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TracyWolff
ENCHAÎNÉE
ETHANFROST–2
Traduitdel’anglais(États-Unis)parClaireAllouch
Milady
PourJenn
Prologue
—Réveille-toi,marmotte!s’exclameEthanens’installantsurmoipourm’embrasserlesjoues,leslèvresetlefront.Jesourisetm’étire.—C’esttoiquivoulaiszapperleboulotcematin.Jen’aipasbesoindemeréveiller.—Non. J’ai appeléMaryanne pour lui dire que j’avais besoin de toi dansmon bureau pour un
projettrèsimportantcematin,mecorrige-t-ilenseglissantenmoi.Jegémisetmecambredeplaisir.—Tuappellesçacommeça?Unprojetimportant?—Leplusimportantdetous.Nousfaisonsl’amouravecautantdetendressecematinquenousyavonsmisdesauvageriehier
soir.Autantdeparessequ’ilyaeudefrénésie.J’aimeça.Detoutefaçon,j’aimetoutcequemefaitEthan.Depuislepremierjour,etpourtoujours.J’aibeaumesentircoupabledenepasallertravailler,jesaisqu’Ethanetmoiavonsbesoindece
moment.Aprèstoutcequis’estpasséhier,jenesuispasprêteàlequitter.Jedevinedanssonregardetsesgestespossessifsqu’ilressentlamêmechose.Ilbougelentement,allantetvenantselonunrythmefluidequiattisepourtantlefeuquibrûleentre
nous.Latensionmonteentrenosdeuxcorpscouvertsdesueur,etnousnetardonspasàbasculerdansl’extase.Commesic’étaitécrit.Ethanmeserrelonguementcontreluidansungesteprotecteur.Iljoueavecmesbouclesquipartent
entoussensetm’embrassel’épauleetledos.Audébut,jesuisunpeuanxieuseàcausedelaposition–dosàlui–,maisaprèstoutcequis’estpasséhiersoirdanslamêmeposture,ceseraitidiotdem’enfairemaintenant.Je fais de mon mieux pour laisser la panique refluer. Oh, je sais bien que je ne serai jamais
normale, qu’il y aura toujours une part de moi sur laquelle Brandon aura prise, même si je nesouhaiterientantquelecontraire.Maispourl’instant,jeveuxmeconcentrersurEthanetsurtoutcequivabiensepasserdansmavie–dansnosvies.Aprèsunmoment,sonestomacsemetàgronder,etilselèveenriant.—Onprendunedoucheavantlepetitdéj’?propose-t-ilenmetendantlamainpourquejemelève.Maisjemesensparesseuse,détendue,etjen’aipasenviedebouger.Pastoutdesuite.J’aienviede
resterentrelesdraps,dansnotreodeur,plongéedanscequenoussommestouslesdeuxensemble.—Vas-yd’abord.Jen’aipasenviedesortirdulit.—D’accord, répond-il avec un sourire indulgent. Jeme douche, et ensuite je t’apporte le petit
déjeuneraulit.Qu’est-cequetuenpenses?—Tuteremettrassouslacouette,toiaussi?—Çapeuts’arranger,concède-t-ilenhaussantunsourcil.Çamefaittoujourscraquer.—Danscecas,jesuispour.Ilsepenchepourmedonnerunbaiserrapidequisetransformeenbaiser-pas-si-rapide.Maismon
estomacdécidedetoutgâcherensemettantàgronderàsontour.Ethans’écarteaussitôt.—J’expédieladoucheetjerevienstenourrir.Réfléchisàcequiteferaitenvie.
Iln’estdanslasalledebainsquedepuisquelquesminuteslorsquemesplansdegrassematinéesontmisàmal.Lasonnetteretentit,etmêmesijemegardebiend’allerouvrirlaporte–cen’estpaschezmoi –, le visiteur semanifeste de façon insistante. Je finis par prendre conscience qu’il connaît lecodeduportail.Ducoup,j’attrapelepeignoird’Ethanetm’enroulededans.Peut-êtrequelafemmedeménageaoubliésaclé…Maislorsquej’ouvreenfinlaported’entrée,jesuisterrasséeparlaterreur.J’enailesjambesqui
flageolenttellementquejedoismereteniraubattantpournepastomber.—Salut,Cloclo.Çafaitlongtempsquejenet’aipasvue.Lemonde semble voler en éclats autour demoi.Ce n’est pasMagdalena qui attend sur le seuil
qu’on la fasse entrer. C’est mon pire cauchemar, Brandon Jacobs, qui me regarde en chien defaïence…levisagemillefoisplusabîméqueceluid’Ethan.Il s’avance vers moi. L’instinct prend le dessus, et je claque la porte, pousse le verrou, puis
m’adosseaubattant,commepourêtrecertainequ’ilnepourrapasentrer.Je lève les yeux et rencontre le regard sombre et tourmenté d’Ethan. Les secrets qu’il a gardés
risquentdemebriseràjamais.
Chapitrepremier
—Chloe…Ethanposelesmainssurmesbras.Pourtant,jenelessenspas.Jesuisincapabledepercevoirautre
chosequelefroidglacialquim’envahitpeuàpeu,courantsurmapeau,dansmesveines,etjusquedansmonâme.Jesuisgelée,etladouceréalitén’estsoudainplusqu’unpuzzleauxpiècescoupantesetdéchiquetées,impossiblesàassembler.—Qu’est-ceque…Mavoixsebrise,etlesquelquessyllabesquej’airéussiàarticulersemblenttomberdansl’abysse
noiretsansfondquinousséparedésormais.Ethan ne répond pas. Il se contente deme regarder, les yeux fiévreux, le visage démoli par les
coupsqu’ilareçushier.Lasonnetteretentitdenouveau.Puisunenouvellefois,etencoreuneautre.Lacacophoniesansfin
s’ajouteàl’impressiondeconfusionquim’oppresse,commesiriendetoutçan’étaitréel.Pourtant,çanel’estquetrop.C’estentraindesepasser.Pourdevrai…Jenecomprendspas.Non,c’estfaux.Envérité,jerefusedecomprendre.Jerespireungrandcoupettentederéfléchir.Monespritrestevide.D’uncôté, j’aimerais retournerau lit, recommencer la journéedepuis ledébutpouréchapperau
cauchemardans lequel je viens dem’enfoncer.Mais ça nemarchepas commeça.Cen’est pas unrêve,etjenepeuxnilerepousser,nim’enfuir,nimecacher,quelqu’ensoitmondésir.Pourtant,bienquej’ensoisconsciente,jeveuxessayer.JebousculeEthanetm’élanceversl’escalier.Jevaisretournerdanssachambre,àl’autreboutdela
maison.Revenirilyadixminutes,quandlaviesemblaitpresqueavoirunsens.Jecours,animéeparunsentimentd’urgence.Dansmatête,unevoixstridenteexigedesréponses,
lavérité,etjesaisquejenepourraipaslafairetaireéternellement.Maispourlemoment,alorsquelefroidmeglacesiintensément,jefeinsdenepasl’entendre.Jeveuxl’oubliercommej’aioubliéBrandonetleviolquej’aisubi,ilyasilongtemps.Commej’aioubliémesparents.Commej’oubliecettesaloperiedesonnetteencetinstant.Maislachambred’Ethannem’offrepaslerefugequej’espérais.Lelitressembleàunchampde
bataille.Noshabitsgisentenvracsurlesol.Etlessouvenirs–desimagesdenousdeux–meguettentdanstouslescoins.—Chloe,ditEthan,justederrièremoi,d’unevoixrauque,douloureuseetdévastée.Chloe,jesuis
désolé.Moncœur,déjàfragileetfissuré,explosedansmapoitrine,etchaqueéclatmetransperce,jusqu’à
medéchirerentièrement.—Ethan…,réponds-jemalgrémoidansunmurmure.—Jepeux…,soupire-t-il,laissantsaphraseensuspens.—Tupeuxquoi?Toutm’expliquer?Lagorgeenfeu,leslèvresdouloureuses,j’aidumalàformuleruneréponse.Jeluttepourreprendremonsouffle,maisj’ailespoumonscomprimésetçamefaitmal.
Moncorpsentiern’estquedouleur.Chaquecentimètrecarré,chaquecellule,même…Pourtant, jenepeuxplusreculer.Lessouvenirsm’envahissent.Ilss’abattentsurmoi,mecriblent
commeautantdecoupsdefeu,àunevitessevertigineuse.Jenepeuxnim’enfuirniesquiver.Jesuiscontrainted’encaisserlechoc.—Parpitié,dis-moicequel’hommequim’avioléefaitsur lepasdetaporte, l’airencoreplus
amochéquetoi.Ethan se détourne et se passe la main dans les cheveux. Il ne répond pas, alors que je brûle
d’entendre son explication.Unmot, n’importe quoi, quime prouve que les choses ne sont pas cequ’ellesparaissent.Jevoudraisluicrierdemerépondre.Aprèstout,c’estluiquim’asuivie,quiatenuàavoircette
conversation.Maisjeneparviensqu’àresterplantéelà,àattendre.Parfois,j’ail’impressionquemavieserésumeàça.—Brandonestmondemi-frère.Mamères’estremariéeaprèsavoirdivorcédemonpère.Les mots tombent dans le gouffre qui nous sépare, et pendant de longues secondes, je ne
comprendspas.Quandjesaisisenfinlesensdesesparoles,ellesmeheurtentdepleinfouetcommeuntsunami,et
c’esttoutjustesijenetitubepassouslechoc.Jemeretiensdem’effondrerparterreenhurlant.J’ailesgenouxquitremblent,lesoufflecourt,et
lecœur–oucequ’ilenreste–tellementaffoléqu’ilsemblesurlepointdejaillirdemapoitrine.Pourtant… si mon corps est en panique, mon esprit fonctionne parfaitement. Je suis toujours
capable d’assembler les pièces du puzzle, et les réponses que je découvre sont insupportables. Laprisedeconsciencemevrillelecerveauetmenouel’estomac.—Tuétaisaucourant.—Chloe…Unefoisencore,iltendlamainversmoietjelerepousse.—Tusavaisdepuisledébut,ettum’asfaitl’am…Incapabledeprononcerlemot,jemetaisuninstantavantdereprendre.—Çanet’apasempêchédecoucheravecmoi.Tum’asécoutéeteracontercequim’étaitarrivé…
Est-cequetuas lamoindreidéedecequeçamecoûtaitdeteparlerdeça?Et toutce temps-là, tusavais…Tun’ignoraisrien…Bonsang…—Non,machérie.Ilparvientàesquivermesmainsquicherchentàlemainteniràdistance,etm’attirecontrelui.Ses
braspuissantsmebercentautantqu’ilsm’emprisonnent.—Jenel’aisuqu’hierouavant-hier,quandjesuisrentréchezmamère.Ellet’areconnuesurune
photodansunmagazine, tu sais,quand lespaparazzisnousont repérésauzoo.Ellem’aditqui tuétais,et…Jenesavaispas,Chloe.Jetejurequejenesavaispas,répète-t-ild’unevoixdeplusenplusrauque.Jelerepousse,anxieusederetrouvermaliberté.Maisilresserresonétreinteet,pendantquelques
interminables secondes, je redoute qu’il ne me laisse pas m’éloigner. Qu’il me faille lutter pourm’échapper.Aprèstout,ilestlefrèredeBrandon.Peut-êtrequecegenredeviceestgénétique.Mais,pourfinir,ilmesuffitdedemander.—S’ilteplaît,dis-jedansunmurmure.Lâche-moi.Il ouvre aussitôt les bras et recule, hors d’atteinte. C’est ce que je lui ai demandé, ce dont j’ai
besoin,mais jeme sens perdue, égarée. Je devrais lui en vouloir, et ça viendra peut-être quand je
serairemise,mais,pourl’instant,jen’éprouvequeduchagrin.Unepeineimmense,quimesubmergeetoblitèretoutlereste.Jevoudraishurler jusqu’àn’avoirplusdevoix, laisser librecoursàmarage jusqu’àcequema
douleurs’estompe.Menoyerdanslaconfusionetl’horreurquiviennentdenouveaudedéferlersurmavie.Maisdesbribesdesouvenirsdelanuitdernièresefraientunchemindansmatête,etmalgrémes
résolutions,jenepeuxm’empêcherdelesmettreenperspective.Ethanquiromptavecmoi.Ethan,accablé,commesisavievenaitdes’effondrer.Ethanquimepoursuitetmeprendcontrelemurcommesinousétionslesdeuxseulssurvivants
surTerre.Pendant un instant,mon corps réagit au souvenir de ses bras autour demoi, de nos corps unis.
Peut-êtrequ’ilignoraittoutdel’histoireavecBrandonlorsquenotrerelationadébuté.Peut-êtredit-illavérité.Aprèstout,ilnem’aencorejamaismenti.Cette fois, lorsque mes jambes se remettent à flageoler, c’est autant de désir que de douleur.
L’addictionquej’aipourcethommemefaittrembler.Jeleregardedanslesyeux.Unetempêtepassedanssesirisbleus.J’essaiedelirelavéritéenlui,de
déterminercequiadel’importanceetcequin’enapas.Mais,enréalité,toutcomptedésormais,etlepasséplusquetout.Essayerdefeindrelecontrairene
peutqu’empirer la situation.Àprésentque j’aidécouvert lepotaux roses, laprésenced’Ethanmeramènetousmessouvenirsavecuneclartéaveuglante.Jenepeuxnifuirnimecacher.Toutest là,dansmatête,moncœur,monâme.Leviol.Latrahison–lefaitqu’ilaitachetélesilencedemesparents.LajoiedeBrandonlorsqu’ilagagnélabataille,etsoncomportementodieux.Lesmoisetlesannéesàmefairebousculer,peloter,danslacaged’escalierdulycée,partousses
salesgossesderichesdecopains,quimetraitaientdesalope,depute,etdemilleautresnomsquej’aidésespérémentessayéd’oublier.Cesentimentden’êtreensécuriténullepart.—Hiersoir,tusavais.—Oui.—Ettunem’asriendit.Ilouvrelabouche,puislarefermesansunson.Ilsembleaussiécœuréquemoi.—Non.Quepourrait-ildired’autre?Sonfrèrem’aviolée.Sonproprefrère.Monestomacsecontracte,etj’aipeurdevomir.Maisjenesuispluscommeça,jenesuisplusunegaminequicourts’enfermerdanslestoilettes,
maladedepeur,harcelée.Jenesuispluslajeunefillesidésireusedeplaireàsesparentsqu’elles’estlaisséconvaincredetairelavérité,devendresonsilence.Non,jenesuispluscettegamine.Jeluiaitournéledosenquittantmafamillepouralleràlafac.
Encommençantàconstruiremavieselonmespropresrègles.Pas question que je me retrouve de nouveau dans ses baskets, piégée et terrifiée, à cause d’un
simplemensonged’EthanetduretourmalvenudeBrandondansmavie.—Ilfautquej’yaille.—Chloe,jet’enprie…,supplie-t-ilentendantlebrasversmoi.
—Nemetouchepas!réponds-jedansuncriquiressembleàunsanglot.Ethan s’immobilise aussitôt. C’est la première fois que j’élève la voix depuis le début de ce
cauchemar.—Laisse-moiseule.J’aibesoinde…Incapabledefinirmaphrase,jemedétournepourramassermesvêtementsparterre.Jevoudrais
lesenfiler,maispourcelailfaudraitquej’enlèvemonpeignoir,etmetrouvernuedevantEthanFrostestladernièrechosedontj’aieenvieàcemoment.Surtoutaprèsm’êtremontréeàluisoustouteslescoutures.Jetournelestalonsetmediriged’unpasmalassuréverslasalledebains.Jem’attendsàcequ’il
m’arrête d’unemain sur l’épaule ou d’unbras autour de la taille.Mais, non content de ne pasmesuivre, ilnebougepasunmuscledansmadirection.Ilsembleaussipétrifiéquemoi.C’estàpeines’ilrespire.Nonquejem’ensortetellementmieux.J’ailesoufflecoupé.Maisinspirerestdifficile,alorsquemavietoutentière–passée,présenteetfuture–pèsesurma
poitrine,m’écrasantpeuàpeu.Etc’estplusdurencorelorsqu’onprendconsciencequerienn’estconformeauxapparences–et
qu’ilenserapeut-êtretoujoursainsi.
Chapitre2
Laportedelasalledebainsserefermederrièremoietjem’appuiecontrelebattant.Sanscela,jerisqueraisdetomber.J’aienviedehurler.Decrier,tempêteretlancerdesobjets.Detoutcasserdanscettepiècesivasteet
luxueuseafinqu’ellereflètemadévastationintérieure.Maisuneautrepartdemoin’aspirequ’à s’enaller, s’éloignerd’Ethan,de sesmensonges,de la
confusion et du chagrin qui m’habitent. De Brandon et de la nouvelle souffrance qu’il vient dem’infliger.Deslarmesroulentlentementsurmesjoues.Jelesessuied’ungesterageur.Jenepleureraipas,en
toutcaspasici,alorsqueBrandonrôdetoujours.Ilm’adéjàdémolieunefois.Plutôtmourirquedeluidonnerleplaisirdemedétruireencore.Jeneveuxpasressembleràl’œufHumptyDumptyquisebriseenmillemorceauxdanslacomptine.Jenelaisseraipersonnememettredanscetétat,alorsquej’aifaittantd’effortspourdépassermonhistoire.Pendant de longues secondes, je me concentre sur ma respiration. Je tente de faire entrer de
l’oxygènedansmespoumonsoppressés.Latâchen’estpasaisée,etjedoisluttercontrelessanglotsquimenacent,mais je parviens enfin à inspirer ungrand coup.Peu à peu, j’arrive à dominermesémotions.Plusoumoins.Jelaissetombermonpeignoirsurlecarrelagefroidetm’habilleàlahâte,sansprendrelapeinede
meregarderdanslemiroir.Jefaissemblantdecroirequemonapparencenem’importepasencetinstant,maisc’estbienpluscompliquéquecela.Etbienplussimpleàlafois.J’ai peur de ceque j’y verrais.Peur que les nouvelles fractures demon âmene soient que trop
lisiblessurmonvisage.Jenepeuxpasmepermettredevoirça.Passi jeveuxsortirdelasalledebains, descendre l’escalier et rejoindrema voiture.Ce qui implique de passer devantEthan la têtehaute,puisdevantBrandoncommes’iln’étaitpaslà.C’estcequejevaisfaire.Cequejedoisfaire.Jem’approchedulavabo,attachemescheveuxenqueue-de-chevalavecunélastiquequej’ailaissé
dansuntiroirunjouroùj’avaisdormilà.Jemelavelesdentsaveclabrossequ’Ethanm’adonnéepuism’aspergelevisaged’eaufroide.Toujourssansmeregarder.Puis je redresse les épaules avant de chercher mes clés de voiture dans ma poche. Et de me
retrouverlesdoigtsemmêlésdanslesmaillonsdeplatineetdediamantsdelachaînequ’Ethanm’aofferteaprèsnotrepremièrenuitd’amour.Cettemêmechaînequej’aiarrachéedemataillehiersoiraumilieudenotredispute,etquimenace
defairevolermarésolutionenéclatsalorsquej’aidéjàtantdemalàl’affermir.Maisjenemelaisseraipasdétourner.Cherchantàéviterdenouvelles tensionsavecEthan–et ilyenaura forcémentsi je la lui rends
maintenant–,jedécidedelalaissersurlatablettedelasalledebains.Maisc’estbienplusdifficilequejenel’auraiscru.Peut-êtrequ’enl’abandonnantici,jerenonceàbienplusqu’unbijoudechezTiffany…Maisjerefused’ypenser.Jedoismeconcentrersurlesobstaclesàfranchirpourm’échapper.Une
étapeàlafois…Serrantlesdents,jem’efforced’écarterlesdoigtsetderegarderlesmaillonsglisserpourformer
unepile élégante sur la tablettedemarbre. J’enai l’estomacnoué, et jemedétourneenhâteavantd’avoireuletempsdechangerd’avis,decommettreunacteidiotetimpardonnable.Jecarrelesépaules,ouvrelaportedelasalledebains,aussiprêtequejepeuxl’êtrepourcequi
doitêtremadernièredisputeavecEthanFrost.Mais il n’est pas là. La chambre, déserte, semble refléter le vide demon cœur. Seuls les draps
froissés et les sensations qui demeurent entremes jambesme rappellent que tout allait bien il y aseulementuneheure…Jeneveuxpasypenser.Toutcequicompte,c’estquejesorted’icienunseulmorceau.Jepasse
unebonneminuteàcherchermeschaussures,maisellesnesontnullepart.Jetentedemerappeleroùjelesaiperdueslanuitdernière–dansl’entrée,danslacuisine,quelquepartentrelesdeux?–sansyparvenir.Etcommejen’aipasenviedeleschercher, ilnemerestequ’àconduirepiedsnusjusquechezmoi.Cen’estpasgrave.Çam’estdéjàarrivé.Je me drape dans ma dignité comme dans une cape et me dirige vers la porte d’entrée sans
regarder à droite ni à gauche. Jem’attends à ce qu’Ethan, tapi dans un coin, surgisse comme unspectre.Maisiln’enfaitrien.Jefeinsdecroirequej’ensuissoulagée–etc’estlecas–,maiscelameblesseaussi.Etmemetencolère.Jecomptedoncsipeuàsesyeux?C’est une pensée absurde, puisque c’estmoi qui lui ai demandé deme laisser seule.Mais, d’un
autrecôté,lasituationelle-mêmeestabsurde.Absurde,terribleetterrifiante,toutenmêmetemps.Je traverse la maison à grands pas, comme chargée d’une mission, et ne m’arrête qu’une fois
devant la porte d’entrée. Je m’immobilise seulement quelques secondes, le temps de reprendrecontenance.Lasonnettes’esttuedepuisquelquesminutes,cequinepeutavoirquedeuxexplications.SoitEthanafaitentrerBrandon,soitilestsortiluiparler.Danscecas,s’ilssonttousdeuxdehors,lecheminversmavoiturevamesemblerlong…Maisjenetressailliraimêmepas.Priantpourquecenesoitpaslecas,pourqu’Ethanaitinvitésonsaloparddefrèresurlaterrasse,
dans son bureau ou dans le salon – n’importe où ailleurs que dans l’allée que je dois forcémentemprunter–,j’écartelebattant.Moncœurseserrelorsquejelesvoistousdeux.Lespoingsserrés,l’airfurieux, ilssemblentprêtsàsebattre.Derrièreeuxsetrouveunedécapotablerouge;detouteévidence,lavoituredeBrandon.Merde.Pourquoi suis-je surprise ?Rien n’est facile pourmoi depuis hier soir.Aucune raison que cela
change…Latêtehaute,lesépaulesdroites,jeneleuraccordepasunregardalorsquej’avanceàgrandspas
versmavoiture.Jesenslesyeuxd’Ethanrivéssurmoi,débordantsd’inquiétude.Pendantuninstant,je suis sur le point d’abandonnerma détermination,mais jeme souviens alors qu’il aurait dûmeracontertoutel’histoirehier.Ilauraitpum’épargnerceci.Ouplutôtnousépargnertouslesdeux.Jecèdeàunnouvelaccèsdecolère. J’ouvre laportièred’ungestebrusque,monteenvoitureet
metslecontact.Puiscommenceàjurercommeuncharretieràvoixbasselorsquelevéhiculerefusededémarrer.Pasmaintenant,bordel !Pasmaintenant…Je t’enprie…N’importequand.Mêmeaumilieud’un
bouchonouaprèsunegrossejournéedetravail.Voireunmatinoùjesuisdéjàenretard.N’importequand,maispasjustemaintenant.Lesdieuxdelamécaniquesontsourdsàmessuppliques–bienévidemment–,etcettesalemachine
refusedefonctionner.J’essaieunetroisièmepuisunequatrièmefois,maisriennesepasse.Àmacinquièmetentative,Ethanouvremaportière.Ilnes’imposepas,nemebousculed’aucune
façon,maissaseuleprésencesuffitàcequejemesenteacculée.—Laisse-moitedéposer,Chloe.—Paslapeine.Nouvelessai.Riend’autreneseproduitquelebruitdésagréabled’undémarreurfichu.—S’ilteplaît,machérie…Ilévitetoujoursdemetoucher,maisl’effetestlemême.Malgrémadétermination,moncorpstout
entierréagitàsavoixrauqueetgrave,cequinefaitqu’accroîtremonmalaise.Malgrémoi,j’ailesmainsquitremblent.—Jen’aibesoinderien.J’attrapemon sac àmain etme faufile devant lui en sortant de la voiture. L’appartement que je
partageavecmameilleureamie,Tori,n’estqu’àtroiskilomètres.Enmarchantvite,jeserairentréedansvingtminutes.—Ehben,onpeutdirequelestempsontchangé,commenteBrandon,appuyésursavoitureavec
nonchalance.Àuneépoque,c’étaitnettementplus facilede la fairemonterdansunecaisse…Maisaprèstout,entrelesdeuxfrères,cen’estpeut-êtrepastoiqu’ellepréfère.Lesmotsm’atteignentcommedesballes.Monestomacsesoulèveetjecrainsdeperdrecontrôle.
Maisjemereprends.EthanpivoteaussitôtpoursaisirBrandonàlagorge.Ilétranglesoncadetsifortquec’esttoutjuste
s’iln’apaslesyeuxquijaillissentdesorbites.Entoutcas,ilnepeutplusrespirer.—Puisque tunem’asde touteévidencepasécouté lapremière fois, jevais répéterpourque tu
comprennes,grondeEthansanslelâcher,malgrélesgestesdésespérésdeBrandonpourselibérer.Jet’interdisdelaregarder,deluiparler,del’approcher.Enfait…Je n’attends pas d’entendre la suite, ni de voir ce qui va se passer. Je préfère profiter du fait
qu’Ethansoitoccupépourpasserderrièreluietm’élancerdansl’allée.Jenesuismêmepasarrivéeàlagrillequ’ilestdéjààmescôtés.—Chloe,machérie,tuespiedsnus.Tunepeuxpasrentrercheztoicommeça.Jenem’arrêtepas,neluiaccordepasunregard.Lesdallessontchaudessousmespas,etjesais
quejenetarderaipasàressentir labrûlure.Maisçam’estégal.Ladouleurducimentbrûlantn’estrien à côté des émotions qui font rage en moi. En réalité, elle m’apporte plutôt une distractionbienvenueendétournantmespenséesdelacolèreetduchagrin,decettetrahisonquim’écrase.Jesuissurlepointdecraquer,et jenesouhaitepaslefaireici,nimaintenant.Pasalorsquej’en
veux tellement à Ethan. Ni tant que Brandon est à quelques mètres de là, les yeux rivés sur moicomme un prédateur. Je sens son regard sur moi, son plaisir malsain qui imprègne l’air quim’entoure.J’aidumalàrespirer,àréfléchir,maisjesuisdéterminée.—Attends-moiici,mesupplieEthan,désespéré.Jenel’aijamaisvuainsi.Tremblant,effondré,incapabledesecontrôler.—Tun’aspasbesoinderemonteretdelevoir,reprend-il.Resteici,jevaisapprocherlavoiture…Ilm’attrapedenouveaulebras,maiscettefoisjelerepoussedetoutesmesforces.Lecoupn’estpasassezviolentpourlefairereculercommejel’auraisvoulu.Maisilrestepétrifié,
lesyeuxagrandispar ladétresse.Cesyeuxsibleusquejedois lutterpournepasyplongeretm’yperdre.Ilmelâcheaussitôt,commesijel’avaisbrûlé.Jen’éprouvepaslemoindreremords.Commentle
pourrais-je, alors qu’il m’a déchirée, transpercée d’une telle façon que mon corps entier semblen’êtreplusqu’uneplaiesanguinolente,etquerespirerestunetorture?— Je ne te ferai pas de mal, Chloe, souffle-t-il d’une voix douce, les mains levées en signe
d’apaisement.Trop tard.Mais je n’aimepas enfoncer les portes ouvertes, alors jemedétourne sans répondre
pourreprendremonchemin.Cettefois,ilmelaissepartir.C’est avec un immense soulagement que j’atteins le bout de l’allée. L’océan s’étale devantmes
yeux,bleu,sauvageetinfini.Unorageseprépareetlesvaguessefracassentsurlaplage,malmenantlessurfeursmatinauxquiboiventlatasseentredeuxrouleaux.L’unaprèsl’autre,ilsselèventsurleurplanche.Puisilstombent,ensevelis,écrasés,dévorésmêmeparl’appétitférocedesflotsdéchaînés.Jem’arrêteuninstantpourlescontempler,hypnotisée.J’aibeaumetrouversurlaterreferme,je
saisexactementcequ’ils ressentent. Jemenoiedansmonchagrin,dansmahonte,et jesuisattiréeverslefondsanspouvoirdiscernerlasurface.Dansmondos, j’entends leronronnementétoufféd’unmoteur,suivide lavoixd’Ethan,basseet
suppliante.—Jet’enprie,Chloe,monte.Laisse-moitedéposer,jem’eniraitoutdesuiteaprès.Jeme retourne brièvement. Ethan est au volant de l’une de ses nombreuses voitures – la Tesla
verte–,maiscelanesuscitepasenmoi lemoindre intérêt, lamoindreoncededésir.Hierencore,j’aurais tué père et mère pour mettre les mains dans le cambouis de ce moteur sublime, mais,aujourd’hui,jen’aipasenviedelatoucher,etencoremoinsdem’yembarquer.Nosregardssecroisentetmagorgesenoue.Ethansembleaussiperduquemoi,aussifouderage.Malgrétoutcequis’estpassé,jenesupporte
pas de le voir souffrir, encoremoins à cause demoi. Je ne souhaite à personne la douleur que jeconnais,etencoremoinsàEthan,leseulhommequej’aieaimé.Maispourautant,jenepeuxpasrester.Plusjamaisjenepourraiêtreaveclui.Pasaveclepasséqui
s’estabattusurnouscommeuntsunami.Jemedétourneetdescendslarueversl’océan.D’unbleusuperbe,ils’étenddevantmoiàpertede
vue.Uninstant,jesongeàmarcherdroitdevantmoi,lelongdelarue,àtraverslaplage,puisdansl’eau.Et à continuer jusqu’à être totalement immergée, les flots sombres se refermant surmoi, lecourantm’attirantverslefond.C’estuneidéetentante.Bientroptentante,quandonsaitcommentj’aivéculesannéesquiontsuivi
leviol.Submergéeparlapeur,l’humiliation,lahainedemoi-même.Jeneveuxpluséprouvercela–jamaisplus–,jemeconcentresurlatâchesimpledemettreunpied
devant l’autre.Lachaleurdu trottoir estuneaidebienvenue.Labrûlureaiguëmepermetde resterconcentrée,denepassombrerdanslafolie.—Chloe,monte.Lavoixd’Ethan résonne juste à côtédemonoreille. Il semaintient àmahauteurdans laTesla,
mais je ne lui accorde pas un regard. J’en ai fini. Fini avec lui, avec nous, avec cette situation demerde.—Bordel,Chloe!S’ilteplaît!Laisse-moiteraccompagner.Jeveuxjustequetusoisensécurité.
Jetelaisseraitranquilleaprès,promis.Sesmotsagrandissentlafaillequejesentaisenmoi.C’esttoutjustesijeparviensàtenirdebout.Maisjenefléchispas.Jecontinueàmarcher.Sansluirépondre.Jesensunepartdemoiprêteàplier,àobéirauxordresouauxsuppliquesd’Ethan,maisjedécide
denepasm’ysoumettre.D’ignorercettefacettedemoiaupointdelaréduireànéant.Etc’estexactementcequejeveux.Perduecommejelesuisencet instant, j’ai toutdemêmeune
certitude : il est hors de question que jemonte en voiture avec Ethan.Que je lui donne une autrechancedemedétruire,mêmesanslevouloir.
JetournedansProspectStreet,unedesartèresprincipalesdeLaJolla.JeneregardetoujourspasEthan,maisjesaisqu’ilestlà,carj’entendssoudainunklaxonfurieux.Ilpersisteàsemainteniràmahauteurbienqu’ilsetrouveàprésentdansunevoienettementplusrapide.Unnouveaucoupdeklaxonretentit,stridentetprolongé.Cen’estquelorsqu’ilsetaitquej’entends
Ethanlâcherunebordéedejuronsfurieux.J’aidumalàrésisteràl’enviedeleregarderducoindel’œil.Maisjenesuispassifaiblequeça.
Plusmaintenant,etçanem’arriveraplusjamais.Les klaxons s’arrêtent soudain. Ethan me dépasse avant de faire demi-tour dans un grand
crissementdepneus.Iln’estpasrestébienlongtemps…Nonqueçam’étonne.Lapatiencen’ajamaisfaitpartiedeses
qualités.Unenouvellevaguedechagrinmebalaie,mefaitchavirer.Jeneluttepas–j’aiapprisilyabien
longtemps que ça ne sert à rien. Certains combats sont perdus d’avance.Mieux vaut se faire uneraison.Jem’interdisdesuivredesyeux laTeslaqui s’éloigneetpresse lepas.Plusvite j’arriveraià la
maison,plusvitececauchemarprendrafin.Mais je ne suis pas allée bien loin – à peine plus d’un pâté demaisons – lorsque je voisEthan
s’approcherdemoiensensinverseàgrandspas.Jereculelorsqu’ilarriveàmahauteur,maisilnefaitpaslemoindregestedansmadirection.Toutefois,monmouvementneluiapaséchappé,etsesyeuxs’assombrissentalorsqu’ilenfouitses
mainsdanssespochesd’unairdécidé.—Jenevaispastetoucher.Jenevaispasnonplusteparleroufairequoiquecesoitquipuissete
perturber.Jeveuxsimplementm’assurerquetuarrivescheztoienunseulmorceau.Jerépliquemalgrémoi:—Cen’estplustonproblème.—Tun’asjamaisétéunproblème,répond-ild’unevoixchaudeetdoucequejeconnaisbien.C’est celle qu’il emploie quand ilme serre contre lui dans le lit. Quand ilme savonne sous la
douche.Oupourmechuchoterqu’ilm’aime.Unenouvellevaguedetristesses’abatsurmoietjepresselepas.J’aperçoisl’immeubledeToriau
loin,etpendantunbrefmomentjeredoutequecenesoitunmirage.J’aitellementhâted’yarriver–etd’échapperauregardd’Ethan.Jememetsàcourirmachinalement.Lebitumebrûlantmerâpelespieds,maisçam’estégal.J’aile
plus grandmal à retenirmes larmes, je suis secouée de tremblements et j’ai la poitrine tellementoppresséequej’ail’impressiondefrôlerl’infarctus.Jesuissurlepointdecraquer,etjeneveuxpasqueçaseproduisedansl’unedesrueslespluspassantesdeLaJolla,devantEthanFrostetunmilliondetouristes.Quandj’arrivedevantl’immeuble,jesuisensueuretj’ailesoufflecourt.Jevoudraisfairecomme
si j’avais couru,mais il n’en est rien.Ethannonplus n’est pas dupe. Ilme regarde avec des yeuxpeinés,lamâchoirecrispée.Jemedébats avec la clé pour ouvrir la porte d’entrée,maismesmains tremblent si fort que je
n’arrivemêmepasàl’introduiredanslaserrure.Ethantendlebraspourmeprendrelaclé.Jelanced’unevoixdémente,dansuncriétouffé:—Non!Ilcomprendlemessageetrecule.—Chloe,jet’enprie.Jeveuxjuste…
—Jemefousdecequetuveux!J’ailabouchetellementsèchequej’arriveàpeineàarticuler,maispeuimporte.Laseulechosequi
compte,c’estquejeparvienneàpénétrerdanslebâtiment,loind’EthanFrost.Parmiracle,lacléentreenfindanslaserrureaumomentprécisoùjecraque.Jepousselebattant
comme une furie et m’enfuis en courant. Ethanm’appelle alors que la grille se referme dans unclaquement,maisaupointoùj’ensuis,jem’enfiche.Toutcequejesuisencorecapabledefaire,c’estserrermesbrasautourdemoi-mêmealorsquejevoleenéclats.HumptyDumpty,mevoilà…
Chapitre3
Enm’entendantfranchirlaportedel’appartement,Toriquittelecanapéd’unbond.—Chloe?Sonaird’impatiencesemueenhorreurlorsquemesjambesmelâchentetquejem’effondresurle
carrelagedel’entrée.—Chlo?s’écrie-t-elleenseprécipitantversmoi.Ellemetendlamain,maisjesuisincapabledelaprendre.J’aimalpartout,etrespirerrelèvedéjà
del’exploitencetinstant.—Chloe,qu’est-cequisepasse?Commejenerépondstoujourspas,elles’agenouilleparterreprèsdemoi,deplusenplusinquiète.—Qu’est-cequ’ilya?Tuesblessée?Tuaseuunaccident…?Jememetsàrire,d’unrirerauquequimedéchirelapoitrine.Jeveux lui répondre.Vraiment.Ne serait-cequepouravoir lapaix.Mais jenepeuxpas. J’ai la
bouchesèche,bientroppourparler,etjecroisquemeslèvresnesesouviennentplusdecommentonformedessons.Ondiraitquej’aitoutoublié.ToutsaufEthanetBrandon,etlevidesidéralquinoussépare.Ethan.Sonnomestcommeunpoignardenmoi,unmorceaudeverredontchaquearêtemeblesse.—Dis-moiaumoinssituasmalquelquepart,mesupplieTori.Jesecouelatêteavantdeposermajouesurlecarrelagefrais.Jesuisrouléeenboulecommeun
enfant, les jambes repliées sous moi, le visage contre le sol. Mais cette imitation macabre d’unepostureinnocentenem’apportenipaixnisérénité.Seulementledésespoir,lacolèreetl’écœurement.Unécœurementimmense…Brandon.Ethan.Brandon.Ethan.Leursprénomsrésonnentenéchoàchaquebattementdemoncœur.—Chloe,putain!Qu’est-cequisepasse?Toripenchesonvisageàhauteurdumien,sesyeuxvertsdébordantsdepeuretdecolère.Elleades
airsd’angevengeur,toutenrage,enjusticebafouéeetencheveuxroses.End’autrestemps,jepensequej’apprécieraissadéterminationàmedéfendre.Maisàcetinstantprécis,çamefatigue.—Qu’est-cequ’ilt’afait,cetEthanFrost?demande-t-elled’unevoiximpérieuse.Trop.Ilenafaittropetpasassez.Ilm’adévastéeunefoisdeplus.D’ailleurs,celanemesurprend
qu’àmoitié.Jem’yattendais.Etcomment…Dèsletoutdébut,quandnotrehistoireacommencé,j’aisuqu’ellefiniraitmal.Jen’aipas imaginéça–comment l’aurais-jepu?–,mais j’étaisconscientequeçanesetermineraitpascommedansunfilmdeDisney.Non,mavieressemblebiendavantageàun conte d’Andersen.Maismalgré cette certitude, je lui ai ouvert la porte. J’ai préféré croire sesbellesparolesetlesdésirspitoyablesdemoncœuraulieudestristesréalitésquelavies’estchargéedem’enseigner,etplutôtdeuxfoisqu’une.Etmaintenant, j’en paie le prix. Je paie les conséquences demon optimisme forcené et demes
sentiments naïfs. Une partie de moi pense que je n’ai que ce que je mérite. Et l’autre… est tropdémoliepours’ensoucier.—Jevaisbien,parviens-jeenfinàmurmurerd’unevoixrauque,lagorgeserrée.
—C’estça,acquiesceToriavecunreniflementdésabusé.Çasevoit.Ellepasseunbrastatouéautourdematailleetm’attrapelepoignetavecsonautremain.Enmoins
detempsqu’iln’enfautpourledire,ellemerelèveetm’enlaceenuneétreinteréconfortante.Ce n’est pas son genre – sa carapace est un peu trop dure pour cela –, et j’en déduis que ma
souffranceestvisibleàl’œilnu.Cettepenséen’arienpourmerassurer,car,encemoment,mêmelamortsembleplusagréablequecequej’éprouve.Mais je ferme lesyeuxennichantmonvisage au creuxde soncou, laissant coulermes larmes,
brûlantesetirrépressibles.— Tout va bien, Chloe, murmure-t-elle d’une voix douce en me berçant pendant de longues
minutes.Toutvabien.Cen’estpasvrai.Tants’enfaut.Maisjesuistropépuiséepourleluidire,surtoutquejesaisqueje
vaisdevoirinventeruneexplication.Etjenem’ensensvraimentpascapable…ÇafaittroisansqueToriestmameilleureamie,depuisqu’ons’estrencontréesencoursdebioen
première annéede fac, à l’universitédeSanDiego.Maispersonnen’est au courantdemonpassé,mêmepaselle.Iln’yaqu’Ethanquisache,etregardezcequeluienparlerm’aapporté.Jemelaisseréconforterparsesparoles.Jemeressaisispeuàpeu.Leslarmesfinissentparsetarir
etmarespirationsecalme.Jemesensassezfortepourm’écarter.—Désolée,dis-jeavecungestedécouragé.Je…—Net’excusepas!Cen’estpastafautesiEthanFrostestungroscon.Hiersoir,ennetevoyant
pasrentrer,j’aipenséqu’ils’étaitracheté,maisdetouteévidence,cen’estpaslecas.Ellesedirigeverslepetitbardansuncoindelapiècepourpréparerdeuxverresdetequila.—Tiens,dit-elle.Çavatefairedubien.Jelaregarde,incrédule.—Ilesttoutjuste9heuresdumatin.—Tuviensdetefairepiétinerlecœur.Unpetitverres’impose,pasd’heurepourlesbraves.Commejenebougetoujourspas,ellem’apportemaboisson.Pourunpeu,ellemeforceraitàla
prendre.—Allez,çavat’aider,tuverras.Tutesentirasmoinschamboulée.J’endoutefort.Jenevoispascommentjepourraisêtremoinschambouléealorsquejeviensde
m’apercevoirquel’hommequej’aimeestlefrèredeceluiquim’avioléeetmartyriséeaulycée,etdontlesparentsontpayélesmienspourmefairetaire.Maisellen’estpasaucourant,etjen’aipasl’intentiondeleluiraconter.Pasmaintenant.Etpuis,aupointoùj’ensuis,unpetitverrenerisquepasd’aggraverlasituation.Ladouleurestsi
vivequetoutcequiestsusceptibledel’étouffermêmeprovisoirementestbienvenu.Soudain,ilmesemblequel’alcoolestmaplanchedesalut.Jetendslamainversleverreàtequila
et,sousleregardapprobateurdeTori,ledescendsculsec.—C’estbien,déclare-t-elleenmetendantledeuxième.Jel’avaleégalementetnepeuxqueremarquerladoucebrûlurequinaîtenmoi.Pourlapremière
foisdepuisque jemesuis trouvéenezànezavecBrandoncematin, je ressensautrechosequedufroid.Çanedurerapas,maisc’esttoujoursbonàprendre.Etsiçam’aideàoublierdansquellemerdejesuispendantunpetitmoment,cen’estpasderefusnonplus.—Jeteressers?demandeTorienversantdeuxnouveauxverresqu’elleavalecoupsurcoup.—Oui,pourquoipas?Cen’estpascommesij’avaisdeschosesàfairecematin.Ethanm’apersuadéedemefaireporter
pâleafinquenouspuissions…
J’aidenouveaul’estomacnouéalorsquejeprendsconsciencedelacomplexitédelasituationdanslaquelle jeme trouve. Je neveuxplus jamais revoirEthan, plus jamais contempler ses yeuxbleuscomme l’océan et y voir le reflet de ceux de Brandon. Mais j’ai décroché un stage chez FrostIndustries,etjemesuisdémenéependanttroisanspourça.Jecomptaisdessuspourentrerdansl’undesmeilleursmastersdedroitl’annéeprochaine.Àprésent,jen’envisagemêmepasd’yretourner.DerevoirEthan.Pasalorsquetout,entrenous,
n’estquedestructionetdésolation.Desdommagescollatérauxquejen’auraisjamaispuimaginer.Mais ai-je seulement le choix ? Je ne vais pas retourner chez mes parents, la queue entre les
jambes,pourquemonpèreutilisesonargentsale–souilléparmonsang–pourpayermesdroitsd’inscriptiondansunebonnefac?Cetteidéesuffitàmesouleverlecœur.—Ilarrive,ceverre?J’aiunbesoindésespérédepenseràautrechosequ’àlamerdedanslaquellejemesuismise.C’est
absurde,enréalité.Jesuisunegrandeplanificatricedevantl’Éternel.Jetiensàtoutprévoir,imaginerchaquepossibilitéettoutcequipeutdéraperavantd’entreprendrequoiquecesoit.AvecBrandon,ilya cinq ans, je n’ai pas réfléchi, pas planifié, et voilà où çam’amenée. J’ai été violée, brutalisée,harcelée.Quelleironiequelapremièrefoisquejelâchedulestencinqans,jemeretrouveaveclefrèredeBrandon!Retouràlacasedépart.Lapsyquej’aiconsultéelorsdemapremièreannéedefacneseraitpastrèscontentedemoi.Bien sûr,Ethann’irait jamaisme frapper. Jen’ai aucundoute là-dessus. Il s’est toujoursmontré
d’unegrandedouceuravecmoi.Maiscequejeressensencemomentestbienpirequ’unesouffrancephysique…Savoirqu’ilétaitaucourant,hiersoir…qu’ilm’afaitl’amouralorsqu’iln’ignoraitriendecequis’estpasséentreBrandonetmoi…J’aibienpeurdevomirmatequila.Unepart demoi sait qu’il est injustede le lui reprocher– il abien essayéde rompre avecmoi
quandjesuisarrivéechezluihiersoir–,maisd’unautrecôté, jem’enfous.Parcequ’ilnel’apasfait.Etilnem’apasnonplusditlavérité.Aulieudeça,ilm’aprisejusqu’àcequejenetienneplusdebout,jusqu’àcequejesoisauborddel’évanouissement.Ilm’aditqu’ilm’aimait,etm’alaisséeluimurmurerlamêmechose.Etpendantcetemps-là,ilsavait.Putain…Mespenséesdoiventseliresurmonfront,carToris’empressedemeservirunnouveauverre.—Bois,ordonne-t-elleenmemontrantl’exemple.Jel’imite,puislaregarderemplirlesverresaveclabouteillequ’elleaapportéedubar.—Assieds-toi,medit-elleavecungesteverslecanapéleplusproche.Lesjambesunpeuflageolantes,jenemelefaispasdiredeuxfois.Troisverresdetequilaencinq
minutes–àjeun,pournerienarranger–,cen’estpasdansmeshabitudes.—Jeneveuxpasenparler,préviens-jeenm’écroulantsurlecanapé.Elles’installeàcôtédemoiavecunreniflement.— Il y a des choses qui se passent de mots. Tout le monde sait que les mecs ne sont que des
connards.C’estcommeça.C’estunfaitimmuable.Àcroirequec’estinscritdansleursgènes,ouuntrucdanslegenre.Elletrinqueavecmoietmefaitsignedeboire.Jem’exécute.Une fois, puis une autre, et encore, jusqu’à avoir la tête qui tourne, l’estomacqui
protesteetladouleur…elleesttoujourslà,maisamortieparl’étourdissementdel’alcool.—Encoreun,meditTorienremplissantmonverreunefoisdeplus.Étendueàplatventresurlescoussins,jepousseungémissement.—Çanevapasêtrepossible…
—Arrête,onestjusteentraindes’échauffer!L’inquiétudemeprend,etcen’estpaslapremièrefoisquandjepenseàTorietlaboisson.Ellea
sifflé autant de verres quemoi et a tout juste l’air un peu éméchée, alors que je parle d’une voixpâteuse,incapabledeleverlatêteducanapé.Certes,elleatoujourseuunebonnedescente,maislà…c’estdifférent.Quelquechosenetournepasrond.—Jen’enpeuxplus…Jefaisdemonmieuxpourarticuler.Sansgrandsuccès.—Oh,t’eschiante!Elleseressert.Jenesaismêmeplusàcombiendeverreselleenest.J’aiperdulecomptedeceque
jebuvaisauxalentoursducinquième,etçafaitdéjàunbonmoment…Mon téléphone, posé sur la table basse, semet à sonner. Je n’ai ni l’énergie ni la coordination
nécessaires pour l’attraper, et Tori s’en charge. Elle fronce les sourcils en voyant le nom quis’affiche sur l’écran, avant de le tourner versmoi. La tequilame ferait presque loucher,mais enplissantlespaupièresj’arriveàdéchiffrer«EthanFrost».—Non,dis-jeenenfouissantlevisagedanslescoussins.Jesuisincapabledeluiparlermaintenant.Jenesaispascequejevoudraisluidire…nicequeje
voudraisentendre.Laseulechosedontjesoissûre,c’estqu’ilsuffiraitquej’entendesavoixpourqueladouleurrevienne,et,cettefois,toutl’alcooldumondenepourram’apaiser.Elleacquiesceetrejettel’appel.Quelquessecondesplustard,ilrappelle.Toriréagitdelamêmemanière.Ilfaitsonnerletéléphoneunetroisièmefois.Puisunequatrième.
Puisunecinquième.Chaqueappelmedégriseunpeuplusetaccroîtmadétresse.Ausixièmecoupdefil,jetendslamainpourdécrocher.Jenesaispascequejevaisluidire,mais
çanepeutpascontinuer.Jenem’ensortiraijamaiss’ilcontinueàm’appeler,àmeforceràpenseràluialorsquejenesouhaiterientantqu’oublier.OublierBrandonetmesparents,leviolettoutcequis’estproduitparlasuite.OublierEthanetcequ’ilareprésentépourmoi,cequ’ilafaitpourmoi.MaisTorisecouelatêteetrefusedemedonnerl’appareil.Aucontraire,ellechoisitderépondre
elle-même.Elleselancedansunediatribesansmêmeluilaisserletempsdedire«allô».—Eh,têtedenœud,puisqueapparemmenttuesincapabledecomprendrelemessage,jevaisêtre
claire.Chloeneveutpasteparlermaintenant,etellen’apasnonplusl’intentiond’écouterletissudeconneries que tu vas lui débiter. Si elle change d’avis, tu seras le premier informé.Mais d’ici là,arrêted’appeler,bordel!Elleraccroched’ungestethéâtralavantd’éteindrel’appareilpourquejen’aiepasàmesoucierdu
faitqu’ilrappelleoupas.—Reprendsunverre,m’encourage-t-elleenm’entendantundeforce.—Non…—Unseul.Crois-moi,tuasl’aird’enavoirbienbesoin.C’estvraiqueçameferaitdubien.Jeleprends.Puisj’enboisencoreun.Lapiècesemetàtourneretjefermelesyeuxavantdeplongertêtelapremièredansl’obscurité.Plusieursheuresplustard,lorsquejemeréveille,j’ailatêtedansunétauetlaboucheplussèche
que le désert. Ilme faut du temps pour comprendre où je suis et ce qui se passe. Ça ne dure quequelquesinstants,maiscesontlesmeilleursmomentsdemajournée.Jenemesouviensderien.Ettoutvabien.
