureux, et il versa une sommede 500 livres cet effet dans la caisse des pauvres. Son exem-
ple trouva bientt des imitateurs, et en peu de jours on putfournir la ville et aux malheureux qu'elle renfermait toutes les
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
55/380
50
subsistances dont ils avaient besoin. Un historien faitobserver qu'en moins de trois ans, ce gnreux bienfaiteuravait donn 2,344 livres 10 sols pour le soulagement des
malheureux. Or cette somme tait considrable pour l'poque.L ne se borna pas sa gnrosit, car il ajouta ses nom-
breux bienfaits une somme considrable qui servit la fon--
dation de l'hospice de la ville de Lyon. C'est ainsi que Jean
Clberg, possesseur d'une immense fortune, la dpensa en
bonnes oeuvres, ce qui lui valut l'estime et la vnration detous les habitants de Lyon. Ce gnreux citoyen, aprs une
longue maladie ^qui devait l'enlever l'attachement de tousles malheureux, mourut le 6 septembre 1546, l'ge de62 ans. On voit, sur.une minence qui se trouve l'entredu Bourg-Neuf, appele la Roche, une vieille statue en bois
reprsentant un chevalier arm tenant une lance d'une mainet une bourse de l'autre
;c'est la
statue que ses contempo-rains levrent Jean Clberg aprs sa mort. Elle est vnre
par tous les habitants de la cit, qui l'appellent l'Homme dela Roche.
Une nouvelle statue lui a t leve par la reconnaissancede la municipalit, en souvenir de ses bienfaits, le 20 juin1820, sur la place de l'Hommond.
L'enseigne l'Homme de la Roche de Lyon remonte donc
en 1777 et reprsente la vieille statue de Jean Clberg, dontle charcutier Cailloux voulut rappeler le souvenir dans la
capitale de la France, o il tait venu exercer son industrie.Si nous jetons maintenant un coup-d'oeil rtrospectif sur
eette premire partie de l'histoire de la charcuterie ancienne,nous trouvons que les Romains d'abord faisaient un si grandcas des jambons, que Caton lui-mme se donna la peined'instruire comment il fallait les saler, les enfumer et les
pr-parer pour les rendre bons et les conserver.Nous voyons encore que les charcutiers de notre temps ont
su faire revivre dans les dners de luxe l'usage cher aux
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
56/380
51
anciens, et aujourd'hui les convives des tables officielles oudes riches maisons ne craignent point de droger leurs habi-
tudes de tous les jours, en acceptant, au milieu des festins les
plus copieux comme les plus fins, la tranche de jambon fum
destine aiguiser l'apptit, la saucisse truffe, le pt de
foie, etc.
L'usage du porc lui-mme tait trs-rpandu pendant la
priode que nous venons de parcourir, surtout en France, onous constatons plusieurs provinces qui viennent approvi-sionner Paris seulement d'une quantit considrable de porcsvivants.
Une statistique, cite par M. Husson, nous fait connatre,en effet, qu'avant 1789, le poids moyen d'un porc tait, en
viande nette, de 91 kilog. 500 gr., se divisant comme suit :
Lardgras
kil. 15
Lard maigre 15.500
Porc frais 17
Deux jambons dsosss 9
Viande pour les hachis 14.500
Quatre'jambonneaux. 5
Petit-sal 6.500
Graisse 7
Dchet 2
Total gal kil. 91.500En ajoutant le poids moyen des abats et
issus 13
on obtenait un poids de kil. 104.500
Quant la consommation de Paris en viande de'porc, elle
tait considrable relativement la population. Savary, aprsSauvai, vahie le nombre des porcs abattus en 1634 27,000.La consommation de 1688, d'aprs les registres du Cbtelet,se serait leve 58,000, au dire de M. Benoiston de Ch-teaimeuf. Quant aux poques postrieures, les relevs de
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
57/380
52
Lavoisier et de M. Teissier, oprs sur les annes immdia-tement antrieures 1789, portent le nombre des porcs con-
somms 35,000, selon le premier, et 41,000 d'aprs le
second.
Voici, au reste, les quantits rsultant des moyennes prisessur 4, 6, 8 et9 annes:
De 1757 1764 33,576 porcs.De 1766 1774 ...... 32,455
De 1777 1780 . , 38,833 De 1781 1786 40,441
Enfin, ces poques, le poids moyen des quantits de
viande de porc consomms Paris tait de 8,588,700 liv.
