Cours n°8 : pratiques funéraires, tombes, tombeaux, nécropoles

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Cours n°8 : pratiques funéraires, tombes, tombeaux, nécropoles Tombe (ou sépulture) : logement funéraire d’un individu (anglais : grave ; latin : sepulcrum). Tombeau : installation plus importante, conçue par exemple pour un grand personnage ou pour un groupe — famille, par exemple (anglais : tomb ; latin : monumentum). Un tombeau comprend habituellement plusieurs tombes ou sépultures.

Inhumation : les corps des défunts sont déposés dans un logement funéraire. Le plus fréquent est une fosse dans la terre, délimitée par un coffrage, couverte de pierres

Le sarcophage, coffre à couvercle où l’on dépose le corps du défunt, n’est pas rare. Les sarcophages peuvent être en pierre

comme ci-dessus (fréquemment décorés)

mais aussi en plomb(ici à droite)

Les cercueils de bois sont connus également

Comme les sarcophages, ils sont placés dans des emplacements funéraires (ici en bas à droite cercueil dans une fosse) qui sont eux-mêmes parties intégrantes de nécropoles (en bas à gauche)

Dans des milieux pauvres ou pour de simples soldats, les urnes cinéraires (pour les cendres) peuvent être de simples marmites

Crémation (ou incinération) : le corps du défunt est brûlé sur un bûcher (ustrinum) puis ses cendres sont placées

dans des urnes, qui sont inhumées (mises en terre).

Il existe en revanche de belles urnes dans de beaux matériaux, pour les classes aisées Ici : urne cinéraire en verre, Ier s. pC, Musée de Cordoue

Dans les milieux aisés encore, les urnes peuvent être installées, comme ici, dans des monuments spécifiques (petit monument funéraire du boulanger Publius Nonius Zethus, Musée du Vatican)

Inhumation et incinération sont deux pratiques qui existent dans le monde romain, en Italie, à Rome, aux différentes époques. Déjà, notamment, chez les Etrusques. Il y a des variations régionales : l’Occident romain, sous l’empire, pratique beaucoup l’incinération, l’Orient généralement l’inhumation (y compris les Orientaux en Italie : Juifs par exemple, qui ont des ossuaires). Des variations sociales : l’incinération est longtemps restée, en Italie, jusqu’au IInd siècle av. J.-C., l’usage surtout des aristocrates. Des variations dans le temps : en Italie, l’incinération devient vers la fin de la république l’usage prépondérant dans toutes les catégories sociales ; l’inhumation revient en force avec la christianisation de l’empire au IVème siècle (croyance à la résurrection des corps : il ne faut donc pas les brûler).

Un détail (une règle) important manifeste, à Rome, que le concept d’inhumation reste présent, prépondérant même, y compris en cas de crémation (= incinération) — c’est « l’os coupé » : quel que soit le mode de traitement du corps, crémation comprise, et y compris quand les cendres du défunt vont être conservées dans une urne placée en hauteur dans un monument, un os du défunt (par exemple un doigt), coupé avant incinération, doit être placé en terre.

Nécropoles (les archéologues aujourd’hui préfèrent parfois parler de « zones funéraires » : ce sont les « villes des morts » (en grec nekropoleis au pluriel), qui sont toujours à l’extérieur des villes ou villages. À Rome, c’est l’application de l’article de la « Loi des XII tables » (milieu du Vè s. av. J.-C.), qui interdit de placer les restes humains à l’intérieur du pomerium, c’est-à-dire l’enceinte sacrée de Rome. Pour rester près de la ville ou du village, la ou les nécropoles sont placées juste à l’extérieur des remparts ou limites, près des portes, et souvent, pour être visibles et accessibles, sur les routes principales : nécropole de la Via Appia à Rome, nécropole de la Porte d’Herculanum à Pompei. Il ne faut pas parler de cimetières pour l’Antiquité païenne : les cimetières (chrétiens, puis musulmans) sont le contraire des nécropoles : ce sont des groupes de tombes aussi, mais où les défunts « dorment » — verbe grec koimaô, d’où koimètèrion — dans l’attente de la résurrection, au milieu des vivants, donc dans la ville près de l’église, chez les chrétiens.