Certes, j’aimalà la têteet j’ai l’estomac retourné,mais, àpart ça, toutvabien. Jen’éprouvenidouleur,nicolère,nipeur.Riend’autrequemonamourpourEthanetlaconsciencequetoutestpourlemieux.Quetoutestconformeàmesattentes.Etpuistoutmerevient.Etpaslentement,uneinformationàlafois.Non,çametombedessusd’un
coup,commeunetornadederegrets.Jesuissoudainenproieàunecolèrenoireetjedoismeroulerenboulepournepastomberenmorceaux.—Tori?parviens-jeàbredouillerenm’asseyant.J’ai les cheveux dans les yeux. Je repousse mes mèches désordonnées tout en me levant avec
précaution.J’aibesoind’unDoliprane.J’aibesoind’éliminerl’alcooldemoncorps.J’aibesoin…dequelquechose.Quelquechosequejenepeuxpasavoir.—Tori?Ellenerépondtoujourspas.La bouche tellement sèche que le simple fait de prononcer son nomme fait mal, je me traîne
jusqu’àlacuisine.Jemesersunverred’eauquej’avaleentroisgrandesgorgées.C’estalorsquemesyeuxseposentsurunpetitmot.Jereconnaisl’écrituretarabiscotéedeTori.Plusdetequila.Partieenracheter.Benoui,c’estexactementcedontnousavonsbesoin.Nousreprendreunecuite.D’unautrecôté,j’étaisbien,danslecoma.C’estleréveilquifaitmal.Jemediriged’unpasdécidéverslefrigoetenexaminelecontenucommesimavieendépendait.
Je contemple chaquepomme, chaqueyaourt, chaquebâtonnet de céleri comme si rienn’avait plusd’importance. Parce queme concentrer sur l’un des petits coups quimarquent l’une des pommesm’évitedepenseràceuxquej’aireçus,àEthanetBrandon,etdemedemandercommentjevaismetirerdumerdiersansnomqu’estsubitementdevenuemavie.Çamarche.Lorsquejerefermelefrigo,jenepenseàriend’autrequ’àlagrappederaisindansma
main droite et au morceau de fromage dans la gauche. Du moins jusqu’à ce que j’aperçoive leblenderposésurleplandetravail,àcôtédel’évier.Leblender.Celuiqu’Ethanm’aenvoyé,etquiamarquéledébutdecettefoutuehistoire.Laissanttomberleraisinsurlecarrelage,jemeprécipitesurl’engin.Sansmêmeprendreletemps
de réfléchir, j’arrache le bol du blender et le cogne de toutesmes forces sur le plan de travail engranit.Commeilnesecassepas, je recommence.Encoreetencore.Puis j’essaiede le fracassercontre
l’évier,etmêmeparterre,maisilestincassable.Bizarrement,çanefaitqu’accroîtremacolère.Marelationestenmiettes,moncœurbrisé,jesuis
détruite,maisceputaind’appareilélectroménageresttoujoursintact.C’estinsupportable.Deplusenplusdésespérée,etàmoitiéfolle,jefouilledansletiroiràbazaroùTorirangetoutce
qui n’a pas demeilleure place. J’y trouve lemarteau que je cherche.C’est tout juste si je pense àrefermerletiroiravantdecommenceràcognersurleblender,biendécidéeàleréduireànéant.Il faut quatre coups pour qu’il cède.Enfin, lemarteau fend lePlexiglas du bol et y dessine une
fissure en forme de toile d’araignée. Pendant une seconde, je regarde les craquelures se former,fascinéeparlabeautémorbidedelachose,sansbiensavoirpourquoi.Puisj’abatslemarteausurlapartieabîmée.Lebols’écraseenmilliersdemiettes.Ça neme suffit pas.Ma colère n’a pas diminué d’un pouce. J’attrape la base du robot pour la
démoliràsontour.Ellen’estpasaussirobustequelebol,sansdouteparcequ’ellerisquemoinsde
tomber, et il ne me faut qu’une ou deux minutes pour fendre la coque et accéder au moteur. Jecommence par le malmener avec le marteau, puis j’y plonge les mains pour en arracher desmorceaux.Alors que je suis en pleine démolition de l’appareil, j’entends un son aigu et puissant. Je suis
tellementoccupéeparcequejefaisquejen’yprêteguèreattention.Riennepeutmeralentiralorsquej’arrachelesfilsélectriques.Jelèvelabasedublenderau-dessusdematêtepourlajeterparterredetoutesmesforcesquandla
ported’entrées’ouvresuruneTorieffarée,bouchebée,lesyeuxécarquillés.Unebouteilledetequiladansunemainetunsacdenourrituredenotretraiteurchinoispréférédansl’autre,ellen’auraitpasl’airplussidéréesiellevenaitdemesurprendreentraindemettrelefeuàl’appartement.Ce n’est qu’en cet instant, alors que je suis plantée là, sur le point de porter le coup d’estoc au
premiercadeauqu’Ethanm’aitoffert–etautrèscoûteuxcarrelagedeToriparlamêmeoccasion–quejeprendsconsciencequelesonstridentquiemplitlapiècen’estpasélectronique.Ilnevientpasdublender.C’estunbruithumainetilvientdemoi.Jesuisentraindehurler.Àpleinspoumons.Cetteprisedeconsciencemetuntermeàmafureurdestructrice.Àboutdeforce,jelaisseéchapper
leblender.Ilheurteleplandetravailavecunbruitsourdavantdetombersurlecarrelage,àquelquescentimètresdemesorteils.Lavisiondecemalheureuxappareil,échouédetraverssurlesol,réussitcequelafrénésiedetout
àl’heurearaté:j’ensuissecouéeaupointderedevenirmoi-même.Etdemetaire.Tori etmoi restons unmoment pétrifiées.Nous sommes plantées là, à contempler le champ de
bataillequej’ailaisséderrièremoi.Lacuisineestjonchéed’éclatsdePlexiglas,etdesmorceauxdeplastiqueetdefilsélectriquesgisentsurlesolet lesdifférentsplansdetravail.Ilyenajusquesurlegrille-pain.Je voudraism’excuser,mais il y a des choses qu’aucune parole ne peut effacer. Je ne vois pas
comment faire oublier à Tori ce dont elle vient d’être témoin. Alors, pour finir, je me contented’attendresaréaction.Ellenetardepas.Aprèsuneoudeuxminutes,elleinspireungrandcoup,carrelesépaules,comme
pourseprépareraucombat.Puisellesediriged’unpasdécidéversleplacarddel’entréeetensortlebalaietlapelle.Sansunmot,elleentreprendderamasserlesdébris.Jetentedeluiprendrelebalai–c’estmoiquiaimislebazar,aprèstout–,maisellemechassed’un
gestedelamain.Cen’estqu’unefoissatâcheaccomplieetlesderniersmorceaux–ceuxquis’étaientnichésdanslegrille-painoulemixeur–remisésdansunsac-poubellequ’ellereprendlaparole.—Alors,est-cequetuvasenvoyertoutcebordelàEthanFrostavec«Jedémissionne,connard»
écritengros?Outupréfèresquejem’encharge?Parcequ’onvalefaire,etjetementiraissijetedisaisquejen’aipasenviedeleluiremettreenpersonne.
Chapitre4
Pourfinir,aucunedenousdeuxn’apportelesvestigesdublenderàEthan.Jedécided’allerlesjeterdanslabenne.L’idéeétaitdegrappillerdeuxminutesdesolitudeafinderéfléchir,maisjeleregretteaussitôt.Le soleil estivalm’éblouit et accentuemagueuledebois, rendant impossible toutepenséerationnelle.Àl’appartement,Toriadisposélerepaschinoissurlatable.Elleestentraindeservirduvindans
d’élégants verres à pied. Je n’ai pas du tout envie d’aggraver mon état par une dose d’alcoolsupplémentaire,etj’apportedoncdeuxverresd’eau.Torilèvelesyeuxauciel,maisçanel’empêchepasdeprendrelaboissonquejeluitends.Ellese
donnemêmelapeined’enavalerdeuxgorgéesavantdepasserauvin.—Alors,tutesensmieux?demande-t-elletandisquejem’assiedsenfaced’elle.Jenevaispaste
cacherquetacolèreavaitprisdesproportionsimpressionnantes.—Çava,dis-jeenmeconcentrantdetoutesmesforcessurlerizquejesuisentraindedéposer
dansmonassiette.—J’ail’impressiond’avoirdéjàentenducettephrase,maisquandça?Ahoui,justeavantquetu
fassesuncomaéthyliqueetquetuagressesunblender.—Pourleblender,j’assume.Maislatequila,c’esttafaute.Elleréfléchituninstantavantd’acquiescer.—Hum,tudoisavoirraison.—Absolument.JeprendslesdeuxcomprimésdeDolipranequ’elleaplacésàcôtédemonverredevindansune
adorableattention.Jem’apprêteàlaremercier,maislefaitqu’elleaitputrouvernormaldemélangerlesmédicamentsetlepinotgrisestunpeuinquiétant.—Alors,commenttuvasdonnertadémission?interroge-t-ellequelquesminutesplustardalors
quenousattaquons lepouletsaucepiquante.Parmail?Sursonrépondeur?Oubienenséchant letravailpendantquelquesjours?Çaseraitpeut-êtreunpeuinfantile,maisaumoinscetabrutid’Ethancomprendraitlemessage.—Ethann’estpasunabruti.—Neledéfendspas,çafaitpitié.—Maistunesaismêmepascequejeluireproche!—Normal,turefusesdemeledire.Maisest-cequeçacompte?Lesdétails,jem’enfous.Toutce
quejevois,c’estque,pourtoi,c’étaitlafindumonde.Donc,pourmoi,Ethanestunconnard,point.Etj’enprofitepourtedirequejenel’aijamaisaimé.Jemanquedem’étrangleraveclabouchéedepouletquejemesuisforcéeàingurgiter.—Ahnon!Tunepeuxpaschangertonfusild’épaulecommeça!C’esttoiquim’asharceléepour
quejesorteaveclui,jeterappelle.Toriréfléchitàcettevéritépendantunesecondeavantdereniflerd’unairhautain.Ellen’apasson
égalpourça.—Oui, sauf qu’à l’époque, je nepensais pasqu’il se comporterait commeça avec toi.Mais vu
commeiltetraite,jenepeuxqueledétester.Etçan’estpasprèsdechanger.Jen’aipaslecouragedediscutailler.J’aiàpeineassezd’énergiepourresteràtablecommesitout
allaitbien.Maintenantquelechocetlacolèresontretombés,c’estencoreplusdifficilequ’avant.Jen’éprouveplusqu’unimmensechagrin.Enplus, ellen’apas tort.C’est vrai qu’Ethan s’estmal comporté avecmoi. Il a fait lemort ces
derniers jours,préférantme laissermarinerplutôtquede rompreproprementavecmoi.Ensuite ilm’afaitl’amouralorsqu’ilétaitaucourantpourBrandonetqu’ilsavaitcommentj’allaisréagir.—Tudémissionnes,entoutcas,répèteToricommesic’étaitcourud’avance.—Etjedeviensquoi?Serveusedansunbar?C’estçaquiferaitbiensurmonCVpourl’entréeen
master!—Demêmequede te lâcher surunautreappareil électroménager sansdéfenseetpasserpar la
caseprisonouhôpitalpsychiatrique.—Leblender,c’étaitspécial.Jen’aipasl’intentionderecommencer.—Tudisçamaintenant.Est-cequetuesprêteàprendrelerisque?Àretournerlà-basetlevoir
touslesjours?Jenesuispeut-êtrepasunexempled’équilibremental,maismêmemoi,jedevinequec’est une mauvaise idée. Je t’ai vue, ce week-end. Je sais dans quel état ça te met qu’il t’ignore.Commenttuvasgérerçaauboulot?Surtoutaprèscequiadûsepasserentrevouslanuitdernière…Jesaisqu’ellearaison,etquerevoirEthannepeutqu’aggraver lasituation.Passeulemententre
nous,mais aussi pourmoi. Dépasser le viol etme reconstruirem’a demandé beaucoup d’efforts.Maiscommentoublierlepassésij’ysuisconfrontéetouslesjours?FrostIndustriesestlaboîted’Ethan,etaprèscequis’estpassécematin,jenepeuxpasimaginerde
levoir–decontemplersesyeuxbleussisemblablesàceuxdeBrandon–sanspenserauviol.Àcequis’estpassésurceparkingdésert,etauxconséquencesdecesévénements.C’estunemauvaiseidée.Sij’aisurvécujusqu’àprésent,c’estparcequejenepensejamaisàBrandon,àmesparents,ouàce
quim’est arrivé. J’ai laissé tout ça derrièremoi enm’installant enCalifornie, et je refuse dem’yreplonger.Demetrouverdanslemêmeétatqu’ilyatroisans.L’étatdanslequelBrandonetsesamism’avaientplongée.En même temps, je n’imagine pas de renoncer si facilement à mon rêve. Bien sûr, l’entrée en
masternedépendpasuniquementdu lieudestage. Ilyades tasd’autres facteurs,et j’espèreavoirparfaitementassurédececôté-là.Maisenmême temps, lesmastersque jevisenes’obtiennentpassanspiston.Etcommejen’enaipas, jedoism’assurerquemondossiersoitmeilleurque tous lesautres.GrâceàmonstageaudépartementjuridiquedeFrostIndustries,c’estlecas.Enfin,c’était lecas.
Maintenant,jenesuisplussûre.Deriendutout.Sentantmonindécision,Toripasselerestedurepasàmetannerpourquejedémissionne.Jedois
reconnaître que ses arguments sont sensés – si je fais abstraction de mon avenir. Car quand j’yréfléchis…sondiscoursnetientpluslaroute.Saufencequiconcernemasantémentale.Quelquesheuresplustard,jesuistoujoursenpleineréflexion.Pourêtrehonnête,jepassetoutela
journée et une bonne partie de la nuit à y penser. Je suismalade rien qu’à l’idée d’aller travaillerdemainetdevoirEthan.Jen’arrivepasàimaginerdeparticiperàuneréunionavecluisurlafusionavec Trifecta. Ni de le croiser dans le hall ou à la cafétéria. Que ressentirai-je s’il cherche àmeparler?Oupire,s’ilmeconvoquedanssonbureau?Jenevaispaspouvoirgérerlasituation.Jesaisquej’enseraiincapable.Jesuisécorchéevive,etle
seulfaitderespirermetue.Maisenmêmetempsjenepeuxpasmeterrerdansuncoin,laqueueentrelesjambes.Riendetout
ça n’est ma faute –mis à part le fait de tomber amoureuse demon patron –, et je refuse demecomportercommesij’étaiscoupable.Unefoisdansmavie, jemesuisenfuie.Mesparentsm’yontcontrainte,et jemesuis jurédene
jamaislerefaire.Lesdeuxsituationsontbeauêtredifférentes,jeressenspourtantlamêmechose.Sionvoitcommentçaatournélapremièrefois–alorsquej’étaisbiencachée–,jenedevraismêmepasenvisagerderecommencer.Non.J’aitravaillétropdurettroplongtempspourarriverlàoùjesuis.Jenevaispasrenoncerà
caused’unpasséquej’aienterréilyadesannées–etsurlequeljen’aiaucuncontrôle.C’est pourquoi, après unenuit sans sommeil – après avoir regardé l’aube étendre lentement ses
nappes or et lavande au-dessus du Pacifique –, je suis tremblante,mais décidée. Jeme rendrai aubureauaujourd’hui,etjeferaimontravail.SiEthanm’approche,jetrouverailemoyendem’entirer.Ets’ilmevire…Ehbien,c’estcommeça.Aumoins,jen’auraipasrenoncédemoi-mêmeàl’avenirquejedésireplusquetout.Enoutre,çamedonnerauneraisondeplusdelehaïr.—Tu sais que tu n’es pas obligée,me rappelle Tori alors que je quittema chambre dansmon
uniquetailleurdemarque.Certes,cen’estpasgrand-chose,maisjen’aipasdemeilleurearmure,ettoutestbonàprendre.—Jenesuisobligéeàriendutout,dis-jeenentrantdanslacuisine,prenantgardedenepasposer
lepiedsurlecarreauquej’aicasséhieravecleblender.Maisjevaislefairequandmême.Elle pousse un profond soupir, comme si mon entêtement était une insulte à son égard. D’une
certainefaçon,c’estsansdouteunpeulecas.—Aufait,reprend-ellealorsquejesuisplantéelà,incapabledeprendreunedécision.Tonfrèrea
encoreappeléhiersoir.Iladitquec’étaiturgent.—C’estcequ’ilditchaquefois.—Oui.Maislà,çafaitcinqfoisqu’ilappelle,encinqjours.Peut-êtrequec’estvraimenturgent.—Peut-être.Maislaseuleidéedeluiparler,d’entendredesnouvellesdemesparentsetdelasociétéqu’ilsont
bâtieavecsesidéesetl’argentdematrahisonmerendfolle.Etcommej’aidéjàmadosedefolieparailleurs,jedécidedelelaisserattendreencoreunpeu.Pasnonplusjusqu’auxcalendesgrecques.Justeletempsdemereprendre.Mêmesij’ignorequand
j’yarriverai.Histoirede faire lepremierpas surce longchemin, jecommenceàmeverserun jusd’orange,
maismonventreestdéjàdansuntelétatqu’avalerunalimentaciderisqued’avoirdesconséquencesfâcheuses.Jemecontentedoncd’unpetitverred’eauetpriepourquemonestomacsecalme.—Tuessûrequeçanet’ennuiepasdem’amenerauboulotaujourd’hui?J’aiencoreletempsde
prendrelebus.—Commesij’allaistelâcher!Jeveuxbienteconduiretoutelasemaine,sic’estnécessaire.—J’espèrequenon.Hier,j’étaisincapabledem’occuperdemavoiture,avectouscesévénements.Maisjenevaispasla
laisseréternellementdansl’alléed’Ethan.—J’enverraiunedépanneusependantqu’Ethanseraaubureau,reprends-je.Lagouvernanteestlà
aujourd’hui, donc si j’appelle pour la prévenir, je suis sûre qu’elle ouvrira la grille afin qu’ilspuissentlaramenerici.Etjem’arrêteraiaumagasindepiècesdétachéesaprèsletravail,pouracheterunnouveaudémarreur.Çameprendradeuxheures,maximum.—Unmécanicienpeuts’encharger,tusais,soupireTorienlevantlesyeuxauciel.—Oui,sansdoute,maisçacoûtedel’argent,etjenepeuxpasmelepermettre.Surtoutsijegarde
cestageaulieudechercherunemploirémunéré.—Çaaussi,c’estuneidéedegénie,situveuxmonavis,commenteTori.Je fais semblant de ne pas percevoir ses doutes. J’ai du mal, car je nourris les mêmes depuis
l’instant où j’ai pris ma décision. Je choisis de faire comme si tout pouvait s’arranger avec unejournéequisepassebien.— En plus, je bidouille des voitures depuis que je suis petite. Mon frère adorait démonter les
moteurs pour voir comment ça marche, et je l’aidais à les remonter. Je pourrais changer undémarreurlesyeuxfermés.—Etjesuissupposéem’extasier…—Cen’estpaslecas?—Pasdutout.Aprèsavoiravalésoncafé,ToriattrapesonénormesacVuitton.—Tuesprête?demande-t-elle.—Pasdutout,dis-jepourl’imiter.Maisplusj’attends,plusceseradifficile,aussijeprendsmasacocheetmedirigeverslaporte.—Mercibeaucoup,murmuré-jealorsquenousempruntons l’ascenseurvers legarage,ausous-
sol.—Tuplaisantes.Cen’estrien.Peut-êtrequecen’esteneffetpasgrand-chose,maispersonnen’enajamaisfaitautantpourmoi,
oupresque.EtbienqueTorin’aimepasqu’ons’attardelà-dessus,noussavonstoutesdeuxquejeluidoisbienplusqu’unsimpletrajetenvoiture.Entrelefaitqu’ellem’hébergeàtitregracieuxpendantladuréedemonstage,etlesoutienmoralqu’ellem’apportedanslescoupsdurs–c’est-à-direchaquefoisquemaconfianceenmois’étiole–,jenesaispascequejedeviendraissanselle.Maisàpeinequelquespasaprèsêtresortiedel’ascenseur,jem’arrêtenet,stupéfaite.Devantmoi,
garée sur mon emplacement réservé, se trouve ma voiture. Lavée, auscultée et, selon toutevraisemblance,réparée.Ethan.Je n’ai pas versé une larme depuis que jeme suis laissée aller dans les bras deTori, après cet
horrible trajetde retourhier.Maisalorsque jecontemplemonvéhicule, je suisdenouveausur lepointdepleurer.Fairerépareretdéposermavoiture,c’estEthantoutcraché.Ilestcommeça.—Bon,admettonsquecenesoitpasentièrementunconnard,concèdeTori.—Cen’estpasunconnarddutout.—Maisjepensais…—C’estcompliqué,dis-jeenm’approchantdelavoiture.—N’est-cepastoujourslecas?Siellesavaitàquelpoint!Jefouilledansmonsacàlarecherchedemondeuxièmetrousseaude
clés. Puis vient le moment de mettre le contact. Sans surprise, le moteur démarre aussitôt. Et ilvrombit à la perfection.Quelque choseme dit que le démarreur n’est pas la seule pièce qui a étéremplacéesurmapetiteHonda.Jevoudraisêtrerévoltéeparsonarrogance.Maisc’estdifficilederésisteralorsqu’ilsecomporte
comme toujours, d’une façon que j’aimais tant jusqu’à hier. Il prend soin de moi de toutes lesmanièrespossibles,tantquejelelaissefaire.Etpuis,jemesuisdéchargéeduplusgrosdemacolèresurcemalheureuxblenderhiersoir.Jen’aiplusderage.DumoinscontreEthan.Pourlemoment.—Bon,ehben,jevaisremonter,déclareTori.Àmoinsquetun’aiesencorebesoindemoi?
—Non,toutvabien.Merci,Tor ’.—Derien.Tue-le,Chlo.—Jenevaismêmepaslevoir,aujourd’hui.—C’estça…,répond-elleavecunsouriredésabusé.—Maisnon,jet’assure.Je ne peux pas le voir.Cette seule évocation suffit àme faire trembler. Je ne suis certes pas en
colèrecontrelui,maisdelààavoirenviedelevoir,ilyaunedifférencedetaille.Jesuisbienloindesouhaiterlecroiser.Devantmesyeux,j’aienpermanencelesouriremoqueurdeBrandon,danslesoreilles,savoixquiappelleEthan«frère».Ethanestsonfrère…C’estpeut-êtredelalâcheté,peut-êtredel’instinctdesurvie.Entoutehonnêteté,jem’enfiche.Tout
cequejeveux,c’estquecettejournées’achèvesansencombre.Cen’estpastropdemander?Maisilfautcroirequesi.Carenmetournantverslesiègepassagerpouryposermasacoche,je
trouveuneépaisseenveloppecrèmesurletapisdesol.Elleestàl’envers,maisjen’aipasbesoindelirel’en-têtepourreconnaîtrelepapieràlettresd’Ethan.Ilm’aenvoyétantdecourriersetdepaquetscesdernièressemainesquejenepeuxpasmetromper.Pendantuninstant,jesuistentéeden’écouterquemacouardise.Delaisserl’enveloppelàoùelle
est,enfeignantdenepasl’avoirvue.Mais ce n’est pasmon genre. Et bien que je pense au fond demoi que rien ne peut racheter la
conduited’Ethan,qu’ilnepourrapasmefaireoubliercequis’estpasséhier,j’aiquandmêmeenviedelelaisseressayer.C’estuneépéeàdoubletranchant,etj’aipeurdenepasavoirlacapacitédelagarderenéquilibre.
Pourtant,aupérildemasantémentale,jeramassel’enveloppe.Jemecontentedansunpremier tempsde la tenirdansmamainetde la regardercommesielle
allaitprendrefeu.Voyantqueriennesepasse,jefinisparlaporteràmonnezpourhumerleparfumàpeineperceptible.Lafragranced’unejournéed’étéensoleillée.Unesenteurdemyrtilleetdesiropd’érabletiède.C’estl’odeurd’Ethan,etçasuffiraitpresqueàmemettreàgenoux.Je repose l’enveloppe sans l’ouvrir. Je songe de nouveau à la déchirer, la brûler, la jeter tout
entière.Àluifairesubiràpeuprèstout,saufceàquoiladestinaitEthan:êtreouverte.Pourtant, la conscience qu’Ethan a écrit cemessage pourmoi seulem’empêche de résister à la
tentation.Jeglisseledoigtlelongdurebordpourtenterdeledécoller.Quandj’yarriveenfin,lapremièrechosequientombeestunephotodenousdeux.J’ai les larmes aux yeux,mais jem’efforce de les réprimer. J’ai déjà trop pleuré ces dernières
vingt-quatreheuresetjen’aipasl’intentionderecommencer.Maisj’aibiendumal,carjemesouviensdujouroùelleaétéprise.C’étaitautoutdébut,quandon
venait de se rencontrer. Nous étions à une soirée caritative au profit d’associations écologiques,organiséesurlaplage,etj’avaisessayé–sanssuccès,jedoisl’avouer–deconstruireunchâteaudesable.Ethanétaitarrivé,etàmagrandecontrariété il s’étaitassisàcôtédemoi.En l’espaced’unedemi-heure,nousavionsbâtil’undesplusmagnifiqueschâteauxdetoutelaplage.Lorsquel’unedesjugesétaitvenuel’évaluer,ellenousavaitaccordélemaximumdepoints,etlaphotoavaitétépriseàcet instant.Nousavions la tête rejetéeenarrièredansunéclatderire,deboutàcôtédenotrechef-d’œuvrequelamermenaçaitd’engloutir.Nous avions passé une bonne soirée, l’une des premières. J’avais fait mon possible pour tenir
Ethanàdistance,maisjesaisquec’estl’undesmomentsquim’ontfaitcraquerpourlui.
Jedevraisjetercecliché,maisjepréfèrelerangerdansmonsac.Puisjesorsleseulautrearticlequecontientl’enveloppe,unelettresoigneusementpliéequisemblemebrûlerlesdoigts.Jeresteunlongmoment,lafeuilledanslesmains,lesyeuxclos,tremblantdetoutmoncorps.Je
meursd’enviedel’ouvrir,dedécouvrircequ’Ethanveutmedire.Maisj’aiégalementpeurdecequejevaistrouver,del’effetquesesmotsaurontsurmoi.J’aidéjàdumalàm’ensortir…Ilnefaudraitpasgrand-chose–enbienouenmal–pourquejereplonge.Maisjen’aipasvraimentlechoix.Monbesoindesavoircequ’Ethanaécritestcompulsif,etjene
peux qu’obéir. Je respire un grand coup, déplie la feuille, et la lisse du bout des doigts. Puis jecommencemalecture.
ChèreChloe,Après tout ce qui s’est passé, je sais que je nemérite pas de te parler, et encoremoinsd’essayerdediscuterdupassé–niduprésent.Pourtant, c’estquandmêmeceque je tedemande,unechancedetemontreràquelpointjet’aime,combienjesuisdésolédenepast’avoir dit ce que j’avais appris surBrandonà laminutemême, et tout ce que je feraisdifféremmentsijepouvaisremonterletemps.Mais je nepeuxpas revenir enarrière, corriger toutesmes erreurs.Tout ceque jepeuxfaire,c’estallerdel’avant,continueràt’aimer.Jet’aime,Chloe,plusquej’auraisjamaiscrupossibled’aimerquelqu’un.Cettephotoestl’unedesraresdenousdeux,etc’estmapréférée, car on l’a prise au tout début de notre relation, quand tout entre nous n’étaitencorequepossibilité,quepeut-être.Déjà,àcemoment, je savaisque je tevoulais,quej’étaisprêtàtoutpourt’avoir,maisj’étaisconscientaussiquetun’éprouvaispaslamêmechose.Dumoins,pasencore.Je sais que tu es blessée et que tu as peur – et c’est normal –, mais je te demande deprendre le risque pourmoi. Pour nous. Tu l’as déjà fait, et je t’ai blessée parce que jen’étais pas assez fort pourm’occuper de toi, pour comprendre que notre amour avait laforcedenouspermettredesurmontercetteépreuve.Cettefois,jeneteblesseraipas.Jeteferaitoujourspasserenpremier.Jeprendraisoindetoicommejetel’aipromis.Tueslafemmelapluscourageusequejeconnaisse,etbienquejesached’avancequetuvasdiscutercettedéclaration(commetoujours),jet’assurequec’estlavérité.Jet’aime,Chloe,bienplusquejem’enseraisjamaiscrucapable.Jenetedemandepasdeme pardonner, ni de dépasser ton chagrin et ta colère. Je te demande seulement de medonnerunechance…unechancedet’aimer,deprendresoindetoi,det’aideràtraversercequel’avenirteréserve.Chloe,jet’aime,etjeserailàquandtuvoudrasmeparler.Jet’enprie,laisse-moit’aimer.
EthanJelislalettreplusieursfois.Lesmotsd’Ethansefracassentsurmoicommeunoragematinal.Jene
saispluscequej’éprouve.Certes,lalettreestadorable,maisellenem’apprendrienquejenesachedéjà.Ilm’amenti.Ilestdésolé.Ilprometdenepaslerefaire.Maisest-cequeçacompte?Est-cequesesmensongesontdel’importance?Ousesexcuses?Quel
poidsaccorderàcela,alorsquelepassés’étendentrenouscommeuncauchemar,commeunchamp
debatailleensanglantédontjeneparvienspasàm’extraire?Commeunspectredontjecrainsqu’ilnemehantemaviedurant…Jel’ignore.Encemoment,jen’aiaucunecertitude,àpartquesijeneparspastoutdesuite,jevais
êtreenretardautravail.Jereplielalettred’Ethanavecleplusgrandsoinetlaglissedanssonenveloppe,quejerangedans
masacoche.Puis,aprèsavoirprisplusieursprofondesinspirations,jepasseunevitesse–lemoteurmesembleplusréceptifqued’habitude–etquittemonstationnement.JetournesurProspectStreetenfaisantabstractiondemonventredouloureux.Enfaisantcommesi
jen’avaispaspeurdelasuite.Pendantunmoment,jefaiscommesitoutallaitbien.Mêmesijesaisqueceneserajamaispluslecas.
Chapitre5
Lorsquej’arriveautravail,jesuisdanstousmesétats.J’ignoreàquoijedoism’attendre.Ethanva-t-ilmeguettersurleparking?Vais-jetrouvermesaffairesremiséesdansuncarton,ensignederenvoi?Toutlemondeva-t-ilmedévisagerd’unairentendulorsquejem’approcheraidemonbox?Peut-êtretoutçaàlafois?Finalement,aucunedeceshypothèsesn’estlabonne.Aucontraire,toutsepassecommed’habitude.
Jemegaresurlamêmeplacequetouslesjours.J’empruntelemêmecheminarboréverslebâtimentquiabritemonservice. J’essuie lesmêmes remarquescinglantesdeRick, le stagiairededeuxièmeannéequiafaitdemavieunenferdepuismonarrivée,lorsqu’onm’aconfiéledossierbrûlantqu’ilpensaitmériterdetraiter.Jesaisqu’ilestparfaitementlogiquequerienn’aitchangé.Aprèstout,Ethann’allaitpasinformer
l’ensembledelaboîtedecequis’estpasséchezluihier.Pourtant,j’ail’impressiond’êtredansuneréalitéparallèle.Àl’intérieurdemoi,toutestdifférent,jenesuispluslamêmepersonne,etj’aidumalàcroirequelesévénementseffroyablesdeceweek-end,quiontbienfaillimebriser,n’aienteuaucunimpactsurlerestedemonexistence.Certes,jenem’attendaispasàcequelaTerrecessedetourner,maisquandmême.Ondevraitressentirunchangement,levoir,même,ailleursquedansmarelation avec Ethan. Comment est-ce possible, après tout ce qui s’est passé, quemon rôle à FrostIndustriessoittoujourslemêmequelorsquej’aiquittélebureauvendrediaprès-midi?C’estpourtantlecas.Toutestexactementpareil.C’est le même bureau, les mêmes dossiers posés dessus, la même liste de tâches à accomplir
punaiséesurmonbox.Jem’assiedsetallumemonordinateuren tentantdepuiserducouragedanscettestabilité.Çamarchepresque.Ça marcherait, en réalité, si je ne passais pas la journée à attendre les répliques du séisme.
L’arrivéed’Ethan,unappeldelui,ouencoreuneconvocationdanssonbureau.Mais, à part la lettre que j’ai trouvée cematin dansma voiture, il n’y a aucun signe de lui.Du
moins, pas par les canaux de communication professionnels. Et comme j’ai encore la froussed’allumermontéléphoneetdevoirs’ilaappeléouenvoyéuntextodepuisqueToriluiaraccrochéaunezhiersoir,c’esttoutcequimerestepouravoirdesesnouvelles.Évidemment, je passe une mauvaise journée, et ma productivité est loin d’être au top. J’arrive
quandmêmeàavancersurledossierTrifecta–lafusionhostileàlaquelleEthanm’aassignéeàmonarrivée,avantquejesachequenosrelationsallaientprendreunetournureintime–,maispasautantquejedevrais.Surtoutquej’aiétéabsentehier.Pour compenser, je reste tard, bien décidée à traiter les questions qu’on m’a envoyées et à
progresser sur les dernières recherches nécessaires au rachat des brevets de Trifecta par FrostIndustries.Vers17heures,l’étagesefaitplussilencieux,età19h30,jesuistouteseule.Çadevraitjustementmedonnerlamotivationpourbouclermontravail,maintenantquejenesuisplusperturbéeparaucunbruit,maisjen’arriveàpenseràriend’autrequ’àEthanetaudésastrequis’estabattusurmavie.
Je l’aime,c’est indéniable,maisçanesuffitpas.PasalorsqueBrandon faitdésormaispartiedutableau.Etm’adressedessouriresdeméprisquidéformentsonvisagetropparfait…Jerepoussecespenséesavantqu’ellesnem’entraînentencoreplusprofondémentdanslegouffre
quim’asisoudainementengloutie.Jemeconcentresurl’armoiredevantmoi,surlesondelaclimquivientdes’enclencher,sur toutetn’importequoi,saufcesurquoi jedevrais : lesvéritésque jedoisaffronter.Vers20heures,monestomaccommenceàgargouiller,etjemesouviensquejen’airienmangéde
lajournée.Ilyaquelquesheures,j’aisongéàdescendreàlacafétériapourdéjeuner,maiscommejen’avais pas faim, j’ai préféré rester àmon bureau. Et aussi, parce que je n’avais aucune envie deparleraveclesautres.Mêmeencemoment,alorsquemoncorpsréclamedelanourritureetquejen’aipresqueplusd’énergie,l’idéedemettrelespiedsdanscelieuoùj’airencontréEthanetdetenterd’avalerquelquechosemesoulèvelecœur.Jefinisparlaissertomber.Jepourraisresterlàencoredesheuressansavancerdansmontravail.
AprèsunelonguejournéepasséeàtenterdenepaspenseràEthan,j’ailecerveauencompote.Avec un soupir, j’éteinsmon ordinateur et prends uneminute pour rassemblermes affaires. En
attrapantmon sac àmain dans le tiroir, je suis tentée de l’ouvrir pour en sortirmon téléphone etl’allumer,voirsiEthanm’alaissédesmessages.Mais je résiste.D’unepart jen’aipasenvied’êtredéçue si cen’estpas le cas, etd’autrepart je
redoutedepaniquers’ill’afait.Detoutefaçon,s’ilavaitvraimentvoulumeparler,ilauraittrouvéunmoyen.Ilsaitoùestmonbureau,aprèstout…Maismaintenant que jeme suis autorisée à y penser, àm’interroger, j’ai l’impression quemon
téléphonevamettrelefeuàmonsac.Sijejetteuncoupd’œil,personnenelesaura…Jeprendsmasacocheet lepullque j’aienfilécematinpourcontrer labrisemarine.Personnen’enaurait rienàfaire.Saufmoi.Moi,jelesaurais,etj’enauraisquelquechoseàfaire.Etmemorfondreàsonsujet,me
poserdesquestions,medemanderquandilvamecontacter,çanefaitqu’empirerlasituation.Çamerendfolle…Commesij’avaisbesoindeça.Jelaissedoncmontéléphoneaufonddemonsacetmedirigeversleparking,nonsanslancerun
rapide«aurevoir»àJorge,legardienquitientlepetithalld’accueildubâtiment.Ilselèved’unbond.—Attendez,mademoiselleGirard.Jevousraccompagneàvotrevoiture.J’imaginequelanouvelledenotrerupturen’apasencoreétédévoilée.Jorgeesttrèsgentil,maisje
nel’aijamaisvuescorterlesautresstagiairesdesexefémininjusqu’àleurvoiture–nilessalariées,d’ailleurs.—Merci,Jorge,maisçan’estpaslapeine.Ilfaitencorejour.—Çanemedérangepas,merépond-ilpolimentenmetenantlaporte.Iln’yapasgrandmonde,ce
soir.J’ai bien envie de protester, mais je vois dans son regard qu’il ne se laissera pas dissuader.
J’acceptedoncsaproposition.Ilnefaitquesontravail,etilfautreconnaîtrequ’unefillen’estjamaistropprudente.Aprèscequej’aivécu,jesuisplustimoréequed’autres.Le trajet n’est pas long, tout juste quelques minutes, mais à peine avons-nous débouché sur le
parking que j’éprouve une vive surprise. Appuyé contre ma voiture, chevilles croisées, ses brasmusclésnouéssurlapoitrine,setrouveEthan.Jerestepétrifiée,incapabledefaireunpasdeplus.Oumêmederespirer.Jorgemeregarde,surpris,maisEthans’écartedelavoiturepourvenirànotrerencontre.Avecson
hâle,sescheveuxsombresunpeutroplongsetsonélégancedeprédateur,iladesalluresfélines.—Merci,Jorge.Jem’enoccupe,déclare-t-il.—Bien,monsieurFrost.C’esttoutjustes’ilnefaitpasunecourbetteavantdesetournerversmoi.—Bonnesoirée,mademoiselleGirard.—Àvousaussi,parviens-jeàbredouiller.Le voilà parti. Jeme retrouve seule avecEthan, dont je n’arrive pas à deviner l’état d’esprit. Il
paraîtcalme,maissesyeuxluisentd’unedéterminationférocequim’alarme,mêmesimoncœurbatdéjàtroisfoisplusvitequed’habitude.Soncocardetl’hématomequicoloresamâchoireaccentuentsoncôtémenaçant.—Jet’aiappelée,dit-ilens’arrêtantdevantmoi.Ilnesepressepascontremoi,maisnemelaisseguèred’espacetoutdemême.Ilestassezproche
pourquejesentelachaleurquiémanedesoncorpsmince.Jeperçoissafragrancemusquéeàchaquerespiration.—Tun’aspasrépondu,ajoute-t-il.—Montéléphoneétaitéteint.Etjen’aipasregardémesmessages.L’idéedementirneme traversepas l’esprit. J’aidumal àparler, et jedois semblermaladroite,
maisjenepeuxpasfairemieux.Il hoche la tête, ses yeux bleus si brillants que j’ai l’impression qu’ils me brûlent la peau et
m’échauffentlesang.J’attendsqu’il reprenne laparole,mais riennevient, et le silence s’étirependantquenousnous
dévisageons. La tension est telle que j’ai l’impression que quelque chose va casser, comme unélastique qu’on étire trop. Jeme redresse et tente de respirer normalement.De faire comme si saproximitén’étaitpasdouloureuse,effrayanteetexcitanteàlafois.—Mercipourlaréparationdemavoiture.Ilacquiesce,l’airpeiné.Maisilnedittoujoursrien,etmonanxiétés’accroît.—Écoute,jedoisyaller.Lajournéeaétélongue,jen’aipasmangéetjesuisfatiguée…—Jepeuxt’inviteraurestaurant?—Non.Lemotm’échappe avant que je n’aie eu le temps de réfléchir. Et je l’ai dit sans douceur, sans
chercherd’excusepolie.Justeunrefuscatégorique.—Danscecas, laisse-moi te raccompagner chez toi.Onpeut s’arrêter encheminetprendreun
repasàemporter…—Non!Cettefoisencore,montonestsansappel.—Chloe,s’ilteplaît…Ilavancelamainversmoi,maisjerecule.Ils’immobilise,brastendu,levisagetorturé.Jesaisque
jel’aiblesséetjevoudraism’excuser,maisjen’yarrivepas.Pascettefois.—Trèsbien.Nousn’avonsqu’àparlerici,alors.—Iln’yarienàdire,Ethan.—Au contraire, il y a beaucoup à dire. Je suis désolé de ne pas t’avoirmise au courant pour
Brandon.Et que tu l’aies appris commeça. Je regrettequ’il t’ait fait dumal. Je suis navré,Chloe.Pourtout.Jesuistellement,tellementdésolé…—Jesais…Aprèstout,ilaessayéderompreavecmoiilyadeuxjours,etjel’aivuàdeuxdoigtsdedémolir
Brandonhiermatin.—Jenet’enveuxpas.—Tudevrais.Moi,jem’enveuxénormément…—Tuastort.Cen’estpastafaute.—Tunepensespascequetudis.—Si,jet’assure.Et c’est vrai. J’ai eu trente-six heures pour réfléchir, essayer de comprendre comment le seul
hommeàquij’aifaitconfiance,auqueljemesuislivrée,puisseêtrelefrèredeceluiquim’apresquedétruite ilya si longtemps. Jen’aipasde réponse…Jene saispascomment ledestinapuêtre sicruel.Maisjesaisquecen’estlafautedepersonne.Qu’iln’yavaitaucunindice,aucunecoïncidenceauxquelsnousnousserionsmontrésaveugles.Jevoulaismedéfairedemonidentité,et j’aichangédenomdèsmesdix-huitans.Lorsquenous
noussommesrencontrés,Ethann’avaitaucunmoyendesavoirquij’étais,etilenallaitdemêmepourmoi.Brandonestsondemi-frèreducôtématernel.Ilsontcerteslesyeuxdelamêmecouleur,maisc’esttout.Etilsportentdesnomsdifférents.Ilauraitdûmedirecequ’ilavaitdécouvertsurBrandontoutdesuite.Et il n’aurait pas dû coucher avecmoi après, sachant que nos passés étaient liés de la pire des
façons.Maisilaessayédemequitter,cesoir-là.Etilatentédelefaireendouceur.C’estmoiquiaipété
lesplombs,quisuispartieenvrille,parcequejenecomprenaispascommentl’hommequej’aimaisavaitpuchangerd’avisdefaçonaussiabrupte.Non,cettesituationhorriblen’estpaspluslafauted’Ethanquelamienne.Cen’estpasluiquim’a
violée et qui a essayé d’étouffer l’affaire. Le tenir pour responsable de ça me mettrait au mêmeniveauquelesgensquim’ontreprochéd’avoirrévélécequeBrandonm’avaitfait.—Chloe,commentunefillecommetoipeut-elleexister?J’essaiederépondreparl’humour:—C’estjustepasdechance,j’imagine.—Non.C’esttoutsaufdelamalchance,répond-ilentendantlesmainsversmoi.Cettefois,jenelerepoussepas,mêmequandilappuiesonfrontsurlemien.Maisj’éclated’unrire
rauquequiressembledavantageàunsanglot.—Laisse-moi te raccompagner,murmure-t-il. Je te ferai couler un bain, je préparerai le dîner.
Ensuite,onpourraparler…—Jetel’aidéjàdit,onn’aplusrienàsedire.Toutaufonddemoi,jetrouvelaforcedelerepousser.—Aucontraire,Chloe,ilyauntasdechosesdontjevoudraisdiscuteravectoi.Ilresserrelesdoigtssurmesbras,pasassezpourmefairemal,maisjesenssondésespoirdansce
geste.Lemêmequeceluiquimesubmergedepuishier.—Non, rien du tout. Ça nemarchera jamais entre nous. C’est impossible. Tout était fini avant
mêmed’avoircommencé.Jem’arracheàsonétreinteetreculedequelquespas.—Chloe,nedispasça.Cen’estpasvrai.Jerefusequetudisesdeschosespareilles.—Mêmetavolontéd’aciernepeutrienychanger,Ethan.Quelquesoitledésirquetuenas.—C’estdesconneries!s’écrie-t-ildansuneexplosionderage.—Non.—Si!
Ilm’attrapedenouveau,m’attirecontrelui.Aufonddemoi,jen’aiqu’uneenvie:melaisserallerdans sesbras.Mais c’est impossible.Maintenantque je sais, soncontactn’estplus lemême.Notrerelation est différente, et je suis assez intelligente pour deviner que je ne parviendrai jamais àdépasserça.— Je sais que tum’aimes encore. Je le vois sur ton visage. Je l’entends dans ta respiration qui
s’affolequandjetetouche,déclare-t-ilenposantunemainsurmapoitrine.Jelesensauxbattementsdetoncœur,sirapides,mêmeencemoment.Jenetelaisseraipasfuircessentiments.—Tunepeuxpasm’enempêcher.—Merde,Chloe,s’ilteplaît!Jet’aime.Ilcouvremonfrontdebaisersbrûlants,puismesyeux,majoue.— Je t’aime tellement, reprend-il. Je trouverai une solution. Je te le promets. Donne-moi une
chance,j’inventeraiunmoyen…—Iln’yapasdesolution,Ethan!Jeposelesdeuxmainssursontorsepourlerepousserdetoutesmesforces.Cettefois,ilrecule,
bienplusàcauseduchagrinqueducouplui-même.—Onnepeutpasréécrire lepassé,reprends-je.Quandons’estrencontrés, je t’aiditquej’étais
démolie.Etquetunepourraispasmereconstruire.—Tun’espasdémolie,machérie…Cen’estpasvrai.Les larmes que je vois dans ses yeux et que j’entends dans sa voixme fontmal.C’est horrible
d’êtretémoindesasouffrance.Desavoirquec’estàcausedemoi,quej’aimiscethommebeauetpuissant, qui a toujours été si bon avecmoi, dans cet état. C’est comme d’avoir dans le cœur unpoignardquequelqu’unretourneraitsansrelâche.—Maissi.—Non.Peut-êtrequetul’étais,avant,maisplusmaintenant.J’aimeraistellementquetupuisseste
voiravecmesyeux…Tuesforte,machérie,sifortequecertainsjoursjen’arrivepasàcroirequetusoisàmoi.Quej’aielachancedetetoucher,t’embrasser,teserrercontremoi.Ilsecouelatête.Mêmeencetinstant,sonbonheurledépasse.Jecomprendscesentiment,carjel’ai
éprouvé chaque jour de notre relation, enme disant que cet homme aussi beau à l’intérieur qu’àl’extérieurétaitàmoi.— Qu’après avoir traversé toutes ces épreuves, tu sois devenue une femme magnifique et
brillante…çamebouleverse.Tuestellementintelligente,bourréedetalents,etsûredecequetuveuxetdesmoyensd’yparvenir…Tunevoispas,moncœur?Tuestoutsaufdémolie.—Jenesuispas…—Si ! Je voudrais que tu te voies comme je te vois.Que tu comprennes. Je suis en admiration
devant toi,Chloe.Tuas traversé l’enfer, et tu es toujours là, à tebattrepour te construireunevie.Pourchangerlemonde.Etça,çan’arienàvoiravecmoi.C’esttoi,machérie.Toitouteseule.Tut’esguérietoi-même.Nelaissepasmonsalauddefrèret’enleverça.Nelelaissepascassercequetuasconstruit.Nelelaissepasnousdémolir.Àprésent,c’estmoiquipleure.Unefoisdeplus.Jem’essuielesjouesettenteenvaind’endiguerle
flotdelarmes.—Merde…,chuchoteEthan.Quandilmeprenddanssesbras,jeneluttepas.Commentpourrais-je,alorsquej’aibesoindeson
contactcommeundroguédesadose?Jesuisaccroàlui,àsaforceetàsagentillesse,àsafaçondemeteniretd’embrasermoncorpsparunsimpleeffleurement.Saufcesoir.Cesoir,jesuisfroide.Glacéejusqu’auxos.Jusqu’auplusprofonddemonâme.
Etj’aid’autantplusbesoindelui.—Nepleurepas,machérie.Chloe,jet’enprie,nepleurepas.Ileffacemeslarmespardesbaisers,l’uneaprèsl’autre.Etrecommenceinlassablement.Entredeux
frôlementsdeseslèvressurmapeau,ilmemurmuredesbribesincohérentesd’amour,dedouleuretd’excuse, et je sens la faille que je porte en moi s’élargir. Je me sens voler en milliers d’éclatsimpossiblesàrecoller.Tellementnombreuxqu’Ethannepourrapaslesmaintenirensemble,malgrétoutesaforce,sasécuritéetsadétermination.Jereculed’unpasetm’échappedesesbras,desachaleur.Çamefaitmal,physiquement,maisje
saisque jen’aipas lechoix. Jedois le repoussermaintenant, tantque j’enai la force.Sinon,nousseronstousdeuxécrasésparlepoidsdemeséchecs.Iltentedemeretenir,demegardercontrelui.Maisilmelâchedèsquejechuchote:—Ethan,s’ilteplaît,arrête…Jenepeuxpas.Jenesuispasassezforte.—Maismoisi.Jepeuxêtrefortpournousdeux.Jet’enprie,Chloe.Ilmetlamaindanssapocheavantdeposerunobjetmétalliquedansmamain.Jen’aipasbesoinde
regarderpoursavoircequec’est.—Tul’asfaitréparer…—Toujours,répond-ilenm’embrassantlatempe.Jecontemplelachaînedetaille,caressantduboutdesdoigts lesmaillonsfamiliers,enplatineet
diamants.J’enaitellementenvie.Jevoudraistellementlaporter,sentirsonpoidsautourdemataille,symboletangibledemonappartenanceàEthan.Denotreappartenancel’unàl’autre.—Tumelaissesl’attacher?memurmure-t-ilàl’oreilletoutenm’effleurantlataille.Oui!Jevoudraiscriermonassentiment,lesupplierdemefairesiennedenouveau,dereprendre
possessiondemoi. Jeveuxsentir lasécuritéque jen’éprouveque lorsqueEthanest toutautourdemoi.Maisjenepeuxpaslelaisserfaire.Pasalorsquetoutestsihorrible.—Non.Le mot est plus bas qu’un murmure, si bas que même moi qui l’ai prononcé, j’ai du mal à
l’entendre.Pourtant,Ethanleperçoit.Ilsedétourne,maisj’ailetempsd’apercevoirladouleurdanssesyeux.