Chiffre norme si l'on rapproche ce chiffre de celui de la
population, qui n'tait que de 700,000 habitants. Ainsi, sous
quelque point de vue que l'on envisage l'poque ancienne,
relativement l'alimentation publique, nous trouvons quela consommation du porc tait considrable; il est justede reconnatre aussi que l'organisation elle-mme de la pro-fession ne laissait rien dsirer au point de vue des moeurs
et du progrs des temps anciens. C'est, au reste, ce que nous
avons voulu constater dans cette premire partie de notre
Trait.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
58/380
DEUXIME PARTIE.
CHARCUTERIE MODERNE.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
59/380
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
60/380
DEUXIMEPARTIE,
CHARCUTERIE MODERNE.
Cette seconde partie de notre Trait, la plus importante au
point de vue thorique et pratique la fois, se divisera en
trois sections ainsi dnommes :
1 De l'levage du porc en gnral et de ses diverses es-
pces ;2" De la charcuterie proprement dite ;3" De la charcuterie-cuisine et ptisserie.Avant d'entrer, toutefois, dans les dtails qui composent
chacune de ces divisions, il importe d'exposer, en peu de
mots, comment la charcuterie ancienne se rattache la char-
cuterie moderne, et quel est le lien qui les unit sous le rap-port de.la
lgislationet de la
rglementation quiles concer-
nent.
Avant la rvolution de 1789, on dfinissait comme suit lecharcutier : C'est un marchand de chair de pourceau qui la coupe, qui la hache, qui la sale, qui l'assaisonne, pour en faire (mle avec du sang ou sans sang), ds "saucisses
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
61/380
56
boudins, andouilles,
cervelas et autresragots
dechair ha- che, enferme dans des boyaux de porcs ou d'autres ani-
maux.
Ce sont aussi les charcutiers qui prparent, qui fument et qui vendent les jambons, languets, langues de boeuf, de pore et de mouton, et qui font le ngoce du lard, du petit sal, cuit ou frais, du saindoux ou graisse du co- chon.
Telle tait l'ancienne charcuterie.Sous le rapport de la rglementation, on avait dj compris,
avant la rvolution de 1789, qu'en France, le commerce et la consommation de la viande taient un objet trs-impor- tant, et, cpnsquemment, que le rgime auquel tait sou- mis la charcuterie pouvait tre bien avantageusement remplac par la libert.
Aussi, en 1791, la charcuterie profila-t-elle de l'abolition
des matrises et des jurandes pour continuer librement son
commerce. Toutefois, la limitation du nombre des charcu-
tiers, rtablie ds l'anne 1793, ne fut dfinitivement sup-
prime qu'en 1823. Pendant cet intervalle de temps et
jusqu' nos'jours, il s'est form, sur le commerce de la char-
cuterie, une lgislation et une rglementation que nous
allons indiquer, afin d'tablir le lien qui unit le pass au pr -
sent,en
pareillematire. Voici la date des
principales ordon-nances de police :
Sentence de police du 27 mars 1778 ;
Lettres-patentes du 20 aot 1783 ;Arrt du Conseil du 27 janvier 1788 ;Ordonnances de police du 16 juin 1802, 24 avril 1804,
21 aot 1805, 30 avril 1806, 13 juillet 1806;Circulaire de M. le Prfet de police du 24 dcembre 1811 ;
Ordonnance de police touchant la sret et la salubrit desdenres alimentaires, 3 dcembre 1829;.
St*
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
62/380
57
Ordonnance concernant les tablissements de charcuterie,J9 dcembre 1835 ;
Statuts organiques du commerce de la charcuterie, 19 sep-tembre 1834;
Admission des charcutiers la vente des halles et mar-
chs (arrt du Prfet de police du 17 juillet 1840) ;Ordonnance de police concernant la vente du porc frais et
sal, 3 mai 1840 ;Droits de douane et d'octroi des porcs, 10 mai 1846 ;
Rglement et droits d'octroi, 23 dcembre 1846;Ordonnance concernant la vente la crie, 21 mai 1849;Police des garons et ouvriers charcutiers, loi du 22 f-
vrier 1851 ;Lettre de M. le Prfet de police aux mandataires du bureau
du commercede la charcuterie de
Paris, du 13 aot 1864 ;Dlibration de l'assemble gnrale des mandataires du
bureau du commerce de la charcuterie, du 16 dcem-
bre 1864;Lois et rglements concernant le commerce de la charcu-
terie, 21 septembre, 10 et 12 octobre 1867.
Au nombre des principales dispositions que contiennent ces
lois et ordonnances, nous citerons les suivantes :Il ne peut tre form, dans le ressort de la prfecture de
police, aucun tablissement de charcuterie sans une permis-sion du prfet.