Pompei : nécropole de la Porte

d’Herculanum : type de

nécropole-rue Tombeaux-autels en pierre et tombeaux-tambours stuqués

à gauche, tombeau à grande niche semi-circulaire couverte en cul-de-four, banquette intérieure, années + 70 ; à droite tombeau-cella, mi -I av., sur podium ; tuf, opus quadratum, pilastres, chapiteaux corinthiens, guirlande accrochée aux chapiteaux

Pompei : nécropole de la Porta Nocera, parallèle à muraille sud, à l’extérieur de la ville À gauche, tombeau d’affranchis, en lave, bustes en façade, mi -I a.v J.-C. ; au centre, tombeau à cella distyle sur podium et statues de couple, ordo decurionum, mi -I av. J.-C. ; à droite, tombeau monumental à exèdre d’Eumachia, 29 apr. J.-C., dédicante d’un grand monument public du forum

Pompei : nécropole de la Porta Nocera, parallèle à muraille sud, à l’extérieur de la ville

Trois tombeaux à haut podium D’époque augustéenne

Deux tombeaux-à-chambre de familles d’affranchis et

magistri du Pagus Augustus felix suburbanus,

années + 60 / + 70

Une nécropole de Palmyre, Syrie romaine, Ier siècle apr. J.-C. (tombeaux-tours)

Via Appia, fin de la république : tombeau cylindrique de Caecilia Metella,

D’une puissante famille aristocratique

Détail du bas-relief de la frise : la pesée du pain

Le tombeau du boulanger Euryzacès, Rome, Porta Maggiore Vers 30-20 av. J.-C.

Porte d’Ostie, Rome, années 10 av. J.-C. Tombeau-pyramide du riche chevalier

Caius Cestius

Des monuments Funéraires d’architecture exubérante se trouvent aussi dans les provinces : ici, à l’époque augustéenne, le mausolée de Faverolles près de Langres, en Gaule. À gauche, maquette dans le musée de Faverolles. À droite, masques du décor au pied du 3è niveau

Bas-relief du tombeau d’une famille d’affranchis (Rome, Institut archéologique allemand)

Ces édifices exceptionnels ou extravagants disparaissent rapidement dès les débuts du principat, pour ne pas porter ombrage aux dynasties impériales

et l’art et l’architecture funéraires se banalisent alors un peu

Un « tombeau-temple » (tombeau auquel on a donné l’allure d’un temple) : dans le quartier de la Via Appia à Rome, faux « Temple du Deus rediculus »,

vrai cénotaphe d’Annia Regilla, épouse du richissime Hérode Atticus, morte à Athènes, où elle a sa sépulture. Vers 160 apr. J.-C.

Maquette à g., photo à droite

Plan épigraphique d’un tombeau romain du Ier siècle apr. J.-C. à Pérouse (Italie centrale) :

tombeau de Claudia Peloris. À droite plan du tombeau ; à gauche, logis du gardien (RdC) ;

en haut, logis du gardien (étage)

Reconstitution du tombeau sur la base du plan, par

Hülsen, XIXè siècle

C’est à cela aussi que ressemblait, déjà au Ier siècle, le tombeau

de Claudia Peloris

Croit-on à l’immortalité de l’âme ? À la résurrection, non : pas jusqu’à ce que le christianisme S’impose (à partir du IVème siècle e.c. surtout) Il n’y a pas croyance généralisée à l’immortalité de l’âme, mais certains y croient, beaucoup de philosophes en discutent, et cette croyance est nécessaire en ce qui concerne les empereurs et impératrices, qui connaissent après leur mort l’apothéose : la montée vers le monde des dieux.

Apothéose de L’empereur Claude (mi-Ier siècle) : Un camée conservé au Cabinet des médailles

Apothéose de Faustine la Jeune, épouse de l’empereur Marc-Aurèle, vers 175 e.c. Bas-relief d’un arc monumental de Lusitanie, Musées capitolins, Rome

Ce bas-relief du tombeau des Haterii, entrepreneurs de l’époque flavienne (3è tiers du Ier s. e.c.), qui montre à la fois le tombeau achevé (à droite) et sa construction (à gauche), présente en haut à gauche à la pointe de la grue une cage à oiseau d’où l’âme va s’envoler.