Cettemêmedouleurquimeblessedel’intérieurcommeuncouteauémousséquimedéchireraitleschairs.Samain se crispe surma joue, et nous restons ainsi pendant une éternité. La douleur qui nous
sépare semble aussi nous lier. Puis ilme soulève lementon, et je ne peux plusme cacher. Je suiscontraintedeleregarder.Jeledévoredesyeux.Lasouffrancedecesderniersjoursselitsursonvisage.Jelavoisdansses
ecchymoses,danslecernenoirquisoulignesonœilvalide,etdanslesridesqu’iln’avaitpasaucoindelabouchelasemainedernière.Cédantàuneimpulsion, je lèveunbraspoursuivrel’uned’ellesavecmondoigt.Iltournelatêteetmefrôlelamaindeseslèvres.Ladouleurs’accroîtjusqu’àcequej’aiel’impressionqu’onmebroielediaphragme.Jesaisqueje
devraism’écarter,maisjen’yarrivepas.Pasalorsqu’Ethandéposedesbaiserstendresetsuavessurlapaumedemamain.Jehalèteàsoncontact,etçalefaitsourire.Àsontour,ilpasseunpoucesurmeslèvresetfrissonne
lorsquejetournelatêtepourenembrasserl’extrémité.—Chloe…,murmure-t-ild’unevoixdouce,empreintededéférence.Il baisse la tête versmoi, lentement, afin que j’aie le temps de comprendre ses intentions et de
reculersijelesouhaite.Maiscen’estpaslecas.Çadevrait.Ilyapeu,c’estcequej’auraisfait.Mais,àprésent,iln’yarienquejedésireautantque
delaisserEthanFrostm’embrasser.Le premier effleurement de ses lèvres sur les miennes est tendre et timide, comme s’il me
demandait lapermission.Comme s’il cherchait à se fairepardonner.L’instant est douxet joli, auxantipodesdecequejedésire.Jecraqueetmedressesurlapointedespieds,passelesbrasautourdesoncouetl’attiredanslebaiserpassionnédontnousmouronstousdeuxd’envie.Unbaiserbrûlant et charnel, oùnos langues se caressent, par-dessus,par-dessous et tout autour.
Nous échangeons des murmures fiévreux, dans une chaleur et un plaisir qui n’ont d’égal que ladouleurquenousressentons.C’estlaquintessenced’unbaiserd’Ethan.Peut-êtreest-celedernier…Unconcentré de sexe, de séduction, d’ardeur et d’amour, et je ne peuxm’en rassasier. Je n’auraisjamaisassezdelui.Ilm’adonnéplusenquelquessemainesqu’aucunautrenem’adonnédansmavieentière.C’estpeut-êtrepourçaquejem’accrocheàlui,lesbrasautourdesesépaules,lesdoigtsenfoncés
danslachairdesoncou,labouchepresséecontrelasienne.Ilaungoûtd’océan,quejeretrouveaussidanssafaçondemetoucher.Puissant,violentetinfini.Je
voudraism’immergerenlui,m’ynoyer.Etjeveuxquecebaiser–cettesensation–necessejamais.Maisalorsmêmequejem’agrippeàlui,quejepasselalanguesurlasienne,jesenslamagiese
dissiper.L’horreur revient, la chaleur s’éteint, remplacéepar ce froid terrible et glacial qui nemequitteplus.—Chloe.Ilsepenchedenouveauversmoipourm’embrasser,etjelelaissefaire,parcequejesuisfaibleet
qu’ilnel’estpas,etquejenepeuxcroirequeçasoitentraindeseproduire.Jeneveuxpaslecroire.Duboutdesdoigts,ilm’effleurelataille,passantsousmonchemisieretlaceinturedemontailleur.
Ilmecaresseleventre,leshanches,lebasdudos,etjesaisqu’ilaenviedenouerlachaînedetailleautourdemoncorps.Jesenssondésirdemedéclarersienne,dememarquer.Maislorsqu’ilmeprendlebijoudesmainspourlepasserautourdemataille,monangoissemonte
enflèche.Sijelelaissefaire,nousseronstouslesdeuxbrisés.Jesensdéjàmadouleurseréveiller,commesilesmorceauxdemoibougeaientpouraccueillircettenouvelleréalité.Maisiln’yapasdeplace.Jen’éprouvequ’horreur,terreuretvide,tellementpuissantsquejeneressensplusriend’autreàprésentqu’ilacessédem’embrasser.— Chloe, je t’en prie, souffle-t-il de cette voix rauque qui me donne des frissons depuis la
premièrefoisquejel’aientendue,ilyadenombreusessemaines.—Non.J’écartelachaînedeladiscordedematailleavecuneimplacabledétermination.Latristessequece
gesteprovoqueenmoimeprendparsurprise.Aprèstoutcequis’estpasséentrenous,toutcequ’ilm’adonné,jenemeseraisjamaiscruecapabledeluirefuserquoiquecesoit.Maispournotrebienàtouslesdeux,jenedoispasluiaccordercela.—Jenepeuxpasresteravectoi,Ethan.C’estimpossible.Çamedétruirait,c’estindéniable.Jene
m’enremettraisjamais.Êtreavectoimaintenantmedétruiraitbienplusquecequem’afaitBrandon.—Tun’ensaisrien…Maisl’éclatdesesyeuxs’éteint.Etsesmagnifiquesyeuxbleusressemblentsoudainbiendavantage
àceuxdemescauchemars.Ceuxquimehantentdepuiscinqlonguesannées.—Si,jelesais.
—Comment?Commentpeux-tuenêtresicertainesansmêmeessayer?Ilsembleaussiénervé,perduetblesséquemoi.Jenepeuxplusretenirlavéritéquejerefusaisdedireàvoixhaute,poursonbienautantquepour
lemien.—Parcequemaintenant,quandjeregardetesyeux,jenevoisquelui.Ethanreculecommesijel’avaisfrappé.Jevoudraisretirermesmots.Maisjenepeuxpas,parce
qu’ilsn’exprimentriend’autrequelatristeréalité.Unobstacleinsurmontablesedresseentrenous,pourtoujours.—Jedoisyaller,reprends-jeentournantlaclédanslaserruredelavoitured’unemaintremblante
avantdem’asseoirsurlesiègeconducteur.Cettefois,ilnem’arrêtepas.
Chapitre6
—Çasuffit!Jenesupporteraipasçauneminutedeplus,déclareTorientournantbrusquementàdroitepourentrersurleparkingduUniversityTownCenter.—Çaquoi?Jecontempled’unairabsentleflotdevoitures.UTCestl’undesplusgrandscentrescommerciaux
deSanDiego.PourTori,c’estleparadissurterre.ÀpeinemoinsbienqueParisouRodeoDrive,àBeverlyHills.—Tadéprime!Tasempiternelledéprime.Elles’arrêtedevantunvoiturier.C’esttoutjustesiellenem’arrachepasensuitedusiègepassager.—Çafaitdeuxsemainesque tuesmalheureusecommelespierres, reprend-elle,et jen’enpeux
plus.Ellen’apastort.Jesuiseffondréedepuisquej’aiabandonnéEthansurleparking,lesyeuxpleins
delarmesalorsqu’ilm’aouvertsoncœur.Pourtant,jemesensaussitôtsurladéfensive.Jenevoispasdequoielleseplaint.J’aifaitmonpossiblepournepasinfligermonchagrinauxautres.Si je passe la majeure partie demon temps libre enfermée dansma chambre à contempler les
messagesqu’ilm’aenvoyéslorsquemontéléphoneétaitéteint,quiçapeutdérangeràpartmoi?Etsijenevaisplusàlasalledesportnicourir,àquid’autrequemoicelafait-ildumal?Et si je n’ai pas enviede sortir tous les soirs avecTori dans l’espoir de rencontrer unmecqui
n’arriverapasàlachevilled’Ethan,pourquoidevrais-jemeforcer?—Jenedéprimepas,réponds-jeenattrapantauvolmonsacsurlabanquettearrière.—Tuappellesçacomment,alors?demande-t-elleenmetraînantverslecentrecommercialàciel
ouvert.—Jeréfléchis.—Tuterendsmaladeàforcederéfléchir,etj’estimequeçasuffit.—Etquenousdevonsfairedushopping?—Remballetonmépris,rétorque-t-elle,lesyeuxplissés.Jeteferaisremarquerqueleshoppingest
lasolutionàtouslesproblèmes.Mêmelesproblèmesdecomportementcommelestiens.—Jen’aiaucunproblèmedecomportement!protesté-jeavecunregardfurieuxquidémentmes
paroles.Jesuisjustefatiguée.J’aiunboulotdedingueencemoment.—Leboulot,moncul.Etjecomprends.Vraiment.PerdreEthanFrostn’estpasfacileàencaisser…
mêmesic’estungroscon.—Cen’estpasungroscon.C’estaumoinslacentièmefoisquenousavonscetteconversationdepuisdeuxsemaines.—Ilt’afaitdumal,doncpourmoic’estungroscon.C’estécritdanslemanueldelameilleure
amie.Elle s’éloigne en sautillant, et avec ses cheveux hérissés qu’elle vient de teindre en vert et sa
minirobe assortie, elle ressemble à un farfadet.Un farfadet tatoué et piercé, avec desDrMartens,maisquandmême.C’estpourçaquejel’adore,entreautres.Ouplutôtquejel’adoreraissiellevoulaitbienarrêter
d’essayer de me remettre sur pied. Parce que là, ses initiatives de Marraine-la-Bonne-Féecommencentàmefatiguer.D’autantplusque,denousdeux,Toria toujoursété laplussusceptible,
cellequiavaiteulecœurbriséàdemultiplesreprises,ultrasensiblederrièretoussestatouages.Cequim’oblige àme faire cette réflexion : elle doit vraimentme trouver dansun sale état pour êtreprêteàtoutpourmeconsoler.Peut-êtrequej’aiétémoinsdiscrètedansmonchagrinquecequejecroyais.Maisbon,cen’estpascommesijefaisaisexprès.Oucommesiçameplaisaitd’êtredanscetétat.
Parcequevraiment,cen’estpaslecas.J’aifaitmonpossiblepourchasserBrandondemavieetdemespensées,et levoilàde retour, tapidans les recoinsdemoncerveau,prêtàmesauterdessusàn’importequelmomentcommeunzombiedefilmd’horreur.Etlepire,c’estquejenepeuxm’empêcherdepenseràEthan.Demedemandercequ’ilfait,s’ilva
bien ou s’il pense àmoi.Deme souvenir desmoments avec lui, quand j’étais heureuse, vraimentheureuse,pourlapremièrefoisdepuismonenfance.Maistantpis.Riendetoutcelan’ad’importance.Mavieestenmiettes–etmacarrièreaussi.La
plupartdutemps,sortirdulitetmetraînerjusqu’aucampusdeFrostIndustries,auborddel’océan,est le summum de ce que je suis capable d’accomplir. Une fois à mon bureau, j’essaie de meconcentrersurmesrecherches,monboulot,maistoutdanscesmursmeparled’Ethan,etjemesuisretrouvéeplusd’unefoisrouléeenbouledanslestoilettesàtenterdereprendremesesprits.Demeconvaincrequetoutvabien,oudumoinsquetoutnevapasmal.—Tuesconscientequeleshoppingnesuffirapasàmeremonterlemoral?Enplus,jen’aipasles
moyens.Jenesuisqu’unemisérablestagiairenonrémunéréedeFrostIndustries,aucasoùtuauraisoublié,sifflé-jealorsqueTorim’entraîneverslaboutiqueNordstrom.—Tuvoisbienquec’estungroscon.Avectoutcequ’ilengrangecommepognon,ilnepeutpas
payertroisclopinettesàsesstagiaires,quisetuentàlatâchepourlui?Siça,cen’estpasunloser…—Çanousdonnede l’expérience, et ça fait bien sur leCV.Quedemanderdeplus ?Et il n’ya
qu’en première année qu’on n’est pas rémunéré. Ceux qui reviennent pour un deuxième stageperçoiventuntraitementtrèsconfortable.—Tuneveuxpasarrêterdeprendresadéfense?—Jen’aipasprissadéfense.—Onauratoutentendu…,rétorque-t-elleenlevantlesyeuxauciel.Elles’empared’uneétolequicoûteautantquel’ensembledemagarde-robeetl’enrouleautourde
mesépaules.—Machérie,tuesmaaaagnifique!—Difficiledenepasêtremagnifiqueavecuneécharpeà3000dollars.— Ne crois pas ça, tu serais surprise… Si tu savais ce dont j’ai été témoin au fil des ans, tu
comprendraisquetuviensdedireuneénormité.Ilyadesgensqu’onnedevraitpaslaissersortirdechezeuxsansunbonrelooking,déclare-t-elleenmimantunfrissondedégoût.Ellemepoussedoucementet je tournesurmoi-mêmepourmedégagerde l’étoffedepashmina.
Tori se rue vers le présentoir des chapeaux, tout contre le mur, et attrape le plus ridicule etvolumineuxqu’elle trouve, rosebonbonavecdes fleursviolettes. Ilabeauêtrepresqueaussigrosqu’elle,Toriparvientàleporteravecunpanachequejenepeuxqu’admirer.—Dequoiai-jel’air?—Dequelqu’unquis’apprêteàfouleruntapisrouge.LejourdelaSaint-Patrick,vulerestedeta
tenue.—Parfait.C’estexactementcequejerecherche,déclare-t-elleenmedonnantunechiquenaude.Ellesesaisitd’unchapeaunoiretblancetmel’enfoncesurlecrâne.—Àquoijeressemble?dis-jed’unairrésigné.
Ellesecontentedesecouerlatêteenriant.Évidemment.Toriaunetêteàchapeaux.Toutluiva,duplus beau au plus bizarre. Elle arrive à être belle avec un couvre-chef en carton acheté dans unmagasin de farces et attrapes.Un jour, je l’ai persuadée d’essayer un chapeau de joker, et je vousassurequesiellel’avaitacheté,elleauraitlancéunemode.Alors quemoi, demon côté, je suis unehandicapéedu chapeau, pour le dire gentiment. Je suis
ridicule aussi bien avec une casquette qu’avec un feutre, et même avec les magnifiques créationscouvertesdeplumesetdefleursquel’ontrouvedanslesmagasinsàPâques.Ducoup,Torimefaitessayerdeschapeauxdanslamoindreboutiqueoùnousmettonslespieds.C’estunesortedemission.Elleestcertainequ’unjour,noustrouveronsceluiquimeva.Jesuisloindepartagersonoptimisme,mais,avecTori,çanesertàrienderésister.Bienquejedevineàsonrirequecen’estpasencorel’accessoiredenosrêves,jemetourneversle
miroirleplusproche.Etleregretteaussitôt.Carlecouvre-chefesttrèsélégant,splendidemême,etpourtant,surmoi,ilressembleàunchapeaudeclown.Mêmepasunbeauchapeaudeclown,enplus.—Tiens,essaieplutôtcelui-ci,propose-t-elleenmetendantunarticlerougeàlargesbords.Jem’exécuteet,bienentendu,c’estencorepire.Toriporteàprésentlepremierquej’aiessayé.On
diraitunmannequinencouverturedeVogue–éditionanglaise–,etçanemerendpasjalousedutout.Lasalope.Nouspassonsuneheureàessayertousleschapeauxdumagasin,sanssuccès.Torienatrouvéune
bonnevingtainequiluivontàmerveille,alorsquej’aifiniparmefaireàl’idéequ’uneétoleestpeut-être la seule chose qui m’aille. Tori s’amuse de me voir bouder, puis elle m’entraîne vers lemaquillage,del’autrecôtédelaboutique.—Cequ’il te faut,c’estunnouveaurougeà lèvres,décrète-t-elleavec toute laconvictiond’une
femme qui a toujours cru que le shopping était une thérapie certifiée. Une teinte vive, rigolote etsensuelle.—Jen’aipasbesoind’unnouveaurougeàlèvres.J’enaidéjàunedizaine…Enplus,jenemesenspasfranchementvive,rigoloteetsensuelle,encemoment.Ellepousseunpetitcrihorrifié,lamainsurlecœur,façonScarlettO’Hara.—Blasphème!Onn’ajamaistropderougesàlèvres.Etpuis,personnenepeutêtretristedevant
unprésentoirMAC.Ilyauneloicontreça.—Quelleloi?—Uneloiuniverselle.Quis’appliquepartout.Jepensemêmequ’ellefiguredanslaConstitution,
explique-t-elle,trèssérieuse.Souris.C’estbonpourlasanté.Elleposelesmainssurlescommissuresdemeslèvrespourlesremonter.—Jesouris.Tuescontente?dis-jeenfaisantdemonmieux.—Situconsidèresquesourire,c’estavoirl’aird’êtresurlepointdesefairedévorerparleslions
dansl’arène,alorsc’estplutôtréussi,répond-elle,visiblementécœurée.—Toutvabien,assuré-jepourlamillionièmefois.Jemedisquesi je le lui répèteassezsouvent,elle finiraparmecroire.Maisd’unautrecôté,si
j’arrivaisàymettreunpeuleton,çanousferaitsansdoutedesvacancesàtouteslesdeux.—Jenesuispastriste,jet’assure.Justefatiguée.Torinesedonnepaslapeinederépondreàcemensongeéhonté.—Allez,bouge toncul ! s’écrie-t-elleenm’attrapantpar lepoignet.Onva refaire ta troussede
maquillage.C’estmoiquirégale.JeprotesteenmelaissantentraînerverslecomptoirMAC:—Jen’aipasbesoindenouveauxproduits.
—Tuasbesoindequelquechose,répond-elleavecunreniflement.Alorspourquoipasça?Ellearaison,jelesais.Jefaispeuràvoir,etjenesaispascommentarrangerça.Çafaitdeuxsemainesquejen’aipasvuEthan.Deuxsemainesquemoncœurs’estbrisépourla
deuxièmefois.Ilnem’apascontactée:nicoupdefil,nitexto,nimail.Ilnem’amêmepasenvoyél’un de ces colis auxquels je m’étais habituée quand nous sortions ensemble – ces petites boîtesrempliesdecoquillages,desachetsdethéetdemilleautreschosesquilefaisaientpenseràmoiouquidevaientmeplaire.Non,aucunenouvelled’Ethan.Jesaisqu’ilnefaitquerespectermonsouhait.Jenefaispaspartie
decesfemmesquidisentunechosealorsqu’ellesenpensentuneautre.Sij’aiaffirméàEthanquejenepouvaisresteraveclui,c’estlavérité.Maisçanem’empêchepasderessentirlemanque,toutelajournée,touslesjours.Iln’yaque lanuitque jene regrettepas sonabsence.Messonges sontpeuplésparBrandon, le
viol,etlesmoisetlesannéesterriblesquiontsuivi.LepiredemescauchemarsestceluioùjecroisêtreimmobiliséesurlesiègepassageretvioléeparBrandon,avantdem’apercevoirqu’ils’agitenréalitéd’Ethan.Jesaisquecen’estpasvrai,maischacunedecesvisionsmerapprocheunpeuplusdelafolie.Pour lutter, j’ai presque entièrement renoncé à dormir. Ça fait des jours que je neme suis pas
reposéeplusd’uneheureoudeux.Jesuisépuisée,malheureuseetparanoïaque.Lemoindrebruitdansmon dos me fait croire qu’on m’attaque, chaque ombre que j’aperçois me semble être celle dequelqu’unquimeguettepourm’agresser.Sionajouteàçalablessurebéantelaisséeparl’absenced’Ethan,etquin’amêmepascommencéà
cicatriser, pas étonnant que Tori pense que j’ai besoin d’une thérapie, quelle qu’elle soit. Si çacontinuecommeça,jeseraibientôtbonnepourl’asile.—Quepuis-jefairepourvous?medemandelevendeurderrièrelecomptoir.Ilporteàluitoutseulplusdemaquillagequejen’enaidansmestiroirs,etpournerienarranger,il
estmagnifique.Lavieestparfoisbieninjuste.—Elle abesoindechangerdemaquillage,déclareTori enmemontrantdudoigt. Il lui fautun
nouveaulook.—Ahoui,jevoisça…Sileproposparaîtblessant,niletonnil’expressiondujeunehommenelesont.—Viensici,etlaisse-moiteregarder.Jem’appelleSam,aufait.—Moi,c’estChloe.Etmacopinecomplètementsiphonnée,là-bas,c’estTori.Nous regardons tous deux avec stupeur Tori choisir cinq ou six ombres à paupières sur le
présentoir et appliquer chacune d’entre elles autour de ses yeux. Bien entendu, elle s’abstientd’enleverlemaquillagederockstarqu’elleportedéjà.—Elleaimelescouleurs,pasvrai?commenteSam.Ilneditpasçaavecmépris,mais il estpour sapartvêtudenoirde la têteauxpieds, jusqu’aux
écarteursqu’iladanslesoreilles.—C’estpeudeledire…NouspassonsencoreuneminuteàcontemplerToridanssacrisedefolie,puisilmeconduitvers
troisprésentoirsinstallésderrièrelecomptoir.—Dequoituasenvie,exactement?demande-t-ilunefoisquejesuisinstalléedanslefauteuil.Jehausselesépaules.Aprèstout,cen’étaitpasmonidée.—N’importequoiquimasquecettetêtedemacchabée,indiqueTorienseprécipitantversnous.Jem’attendsàcequ’elleaitl’aird’unclown,avectoutcequ’ellevientdesemettresurlafigure,
maisellearriveàêtreplusjoliequejamais.Pourçaaussi,jedevraisladétester.—Allons,allons!tempèreSam.Elleajustel’airunpeufatiguée,c’esttout.Çapeuts’arranger.—Ellesortd’unerupturedifficile,expliqueTori,suffisammentfortpourêtreentenduejusqu’au
rayonchaussures,àl’autreboutdumagasin.—Oh,mapauvrechérie!compatitSam.Jeviensdepasserparlà,moiaussi.C’estl’enfer.—Tuasl’airdetenirlecoupbienmieuxquemoi…C’estvrai.Ilestresplendissant.—C’estpourçaqu’ilfautquetuchangesdemaquillage,déclare-t-il.Unbonrougeàlèvrescache
biendesmisères.—Tuvois!Jetel’avaisdit!s’exclameTori,triomphante.Etc’estainsiquejemeretrouveàpasseruneheureetdemiesurlefauteuildemaquillage,quifait
divandepsyenmêmetemps.Sampoudre,applique,brumiseetmélangejusqu’àcequejecraignedeporterplusdemaquillage
que toute la troupe duCirque duSoleil réunie.Et tout ça sans cesser un instant demedonner desconseilspoursurvivreàlaséparation.Fixe-toiunplanningquotidien.Nepassepastesjournéesaulitàruminerdesidéesnoires.Tu dois porter chaque jour de jolis vêtements.Une belle robe est toujours un rempart contre la
tristesse.Netelaissepastropaller.Ilnefautpasquetusoisundéchetlejouroùtutesentirasprêteàsortir
denouveau.J’ignoresicesaphorismesdoiventêtreprisaupremierdegré,ousiSamtentedemefairerire.Peu
importe,car,lorsqu’ilafini,jemesensmieuxquejen’aiétédepuisquejemesuistrouvéenezànezavecBrandonsurlepasdelaporte,chezEthan.Sammetendunmiroiravecun«Tadaaaa!»théâtral.Ilafaituntravailincroyable.—Tuenpensesquoi?demande-t-ilalorsquejemedévisage,lesyeuxronds.—Jepensequetusaisfairedesmiracles.—J’essaie,machérie,j’essaie,répond-il,flatté,avantd’attraperunepoignéedebristolsdansson
tiroir.Jevaistouttemontrerpourquetupuisseslereproduireàlamaison.—Jedouted’yarriver…—Biensûrquesi!Pendantunedemi-heure, ilm’expliquepas àpas comment arrangerma tête chaque jour. J’aidu
malàcroirequ’iln’aitpasusédemagie,maisjedécidedesuivresesconseils.Mêmesijem’attendsàrencontrerunécheccuisantdèslapremièretentative.Tori insiste pour payer tout ce que Sam me recommande, bien que je me débatte. Après tout,
commeledit le jeunehommedanssagrandesagesse,c’estàçaqueservent lescartesdecrédit :àfairedesfoliespourréparersoncœurbrisé.Jenesuistoujourspasrétablie,maisjedoisadmettrequejemesensmieux.C’estundébut.Nouspassonsleresteduweek-endànousgaverdeglaceenregardantTitanicettoutuntasd’autres
histoires d’amour qui finissent mal. Rien ne vaut un naufrage et des centaines de morts pourrelativisersespropresdéboires.Oudumoinspouravoirl’impressionquec’estuntoutpetitpeumoinsdouloureux.Quandarrivelelundimatin,j’airéussiàdormirpresquehuitheuresendeuxjours.C’estunrecord
pourmoicestemps-ci.Jenemesenspasvraimentreposée,maisaprèsavoirconsacréuneheureàmonmaquillage,l’illusionestparfaite.
C’estungrandjourpourledépartementjuridique.NousnousrendonsdansleslocauxdeTrifectapour négocier les principaux points de l’accord de fusion, ceux qui traitent de la propriétéintellectuelle.Celafaitdessemainesquenouspréparonscetteréunion,etj’espèrevraimentqueçavabiensepasser.Sinon,jenevaispasleverlenezdemesrecherchessurlesbrevetsdetoutl’été.Jem’habilleavecsoin,enfilantl’éterneltailleurquejeportepourlesgrandsrendez-vous.Jevais
jusqu’àmechausserdesescarpinsLouboutinqueTorim’aofferts,etque jen’aipasportésdepuisqu’ilsm’ontexplosélespiedslorsdemapremièrejournéeàFrostIndustries.Aprèsm’êtreattachélescheveuxenunchignonsophistiqué, jesuisaussiprêtepourcette réunionque jepeux l’être.Enréalité, jenevaisrienfaired’autrequeprendredesnotesetconsulteruncassionmeledemande,maisilfauttoujoursavoirlatêtedel’emploi.Silesautresycroient,j’ycroiraiaussi.Telleestmadevise.Etçamarche.Mieuxquedepleurersurmonnombril,entoutcas.Torineracontepeut-êtrepasque
desbêtises,aprèstout.Enarrivantsurleslieux,jemesenspresquebien.Oumoinsmal,entoutcas.Cen’estpasterrible,
mais je m’en contente. Je gagne en confiance alors que je traverse le bâtiment et que quelquescollèguesmecomplimententaupassage.Lorsquej’arrivedanslasallederéunionchezTrifecta,j’aipresqueréussiàrepousserEthandansuncoindemonesprit.Çanedurerapaslongtemps,jelesais,maisjevaisenprofitertantqueçadure.Penseràluiunefoisparminuteaulieudesoixante,c’estdéjàunprogrèsconsidérable.Entoutcas,c’estcequejemeraconte.Etbiensûr,c’estàcemoment-làquemajournée,sisoigneusementplanifiée,s’écrouleautourde
moi.Parcequ’au lieud’êtreàParis,dansuncongrès international, ilest là. Icimême.Justedevantmoi.L’airaussiépuiséettenduquemoi.Je n’ai eu qu’une seconde pour assimiler l’idée lorsqu’il me remarque. Aussitôt, mon rythme
cardiaquetripleetjememetsàtranspirersousl’effetdel’adrénaline.Réflexedefuiteancestral.Jesuissurlepointd’écoutermoninstinct–etdedétaler,commel’êtrehumainlefaitdepuislanuit
destemps–,lorsqu’illèvelatête,balaielegroupeduregardets’arrêtesurmoi.Il resteplusieurssecondessansciller, sansbouger,sansmêmerespirer.Moinonplus.Comment
pourrais-je,alorsquejecontemplesesyeux–sibeaux,maiscommehantésetagitésparunetempêteintérieure–etyvoislerefletdetoutcequejeressensetdetoutcequejeredoute?—Chloe…Ilmurmuremonprénom,etjesensvolerenéclatstouteslesbarrièresquej’aiérigéesautourde
moietdemoncœur.
Chapitre7
Ethan.Ethan.Ethan.Sonnomrésonnecommeunepulsationdansmesveines,unmantradansmonâme.Ethan.Ethan.Ethan.Toutcetravail.Toutescesheures,cesjournées,passéesàessayerd’avancer.Toutescesfoisoùje
mesuisrépétéquej’allaisyarriver,quej’enétaiscapable.Toutçaflanquéparterreenunefractiondeseconde.Ethan.Ethan.Ethan.Ilestlà,justeici,devantmoi.Etmalgrétoutcequis’estpassé,jedoislutterpournepasmejeter
danssesbras.Je ne sais que faire, que dire, comment me comporter. D’un côté, je n’aimerais rien tant que
traverserlapièceencourantpourm’asseoirsursesgenoux.Enfouirmonvisagedanssoncouetlesupplierdeneplus jamaismelâcher.Fairecommesi lesdeuxdernièressemainesn’avaient jamaisexisté,etquetoutecettesouffrance,cettedétresse,n’étaitqu’uncauchemar.Maisd’unautrecôté–etçacompteautant–, j’aienviedepartirencourant.Ouaumoinsdeme
cacherderrièreunfauteuiletden’enressortirquelorsqu’ilneserapluslà.Lorsqu’ilauracessédemeregarder,pétrifié.Oupirequeça.Entre les deux, la seconde solution est sans nul doute la meilleure. Humiliante, certes. Pas très
professionnelle,c’estvrai.Maisbienplusvivablequederesterplantéelààmesouvenirdel’effetqueçamefaisaitd’êtredanssesbras.D’êtreaiméedelui.Pourtant,bienquejesachequec’estunetrèsmauvaiseidée,jenepeuxm’empêcherdefaireunpas
vers lui.Puisunautre,etencoreunautre.Enquelquessecondes, jesuis justedevant lui,assezprèspour toucher ses cheveux soyeux ou ses joues rasées de près. Pour remarquer le mouvementirrégulierdesontorsederrièrelasoiebleumarinedesachemise.Ilmesuffiraitdeposerlamainsurlui,commej’enmeursd’envie,poursentirlesbattementsdesoncœur.—Ethan.J’ai parlé d’une voix torturée, entre le murmure et le sanglot, mais il m’a entendue. Les yeux
plissés,ilserrelespoings.Jelisdanssonregardqu’ilcomprendtoutcequejeneparvienspasàdire.Ilresteunlongmomentsansréagir,sansbougerlemoindremuscle.Puis,d’uncoup,ilsepenche
en avant sur sa chaise, et je crois que c’est lui qui va le faire. Lui qui va rompre notre accord sifragile.Metouchercommej’enbrûled’enviedepuisquejel’aiquittésurleparking.Maissonregardsevidedetouteexpressionetilmeregardecommesijen’étaispaslà.Pireencore,commesijen’avaisjamaisétélà.—Lorraine,dit-ildoucementàl’unedesjuristesseniorsdeFrostIndustries,assisesurunechaise
verslemilieudel’énormetable.Est-cequetuasladocumentationsurlecasO’Riley?Jecroisquelesprécédentsvontnousservirpourlanégociation.Ilcontinueàdiscourirsurcecas,maisjenel’écouteplus.Ilnem’apprendrien.Merde,c’estmoi
quiai fait les recherchesetdécouvert lesprécédentsdont ilparle.Ça faitdes semainesque je suisplongée dans ces dossiers jusqu’au cou. Mais c’est lui le patron. S’il préfère confier l’affaire à
Lorraine,jen’aipasàm’enoffusquer.Pourtant, c’est le cas. Je suis horriblement vexée. Ethan ne m’avait jamais, pas une seule fois,
regardéecommeça.Commesijeluiétaistotalementindifférente.Commes’ilnemeconnaissaitpas.Commesijen’avaisaucuneimportance.Çamefaitmal,bienplusquejenem’yattendais.Peut-êtreparcequejesaisque,quoiqu’ilarrive
entrenous,jeneseraijamaiscapabledeleregarderainsi.Jamaisjenepourrailetraitercommes’iln’étaitrien,aprèstoutcequ’ilareprésentépourmoi.—Chloe,excuse-moi.Lorrainemepoussedoucementpours’asseoiràmaplaceenfaced’Ethan,etsemetàparleràtoute
vitesse, résumant l’affaire dans ses grandes lignes. C’est pourtant moi qui ai passé des heures àéplucherlesdocumentsdutribunal.Parcequec’estmonboulot,medis-jeaveccolèrealorsquejereculepourluilaisserplusd’espace.
Jesuisstagiaire,l’unedeceuxquifontlesrecherchesetletravailingrat.Elleestjuriste,l’unedeceuxqui interprètent le résultat de ce travail ingrat et endégagent la signification– et cequ’onpeut enobtenir.Jen’aiaucuneraisondeluienvouloir.Maisjenepeuxpasm’enempêcher.Surtoutqu’Ethanlaregardeintensément.Aveclemêmegenre
d’attentionqu’ilm’accordaitlorsquejeluiparlaisdutravail–oud’autrechose.Unefoisdeplus,c’estmafaute.C’estmoiquiaimistantd’acharnementàleteniràdistance,ces
deuxdernièressemaines.Quin’airéponduniàsestextosniàsesappelsdepuislematinoùj’aiquittésamaison.Jen’aipasledroitd’êtrefâchéequ’ilm’aitpriseaumotetaittournélapage.JereculeencorederrièreLorraine.Detoutefaçon,jen’airienàfairelà.Engénéral,lesstagiaires
s’asseyentàunepetitetablederrièrelesjuristesdeFrostIndustries,ordinateursallumésetrecherchesdisponiblespourclarifiertoutedifficultéquipourraitsurgir.Jesuiscertainequetoutlemondes’estinstallépendantletempsoùj’aiététropoccupéeàmelanguirdupatronpourposermasacoche.Ilesttempsd’yremédier.Mais alors que je recule encore et commence à me retourner, le talon droit de ces Louboutin
ridiculessecoincedansletapisetjecommenceàtomber.Paniquée,jetentedemerattraperàlatable,maisjesuistroploinetjelamanque.Je me prépare à la chute – la douleur et surtout l’humiliation de me ramasser dans une pièce
remplie demes pairs et demes supérieurs –,mais elle ne se produit pas. Rapide comme l’éclair,Ethantendlesbras,m’attrapeparlesreversdemavesteetmetireverslui.Ilmeretientletempsquejesoisdenouveaustable.Dèsquej’airetrouvémonéquilibre,ilmelâcheetserassied,tournantdenouveausonattentionversLorrainecommeunrayonlaser.Oncroiraitqueriendetoutçanevientdeseproduire.Qu’ilnem’apassauvéeduridicule,etdenombreuxhématomes.Jenecomprendspascommentilpeutresteraussidétendu,alorsquejesensencorelefrôlementdu
dosdesesmainssurmesseinslorsqu’ilm’arattrapée.Quejevibretoujoursdelapuissanceetdelaforcedesesbrasquimeretenaient,etdelaréactiondemoncorps,contrelaquellejelutte.—Merci…,dis-jed’unevoixsirauquequejelareconnaisàpeine.Ilneréagitpas,nem’accordepasmêmeunhochementdetêtequimontreraitqu’ilm’aentendue.Jem’écartepourdeboncettefois,attentiveànepastrébucherdenouveau.Jeretourneàmatable
sansautreincidentetcommenceàpréparermonpostedetravail.Ordinateur,alluméetconnectéauréseauinternedeTrifecta,OK.Blocetstylosprêtspourprendredesnotes,OK.
Mémodecinquante-cinqpagespréparéàlademandedemaresponsableàportéedemain,OK.Jesuisaussiprêtequejepeuxl’êtrepourcetteréunion,mais,aulieudememêleràlaconversation
desstagiaires, jepasse lesquelquesminutesquiprécèdent ledébutdesnégociationsà tripotermontéléphone.Joueravecmesstylos,m’assurantqu’ils sontparfaitementalignés.Relire lemémoavecunetelleconcentrationqu’onnedevineraitpasquejeleconnaisparcœur.Quandlaséancecommenceenfin,jesuisauborddelacrisedenerfs.J’aibeaumejurerquejene
regarderaipasEthan, jen’arrêtepasde le faire,ducoinde l’œil. Jenesuispas laseule–c’estunhommebrillant,charismatique,etilestimpossibledenepasêtreattiré,surtoutquandilparticipeauxdernièresnégociationsavantlafusion.Unautredirecteurgénéralneseraitpeut-êtremêmepasprésent,carlesjuristespeuventsecharger
desdétails.Maiscesontdesdétailsimportants,etEthann’estpasdugenreàlesnégliger.Certes,jelecroyaisàParis.Maispuisqu’ilestlà,jenepourraispasl’imaginerratercetteréunion.Cettefusion,etce qu’elle apporte – pas seulement àFrost Industries,mais aussi auxblessés deguerre qu’Ethan aconsacrésacarrièreàaider–,esttropimportanteàsesyeuxpourqu’illaissequelqu’und’autres’enoccuper.La réunion dure toute la journée, et je la traverse comme dans un brouillard. Je tente de me
concentrer,maischaquefoisqu’Ethanprendlaparole,lesondesavoixmetrouble;jesenspoindrelapassionderrièrechacunedesesquestionsetdanslesréponsesqu’ilexige.Detempsen temps,onnousdemandedesfaitsprécis,mais leplussouvent lesstagiairesnesont
que spectateurs. Ce qui, normalement, est déjà exceptionnel, car assister aux négociations finalesd’unefusiondecetteimportanceestunefabuleuseoccasiond’apprendre.Lestroisautresstagiairessavourentchaqueminute,maispourmoicelarelèveplutôtdelatorture.Après des heures de joutes verbales et demanœuvres juridiques, des accords sont conclus et la
réunions’achève.LesgensdeTrifectaéchangentquelquesbrèves félicitations,puisnous laissentànotresort,etEthannousadresseunpetitdiscoursderemerciementspourletravailfourni.Bienquel’affaire soit loin d’être réglée – des centaines d’heures de travail seront encore nécessaires pourfaciliter la transition–, leplusgrosest fait.Lesdernierspoints importantsontété résolus,et ilnerestequ’àétablirleplanningdelafusiondesdeuxentreprises.Jecommenceàrangermesaffaires,pasfâchéequelajournéesetermine.Maisavantquej’aiepu
fourrermonordinateurdansmasacoche,Ethanreprendlaparole.—J’ai réservéune tablepournous tousainsique lesgensdeTrifecta auMarineRoom ce soir,
pourfêterl’événement.J’espèrequevoussereztousprésents.Les autres stagiaires –Robert, Jonah etAlyssa–bavardent avec excitation, etmême les juristes
semblent se réjouir de dîner dans l’un des meilleurs restaurants de La Jolla. Pour ma part, jepréféreraisbiensûrrentreràlamaisonpourmangerunesoupeenconserveetm’écroulerdevantlatélé,oubien, jenesaispas,me fairearracherunemolaire,maisnepasaccepter l’invitationseraitgrossieretpeuprofessionnel.Sanscompterqueçamontreraitquejesuisincapabledesupporterlaprésenced’Ethan.Cequi est vrai –on l’abienvu cematin–,mais tout lemonden’apasbesoinde le savoir.Ma
relationavecEthanafaitl’objetdesconversationsdemachineàcafédepuismonpremierjourchezFrostIndustries.Jen’aipasenvied’aggraverlasituationendéclinantuneinvitationprofessionnelle.J’aiplutôtintérêtàyfaireunsaut,etàm’éclipsersitôtlerepasfini.Dumomentquejesuisassiseleplusloinpossibled’Ethan,toutdevraitbiensepasser.Toutnesepassepasbien.Loindelà.CarsilamoitiédusalonprivéauMarineRoomestéquipéede
tablespourledîner,personnen’estassis.Noussommesdebout,àbavarder,pendantquedesserveursen veste blanche passent en portant des plateaux chargés de boissons et de petits-fours. Tori sesentiraitcommeunpoissondansl’eau,maisjen’aimepascegenredesoiréemêmequandjesuisenforme.Cequin’estpaslecas.Pourcommencer,lesautresstagiairesontremarquélafaçondontEthanmetraite–ouplutôtneme
traitepas–etprofitentàfonddufaitquej’aieperdusafaveur.Jesuis lacibleidéaledepuisquej’aidécrochéledossierTrifecta–etEthan–lamêmesemaine.
Sousl’égidedeRick, l’undesstagiaires lesplusanciens,quiest icicesoircar ilafaitpasmalderecherches préliminaires sur la fusion, j’ai été ostracisée, ridiculisée, et même harcelée parl’ensembledemescamarades.Onnepeutpasdirequejefasseledosrond–siquelqu’unm’attaque,je sors les griffes –,mais je nepeuxpas faire grand-chose alors que, la plupart du temps, tout sepassedefaçonplussubtile,sansconfrontationdirecte.Sijeneveuxpaspasserpourunehystérique,j’aiintérêtàfairecommesiderienn’était.Etjem’ytienslaplupartdutemps.Maiscesoir,c’estdifficile:l’ensembledugroupe,massédans
uncoinaveclesstagiairesdeTrifecta,semblebiens’amuser.SiRickn’étaitpaslà,jetenteraissansdoutedemejoindreàeux,maisjeneveuxpasrisquerunenouvellehumiliationpublique.Enoutre,jen’aipasparticulièrementenviedepasserlasoiréeavecceconnard.Dansuneautreréception,jemecontenteraisdechercherquelqu’und’autreàquiparler,mais,dans
lecasprésent,jedoistenircomptedelahiérarchieenplace.Lesjuristesseniorsdesdeuxentreprisesdiscutententreeux,tandisquelesjuristesjuniorssontdeleurcôté,etquelesstagiairesformentungroupeàpart.EthanetlespatronsdeTrifectasontlesseulsàcirculerparmilesinvités,consacrantquelquesminutesàchacun.Chacun, saufmoi, de toute évidence. Cela fait trois quarts d’heure que nous sommes arrivés et
Ethannem’apas regardéeune seule foisdans lesyeux.Bien sûr, ilmevoit. Je le saisparcequ’iln’arriveraitpasaussibienàm’éviterdanslecascontraire.Dèsquenoussommestropprèsl’undel’autre,oumêmequejemeretrouvedumêmecôtédelapiècequelui,ilsedéplace.Jesaisiscequ’ilfait,jecomprendsetjesuisd’accord.Maisçan’estpasfacilepourautantd’êtrelà,
danscettepièce,etdesubirça.SurtoutquandjesensquetouslesemployésdeFrostIndustriesontlesyeuxbraquéssurnous,sedemandantcequisepasse.Toutelajournées’estdérouléeainsi,etilsonteulargementletempsdetirerdesconclusions.Je
supporte sans mal l’hostilité des stagiaires – j’ai vécu bien pire avec Brandon et ses copains aulycée–,maissavoirquemachefetlesautresjuristesspéculentàmonsujetmerendmalade.Àmoinsquecenesoit justeuneréactionphysiqueaufaitd’êtresiprèsd’Ethansanspouvoir le
toucher.Jesaisquec’estmafaute,quec’estmoiquil’airepousséetnonl’inverse.Demêmequejesaisque
ça ne peut pasmarcher entre nous, dumoins tant que son frère fera partie du paysage.Mais c’estquandmêmedurdetournerlapage,demesouvenirquejenedoisplusl’aimer,alorsquesaseuleprésencedanslapiècemetroubleauplusprofonddemoi.Metroublejusqu’àl’âme.—Désirez-vousuneautrecoupedechampagne,madame?medemandeunserveurenmetendant
sonplateau.Jem’apprêteàrefuser–j’enaidéjàbudeux–,maisuncoupd’œilauxautresmelaissedevinerque
lasoiréevaêtrelongue.Jevaisavoirbesoindecouragepourlatraverser.—Oui,jevousremercie,dis-jeavecunsourireavantdemedétourner.JesuisplusintéresséeparEthan,appuyénonchalammentcontrel’unedesvastesbaiesvitréesqui
surplombent l’océan. Bien qu’il soit en grande conversation avec Lorraine et l’un des juristes de
Trifecta, je devine qu’il me surveille. C’est la première fois depuis ce matin qu’il m’accorde unregard,etmoncœurs’affoleaussitôt.Je lève mon verre pour le saluer, me demandant comment il va réagir. Je m’attends à un
haussementdesourcils,unfrémissementdeslèvres–quelquechosequimontrequ’ilsaitquejel’aisurprisentraindemeregarder.Aulieudeça,ilmedévisagelonguementensilenceavantdesetourneravecunelenteurdélibérée
etuneimpolitesseflagrante.Encoreunefois.C’estlagoutted’eauquifaitdéborderlevasequin’afaitqueseremplirdepuiscematin,ouplutôt
depuis deux semaines. Je ne peux pas le supporter, alors qu’ilmemanque à un point intolérable,commeunmembrefantôme.Commesij’étaisincapabledemedéfairedemonaddiction.Toutenmoibrûledeleretrouver,avecunetelleviolencequej’enperdslesommeil.Çameflanque
parterre.Etj’aipeurquecedésirnefaiblissejamais.Sansm’accorder le tempsderéfléchir, jemejettevers laporte,prenantàpeinelesoindeposer
monverrequelquepartauhasard.Jenesaispasoùjevais,etçam’estégal,dumomentquec’estloind’ici.
Chapitre8
—Eh,çava?Jesursaute,surprise,avantdemeretournerpourvoirquis’estdonnélemaldemesuivreaprèsma
sortiepastrèsauguste.Cen’estpasquelqu’undeFrostIndustries,c’estcertain.Laplupartd’entreeuxm’enveulentdesortiravecEthan,etlesautresontpeurdefaireunfauxpas.En effet, le type qui se tient sur le pas de la porte du restaurant est l’un des juristes juniors de
Trifecta.Jake,ouJace,untrucdanslegenre.—Çavatrèsbien,pourquoi?Ilsembleprendrelaquestionpouruneinvitationàmerejoindresurlaplage,oùjeregardelevent
secouerlesénormesvagues.—Tuespartiesans tonchampagne.J’aipenséquetu leregretteraispeut-être,déclare-t-ilenme
tendantuneflûtepleine.C’estàlafoiscucul,ridiculeetparfaitencetinstant–tellementmieuxquedemefaireremarquer
quejenesuispastrèsloind’êtreuneparia.Jenepeuxm’empêcherderire.—Eneffet,jeregrettais.Merci.Jeprendsleverreetlelèveàsasanté.—Derien.Tut’appellesChloe,c’estbiença?Il s’approche. Ses chaussures élégantes font un bruit de ventouse lorsqu’il marche sur le sable
mouillé.—Oui.Ettoi…c’estJace?dis-jesansenêtresûre.—Exactement.Ilyaunsacrévent,cesoir.L’océanestdéchaîné,dit-ilenregardantlerivage.—Jetrouveçamagnifique…Jesuistoujoursémueparlesflotsquandilssontaussiagités.J’aimececôtésauvage.Ouimparfait.
Jepourraisrestertoutelanuitàregarderleventfouetterlesvaguesjusqu’àlatempête.Ilacquiesce,maisjevoisbienqu’iln’estpasd’accord.Ouqu’ilnecomprendpas,jenesaispas.
Maisavantquejen’aiepucreuser,unebourrasquenoussecoueetjefrissonnemalgrémoi.—Tuasfroid.Ilôtesavested’ungesteetladrapesurmesépaules.Jesursauteenlesentantsiproche,etjetteun
regardverslerestaurant.Lasalleprincipalesurplombelaplage,etjepeineàréprimerunsoupirdesoulagement.Noussommessouslesregardsd’unetrentainedepersonnes.Jenecrainsriendeplusquesijemetrouvaisdansunlieupublic.Non que Jace soit menaçant, mais mon passé m’a donné le sentiment qu’on n’est jamais trop
prudent.C’estpourçaquejen’aipastouchélechampagnequ’ilm’aapporté.Certes,jenepensepasqu’ilyaitdissousquoiquecesoit,maisunefemmeaintérêtàtoujoursseméfierdesinconnus.—Tuveuxmarcherunpeu?mepropose-t-ilaprèsuneminutepasséeàcontemplerlamer.—Bonneidée.Contrairement à lui, j’ai été assez futée pour enlevermes chaussures avant dem’avancer sur le
sable,et jen’aidoncriencontre le faitdemepromener,àconditionde restersous les fenêtresdurestaurant.Enoutre,n’importequoivautmieuxquedemetrouverdanscesalonprivéétouffant,encompagniedegensquimehaïssent,etoccupéeànourrirdesrêvesimpossibles.—Tut’enesbiensortie,aujourd’hui,meditJace.Laplupartdesstagiairespaniquentquandonles
interroge,maistuétaisàtonaise.—Jen’avaispasgrand-choseàfaire,justeconsulterdesrecherchesquej’avaisdéjàeffectuées.Ce
n’étaitpasnonplusdelaneurochirurgie.—C’étaitquandmêmepasmaldetevoirgardertoncalmechaquefoisquetonéquipefaisaitappel
àtoi.J’étaisimpressionné.Si j’ai gardé mon calme, c’est parce que j’étais à des kilomètres de là, et que je m’en fichais
éperdument. J’étais bien trop obsédée parmes sentiments envers Ethan pourme concentrer sur lemoment présent. Je n’en suis pas fière, et jeme garderais bien de l’avouer à Jace alors qu’ilmecomplimentesurmonprofessionnalisme.Maisjenevaispasnonplusmentir–niàmoiniàlui.Jemecontentederépondre:—Tut’esbiendébrouillé,toiaussi.Ça me permet de réorienter la conversation vers lui, et en plus, c’est vrai. C’est lui qui a fait
apparaîtretroisdespoints litigieuxconcernant lapropriétéintellectuelle,et ils’estbattucommeunlion pour les défendre. L’équipe de Frost Industries a dû céder sur deux des points, une grandevictoirepour lui etpourTrifecta.À la finde la journée,mêmeEthan s’intéressait à lui.Avecplusd’irritationquedesympathie,maistoutdemême.Nouslongeonslerestaurant,quiépouselacourbedelaplage.L’architecteaconçulebâtimentpour
sefondredansl’océanetnonpourledomineroulesurplomber,etc’estmagnifique.Àmaréehaute,l’eaurecouvrelesablequenoussommesentraindefouleretvientbattrelesmursdurestaurant,justesouslesbaiesvitrées.Torim’aracontéqu’onal’impressiondeflotterenpleinemer.J’aimeraisbienvoircequeçadonne,unjour.—Tuesdansquellefac?demandeJacealorsquenouslongeonsunautrecôtéduMarineRoom.Jem’apprêteàrépondre,maisperdslefilenm’apercevantquenoussommesmaintenantdevantles
fenêtresdusalonprivéoùEthanreçoit.Lemurn’estqu’unelargebaievitréequinousdonneunevueparfaitesurlapièce.Tout lemonde s’est assis pour commander, et j’envisageun instant de les rejoindre. Jen’ai pas
faimdutout,nienviedeprendreplaceàunetableavecdesgensquiseferontunplaisirdem’ignorerou deme réduire en pièces,mais je ne peuxm’empêcher deme dire que je ne respecte pasmesengagementsenrestantàl’écartdusalonoùsetrouventmachef,sachef,etlechefdelachef.—Tuveuxrentrer?proposeJaceensuivantmonregard.Onpeutremettrelabaladeàplustard.—Non,jesuisbienici.Maisjeneteretienspassituveuxyretourner.Jefaismined’enleversaveste,maisilm’arrêted’unemainsurl’épaule.—Non,non.Jepréfèrerestericiavectoiqued’écoutermescollèguessefairemousser.J’éclatederire.Jecomprendstellementdequoiilparle!J’aperçoisEthan,assisàl’unedestables.Ilestenconversationavecunefemmeassiseàsadroite–
l’unedesjuristesseniorsdeTrifecta–,maisnecessedejeterdesregardsverslaporte,commes’ilcherchaitquelqu’un.Moncœurs’affoleunpeuàl’idéequec’estpeut-êtremoiqu’ilattend.Cequiest idiot,sionsait
combiendepromessesjemesuisfaitesàsonsujet.Maisjenepeuxpasm’enempêcher.Jesaisquejenepeuxpasêtreaveclui,qu’ilest impossiblequejepassemavieauxcôtésd’unhommeenqui jevoislefantômedeBrandon.Cen’estnilafauted’Ethannilamienne.C’estcommeça,c’esttout.—ÇafaitcombiendetempsquetuesstagiairechezFrost?questionneJace.—Jeviensdecommencer,cetété,dis-jeenmeforçantàdétournerlesyeuxd’Ethan,quiregarde
encorelaporte,etàmetournerversJace.J’apprendsbeaucoup,maisc’esttrèsexigeant.—Jetecrois.Maistudoiscartonner,pourqu’ilst’aientdéjàconfiécedossier.Çafaitlongtemps
queFrostchercheàacquérirTrifecta.Jenesaispaspourquoi,maisilsembleytenir.Je connais la raison ; Ethan me l’a révélée il y a plusieurs semaines. C’est celle qui explique
égalementqu’ilsesoitmontrésipointilleuxpourêtrecertaind’obtenir la totalitéde leurpropriétéintellectuelle.Trifectaaconçuuntraitementrévolutionnairepourlesgrandsbrûlés,quipermetdelessoigner plus rapidement, tout en laissant moins de cicatrices que les méthodes déjà existantes.Malheureusement, ilsn’ontpas lecapitalquipermettraitderendreces traitementsdisponiblespourl’arméeetleshôpitaux.Desoncôté,Ethanenalesmoyens,etilestdéterminéàagir.Aprèsavoirrencontrélespatientsduservicedesgrandsbrûlésdel’hôpitalmilitairedeSanDiego,
jecomprendssonentêtement.Lesautresnesaisissentpas,maismoisi.Ethanprendàcœurd’aiderceuxquienontbesoin,ets’ilestparfoisunpeudur,lejeuenvautlachandelle.—Alors,tuasquelquechosedeprévucesoir,aprèsledîner?reprendJaceaprèsunsilenceunpeu
troplong.—Jerentrechezmoi.Jereculed’unpas,discrètementj’espère.Certes,nousn’étionspascollésl’unàl’autre,etiln’apas
eudegestedéplacé…Pourtant,ilmesemblesoudainqu’unpeud’espaceseraitpréférable.—J’aiuneréuniontôt,demainmatin,ajouté-je.—Punaise,quelesclavagiste,ceFrost,pasvrai?Toutlemondeledit,maisjen’yavaisjamaiscru.