Les charcutiers doivent tenir leurs chantiers et leurs us-tensiles dans la plus grande propret, sous peine d'amende.
Ils no peuvent acheter des issues de boeuf, veau ou mou-
Ion que pour les employer dans la prparation des viandes decharcuterie.
Il est dfendu d'acheter et de vendre des porcs vivants,dans le ressort de la prfecture de police, partout ailleursque sur les marchs de la Maison-Blanche et de la Cha-
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
63/380
58
pelle-Saint-Denis, et dans les foires et marchs ce des-tins.
La vente du porc frais et sal et des issues de porc Paris,a lieu au march des Prouvaires, les mercredi et samedi de
chaque semaine, depuis sept heures du matin jusqu' midi
pour la vente en gros, et jusqu' cinq heures de releve pourla vente en dtail.
Vingt places sont rserves au march des Prouvaires pour
les charcutiers forains, dits gargots, qui vendent du porcfrais en gros.
Les porcs, Paris, ne sont abattus que dans les chau-
doirs autoriss cet effet, peine de saisie et de confiscation
des porcs. Les propritaires des chaudoirs ne peuvent
percevoir plus de 1 fr. 50 c. pour abat, prparation et trans-
port d'un porc.Le commerce de la charcuterie Paris s'est compos un
bureau, form do trois mandataires gnraux et spciaux. Ces derniers sont nomms par vingt^quatre mandataires
choisis par les charcutiers, raison de deux par chaquearrondissement municipal. Les trois mandataires repr-sentent le commerce de la charcuterie.
Pour avoir une ide de l'ensemble de cette rglementation,il importe de savoir que la plupart des dispositions qui con-
cernent le commerce de la charcuterie moderne ont t em-
pruntes aux anciennes ordonnances ; on les a appropriesaux exigences de l'poque actuelle. Quelques parties seule-
ment do l'ancienne rglementation ont t modifies d'aprsles besoins de la nouvelle socit.
Si nous voulons maintenant comparer les deux poques,l'ancienne et la moderne, nous trouvons qu'avant la Rvolu-
tion de 1789, la population de Paris tait de 700,000 habi-tants; en 1817, la statistique officielle la fixe 713,966 ha-
bitants. Dans l'espace de vingt ans; son accroissement n'avait
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
64/380
59
donc t que d'environ 14,000 habitants. Ce qui s'explique,au reste, par suite des guerres de la Rvolution et de l'Em-
pire, qui avaient singulirement arrt la marchede la popu-
lation.Constatons galement un fait trs-remarquable, sous le
rapport de la consommation, c'est qu'avant la Rvolution,
celle-ci tait bien plus considrable qu'en 1817. Ce qui res-
sort, au reste, de la statistiquedresse
parla ville de
Paris,en 1817, et de celle que publia, en 1789, M. Lavoisier.
En 1789, M. Lavoisier tablit le chiffre de la consomma-
tion de la viande de boucherie de Paris comme suit :
Boeufs 70,000 ttes.
Vaches 18,000
Veaux 120,000
Moutons 360,000
Porcs, sangliers.. . 35,000
Viande la main.. 675,372 kilog.Eu 1817, la statistique officielle fournit le chiffre sui-
vant :
Boeufs 69,955 ttes.
Vaches 8,978
Veaux 77,056
Moutons 335,933 Porcs, sangliers.. 69,684
Viande la main.. 366,354 kilog.C'est en partant de ces donnes que nous allons voir la
charcuterie moderne, d'abord en arrire au commencementde ce sicle, prendre son essor et arriver un haut degr de
prosprit. Ce que nous constaterons mesure que nous
aborderons les diffrentes questions pratiques qui composentcette seconde partie de notre Trait.
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
65/380
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
66/380
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
67/380
8/22/2019 Charcuterie Ancienne Et Moderne
68/380
PREMIRE DIVISION.
De l'levage du porc en gnral et deses diverses espces.
CHAPITR I",
Le porc considr dans son origine et dans S3S rapports
avec IVimentation.
Le porc n'est autre chose que le sanglier domestique. Il
est d'une utilit incontestable, ainsi que nous allons le d-montrer.
Les porcs de la race primitive prsentaient, dans tous les
pays, il y a environ un demi-sicle, les mmes caractres.Ils taient robustes, bien lailis pour la marche, capables de
braver toutes les intempries, trs-prolifiques, mais peu
prcoces, difficiles engraisser et d'une qualit grossire.
Malgr la transformation de cette race, qui s'est opre ets'opre de nos jours, la France a eu et a encore quelquesraces indignes qui mritent d'tre mention
Recommended