Ce bas-relief est lun de ceux découverts en 1848 sur la Via Labicana, à l’est-sud-est de Rome et à 8 km du centre de la Ville, dans les ruines du tombeau familial des Haterii, descendants d’affranchis d’une famille sénatoriale et entrepreneurs de grands travaux, dont le plus célèbre est Quintus Haterius Tychicus. C’est une composition complexe, où l’on voit, juxtaposés : à gauche un chantier en cours d’achèvement, avec une énorme grue ; en bas à droite, occupant les deux tiers du tableau, un monument de type « temple » (nécessairement un tombeau-temple, vu le contexte), visiblement achevé, sur podium, vu selon une perspective qui permet d’en montrer la façade et un long côté ; il est flanqué, à la base de l’escalier, d’un ensemble représenté beaucoup plus petit et qui paraît superposer deux ou trois monuments différents (portique, possible autel à plan polygonal, et coupole sur baldaquin : une évocation peut-être de l’enclos funéraire pourvu d’une entrée sous coupole, d’un portique périphérique, et d’un autel dans la cour ?) ; enfin en haut et à droite, fictivement sur le toit du « temple » une défunte (de la famille) sur son lit de banquet funéraire, flanqué à gauche d’un autel aux aux lares ancestraux ou peut-être aux dieux manes et, à droite, d’un pyrée (brûle-parfums, thymiaterion).

La composition, surprenante au premier abord, est en réalité parlante, et semble même livrer un message : « moi, Qunitus Haterius (dont voici l’épouse sur son lit de banquet funéraire), membre de l’illustre famille des Haterii (dont voici l’autel des Lares), ai grandement contribué comme entrepreneur-adjudicataire (redemptor), par la grue et les esclaves que voici, à la construction de grands monuments de Rome (ou d’ailleurs éventuellement), comme le monument que voici » — qui est probablement une représentation du tombeau-temple des Haterii eux-mêmes.

La représentation très détaillée du monument, prostyle tétrastyle corinthien, à pilastres engagés sur les longs côtés, est au plus haut point intéressante, puisqu’on y voit en place ce qui ordinairement est effondré : la toiture complète avec ses tegulae plates et ses couvre–joints (imbrices), la frise de façade aux aigles, le relief central du fronton (la défunte voilée pour la prière), le décor latéral du podium et celui du temple (décor en deux registres : personnages debout, et imagines clipeatae, c’est-à-dire des cercles, figurant des « boucliers », clipei, où sont inscrites des images, ici des bustes) ; et on y voit aussi ce qui sur les monuments vrais a toujours disparu par pillage : les portes de bronze ou le décor torsadé (feuilles de bronze aussi sans doute) sur les colonnes de façade.

La représentation de la grue semble être aussi intégralement réaliste, sauf les deux esclaves juchés au sommet, qui sont être en train d’ouvrir, en haut de la grue, une cage à oiseaux symbolisant l’âme de la défunte, qui va s’envoler. Cette grue, dite en latin calcatoria (de calco, fouler aux pieds) est une solution mécanique mixte : une machine qui démultiplie les forces grâce à la poulie, mais l’énergie est fournie par une forte troupe de travailleurs (esclaves), qui marchent dans la roue qui actionne la grue (noter aussi, en bas à gauche du relief les esclaves qui, d’en dessous, tirent la roue avec des cordes).

Reconstitution de grue et du processus de construction du Capitole de Toulouse

Les sépultures impériales sont hors pomerium mais rassemblées dans des mausolées : mausolée

d’Auguste (ici point orange, au Champ de Mars

puis mausolée

d’Hadrien, le Château

Saint-Ange, au Vatican

(flèche rouge)

Mausolée d’Auguste : état en 2008

Mausolée d’Auguste : restitution par W. von Hesberg 45 m de hauteur (150 pieds), 300 pieds de diamètre

Maquette du Champ de Mars À la mort d’Auguste : Le mausolée L’horologium Le premier panthéon, œuvre d’Agrippa, gendre d’Auguste

Au total, une grande zone funéraire en l’honneur de la dynastie julio-claudienne

Mausolée Obélisque de l’Horologium Ara pacis Augustae L’Autel de la Paix d’Auguste (Ara pacis)

L’obélisque de l’Horologium

Ara pacis, bas-relief : sacrifice d’Énée aux Pénates

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