Il pourrait quandmême vous laisser souffler, alors que vous venez de lui décrocher cette fusion.Qu’est-cequ’ilveut?Voustueràlatâche?Ilparlesurletondelaplaisanterie,maisjeperçoisautrechosederrièresonpropos,etçamemet
encoreplusmalàl’aise.— En fait, c’est la réunion habituelle des stagiaires. Elle a lieu tous les mercredis, dis-je en
enlevant sa veste pour la lui rendre. On ferait mieux de rentrer. On dirait qu’ils sont prêts àcommander.—Eh,neleprendspascommeça!Jenevoulaispastevexer.J’avaisjustel’impressionquevous
nevousétiezpasséparésentrèsbonstermes,vuvotrecomportementaujourd’hui.—Jenesuispasvexée,mens-je.Jesuis froisséepourEthan,en réalité.C’est l’undesemployeurs lesplusgénéreuxquisoient. Il
met gratuitement à disposition de ses salariés une clinique, une salle de sport, une crèche, et troisrepas par jour dans une superbe cafétéria. Sans parler des salaires généreux, des primes et desvacances.Ilaccordebeaucoupd’importanceàsessubordonnés,etentendrecetypesous-entendrelecontrairem’agaceauplushautpoint.—Tuasl’airfroissée,etjesuisvraimentdésolé,s’excuse-t-ilenmeposantunemaindanslebas
dudos.Laisse-moit’offrirunverre,toutàl’heure.Pourmefairepardonner.Pour lapremière fois, ilparled’unevoixbasseetsuggestive.Cen’estpas insultant,maisçame
metquandmêmemalà l’aise,surtout justeaprèsses remarquessurEthan.Soudain, jenesaisplusquelleestlaplusgrandemenace.Celledemescollèguesoucelledecetypequimecaresseledosetnevoitenmoiquelesrestesd’Ethan.C’est la goutte d’eauqui fait déborder le vase. Jem’écarte et lui tends la veste qu’il n’avait pas
reprise.—Mercipourlechampagneetlapromenade.Jevaisrentrer.—Allez,Chloe…Ons’amusebien.Nesoispascommeça.—Jenesuispas«commeça».C’estjusteque…Jelaissemaphraseensuspensalorsquelaportedusalonprivés’ouvreàlavolée.Jaceetmoinous tournonsenmêmetempspourdécouvrirEthan,unsourireagréableaux lèvres
maisunelueurassassinedansleregard.—Toutvabien,Chloe?demande-t-il,unsourcillevé,ennousregardanttouràtour.—Trèsbien,Ethan.Merci.Pourtant,jem’écarteencoredeJace.Pasparcequ’ilmefaitpeur–ilestarrogantetgrossier,mais
jenelecroispasdangereux–,maisparcequejecrainsqu’unetropgrandeproximitéavecmoineluifassecourirdesrisques.SurtoutquandEthans’approchedenouscommeunangevengeur.— Tu ne crois pas que tu devrais rentrer, Mackenzie ? demande-t-il d’une voix si basse et
raisonnablequelamenacen’enestqueplusclaire.Jecroisquetonpatrontecherche.Ilparaîtquetunerésistespasaucaviar,quandilestoffertparlamaison.Jace s’empourpre en entendant le ton fielleux d’Ethan. Mais lorsqu’il s’apprête à répondre, un
regardd’Ethanleconvaincdedéguerpirverslasalle.Ilcourtsivitequelaporteserefermederrièreluiavecunclaquement.Nousrestonsunlongmomentànousregarder,immobiles.Ilneparlepas,nemesouritmêmepas,
etjesensl’anxiétémonter.—Jeferaisbienderentrer,moiaussi,dis-jeenpassantfinalementdevantlui.Parlafenêtre,laplupartdesinvitésnousobservent.—Neparspas,dit-ildansunsouffleenattrapantmonbrasentresesdoigtschaudsetpuissants.Ce sont lespremiersmotsqu’ilm’adressede toute la journée, et jedoisbien reconnaîtrequ’ils
sontextraordinaires,surtoutqu’ilapriscettevoixsombreetrocailleusequej’aimetant.La poitrine oppressée, je prends une grande inspiration. Ce n’est pas facile, car Ethan me
contempleavecdesyeuxdeprédateuràl’affût.—Lasoirée…Lesinvitést’attendent…—Jelesemmerde,gronde-t-ilenmeserrantlecoudeunpeutropfort.Qu’est-cequetufoutaislà
avecJaceMackenzie?—Pardon?!Uneondedechocmesecoue.Ethannem’ajamaisparlécommeça.Jamais.—Tum’asentendu.Lamaintoujourssurmoncoude,ilmepousseversuncoindansl’ombre,àl’abridesregards.—Pourquoies-tupartieaveclui?Cen’estqu’unconnardprétentieux!—Jenesuispaspartieaveclui.Jesuissortiepourêtreunpeuseule,etilm’asuivie…—Lesalopard!—Toutvabien.Iln’arienfait.Ilm’ajusteapportéuneflûtedechampagneet…—Duchampagne?Tul’asbu?—Franchement!Tumeprendsvraimentpouruneidiote?—Non,biensûrquenon.Désolé.C’estjustequejem’inquiètepourtoi.Desmecscommeça…—Crois-moi,Ethan,jeconnaislesmecscommeça.Desconnardsopportunistesquisecroienttout
permis.J’enaidéjàrencontré.C’estuncoupbaset,commejem’yattendais,Ethansursaute.Maisilnemelâchepaslebrasetne
s’écartepasnonpluspourmelaisserpasser.Jesaisquejedevraislerepousser,maisildégageunesimerveilleusechaleur…Ilyaseulement
deux semaines, nous étions encore ensemble, mais j’ai l’impression que ça fait deux ans. Deuxdécennies.Etmêmesi je saisque je joueavec le feu, jenepeuxm’empêcherd’avoirenviedemefondredanssesbras,desentirsoncorpscontrelemienencoreunefois.— Je suis désolé pour ce que Brandon t’a fait, Chloe. Tellement désolé… Si je pouvais, je le
tuerais.J’aifaillilefaire,lepremiersoir,quandjel’aiappris.Jel’aiétrangléavecmesmains,etje
nel’aipaslâchéavantque…Avecungesteexaspéré,illaissesaphraseensuspensenm’entendanthaleterd’horreur.—Pardon,cen’estpascequejevoulais…Je haisBrandon, ça fait cinq ans que je rêve deme venger de ce qu’ilm’a infligé.Mais ça ne
signifiepasquejesouhaitepartageravecEthancettehaine,cebesoinquim’autodétruit,etced’autantmoinsqueBrandonestsonpetitfrère.—Jet’interdisdet’excuser,Chloe!Bordel,net’excusepas!fulmine-t-il.Ilmecolleledosaumur,sesbrasdepartetd’autredemoi.Jesuisprisonnière,immobilisée,etsi
n’importequelautrehommeessayaitdemefaireça,jeluiflanqueraismesdoigtsdanslesyeuxoumongenoudans les couilles.Mais, avecEthan, c’estdélicieuxet juste, commesinous étions faitspournoustenirainsi.—Chloe.C’estunmurmure,unesupplique,peut-êtremêmeunordre,vulafaçondontmoncorpsrépond.Le
cœurquibatlachamade,lestétonsquidurcissent,lescuissesdouloureuses.—Ethan…Ilsepencheversmoi,etjesaisqu’ilvam’embrasser.Jelelisdanssesyeux,lesensdanslatension
quil’habitesoudain.Etj’enaienvie.Trèsenvie.Saufque…saufqu’ilyatellementdemerdeentrenous,etquesijel’embrassemaintenant,toutvamerevenird’uncoup.Medégringolerdessus.Jenesaispasoùjetrouvelaforce,maisjelèveunemainverssonvisage.Posedeuxdoigtssurses
lèvres.Cettefois,c’estEthanquifermelesyeuxet,bienqu’iltentedelacacher,jevoisladouleurinscrite
sur ses traits alorsqu’il sedétournepour appuyer le front sur lemurprèsdemoi.Frissonnant, ilinspireprofondément,unefois,puisplusieurs,avantdeseredresser.Etdes’écarter.—Dis-moilavérité,soupire-t-ilaprèsunsilencegêné.Pourquoifuyais-tulasoirée?J’éclatederire,avecplusd’amertumequejenel’aivoulu.Puisjecomprendsqu’ilneplaisantait
pas.Ilnecomprendvraimentpaspourquoij’aidûpartir.—Jenepouvaispasrester,dis-je,lagorgeserrée.Tuaspeut-êtrel’habitude,maismoinon.Jene
suispasdouéepourça…—Douéepourquoi?demande-t-il,perplexe.Refusantderépondre, jemedétourne.Jemesuisdéjàsuffisammentcouvertederidiculecesoir,
surtoutsachantquejeviensjustedecesserdehaleterentresesbras.—Chloe.Réponds.Tun’espasdouéepourquoi?—Rien,dis-jeensecouantlatête.MaisEthannevapassecontenterdecetteabsencederéponse.Ilm’attrapelesmainsetlesserrede
toutessesforces.Voyantqueçanesuffitpasàmefaireparler,ilremontelespaumesdoucementsurmesbras,puismescoudes,mesbiceps.Ilfrôleduboutdesdoigtslapeausensiblesurmesclavicules,puism’effleurelecoujusqu’aumenton.—Ethan…,dis-jedansunsoupirétrangléquiluiarracheunsourire.Ilremontelesmainspourprendremonvisage,effleurantmeslèvresdesonpouce.Puisilmelève
lementonpourmeforceràleregarder.Danslapénombre,nosyeuxserencontrentetc’estmontourdesursauter.Bienquejesoishabillée
delatêteauxpieds,jemesensnue,sansdéfense,commesiEthanvoyaitlesrecoinsdemonâmequej’essaiedésespérémentdeluicacher.Ceuxquejeneveuxmontreràpersonne.Ilpinceleslèvreset,pendantuninstant,jem’attendsàcequ’ils’écarte.Maisilfinitparrépétersa
questiond’unevoixinsistante.
—Tun’espasdouéepourquoi?Il parle d’un ton implacable, la détermination se lit sur son visage. Je sais – sans l’ombre d’un
doute–quejenem’ensortiraipassans luifournirderéponse.Sansluiraconter toute l’histoire,ycompriscequejevoudraisqu’ilignore.Cetteidéemerendtéméraire.Àmoinsquecenesoitladouleurquibatenmoi.Toujoursest-ilque
jedégagemonvisagedesesmainspourluirépondreencriantpresque.—Qu’est-ce que ça peut te faire ?Qu’est-ce que ça changepour toi, que je reste à cette foutue
soiréeoupas?Pourquoitut’intéressesàcequejefais?—Çamefaitquelquechoseparcequetut’esretrouvéedehorsavecceconnard.S’ilavaitportéla
mainsurtoi…—Onétaitdevantlesfenêtresdurestaurant.Qu’est-cequ’ilpouvaitbienmefaire?—Certes,c’estlàquevousétiez.Maisregardecommec’étaitfacilepourmoidet’attireràl’écart,
Chloe.Pourquoin’aurait-ilpaspuagirainsi,luiaussi?—Maismerde,Ethan!Est-cequ’onestobligésdeseprendrelatête?Ilnes’estrienpassé.Riendu
tout.Onnepeutpaslaissertomberetrentrer?Cettefois,jelepousse,avecinsistance,jusqu’àcequ’ils’écarte.Ilmelaissepasserdevantlui.Ce
n’estquelorsquejesuissurlepointdemeretrouverdanslalumièredelafenêtrequ’ilm’attrapeparlamain.—Qu’est-cequetufaisaisdehors,Chloe?demande-t-ilpourlatroisièmefois.Mais il n’y a plus d’insistance dans sa voix, pas de colère. Seulement un besoin douloureux et
discret,quimetoucheauplusprofonddemoi.—Jetel’aidit,çan’apasd’importance.—Çaenapourmoi.—Pourquoi?J’ensuispresqueàlesupplieràprésent,etils’enrendcompte.Mâchoiresserrées,ildétournela
tête.Maisilnemelâchetoujourspaslamain.— Parce que tu t’es enfuie d’une soirée que j’ai organisée pour des gens avec lesquels nous
travaillonstouslesdeux,etjeveuxsavoirpourquoi.Est-cequequelqu’unafaitquelquechosequit’amisemalàl’aise…—Tuplaisantes?dis-jed’unevoixquisonnecommesijevenaisd’avalerduverrepilé.Est-ceque
quelqu’unm’amisemalàl’aise?Est-cequequelqu’unafaitquelquechose?—C’estbiencequejetedemande!—Bordeldemerde,Ethan!Jesuispartieparceque jenepouvaispasresteruneminutedeplus
danslamêmepiècequetoi!Ilreculecommesijel’avaisfrappé.—Moi?Jet’aimisemalàl’aise?Jenet’aimêmepasregardée,rétorque-t-il,incrédule.Jerépondssèchement:—Ça,j’avaisremarqué!—Tuavaisremarqué?Maisqu’est-cequeturacontes?—Peut-êtrequepourtoi,c’estparfaitementnormal.Peut-êtrequetuasl’habitudedecoucheravec
unefilleunjour,etdelacroiserauboulotlelendemain.Maismoi,jenesaispascommentgérerça.Jenesaispasdutout…—Parfaitementnormal?Tucroisquej’ail’habitudedesituationsdecegenre?Ilm’attrapeparlesavant-bras,dansungesteàlafoisfermeetdoux,etattendencoreunefoisque
jeleregardeenface.—Cen’estpaslecas?—Biensûrquenon,bordel!Jenesorspasavecmesemployées,ettulesais.—Tuesbiensortiavecmoi.—Parcequelecontraireétaitimpossible.Dèsl’instantoùtut’esapprochéedemoiaubaràjusde
fruits,j’aiétécomplètementfasciné.Tafaçondemetenirtête,derefuserdecéder,degoûtercefoutusmoothieauxmyrtillesalorsquetuavaispourtantremportélabataille,parsensdel’équité.Pourmefaireplaisir.Laboucheàquelquescentimètresdemeslèvres,ilremontelesmainsversmescheveux.—Commentaurais-jepurésister,Chloe?murmure-t-il.Commentaurais-jepunepasvouloir te
conquérir?—Aujourd’hui,tum’asignorée.Toutelajournée.Tuasfaitcommesijen’existaispas.—Jecroyaisquec’étaitcequetuvoulais.—Pourquoivoudrais-jeunechosepareille?—Tum’asquitté.Tum’asditqu’êtreavecmoitefaisaitpenseràBrandon,àcequ’ilt’ainfligé.
Commentpensais-tuquejeréagiraisàunetelledéclaration?—Jenesaispas,maisjenem’attendaispasàcequetumepunisses.—Quejetepunisse?répète-t-ilenmetirantdoucementparlescheveux,unpeuplusprèsdelui
encore.Jenecherchepasàtepunir,chérie.J’essaieaucontrairedenepasteblesserdavantage.Situavaisputevoircematin-là…voirl’étatdanslequeltemettaitsaprésence…— Je suis navrée si je n’ai pas eu la bonne réaction, Ethan. Je nem’attendais pas vraiment, en
ouvrantlaporte,àmetrouvernezànezavecmonvioleur!—Tunecroispasquejelesais?Quejemereprochejouretnuitd’avoirlaissécettesituationse
produire ?De lui avoir permisde s’approcherde toi ?Et ensuite, on se retrouve sur ceputaindeparking, et tum’annonces que je te fais penser à lui…qu’enme regardant c’est lui que tu vois…Commentvoulais-tuquejeleprenne,chérie?Queleffetcroyais-tuqueçaauraitsurmoi?Surnous?Sim’éloignerdetoipeutt’épargnerunpeudecettesouffrance,t’éviterd’êtredenouveaublessée,tupensesquejeneleferaipas?Chloe, jesuisprêtà toutpourtoi.Mêmeàpasserla journéedanslamêmepiècequetoietfairecommesijenemouraispasd’enviedetetoucher.
Chapitre9
Lesmotsd’Ethanrésonnentdanslesilence,etjesuisincapabledebouger,depenser,derespirer.C’est exactement ce que je souhaitais entendre, ce dont j’avais besoin.Que quelqu’unm’aime,mefassepasseravantlui,sesouciedemoi.Rienquedemoi.Leseulpetitamiquej’aieuavantEthanaessayédejouermavirginitéaupoker.Aprèsleviol,mes
parentsontacceptédegarderlesilencecontreunecoquettesommepourlancerleurbusiness.Ceuxquejecroyaismesamism’onttournéledosàlasecondeoùBrandonleleurademandé.Jen’étaisjamaisassezbien.Jamaisassezimportantepourqu’onmefassepasserenpremier.SaufpourEthan.Ilyadessemainesqu’ilachoisidemefairepasseravanttoutlereste,etj’étais
tropaveuglepourm’enapercevoir.Etsij’ailecouraged’accepter,ilestprêtàlefairedenouveauencetinstant.Sij’ailaforcedelechoisiraussi.Cetteforce,jeveuxl’avoir.LevisagedeBrandonapparaîtsousmesyeux.Lesyeuxlançantdeséclairs,lesjouesempourprées,
les lèvres retroussées demépris alors qu’ilme traite de traînée etm’ordonnedemedonner à lui.Sousprétextequ’ilm’aramenéechezmoienvoiture.Jemesouviensencoredupoidsdesamainsurmabouche,delasensationdesesdoigtssousma
chemise,quidéchiraientmaculottepourmepénétrer.Jemesouviensdelachansonquipassaitdansl’autoradio,desonpoidsécrasantsurmoi,deson
haleinedecaramelsetdebièrealorsqu’ilcollaitsaboucheàlamienne.Jemesouviensdetout.Dechaqueseconde,chaquedétail,desafaçondemeregarderaprèsavoir
fini,commesijen’étaisrien.Moinsquerien.Etquandj’aivoululedénoncer,mesparentsm’ontditlamêmechose.Quejen’étaisrienàcôtéde
lui,quesesavocatsallaientmelaminerautribunal.Quejen’avaispaslamoindrechancedelefairepayer à moins de signer cet accord de non-divulgation. Et de les laisser accepter l’argent que safamillenouslançaitcommedescacahuètes.Pendantcinqans,jemesuissentiecommeunemerdeàcausedelui.Commeunemoinsquerien,
ainsiquemesparentsm’avaientdécrite.Commelatraînéequ’ilm’accusaitd’être.Ethanestlapremièrepersonneàmedirequecen’estpasvrai.Quejevauxplusquel’actedeson
frère,plusquelasommeverséeparsesparentspourm’écarter.Jel’aicru,puiscettecroyanceavoléenéclatssouslepoidsdecequej’ignorais.Cequ’ilm’avait
caché.Jesuispartie,nonparcequejenel’aimaispas,maisparcequejel’aimaistrop.Parcequejesavais que s’ilme traitait comme son frère, comme ses parents ou lesmiens, je serais anéantie àjamais.Etquelquessemainesplustard,nousensommeslà.Tousdeuxmalheureux,endétresse,démolis.
Pourtant,c’estmoiqu’ilchoisit,passeulementavantsonfrèremaisavantlui-même.Avantsonbien-être,sesdésirsetsesbesoins.Sijel’aime,commentpourrais-jeenfairemoins?Jenepeuxpas.Marésolutions’effondre,etlaréservequejem’imposaisaussi.Jetendslesmainsverslui,Ethan,
les bras autour de son cou et les doigts enfouis dans ses cheveux pour attirer sa bouche vers lamienne.
Àl’instantoùnoslèvressetouchent,j’ail’impressionquetouslesmorceauxquiavaientvoléenéclatsàl’intérieurdemoiserecollent.Commesitoutesmeslarmesdecesdeuxdernièressemainesn’avaientjamaisexisté.—Chloe,murmure-t-il,qu’est-cequetufais?Maisilglisselesmainsautourdematailleetpasselesdoigtssousmonchemisierpourcaresserla
peausensibledemesreins.—Çane fait quedeux semaines, réponds-jed’unevoix taquine.Nemedis pasque tu asoublié
commentçamarche?Jemedélectedesonsoufflechaudquisemêleaumien.—Jen’airienoubliédutout.Ilserapprocheetmepoussepourmecollerdenouveaudosaumurfroiddurestaurant,coincée
parsoncorpsfermeetbrûlant.Maisilécartesabouchedelamiennepourmeregarderdanslesyeux.—Jemesouviensaussiquetunepeuxpasêtreavecmoi,queçatefaittropmal.Jememetssurlapointedespiedsafindeleforceràmedonnercebaiserdontjemeursd’envie.
MaisEthanaunevolontédefer,et,malgrél’impressionnanteérectionquejesenscontremonventre,ilneferarientantquejen’auraipasditcequ’ilabesoind’entendre.Entempsnormal,j’apprécieraissaretenueetlesoinqu’ilprenddemoi.Mais,àcetinstant,toutce
quejeveux,c’estqu’ilm’embrasse,metouche,mefassel’amourcommeautrefois,commesij’étaiscequicomptaitleplusaumonde.—Oui,bon,ils’avèrequ’êtreséparéedetoimefaitbienplusdemalqu’êtreavectoi.Lesyeuxfermés,ilappuiesonfrontsurlemien.Noussommesentièrementcollésl’unàl’autreet
jesenslefrissonquileparcourtàcesmots,soncorpssipuissanttremblantcontrelemien.—Tues sûre?demande-t-ild’unevoix rauque, sonhaleinechaudeetparfuméedecannelleme
caressantlajoue.Chloe,ilfautquetusoissûre,parcequejenepeuxpas…—Jesuissûre,monamour.Jet’aime.J’aibesoindetoi.Jet’enprie…Avantquejen’aiepufinirmasupplication,sabouchevientsecolleràlamienne,brûlante,dureet
éperdue.Tellementéperdue…Ilmemordleslèvres,plongelalanguedansmabouche,melèchelalangue,lesdents,lepalais.Ilprendpossessiondemoi,memarquantavecsesdentsetseslèvresd’unefaçonquejenesuispas
prèsd’oublier.Quejen’oublieraijamais.Etjelelaissefaire.Plusencore,jelesuppliedecontinuer.Demedonnerencoreduplaisiravecsaboucheetsesmains.Dem’accorderlapaixquejeressensaucontactdesoncorpspuissantetdesonâmemagnifique.Toutautourdenous,leventforcit,déchaînantlesvaguesetfaisantvolerlesable.Çam’excitede
sentircefrôlementfroidsurmapeau,quis’ajouteauplaisiretàladouleurd’êtretouchéeparEthanaprèscequimesembleuneéternité.—Ondevraitrentreràlamaison,dit-ilsansécartersabouchedelamienne.J’aienviedetefaire
deschosesqu’onnefaitpascontreunmursalesuruneplage.—Ilfaudrabien,parcequejenepeuxpasattendredavantage.Jerepoussesavestepuissorssabellechemisedesonpantalonafindepouvoirpasserlesdoigts
sursataillemince.—Chloe,bordel,onestenpublic!proteste-t-iltoutenm’enlevantmavesteavantdedéboutonner
monchemisier.Onpourraitnousvoir.—Alorsfaisonsvite,dis-jeendéfaisantsaceinture.—Ettoi,nefaispastropdebruit,metaquine-t-ilenfaisantglissermonhautsurmesbras.Parce
quejenetelâcheraipasavantquetuaiesjouiaumoinsdeuxfois.—Eh,jesaisjouirensilence!dis-jed’untonplaintifalorsqu’uneétourdissantevaguededésirme
donnedesfrissonsdansledos.—J’attendsdelevoirpourlecroire,rétorque-t-il.Déjà, il écartemon soutien-gorgequi le gêne et prendmon tétondans sabouche avecune telle
vigueur quemes genouxmenacent deme lâcher. Avec un sanglot, je tends les bras vers lui dansl’espoirvaind’éviterdem’écrouleràsespieds.—Détends-toi,m’encourage-t-ilenpressant ses jambescontremoipourmesoutenir. Je suis là,
chérie.Jeterattraperaisitutombes.—C’estça.Commesij’allaismedétendre…Jelesenssourirecontremonsein,puis ilsort la languepourdécriredescerclesautourdemon
téton.J’aibeaum’êtrepromisdenepasémettrelemoindreson,jenepeuxréprimerungémissement.Jen’aipluslecontrôledemoncorps.Ledésirm’engloutittoutentière.Un éclair déchire le ciel au-dessus de nos têtes – puissant, primitif et magnifique. Quelques
secondesplustard,letonnerrerésonneetunechaudepluied’étés’abatsurlesable.Ethanrentrelatêtealorsquel’eauruissellesurnousavantdesemettreàlécherlesgouttesdepluie
quicoulentsurmapoitrine,mesclavicules,lecreuxdemoncou.Jerejettelatêteenarrièrepourluioffrirmagorge,etcelamefaitappuyermonsexecontrelesien.Nousgémissonstousdeuxàcecontact,etjedéchireàmontoursachemiseavantdelajetersurle
sable.Çam’ennuieuninstant–c’estunvêtementsurmesurequ’ilapayé1000dollarschezl’undesmeilleurstailleursd’Europe–,maisilpassesalanguesurmoncou,insistantsurlepointsensiblequej’aiderrièrel’oreille,etmessoucisdisparaissentdanslapassionetleplaisirquim’emportent.—Ethan,jet’enprie…J’enroulelesjambesautourdesatailleetmecolledenouveaucontrelui.Jamaisjen’aiéprouvéun
besoinaussiimpérieuxqueceluiquej’aidelesentirenmoi,etilesttropoccupéàmetitiller–ouplutôtmetorturer–pourmedonnercequejeluidemande.Ilrit,saboucherevenantversmesseinsalorsquesaqueuesefrottesurmoi.Çanemesuffitpas,et
de loin, mais je suis trop éperdue pour protester. Je ne peux que prendre ce qu’il veut bien medonner…Sabouches’attardedenouveausurmontétonetjegémis,haletante,alorsqu’illèche,suceetfrotte
sonvisage. J’enfouis lesdoigtsdanssescheveux,meserreplus fermementcontreses lèvresalorsqu’une douce chaleur tourbillonne dans mon ventre. C’est si délicieux, ou plutôt Ethan est sidélicieux,quejemedemandecommentj’aitenudeuxsemainessansça.Sanslui.C’estcequejeluidisalorsqu’ilpasselalangueautourdemontéton,et ils’arrêteuneseconde,
pressantlevisagecontremonventre.—Plus jamais, souffle-t-ild’unevoixétrangléepar l’émotion.Promets-le-moi,Chloe.Promets-
moideneplusjamaist’éloignerdemoicommeça.—Ethan…Oh,Ethan,jesuisdésolée…—Net’excusepas,répète-t-il.Bordel,Chloe,net’excusepasdem’avoirquitté.Promets-moidene
jamais le refaire, c’est tout. Promets-moi deme laisser une chance de t’expliquer, de trouver unesolution…Ilmemordillelesein,pasassezfortpourmefairemal,maissuffisammentpourdéclencherune
vaguedevolupté.Agrippéeà lui, jecriedeplaisir,et il faitentendreunriregraveetprofondsanscesserdelécherl’endroitqu’ilamordu,apaisantladouleuraiguëparsescoupsdelangue.—Dis-le,Chloe,mepresse-t-ilentredeuxbaisersbrûlantssurchacundemesseins.
Ilavanceunemainentremescuissespourmecaresserleclitoris.Ilnevapasjusqu’àmedonnerunorgasme,maisils’arrangepourmerendrefolle.—Ethan,jet’enprie…,dis-jeenmecambrantau-devantdesacaressetroptempérée.Tumerends
folle.—C’estparfait.Parcequec’estl’effetquetumefaisdepuisquej’aiposélesyeuxsurtoi.Ilaccentuesasuccionsurmontéton,m’arrachantunnouveaucri.—Dis-le,Chloe,murmure-t-ild’unevoixgraveetsexy.Dis-moiquetunemequitterasplusjamais
commeça.Promets-moidemeparlerlaprochainefoisquetudéciderasderompre.—C’estpromis,dis-jed’unevoixétrangléededésir.Jeteparlerai,Ethan!Jeferaitoutcequetu
veux.Maisjet’enprie,prends-moi!Maintenant!Ilgrogne,commesimesparoleslepoussaientàunpointdenon-retour,etjem’attendsàcequ’il
me pénètre sans plus attendre. Sans préservatif, sans autres préliminaires, sans rien du tout.Car ilsembleenêtrelà.Etlefaitquejem’apprêteàlelaisserfairemontrequej’aicomplètementperdularaison,moiaussi.Maisçaneseproduitpas.Aulieudem’arrachermaculottepourmepénétrer,Ethanlèvelatêteet
sème des baisers sur ma peau nue. Seins, épaules, gorge, joues, lèvres, front. Inlassable, ilm’embrasse,ets’arrête,justeletempsdemurmurerdesmotsd’amour.Tantdebaisersetdedoucesparolesquej’enailesyeuxpleinsdelarmesetquemoncorpsbasculedanslepremierorgasmequej’aieeuaprèscesdeuxlonguessemainesdetorture.Et leplusfou,c’estqueçan’estmêmepassexuel.Enfin,si.LeseulfaitdecontemplerEthanest
sexuel, alors être tenue, caressée et embrassée par lui…Mais c’est aussi tellement plus, tellementdavantagequedeuxcorpsquisefrottent,unebouchesurunepeau,unsoufflechaudsuruneoreille…Etcommeàprésentjelecomprends,jel’enlacepourécouterlesmotsdouxetlespromessesqui
s’échappentdeseslèvres.Ildéborded’unaffolement,d’uneincertitudequejeneluiaijamaisvus,etcelaébranlelespauvresbarrièresquej’avaistentéd’ériger,commeriend’autrenepourraitlefaire.Pendanttoutcetemps,àtraverstouscesévénements,j’aitoujourscruquej’étaiscelledenousdeux
quiaimaitleplusl’autre,cellequiavaitleplusbesoindelui.Cequejeressenspourluiesttellementfort,tellementgigantesque,qu’ilnepourraitjamaiséprouverlamêmechose.Mais en cet instant, sur cetteplage, alorsque levent sedéchaîne etque lapluienous fouette, je
prendsconsciencequenotrerelationestpluséquilibréequej’auraispul’imaginer.Parceque,alorsque j’ai besoin de lui pour respirer, être en paix et fonctionner, il a besoin de moi de la mêmefaçon…Jelesensàsesmainsquim’agrippent,tirantsurmonchignonpourlibérermescheveuxsurmes
épaules. Ilme serre si fort que j’en aurai desbleusdemainmatin. Je levoisdans son corps tenducommes’ilattendaitquequelquechoseseproduise.Etjel’entendsdanssarespirationhaletante,danslesmotsdouxqu’ilsoufflesurmapeaucommeunebénédiction.Ethanmerendmessentiments.Ethan Frost est amoureux de moi. Il m’aime comme je l’aime. Follement, complètement,
absolument.Cetteprisedeconsciencemedégrise.J’ailebonheurd’unautreêtreentrelesmains.Maisenmême
temps cela m’apaise, me réconforte. Car je sais ce que je ressens pour lui. Je préférerais qu’onm’amputeunmembreplutôtquedeluiinfligerdenouveaulessouffrancesqu’iladetouteévidencevécuescesdeuxdernièressemaines.Savoirqu’ilressentlamêmechose,qu’ilestprêtàtoutpourmeprotéger,m’apporteunsentimentdelibertéquejen’auraismêmepaspuimagineravantcemoment.Des ondes de plaisir parcourent toutmon corps, s’abattant surmoi en vagues désordonnées qui
rappellentcellesquisefracassentsurlerivageencemomentmême.Jefrissonneetmecambreau-devantdelui.Devinantcequisepasseenmoi,Ethanaccentuesescaresses.Jeprofitedel’orgasmejusqu’aubout,lecorpsetl’âmeintimementmêlésàceuxd’Ethan,pendant
qu’ilchercheàfairedurermonplaisirlepluslongtempspossible.Lorsquejesuisdenouveauenétatdepenser,respirer,etpeut-êtremetenirdebout,jecollemeslèvresàsesoreillespourmurmurer:—Jet’aime,monchéri.Jet’aimetellement…Jesaisquenousavonsbiendeschosesaffreusesà surmonter,etqu’il s’estpasséentrenousdes
événementsqu’onnepeutpaseffacer.Ilyadeuxsemaines,celamesemblaitinsurmontable,absolu.Mais ces quelques jours sans lui, sans le voir, le toucher, le serrer, m’ont donné une nouvelleperspectivesurcequejepeuxounonsupporter.Jeneprétendspasqueçaserafacile,quenousnetraverseronspasdemomentsdetension.Maisces
mauvaismomentsjustifient-ilsqu’onrenonceauxbons?Quejepasselerestedemaviecommeunzombie?Je ne crois pas. Pas après avoir enduré ces deux semaines et contemplé un avenir vide et
douloureuxsanslui.—Jet’aime,dis-jedenouveau,carjenepeuxpasm’enempêcher.J’ail’impressionquelessentimentsquibouillonnentenmoivontmefaireexploser.Ethans’immobiliseàcesmots,toutsoncorpstenducontrelemien,sonsexepalpitantdedésir.—Chloe.Machérie.Savoixestbasse,étranglée,éperduedetristesse,etcelam’arrachemesderniersdoutes.D’autres
quemoiseraientpeut-êtrecapablesderésister,maisellesyperdraientEthan.Etilvautbienquelquessacrificesetdenombreuxcompromis.Entoutehonnêteté,ilvauttoutcequ’onpeutfairepourlui.—Moiaussi,jet’aime,répond-il.Tellementfort…Ilouvresabraguetteavecuneprécipitationquipourraits’avérerdangereuses’iln’yprendgarde.
Quelquessecondesplustard,ilm’arrachemaculotteetlajettesurlesablemouilléavantd’enfilerunpréservatif.Puis ilme soulève, enroulemesbras autourde ses épaules etmes jambes sur sa taillepourentrerlentementenmoi.Celanefaitquedeuxsemaines,maisc’estcommeuneéternité,etjehalètealorsqu’ilmepénètreet
seretiredansundouxva-et-vient.Malgrélafrénésiequejedevinedanssesyeux,ilcommenceaveclenteur,pourmedonnerletemps
dem’ajusteraprèsêtrerestéesilongtempsséparéedelui.Commetoujours,jeluisuisreconnaissantedesadouceur.Entre lessensationsphysiqueset lessentimentsquim’envahissent, jemesensnoyéedansunocéand’émotions.—Toutvabien,machérie?medemande-t-ilenm’embrassantlesjoues,lecouetleslèvres.—Oui,oh,oui!J’aijouiilyaquelquesminutesetpourtantunenouvellevaguededésirdéferleenmoi.Moncorps
afaimd’Ethanetduplaisirqu’ilm’apporteparchaquecaressedesamainetchaquepressiondesoncorps.Jepasselesmainspar-dessussesépaules,verssondospuissantetmusclépourluicaresserlatailleavantdeluiattraperlesfesses.Ilgémitàcecontact,haletantlorsquejelepousseplusprofondémentenmoi.Lepeudecontrôlequiluirestaitvoleenéclatsetilaccentuesesmouvements.J’onduleàl’unisson,
moncorps secambrantau-devantdu sienalorsqu’ilmedévoredebaisers, laboucheet lesmainsembrasant toutmoncorps.Sur lecou, lesépaules, lecreuxsi sensibleducoude.Des lèvres, ilmetitillelestétons,alorsqu’ilm’effleureleclitorisaveclepouceavantdepasserlamaindansmondos
pourl’appuyerdoucementsurmonanus.Les yeux écarquillés, je réprime un gémissement et me cambre d’instinct contre lui. Il ne m’a
encorejamaisfaitça,etjenesaispascommentréagir.Çam’intimideunpeu,etjemetortillealorsmêmequemonplaisirdécolleenflèche.— Ça va ? demande-t-il, les lèvres collées aux miennes, sans cesser de caresser toutes ces
terminaisonsnerveusesdontjenesoupçonnaispasl’existence.J’aienviede luidirenon,quec’est trop intime,quec’est trop.Maisc’estEthan,etavec lui rien
n’est«trop».Toutest«plus».Plusdeplaisir,plusdesensation,d’intimité.Toujoursplus,jusqu’àcequenousfassionspartiel’undel’autreaupointquejenesacheplusoùilcommenceetoùjefinis.—Oui…Moncorpsestnoyédanscesdeuxsensations.Sanglotanteettremblante,jeluigriffeledostouten
mecambrantverslui,follededésir.Dudésirdecequ’ilvamedonner.Les sensations sont si précises que c’en est presque douloureux. Je suis terrifiée, submergée. Il
m’embrasseetmecaressepartoutàlafois,etjevoudraisquecemomentduretoujours.Saufqueledésirestvraimententraindedevenirinsupportable,leplaisiretlasouffrancesemêlant
en moi au point que je ne parviens plus à les distinguer. Tout ce que je sais, c’est que si nouscontinuonsainsi,jevaisexplosercommeuneétoileenformation.—Ethan!Lessensationscontinuentdes’intensifier.L’oragesedéchaîneautourdenous,lesgiflesbrûlantes
duventetdelapluies’ajoutantàl’excèsd’émotionetdevoluptéquimenoie.— Je suis là, Chloe, répète-t-il avant deme donner un baiser ardent quime fait perdre la tête.
Laisse-toialler,chérie.Lâche-toi.Ilmemord la lèvre avec vigueur et, aumême instant, remue son pouce enmoi.Un cataclysme
d’extasemebalaie,commeunéclairdelumièrequis’allumeraitenmoipourmeretournercommeungant.Jamaisjen’aiconnud’orgasmed’unetelleintensité.—Oh,Chloe!gronde-t-ilalorsquemoncorpsnem’appartientplus.Lesoufflecoupé,lavisiontroublée,jesensmonsexeseserrerconvulsivementautourdusien.À
son tour, le visage enfoui dansmon cou, il jouit, comme s’il déversait auplus profonddemoi laquintessencedesonêtre,etjemesenstransforméeàjamais.
Chapitre10
Lorsquec’estfini,quemoncorpscessedese tordredansvingt-septdirectionsdifférentesetquej’arrivepresqueàreprendremonsouffle,Ethanmereposedoucementsurlesablemouilléetdur.MaislorsquejetentedemeservirdemesjambespourautrechosequemeteniràEthan,ellesme
trahissentetjemanquedetomber.Ilm’attrape,sesmainstièdesetpuissantesdansmondos.—Çava?demande-t-ilpourlamillionièmefois.—Oui,dis-jeenlevantlesyeuxavantdel’embrasseràlacommissuredeslèvres.Etmêmemieux
queça.Jemesensvraimentbien.Ilsourit,etc’estlapremièrefoisdelajournéequesonsouriresemblesincère.Jelevoisàsesyeux
quis’illuminentcommeTimesSquaremalgrélapénombreoùnoussommestoujourscachés.—Vienschezmoi,dit-ilensepenchantpourramassermonpantalondetailleur,abîméparlapluie.Jecontemplelevêtementavechorreurenmedemandantcommentjevaism’ensortiràprésentque
ma seule tenue de femme de pouvoir est irrémédiablement fichue. Ça devrait me contrarier biendavantage–difficiled’êtrejuristestagiairesansuntailleurdignedecenom–,maisjeviensd’avoirl’orgasmelepluséblouissantdemavieetjesuisdanslesbrasd’Ethanquimesouritavecamour.Ladestructiondemeshabitsnesemblequ’undommagecollatéral.—Chloe,reprend-ilcommejenerépondspas.Est-cequej’insistetrop?C’estlecas,indéniablement,maisilneseraitpasEthans’ilnelefaisaitpas.Etbienquejenesois
pascertainequecesoitunebonneidée,alorsquenousavonsencoretantdeproblèmesàrégler,direnonmesembleunsparadrapsurunejambedebois.Ilvientdemefairel’amourjusqu’àmerendrefolle.Quepourrait-ilfairedeplus,àpartrecommencer?Uneperspectivequejetrouveloind’êtredéplaisante…—Çadépend,dis-je,lesyeuxtoujoursrivéssurmesvêtementssalesetmouillés.—Dequoi?Ilplisselesyeux,etjevoisréapparaîtrelechefd’entreprisequiseprépareàuneâprenégociation.
Jedécèlelaméfiancedanssonregard,unrestedepeuretdesouffrancedontjesaisqu’ilsselisentégalementdanslemien.—Dufaitquet’accompagnerm’éviteounondemerhabiller.Ethanéclatederire,unsonjoyeuxetdouxquimeprocureunfrissondeplaisiretdechaleur.J’ai
dumalàycroire.Jeviensdejouir.Deuxfoisdesuite.J’enailesgenouxencoresiflageolantsquec’estàpeinesijetiensdebout.Moncorpsesttraversé
parunedouleuretunesatiétédélicieuse…etpourtant,j’aitoujoursenviedelui.Toutaufonddemoi,j’aitoujoursmal,soncontact,songoûtsurmeslèvresmemanquent.—Viensavecmoi,ettun’aurasplusjamaisbesoindeporterceshabits.—C’esttentant.Ungrandsourireauxlèvres, il ramassesachemiseetsaveste trempéessur lesable.Lachemise
sembleavoirsouffertdavantage,etilmedrapedanslavesteavantdemeprendredanssesbraspourmeporterjusqu’auparkingoùl’attendsalimousine.—Ah,tiens,lalimousine.Àquoidois-jecethonneur?JesorsavecEthandepuisledébutdel’été,maisjenel’aivuprendrecettevoiturequ’unefois.Et
c’étaitàl’occasiondelavenuedeclientsjaponais.—J’avaisbeaucoupdetravailaujourd’hui,etl’heuredetrajetpourrejoindreleslocauxdeTrifecta
mesemblaitunexcellentmomentpourça.Etpuis,ajoute-t-ilavecunsouriretriste,jen’aipasréussiàdormirdepuisquetum’asquitté.ÇamesemblaitplussûrdedemanderàMichaeldemeconduirependantquelquesjours.Çameflanqueuncoup,toutelégèretémequittantaussivitequ’ellem’estvenue.—Jesuisdés…—Chloe, si tu t’excusesencoreune foispourune fauteque tun’aspascommise, jene réponds
plusdemesactes.Ilme fusille du regard ; samouemenaçanteme laisse entendre qu’il ne plaisante pas. Il neme
regardejamaisainsi.Entoutcas,ilnel’ajamaisfaitauparavant.Je me glisse plus près de lui pour lui caresser la joue alors que la limousine quitte son
stationnement.Sonmentonpiqueunpeu.Labarbequiapoussédepuiscematinluidonneunairsexyetdangereux.Trèsattirant.—J’aiétéhorribleavectoi.Surleparking,l’autrejour.J’auraispumemontrerplus…—Tusouffrais.Tuétais traumatisée,etçasecomprend.Si tum’avaishurlédessusoucolléune
beigne,çaauraitencoreététondroit.Quandtum’asditqueçatefaisaitmald’êtreavecmoi…j’aicruquej’enmourrais,maiscen’étaitquecequejeméritais,répond-ilensecouantlatête.Tefairedumal,c’estladernièrechosequejeveux,Chloe,etçametuequetusouffresàcausedenotrerelation.C’estàmoidem’excuser,machérie,àmoidemetraîneràtespieds.Jesuistellementdésolé.Jesuistellement,tellement…Jelefaistaired’unbaiser.Nonquesesexcusessoientdénuéesd’importance,maisjenesuispas
encoreprêteàlesentendre,alorsquel’armisticeentrenousestsirécent,sifragile.Etquej’aipeurquelamoindreanicrochepuissenousfairedéraillerdenouveau.Ilm’enlaceaussitôtpourm’attirersursesgenoux.Jem’installesurluiàcalifourchon.Ethanm’embrassecommeilfaittoutlereste,avecunedéterminationfarouchedeprédateurquime
bouleverse. Qui me fait fondre, hébétée. Et lorsqu’il se met à me caresser doucement les tétons,j’oublietout,jepeinemêmeàmesouvenirdemonprénom…Mais alors que la limousine s’engage dans la circulation, jeme force à rompre notre baiser. Il
protesteettentedem’attirercontrelui,maisjerésiste,autantàluiqu’àmoi-même.Mesentantdéterminée,Ethanselaisseallercontreledossier,lesmainssurlabanquette.—Qu’est-cequ’ilya,machérie?demande-t-il,inquiet.—Etledîner?JeviensdemesouvenirquenousavonsabandonnéprèsdetrentepersonnesauMarineRoom,àune
soiréedontEthanestcenséêtrel’hôte.—Tu as faim ? répond-il, prévenant. Je peux dire àMichael de s’arrêter pour acheter quelque
chose.Tuveuxdugrec?Ouduthaï?Onpourrait…—Jeneteparlepasdemoi,idiot!Jeteparledesautres.Tuviensdetebarrerdelafêtequetuas
organiséeaprèslaplusimportantefusiondel’histoiredeFrostIndustries.—Ah.Cedîner-là…,rétorque-t-ilensedétendant.Net’inquiètepas.Ilsnevontpasselanguirde
nous.—Demoi,non,eneffet.Maisdetoi,monsieurFrost,c’estuneautrehistoire.Jel’embrassecommepoursoulignermonpropos.—Ilyaunbuffetgarnietc’estopenbar.Qu’est-cequ’ilspourraientvouloirdeplus?—Toi,Ethan.Ilsteveulent,toi.
—Ehbien,ilsnepeuventpasm’avoir.Pascesoir.Jeresteavectoi.Rienquetoietmoi.Jefonds.Jen’ypeuxrien,moncorpstoutentieresttransid’amourenpercevantlachaleurdesa
voixetl’intensitédesonregard.J’aibeaudevinerqu’ilcommetuneerreurens’éclipsantdelasoirée–lamoitiédes invitésadû levoirsortirsur laplageaprèsmoi,cequinousgarantitunenouvelledose de commérages à lamachine à café demainmatin –, pour l’instant, jeme fiche de tout. Duboulot,deBrandon,detoutcequipourraitmeforceràquitterlesbrasd’Ethan.Unmilliondeproblèmessonttapisjustesouslasurface,attendantdenousattirerverslefonddès
quenousadmettronsleurprésence.Cesoir,jepréfèrelesignorer.Jeveuxqu’onrestejustetouslesdeux,aveclessentimentsauxquelsnousnepouvonspaséchapper.—Voilàuneperspectivequimeravit…,luidis-jeendéposantdesbaisersdanssoncou.Avecungrognement,ilpenchelatêteenarrière.—N’est-cepas?Jesuis tropoccupéeà l’embrasserpour lui répondre.J’effleuredes lèvressesépaulesmassives,
sesbrasmusclés,sapoitrinetoniqueetsoncoufin.Jeprendsmon tempspour ledéguster, le toucher, savourerchaqueparcelledececorpssublime
quejepeuxatteindre.Ildégageunefragranced’océan,unesaveurdepluie.Sombre,douceetsauvage.Aprèscesjourset
cesnuitsloindelui,jenem’enlassepas.Jamaisjeneserairassasiéedelui.S’ilyaunechosequej’aiappriseaucoursdecesdeuxsemaines,c’estbiença.EthanFrostestmadrogue.Lebesoinquej’aideluiestcommeunedémangeaison,unfeuquicourt
dansmesveines,undésirdontjenepeuxmedéfaire.Laconsciencequej’enaibrûleenmoi,m’exciteetmesubmergejusqu’àcequejeneperçoiveplus
riend’autrequelui.Ettoutcequejesouhaite,c’estquecettesensationduretoujours.Ilposeunemainsurmajoue,etjemetournepourluiembrasserlapaumeavecferveur.Ilpousse
ungémissementsourd,maisjemecontentedebougercontrelui,enextasedelesentirréagiràmescaressesavecunetelleaisance,unetelleliberté.Avectoutlemonde,ilsemontreprudent,réservé,méfiant.Jel’aiobservépendantdessemaines,je
connaisladistancequ’ilmaintienttoujoursaveclesautres,qu’ilssoientdesassociés,desamisoudesemployés.Saufmoi.Avecmoi,ilesttoujourscomplètementdansl’instant,soncorps,sonespritetsonâmeofferts.Ce
n’estquejustice,carjesuismoiaussitotalementouverte,depuisquejel’airencontré.Ànudevantlui.—Chloe,murmure-t-ilenremuantcontreledossier.J’aibesoin…—Jesais,monamour.Jesais.Jequittesesgenoux,luiarrachantunnouveaugémissement.Iltentedemerattraperdesesdoigts
puissants et calleux, mais je me dégage d’un petit mouvement des hanches. Puis je m’agenouilledevant lui,mes longs cheveux roux cachantmon visage alors que la veste de costume d’Ethan nemasqueriendemoncorps.C’estétranged’êtreàlafoissicouverteetsiexposée.Çam’excite,j’ailesoufflecourtetjesens
mestétonsdurcir.Jenesaispascequimemetdanscetétat,maisEthanleremarque–évidemment–etilremonteunemaindansmescheveux,frottantlesmèchescontremajoue,mesyeux,mabouche.Jelemords,plantantlesdentsdanssesdoigtsavantdeluisucerl’index.—Oh,merde,Chloe…,soupire-t-ilens’agrippantàmachevelurependantquejetournelalangue
autourdesondoigt.Jenerépondspas.Jesuistropoccupéeàletorturerparmescoupsdelanguesursonindex,jusqu’à
cequ’ilmesuppliede«lefaire»,d’unevoixempreintededésir.Jesuispresqueaussiexcitéequelui,etj’aidumalàouvrirsaceintureetsonpantalon.Ilsetordsur
lesiège,ondulantdubassindansuneffortdésespérépoursentirmamainsursaqueue.Jeletaquinequelquetemps,effleurantduboutdesdoigtssonventreplat,sonnombril,lafineligne
depoilsquicourtverssonentrejambe.—Arrêtedejouer,gronde-t-ilenattrapantmamainpourlaplaquersursonsexe.—Tuveuxquej’arrête?murmuré-jeendégageantsondoigtdemabouche.Mais,monchéri,je
commencetoutjuste.J’enfouis le visage contre sa hanche, à la naissance de sa cuisse. Il me lâche la main avec un
halètement.J’enprofitepourlaretirer,àsongrandregret.—Merde,Chloe,tumetues…J’aienvie…J’aienviede…Jepose labouchesur lui,enunesériedebaisers légersetdepetitscoupsde languequi lui font
vibrerlaqueue.Ilsetordtoujourssurlesiègedanssondésird’obtenirdavantage.—Oh,merde,bordel!soupire-t-ilenm’attrapantdenouveauparlescheveux,justeassezfortpour
medonnerdesfrissonsdedouleur.Iln’ajamaisétéaussibrutalavecmoi,etc’estlapreuvequ’ilperdlecontrôle.Çameplaît.J’aime
lespetitesdosesdesouffrancequ’ilm’inflige,etplusencoreleursignification:quej’airéussiàfaireperdrelatêteàcethommesibeauetsimaîtredelui.D’habitude,c’est l’inverse. Ila lecontrôleetc’estmoiqui reçoissonattention.C’estmoiqui le
suppliealorsqu’ilmerendfolle.Jenesaispaspourquoi,maiscesoir,j’aibesoindechangerladonne.Peut-êtrequec’estàcausede
Brandonetdel’impuissancequej’airessentieenletrouvantsurlepasdelaportechezEthan.Peut-êtrequec’estàcausedesdeuxsemainesquej’aipasséesloind’Ethan,videetperdue.Oupeut-êtrequec’est simplementparceque j’ai cethommesuperbeentremesbras, si pleinde
remordsetderegretsqu’ilmelaissefairetoutcequejeveux.Et j’aienvied’enfairebeaucoup,àcommencerpar luiarrachercette inaltérablemaîtrisede lui-
même.Jeveuxqu’ilperdelecontrôle,qu’iloublie,mêmepourunmoment,touslesobstaclesquisedressententrenous.Aussi, jeglisse lesmains sous luipour lui attraper les fesseset lemaintenirenplace.Puis, tout
doucement,jeleprendsdansmabouche,avecunelenteurtellequejesenschacundesesmusclessecontracteretfrémir.Son sexe est énorme, brûlant et dur, et j’aime ça. J’aime la sensation de son corps qui tremble
contre lemien, le son de ses halètements alors qu’il tente de reprendre son souffle. Plus que tout,j’aimelasensationdesaqueuequivaetvientdansmabouche.Jedétendslesmusclesdemagorgepourleprendreencoreplusprofondément,sanscesserdefaire
tourner ma langue autour de lui. Même à cet endroit, il a une saveur marine, douce, salée ettempétueuse,etjenem’enlassepas.Jen’aijamaisassezdesessoupirsetdesjuronsqu’ilmurmure.Plus il approchede l’orgasme,plusmondésiraugmente. Je le sensdansmon intimité,brûlante,
humide,etdésespéréedelesentirenmoi.Maispourça,ilfaudraitquejelelâche,etjen’ysuispasprête.Jeprendstropdeplaisiràlerendrefou,àlefairetomberenmorceaux,unàun.Jeveuxluiprocurerautantdeplaisirqu’ilm’endonne,etjeglisselesdoigtsderrièresestesticules
pourcaresserlapeautoutedouce.Ilseraidit,haletant,etcriemonnomenessayantdesedégagerdemabouche.Maisjenelelâchepas.Jelegardeauplusprofonddemagorge,savourantsongoûtpiquantetses
réactionsqu’ilne tentemêmepasdecacher. Iln’enpeutplus,et jebrûlede le fairecraquer.De le
contempleralorsquel’orgasmedéferlerasurlui,qu’ilseraconsuméparlemêmefeuqu’ilaalluméenmoi.—Chloe,machérie,souffle-t-ilenm’effleurantlajoueduboutdesdoigts.Arrête.Jet’enprie.Je
veuxêtreentoiquandjevaisjouir.Je secoue la tête imperceptiblement avant de le prendre encore plus profondément enmoi, sans
cesserdeluicaresserlaqueueavecmalangueselonlerythmequ’ilm’aenseignéilyadessemaines.Il ondule à présent avec frénésie, poussant des grognements bestiaux, et je sais que ce n’est plusdésormaisqu’unequestiondesecondes.Prêteàtoutpourqu’ilperdelecontrôle,jem’écarteuninstant,lelaissantsuspenduentreparadiset
enfer.Accroupiedevantlui,jem’humecteleslèvresàplusieursreprisesenlecouvantduregard.Ilales
yeux assombris, presque vitreux, mais me surveille avec le même air qu’un homme assoiffé quicontempledel’eau.Avecconcentration,intensité.Unefoiscertained’avoircaptésonattention,jeluipasseundoigtsurleglandavantdeleporterà
mabouche et de le sucer sans le quitter des yeux, commepour déguster la saveur que sa queueyauraitlaissée.Ethanémetunsonétranglé.Jemeserrecontrelui,pressantlesseinssursontorsepourcollerma
boucheàlasienne.—Jet’aime,dis-jetoutcontreseslèvres.Jet’aime.— Chloe… Merde… Je t’aime… Je t’aime… tellement… ma chérie, s’il te plaît… Je t’aime
tellement…Ledésirluifaitperdrelatête,etc’estjustementcequej’attendais.Jemebaissepourluilécherles
testiculesavantdechuchoter:—Jeveuxquetujouisses,Ethan.Maintenant.Avecungrognement,iltentedes’écarter,maisjeletiensfermement.Jeleprendsdansmabouche.
Puis,agrippéeàseshanches,lesonglesmordantsapeaudouce,jepasselalanguesurledessousdesa queue.Lorsqu’il halète pour reprendre sa respiration, tremblant, frissonnant etmurmurantmonprénom,jememetsàfredonnertoutbas.La vibration l’emporte dans les étoiles et, avec un juron qui ressemble à une prière, il jouit, se
déversantenmoienlongsjetspuissantsquimeramènentàmoialorsmêmequ’ilsembleseperdre.Quim’ancrenttoutenréduisantenmietteslesbarrièresquej’aieutantdemalàconstruire.
Chapitre11
—Onpeutparler?Lesheuresontpasséetnous sommesblottisdans le lit d’Ethanaprès avoirprisun longbainet
dévalisé le frigo pour confectionner une omelette. C’est un peu ridicule, quand j’y pense. Ethan adépenséaumoinsdixmilledollarspour ledînerdecesoirauMarineRoom, etmalgré tout,nousnoussommesretrouvésàmangeruneomeletteaufromage,deboutdanssacuisine.Ilya troismois,une telle idéem’auraithorrifiée.Enmêmetemps, ilya troismois, jen’aurais
jamaisimaginéêtreici,commecela,avecEthan.—Tuytiensvraiment?dis-jeenmemettantàplatventre,latêtedanslesbras.Ilesttard.Jesuis
fatiguée.—Jesais.Maisj’aimeraisqu’onenfinisseunebonnefois.Ilsepenchepourm’embrasserlesépaulesetledos.Avec un frisson, je me cambre vers lui. C’est irrépressible. Je sais qu’il voudrait discuter
sérieusement,maisc’est tellementbond’êtredenouveauavec luique j’ai justeenvied’enprofiterpourl’instant.Paspourtoujours–jesaisbienquenousavonsencorebeaucoupdechosesàrégler–,mais ça peut attendre demain. Ce soir, je voudrais qu’on se consacre entièrement à la joie desretrouvailles.Lui,moi,etlessentimentsquinouslient,plussolidesquedescordesdefunambule.J’ai déjà l’impression d’être une acrobate sur ce fil, en équilibre instable pour amuser la foule,
sansl’ombred’unfiletpourmerattraper.Est-cequej’aitortdevouloirlaisserpasserunenuit,rienqu’unenuit,avantdemesoucierdelachute?Mais un regard àEthanm’apprendqu’il est plus sérieuxque je ne l’ai jamais vu, et je sais que
repousser cette conversation est une torture pour nous deux. Peut-être que si on règle tout çarapidementcesoir,onpeut repartirdèsdemainmatinsurdebonnesbases.Dumoinsaussibonnesquepossible.—D’accord, réponds-je enme tournant pour lui enlacer la taille, avec unprofond soupir et un
sourirecrispé.J’aibeauavoirpassélescinqdernièresheuresàfairel’amouraveclui,çamefaitencorebizarre
d’êtredenouveauautoriséeàletoucher.Demetrouverdenouveaudanssesbras.—Dequoituveuxqu’onparle?—Jepensaisquec’étaitévident.Jehausselesépaulesavecdésinvoltureetmesurprendsàévitersonregard.C’estdrôle,non,que
malgrélescinqannéesetlaréussiteuniversitairequimeséparentdelagamineterrifiéequ’avioléeBrandonàl’avantdesavoiture,jesoistoujourscellequiredouted’enparler.Jesuistoujourscellequisepunitd’avoirétévictime.Il attrapemonmenton entre le pouce et l’index et me lève le visage pour me contraindre à le
regarderdanslesyeux.—Pourquoituhausseslesépaules?—Pourrien.—Chloe,onnevapass’ensortirsitun’acceptespasaumoinsdemedireàquoitupenses…— Mais je t’ai dit à quoi je pense. Je t’ai dit aussi que je n’avais pas envie qu’on en parle
maintenant.C’esttoiquiinsistes.
—Parcequec’estimportant.Sionn’endiscutepasmaintenant,çaresteratoujourslà,entrenous.Jet’aime,Chloe.Jeneveuxpasquedenouveauxobstaclesviennentsedresserentrenous.Jecroyaisquetucomprendraisça.Ilsembleagacé,commesijefaisaisexprèsd’êtrebornéeouprovocatrice,etçamefaitlâcherlefil
defunambuleauqueljem’accrochais,lesdoigtsensanglantés.—Maisjecomprends,rétorqué-jeenmelevant.Jem’enrouledans ledrappourcachermanudité.S’ilveutvraimentavoircetteconversation, je
préfèreêtredeboutquecouchéedanssonlitcommeuneconcubineoujenesaisquoi.—Crois-moi,Ethan,jecomprendsbienmieuxquetoi.Commentpenses-tuquecetteconversation
quetutienstellementàavoirvaseterminer?—Qu’est-cequetuveuxdire?—Àtonavis,çavafinircomment?Jevaisteparlerduviol,tuvasévoquertonfrèreetmedire
quetun’étaispasaucourant.Jeteraconteraicombiençameterrifiedesavoirquevousavezunlienfamilial,etquesiontentedevivrequelquechose,ilresteratoujoursdansuncoindematête,pouruneraisonouuneautre.Tuaffirmerasquecen’estpaslecas…Tuveuxquejecontinueouj’aifaitletour?Ethanselèveluiaussi,mais,contrairementàmoi,ilrestenu,magnifique.—C’estvraimentcommeçaquetupensesqueçavasepasser?—Pourquoi?Cen’estpaslecas?—Non,biensûrquenon.C’est…Ilsereprendenvoyantl’expressiondemonvisage.—Trèsbien.Peut-êtrequeçaressembleraunpeuàça.—Biensûrqueoui.C’estcommeçaqueçamarche.Etjen’enaipasenvie.Onvientàpeinedese
remettreensemble.Jemetais,serrantledrapautourdemoidansungesteconvulsifavantd’ajouter:—Onestdenouveauensemble,pasvrai?Sonairdéterminélaisseaussitôtplaceàuneexpressiondecolère.—Leseulfaitquetumeposeslaquestionmontrebienquenousavonsbesoindeparler.—Maispourquoi?Sinoussommesdenouveauensemble,onn’aqu’àsecontenterdeçaquelque
temps.Lepassén’apasd’importance.Profitonsplutôtdumomentprésent…—Profiter?Tudisçacommesiçanedevaitpasdurer…Sontonaccusateurmefaitrougir.Dansmatête,unepetitevoixmechuchotequ’ilaraison.Quej’ai
l’airdesous-entendrequenotrerelationestéphémère.Pire…quec’estpeut-êtrecequejepense.—Jen’aijamaisditça,Ethan.— Tu n’as pas eu besoin, Chloe. « Ne t’inquiète pas du passé, ne te soucie pas de l’avenir.
Concentre-toisur leprésent.»N’est-cepascequetuasdit?Franchement,quiestcapabledevivrecommeça?Pasdesgensquiveulentconstruireunavenirensemble,c’estcertain.—Maisc’estlaseulefaçonpourqu’onaitunavenirensemble!Tunecomprendspas?Perdantlepeudecontrôlequej’avaissurmoi,jemesuismiseàcrier.—Cequejevois,c’estquelafemmequej’aimeestentraindesemettredanstoussesétats,etjene
comprendspaspourquoi.J’essaiedetedirequejet’aime,etquejeveuxqu’onsoitensemble.Qu’ontrouveralemoyendesurmonterlepassé.Jeneveuxpastefairedemal,machérie…—Maistuvasquandmêmem’enfaire!Lesmotssontsortistoutseuls.Ethans’immobilisesouslechocdecetteaccusation,sesyeuxbleus
virantpresqueaunoir. Ils’approchepourmeprendredanssesbras,mais jeneveuxplusqu’ilme
touche.Lesdégâtsdupassé,lasouffrancemesubmergentdenouveau.Je le pousse et trébuche dansmahâte àm’écarter.Mon talon se prend dans le drap et je tombe
violemmentsurleparquetdur.—Merde.Ilneluifautqu’uninstantpours’accroupirprèsdemoietmesouleverdanssesbras.Ils’assiedsur
lelitenmetenantsursesgenoux,latêtesoussonmentonalorsqu’ilmeberced’avantenarrière.— Je suis désolé, dit-il quelquesminutes plus tard.Désolé de t’avoir fait dumal, désolé que tu
craignesqueçarecommence…—Cen’estpascequejevoulaisdire…—Jecroisquesi.Ettuasparfaitementledroitd’éprouvercessentiments.D’avoirpeurdemoiet
decequisepasseentrenous.—Jen’aipaspeurdetoi,Ethan.—Chloe…—Jet’assure,dis-jeenm’écartantpourqu’ilpuisselirelasincéritédansmonregard.Jetejure.Ce
n’estpasdetoiquej’aipeur.C’estdupassé.Levisagesombre,ils’apprêteàparler,maisjelefaistaireenposantdeuxdoigtssurseslèvres.—Jesaisbienqu’onditquelepassénepeuttefairedemalquesitul’yautorises,maisc’estdes
conneries.Réfléchis…Mêmelesgensquiontunpassébanalsontfaçonnéspar leurhistoire,parcequ’ilsonttraversédesdeuils.Lesblessuressonttoujourslà,desannéesaprès,qu’ilsleveuillentounon.Ethanfermelesyeux,têtebaissée.Jesuisd’abordsurprisedesaréaction,avantdemesouvenirque
sonpèreestmortaucombatalorsqu’ilétaitenfant.Jem’excuseenleprenantdansmesbras.—Merde.Jesuisdésolée.J’aiparlésansréfléchir.Ondiraitquenoussommescondamnésl’unetl’autreàappuyerlàoùçafaitmal.—Net’enfaispas.Jenem’yattendaispas,c’esttout.Maisjesupposequeçanefaitqueprouver
quetuasraison,n’est-cepas?C’estlecas,maisjenesuispasinsensibleaupointdeleluidire.Jepréfèremeconcentrersurmon
passé.Surcesujetquenoustentonsdésespérémentdenepasaborder.— Ce qui m’est arrivé… le viol… c’était horrible, me forcé-je à articuler. Vraiment horrible,
Ethan,etçaadurétrèslongtemps.—Jesais,monchou.—Leproblèmec’estquenon,tunesaispas.Jemedégagedesesbraspourm’agenouillersurletapis,prèsdesesjambes.—Tunepeuxpassavoir.Tun’étaispaslàquandças’estproduit.Niensuite,lorsquemesparentsse
sontservisdemoipourgagnerdel’argent.Commesijen’étaisque…Lavoixbrisée,jetentededominermonémotion.Ethanvoulaitenparler,ilestservi.Jenereculeraipas.Etlorsquecetteconversationseraterminée,
j’enfermerai toute cette merde au plus profond de moi et je ne parlerai plus du viol ou de sesconséquences,jamais.Jemefaiscettepromesseetm’yraccrochepourmieuxreprendrelecontrôledontj’aibesoinpour
traversertoutçaunedernièrefois.—Tun’étaispaslàquandBrandonafaitdemavieunenfertoutel’annéesuivante.Quandilme
traitaitdeputeetincitaittoussescopainsàmepeloteretessayerdemesauter.Tun’asassistéàriendetoutça…
Ethanestmaladed’horreur.—Bordel,Chloe.Jesuisdésolé.Jesuistellementdésoléquetuaiesdûvivretoutça…—Maisc’estjustementleproblème.Tesexcuses,jem’enfous,Ethan.Çan’arrangeenriencequ’a
faitBrandon.Çanefaitpasdemesparentsdesgensbien.Çanechangeriendutout.Etc’estpourçaquejeneveuxpasenparler.Parcequeçamemetencolère.Je sens les larmesmonter,mais je les ravale. J’ai suffisamment pleuré sur cette histoire, versé
assezdelarmessurunmonstrequineleméritepas.Leslarmes,Brandon,c’estderrièremoi.—Çamefouttellementencolère!Etçamerendtriste.Jesuisblessée,désorientée.Dansunétat
second.Etjen’aimepasêtrecommeça.Jesuisrestéedanscetétatdesannées,àbougercommeunautomate.Tout justevivante, tropaccabléepar lepassépourvoir leprésent. Jeneveuxplusvivrecommeça,Ethan.Jeneveuxplusêtre la filleque j’étaisalors.Pasun jourdeplus,pasmêmeuneseconde…Quandjesuiscettefille,jesuisdévastée.—Tun’espas…—Si. Et si tu neme crois pas, il suffit que tu voies comment j’étais lorsque ton frè… lorsque
Brandons’estpointé.Onnepeutpasdirequecesdeuxsemainesaientétébonnes,pasvrai?Ethansemblevidédetouteénergie,lesépaulestombantes,levisagecrispé,ilsembleaussidémoli
quemoi,etc’estlapremièrefoisquejelevoisainsi.—Chloe…Chloe…jesuisdéso…—Nemedispasquetuesdésolé!Jeluiassènelamêmephrasequ’ilm’aadresséeunpeuplustôt,maisd’unevoixbienplusforteet
plusaiguë.—Ce n’est pas ta faute, reprends-je. Pas plus la tienne que lamienne, et je ne veux pas de tes
foutuesexcuses.Tupiges?Ilsemblevouloirprotester,mais,pourfinir,ilsecontentedesepasserlesmainsdanslescheveux
etd’acquiescerd’ungestelent.—Ouais.—Jet’aime,Ethan.Plusquej’auraisjamaiscruaimerunjour.—Moiaussi,jet’aime,Chloe.—Jesais.C’estpourçaquej’acceptequ’onenparle.Iln’yapersonned’autresurterrepourqui
j’accepteraisdemedévoilerainsi,nonpasunefois,maisdeux.Jeveuxqu’onsoitensemble.Qu’onmettetoutesleschancesdenotrecôtépourvivreheureux.Maisilfautquetucomprennesquejen’yarriveraipassilepasséestentrenous.SijepensesanscesseàBrandon,ouàmafamille,ouàtoutesmesblessures.Sij’aitenulecoupjusqu’àmaintenant,c’estparcequej’aienfouilepasséaufonddemoi. Je n’y pense pas, je ne m’amuse pas à ruminer ça quand je m’ennuie. Je fais comme si çan’existaitpas.Etcen’estpaslapeinedemedirequecen’estpassain.Jenecomptepluslespsysquim’ont répété que refouler n’est pas lamême chose qu’accepter.Mais tu sais quoi, je n’accepteraijamais.Jamais.Etjepeuxt’assurerquesijemelaissealleràréfléchirvraimentaufaitqueBrandonest ton frère, que la femmequi a versé tout ce pognon àmes parents pour le tirer d’affaire est tamère,alorsonneserajamaisensemble.Jamaisdelavie.Ethanpâlit.Jenel’aijamaisvuaveccetairmalade.—Chloe,cen’estpas…Ilyaquelquechoseque…—Tais-toi!hurlé-je.Tais-toi!Jenesuispasdugenreàfixerdesultimatums,Ethan.Etjesaisque
tun’espasdugenreà les respecter.Mais jenevoispascommentçapeutmarcherautrement.Si tuveuxqu’onsoitensemble…—Oui,jeleveux!
—Alorssoisavecmoi.Aveccellequejesuismaintenant,pascellequej’étaisavant.Jeneveuxpasparler du viol. Je ne veux pas parler de Brandon. Je ne veux pas rencontrer ta famille. Je ne lesupporteraispas.Pasmaintenant.Etpeut-êtremêmejamais.Entoutcas,pasmaintenant,c’estsûr.Jesuis désolée d’être aussi fragile. De traîner toutes ces casseroles, et que si tu sortes avecmoi, çadevienne tes casseroles à toi aussi. Et je suis désolée parce que peut-être qu’unmatin je vais meréveilleretquejeneseraipascapabledesupportercettesituationunesecondedeplus.Etquejeneseraijamaisnormale.Tuasledroitd’êtreavecquelqu’undenormal.Maisjet’aime.Jet’aime,Ethan,etjesuisprêteàtoutpourqu’onresteensemble.Parcequevivresanstoi…cen’estpaspossible.Cen’estpas…Jenefinispasmaphrase.Ethanmetirecontrelui,enfouissantlesmainsdansmescheveuxpour
medonnerunbaiserdévorant.Jesenslegoûtsalédeseslarmes.Jenesavaispasqu’ilpleurait.Jel’entendsreprendresonsouffle,
alors que j’ignorais qu’il le retenait. De légers frissons secouent son corps mince et tonique desurfeur.Ilmeserredanssesbrascommes’ilnevoulaitplusjamaismelâcher.Son étreintemedonne l’ancrage quimemanque, la preuve tangible que notre relation est aussi
importantepourluiquepourmoi.Brandonoupas,jenepeuxriendemanderdeplusqueça.Ilmecouvredebaisers.C’estdélicieux,etçasemblesijuste.Commesilespectredupasséavaitété
banniàjamais.C’esttoutcequejeveux,toutcequejepourraissouhaiter.Jel’enlace,luirendssesbaisersavectoutl’amour,ledésiretlaforcequej’aienmoi.Etjeprie
pourqueçasuffise.—Jet’aime,merépète-t-ilentredeuxbaiserspassionnés.Jet’aime,jet’aime,jet’aime.—Moiaussi,jet’aime.—Jen’enaijamaisdouté,Chloe.Sij’avaiscessédelecroire,jeseraisdevenufou.Ilsetourneetnousnousretrouvonsallongéssurlelit.Jesuisàplatventre,Ethanétendusurmoi,
labouchesurmanuqueetlesmains…absolumentpartout.—Àmontourdeparler,déclare-t-ilenarrachantledrapquinoussépare.Ilparcourtmondosàgrandscoupsdelanguepeupressésquimedonnentdesfrissonsbrûlants.—Jesuisdésoléqueçatesoitarrivé,ajoute-t-ilentreunbaiseretunemorsuresurmondos.—Jet’aidit…—Non, coupe-t-il en plaquant sa main calleuse sur ma bouche. Tu n’as pas le droit de parler
maintenant.C’estmontour.Il retire sa main, mais persiste à me regarder d’un air menaçant. Il ne plaisante pas. J’ai pu
m’exprimer,maintenantc’estàlui.Jepinceleslèvres.Inutiledeprotester.Aprèstoutcequejeluiaiconfié,ilestnormalqu’ilpuisseparlerluiaussi.—J’ai ledroitd’êtredésoléquelafemmequej’aimeaitvécul’enfer.J’ai ledroitd’êtrefoude
ragequecesoitmonfrèrequit’aitfaitmal.Etj’aiaussiledroitdevouloirarrangerleschosespourtoi.Pasparcequetuasbesoindemoi:jesaisquecen’estpaslecas.Tueslafemmelaplusfortequejeconnaisse,Chloe,ettut’ensortiraistrèsbiensansmoi.Jenesuispassûrequ’ilaitraison.Jem’ensortaisbienavantdelerencontrer.Maismaintenant?
Maintenantqu’ilm’aaimée,choyéeetsoutenue?Jenesaispassijepourraisunjourallerbiensanslui.D’un côté, çame terrifie.Mais d’un autre, la facette primitive dema personnalité trouve cettepenséeapaisante,rassurante.ParcequeEthanestlà,qu’ilestàmoi,etquesijetombe,ilseralàpourmerattraper.Demêmequejeserailàpourlui.—Maisj’aibesoindetoi,poursuit-ilenmeretournantpourêtrefaceàface.Plusquedepersonne
d’autredansmavie.J’aiessayédet’oublierquandtumel’asdemandé,maisnousvoilà,exactementaumêmepointqu’audébut.C’est troptard.Tuaseutachance.Maintenant…jenecroispasquejepourraistelâcher,mêmesij’essayais.Jet’aidanslapeau.Danslecœur,lecerveau,dansmonâme.Jesuisaccroàtoi,jenepourraijamaisenavoirassez.Jet’aime,ChloeGirard.Jet’aimeplusquejenel’aurais cru possible. Et si tu ne veux pas parler du passé, on n’en parlera pas. En tout cas, pasmaintenant,alorsqu’onesttellementàvif.Maisilfautquetucomprennesquelquechose:moiaussi,j’ai des ultimatums à poser, et ils tournent tous autour du fait que tu ailles bien.Que tu sois aussiheureuseetentièrequetupeuxl’être.Jeterespecte,entantquefemme.Jerespectetondroitdegérerleschosesàtafaçonetàtonrythme.C’esttoncorps,etc’esttavie.Maistudoiscomprendrequetum’appartiensdésormais,etquejem’occupedecequim’appartient.Cequisignifiequejenevaispasresterplantélààteregardersouffrirsijepeuxychangerquelquechose.Jenelaisseraipersonnetefairedumal.Plusjamais.Tum’appartiens,Chloe,ettudoiscomprendrequejeferaitoutcequiseranécessairepourtasécurité.Sesmotsmetranspercent,fendantladurecarapacedemesdéfensesetcelleunpeuplussouplede
masouffrance.Ellesplongentdansladouceurdemoncœur,danscettepartdemoisifragilequiatoujours voulu s’appuyer sur quelqu’un. Quelqu’un à qui faire confiance, quelqu’un quim’aide àportermonfardeau.Etbienque,del’extérieur,lefrèredemonvioleurneparaissepaslemieuxplacépourendosserce
rôle,quandjeregardeEthan,jevoisdanssesyeuxtellementd’amouretdedévouementquejesaisquejenetrouveraijamaisdemeilleurcandidat.—Jecomprends,dis-jeenl’enlaçantpourl’attirerversmoietl’embrasser.—C’estvrai?—Absolument.Onestaussitarésl’unquel’autre.Onadelachancedes’êtrerencontrés,parceque
personned’autrenevoudraitdenous.—Tuassansdouteraison,approuve-t-ilenriant.Çatombebien,j’ail’intentiondetegarder.—Ouais.Çatombebien.Il tend lebrasvers le tiroirdesa tabledechevetetyprendquelquechose toutenm’embrassant
avecunepassionquimecoupelesouffle,m’exciteetmeremplitd’espoirtoutàlafois.J’enaiencorelatêtequitournelorsquejesensunobjetfroidm’effleurerleventre.Jelereconnais
aussitôt.Jebaisse lesyeuxjusteà tempspourvoirEthanattacher lachaînedeplatineautourdemataille.Aprèsl’avoirregardéeavecuneévidentesatisfaction,ilsepenchepourdéposerdesbaiserstoutdu
long.—Nel’enlèveplus.Quelquechosedansletondesavoixmeprocuredesfrissonsdedésir.—Ethan…—Nel’enlèveplus,répète-t-il,etcettefoislecommandementestbienperceptible.D’uncôté, j’aienviedeprotesterpour leprincipe,parcequ’ilmedonneunordre.Etd’unautre
côté,çamesemblefutile.Ilveutquejeportecettechaîne.J’enaienviemoiaussi.Sontonrauquem’exciteauplushautpoint.
C’estlargementassezpourlemoment.Lerestepeutattendre.
Chapitre12
—C’estquoi,ça?dis-je lesamedimatinsuivant,alorsqu’Ethanapporteuneénormeboîtedansmonappartement.Ilestlàdebonneheurecarnoussommescensésallervoirdessoldatsàl’hôpitalmilitaire,avantde
visiterunoudeuxmuséesdansBalboaPark.Jepensaisqu’onpartiraitdèssonarrivée,mais,vulatêteducolis,jen’ensuisplussisûre.— Un Vitamix, répond-il avec un grand sourire éclatant et un regard innocent. J’ai remarqué
l’autrejourqueletienavaitdisparu…—Disparu.Onpeutdireçacommeça,intervientToridepuislecanapé.—Chut!sifflé-jedansledosd’Ethan.Maisilseretourneetmesurprendàlafusillerdesyeux.—Ilyauntrucquim’échappe?demande-t-il.—Environ quatre cents dollars, à vue de nez, rétorqueTori, goguenarde.On peut prendre une
assurance,surcegenredebidules?—Euh…sansdoute.Pourquoi?—Pourrien,dis-jeenluifaisantunebisesurlajouealorsqu’ildéposelaboîtesurlecomptoir,
ainsiquetroissacsdechezWholeFoodsqu’ilportaitsurlespoignets.Toriestjustetrèsmaladroite,alorselleveuttoujoursprendredesassurancessurtout.Macolocatairemanquedes’étrangleravecsonjusd’oranges.—Oui,c’estcommeçaqueleVitamixestmort.Àcausedemamaladresse.Etpas,disons,àcause
detonhabiletéàmanierlemarteau.Ethansetourneversmoi,amusé.—Jemedemandesij’aiintérêtàdemandercequiestarrivéàcemalheureuxblender…Jeréfléchisunesecondeavantdesecouerlatête.—Non,sansdoutepas.—Jem’endoutais.Ilcommenceàdéballersescourses,etc’estmontourd’êtreamuséealorsqu’ilempiledesfruits,
deslégumesetdeuxjolisfromagessurleplandetravail.—Onsaitsenourrir,tusais.—Eh,parlepourtoi!protesteToriens’approchantpourattraperunepommedansl’undessacs.
Si unbeaumecveutm’apporter àmanger, je n’ai rien contre.Ah,Ethan, pour info,mespommespréférées,c’estlesGala.—Jem’ensouviendrai,répond-ilavecunsourire.—Oui,s’ilteplaît,conclutTori.—Ilnevapascontinueràfairelescoursesànotreplace,Tori,dis-jeenlevantlesyeuxauciel.—Etpourquoipas?Ça luipermetdesesentirbienetçanousévitedenousembêteràallerau
supermarchéetàremonterdestonnesdesacs.Toutlemondeygagne.—Çanem’étonnepasdetoi.—Alors,quiveutunsmoothie?demandeEthanendéballantlenouveaublender.Illerincedansl’éviertandisqueToriretourneàsaplacefavoritesurlecanapé.— On ne va pas recommencer ? dis-je en lui enlaçant la taille pour l’embrasser entre les
omoplates.—Recommencerquoi?demande-t-ild’unairinnocent,commes’ilnesavaitpasdequoijeparle.—Recommencer ànousdisputer àproposdece cadeaudélirantque tu tiens àm’offrirpour la
deuxièmefois.— Tori, je t’en prie, explique à ta colocataire qu’un blender n’est pas un cadeau délirant. Au
contraire,c’estunachatutile.Unbonpetitdéjeuner,c’estprimordial.— Je peux manger un bon petit déjeuner sans le préparer à l’aide d’un blender délirant à
400dollars!dis-je,exaspérée.—Jeme répète.Cen’est pasdélirant.Unevoiture, c’est un cadeaudélirant.Unvoyage àParis,
c’estdélirant.Une…—…chaînedetailleenplatineetdiamantsdechezTiffanyà40000dollars,c’estdélirant.Mais
pasunblender,Chloe.Fautquetutecalmes,mavieille!Leblenderestaussitôtchassédemonesprit.—Quarantemilledollars?dis-jed’unevoixdecrapaudenposant lesmainssur lebijouque je
n’aipasenlevédepuisnotreconversationdelanuitdernière.Machaînevaut40000dollars?—Mercibeaucoup,Tori,grondeEthanavecunregardnoir.Avecunhaussementd’épaules,ellemorddanssapomme.—Aumoins,elleneronchonneplusausujetdeceVitamix.Relativise,mec.Relativise.—Bordeldemerde,Ethan!Tutepaiesmatête?—Jenevoispascequ’ilyadesiénorme.—Quarantemilledollars,c’esténorme!C’estplusqueleprixdemavoiture.—Jem’endoute,tupeuxmecroire.Manifestement,lavaleurdemavoitureestloindelesatisfaire.—Eh,mavoitureesttrèsbien!—Jen’aipasditlecontraire.Ilsortunegrandebarquettedefraisesdel’undessacsetentreprenddeleslaveravecsoin.—Çasepassedemots.C’estécritsurtatête.Etnevapast’imaginerquejen’aipasremarquéton
manège,dis-jeenluichipantunefraisequejecroquejusqu’aupédoncule.—Ahoui?Etdequelmanègetuparles?demande-t-ilenépluchantl’ananasavantdelecouperen
dés.—Tuchangesdesujetpourmefaireoublierleprixexorbitantdecettechaîne.—Lâche-leunpeu!m’admonesteTori,cachéederrièrelemagazinedemodedanslequelelleest
absorbéedepuisunebonnedemi-heure.Tudevaisbiensavoirqu’ilnel’avaitpaseuepourrien.EllevientdechezTiffany,merde!Ilsvendentlemoindreboutdeverre1000dollars,alorstupeuxbienimaginerleprixdecinqcaratsdediamants,minimum…—Huitcarats,préciseEthantoutendébitantdeuxbananesenrondellesavantdelesverserdansle
boldurobot.—Merveilleux.Huitcarats,çaveutdirequelquechose.—Çaveutdirequoi?dis-jed’unevoixencorebientropaiguë.Huitcarats,çaveutdirequoi,àpart
quelapersonnequilesaachetésabientropd’argent?—Ehbien, jecroisqueçasignifie«bas lespattes»,soupireTorien levant lesyeuxauciel.Et
aussi:«Jesuisplusrichequetoietsitulatouches,jeteréduiraienpoussière.»—Tori,nesoispasridicule!—Jedoisavouerquec’estexactementlemessagequejevoulaistransmettre,rétorqueEthanavec
ungrandsourire.Trèsbonneexplicationdetexte,Tori.
Ilestsiamuséquesesyeuxbleussemblentpétilleretquedesfossettesapparaissentsursesjoues.—Merci.Jesuisbilingueennéandertalien.C’estpratique,çaévitedestasdemalentendus.Bouchebée,jeregardeEthanacquiescer,commesiellevenaitdeproféreruneparolesenséeetnon
untissud’absurdités.—Tumarquesencoreunpoint,Tori,déclare-t-il.—Mesconnaissancessontsanslimites,répond-elleencroquantdanssapomme.— Ça m’ennuie de casser l’ambiance alors que vous êtes si heureux dans votre société
d’admirationréciproque,maisn’as-tupasaffirmé,ilyamoinsd’unesemaine,quetuavaistoujoursdétestéEthan?—Eneffet.Maisc’étaitavant.—Avantquoi?—Qu’ilm’apportedespommes,évidemment.—Ahbon?C’estcommeçaqu’ont’achète,toi?Avecdespommes?— Je n’ai jamais prétendu que j’étais difficile à avoir, commente-t-elle avec un haussement
d’épaules.Elleditçasurletondelaplaisanterie,maisçajettequandmêmeunfroid.Bienqu’ellenemeparle
desafamillequ’entermessuperficiels,j’aiglanésuffisammentdebribescestroisdernièresannéespoursavoirqu’ellen’endirapasplus.Etçamerendfolle,carelleesttellementplusprofondequecequelesgensimaginent.Plusprofondequ’elleneveutbienl’admettreelle-même.J’aienvied’embrayersur lesujet,mais j’aiapprisàmesdépensqu’ellenevapas leprendredu
boncôté,etm’accuserdemanquerd’humour.Jetournedoncseptfoismalanguedansmaboucheetjetteuncoupd’œilàEthan.Ilnouscontempletouteslesdeuxd’unairpensif;jedevinequ’iladéceléla souffrance sous-jacente dans sa petite phrase.Àmoins qu’il ne réfléchisse à nos ressemblancesintérieures,àTorietmoi.Àpremièrevue,onesttrèsdifférentes,maisnosâmessontjumelles.Ilmelanceunregardinterrogateur,etjefais«non»delatête.Cen’estpaslemomentd’allerau
fonddeschoses.Torinemepardonneraitpasdelaprendreàreversdevantlui.Elleneseraitdéjàpasraviequejetenteuneconversationintimeentêteàtête…alorsajouterEthan–oun’importequi–aucocktailnepeutconduirequ’àdescatastrophes.J’essaiedelâcherprise,maisjedoisavoirl’airpluscontrariéequejenelecrois.Ethantiraillesur
machaînepourmeramenerauprésent,toutenmecaressantlebasdudos.Çamarche.Soncontactmeréconforteplusquetoutcequej’aiconnu.Maisçamerappelleaussi
d’oùestpartiecetteconversation.— Ethan, tu ne peux pas m’offrir un bijou à 40 000 dollars…, dis-je, à la fois exaspérée et
bouleversée.—Troptard.C’estfait.—Oui,mais…Ilm’attireversluietm’embrasselonguement.—Pourquoiest-cequ’onsedispute,là?—Onsedisputeàcauseduprixexorbitantquetuaspayépourm’offrircettechaînedetaille.—D’accord, mais pourquoi ? C’est trop tard : je l’ai achetée, et tu la portes. Et comme nous
l’avonsdéjàétabli,tunel’enlèveraspas,alorsjenevoispasl’intérêtdediscuter.Enoutre–mêmesijepréfèreengénéral éviterde lementionnerparceque je saisqueça temetmalà l’aise– j’aidel’argent,Chloe.Quarantemilledollarsnevontpasmeconduireàlaprisonpourdettes.Ilsepenchepourmemurmurerlaconclusionàl’oreille:—Etquandbienmêmeceseraitlecas,çaenvaudraitlapeine,rienquepourtevoirétenduesur
monlit,neportantriend’autrequeça.Ilm’embrasse,d’unbaiserdoux,tendre,parfait.Jenepeuxm’empêcherdefondre.Jen’oubliepas
l’angoisse suscitéepar le prixdubijou,mais je la repousse.En effet, la déterminationd’Ethan esttellequelecombatestperdud’avance.Etbienquetoutesmesfaillesmepoussentàrefusercecadeau,jesaisquecequej’éprouvevientdupassé,etnondelaréalité.C’estseulementdansmatêtequ’Ethans’ensertpourm’acheter.IlestcerteslefrèredeBrandon,maisilneluiressemblepas.SiEthanmefaitdescadeaux,c’est
parcequ’ilenaenvie,etpasdansl’espoird’obtenirquelquechoseenéchange.Jelesais,jeleressenschaquefoisqu’ilmeprenddanssesbras,chaquefoisqu’ilm’effleuredeslèvreslescheveux,lapeau,lapoitrinejusteau-dessusducœur.Ethanmemordillelalèvreinférieureetjeleserrepourl’attirerplusprèsdemoi.Puisilmelèche
leslèvres,glissantlalanguedansmabouchepourtaquinerlamienne,lorsque…—Ah,beurk!Prenezunechambre!Oumieux,allezdanslavôtre,ellen’estpasloin!s’exclame
Torienmontrantlecouloir.— Bonne idée, réponds-je en entraînant Ethan vers ma chambre. Tu ferais peut-être mieux de
mettreunpeudemusique.Ouunfilmd’action,parceque…Jemeprendsl’undescoussinsducanapédansledos.—Personnen’aimeentendrelesautresfairedegrandesdémonstrations,Chloe!—Oh,jenesaispas.Ethannes’estjamais…Onentendsoudainfrapperàlaporteavecaplomb.—Tuattendsquelqu’un?dis-jeàTorienmedirigeantverslaporte.—Non.Iln’enfautpasplusàEthanpourmebarrerlepassage.—J’yvais,annonce-t-il.J’essaiedelerepousserd’uncoupdehanche.—Pourquoi?C’estsansdoutel’undesvoisinsquivientfaireunpetitcoucouàTori.C’esttoutle
tempscommeça.—Ehbien,çaneledérangerapasdemerencontreravantdeparleràTori.Lesgensontsûrement
enviededécouvrirtonnouveaucopain.—Jeviensjustedem’installerici.Toutlemondes’en…—Chloe,intervientTori,Ethanveutsurtoutdirequ’ilesttellementunestarquec’estpeut-êtreun
paparazziquisonneàlaporte.Auquelcas,ilneveutpasquetuysoismêlée.—Exactement,renchéritEthanavecunregardapprobateuràTori.—Allez,Chloe,reprendcelle-cientapotantlecanapéàcôtéd’ellealorsquedenouveauxcoups
retentissent.Viensregarderlespectacle.Je lève les yeux au cielmais rejoins tout demêmeTori dans le salon tandis qu’Ethan enlève la
chaînedelaporte.—Commenttufaispourdevineraussibientoutcequ’ilpense?—Jetel’aidit,jeparlenéandertalien.C’estlemomentquechoisitEthanpourécarterlebattant.Avantquejen’aiepuvoirquic’est,un
poingjaillitetvients’écrasersurlenezdemonpetitami.—Ah,commenteToriavantdereprendreunebouchéedepomme.Malgrémonbilinguisme,jene
m’attendaispasàça.
Chapitre13
—Qu’est-cequec’estquecebordel?!s’écrieEthanentitubantsouslecoup.Aulieudes’effondrer,ilsaisitletypesurleseuiletlefaitentrerenletenantparlecouavantdele
pousserfermementpourleplierendeux.JemepréparaisàvoirBrandon,ici,chezmoi.Quid’autrequeluiiraitfrapperEthanainsi?Mais
jemetrompecomplètement.Carcen’estpaslefrèred’Ethanquisetientaumilieudel’entrée,pliéendeuxetjurantcommeuncharretier.C’estlemien.—Miles!Qu’est-cequetufichesici?dis-jeenmelevantd’unbond.Ethan,lâche-le!—C’estluiquis’estjetésurmoisanscriergare,protesteEthan.Pourquoic’estmoiquimefais
engueuler?—Jevaisl’engueuleraussi,tupeuxmecroire,quandj’auraicompriscequ’ilfaitlà.Maislaisse-
le,s’ilteplaît.Ethan relâchemon frère à regret, et jevoisbienà saposturequ’il se tientprêt aucasoùMiles
l’agresseraitdenouveau.Mais jeconnaismonfrère :c’estun inventeur,pasunboxeur,etàmoinsqu’iln’aitbeaucoupchangédepuisquejemesuisinstalléeàSanDiegoilyatroisans,cecoupdepoing était tout ce qu’il avait en réserve. Je suis même surprise que mon frère, éternel distraitbinoclard,enaitétécapable.—Miles!Qu’est-cequit’estpasséparla…Àmagrandehorreur,ilsejettedenouveausurEthan.Etcettefois,Ethanlerepousse.Ill’envoie
valserparterreavecunetelleforcequej’entendslatêtedeMilescognersurleparquet.—Arrêtez!dis-jeenmejetantentreeux.Miles,voyons!Qu’est-cequiteprend?—Commentça,qu’est-cequimeprend?J’essaiedeteprotégerdececonnard.Est-cequetuasla
moindreidéedequic’est?—C’estmoncopain.Évidemmentquejesaisquic’est.—Non!C’estpourçaquej’essaiedetejoindredepuistroissemaines!Situtedonnaislapeinede
m’appelerunefoisdetempsentemps,jen’auraispaseubesoindeprendrel’avionrienquepourteparler.EthanFrostestlefrèrede…—BrandonJacobs.Oui,jesais.C’estletourdeMilesderesterbouchebée.—Tuétaisaucourant?Iln’auraitpasl’airplussurprissijesortaisunearmepourtirersurquelqu’un.—Ettusorsquandmêmeaveclui?Tuesfolle?Ouc’estjusteunenouvellefaçondetepunir?J’ai d’abord enviede lui sauter à la gorge et de lui demander de semêler de ses affaires.Mais
même si je ne l’ai pas vu depuis trois ans, il a fait tout ce trajet pour me prévenir, parce qu’ils’inquiétaitpourmoi. J’aimeraisnepas en tenir compte,mais jenepeuxm’empêcherde l’ajoutermentalementàlalistedepointsmarquésdesdeuxcôtésentremafamilleetmoi.Maisavantquejen’aiepudirequoiquecesoit,Ethansemêledelaconversation.—Chloe, tuasl’intentiondefairelesprésentations,oujedoisdevinerparmoi-mêmequiestce
guignol?Ilparled’unevoixbasse,leregardmenaçant.Jeprendsconsciencequ’ilnecomprendrienàcequi
sepasse.IlignorequiestMiles,àpartsonagresseurquiessaiedemeconvaincredeleplaquer.Pasétonnantqu’ilsembleprêtàtuer.—Désolée,Ethan.JeteprésenteMilesPierce.Monfrère.—Chloe,net’excusepasauprèsdecetype!C’estuneracaille!—Miles,arrête!—Qu’est-cequetuvoudraisquejedise?Quejesuisheureuxdetetrouvericiaveclui?Aprèstout
cequesafamillet’afaitsubir?Jerétorqued’unevoixempreintedecolère:—Safamille,Miles!Paslui!—Çachangequelquechose?rétorquemonfrèreavecironie.Lesrichards,c’esttouslesmêmes.—Tuteprendspourqui?demandeEthanàvoixbasse.Qu’est-cequitedonneledroit,àtoientre
tous,devenirperturberChloe?—Ah,c’estmoiquiperturbeChloe?Ethanseplacedevantmoi,lesbrascroisés,avecunairimplacablequejeneluiaivuquelorsde
réunionsd’affaires.—C’estcequejeconstate.— Va te faire foutre, Frost. Qu’est-ce que tu fiches avec ma sœur, de toute façon ? Elle n’est
franchementpastongenre…Ilsous-entendsanséquivoquequejenesuispasassezsexy.Çanemesurprendpas,carjesuisdu
mêmeavis,maispourEthan,c’esttrop.Ilposeunemainsurl’épauledemonfrèreetserrejusqu’àluiarracherunegrimacededouleur.—OnestchezChloeettuessonfrère,alorsjenevaispastefoutredehors.Maistuferaismieuxde
surveillertespropos,situveuxressortird’icienunseulmorceau.—Bonsang,maistuesunvraibarbare,toi!Çadoitêtrebienagréabled’avoirtellementdefric
qu’onpeuttoutsepermettre.—C’estdrôle,jemefaisaisexactementlamêmeremarqueàtonsujet.Untiroir-caisseàlaplace
ducœur.Pourquelleautreraisonest-cequetuviendraistapersurtasœurquandellenevapasbien?Ilgardeunvisagedemarbre,maislecoupporte.Milesblêmit,incapabledetrouversesmots.—Bon,çasuffit,dis-je.Miles,tuvastecalmer…—Moi, jevaismecalmer?C’est toiquicouchesavecl’ennemi.Après toutcequesonfrère t’a
fait,toutcequesesparentst’ontfait,pourquoiest-cequetusorsaveclui?Situavaisbesoind’argentàcepoint,tuauraisdûvenirmevoir.Depuisledébut,j’essaiedet’aider…—Jet’interdisdeluiparlercommeça!grondeEthan.Mâchoiresetpoingsserrés,ilsembleprêtàfrapper.Etjelecomprends…Aprèstoutcequ’iladit
et fait ces cinq dernières minutes, c’est un miracle queMiles puisse encore tenir debout, et plusencoreparler.Ethann’auraitacceptéçadepersonned’autre,etjesaisquec’estuniquementpournepasmebouleverserdavantagequ’iln’apasencoretabassémonfrère.Maislabarrièreestmince,etellesefissureàvued’œil.Surtoutqu’EthansemblepenserqueMiles
neprendpassesmenacesausérieux.—Franchement,Chloe.Décrochercestageneméritepastoutça.Lemasterdedroit…C’estàcetinstantqu’Ethancraque.Ilfaitunpasenavant,attrapedenouveaumonfrère,maisavant
quejen’aiepum’interposer,Torisefaitentendre.—Fouslecamp!Incrédules,nousnoustournonstoustroisverselle.Pâledecolère,elles’estlevéeducanapé.Son
petithaut sexyet ses cheveuxvertsdevraient saper sonautorité,mais elle trembled’une telle rage
contenuequ’elledevientimpressionnante.—Fouslecampd’ici!J’appréciesonsoutien,maisjevoudraisfaireretomberlapression.—Tori,dis-je,ilvientjustede…—…tetraiterdepute.Ilestlà,cheznous,entraindetetraiterdepute.Jenevaispastolérerça.—Ilnevoulaitpasdireça…— Je n’en suis pas si sûr. Ton frère n’est pas un crétin, commente Ethan. Je pense qu’il sait
exactementcequ’ildit.—Vousvousfoutezdemoi?s’écrieMiles.C’estmoileméchant,maintenant?Lui,là,ilcouche
avecunestagiaire,safamilleaachetélesilenced’unevictimedeviol…—Ettoi,tuasvendutapetitesœurpourfinancertonentreprise,alorsexcuse-moisij’aiunpeude
malàt’écoutermedonnerdesleçonsdemorale.C’esttoutjustes’ilnevibrederage.Depuisqu’ilaapprisquemafamillem’avaitforcéeàaccepter
del’argentenéchangedemonsilence,çaleronge.Maintenantquemonfrèreestlà,avecsonattitudedemerde,cen’estpasétonnantqu’Ethanaitenviedesejetersurlui…—Chloe…,murmureTori.Jemeretourneetdécouvrequ’ellemecontemple,lesyeuxécarquillésd’horreur.Merde.Jeneluiaijamaisparléduviol.Elleneconnaîtdemonhistoirequelesgrandeslignes.En
arrivant à SanDiego, je voulais repartir de zéro, et j’ai laissémon passé derrièremoi, àBoston.Maintenantquemessecretssontéventés,ellemeregardecommesij’étaisunevictime,blessée,faibleetsansdéfense.Çame rend folle. J’ai supporté tout le reste – la découverte du lien entreBrandon etEthan,ma
réconciliationavecluiaprèsça, lecomportement intolérabledemonfrère–,maissavoirquemonsecretm’aétéarraché,c’estplusquejenepeuxensupporter.C’estmavie,monchoix.Onm’adéjàprivéededéciderdeuxfois.Jenevaispaslaissercettesituationsereproduire.—Çasuffit.J’enaiassez,dis-jeenm’approchantde laporte,où j’enfilemeschaussures.Viens,
Ethan,jeteraccompagneàtavoiture.Ilsecontentedemeregarder,interrogateur.—Detouteévidence,ilvafalloirquejem’occupedemoncrétindefrère.Etpuisqu’ilestincapable
desecomporterdefaçoncivilisée,jevaisdevoirlefaireentêteàtête.Pendantunmoment,jeredoutequ’Ethanneproteste.Melaisserseulen’estpasdansseshabitudes.
Maisl’expressiondemonvisagedoitluirévélermonétatd’esprit,carilfinitparacquiescer.Nousgagnonsl’ascenseurensilence,puisEthanprendlaparole.—Ilfautquejesoishonnête.Çanemeplaîtpas,Chloe.Telaisserseuleaveclui,cen’estpasfacile
pourmoi.Latêteappuyéesursapoitrine,j’acquiesce:—Jesais.Etjeteremerciedemelaissergérerlasituation.—Mouais.—Neprendspascetairsinistre.Milesnemeferapasdemal.—Ilm’asautédessuspourmemettreunedroite.J’aidumalàpartagertonoptimisme.—Aufait,çava?dis-jeenluitouchantdoucementlevisage.Çan’apasl’airgonflénirien.— C’est parce que tu t’es trop habituée à me voir après une bagarre. Tu as oublié à quoi je
ressemblequandjenevienspasdemeprendreunpoingdanslafigure.—Pasfaux.Jeme hisse sur la pointe des pieds pour lui embrasser délicatement le nez.Même s’il n’est pas
enflé,ilcommenceàbleuir.Nousquittonsl’ascenseur.—Mesconnaissancessontsanslimites,déclareEthanenpassantunbrasautourdemataillepour
traverserlacourendirectiondelarueoùestgaréesavoiture.EtjepeuxtedirequeMilesm’al’airplutôtinstable.Jesaisquetupensesqu’ilnecherchequ’àt’aider,etc’estpeut-êtrelecas,maisilestdangereux.Ilnesecontrôlepas.—C’estparcequetuétaislà.Ilsesentcoupableàcausedel’argentquemesparentsontacceptéet
qu’ilsontutilisépourfinancersesrecherches.—Ilabienraisondesesentircoupable.—Cen’estpassafautesimonpèreestunescroc,toujoursentraindepréparersonprochaincoup.
Ousimamèreesttropfaiblepourcontesterlamoindredécisiondesonmari.—Certes.Maisilauraitpuentrerdansuneboîterespectablequil’auraitaidéàpayersesbrevetsau
lieudeledétrousser.Iln’avaitpasbesoindelaissersesparentsutiliserdel’argentsalepoursefairesaplaceausoleil.Lesdentsserrées,ilparled’unevoixbasseetcolérique.Encontemplantsesyeuxbrûlantsderage,jemedisquec’estunmiraclequ’iln’aitpasblesséMiles
aprèsavoirdécouvertsonidentité.Sacolèrenesemblepasmoindrequ’uncertainmatinilyaplusdedeuxsemaines,lorsqu’ilparlaitàBrandondansl’allée.Toutcequejepeuxdire,c’estqu’entresonfrèreetlemien,çaferaitunesacréeréuniondefamille.—Milesn’estpascommetoi,dis-jeaprèsavoirlaisséàEthanuneminutepoursecontrôler.Iln’a
paslaforcedesetracersonproprechemin.Ilestbeaucouptropcoincédanssabulle,enfermédansses idées, pour se préoccuper dequelque chosed’aussimatériel quede faire tourner uneboîte oud’acheteràmanger.Etpuismesparentsneluiontpaslaissélechoix.Ilsl’ontfait,c’esttout…—Ne lui cherche pas d’excuses, rétorque Ethan en m’attirant à lui pour me donner un baiser
passionnéquime fait tourner la têteetbattre lecœur. Il est faible,Chloe.Etcette faiblesse le renddangereux.Ilfautquetusoisprudente.—Milesnemeferaitjamaisdemal.C’estmonfrère.Ethanmeregardeensilencependantuneminute.—JedisaislamêmechoseàproposdeBrandon,autrefois…Jenevoispascequejepourraisrépondreàça.—Jesuissérieux,Chloe.JesaisqueMilesest tonfrèreetquetul’aimes.Maisjeneluifaispas
confiance.Ettunedevraispasnonplus.Il m’embrasse encore avant de déclencher l’ouverture des portières de sa voiture – la BMW,
aujourd’hui.—Appelle-moiquandilserapartipourmeracontercommentças’estpassé.—Toutirabien.Ethanacquiesce.—Tun’aspasl’airdemecroire…—Jesaisquetuessincèrequandtuledis.Promets-moidem’appeler.Aprèsundernierbaiser,ilmonteenvoiture.—Promis.Jem’écartepourleregarderpartir.Ilmemontrel’ascenseurdudoigtetnebougepas.Jelèveles
yeuxauciel,mais ilsecontentedehausser lesépaulesetd’attendrequejeregagnel’ascenseur.Cen’estquelorsquelesportesserefermentetqu’ilmesaitensécuritéquejelevoisdémarrer.Le tempsd’arriverà l’appartement, jemesuis repassé laconversationavecMilesetEthan,et je
suis de nouveau en colère. Mon frère s’est comporté comme un fou furieux, cognant avant dediscuter.Faut-ils’étonnerqu’Ethanleconsidèrecommedangereux?Lorsquej’ouvrelaporte,jesuisprêteàendécoudreavecMiles.Toutefois,Toriestdéjàentrainde
s’encharger.Elleaunetêtedemoinsquelui,maisbeaucoupdecouleursenplus,etneselaissepasdémonter. Elle lui hurle qu’il est un parfait crétin et qu’il ferait mieux d’avoir confiance enmonjugement.Nil’unnil’autreneremarquemonretour.Jeclaque laporteet regardeMilessursauterd’unaircoupable.Parfait. Ila toutes les raisonsdu
mondedesesentircoupable.—Qu’est-cequit’estpasséparlatête?dis-jeenm’approchantdelui.—Riendutout!Ilalatêtecomplètementvide,décrèteTori.—Jemesuisditquemasœurpréféreraitêtreinforméequ’ellesortaitavecunpsychopathe.—Miles,tunepeuxpaslejugerd’aprèssonfrère.—D’aprèscequej’aipuvoirilyacinqans,toutelafamilleadesérieuxproblèmes.Qu’est-cequi
tepousseàcroirequelegrandfrèreenestmiraculeusementexempt?—Laisse-moiréfléchir,répliqué-jeavecironie.Peut-êtreparcequejeleconnais?Oubienparce
quenosparentsontdescomportementspasfranchementsains,etqueçanenousapasempêchésdenousensortir.—C’estça.Onesttouslesdeuxl’imagemêmedelasantémentale,ricanemonfrère.—C’estquoi,cesous-entendu?Ducoindel’œil,jevoisToriattrapersonsacàmainetsefaufilerparlaported’entrée.J’aimille
raisonsdelaconsidérercommemameilleureamie,etlefaitqu’ellechoisissedequittersonpropreappartementalorsqu’enrestantellepourraitobtenirlaréponseàdenombreusesquestionss’ajouteàlaliste.—Jesuisincapabled’alignertroismotsenpublic,ettoi…tuesmasoaupointd’imaginerquetu
estombéeamoureusedufrèredetonvioleur.Chloe,tuesbienobligéed’admettrequ’ondonneraitdufilàretordreàunpsy.—Danscecas,c’estunebonnechosequejen’aillepaschezlepsy.Je traverse la pièce pour gagner la cuisine et entreprends de ranger les courses qu’a apportées
Ethan. J’ai du mal à croire qu’il y a encore une demi-heure, une merveilleuse journée semblaitdébuter.Certes,Ethanetmoisommesencoreunpeumaladroitsaprèscesdeuxhorriblessemainesdeséparation,maisonfaittouslesdeuxdesefforts.Etçaavançaitbien,enplus,jusqu’àcequeMilesdécidedesepointerpourtoutfoutreenl’air.—Tuveuxuncafé?dis-jeenmeversantunetasse.J’aipréparéunecafetièrejusteavantl’arrivéed’Ethan.—Avecplaisir.Jeleserségalementavantdeglisserdeuxbagelsdanslegrille-pain.—Netesenspasobligée…—J’aifaim.J’imaginequetoiaussi.—Oui.J’aiprisunvoldenuit.J’arrivedel’aéroport.Jeretirelesbagelsgrillésdel’appareiletlestartinedefromage.—Tuesvenupourquoi,exactement?—Jetel’aidit.Jesuisvenuparcequetunerépondaispasautéléphone.Çafaitdessemainesque
j’essaiedetejoindre,explique-t-ilensepassantunemaindanslescheveuxd’ungesteagacé.Depuisquej’aireçuunealerteGooglequim’informaitdetonarrivéecommestagiairechezFrostIndustries.
Tun’asréponduàaucundemesappels,niàmestextosoumesmails.Qu’est-cequejepouvaisfaired’autre?—Comprendrequejen’avaispasenviedeteparler…—J’enaibienconscience,crois-moi!Mais,autrefois,tumerappelaisquandmême.Pourquoiest-
cequetoutestpartiencouillescommeça,Chloe?Onétaittellementproches…Abattu,ils’assiedsurl’unedeschaisesducoinpetitdéjeuner.C’étaitavantquetuteconstruisesunecarrièresurlescendresdemasouffrance.J’aienviedeledire.Jesuisàdeuxdoigtsdelefaire.Maisçaseraitridicule,mélodramatique.Et
puis,jeneluienaijamaisvoulu.Pasvraiment.Commemoi,iln’étaitqu’unpiondanscedésastre.Dumoins, c’est ce que je me suis toujours raconté. J’étais même persuadée d’y croire… Jusqu’àmaintenant.—Onpeutparlerd’autrechoseunmoment?Jeprendsunebouchéedemonbagelettentedefairecommes’iln’avaitpasungoûtdecarton.Milessemblevouloirprotester– iln’asansdoutepasenviedegaspilleruneminutedeplusque
nécessaireloindesonlabo–,maisilfinitparacquiescer.—Alorsparle-moidelafac.Commentçasepasse?Voilà un sujet de conversation moins épineux. Et sans danger. Du coup, je fais ce qu’il me
demande : je lui raconte l’année qui vient de se finir. Il me pose des tas de questions, rit à mesanecdotesrigolotesetvajusqu’àm’enraconterquelques-unesàproposdesonboulot.Jefaisdemonmieuxpournepaspenseràd’oùvientl’argentquifinancetoutça,etj’yarrivepresque.Maisparlerdelapluieetdubeautemps,çavacinqminutes,etilfinitparramenerlaconversation
versEthan.—Iln’estpascommenous,Chloe.Lesrichardsnepensentpascommenous.—Jesuisdésolée,maisjecroisquetun’espasexactementpauvrenonplus,désormais.—Quelquesmillions,cen’estpascomparableàFrostIndustries.Sansparlerdumilieudontilest
issu.—C’estsonbeau-pèrequiesttrèsriche.Lepèred’Ethanétaitsoldat,tulesaistrèsbien.—Toutlemondelesaittrèsbien.Médaillédeguerre.Mortaucombat.Hérosmilitaire.Cegenre
decélébrité,çaapporteaussidesproblèmes.Enplus,ils’estbienadaptéàlanouvellefamilledesamère.Mêmemoi,j’aivudesphotosoùilestavecelledanslessoiréesmondainesdeNewYorkouWashington.—Ilaimesamère.Etdonc?Je joue ladésinvolture,mais je sensqueMilesvoitclairdansmon jeu.Lamèred’Ethan–etde
Brandon–aétéhorribleavecmoiaprèsleviol.Vraimentméprisable.Etjedoisadmettrequelorsquej’ypense,jemedemandecommentleschosesvontbienpouvoirmarcherentreEthanetmoi.C’estlaraisonpour laquelle je luiaibienpréciséquejen’avaispasenviedeparlerdupassé.Dutout.Quec’estunepierred’achoppementdansnotrerelation.Ethanestunhommemerveilleux,etjel’aime.Jepeuxaccepterqu’iln’aitrienàvoiraveccequi
m’estarrivéaulycée.Enrevanche,jen’aipaslaforcedesupportertouslessouvenirsduviolliésàsafamille.Doncçanepeutmarcherquecommeça.Notrerelationdoitresterfermementancréedansleprésent.— Et donc, c’est une salope à moitié folle qui n’hésiterait pas à te jeter sous un camion si
l’occasionseprésentait.—Ehben,jen’aipasl’intentiondelaisserl’occasionseprésenter.—C’estcequ’ondittoujours…,répondMilesavecunsouriretriste.
—JesaisquetunefaispasconfianceàEthan,maismoisi.Ilnelaisserarienm’arriver.—Tuplaisantes?Ilestdetoncôtéencemoment,maisquesepassera-t-ilquandsafamilleaura
besoindelui?Samèreousonpetitfrère?Net’imaginepasqu’ilferaautrechosequevoleràleursecourssanslamoindrehésitation.—Ilm’aditqu’ilnevoulaitplusentendreparlerdeBrandon.Qu’ilavaitenviedeletuer.Ilneveut
rienavoiràfaireavecceconnard.Mileshochelatêted’unairdubitatif.—Tucroisqu’ilressentlamêmechosepoursamère?—Peuimporte.—Aucontraire,çaimporte.Onparledegensrichissimesetinfluents,Chloe.Lesapparencessont
toujourstrompeusesdansleursconseilsd’administration,leurstractationspolitiquesetleurvie.Situcroisqu’EthanFrostn’estpasprêtàtelâcheraumoindresignedesafamille,tutefourresledoigtdansl’œil.—Tutetrompes.—Non. Je veux bien qu’il soit amoureux de toi. Etmême qu’il se croie prêt à s’opposer à sa
famillepourtoi,mais…,commenceMilesenpenchantlatête.—Ill’adéjàfait!—Alorsilmarqueunpoint.Maisunjour,safamilleousaboîteaurontbesoindequelquechose.
Oubienluienauraenvie,vraiment.Etc’esttoiquiensouffriras.Commenttulesupporteras?— Je le supporterai comme j’ai supporté que nos parents acceptent un pot-de-vin pour étouffer
monviol.C’esttout.Maisçanevapasseproduire.Ethannemetraiterajamaiscommeça.Jeprendsunegorgéedecaféenfeignantdenepasvoirmesmainstrembler.—J’espèrequetuasraison.Pourtant,ilfautquetucomprennesquepourlui,çaneseramêmepas
une trahison. Pour lui, ça sera seulement les affaires. Un contrat qu’il doit conclure pour FrostIndustries.Une opportunité que son beau-père veut explorer. Peu importe.Mais ça va se produire,Chloe.Çafinittoujoursparseproduire.IlretourneradanssontrouavecBrandon,sasalopedemèreousonconnarddebeau-père.Dansuncascommedansl’autre,çatedétruira.—Tun’ensaisrien…— Si. Je suis peut-être un scientifique qui ne sort pas beaucoup de son labo, mais j’ai étudié
l’histoire. Je sais comment fonctionne la politique. Je sais ce qu’est la trahison.La seule question,c’est:ettoi,est-cequetuconnaistoutça?
Chapitre14
LesparolesdemonfrèrecontinuentàmehanterlongtempsaprèssondépartpourBoston.Malgrétousmesefforts,jeneparvienspasàlesoublier.NonquejepensequeMilesaitraison.Aucontraire.JeconnaisEthan.J’aimeEthan.Ilm’aime.Ilnemetrahiraitjamais.Sauf…sauf…que jeme suis déjà trompéepar le passé.Vraiment.Et comment cela s’est-il fini
pourmoi?Violée,tuméfiéeetensanglantéesurunparkingdésert.Déchirée,dévastéeetanéantiedanslebureaud’unavocatsansâme.Terrifiée,vulnérableet triste, tellement triste,dans lescagesd’escalieret lescouloirsdésertsde
monécole.Si j’ai survécu à tout ça, c’est parce que je me répétais que j’en sortirais un jour. Que je me
construiraisunenouvellevieloindetoutcequim’étaitarrivé,etquejen’auraisplusjamaisbesoind’ypenser.Etc’estcequej’aifait.AvantEthan,etmaintenantaveclui.C’estunebonnevie.Uneviedontjesuisfière.Et une petite partie demoi est toujours terrifiée à l’idée qu’onme l’arrache sans crier gare. Et
mêmesi je saisque j’ai tortdemettremonbonheurentre lesmainsd’unhomme, je saisquesi jeperdsEthan, jene seraiplus jamais lamême. Je suis tropà fond, tropaccroaux sensationset auxsentimentsqu’iléveilleenmoi.J’aibeauessayerdelarepousser,cettepenséemerevientsanscesse.À15heures,Ethanm’envoieuntextojustepoursavoircommentjevais.Jenesaispaspourquoi,je
m’abstiensderépondre.À15h30,ilenvoieundeuxièmemessage.Jel’ignoreencore.À16h45,ilm’envoie:
Toutvabien?
Jerépondsparunsmiley,bienquejenemesentepasaussisouriante.Chloe?
J’éteinsmontéléphone.À18heures,uncolisarriveàl’appartement.Iln’yapasd’adressed’expédition,maisjen’enaipas
besoin. Je l’ouvre aussitôt – évidemment –, car je n’ai jamais été capable de résister à un cadeaud’Ethan,quellesquesoientlesémotionsquisebousculentenmoi.Danslaboîte,jetrouveuntailleur,noiravecdefinesrayuresargentées,dontilsedégageàlafois
uneimpressiondeforceetuneintenseféminitégrâceàsesboutonsenmétaletauxdiscrètesdentellesquiornentlesmanches,lecoletlesourletsdupantalon.IlvientdechezArmani,bienentendu,etilnemefautpasunesecondepourcomprendreàquoiil
estdestiné.C’estleremplacementdemonuniquetailleurélégant,quej’aiperdusouslapluiel’autresoirsurlaplage,quandnousavonsfaitl’amour.
Ilestmagnifique,c’estindiscutable.Exactementcedontj’avaisbesoin.Pourtant,lorsquejerepenseàsesprécédentscadeaux–fraises,coquillagesetsachetsdethé–,jenepeuxm’empêcherd’êtreunpeudéçue.Jemesensingrate,maisjen’ypeuxrien.J’aimequandEthanm’offredespetiteschosesquin’ontd’importancequeparcequ’ilpensaitàmoi,parcequ’ilmeconnaît.Despetitscadeauxquime permettent de lui rendre la pareille, de lui montrer que moi aussi je pense à lui. Des petitesattentionsquinecoûtentpasdesmilleetdescents.Maisjesorstoutdemêmeletailleurdelaboîtepourleregarder,etmoncœursemetàbattreplus
vite.Aufondducolisse trouveunéclatdeverre triangulairepolipar lamer. Ilestbleu, l’unedescouleursqu’ontrouvelemoinssouvent,etsesarêtessesontestompéessousl’effetdel’érosion.Il incarne la beauté, la perfection, et sa couleur est celle des yeux d’Ethan. Je le tiens dansma
paume,fermantdoucementlesdoigts.Jepourraisjurersentirlachaleurdusableenété,commesiunpetitcœurbattaitdanslecreuxdemamain.Jevoudraisnejamaislelâcher.Maisilyaaussiunpeigneàcheveuxancienquejebrûled’essayer.Ilestornéd’unemyriadede
strass–j’espèredumoinsquecesontdesstrass–disposésenuneéblouissantearabesque.Ilestaussimagnifiquequelemorceaudeverre,ettémoignedelamêmeattention.J’aiunepetitecollectiondepeignesanciensamassésdepuismesonzeans.C’estde loin leplus jolide tous–etmêmede tousceux que j’ai vus – et je ne résiste pas au plaisir de le sortir du papier de soie et de le lever à lalumière pour le voir étinceler. Puis j’enroule mes cheveux en un chignon négligé dans lequel jel’enfonce.Uncoupd’œilaumiroirm’apprendqu’ilrendaussibienquejel’imaginais.Etpourfinir,commesi touscesprésentsnesuffisaientpas, ilyaunexemplairedeLaCentaine
d’amourdePabloNeruda.Ilestrosevif,pasvraimentlacouleuràlaquelleons’attendraitpourdessonnetssivibrantsdechaleuretd’émotion,maisilmeplaîtquandmême.Jeleserrecontremoncœurun longmoment avant de l’ouvrir à la pagemarquée par un superbe signet en forme de sirène – encoreuncadeau. Il s’agit du sonnet17, et bienque jene l’aie encore jamais lu, jeme sensdéjàbouleversée.Depuisque j’aienvoyéunpoèmeàEthanaudébutdenotre relation,nouspartageonsquelquechoseàproposdeNeruda.Nouséchangeonsdesvers,desstrophesoudespoèmesentiers,desmotsquinoustouchent,queNerudaaécritspoursonamoureuseetquiformentunéchosublimeànospropresémotions.Certains vers sont surlignés, et, en les lisant, je sens ce qui restait de glace en moi fondre
doucement.Jemesentaisglacée,pastoutàfaitbien,nitoutàfaitprésente,depuisqu’Ethanestrentréde son dernier voyage d’affaires sur la côte Est. D’abord, il a essayé de rompre avec moi, puisBrandonestapparuetc’estmoiquiaiquittéEthan,ensuitenousnoussommesignoréspendantdeuxhorribles semaines ; à présent, nous sommes de nouveau ensemble, mais ça ne semble pas réel.Commes’ilmanquaitquelquechose…Etc’estmafaute.MesrèglesetmesfaillesontrenduEthanréticent.Ilestaussiprudentquejesuis
effrayée. Et je m’en veux de lui avoir fait ça, d’avoir transformé cet homme beau, puissant etpassionnéenunepersonnequiattend,quiguette,quiréfléchitavantdedonnerunbaiser,etquimefaitl’amourcommesij’étaislachoselaplusfragiledumonde.C’estladernièrechosequejeveux.Jet’aimecommeonaimecertaineschosesobscures,Ensecret,entrel’ombreetl’âme.Cepoème,cesmots,medonnentl’espoirqueleschosesneserontpastoujoursainsientrenous.Je
passelesdoigtssurlepapier,suivantlecontourdeslettrespourlesimprimerdansmonâmecommeEthanyestdéjàgravé,pourtoujours.Jet’aimesanssavoircomment,niquand,nidepuisoù
Jet’aimedirectement,sansproblèmeetsansfierté.Lesmotsfontéchoàceuxquitournentdansmatête,dansmoncœur.C’estainsiquej’aimeEthan.
Ainsiquejel’aimedepuistoujours,mêmequandjenevoulaispas.Etquejel’aimeraitoujours,quoiqu’il arrive. Quelle que soit la fin de notre histoire. Que nous finissions ensemble ou séparés,personnenemetoucheraauplusprofonddemonêtrecommeillefait.Je pense alors à Brandon, et même si ça me semble sacrilège en cet instant, je ne peux m’en
empêcher.Jesongeaucreuxdansmapoitrine,àladouleuretàlasolitude,àlaterreuretàlacolère.Et j’imagine ce que ce serait de vivre sans tout cela, sans une once de cette souffrance. D’êtreheureuse,amoureuseetaiméecommeledécritNeruda.J’attrapemontéléphone,lerallumeetfaisapparaîtrelederniertextod’Ethan.Puisjeluienvoieles
deuxderniersversdupoème.
Siprochequetamainsurmapoitrineestmienne,Siprochequetesyeuxsefermentsurmesrêves.
Unquartd’heureplustard,onfrappeàlaporteavecforce,etjesensmoncœurbondir.Jesaisqui
c’est,évidemment,maisjeregardequandmêmedansle judas,commen’importequellefemmequivitdansunegrandevilledevraitlefaire.C’estEthan,biensûr,etj’ouvrelaporteengrand.Etresteàledévorerdesyeux.Jenepeuxm’enempêcher.Ilesttellementsexy.Incroyablementsexy.Ilporteunjeandéchiréetun
tee-shirtnoirmoulantquisoulignesesbicepsetsespectoraux.Ilarboreuneexpressionquejeneluiai jamais vue, comme un homme affamé…oumourant. Effréné, dépravé, peut-êtremême un peucinglé.Etjevousjurequej’enail’eauàlabouche.Etpuis,c’estparti.Ilm’attrapeparlesbras.Mecolleàlui.Claquelaportederrièrelui.Écrasesabouchesurlamienne.Mepoussecontrelebattant.Ensuite,ilprend.Ilnefaitqueça.Ilestinsatiable,sabouchepassantdemeslèvresàmesjouespuismagorge.Ils’arrêteàlabasedu
couetmesucelapeausifortquejesaisquej’auraiunbleudemain.Ilpassedel’autrecôté,mefaitlamêmechose,puissaisitmachemiseettiredessus.Ellesedéchire,
lesboutonsvolantdanstouteslesdirections.Ils’agenouilledevantmoi,mordillantetsuçotantmapeauenuncheminquidescenddroitversle
centredemoncorps.Ils’arrêtesurmapoitrinependantquelquessecondeshaletantes,repoussantmonsoutien-gorgepourmefairedessuçonssurledessoussitendredemesseins.—Ethan,dis-je,entresoupiretgémissement.J’ai la têtequibalanced’avantenarrièrecontre lemur, lesdoigtsemmêlésdanssescheveux,et
moncorps…moncorpsestcommeuneétoilesurlepointd’exploser.Commes’ilallaitbrusquementseconsumerenunegigantesqueflammeàlatempératuresiélevéequel’universtoutentierpourraitêtreréduitencendres.—Chloe,gronde-t-ilenréponseenouvrantleboutondemonjeanavantdemel’arracher.Ilpose labouche surmahanche, et cette fois, ilmord.Vivement. Jepousseunpetit cri,mais je
m’embrasedel’intérieur.Lesyeuxclos,ilenfouitlevisageentremescuissesetmeposelesmainssurlesfesses.—Ethan…
Je frottemon bassin contre lui. Je suis folle de désir de sentir sa bouche, sesmains, n’importequoi…toutcequ’ilvoudramedonner.Ilnerépondpas.Pendantdelonguessecondes,ilnefaitriendutout.Ilneparlepas,nemordpas,
ne bouge pas. Il se contente de respirer ma fragrance en inspirations tremblantes qui ne fontqu’accroîtremonexcitation.D’un coup, il déchire la dentelle délicate de ma culotte pour me l’arracher avec un juron qui
ressembledavantageàuneprière. Il poseunemain surmonventre, appuyantmes fesses contre lemur,avantd’attrapermajambedroitepourlapassersursonépaule.—Ethan!Cettefois,j’aicrié,d’unevoixaiguëetsuppliante,alorsquetoutemaconscience,monuniverstout
entier,seretrouvedanscesdeuxsyllabes.—Jesuislà,machérie.Jesuislà.Ilmemordille l’intérieurdescuisses,passant la languesurmapeauaprèschaquemorsurepour
apaiser ladouleur. Il recommence, inlassable,créantunchemindemarquesdemesgenouxàmonsexe.—Ethan,jet’enprie!J’aibesoindetoi…J’empoignesacheveluresoyeusepourluileverlatête,afindeleregarder.Afinqu’ilmeregarde
également,etqu’ilvoieledésirquim’emportepeuàpeudanslafolie.—J’aibesoindetoi.—Tum’as,répond-ilensuçantunpointdemonmontdeVénus.J’ai dumal à réprimer un cri. Des frissons électriquesme parcourent, de sa bouche vers mon
clitoris,etjemenoiedansmessensations.Jedeviensfolle.Ilsortlalanguepoursuivrelescontoursdemonsexedansungestelent.J’ail’impressionquetout
cequiaprécédén’étaitrien…—Ethan!Cettefoislecriestbas,frénétique.C’estunesupplique,pourqu’ilarrête,pourqu’ilcontinue,pour
qu’ilfassequelquechose,n’importequoi,afind’apaiserl’affolementvoluptueuxquim’agite.Mais il ignoremescris,monbesoin,oubliant toutsaufmonsexequi l’appelleetmoncorpsqui
vibre.—Toutvabien?chuchote-t-iltoutcontremonclitoris.Puisildécritdescerclesautouravecsalangue.—Faisquelquechose!gémis-je.Jet’enprie,faisquelquechose.N’importequoi,maisfais-le.Dansungesteinvolontaire,jelefrôleavecmesongles,descheveuxjusqu’auxépaules.Ilperdlecontrôle–enfin.— Merde ! crie-t-il en s’agrippant à mes cuisses pour les écarter davantage. J’étais déjà en
équilibreinstable,unejambepasséesursonépaule,etjemanquedetomber.Jem’accrocheàluideplusbelle,enfonçantlesonglesdanssapeau,etilpoussedesjurons,d’une
voixbasseetfrénétique.—Jesuislà,grogne-t-il.Etc’estvrai.Ethannemelaisseraitjamaistomber.Cettepenséetriomphedel’anxiétéquim’habitaitencore.Ethandoitlepercevoircarilsesaisitde
masecondejambepourlacalerdanslecreuxdesoncoude.Jesuiscomplètementofferte,vulnérable.Dépendantdeluipournepastomber.Pourêtreensécurité.Etjelelaissefairecarlecontraireestimpossible.Parcequec’estEthan,etquejeluifaisconfiance.
Etparcequej’aiplusbesoindeluiquedel’airquejerespire.Parcequec’estEthanetquejel’aime.Ilsentquejem’abandonne–àmoinsqu’ilneperçoiveladétentedemoncorps,l’acceptationde
soncontrôle,malgréledésirquigranditenmoi.—Jesuislà,répète-t-il.Salanguepénètreprofondémentenmoi.J’ai l’impression de perdre la tête alors que le plaisirm’envahit, quemon corps semble éclater
danstouteslesdirectionsetenredemander.Demanderqu’ilmedonnetout.Jemecambrecontresabouche,pressantmonsexecontreluialorsqu’illècheeteffleurelesendroitslesplussensibles.—Ethan ! dis-je encore une fois dans un quasi-sanglot, si proche de l’orgasme que l’attente se
transformepresqueentorturedavantagequ’enplaisir.Presque.Çanefaitpassilongtempsqu’onestensemble,maisEthanconnaîtdéjàmoncorpsaussibienque
moi. Lorsqu’il comprend combien je suis près de jouir, il tourne la langue à l’intérieur de moi,frôlantchacundemespointslesplussensibles.Puisils’écarteetjesanglote,suppliante,pourqu’ilmettefinàmestourments.Ilmemurmuredes
parolessanssuitequejesuisincapabledecomprendre.Ilpasselesmainssousmesfessespourmesouleverencoredavantage,m’ouvrirplusencore,etilposedoucementlesdentssurmonclitoris.Je bascule dans la volupté, tout mon corps tremblant, secoué de plaisir, alors que je me perds
entièrement,oublianttoutsaufEthanetl’extasequiserépercuteenmoi.Lessensationssesuccèdentenvagues,jusqu’àcequej’enaielatêtequitourneetlecorpsdouloureux.MaisEthannecessepas,ilcontinuedemelécher,mesucer,m’embrasseretmecaresser.Il introduitundoigtenmoi,puisunautre,etuntroisième,sanscesserdetournerautourdemon
clitorisavecsalangue.IltrouvemonpointG,lefrottedoucement.Jememordslalèvre,essayantunefois de plus de retenirmes cris.Mais cette fois, c’est en vain. Je deviens folle, Ethanme conduitplusieursfoisàl’extaseavecsesdoigts,salangue,soncorpssomptueux.Çanes’arrêtepas.Leplaisirmonteenmoijusqu’àcequejenepasseplusd’unorgasmeàunautre,
maisquejecontinueàressentirdesvaguesdeplaisir.Jesuisaussieffrayéequ’impressionnée,etjem’agrippedesdeuxmainsauxépaulesd’Ethan.Jene
fais rien d’autre queme tenir alors que le plaisir commence àme détruire. Je perds la faculté depenser,deparler,derespirer.Defairequoiquecesoitd’autrequesentirEthantoutautourdemoi,etleplaisirquim’assaillesansrelâche.Uneminusculepartdemoiresteencontactaveclaréalitéalorsquetoutlerestelâcheprise.Cette
partie demon êtreme crie d’arrêter,m’avertit qu’Ethan est en train deme réduire enmiettes,medétruire,deprendrelecontrôlesicomplètementquejen’existeraiplussanslui.Quel’addictionquenouséprouvonsl’unenversl’autreneseraplusseulementuneflammedansnosveines,maisunfeudeforêtquimenacedenousanéantirtouslesdeux.—Ethan,jen’enpeuxplus.Jene…—Maissi,tupeux.Tuvasprendretoutcequejetedonne,ettumedonnerastoutenéchange.Etiltournelalangueautourdemonclitoris,provoquantunnouvelorgasme.—Tuvastoutaccepter,jusqu’àcequ’onsoitcomplètementvidés,ajoute-t-il.Ilmemordetmepinceenmêmetempsletéton.Jeperdscontactaveclaréalité,embarquéedansun
plaisir que je n’aurais jamais pu imaginer. Jem’agrippe à lui de toutesmes forces, l’instinct medisantquesijelelâche,jevaisperdretoutcontrôle.Percevantmonémoi,Ethanprendgardeànepasmelâcher.Ilmecaresse,metapoteetm’embrasse
pourm’aideràreprendredoucementcontactaveclemonde.Ilnemeramènepasentièrement–pasassezpourquejemedétende–,maisilmelaisserespirer,pendantquelquessecondes.Ilresteoùilest,levisagecontremonventre,soncorpsétroitementenlacéaumien.Cen’estque
lorsquejereprendsmonsoufflequ’ilbougepourreposermesjambesparterre.J’ai les genoux qui tremblent – sans surprise –, toutmon corps crispé et douloureux. Sansme
lâcher,Ethanselève.—Qu’est-cequim’avaluceplaisir?dis-jeenluieffleurantleslèvresaveclesmiennes.Jedécèle sur sabouche legoûtdemonexcitation, et ça suffit à faire renaître ledésirdansmes
seinsetmonsexe.—Jet’aime,c’esttout,murmure-t-il,l’airplussombrequedepuisbienlongtemps,voiretoujours.
J’aieupeurquetonfrèrenetepersuadequejen’envalaispaslapeine.—Ethan,monchéri,c’esttotalementimpossible.Ilposelesmainssurmesjouespourm’obligeràleregarderenface.—Tuessûre?Jesaisbienqu’êtreavecmoi,c’estaccepterdestasdechoseshorribles.Je me serre contre lui. Ses vêtements irritent ma peau rendue trop sensible par toutes mes
angoisses,ravivéesparlesparolesd’Ethan.Iln’est jamaisanxieux, incertain. Ilpeut lui arriverde semontrervulnérable,de s’ouvrir àmoi
commeàpersonned’autre,maisilsaitcequ’ilfait.Ilsaitcequivasepasser.Lefaitquecenesoitpaslecasencetinstant,quelesdeuxsemainesdeséparationl’aientsecouéàcepoint,meblesseplusquetoutaumonde.Oui,j’aimesdoutes.Oui,jemedemandesil’addictionquenouséprouvonsl’unenversl’autreest
saine, ce qu’il adviendra lorsque tout aura été dit,mais je ne veux pas qu’il nourrisse lesmêmesinquiétudes.Jeneveuxpasqu’ilsouffreautantquemoi.—Jet’aime,dis-jeenl’embrassantdenouveau.Jet’aime,jet’aime,jet’aime.C’est sans doute ce qu’il avait besoin d’entendre, car il me retourne aussitôt contre le mur,
appuyantmonvisage,messeinsetmesmainscontrelasurfacefroidetoutenmecambrantlebassinenarrière.Il introduit une jambe entre lesmiennes, afin dem’ouvrir de nouveau. J’entends le bruit de sa
braguette, lefroissementdesesvêtements.Aussitôtaprès,ilentreenmoi,sansprendreletempsdemettre un préservatif, de vérifier que je suis toujours prête. Rien d’autre qu’un coup de hanchespuissantquil’introduitenmoijusqu’àlagarde.Il pose les lèvres sur mon épaule, léchant mes hématomes – ou plutôt mes suçons –, puis il
commence à bouger, chaque poussée me levant sur les orteils et frottant mes tétons sur le murrugueuxjusqu’àcequej’aieenviedecrier.C’estunmomentdedécadencetotale.J’éprouveuneterribleémotionàêtrenuealorsqu’Ethanest
habillé,àêtreouverteetoffertealorsqu’ilestdansunetelleposturedepouvoir.Ilprendcequ’ilveut,dansunva-et-vientbrutal.Ilmemurmuredesmotssanssuitetoutenmeprenant,desparolesd’amour,desexe,depassionet
de désir. Et bien qu’aucun de ces mots n’ait de sens en lui-même, ils forment une mélopéemagnifique.Ilsmefontplaner,etjeperdsunefoisencorelecontrôledemoncorps.Lorsque Ethan se raidit, déversant son plaisir en moi avec un cri et un dernier mouvement de
hanches qui me procure un nouvel orgasme, je suis frappée par une idée qui ne m’avait jamaiseffleurée.J’appartiensàEthanFrost.Ilmepossèdecommejenel’aijamaisétéetneleseraijamais.Corps,
âmeetcœur.
Avecmonpassé,c’estlepremierdestroisquim’effraieleplus,quimedonneenviedemeretirerenmoi-mêmepouréchapperàmesémotionsenexcès.Engrandexcès.MaisEthansait. Ildevine toujours,et ilpasseunemainentre lemuretmoipourmecaresser le
clitoris.J’aibeauavoirpeur,êtretotalementterrifiée,jenepeuxrésisteràsontoucher,àl’amourqu’ilme
transmet.Puisilmemordl’épaule,sesdentsmeramenantsurterretoutenm’administrantlebleudusiècle.Etçam’estégal,carilmefaitdenouveaul’amouravecvigueur.Deplusenplusfort,m’écrasant
contrelemur.Jusqu’àcequ’iln’yaitplusdeChloe.Plusd’Ethan.Plusdepassé,plusdefutur.Ilnerestequenous,ensemble.Maintenant.Alorsquejelaissel’orgasmedéferlerenmoi,moncorpsnem’appartientplus.Laseulechosequicompte,c’estEthan,etcequejeressensaveclui.
Chapitre15
—Eh,pourquoions’installeici,aujourd’hui?dis-jeàmonamiAustinenposantmonplateausurlatabledelacafétéria.Nous nous sommes rencontrés lors demapremière semaine àFrost Industries.Lui et nos deux
autresamis,Romeo–maisnel’appelezpascommeçasouspeined’ensubir lesconséquences–etZayn, effectuent leur stage dans les laboratoires tandis que je travaille à la propriété intellectuelle.Lorsquelesinternesdemonservicesesontmisàmetraitercommeunemoinsquerien–merci,Ricket sa bande – à cause dema relation avecEthan, ilsm’ont laisséem’asseoir avec eux.Nous noussommes vraiment bien entendus et, depuis, nous déjeunons ensemble presque tous les jours.Mais,d’habitude,noussommesàl’autreboutdelacafétéria,unpeuàl’écart.Assisesurl’avantcommeaujourd’hui,j’ail’impressiond’êtredansunevitrine.Ricketlesautres
se sont arrangéspourquema liaisonavecEthan soit connuede toute laboîte.Nonquenousnouscachions–Ethannesupportepas l’idée–,mais jenemepromènepasnonplusavecunepancarte.Après tout, sortir avec le patron n’a jamais été le meilleur moyen de se faire bien voir de sescollègues.Marelationillicite–oudumoinspascomplètementlicite–m’attirebienplusd’attentionquejele
voudraislorsquejemetrouvedanslespartiescommunesdeFrostIndustries,etc’estpourcelaquejepréfèrem’installerdansunrecoindelacafétéria.Lesgarçonslesavent,etjesuisperplexedevantcechangementd’habitudes.—Austin?Ilatoujoursétélemeneurdenotrebande.Maisaujourd’huiilnem’accordepasunregardetnese
donnepas la peine de répondre àmaquestion.Son comportement est tellement étrange que jemetourneversRoetZayn,enquêted’uneexplication.—Latéléestparlà,soupireRoenlevantlesyeuxaucield’unairconsterné.C’estlademi-finale
delaCoupedumonde,aujourd’hui,etilestscotchéàsontéléphone,sonordietcettetélédepuiscematin.Ilestmêmevenuquatrefoisàlacafétéria,sousprétextedeprendreunen-cas.Etc’estpourçaqu’ondéjeunesitard.Ilneveutpasraterledébutdumatch.—Ças’appelleuncoupd’envoi,abruti!leréprimandeAustinavecsonaccentbritishàcouperau
couteau,lesyeuxtoujoursrivéssurlegrandécran.Ce n’est pas la seule télé de la pièce. Il y en a douze en tout, réglées sur différentes chaînes
d’informationoudesport.LaCoupedumondes’affichesurseptd’entreelles.—Jen’aijamaisvraimentcomprisl’intérêtdufoot,dis-jeàRo,quiacquiesceendouce.Jesaisque
toutlemondeestfan,maisjepréfèrelefootballaméricain.—Exactement !Quelest l’intérêtde regardervingt-deuxmaigrichonsenshortcouriraprèsune
ballesuruncarrédepelouse?Cettefois,Austins’arracheàsonmatchpournoustranspercerd’unregardsiglacialquej’enaides
frissonsdansledos.—Vousvousfoutezdemoi?Lefoot,c’estça,espècedebranleurs.Etjenesaispascequivous
excitetant,vouslesAmerloques,quandvousregardezvosgroslardsencollantsetcasquesdemotoselancerunœufd’autruche!Levraifootball,c’estça!—Maisc’estpourlesgosses,cetruc.Prendsungamindetroisans,ilpeutyjouer,décrèteZayn.
Ilm’adresse un clin d’œil avant de se cacher derrière sesmains en attendant l’explosion.Çanetardepas.—Pourlesgosses?Pourlesgosses?!Jetesignalequec’estlesportleplussophistiqué,leplus
important et le plus intéressant du monde ! s’écrie Austin, dont l’accent devient de plus en plusprononcé à mesure qu’il s’énerve. Ce n’est pas ma faute si vous n’y connaissez rien au sport, àl’espritd’équipeouàlacompétition,maisvousêtesbienlesseuls!IlyaplusdetéléspectateurspourlaCoupedumondequepourlesjeuxOlympiques,pourl’amourduciel!Etenplus…Amusée,jemepenchepourluimettrelamainsurlabouche,lefaisanttaireaumilieud’unephrase.—Etenplus, lefoot,c’estsupercoolàregarder,dis-jeenfeignant l’enthousiasme.C’estmieux
quelapêcheoulesquilles,etçabatmêmeleballet,situplisseslesyeuxassezfort.—Lapêche?Lesquilles?s’étrangle-t-il.J’aipeurqu’iln’avalesalangue.Maislespectacleenvautlapeine.—Leballet!continue-t-il.Jen’enpeuxplus.Malgrétousmeseffortspourgarderunairsérieux,jenepeuxplusmeretenir
alorsqu’ildardesurmoidesyeuxexorbités.Jecommenceàrireet,quelquessecondesplustard,lesdeuxautresm’imitent.—Jen’ycomprendsrien.Vousvouspayezmafiole,enfait?demande-t-il,soupçonneux.—Jenesaispascequetuentendsparlà,maisjepréfèrem’abstenirparprudence.Jenevaispas
achetertafiole,nilafioledepersonned’autre.Beurk.—Ildemandesitutemoquesdelui.Riendedégoûtant,rassure-toi.Jemeretourneenentendantlavoixd’Ethan,etletrouveàquelquescentimètresseulementdema
chaise.—Commentes-tuarrivéjusqu’icisansquejem’enaperçoive?—Jecroisquetuétaistropoccupéeàtepayerlafioled’Austinpouryprêterattention.Avecungrandsourire,ilsepenchepourmedonnerunrapidebaiser.Je reste pétrifiée. Je ne peux pas m’en empêcher. J’ai l’impression que toute la cafétéria nous
regarde,etquandjemedétourned’Ethanpourregarderautourdenous,forceestdeconstaterquejenemetrompeguère.Ilestentraindenousdonnerenspectacle.—Tuveuxtejoindreànous,Ethan?proposeRoensepoussantpourluifaireuneplace.Ilafalludutempspourquelesgarçonspuissentluifairecegenred’invitation.Lesdeuxpremières
semaines,ilsétaienttellementimpressionnésparEthanqu’ilsétaientincapablesdeproférerunmotensaprésence.Évidemment,lefaitqu’illestoisecommes’ilsétaientsesrivauxn’arrangeaitrien.Maisleschosesontfinipars’arrangeret jesuisraviedeconstaterquenosdeuxsemainesdeséparationn’ontrienchangéàladynamiquedugroupe.—J’aimeraisbien,maisj’aiuneréunion.Gardezunœilsurmacopine,d’accord?—Jesaisgarderunœilsurmoi-même,dis-je,unpeuagacéeparcettemanifestationdesexisme.—Tum’avaiscachécet incroyable talent,commente-t-ilendéposantàcôtédemonassiette l’un
dessmoothiesàlafraisequ’ilporte.Ilfaudraquetumemontresçaundecesjours.Ilm’embrassesurlajoueavantd’ajouter:—N’oubliepasdeleboire.Çaboostelesdéfensesetçaneteferapasdemal,avectatoux.—Jenetoussepas.—Tutoussais,cettenuit.Bois.Mieuxvautprévenirqueguérir.Il tourne les talonsets’éloigne.Jedois luttercontre ledésirderétorquer«Oui,chef»,avecun
salutmilitaire.Çaneferaitqu’attirerdavantagel’attention,etc’estladernièrechosedontj’aieenvie.Je me retourne vers la table. Mes copains me regardent, goguenards. Même Austin réussit à
décollerlesyeuxdesonfameuxcoupd’envoiassezlongtempspourprononcerdeuxphrases:—Tuferaismieuxdeboirecesmoothie.Jenevoudraispasêtreobligédecafarderàtoncopain.Jeluifaisundoigtd’honneuretattaquemasaladed’unairtrèsdéterminé.Ilsecontentederire,et
leschosesreprennent leurcoursnormal–sionpeutqualifierainsiunrepasavecAustinhypnotiséparl’écran.RoetZaynontl’airassezfascinésaussi,malgréleursmoqueries.Jesuisdoncunpeuesseulée,carmêmesijetaquinaisAustin,jen’aiditquelavéritélorsquej’ai
expliquéquejenecomprenaispasl’intérêtdufoot.Jemangemasaladedansunsilencerompuseulementparlescrisdejoieoudedéceptionquifusent
danstoutelasalle.Mescopainsnesontpaslesseulsàsuivrelademi-finale.Leboncôté,c’estquelorsquematouxsedéclareàlamoitiédurepas,seulRofaitsuffisamment
attentionàmoipours’enrendrecompte.—Nocomment!dis-jed’untonsecavantdedescendrelamoitiédemonsmoothie.—Jenem’yrisqueraispas,rétorque-t-ilavecunsourireinquiétant.Jechercheune réponsecinglante lorsqu’unreportageattiremonattentionvers l’unedeschaînes
d’information.OnyvoitBrandonJacobs–leBrandond’Ethan–deboutderrièreunpupitre,entreledrapeaudesÉtats-UnisetceluiduMassachusetts.Sansmêmesavoirceque jefais, j’attrapemontéléphoneetmesécouteursdansmapoche.Ilme
faut unmoment pour ouvrir la bonne application puis choisir la fréquence indiquée sous l’écran,mais, au bout de trente secondes, je peux écouter le journaliste expliquer que Brandon Jacobs aremporté la primaire dans le Massachusetts quelques jours seulement après son vingt-cinquièmeanniversaire. Il se présentera à laChambre des représentants en novembre, avec le soutien de sonpère,unhommetrèsfortuné,desamère,personnalitémondaineenvue,etdesonfrère,P-DGd’unegrandeentreprisebiomédicaleetphilanthrope.C’estdumoinscequeditlereportage.Etlessourireschaleureuxqu’échangent les deux frères sur les images d’undîner destiné à financer la campagneabondentdanscesens.LediscoursdevictoiredeBrandonestun tissuderhétoriquepoliticienne, trèscôteEstbonchic
bongenre.Ilévoquel’importancedeprendresoindesvétéransdenotrerécenteguerre,etdurôlequejouentlesentreprisesbiomédicalesdanscedomaine.Ilvajusqu’àaffirmerquefinancerlarecherchedesociétéscommeFrostIndustriescontribueàsauverlaviedenossoldats,aussibienaufrontquesurlesolnational.Jen’enentendsguèreplusaprèscela.Jesuisdenouveauplongéedansmadisputeavecmonfrère,
l’autrejour,sesparolesrepassantenboucledansmatête.Iln’estpascommenous,Chloe.Lesrichardsnepensentpascommenous.Situcroisqu’EthanFrostn’estpasprêtàtelâcheraumoindresignedesafamille,tutefourresle
doigtdansl’œil.Surlemoment, jenel’aipascru.J’aiplacétoutemafoienEthan.Maisvoilàqu’ilorganisedes
dînersdegalapourfinancerlacampagnedesonfrère.Ilapportesonsoutienàlacandidatured’unhommequ’ilsaitcoupabledevioletd’abusdepouvoir.Et pour quoi ? Pour obtenir de l’argent public pour Frost Industries ? Pour avoir un allié au
Congrèsquisoutiennelelobbydel’industriepharmaceutiqueetceluidesancienscombattants?C’estinsensé.Lesrichardsnesontpascommenous.Ethann’estpascommenous.Jen’arriveplusàrespirer.Jem’écartedelatabled’unbond,arrachantmesécouteurs.Lereportage
toucheàsafin,maisjenepeuxécouteruneminutedeplus–unesecondedeplus–quellecarrièreprometteuses’offreàcejeuneetbelhommepolitiquedeBoston.—Eh,Chloe!Çava?Ondiraitquetuvastomberdanslespommes!s’écrieZaynenselevantlui
aussi.Inquiet,ilmemetlamainsurl’épaule.J’aieneffetl’impressiond’êtresurlepointdem’évanouir.
Ouplutôtquematêtevaéclater,là,aubeaumilieudelacafétéria.Ethanneferaitpasunechosepareille,medis-je.Ilnemetrahiraitpascommeça.Mais… et s’il ne considère pas ça comme une trahison ? Si, pour lui, ce sont seulement des
affaires?Oupire,justeunehistoiredefamille?Sur l’écran, je regardeBrandon passer un bras autour de la taille de samère, et l’autre sur les
épaulesd’Ethan.Iladresseunsourireradieuxàlacaméra,demêmequesamèreetsonfrère.Jenesais pas lire sur les lèvres, mais il n’y a pas besoin d’être bien malin pour déchiffrer les motsqu’Ethanluilancejoyeusement:Victoireen2014.Le smoothie à la fraiseque jeviensd’avalern’apas l’airdevouloir rester sagementdansmon
estomac.Jemerueverslestoilettes.C’esttoutjustesij’atteinsunecabineavantdegerbercettesaletéjusqu’àladernièregoutte.
Chapitre16
Ilmefautdutempspourdécidercequejeveuxfaire,commentgérerlasituation.D’un côté, je voudrais vraiment entrer dans le bureau d’Ethan comme une furie et exiger des
explications.D’unautre, jemedisquetropc’est trop,quejedoismeprécipiterchezEthanpoureffacertoute
tracedemaprésencedanssamaison.Aufonddemoi,j’aienvied’appelerEthan,delesupplierdevenirmevoir,demeserrertrèsfortet
demedirequej’aimalcompris…quej’aitoutinterprétédetravers.Quecereportageestmensonger.Qu’iln’apascollectédefondspourBrandon.Qu’ilnesoutientpassacandidature.Qu’ilnem’apaslâchéeàcausedesaspirationspolitiquesdesonfrère.Àcausedelamortterribledesonpère.Pourfinir,cependant,jenefaisriendetoutça.Jeretourneàmonbureauetterminemajournéede
travail, effectuant les recherches qu’on m’a demandées sur de nouveaux arrêts concernant lapropriétéintellectuelledansdesfusions-acquisitions.L’après-midimesemblelong,etlasoiréeplusencorealorsquej’attendsqu’Ethanrentreaprèsun
repas d’affaires qui s’éternise.Cematin, ilm’a demandé si je souhaitais l’accompagner,mais j’aidéclinécarjen’airienàmemettre.Jemesuisbiengardéedeleluidire.Ilauraitcourum’achetertoute une garde-robe hors de prix, et c’est la dernière chose dont j’aie envie alors que je tentetoujoursdemeremettreduprixdemachaînedetaille.Àprésent, jesuisencoreplussoulagéed’avoirrefusé,cardîneravecsesassociésetparlerdela
pluieetdubeau tempsmesemble insurmontable.Nepaspaniqueret trahir laconfianced’Ethanenfouillantsamaisonàlarecherchedepreuvesdesaduplicitéestdéjàpresqueau-dessusdemesforces.Nepasm’enfuirsansmeretournerégalement.Jeme demande si j’en serais capable. J’y ai songé cet après-midi, juste après avoir regardé le
reportage,etj’ypenseencoremaintenant,assisesurlaterrassed’Ethan,unverredevinàlamain,lesyeuxlevésverslecielnocturne.Levents’estlevéetjedécèleunelégèreodeurdebrûlé.Unfeudeforêt fait rage à vingt-cinq kilomètres d’ici, et je ne peuxm’empêcher deme demander s’il ferabeaucoupdedégâtsavantd’êtremaîtrisé.Etsilepétrindanslequeljemesuismiseferabeaucoupdedégâtsavantd’êtremaîtrisé,luiaussi.Ce serait plus simple – tellement plus simple – d’arrêter les frais.De remballermes affaires et
m’éloignerd’Ethanunefoispourtoutes.J’aifaittantd’effortspourêtreforte,pourreconstruiremavie,quelavoirtomberenmiettesunefoisdeplusestlapiredestortures.Pourtant,quepuis-jefairepourévitercela?Pouravoirl’impressionquetoutcequej’avaisrebâti
n’estpasentraindes’écrouler?Feindrequeçan’apasd’importance?M’enalleretprierpourquetouts’arrange?Je ne suis pas sûre d’être capable de quitterEthan au point où j’en suis.Ne fait-il pas partie de
moi?Neresterait-ilpasenmoioùquejem’enfuie?Letempsécoulédepuisnotrerencontresemesureencoreenjoursetensemaines.Ilneluiapas
fallubeaucoupdetempspoursefaireuneplacedansmoncœur.Lorsque jeme réveille, alors que lamarée dumatin déferle sur la plage froide et déserte,mon
espritembrumésetourneaussitôtverslui.
Lesoir,lorsquelecielétoiléestimmobile,mesdernièresrêveriesvontverslui.Entrelesdeux,ilesttout.Lesecretquim’enveloppecommeunmurmure.Lapromessequiplonge
sescrochetsauplusprofonddemoi.Ilestmonobsession.Monaddiction.C’estunevéritéàlaquellejenepeuxéchapper.Unevéritéquejepaieàprésent,tandisquej’attends,
quejeveilleencomptantlessecondesalorsquel’horloges’approchelentementdedemain.Ilestplusdeminuitlorsquej’entendslagrilles’ouvrir,puislaBMWremonterl’allée.Lorsquela
portedugarages’ouvreetsereferme,jesuisappuyéeàlabalustrade,faceàl’océansombreetinfini.Jemerepasse laconversationque jeveuxavoiravecEthanenattendantqu’ilmerejoigne.C’est
sans doute stupide,mais je ne peuxme résoudre à ce que cette dispute ait lieu dans lamaison, aumilieudesespossessionsetdessouvenirsgênantsdemonhumiliation.Mieuxvautparlerdetoutcelaàl’airlibre.Ainsi,ladouleuretlacolèrepourronts’échapper.Mais il lui faut plus longtemps que je l’aurais cru pourme trouver. Quand il arrive enfin, j’ai
abandonné,etjemarcheverslamaisonenmedemandantcequileretardeainsi.J’aiatteint laporte-fenêtre laplusproche lorsqu’elle s’ouvreà lavoléeetqu’Ethanensurgiten
courant.—Chloe!Chloe,où…Ils’arrêteenmevoyantdansl’ombre,etsavoixs’étrangle.Cen’estqu’alorsquejevoiscombien
ilétaitaffolé.—Jesuislà.Jeregardaisl’océan.Ilacquiesceetlaisseéchapperunsoupir.Puisilsepenche,lesmainssurlesgenoux,letempsde
reprendresonsouffle.On croirait qu’il a eu peur que je ne l’aie quitté. Pourtant, ma voiture est dans l’allée, mes
chaussuresprèsdelaported’entrée,côtégarage.Iln’apaspunepaslesvoir…—Çava?dis-jed’unevoixrauque.Je m’en veux de m’en soucier. C’est moi qui suis secouée, suspendue à un fil, et pourtant je
m’inquiètedelui.Jenepeuxm’empêcherdevouloirprendresoindelui.—Oui,biensûr.J’aijusteflippéennetetrouvantpas.—Jem’ensuisrenducompte.Maisjenecomprendspaspourquoi.Ilmeregardependantplusieurssecondes,etj’ail’impressionqu’ilréfléchitàcequ’ilvamedire.
Qu’ilalaréponseàmaquestion,maisqu’ilévaluecequ’ilvaounonmerévéler.Jenesaispascequimedonnecesentiment,àpartl’expressionqu’ilarbore.Cellequ’ilaquandiltentedemementir,quecesoitparomissionoupourdebon.Cetteprisedeconsciencebrisequelquechoseenmoi.Jemesensfragile,incertaineetapeurée.Je
memordslalèvrepournepascrieret,cettefois,c’estàmoidemeconcentrersurmarespiration.—J’aieupeurquetunesoispartie,finit-ilparavouer.—Sansmavoiture?Sansmeschaussures?—Je…jen’aipasvuteschaussures.Ettavoitureauraitputomberdenouveauenpanne.—Maisnon,tul’asfaitréparer.Elleestcommeneuve.—J’ensuistrèsheureux,répond-ilavecunsourire.—Moiaussi.Ils’approchedemoi,mepasseunbrasautourdelatailleetm’attirecontrelui.Jemelaissefaire,
maissansmedétendrecommed’habitude.Jebouillonnedetropdepenséesnégatives.Ethan s’en rend aussitôt compte – évidemment. Il est tellement connecté àmoi, àmon corps, à
chaque infimenuancedansmespostures,qu’unefoisrassuré ilnepeutmanquerderemarquerque
quelquechosenevapas.—Machérie?demande-t-ilenrepoussantmesmèchesdecheveuxpourmeregarderàlalumière
chaudedeslampesdelaterrasse.Tuvasbien?—Jenesaispas.C’estsansdoutelaphraselaplussincèrequej’aieprononcéedepuiscemidi.—D’accord…,dit-il enme serrantplus fort et enme frottant ledos commepourmeconsoler,
commes’iln’étaitpaslacausedemestourments.Qu’est-cequejepeuxfairepourtoi?C’estunebonneentréeenmatière,quineserefusepas.Incapabledemeretenirpluslongtemps,je
déverseleflotdeparolesquim’oppressait.Jemelibèredeshorriblesaccusationsquiattendaientquejelesformule.—BrandonseprésenteauCongrès.Ethan s’immobilise comme un cerf pris dans les phares d’une voiture, conscient du danger qui
fondsurlui,maisincapabledel’éviter.—Oui.—ÀBoston.Il acquiesce et me serre encore plus fort. Je ne peux plus respirer, mais ça vient sans doute
davantagedel’anxiétéquedesonétreinte.—Oui.—Lavilleoùilm’aviolée.—Oui.Machérie…—Laisse-moifinir!dis-jed’unevoixplusfroidequed’ordinaire,dumoinsquandjem’adresseà
Ethan.—Jet’enprie,répond-ilenmemassantledospourm’apaiser,alorsquejeveuxlaisserlibrecours
àmacolère.— Je ne te demandais pas la permission. J’essaie simplement d’y voir plus clair. Brandon se
présente à laChambre des représentants, dans le septièmedistrict, celui-làmêmeoù il s’est renducoupabled’uncrime.Enversmoi.Ethandéglutit,mâchoiresserrées.Maisjedoisreconnaîtreunpoint.Ilnesedétournepas,nebaisse
pasmêmelesyeux.—Oui.—Ettulesoutiens.—Quoi?Non!s’écrie-t-ilenm’attrapantparl’épaule.Tuplaisantes?—Nememenspas!Nememenspasunefoisdeplus!Jenelesupporteraispas,etnotrecouplene
s’enremettraitpas.—Maisc’estlavérité.Chloe,jenetementiraisjamais.Tudoisbienlesavoir.—Jenesaisriendutout.—Merde!crie-t-ilensepassant lamaindans lescheveuxaveccolère.Cen’estpasvrai.Chloe,
c’estfaux,j’aipassélestroisdernièressemainesàmedémenerpourqu’ilnesoitpasélu.Jem’attendsàcequesesparolesmeprocurentuncertainsoulagement.Maiscen’estpaslecas.Je
nepensequ’àunechose:ilnem’ariendit.Mêmes’ilraconteàprésentlavérité,cedontjenesuispas sûre, il ne m’a pas parlé de ce qui se passait. De ce qui allait arriver. Il m’a laissée dansl’ignorance,commejel’étaislorsquej’aiouvertcettemauditeportepourmetrouvernezànezavecBrandon.—Tunem’asriendit.—Bordel!
Il ferme les yeux, visiblementmort de fatigue, et je prends conscience qu’à part la nuit où il aessayédemequitter,ilnes’estjamaismontréaussigrossieravecmoi.Cette pensée sort de nulle part, mais en cet instant je suis incapable d’avoir un raisonnement
cohérent. Comme si les pièces d’un puzzle tourbillonnaient dansma tête sans aucune direction niraison,tandisquej’essaiedecomprendrecommentlesassembler.Cesderniersjours,mavietoutentièresemblen’êtrequ’ungrandpuzzleimpossibleàrésoudre.Je
détestecettesensation.— Si je ne t’en ai pas parlé, c’est parce que je pensais que tu avais assez de problèmes en ce
momentsansrajouterBrandon.—Cen’étaitpasàtoidedécider.Tun’espasresponsabledemoi.— Te protéger, c’est toujours ma responsabilité, déclare-t-il avec aplomb, comme si c’était
indiscutable.Prendresoindetoi,ceseratoujoursmadécision.—Mecacherça,cen’estpasprendresoindemoi.Ilblêmitetreculedequelquespas.Jenel’aijamaisvusivulnérable.Jesenslaglacequientoure
moncœur se fissurer, commencer à fondre, alorsque jevoudraisqu’elle reste intacte.Commeunrempart.—Jet’enprie,nedispasça…Maiscommentpourrais-jemetaire,alorsquetoutvadetravers?—J’aivulereportage,Ethan.J’étaisàlacafétéria,aumilieudecentainesdegens,quandjel’aivu
àlatélé.Tuappellesçaprendresoindemoi?Pourlapremièrefois,ilsembleperplexe.Etencolère.—Quelreportage?—Nefaispasl’idiot!Tuétaisforcémentaucourant.—J’étaisaucourantquelesmédiasdeBostons’empareraientdesacandidature,évidemment.Mais
leschaînesnationales?Etsitôt?J’aitirétouteslesficellesquej’avaisàmadisposition…L’histoiren’auraitpasdûsortir.Ellen’auraitpasdûêtremiseenavant.—Parcequetunevoulaispasquejelevoie?— Parce que je voulais que personne ne le voie ! C’est une élection importante dans une très
grandeville,etplus ilpasseà la télé,plusseschancesaugmentent.Jevoulais luimettredesbâtonsdanslesroues.Etc’estcequej’aifait,déclare-t-ilensortantsontéléphonedesapoche.C’étaitsurquellechaîne?—MSNBC.—Merde, soupire-t-il en secouant la têtecommepour s’éclaircir les idées.Chloe,machérie, je
suistellementdésolé.Tun’auraisjamaisdûvoircereportage.Çan’auraitjamaisdûseproduire…—C’étaitsûr,queçaseproduirait!Tuesunefigurepublique,luiaussi.Lesdeuxensemble,c’est
dupainbénit.Pourquoiest-cequelesmédiasn’enprofiteraientpas?—Parce que je leur ai demandé de ne pas le faire.Donne-moi uneminute. Laisse-moi creuser
l’affaire,madouce…,supplie-t-ilenappelantjenesaisqui.—Tucroisvraimentquec’estcequim’importe?Tucroisquejemesoucievraimentdesavoirqui
a fait fuiter l’histoire que tu essayais d’étouffer ?Le seul fait que tu aies cherché à faire taire lesjournalistesmedonneenviedemecasseretdenejamaisrevenir.—Allô?Ethan?Ilsetientassezprèspourquej’entendelavoixdesonattachédepressedansletéléphone.—Désolé,Anthony.Jeterappelle,rétorqueEthanenraccrochant.Explique-toi.—Iln’yarienàexpliquer.
—Aucontraire.Jet’aiditpourquoijet’avaiscachécettehistoire.J’essayaisdeteprotéger…—C’esttoiquetuessayaisdeprotéger!—Quoi?— Je t’ai vu, Ethan. Au dîner de charité. C’est toi qui l’as organisé pour lui, pour financer sa
campagne.Turigolaisaveclui.Ettuétaistellementfierdelui!Jeconnaisbienceregard.Jemefousquetuaiesvouluétoufferl’affaire!Commentas-tupuleverdesfondspourcesalaud?Commentas-tu pu rester à ses côtés, célébrer sa victoire, et ensuite revenir ici et dormir dans lemême lit quemoi?J’ai lachairdepoulealorsque je luiposemesquestions,que j’étaledevant lui l’horreurdema
découverte.Pendant un longmoment, il ne bouge pas, ne parle pas et ne fait rien d’autre queme regarder
fixement,lesmâchoiresserrées.Jenel’aijamaisvuaussiperdu,etsijen’étaispasfolledechagrindevantsatrahison,jeseraissansdouteheureusedel’avoirdéstabilisé,surtoutquandonsaitcombienc’estdifficileaveclegrandEthanFrost.—Lederniergaladecharitéquej’aitenupourmonfrère,c’étaitenmai.Avantdeterencontrer,et
bienavantdesavoirquelhommeilest.Dequoiilestcapable.—Jet’aivu.J’aivulesimagesavectamère,ettonfrère.Demesyeux…—Cesimagesdatentdumoisdemai!répète-t-ilavecforce.Oupeut-êtremêmed’avant.Jenesais
pas,jen’aipasvulereportage.Maisjen’aiorganiséaucunautregaladepuisquejesuisaucourant.Riendutout.Jetelejure.Sesparolesrésonnentdansl’airodorantdelanuit.Ellesnousenvironnentetpénètrentenmoi.Jele
crois.Devantsonvisagestoïque, lesyeuxagrandispar lacolèreet lapeur,douterdesaparoleestimpossible.Je ne remets pas sesmots en cause.C’est vraisemblable – bien plus que l’idée qu’il ait couru à
Bostonpendantnosdeuxsemainesdeséparation.Pourtant,jesensquequelquechosecloche.Jesuistaraudéeparunequestion.—Pourquoiont-ilsdiffusécesimagesaujourd’hui?Pourquoiont-ilsfaitcommesic’étaitrécent?— Ils ont mélangé des films d’archive et d’actualité pour créer ce reportage, sans préciser de
quanddatentlesimages.Lesjournalistesfontçatoutletemps.Cen’estpaséthique,maisc’estcommeça.Quantàsavoirpourquoiilsl’ontpasséaujourd’hui,jel’ignore.Surtoutquelesreportagessurmafamilleétaientcensésêtre suspendus.Mais jepeux tedireque jevaisobtenirdes réponses.Dèscesoir.Ilreprendsontéléphoneetjemedétournepourrentrerdanslamaison.Jen’aipasenvied’écouter
laconversation.Jemesenstropbouleversée,incapabledecomprendre.Jemedirigeverslachambreetouvreleplacardoùj’airangémeschaussuresdesport.Ethanme
suit,unemainsurlebasdemondos,etj’essaiedemedétendreàsoncontact.D’allerbien.Maisjen’yarrivepas.Pasdutout.IldiscuteavecAnthonydureportagedeMSNBC,cherchantàétablirquellesautreschaînesontpu
le reprendre.Anthony doit être devantGoogle enmême temps, parce que les noms de chaînes semettentàfuser.Demêmequ’untasdejurons.Jene lesécouteplus.Jemefichedeconnaître lepourquoiducomment.Cequim’importe,c’est
queçasesoitproduit,sifacilement.J’enfilemeschaussuressansadresserunmotàEthan,niunregard.Puisjemedirigeverslaporte
d’entrée.—Eh,qu’est-cequetufais?demande-t-ilenmebarrantlepassage.Anthony,jeterappelledansun
moment.Ilraccrocheunefoisencoreaunezdumalheureuxattachédepresse.—Cen’étaitpaslapeined’interrompretaconversation.— Je ne suis pas d’accord. Il se trouve que quandma petite amie part en claquant la porte, je
préfèreêtredisponible.Surtoutqu’ellem’apromisilyamoinsd’unesemainedenepluslefaire.—Jenetequittepas,Ethan.Jevaismarcherpourm’aérerlatête.Cen’estpaslamêmechose.—Tuessûre?—Certaine,réponds-jeavecunsoupiragacé.Jereviensdansuneheure.Peut-êtredeux.—Ilestminuitpassé.Laisse-moiuneminutepourmechanger,jet’accompagne.— Je suis une grande fille, Ethan, je peux me débrouiller. Surtout à La Jolla, qui n’est pas
exactementunquartierchaud.—Jepréféreraisquandmêmequetumelaissest’accompagner.—Oui,maispasmoi.J’aibesoinderéfléchir,Ethan.—Tupeuxlefaireavecmoiàtescôtés!—Non.Justementpas.C’estàtoiquejedoisréfléchir.—Jenevoispascequ’ilyaàréfléchir.Jen’aipasfaitcequetucroyais.Jeneteblesseraisjamais
decettefaçon!Jamaisdela…— Mais tu l’as fait ! Tu m’as blessée en ne me parlant pas de Brandon. Et maintenant, tu
recommences.Tumecachesdeschosesenpensantquec’estpourmonbien.—Jenevoulaispastefaireencoreplusdemal.Tuasdéjàassezsouffert.Çayest,jecomprendscequicloche.Cequimedérange.Cepourquoiilm’estsidifficiledefaire
confianceàEthanalorsmêmequ’ilestirréprochable.—Tusais,c’estexactementcequem’ontditmesparentsavantdemeforceràsignercetaccordde
non-divulgation, à retirermaplainte.Que j’avais assez souffert et qu’ils ne voulaient pasmevoirtraverserdenouvellesépreuves.—Chloe.Tusaisqueçan’estpaslamêmechose.C’estvrai,jelesais.Maisçaimportepeuencetinstant.Toutcequicompte,c’estdem’échapper
d’iciavantd’étouffer.—Jevaiscourir,dis-jeentraversantlamaisonverslaporte.Nemesuispas.—Chloe,bordeldemerde!Cen’estpasprudent!—Tun’aspastoujourslechoix,Ethan.Jesuisuneadulte.Jeprendsmesdécisions,ettun’aspas
toujourstonmotàdire.Et,surcepoint,c’estcommeça.Je prendsmon téléphone dansmon sac posé sur une table dans l’entrée, enfoncemes écouteurs
dansmesoreilles,poussemaplaylist1975àunvolumeàlalimitedusupportable,etfranchislaporte.Puisjememetsàcourir.Àtoutesjambes,plusvitequejamais.Ethann’essaiepasdemerattraper.
Chapitre17
Commentest-cequetoutapudenouveaudérailleràcepoint?Cettequestionmehantealorsquejecourssurlaplagepresquedéserte.Jecheminetoutaubordde
l’eau, car il estplus facilede fouler le sablemouillé et ferme.Et ce soir, jeneveuxpasgaspillerd’énergie.Jeveuxcourirloin.Peut-êtrequesi jecoursassez longtemps, j’arriveraià laisserderrièremoicechampdebataille
quimetientlieudevie.Jenesaispasquoifaire.Jenesaispasquoipenser.Ce n’est pas que je ne croie pas Ethan.Au contraire. Son explication est bien plus logique que
l’idéequ’aprèsnotrerupturecauséeparsonfrère,ilaitcouruorganiserunecollectedefondspourlui.Certes,lesparolesdeMilesmehantent,metraversentlatêtequandjenem’yattendspasetquejeneleveuxpas–maisc’esttout.Cenesontquedesmots.Cen’estpasparcequ’illescroitquejedoislescroireaussi.Çaneveutpasdirequ’ilssontvrais.Maisiln’apascomplètementtort.J’aivuEthanavecsamèrelorsdecedîner,etjenepeuxignorer
combien ils sont heureux ensemble, combien il l’aime. C’est la même femme qui hante mescauchemars,avecsonrougeàlèvrescriard,savoixstridenteetsonacharnementàprotégersonfilsàn’importequelprix.Àmesyeux,elle sera toujoursune sorcière, laMaléfiquede laBelleauBoisdormantquin’attendquedemedéchireravecsaméchancetéetsesgriffesacérées.Quand on s’est remis ensemble, je lui ai dit que je ne voulais pas parler de sa famille. Je ne
souhaitais pas les rencontrer, entendreparler d’eux, avoir quelque contact que ce soit avec eux. Jepensaisqueçasuffirait.Quesijedressaisunmurentreeuxetmoi,jepourraisoubliercequis’étaitpassé,cequ’ilsm’avaientfait.Parcequ’ilsnem’importentpas. Jenevaispas leuraccordercet intérêt.C’estEthanque j’aime,
Ethanavecquijeveuxêtre.Le seulproblème, la seule failledansmon raisonnement, c’est que si, ils ontde l’importance…
pour lui. Et c’est normal. Je ne souhaite à personne d’être coupé de ses parents commemoi. Cemépris,cetteméfiance,cetteaversionouverte.Cettetrahison.Non,jeneveuxpasqu’Ethanvivecela.Mais enmême temps, je ne suis pas certaine de pouvoir supporter qu’il fasse autre chose que lesreniertotalement.Cen’estpasjuste,maisc’estcequejeressens.Parcequej’allaisbien.Pendantunesilonguepériode,jem’ensuissortie.J’avaisunevie–peut-
êtrepasfabuleusenipalpitante,maisvivable.Uneviestable.Quim’apermisdemesentirforte,ensécuritéetsained’esprit.À présent… j’ai une vie fabuleuse. Ethan m’aime, j’ai un boulot que j’adore, et je suis folle
amoureused’Ethan.Quelemotamournesuffitpasàdécrire.Jenecroispasqu’ilexisteunmotquipuisseévoquerlaprofondeurdesémotionsquecethommesusciteenmoi.Pourtant,mavieestdevenueunenfer.Jenemesensplusniensécuriténistable,etcertainement
passained’esprit.Commentlepourrais-jealorsquechaquejourmefaitpasserpardeshautsetdesbassiextrêmes?Quechaqueinstantestunterrifiantvoyageversl’inconnu?Si j’ai survécu jusqu’à maintenant, c’est parce que j’avais un plan et que je m’y tenais. Çame
donnait un centre d’intérêt, un but, quand ma vie n’était plus qu’un vaste chaos. À présent, j’ail’impressionquemonuniqueobjectifestdetraverserchaquenouvellejournéesanscraquer.Çanesuffitpas.C’estloindesuffire,surtoutquej’atteinsrarementcetobjectif.Est-ce à cela que doit ressembler ma vie avec Ethan ? Beaucoup de passion, des émotions
déchaînées,maissansdirection?Àladérive?Unhymneàlajoiesansjoie?Cettepenséemeterrifieplusquetout.C’estpourcelaquejecours.Sansm’arrêter.Jusqu’àavoirmaldos,jusqu’àcequemespoumons
menacentd’éclater, jusqu’àavoir les jambesenguimauve, incapablesdemeporterpluslongtemps.Pourtant,jecontinueàcourir.Pendantdeskilomètres,pendantdesheures.Je suis loin sur la plage lorsque l’épuisementme rattrape et que jem’écroule sur le sable,mes
jambesrefusantdefaireunpasdeplus.Celafaitbienlongtempsquejen’aipascouruainsi,quejen’aiplusutilisélesportcommeunexorcisme.Jeregardeautourdemoi,cherchantdesrepères.Essayantdedevinerquelledistancej’aiparcourue.
Maisaucunedesmaisonsnemesemblefamilière,etjesuistropfatiguéepourmarcherjusqu’àlarueettenterdetrouverunpanneau.En plus, ça m’est égal. Je n’aurais rien contre rester étendue ici pour toujours – ou du moins
jusqu’àcequelesgardes-côtesmetrouventaupetitmatin.C’est dans cet état d’esprit que j’éteinsmamusique – Imagine Dragons, ma playlist 1975 étant
épuisée depuis longtemps – et jette le téléphone à côté de moi sur le sable. J’écoute. Le son desrouleauxdel’océan,l’eauquibatlerivage,unevoituredanslelointainquiprogresseàtraverslesruessombresetdésertes.C’estpaisible,bienplusquetoutcequej’aivécucesdernierstemps.Mêmealorsquelescrampes
s’installent–àcausedelacourse,dumanqued’étirementetdusablefroidetmouillé–,jen’aipasenviedebouger.Jevoudraisjusteprendrecesmomentscommeilsviennent.Maisçanepeutpasdurer.Rienn’estéternel.Etquelquesminutesàpeines’écoulentavantquemon
téléphonevibre.J’aibienenviedenerienfaire,delelaisservibreretderesterdansl’instant,maisiln’yaqu’uneseulepersonnequipourraitm’appeleràcetteheure-ci,etelleneméritepasquej’ignoresonappel.Enramassantletéléphone,jedécouvreavecstupeurqu’ilestpresque3h30dumatin.J’aivraiment
courupendantdesheures.Etj’airatétroisappelsd’Ethan.Merde.—Jevaisbien,dis-jeendécrochant.Ilnerépondpastoutdesuite,commes’iltentaitdecontrôlersacolère.—Oùes-tu?demande-t-ild’unevoixhachée,sicalmequejeledevinefurieux.—J’aicourusurlaplage.Jevaisbien.—Jesuissurlaplage,Chloe.Etjenetevoispas.Dis-moioùtues.—Jenesaispas.J’aicouruassezloin.—J’airemarqué.Çafaituneheurequejetecherche.Merde.Sontonestparfaitementmaîtrisé,polimême–maisdénuédetoutechaleur.Ilestvraiment
fouderage.Jemeredressepourregarderautourdemoi,surlaplageplongéedanslapénombre,àlarecherched’unindicesurl’endroitoùjemetrouve.J’aperçoisdeuxpanneauxunpeuplushaut.Jemelèvepourallerlesconsulter,malgrélescrampesdansmesjambes.L’und’entreeuxindique«Projetdepréservationdulittoral»,etjesaissoudainoùjemetrouve.—JesuisquelquepartaprèsCoastalPark.Sansdoutetroiskilomètresplusloin.Ilravaleunjuronparticulièrementsalé.—Tuveuxdirequetuascourutrente-cinqkilomètrescesoir?Surlaplage?
—Jecrois.Jenefaisais…—Est-cequ’ilyaquelqu’unprèsdetoi?Quitesuit?—Non,c’estdésert.Jesuistouteseule.Iljuredeplusbelle.—Jenesaispassiçadoitmerassureroumemettreencolère.Écoute,nebougepas,d’accord?
Reste sur la plage, de préférence dans l’ombre, et réponds quand je t’appelle. J’arrive le plus vitepossible.Ilmeraccrocheaunez–nouvellepreuvedesacolère–etjenepeuxpasleluireprocher.Dansma
fuiteéperdue,j’aiquittélasécuritédeLaJolla,etbienquelequartieroùjemetrouvenesoitpaslepire,iln’estpastrèsrassurantquandmême.Ethanvametuer.J’essaiedefairecequ’ilm’arecommandé,maisaprèsavoirpasséquelquesminutesplantéelà,je
commenceàmesentirnerveuse.Etfrigorifiée.Maintenantquelachaleurdelacourseestretombée,jesenslabrisefroidedel’océans’infiltreràtraversmondébardeuretmonpantalondefitness.Ducoup,jemelèveetcommenceàmarcherensensinversesurlaplage.Jenerejoinspaslarue–
jenesuispascomplètementidiote–,maisjetentedeparcourirlestroiskilomètresquimeséparentdeCoastalPark,afinqu’Ethanaitunpointderepèrepourmeretrouverquandilmerappellera.Jeviensd’arriverauparkinglorsqueEthanmerappellepourtenterdemelocaliser.Unefoisqueje
luiaiditoùjemetrouve,ilneluifautquetroisminutespourmerejoindre.À peinem’a-t-il aperçue qu’il jaillit de sa voiture pourme prendre dans ses bras etme serrer
contrelui.—Jevaisbien,dis-jeenmedébattant.—Tuveuxbienmelaisserteteniruneminute,s’ilteplaît?Letempsdemefaireàl’idéequetu
vasvraimentbien?Savoixrauquetémoignedelatensionquil’ahabitécesdernièresheures,sensibleégalementdans
l’étreintequ’ilneveutpasrompre.—Écoute,jesaisquej’aiagicommeuneidiote,etjesuisdésolée.Jevoulaiscourirdanslestrois
kilomètres,etpuis jemesuis laisséemporteret jesuisalléebeaucoupplus loinqueceque j’avaisprévu.Jesuisnavrée.Maisilnem’estrienarrivé.Jen’aicroisépersonnependanttoutcetemps.Ildesserreenfinlesbraspourmeregarder.—C’estnormal.DesquartiersentiersdeSanDiegosontenétatdecouvre-feu,etd’autressonten
traind’être évacués.Avec cevent, les feuxde forêt ont empiré.Tu as choisi le piremoment pourdisparaître.—Oh,merde.Pasétonnantqu’ilaitétéaussiinquiet.Cen’étaitpasjustesatendancehabituelleàmesurprotéger.
Ilavaitpeurquejenemeretrouvepiégéeparlesflammes,cequiauraitpum’arriversijen’avaispasdécidéderestersurlaplage.—Tul’asdit…Ilmeramèneàsavoiture,avantderepartirsurleschapeauxderoue,dansl’espoirdenousmettreà
l’abrichezluileplusvitepossible.—Oùsetrouvelefeuleplusproche?dis-jequelquesminutesplustard,alorsquenousdépassons
LaJollaCove.—Àsixkilomètresenviron. Ilspensentqu’onnedevraitpasêtreendangersur le frontdemer,
maisilsévacuentMiramarjusqu’àlafac,etTorreyPinesjusqu’àDelMar.—Punaise.Lamoitiédelacôte!Ilyacombiendefoyersd’incendie?
—Septpourlemoment,mais,aveccevent,ilspensentquedenouveauxvontsedéclarer.—Ilfautquej’appelleTori.—Jel’aiappelée.Ellevabien.Sonpèreenvoieunavionlachercherdemainmatin.Elleadécidé
d’allerpasserquelquesjoursàLasVegas.S’assurerqueTorivabien,c’esttoutEthan.Ilestcommeça,depuistoujours.Lefaitquesafamille
soitcequ’elleestnechangerienaufaitqu’ilsoitvraimentquelqu’undebien.—Ondevraitpeut-êtrealleràVegas,dis-jepourrire.Jeviensjusted’avoirvingtetunans,après
tout.Ethanmeregarde.—J’yaisongé,crois-moi.—Ahoui?Pourdesvacances?—Enlunedemiel.Jepourraistesoûlerpuist’épouseravantquetuaiesletempsdedire«ouf».—Ouais,c’estça.Tunedevraispasrigoleraveccetteidée,réponds-jealorsquemonestomacfait
desbonds.Jepourraisteprendreaumot.—Jenedemandepasmieux.Ilnesetournepasversmoi,carlaruequimènechezluiesttroptortueusepourqu’ilendétacheles
yeux,maisçanefaitqu’accroîtrel’impressionquecetteconversationestsurréaliste.—Arrêtedemetaquiner,dis-jealorsqu’ilempruntel’alléeverslamaison.Il coupe le moteur et se penche pour m’attraper et m’attirer sur ses genoux d’un geste rapide.
L’espaceestexiguet levolantmerentredans ledos,mais jen’yprêtepasattention.CarEthanmedévoredesyeux.—Qu’est-cequitefaitcroirequejeplaisante?Jet’épouseraisdemainsituvoulaisbien.ÀVegas.
Àlamaisonavecunjugedepaix.SurlaplageàTahiti.Jem’enfous,enfait.Jet’aime,Chloe,etàl’instantoùtuserasprêteàm’épouser,jeteprometsquenousleferons.Ilpresseseslèvressurlesmiennes,etjesuistellementsidéréequejenepeuxrienfaired’autreque
m’agripperàluipendantqu’ilprendpossessiondemoi.Saboucheestpartoutàlafois,sesmainségalement,etjenesaisquepenser,quedire.Toutceque
jepeuxfaire,c’estressentir.Etjenem’enprivepas.Jeressenslecontactdeseslèvressurmaclaviculealorsque,delalangue,ilm’effleurelagorge,
làoùbatmonpouls.Jeressenslescaressesrudesdesesmainsquiseglissentsousmondébardeurpourmefrôlerles
flancsetledos.Je ressens lescoupsdesaqueueenérectionsurmonsexe, surmonclitorisalorsqu’il se frotte
contremoiàunrythmelentetdouxquim’amèneauborddel’orgasme.—Jeveuxmeréveillerchaquematinentetenantdansmesbras,murmure-t-ilenmemordillantle
cou.Jeveuxt’étreindrequandtupleures,goûtertajoiequandturis.Jeveuxteprotéger,t’abriterauplusprofonddemoiafinquenulnepuisseteblesseràl’avenir.Il ramène lesmainsvers l’avantdemoncorps,passe lespouces sousmachaînede taille et tire
doucement lesmaillonsdeplatine.Pourmerappelerqu’iladéjàprispossessiondemoi,qu’ilm’amarquée.—Jeveuxt’aimer,Chloe.Toutcequejeveux,c’estt’aimer.Ses parolesme font décoller encore un peu plus, attisant les flammes qui se déchaînent enmoi
jusqu’àcequejenepuisseplusriensentir,voirourespirerquelui.—Jesaisquetuesjeune.Jesaisquetun’espasprêteàparlerd’éternitéavecmoi,surtoutaprès
toutcequis’estpassé,maisjeveuxquetusachesquec’estladirectionquenousprenons.C’estceque
jeveuxquetumedonnes,ettedonnermoiaussi.C’est ce que je désire moi aussi. J’en ai eu envie depuis qu’il m’a fait l’amour avec une telle
tendresse,unetellesincérité,aprèsmonrécitduviol.C’estcequejeressensdepuisqu’ilanouécettechaîneautourdematailleetprispossessiondemoidefaçonsiabsolue.C’estlaraisonpourlaquellenotre séparationm’a anéantie à cepoint,m’a arraché le cœur et transformée enunepauvre chosetremblante enproie à l’autodestruction.La raisonpour laquelle ceque j’éprouvepour lui est bienplusqu’unbesoin,bienplusqu’uneaddiction.—Ethan,je…J’aitantdechosesàluidire,tantdechosesquejevoudraisqu’ilsachesurmessentimentsetmes
désirs,maisjen’arrivepasàparler.Lesmotssontcoincésauplusprofonddemoi,etjeneparvienspasàlesexprimer.Jenesaispaspourquoi.Jesuispourtantengagéeaveclui.Jel’aime.Ça,oui,jel’aime.C’estjuste
que…quequoi?Jen’ensaisrien.Pendanttoutcetempspasséàcourir,j’aitentédecomprendre,etjen’ensuispasplusprèsmaintenantquelorsquej’aifranchilaporte,ilyaplusieursheures.Toutceque je sais, c’estque ladécouvertedeceque tramaitBrandonacasséquelquechoseen
moi.VoirEthan debout à ses côtés, à rire, plaisanter et fêter sa victoirem’a déchirée et brisée denouveau.Quelquechoseaétédétruit,etj’ignoresionpeutleréparer.Jesaisqu’Ethann’étaitaucourantderien.Jelecroislorsqu’ilmeditquecettecollectedefondsa
eu lieuavantqu’ildécouvremes relationsavecBrandon.Et çadevrait tout changer,mais jegardepourtant enmoicettebouledeglacequine semblepasvouloir fondre.Commesi c’était lagoutted’eau.Lablessuredetrop,lecoupdetrop.Latrahisondetrop.Detousleshommesquej’auraispurencontrer,ilafalluquejetombeamoureusedecelui-ci.Çan’aaucunsens.Suis-jeréellementsidévastée,siaccro,quejenepeuxm’écarter?Delui?De
toutça?Desémotionsdangereusesquim’assaillentdetoutepart…Oubiennesuis-jeaucontrairepasdévastéedutout?Éprouvée,oui.Heurtée,sans l’ombred’un
doute.MaisaimerEthan–êtreaiméedelui–estlachoselaplussaine,lapluspurequimesoitjamaisarrivée.—Cen’estpasgrave,machérie,dit-ileneffleurantmagorge,monépauleetlanaissancedemes
seinspardesbaisersdouxcommedelasoie.Jesaisqu’ilesttroptôt.Jesaisquetunemefaisplusconfiance.—Cen’estpas…Ilm’embrasse,avecdouceur,tendresse,attention.Tellementd’attention.—Maissi.Cen’estpasgrave.Jecomprends.Pourtant,c’estgrave,aucontraire.Malgrél’obscurité,jevoisl’expressiondesesyeux.Jesaisque
jel’aiblessé.Quejeledétruis,encoreencetinstant.Etcelamebouleversejusqu’aucentredemonêtre.Çameretourneetmedéchirecommejamaisje
nel’aiété.J’aimecethomme,jel’aimemalgréladouleur,malgrélapeuretlatrahison,etl’idéedeledévastercommejel’aimoi-mêmeété…çamedétruit.—Jet’aime,dis-jeenluiprenantlevisagepourattirerdenouveausaboucheverslamienne.Mais cebaiser-làn’est ni douxni tendre. Il est profond, ténébreuxetmeurtri, tellementmeurtri.
Noslanguesetnosdentsserencontrentdansunballetdeplaisiretdedouleur,deparadisetd’enfer.Toutcequenoussommesl’unavecl’autre,ànu,s’yexprimeavecuneinfiniejustesse.—Chloe,bordel!grogneEthanenarrachantsaboucheàlamiennetoutenouvrantlaportière.Ilpasselesmainssousmesfessesetsortdevoitureenmeportantdanssesbras.
Jem’attendsàcequ’ilm’emmènedanslamaison,maisilnedépassepasleperron.Ilmereposeetmetourne,dosàlui,lesmainsposéessurlabalustrade.—Qu’est-cequiteprend?Onestsurle…Ilmefaittaired’unemorsuresurlanuque,assezfortepourmelaisserunemarque.Tremblante, envahie par une vague de chaleur, je laisse échapper un halètement. Ethan s’avance
entremesjambes.D’unemain,ilbaissemonpantalondefitnesstandisquedel’autre,ilsedégagedesonjean.Ilmepousseenavant,mepasseunenouvellefois lesdentssur lanuque,ets’assureduboutdes
doigtsquejesuisprête.Jesuisbrûlanteethumide,toutlecorpstenduetdouloureuxdubesoindelesentirenmoi.—Ethan,jet’enprie…jeveux…Maisjemetais,incapabled’endiredavantage,alorsqu’ilmepliesurlarambardeetmepénètre
d’unpuissantcoupdereins.Jegémis.Sijen’avaispaspeurd’informertoutlevoisinagedenosactivités,jecrierais.Celafait
moinsdevingt-quatreheuresquejenel’aipasreçuenmoi,maisc’estdéjàtroplong.Bientroplong.J’enaibesoin,j’aibesoindelui,Ethan,enmoi,àm’aimer,toutletemps.J’aibesoindesapuissanceetdesadouceur,desapassionetdesatendresse.Sansfin.J’essaiedeparler,maisj’ailaboucheplussèchequejamais.Jen’aipluslafacultédepenser,etje
nepeuxproduirequedessonsrauquesetaffamésàchaqueva-et-vientd’Ethan.Jetendsunbrasdansmondospourluigrifferlesfessesettenterdelecollerencoredavantageà
moi.—Plusfort,parviens-jeenfinàarticuler.Cesontlesmotsquibouillonnentenmoidepuisqu’ilapassélesdoigtssurmonsexe.—Jet’enprie…plusfort.Ethanobéit,poussantsifortquej’ai l’impressionqu’ilvamedéchirer.Maisc’estbon,délicieux
même,etjeneveuxpasqu’ilarrête.Nimaintenantnijamais.Laissant lamain droite dans le creux demon dos pourmemaintenir dans la bonne position, il
passe la gauche entremes jambes. Il caresse l’endroit où nos corps se joignent.Un feu d’artificeéclateàl’intérieurdemoi,etjeplanedeplusenplushaut,ledésirdejouirs’accroissantdesecondeenseconde.—Jouis,machérie,memurmure-t-ilàl’oreille,sonsoufflechaudmecaressantlapeau.Jeveux
quetujouisses.J’aienviedetesentirautourdemaqueue.Ilm’effleureleclitorisavecsonpouce,unefois,puisdeux,puistrois.Ilnem’enfautpaspluspour
volerenéclats.Jecriesonnom,commeunsanglot,dansl’orgasme.Maisilnes’arrêtepas.Ilcontinueàalleretvenirenmoipendantquejesuissecouéedespasmesde
plaisir,soncorpspuissantcognantlemienalorsqu’ilcontinueàmefrôlerleclitoris.Lessensationsdéferlent sur moi comme des vagues. Les genoux tremblants, je suis parcourue de frissonsélectriques.Ilpasseunemainsousmondébardeuretmecaresselestétonsàtraversmonsoutien-gorge.Jesuis
tellementsensiblequec’estpresquedouloureux.Pourtant,unenouvelleondedeplaisirs’emparedemoi.—Jen’enpeuxplus,dis-jeenarrêtantsamain.Impossible…—Rienn’estimpossible,déclare-t-ilenmepinçantleseinentrelepouceetl’index.Jamais.Tuesà
moi,Chloe.Tuesàmoi,etjenetelâcheraijamais.Sanscessersonva-et-vient,ilmelèchelecou.L’unedesesmainsestposéesurmapoitrine,l’autre
sur mon sexe, et je sens un nouvel orgasme monter. Celui-ci est immense, terrifiant, presquedouloureuxtantilestintense,etjen’aipasvraimentenviedemelaisseraller.Jepréféreraisresterlà,ensécurité.Bienancrée,sansrisquerdedériversurl’océand’émotionsquefaitjaillirEthanenmoi.Maisilnel’entendpasainsi.—Allez,Chloe.Donne-moicequejetedemande.Jesuislà,chérie.Jesuislà,monamour.Encore
unefois.Jesuislà,promis.Ilaccentuesescaressessurmonclitoris,biendécidéàmefairejouir.—J’aimequandtujouis.J’aimesentirtesmusclessecontracterautourdemonsexe.Ilpenchelatêtesurmonépaulepourlécherlasueurquiperlesurmonomoplate.—J’aimevoir tapeau rougir, tabouches’ouvrir. J’aimevoir tes tétonsdurcir et teshanches se
cambrerversmoi.Il passe les lèvres sur le lobe demon oreille, effleurant de la langue le point sensible que j’ai
derrière,sanscesserdemurmurer,d’augmentermonplaisirparsesparoles,soncorpsetsonamour.Sonindéfectibleamour.J’ailesjouesruisselantesdelarmes,etmoncorpséchappetellementàmoncontrôlequejenepeux
imagineren reprendreun jourpossession.Àcet instant, jen’arrivemêmepasàm’en soucier.Pasalorsqu’Ethanbougefébrilementenmoi.Etquesesmotsserépercutentenmoicommeunéclairquim’embraseetm’entraînedeplusenplushautdanslavoluptéàchaquesoufflequenouséchangeons.—J’aime ta façondemeprendreen toi, ajoute-t-il.Ta façonde tedonner si entièrement,dene
jamais cesser de t’offrir à moi. Dem’accepter tout entier. De trembler contre moi en demandantplus…Ilposelaboucheenbasdemoncouetmesucelapeauavecavidité.—J’aimetafaçondemeregarder,commesitunemecomprenaispascomplètement,maisquetu
voulaisessayer.J’aimetoncourage.J’aimetaforce, le faitque tun’abandonnes jamais.J’aimetonhonnêtetéettapureté…Tuouvrestoncorpsettoncœuràlafois.Ilme suceencore le cou, laissantunenouvellemarque,qu’il apaised’uncoupde langue.De sa
languesiagileetmerveilleuse.—J’aimetoncorps,déclare-t-ilenmepénétrant,inlassable.J’aimeladouceurdetapeau,sonéclat
souslalune.J’aimerelierlespointsdetestachesderousseur,dessinerdesimagessurtescuisses,tonventreettesépaules.J’aimetesseins,leurcontactdansmamain,rond,douxetlourd.Ilramènesadeuxièmemainsurmonautreseinetsemetàletaquineraussi.—J’adorelessentirdurcir,j’aimetongoûtdecrèmeetdemiel.J’aimetesyeuxetlefaitqu’ilsme
révèlenttoujourstespensées.J’aimetafaçondemeregarder.J’aimetonouverture,tasincérité,lefaitquetun’essaiesjamaisdetecacherdemoi.J’aimeêtreentoi,poursuit-ilenmedonnantuncoupdereinsvigoureuxpoursoulignersonpropos.C’esttoutjustesijeparviensencoreàrespirer.—Etjesuiscomplètementfoudetesfesses.Ilmepasseunemainentrelesfesses,m’appuyantsurl’anusjusqu’àmefairevoirdesétoiles.Puis
il introduit un doigt, avec lenteur et précaution, de plus en plus profondément, jusqu’à me faireoublierpourquoijemeretiensdefairedubruit.Jecriedeplaisir.Çal’amuse,etsonriregravecontremonoreillemeprocuredesvaguesdechaleur.Jesuisaubord
del’orgasme,maismalgrétoutcequ’ilvientdemedire,ilrefusedemefairebasculer.Ilneveutpasm’accorderlavoluptéquejeréclameenmetordantcontrelui.—J’aimetoutentoi,Chloe.De nouveau, il introduit ce doigt insidieux en moi, me caresse l’intérieur, sans cesser le
mouvementdesonsexe.—Jet’aime,c’esttout,machérie.Jet’aime.Etcesontcesmotsquimefontjouir,quimeplongentdansunorgasmesipuissantqu’ilressemble
unpeuàlamort.J’ailesoreillesquibourdonnent,jenevoisplusrien.J’ail’impressiond’avoirenmoiuneétoilequibrilledeplusenplusfortjusqu’àcequejetombeensoncentre,oùtoutestnoir.Ethanjouitencriantmonprénom.Je le rejoinsdansunorgasmequidureuneéternitépournousdeux,etquinous liecommerien
d’autrejusque-là.Lorsque c’est fini, qu’il a déversé enmoi tant de plaisir qu’il peut à peine lever sa tête qu’il a
appuyéeentremesomoplates,lavéritém’apparaît.Ethan m’a détruite comme il s’est détruit lui-même. Et par là même, il m’a comblée. Remplie
d’amour, de lui-même, de tout ce dont j’avais besoin sans le savoir. Et pour cela, je l’aimeraitoujours.
Chapitre18
Monalarmesonneà6h30,àpeineuneheureaprèsqu’Ethanetmoi sommes finalemententrésd’unpaschancelantdans lamaisonpournouscoucher.Avecungrognement, je tends lamainversmonréveilpourl’éteindre,enmedisantquejenedoispaslelanceràtraverslapièce…aprèstout,cen’estpassafautesijesuisunevéritableidiote.Il en réchappe de peu, pourtant.Ça aurait pumal finir,mais Ethanme le prend desmains et le
déposeparterredoucementavantdem’attirerverslui,toutcontresontorse.—Ilfautqu’onselève…,dis-je.L’idéed’ouvrirlesyeuxsuffitàmedonnerlanausée.Jesuisépuisée,etcourbaturéeàcausedema
fuiteéperduesurlaplage,lanuitdernière.Fuitequimesemblestupidequandonsaitcommentelleafini,paruneunionsitotaleentreEthanetmoique,pendantunmoment,jen’étaisplusconscientedeslimitesdenosdeuxcorps.—J’aiuneréunion.Ettoi,tudoissansdouteacheterunpetitpays.—Deux petits pays, pour être exact, répond-il en déposant des baisers doux et chauds surmon
épaule.Mais, hélas, Frost Industries est fermé à cause des incendies, et je ne peux donc pas faired’acquisitionaujourd’hui.—Fermé?Jetrouvelaforced’ouvrirlesyeuxetdeleverlatêteverslui.—Tutefousdemoi?Tudisçapourmepunirdecequis’estpasséhiersoir?Ilmelècheledos,prenanttoutsontemps.—Jecroyaism’êtredéjàvengédetonéchappéed’hier.Tutesouviens,surleporche,quandjet’ai
rendueunpeufolle?Maissi tuveuxque j’essaiedenouveau…jesuissûrque jepeuxme laisserconvaincre.Ilmefaitrouler,àplatventre,ets’allongesurmoi,toutenmuscles.Je me cambre un peu, frottant mes fesses nues sur son sexe déjà durci par le désir. Avec un
grognementsourd,ilpasseunbrassousmonventrepourmesouleverleshanches.Puisilseglissecontremoi,etenmoi,enmouvementslentsetdésinvoltesquimecoupentlesouffle.—Chloe,tuvasmetuer…,murmure-t-ildansmonoreilletoutenmecaressantleclitoavecson
pouce.—Moi?Jenedemandaisrienàpersonnequandsoudain…Jemetais,haletante,quandsaqueueeffleuremonpointG.—Tuaimesça,hein?demande-t-ilenroulantdeshanchesafindeletitillerdenouveau.—Difficile…difficiledenepasaimer…Je me tortille un peu pour dégager mon bras de sous ma poitrine. Ethan ne peut réprimer un
gémissement.—Oh,merde,machérie.Refaisça…Jem’exécute,remuantlebassintoutencontractantlesmusclespourleserrerdavantage.—Merde,répète-t-il,d’unevoixassombrieparledésir.Sonexcitationaugmentelamienne,etiln’enfautpaspluspourpasserdelanonchalanced’uncâlin
matinal à la frénésie.Envahie par une chaleur torride, je plante les ongles dans ses fesses pour leserrerplusfortcontremoi.
Ilgrogneensentantladouleur,puisaccentuesesmouvementssifortquelatêtedulitcognecontrelemur.C’estrapide, intenseetpuissant.Trèspuissant.C’est lapremièrefoisquenouslefaisonscomme
ça,avecEthansurmoi,merecouvrantentièrementdesoncorpsmusclé.Jenesaispascommentçasefait,àpartqu’ilatoujoursprissoindenepasmemettredansunepositiondanslaquellejemesentecoincée,subjuguée.Impuissante.Maiscen’estpasainsiquejemesens.Certes,jesuisemprisonnéesouslui.C’estluiquidonnele
rythme.Pourtant,jamaisjen’aieuuntelsentimentdepouvoir.CarEthanmemurmuredespetitsmots coquins. Il poussedesgrondementsdeplaisir. Ilme fait
l’amourcommesirienn’étaitplusimportantquemoiàsesyeux.—Merde,Chloe,chérie.Jen’enpeuxplus.Je…Je tourne la tête, attrape Ethan par les cheveux et l’attire contre ma bouche. C’est un baiser
décadent, dépravé, entre jurons marmonnés, coups de langues et de dents. Et nous continuonslongtemps,tandisqu’Ethanpoursuitsesmouvementsbrutauxenmoi.— Je t’aime, dit-il en écartant la bouche de lamienne.Chloe, je t’aime. Je t’aime, je t’aime, je
t’aime.Àsontour,ilplongelesdoigtsdansmescheveux,etmetirelatêteenarrière.Ilposelabouchesur
moncou,magorge,etl’extasemonteenmoi.—Ethan!Jecriealorsquemoncorpsbasculedansl’orgasme.Ilmerejointdanslavolupté,sanscesserde
me tenir, dem’aimer, alors que nous éclatons enmilliers demorceaux qui s’ajustent parfaitemententreeux.Quelquesheuresplus tard, jemeréveilleensentant lamaind’Ethansurmonépaule.Sonvisage
inquietn’estqu’àquelquescentimètresdumien.—Qu’est-cequinevapas?dis-jeententantdereprendremesesprits.—Ilfautquetut’habilles.Ondoitpartir.—Partir?Jesuisencoregroggy,déphasée,aprèsmacoursefolledanslanuitetnosgalipettesintensesdece
matin.—Lesfeuxontempiré.OnvapasserquelquesjoursàNapa.—ÀNapa?Maisonnepeutpass’enallercommeça.—Écoute,onnepeutpasresterici.Ilyaquinzefoyersd’incendieautourdelaville,laqualitéde
l’airestdégueulasse,et toutest fermé.Ilvafalloirdes joursetdes jourspourque toutrentredansl’ordre.—Oh,monDieu!Toutescespersonnes…—Jesais,répondit-ild’unairsombre.FrostIndustriesamisdesbusàladispositiondeshabitants
des quartiers les plus pauvres. Les lignes régulières sont prises d’assaut et les gens n’ont pas devoiture.—Vouslesemmenezoù?—OntravailleaveclavillepourouvrirdesrefugesàTemeculaetLakeElsinore.Leventsouffle
verslesud,et lamétéoneprévoitpasdechangement.Ducoup,onestendangerici,maislesgenssontensécuritéplusaunord.—Tuesmerveilleux,dis-jeenl’embrassantavecferveur.J’espèrequetuenesconscient.—Cen’estrien.Toutlemondeleferait,àconditiond’avoirlesmoyens.
—Non,réponds-jeenleregardantdanslesyeux.C’estcequiterendunique.C’estceque j’auraisdûexpliqueràMiles lorsqu’il estvenucracher sonveninsurEthan,etque
j’auraisdûmerappelerquandj’aicommencéàdouter.Ethanest leplusmoraldetousleshommesquejeconnais,etc’estunecertitude.Ilaidelesgensparcequ’ilenalacapacité,c’esttout.Unhommecommecelui-lànefaitpasdecadeauàlaracaille,quandbienmêmeceseraitsafamille.Unhommecommecelui-lànemetrahiraitjamais.—J’ailetempsdeprendreunedouche?Jemedirigeverslacabine,consciented’êtresaleetcollante.—Situtedépêches.Cinqminutes,pasplus.Michaelnousattenddéjàdehors.—Michael.Tunelelaissespasici,n’est-cepas?—Non,Chloe.C’estluiquipilotel’hélicoptèrequinousemmène.Etj’aiaffrétéunavionversLas
Vegaspour tous les employésdeFrost Industries qui souhaitent s’y rendre avec leur famille.Celavousconvient-il,VotreAltesse?—Parfait.Mieuxqueça,même.— Maintenant, presse-toi. Il ne te reste que quatre minutes pour te doucher, décrète-t-il en
m’assenantunepetitetapesurlesfesses.Je prends six minutes, mais Ethan ne se plaint pas. Puis nous courons à toutes jambes vers
l’héliport.J’ailescheveuxquidégoulinentetjesuisencoreentraindefourrerdansmonsacàdosdesvêtementsprisauhasardtandisqu’ilmepousseverslaportedujardin.Maisàl’instantoùnousmettonslepieddehors,jecomprendssoninquiétude.Lecielestpresque
noir de fumée, et tellement chargé de poussières que j’ai du mal à respirer. Notre course versl’héliportnouslaissegrisdecendres.Nousenavonssurlescheveux,lapeau,leshabits.—Seigneur,c’est l’enfer!dis-jeenleregardant,effarée.Pourquoinem’as-tupasréveilléeplus
tôt?—J’aiattenduquetoutsoitorganisé.Çan’auraitserviàrienquetusoisdebout,saufàtelaisser
davantagedetempspourt’inquiéter.—Sansvouloirtecontredire,j’auraiseuraisondem’enfaire…L’hélicoptèrenousattend,sespalesdéjàenmouvement.—Onvas’ensortir,merassure-t-ilavecunbaisersurlatempe.Maintenant,dépêche-toi.Michael
vaavoirdumalàpilotersilafuméeépaissitencore.Iln’enfautpaspluspourquejemeremetteàcourir,detoutelavitessedemesjambes,malgrémes
courbaturesetmadifficultéàrespirer.Quelques minutes plus tard, nous sommes dans les airs. Michael monte à la verticale pour
s’extrairedugrosdelafuméeetretrouverunpeudevisibilité.—PourquoiavoirchoisiNapa?dis-jeunefoisquenoussommesunpeudégagés.—J’aiunvignoblelà-bas,etjemedisaisquetuseraiscontentedelevoir.—Unvignoble?Unvignoblerienqu’àtoi?Jenesaispaspourquoiçamesurprendautant.Aprèstout,Ethanadenombreusespropriétés.Mais
quandmême…unvignoble?Çameparaîtdécadentetcharmanttoutàlafois.Avecunrire,Ethanm’attireverslui.—J’enaiplusieurs,envérité.MaisunseulàNapa.—Plusieurs…Oùsontlesautres?—EnItalie.EnFrance.AuMexique.—Bahoui.Quoideplusnormalquedeposséderdesvignoblespartoutdanslemonde?—Eneffet,pourquois’enpriver?répond-ilavecunrire.
Jeluilanceunregardsévère.—Tun’attendspasderéponseàcettequestion,j’imagine?—Paslemoinsdumonde.Maisc’estcelui-ciquejepréfère,celadit.Çam’intrigue.Toutest tellement intenseentreEthanetmoidepuis ledébutque j’oublie souvent
quej’ignoreencorebeaucoupdechosessurlui.Etquej’aimeraisensavoirplus.—Pourquoi?Qu’est-cequ’ilademieuxquelesautres?—Ilproduitmonpinotnoirfavori.Etc’estlepremierdomaineviticolequej’aiacheté.—Ah,onn’oubliejamaislespremièresfois…Ilmeregarded’unairsombreetsensuel,etjenepeuxréprimerunhalètement.—Pour…Mavoixs’étrangleetjetoussoteavantderéessayer.Maisc’estdifficile,avecEthanquimecouve
desyeuxcommes’ilallaitmedévorer,là,dansl’hélico.—Pourquoitumeregardescommeça?reprends-je.Ilmecaresseleslèvresavecsonpouce.—Çameplaît,quetuaieseutapremièrefoisavecmoi.Lecontrairenem’auraitpasdérangé.Ça
n’aurait pas diminué mes sentiments pour toi. Pourtant, je suis heureux de savoir que je suis lepremier…Etjecomptebienêtreaussiledernier.Monestomacfaitunnœud.—D’unpointdevuetechnique,tun’espasle…Ilm’arrêted’unregard.—Jesuislepremierpourdevrai.Brandonn’estqu’unanimal,etiln’arienreçudetoi!Cequ’ila
pris…Ilsecouelatêteensilenceavantdepoursuivre.—Ce qu’il a pris n’a rien à voir avec ce que nous partageons, ce que nous sommes l’un pour
l’autre.Sesparolessontsiintensesetsidoucesquej’enaileslarmesauxyeux.—Jet’aime,dis-jequandjesuisdenouveaucapabledeparler.—Jet’aimeencoreplus.
Chapitre19
—C’estunvignoble.Pourdevrai.—Jetel’avaisbiendit.Nousvenonsd’atterrirchezEthanàNapaetjemetiensderrièrelamaisonprincipale,ausommet
d’uneénormecollinequidominedeshectaresetdeshectaresdevignes.—Oui,maisjepensaisquetun’avaisquequelquespieds…Avecunhaussementd’épaules,illèvelesmainscommepoursedéprécier.—J’aiunpeuplusquequelquespieds.—Jevois.Tuasaussidescamions,desvigneronsetunesallededégustation.Ettoutl’équipement
quivaavec.Tuasundomaineviticole,quoi.—Jenet’aipasmenti.—Non.Mais…—Maisquoi?—Maisc’estunvignoble!Ilsouritd’uneoreilleàl’autre,commes’iln’avaitjamaisrienvudeplusfouquemoi.—Tul’asdéjàdit.—Jesais,maisc’est…— … un vignoble. Oui. C’est vrai. Et même si cette conversation est très profonde, je me
demandaissionpouvaitpasseràautrechose…—Jenesaispas.Peut-être.Qu’est-cequ’ilyad’autreàfaire,danslecoin?—Jepourrais te fairevisiter, temontrer« l’équipementquivaavec»,commetu ledécrivaissi
justement.Oubienonpourraitallerenville,pourdéjeuner.Fairequelquescourses.—Comment ?dis-jed’unair faussementoffusqué.Tun’aspasde cuisinier ?Nidedomestique
pourfairetescourses?Jesuistrèsdéçue.Moiquicroyaisquetumenaislaviedechâteau…—Enfait,si,j’aiuneemployéequis’encharge,maisj’avaispeurquetunetefichesdemoisijela
mettaisàcontribution.Jemedemandebienpourquoij’avaiscettecrainte…—Aucuneidée.Jemedressesurlapointedespiedspourluidonnerunbaisersonore.—Mais j’aifaim,reprends-je,alors jesuisd’accordpoursortirmanger.Laisse-moiuneminute
pourmebrosserlescheveuxetremettreunpeudegloss,etjesuisprête.—Tuveuxquejetemontrelachambre?Jepeuxtefairevisiterlamaison.—J’adoreraisça.Maisj’ail’estomacquigargouille,etvued’ici,tabaraqueressembleàVersailles
enuntoutpetitpeumoinsgrand,alorspeut-êtrequ’onvisiteraaprès.Maissituveuxm’indiquerlasalledebainslaplusproche,jenedispasnon.—Tonméprispourmarichesseestvraimentimpressionnant,sijepuismepermettre.—Presqueaussiimpressionnantquetafortuneelle-même,hein?dis-jeenlevantlesyeuxauciel.—Ahnon,plus.Bienplus.Ethanrit,sesyeuxbleusbrillantsautantquelesoleilbasau-dessusdenostêtes.C’estexactementce
quejevoulaisobtenirparmesplaisanteries,aprèslecoupquejeluiaifaithiersoir.Jesaisquej’étaisdansmonbondroit–et,pourtoutdire,jen’aitoujourspasdigérécetteaffaire–,maisjem’enveuxdel’avoirblessé.Jeculpabilisequemesfaillesm’aientpousséeàluifairedumalalorsqu’iln’aagi
queparamour.Enprenantsoindemoidumieuxqu’ilpouvait.Jenesaispasencorecommentjevaissupporterlefaitquemonvioleurnesoitqu’àuncheveude
devenirmembreduCongrèsdesÉtats-Unis.Ni,s’ilgagne,l’idéequel’hommequej’aimel’aitaidéàremporterl’élection.Bien sûr,Ethandit que çanevapas se produire.Qu’ilmet tout enœuvrepourqueBrandonne
puisseplusjamaisabuserdesonpouvoir.Maisilm’aaussiavouéavoirdéployébeaucoupdemoyenspour son petit frère avant de découvrir la vérité. Il lui a donné beaucoup d’argent sur sa fortunepersonnelle,quiéchappeauxloissurlefinancementdecampagne.Ilaorganiséunedizainedegalasdecollectedefonds,ilyadeuxans,lorsqueBrandonestsortidelafac.C’estainsiqu’ilagagnéunsiègeausénatduMassachusetts.Doncmême s’il lui retire désormais son soutien, lemal est fait.Ou le bien, dupoint devuede
Brandon.Peut-êtrequeceseraitplusmalindem’éloigner.Enfait,iln’yapasde«peut-être».Ceseraitplus
malin,point.Maispasplusfacile.Etpasmieux.Carj’aimeEthan.J’aibesoindeluijusquepourrespirer.Ilmeconduitàtraverslamaisonjusqu’àlasalledebainslaplusproche.Jesuisimpatientedeme
rafraîchiretdesortirmanger,maisjenepeuxm’empêcherd’êtreéblouieparlespartiesdelamaisonquej’entrevois.JepensaisqueriennepouvaitégalerlaperfectiondesademeureàLaJolla,toutenplafondshautsetenbaiesvitrées,dontlaplupartdonnentsurl’océan.Mais,àsamanière,cetendroitestaussibeau.AlorsquelavilladeLaJollaestmoderneetaérienne,celle-ciestpluschaudeetplusornée.Avec
sesmeubles anciens, son ameublement sophistiqué, et la présence chaleureuse du bois de cerisierdans toutes les pièces, elle pourrait être un peu étouffante.Mais elle a été décorée avec génie parquelqu’unquisavaityfaire.Chaquepièceestàlafoisaccueillanteetélégante,alorsqu’ellepourraitêtrefroideetchargée.Je suis impatiented’explorer–etpeut-êtrede tenterdebattre le recorddunombredepiècesoù
nousavons fait l’amouràLaJolla–,mais,pour l’instant, riennem’intéresseplusquedemanger.Même pas des galipettes avecEthan. Je n’aurais jamais cru dire ça un jour.Mais hier, j’étais tropbouleverséepourdéjeuneroudîner,etaujourd’hui,aprèslestrente-cinqkilomètresdecourseàpied,lajournéeadémarréparunvoyageenhélicoptère.J’aibienledroitd’êtreaffamée.Unrapidecoupd’œildanslemiroirm’apprendquemadouchedesixminutesnem’apasrendu
service.Mescheveuxontséchéenfrisottisquimedonnentunpeul’aird’unefolle–bon,d’accord,plusqu’unpeu–etmoncoucher très tardifquenecorrigeaucunmaquillagem’alaissédescernestellementfoncésqu’ondiraitdescocards.C’esttoutàl’honneurd’Ethandem’avoirproposéd’allerdéjeunerenvilleaveccettetête.Jecrois
quejerisqueraisd’effrayerlesenfants.Après avoir farfouillé dans mon sac, je trouve une pince à cheveux et une petite trousse de
maquillage.Jen’enattendaispastant,pourêtrehonnête.Jem’attachelescheveuxenchignonavantdetenterdelimiterlesdégâtsavecdelaBBcrème,duglossetdumascara.Je ne vais certes pas remporter un concours de beauté, mais au moins peut-être que les petits
enfantsnehurlerontpastropfortenmevoyant.Nousfaisonslarouteverslavilleensilence.C’estlapremièrefoisquejeviensàNapa,etjesuis
submergée par la beauté des paysages. À perte de vue, les vignobles s’étalent sur les collinesmoutonnantes, les fleurs s’épanouissent au soleil… Et même si ce qui se passe à San Diego est
affreux,jenepeuxm’empêcherdemeréjouirdecesquelquesjoursentêteàtêteavecEthandanscetendroitsuperbe.Rienquenousdeux,àessayerderecréernosliensaprèstouteslesmerdesquinoussonttombéesdessuscesdernièressemaines.Ilm’emmènedansunadorablebistroauxmursdepierreetauventsrayés,avecunecarteétonnante,
qu’Ethansemblebienconnaître.Ilmeproposedecommanderpourmoiets’entiretrèsbien,quandonsaitqu’onn’estsortisensemblequequelquesfois.Nouscommençonsparunesoupepaysannefrançaise,suivied’unedélicieusesaladedebetteraves
etdumeilleurcoqauvinquej’aiejamaismangé.C’estcopieux,maisj’aisuffisammentfaimpouryfaire justice,malgré lesdifférentsvinsqu’Ethan tient àme fairegoûterpouraccompagnerchaqueplat. Ma limite, c’est le dessert, et Ethan demande qu’on nous emballe deux portions que nousmangeronsplustard.Nous nous promenons pendant deux heures dans le Historic Napa Mill, un centre commercial
remplidecharmantespetitesboutiquesetd’épiceriesfines.C’estunbonheurdemebaladermaindanslamainavecEthan,quiconnaîtlarégionbienmieuxquejel’auraisimaginé.Ilmerégaled’anecdotessurlaNapaValleyetnotreseulmomentdediscordeestceluioùilveutm’acheteruneécharpedesoiequiaattirémonregard.Peinte à lamainparune artiste locale, elle est absolumentmagnifique– très impressionniste, et
mêmelescouleursmerappellentL’AlléeauxrosesdeMonet.Ellemeplaîtbeaucoup,maisjen’aipasenviedelaisserEthandépenserprèsde2000dollars.Pasaprèstoutcequ’ilm’adéjàoffert.Surtoutquelaboutiqueenfacevenddel’huiledebainàlalavandequiferaunaussijolisouvenirpourcentfoismoinscher.Alorsquenousretournonsàlavoiture,jemerendscomptequ’Ethanestunpeucontrariéparmon
refus–etçamerendanxieuse.Pasaupointdechangerd’avis,maissuffisammentpourvouloirluiexpliquermesraisons.—Jen’essayaispasdet’embêter,dis-jealorsqu’ilsortdesonstationnement.—Mêmesansessayer,tuyestrèsbienarrivée,rétorque-t-ild’untonacerbe.Maislorsquejemetourneverslui,jem’aperçoisqu’ilalescommissuresdeslèvresquitremblent
–commetoujourslorsqu’ilréprimeunsourire.—Écoute,jesaisquetuasdel’argent.Etmêmebeaucoup,etqu’achetercetteécharpen’aaucune
importancepourtoi…—Biensûrquesi!réplique-t-il,surpris.Toutcequejet’achèteauneimportance.Jemesensfondre.Cen’estpasvraimentlemoment,maisjenepeuxm’enempêcher.Letempsque
jecontrôlemesémotions,ilestentraindesegarersurleparkingd’unmarché.—Tum’autorisesàpayerlanourriture?demande-t-ilaprèsavoirfaitletourdelavoiturepour
m’ouvrirlaportière.Outupréfèresqu’onpartage?Jenevoudraispastevexer.—Tuplaisantes?dis-jeencroisantlesbraspourlefusillerduregard.Illèvelesmainsensigned’apaisement.—Eh,jedemande,c’esttout.Jeveuxjusteêtresûrd’avoirbiencomprislesrègles.—Jenesaispas.Situdoisfaireleconnardcommeça,jecroisquejevaispayermabouffemoi-
même,merci.—C’estmoileconnard,là?Ilclaquelaportièreets’yadossecommes’iln’avaitpasl’intentiondebougeravantqu’onaitréglé
le problème. Ce quime convient àmerveille, puisque ce conflit s’étire depuismaintenant un bonmoment.—Chaquefoisquejeveuxt’offrirquelquechose,c’estuncombat.Tunet’esjamaisdemandéce
quejepouvaisressentir?—Tuesinjuste!— Non, c’est ton attitude qui est injuste. Vraiment. Alors on ferait mieux d’aller au fond du
problème une bonne fois pour toutes, et ensuite on pourra continuer à passer des bonsmoments.Pourquoiest-cequeçategênetellementquejetefassedescadeaux?—Premièrement,j’aiditquetuétaisinjusteparcequejenerefusepastoustescadeaux.Ilmeregarded’unairdubitatif,maisj’insiste.—C’estvrai.J’aimeleschosesquetum’envoies,lescoquillages,lessachetsdethé,leslivres,les
peignes.J’aimêmegardéletailleursansprotester,alorsqueçamedérangeaitunpeu.Maisj’enavaisbesoinetjesaisquec’étaitpourt’excuserdecequis’étaitpassésurlaplage.—Soyonsclairs,jeneregretteriendecequis’estpassésurlaplagecettenuit-là,etjen’aiaucune
raisondem’excuser.—Tusaistrèsbiencequejeveuxdire.Lapluieafichumontailleurenl’air,etçaneseseraitpas
produitsitun’avaispas…—Sijen’avaispas…Ah,oui.Sijenet’avaispasarrachétesvêtementspourtebaisercontreun
mur?Je lève les yeux au ciel en feignant de ne pasme rendre compte que je suis rouge comme une
pivoine.—Voilà,exactement.C’estàçaquejefaisaisallusion.—Donc,tuasacceptéletailleurparcequej’étaisaumoinsaussiresponsablequetoidecequiétait
arrivéàceluiquetuavaisavant.— Euh, non. Tu étais bien plus responsable que moi. Tu as arraché tous les boutons de mon
chemisier.EttuascassélafermetureÉclairdupantalon.—J’étaispressé…,sesouvient-il,souriant.—Ouais,j’avaiscruremarquer.—Donc,tuasacceptéletailleur.Maisleblender,l’écharpe,lachaînedetaille…ça,tunedigères
pas.—Non,eneffet.Certes,j’adorelachaîne,etsituvoulaislareprendre,tudevraismepassersurle
corps.Maissijem’étaisdoutéeuneseulesecondedesonprixquandtumel’asdonnée,jenel’auraisjamaisacceptée.—Maispourquoi?!Pourlapremièrefoisdepuisledébutdecetteconversation,ilsemblevraimentagacé.—Cettechaîne,c’estplusqu’unbijou,reprend-il,etnouslesavonstouslesdeux.Alorspourquoi
est-cequeturefuseraislesymboledenotreengagement?Unobjetquiaideàt’ancrerettepermetdetesentirplussûredetoietdenotrerelation?—Àt’entendre,oncroiraitqu’ils’agitd’uncollierdechien!—Maisc’estexactementcedontils’agitetnouslesavonstouslesdeux.Etjen’appréciepasquetu
sous-entendeslecontraire.Tuveuxdiscuter, trèsbien.Maisjen’aipasenviedet’entendreraconterdesconneries.Ethannem’ajamaisparlécommeçaetjesenslacolèremonter.Maisunregardàsesyeuxbleus
têtusmemontrequec’estexactementcequ’ilcherche.Ilessaiedem’énerver.Demeforceràréagiralorsquejedéploiedegrandseffortspourrestercalme.Maisj’aibeaulesavoir,çamarchequandmême.—Demoncôté,jen’appréciepascettedémonstrationdemachisme.Tudevraispeut-êtresongerà
changerd’attitude,dis-jed’untoncinglant.
—Situn’appréciespas,dis-moicequisepassevraiment.Nemeracontepasdesalades,commequoituadorerais lesboutsdeverrepoli,maisnepourraisaccepteraucuncadeauquicoûteplusde20dollars.—Cenesontpasdessalades!Cettefois,jesuisencolèrepourdebon.—Ben,si.Etjecommenceàenavoirraslebol.Alorsdis-moilavérité,maintenant.Qu’est-ceque
tureprochesàmonargent?—Riendutout!Jesaisquetuastravaillédurpourobtenirtoutcequetuas.Tuméritestafortune.—Trèsbien…,réplique-t-il,sceptique.Sicen’estpasmarichessequitedérange,alorsqu’est-ce
quetuascontremoi?—Tuessérieux?Là,tudeviensfranchementbête.—Vraiment?Jenecroispas.Parcequec’estforcémentl’unoul’autre.Soittun’aimespasmon
argent,soittunem’aimespas,moi.Aucuneautreexplicationnetientlaroute.—Jesuisfolleamoureusedetoi,Ethan.Tulesais.—Danscecas,jenecomprendspas.Sicen’estnil’argentnimoi,alorsqu’est-cequitegêne?—Tafamilleaachetémonsilencepour3millionsdedollars.C’estsortitoutseul.Maisjenedislàquelavérité,etsionveutqueçamarcheentrenous,autant
qu’Ethansacheàquoiilaaffaire.Contrequoiildoitsebattre.—Ilsm’ontjetéleurargentpourdédouanerBrandon,etçaamarché,commeilss’yattendaient.Je
l’aiaccepté,pasvrai?—Tesparentsl’ontaccepté,Chloe…— Certes, mais ce ne sont pas eux qui ont dû aller au commissariat pour revenir sur leur
déposition.C’estmoiquiaidûfaireça.C’estmoiquiaidûaller là-bas touteseuleet raconterquej’avaistoutinventé.Quiaiétémenacéedepoursuitespourfaussedéclaration,pendantquetonfrèrerepartait, librecommel’air.C’estmoiquiaisignéunaccorddenon-divulgation,promettantqu’enéchangedelasommejen’évoqueraisjamaisleviolencitantBrandon.Etjem’ysuistenue,jusqu’aumomentoùils’estpointécheztoi,ilyatroissemaines.Maistusavaisdéjà,doncjesupposequ’onnepeutpasleretenircontremoi.Bouleversé,Ethantendlebrasversmoi.—Chérie,jesuisdésolé.Jen’yavaisjamaispensécommeça,jet’assure.Sij’avaisréfléchi…—Tun’asrienàtereprocher.Pourtant,jerepoussesamaind’unhaussementd’épaules.Jenesupportepasl’idéequ’ilmetouche
alorsquejeluiracontemachute.Madéchéance.—Cen’estpastoiquilesasregardéstendreàmonpèreunchèquede3millionsdedollars.Nitoi
qui es rentré chez toi pour t’immerger dans un bain chaud en essayant de trouver le courage det’ouvrirlesveines.—Bordeldemerde,Chloe…Iltenddenouveaulesbrasversmoietjelerepoussedelamêmefaçon.—Tunepeuxpasmeraconterçaetm’empêcherdeteserrercontremoi.—Jevaisbien.—Jesais.Maispasmoi.Moi,jenevaispasbien,machérie.Ilsemblesurlepointd’essayerencoredem’attraper,demetoucher,maispourfinirillèvelamain
verssanuqueetlamasse.Jenesaispassiçamesoulageousiçamedéchire.Enfait,jemedisqueçan’apasd’importance.Jeveuxjusteterminerdevidermonsac.Qu’onn’en
parleplus.
—Jen’aijamaiseulaforcedelefaire.Chaquejour,j’allaisaulycée,etj’entendaistonfrèreetsescopainsmetraiterdesalopeetdepute.Je lesrepoussaisdans l’escalierquandilsmepelotaient lesseinsouessayaientdememettrelamainsouslajupe.Quandilsmejetaientàgenouxenmedisantquej’enmouraisd’envie.Quandilsouvraientleurbraguetteetessayaientde…Mavoixsebriseetjem’aperçoisquejesuisentraindepleurer.Unefoisdeplus.Merde.Pourquoi
y en a-t-il toujours plus ? Plus de souffrance. Plus de larmes. Plus de merde, de névroses aveclesquellesjedoismedébattre,simplementparcequej’étaisbêtequandj’avaisquinzeans,etquej’aifaitdeserreursstupides.Aprèsêtretombéeamoureused’Ethan,j’aicruquec’étaitfini.Quej’avaisdépassétoutça,queje
m’étaisremise.Etmaintenant,jesuisplantéeaumilieud’unparkingàlacondanslaNapaValley,ettoutecettehistoiresedresseentrenous.Commetoujours.Etjecrainsquecelanecessejamais.Jecontemplelesol,parcequejeseraisincapablederaconterlasuiteenregardantEthan.Aprèstout
cequejeluiaidéjàrévélé…Alorsquejenesaistoujourspascequimefaitleplushonte.D’avoireuenviedemetueroudenepasavoireulecouragedelefaire.—Chaquejourpendantunan,j’aiessayé.Enrentrantàlamaison,jemerendaisdirectementàla
salle de bains et sortais le rasoir que j’avais acheté exprès. Et j’essayais. J’essayais sans relâche,jusqu’à avoir les bras couverts d’égratignures.Des coupures d’hésitation, c’est comme ça que lespsys les appellent.C’était toutmoi, constamment en train d’hésiter. Jamais capable deme décider,malgrétousmesefforts.Avec colère, j’essuie les dernières larmes qui m’ont échappé, et attends qu’Ethan dise quelque
chose,n’importequoi.Iln’aplusditunmotdepuislejuronétoufféqu’ilamurmuréaudébutdemonrécit.Jenesaispascequesignifiecesilence,maisjesupposequ’iln’augureriendebon.
Chapitre20
J’ignorecombiendetempsnousrestonsplantéslà.AssezlongtempspourquelespropriétairesduSUVgaréàcôtédenousdéchargentleurchariotets’enaillent.Assezlongtempspourquelapetitefilleassisesurlebancdevantlemagasinfinissesaglace.Plusdetempsquenécessairepourquetouscesmorceaux,quimesemblaienthiersibiencollésensemble,soientdenouveaumélangés.Nousattendons.J’imagine qu’Ethan va parler. Qu’il va me dire qu’il comprend, que ce n’est pas grave. Ou
l’inverse,qu’ilnesaisitpas,etquenousavonsfaituneénormeerreur.Aupointoùj’ensuis,jenesaispluscequiseraitlepire.Toutcequejevois,c’estquejenevaispassupporterdecontinueràattendrebienlongtemps.Jevaisdevenirfolle.Ilrefusedemeregarder.Depuisquejeluiaiparlédemondésirdemourir,iln’apasposélesyeux
surmoi.Jefinisparnepluspouvoirendurercesilenceunesecondedeplus.—Ethan.Illèvelesyeuxversmoi.Ilssontflous,troubles…Jedoisêtredenouveauentraindepleurer.Mais
quandjemepasseunemainsurlajoue,elleestsèche.C’estalorsquejecomprends.Cen’estpasmoiquipleure,c’estEthan.—Oh,monchéri,jet’enprie.Nefaispasça…Cette fois, c’estmoi qui tends le bras et lui qui recule.Çame faitmal. Pas seulement qu’ilme
repousse,maisquejel’aieblessé.Quejel’aierejeté.—Si tu l’acceptais, je tedonnerais toutmonargent, jusqu’auderniercent.Celuiquej’aidéjà,et
celuiquejevaisgagner.—C’estçaquetupensesquejeveux?Tonargent?Àcroirequ’iln’apasentenduunmotdecequej’aidit.—Pasdutout.Maisc’estcequetumérites.Ilposeunegrandemaincalleusesurmoncouetm’attiredoucementverslui.—Peuimportequecespetitssalopardst’aienttraitéedepute.Tun’enespasune.Etpeuimporte
quetutesoisaccuséed’êtrefaible.Tun’enrestespasmoinslafemmelaplusfortequej’aiejamaisrencontrée.—Arrête.Nememetspassurunpiédestal…—J’aimerais bien. J’aimerais bien temettre sur un piédestal. J’aimerais pouvoir temettre sous
cloche,pourteprotégerdetoutecettemerdequin’auraitjamaisdûtetomberdessus.J’aimeraisavoirsudequoiBrandonétaitcapableilyalongtemps,j’aimeraisavoirputefaireéchapperàsesgriffescettenuit-là,ettouteslesautres,quandtuasdûsubirtoutça.Etjeveuxquetusachesquelorsquejet’achèteuncadeau,cen’estpasparcequejepensequetut’yattends.Niparcequejecroisquec’estlemoyendeterendreheureuse.Cen’estpasçadutout,Chloe,explique-t-ilenappuyantsonfrontsurlemien.C’estjustequejet’aime,etquejevoudraistedonnerlalune.Jel’écoute,lagorgeserrée,meretenantàgrand-peinedem’effondrerunefoisdeplus.Maisila
l’airvraimentsecoué,etjemedisquedansuncouple,onnepeutpasêtredeuxàcraquerenmêmetemps.Pourlemoment,c’estdoncletourd’Ethan.Jedéglutiscalmementetattendsqueçapasse.Cen’estquelorsquejesuiscertained’avoirretrouvé
unevoixnormalequejereprendslaparole.—Tu le sais, n’est-ce pas, que je ressens lamême chose pour toi ? Je pense que tumérites le
meilleur et çam’embête que tu sois coincé avecmoi. Je suis névrosée, démolie, et tellement loind’êtrenormalequejenesaismêmepluscequ’estlanormalité.—Coincéavectoi?Bordel,Chloe,pasdutout.J’aidelachancedet’avoir!—Oh,Ethan,monamour,tusaisbienquec’estl’inverse.—Non.Non,certainementpas.Il frôlemes lèvres avec les siennes, et ce baiser, le premier depuis unmoment, est commeune
tapisserie.Unmillierd’histoiresetd’erreurs,unmillierdefilsdelumière,tousnouésensemblepourformerquelquechosedebeau.Deréel.—Jet’aime,murmure-t-ilcontremabouche.Jeris,etsicelaressembleunpeuàunsanglot,iln’yapersonned’autrepours’enapercevoir.—Jemedemandepourquoi.Jesuisfolle.—Oui,maistafoliemeplaît,alors…Ils’écarteetrouvrelaportière.—Jecroyaisqu’onallaitfairedescourses?—Laissonstomber.Jeteramèneàlamaison.—Pourquoi?J’aibienmangécemidi,maisonfiniraforcémentparavoirfaim.—Jesais,maisc’estleboncôtéd’êtreriche.Parcequej’aivraimentquelqu’undontleboulotest
deremplirlesplacards.—Puisqu’onestlà…Çaneprendraquequelquesminutes.—Tuessûre?Cettefois,ilavraimentl’airdepenserquejesuisfolle.—S’il te plaît…J’ai juste enviede faireun trucnormal, pourune fois.Comme tous les autres
couplesaméricains.Commejem’yattendais,ilnetrouverienàrépondre.Quelques minutes plus tard, nous poussons un chariot dans les allées du supermarché, et
choisissons tout ce qui nous fait envie. De la glace cerise-choco. Du brie. Des œufs bio. De labaguette.Despetitspainsàlacannelle.Delasaladedepâtes.Çanenousprendqu’unedemi-heure,ettoutsepassebien.Dumoinsjusqu’àcequenousarrivionsàlacaisseetquejemeretrouvedevantunprésentoirdemagazinespeople.Jesuisencoredansmespenséesaprèsnotreconversationsur leparking,et ilmefautbiendeux
minutes avant de lire les titres criards qui s’étalent sousmes yeux.Mais à cemoment-là, je doism’agripperàEthanpournepas tomberalorsque le sol semblesechangerensablemouvant sousmespieds.—Qu’est-cequisepasse?demande-t-ilenpassantunbrasautourdemataillepourmesoutenir.Incapabledeproférerunson,jeluimontredudoigtlescouvertures.«Lanouvelleconquêted’EthanFrost:portraitd’unechercheused’or»,titrel’undesjournaux.Unautretenteuneapprocheplusspirituelle:«EthanFrost,leplayboymillionnaire.Illaprendau
berceau,elleleprendaupiège».Et comme si ça ne suffisait pas, au milieu du présentoir se trouve l’un des torchons les plus
populaires. En une s’affiche une photo de Brandon avec le titre « Le nouveau chouchou del’Amérique».Ilmefautbeaucoupdemaîtrisepournepasvomirsurletapisroulantdelacaisse.Ethannousextraitdelàenquelquesminutes.Ilemballelescoursesetjettedesbilletsàlacaissière
avantdemeprendreparl’épaulepourmeconduireàlavoiture.Jesuistellementégaréequejeneluirappellemêmepasd’attendresamonnaie.Le trajet jusqu’à la maison se passe dans le brouillard. Je ne remarque rien des magnifiques
paysagesquimesemblaientsipoétiquesàl’aller.Neprêtepasattentionàlacirculationlégèretoutàl’heureetterribleàprésent.Nevoisnin’entendsrien,enréalité,àpartEthanquimerépètesanscessecombienilestdésolé.—Cen’estpastafaute,réponds-jechaquefois.Meslèvresbougentdeleurproprechef.Jenesaispasvraimentcequ’ilmedit,etencoremoinsce
quejeréplique.Finalement,lechocs’estompe,remplacéparlacolère.Jesaisqu’Ethanestconnuetquelefaitqu’il
ait une petite amie doit intéresser la presse.Mais les titres sont tellement sexistes !L’idée qu’il nem’aitchoisiequepourmonphysique,etmoiquepoursonargent,est insultante–pournousdeux.Sansoublier que c’est tout le contrairede cequi s’est passé. Je serais bienplusheureuse s’il étaitmoinsriche.S’ilétaitmonsieurTout-le-Monde.Etillesait.Qui sont ces journalistes pour se permettre de me juger sur le fait que je sois étudiante et
stagiaire?Jetravaillepourl’unedesplusprestigieusesentreprisesd’Amérique,etj’entreenmasterdedroitdansmoinsdesixmois.Çanecomptequandmêmepaspourrien?Apparemment, si. La vérité importe peu, sauf quand elle permet de vendre du papier. Rien ne
saurait prouver cette idée davantage que ce titre qui affirme que Brandon est « le chouchou del’Amérique».Nous arrivons enfin – enfin ! – à la maison, et Ethan, une fois garé, contourne le véhicule en
courantpourm’ouvrirlaportière.— Je ne suis pas infirme, tu sais, dis-je en descendant de voiture pourmediriger vers la porte
d’entrée.Jevaisbien.C’étaitjustelechoc,aprèstoutcequ’onvenaitdesedire.—Jesais.Etjesuisdéso…—Si tume dis encore une fois que tu es désolé, je ne réponds plus de rien.Mais si ça peut te
permettre de te sentirmieux, tu n’as qu’à rentrer les provisions pendant que jeme languis sur lecanapécommeunedemoiselleendétresse.—Çameva.—Jem’endoutais,dis-jeenlevantlesyeuxauciel.Demoncôté,jenesuispastropdustyleàmemorfondre,etlorsqueEthanapportelessacs,jeles
range avec efficacité dans sa cuisinedernier cri. Je trouvais déjà celle deLa Jolla au-dessusde lamoyenne, mais celle-ci est encore un cran au-dessus. Deux cuisinières, un gril, plusieursréfrigérateurs,destiroirschauffants,sansoublierd’énormesfoursdoubles.Napaestconnupourêtrel’unedescapitalesdelagastronomie,et jenepeuxm’empêcherdemedemandersic’estpourcelaquelamaisonestainsidotéed’unparadispourchef.Siçafaitpartiedelaculturelocale.Etoui,jesuisconscientequesijem’intéressetellementauréfrigérateurdeluxeetauxaccessoires
hautdegamme,c’estparcequeçam’évitedepenseràcesmagazines.Etaufaitqu’onmetraiteunefoisencoredetraînée–saufquecettefois,cenesontpasseulementmescamaradesdeclassequiensonttémoins.C’estlemondeentier.Après avoir fini de ranger les provisions, je traverse le vaste salon puis le couloir, en quête
d’Ethan.Jeletrouveàl’arrièredelamaison,danslasuiteparentale.Ilestentraindepréparerunbainavecmanouvellehuileàlalavande,etlasalledebainsembaumecommeuneprairieenété.—Attention,dis-jeen l’enlaçantpar-derrière.Si tucontinuesàsentiraussibon, lesgensvont te
prendrepourunefille.
—Çanemegêneraitpas.J’adorelesfilles,répond-ilenseretournantavecunsourire.—Jecroisavoireneffetluçaquelquepart…Jel’embrasseentrelesomoplatesetmedélectedelesentirsedétendreentremesbras.—Tuvasbien?medemande-t-iluneminuteplustard.Ilprendgardeànepasdétacherlesyeuxdufiletd’eaupendantqu’ilattendmaréponse.—Oui,çava.Etsicen’estpastoutàfaitvrai,personned’autrequemoin’abesoindelesavoir.—Etpuis,sijesuistapetiteamieofficielle,jevaisdevoirm’habitueràcegenredepiques.Bien
desfemmesseraientprêtesàéchangerleursLouboutinpréféréespourêtreàmaplace.—Pourêtredansteschaussures,tuveuxdire?demandeEthand’unairmalicieux.—Absolument.Mestongsbasdegammefontfureurencemoment.Il se tourne enfin, en riant, etm’enlace pour un câlin réconfortant. Peut-être est-ce un signe de
faiblessedemapart,maisjenepeuxm’empêcherd’enfouirlevisagedanssoncou.Dem’accrocheràluipendantunlongmomentdesilencepartagé.—Tuneveuxpasprendreunbain?suggère-t-il lorsque jem’écarte.Après tacoursede lanuit
dernière,tudoisavoirmalpartout.C’estlecas.Etcescourbaturesmerappellentquecettefuiteéperduedanslanuitnedatequed’hier.
Avectoutcequis’estpasséentre-temps–leboncommelemauvais–,ladisputequim’apousséeàm’enfuirmesembletrès,trèsloin.—J’enaibienl’intention.Jecommenceàdéboutonnersachemiseaveclenteuretattention.—Pourquoinetejoindrais-tupasàmoi?ajouté-je.Ilposelamainsurmesdoigtspourm’arrêteravantquejen’ailleplusloinqueledeuxièmebouton.—J’adorerais,maisj’aiquelquescoupsdefilàpasser.Jeveuxm’assurerquetoutlemondeabien
étéévacuéenbusetquel’avionestarrivéàLasVegas.Çanedevraitpasmeprendretroplongtemps.Ensuite,jenousprépareraiundînerléger.Çateconvient?—Trèsbien.Mêmesituvasmemanquerpendantquejebarboteraidanscetteénormebaignoire,
touteseule.— Il faudra qu’on remédie à ce problème avant de rentrer à San Diego, rétorque-t-il avec un
sourire.Jenevoudraispasquetutesentesabandonnée.Je ris pour lui faire plaisir et le regarde quitter la salle de bains, avant deme déshabiller et de
m’immergerdansl’eaubrûlanteetodorante.Dèsquejetentedemedétendre,unmilliondepenséesm’assaillent, et je les laisse déferler. Je ne veux pas me concentrer sur quoi que ce soit de pluscompliquéquededéciderquelsvinsjevaistesterdemaindanslevignoble.Paslepinotnoir,puisquec’estlepréféréd’Ethan.Maisj’adorelesbulles,moiaussi,etjenepeuxm’empêcherd’espérerqu’ilaitégalementunbonpetitmuscatàmefairedéguster.Épuisée par les événements des deux jours précédents, je traîne presque une heure dans la
baignoire,manquantàplusieursreprisesdem’assoupir.Lorsquel’eaudevientfroide,jesorsàregretetmemetsàlarecherchedusacàdosquej’airemplienhâte.Je le trouveprèsdu lit,etunexamenrapidedesoncontenumeprouveque jedormaisencoreà
moitiélorsquejel’aipréparé.Iln’yanipyjamanitenueconfortablepourtraîneràlamaison.Maisj’ai emporté un jean et deux chemisiers. Un débardeur rose vif vient compléter cet épouvantablechoixdevêtements.Après avoir contemplé la catastrophependantquelques secondes, jedécidede laisser tomber. Je
suis trop fatiguéepourpasser la soiréedansun jeanmoulant. Je fouilledans le tiroird’Ethanety
déniche un tee-shirt extra-large, si usé que les lettres dans le dos commencent à s’effacer. Il estincroyablementdoux,etc’esttoutcequejedemande.Jel’enfile,metsaussiuneculotte,etestimequejesuishabillée.Je suis lecouloir jusqu’à lacuisine,dans l’idéed’aiderEthanàmettre la touche finaleaudîner.
Maislapièceestdéserteetilsembleévidentqu’Ethann’yapasremislespiedsdepuisqu’ilavidélecoffredelavoitureilyaplusd’uneheure.Songeantqu’ilestsansdouteprisparl’undesnombreuxcoupsdefilqu’ilavaitàpasser,j’ouvrele
frigoenmedemandantcequejevaispréparer.Bienqu’ilsoit20heurespassées,jen’aipastrèsfaim,etmedécidepourunplateaudefromages.
Commeça,ilmeresteradelaplacepourlepainperduaurhumquimetitilledepuisquej’aidéclinédelemangeraudéjeuner.Jechantonneàvoixbasse–uneautredemeshabitudesquimepermettentd’éviterdepenseraux
sujets douloureux – et sors du raisin et des fraises pour accompagner les fromages. Je les lavesoigneusementsanscesserdefredonner.Cen’estqu’enéteignantl’eauquej’entendsEthancrierautéléphone.Cen’estpasdansseshabitudes– ilestd’un tempéramentsiégalque jene l’aientenduélever la
voix qu’une seule fois depuis que je le connais. J’ai déjà parcouru lamoitié du couloir quand jecomprendslesujetdesacolère.C’estmoi,enl’occurrence.— Je ne veux pas d’excuses,Anthony. Je veux savoir ce qui se passe. Toute cette histoire n’est
qu’unimmensemerdierdepuisledébutetçacommenceàmepéterlescouilles!Audépart, jesuissurtoutchoquéepar les jurons–Ethann’estpasunange,mais,enprincipe, il
n’enchaîne pas les horreurs de cette façon, sauf s’il est contrarié. Très contrarié. Et pas sur sesemployés.—Jesaisque tuasdiscutéavec lesagencesdepresse.Mais jesaisaussique tuavaisunaccord
avec elles. Ce qui s’est passé hier avecMSNBC et ce que j’ai vu aujourd’hui au supermarché nereflètepascetaccord.Ilsetaitunmoment,écoutantlesexplicationsd’Anthony.Puisilseremetàhurler.—Ilyaquelquechosequicloche,etjeveuxsavoircequec’est!Lesmédias–surtoutcegenrede
torchons–necontreviennentpasauxaccords, saufs’ilsont ferréunplusgrospoisson.Quelqu’unfaitpressionsureux,etjeveuxsavoirquic’est.Jeveuxaussiqu’ilsoitbienclairqu’onneparlepasdeChloe.S’ilspublientencoreunpapierdiffamatoiresurelle,onlespoursuitenjustice.Ilspeuventm’attaquer,moi,maisjepréfèrecreverquedelaissercessalaudss’enprendreàelle.Ettrouveaussiquifinancecesarticlesà lanoixsurmonfrère.C’estforcémentquelqu’undetrèsriche,et jeveuxsavoirqui.Ilsetaitdenouveauquelquesinstantsavantdereprendre.— Ouais, exactement. J’ignore qui c’est, mais ils se sont trompés de cible. C’est le premier
avertissement.Laprochainefois,jelesréduisenmorceaux,euxaussi.Lacampagnedemonfrèrenepasserapaslemois.Jel’enempêcherai.Oui,d’accord,Anthony,mercipourtonaide.Onserappelledemainpourfairelepoint.Oui,d’accord.N’oubliepasde…Ilsetourneaumilieudelaphrase,s’immobiliseenmevoyantplantéelàaveclesyeuxécarquillés.—Anthony,jedoistelaisser.Etilraccrochealorsquesoninterlocuteurestencoreentraindeparler.Nous restonspétrifiésunmoment, chacunàunboutducouloir, ànousdévisager fixement.Puis
Ethanrangesontéléphonedanslapochearrièredesonpantalonets’approchedemoi,lesbrastendusensigned’apaisement.
—Jepeuxt’expliquercecoupdefil…—Paslapeine,dis-jeenm’avançantverslui.Jepasselesbrasautourdesoncoupourl’embrasser.EtremercieDieud’avoireulachance–etle
bonsens–detomberamoureused’EthanFrost.Mon projet était de l’embrasser avec douceur, pour le remercier de se battre pour moi et lui
montrerquejesuisprêteàallerdel’avant.Exprimerquejesuisdésoléedenousavoirfaitdumalàtouslesdeux,etquejemebats,moiaussi.Il semble accepter cette douceur – etmêmeplus, car je le sens s’endélecter commeunhomme
assoifféd’uneoasis–,maisaumomentoùnoslèvresserencontrent,unincendies’allumeenmoi.Ledésir courtdansmesveines,me submerge,m’entraînedansun tourbillon, et jenepeuxplus
penserqu’àEthan.Jen’aibesoinderiend’autrequelui,nedésirequelui,nesensquelui.Jeleserreplusfortcontremoietluilècheleslèvrespourmieuxlegoûter.Leposséder.Avecungrognement,ilouvrelaboucheetm’ylaisseentrer.Jelemordille,lelèche,yplongela
langue. Il a un goût salé comme l’océan, sombre comme le pinot noir qu’il apprécie tant. Sucrécommecesfichuesmyrtillesdontilnepeutsepasser.Mais sur lui, la saveur est délicieuse. J’aime le goût d’Ethan, cet homme aux si nombreuses
facettes,puzzleauxsinombreusespiècesquej’apprendstoutjusteàassembler.—Chloe,machérie,souffle-t-ilsurmeslèvresalorsquejerecommenceàledévorer.Tuessûre?
Tuvasbien?—Jet’aime.Jet’aime,jet’aime,jet’aime.Çasuffit à le rassurer, et ilmepasse lesmains sous les fessespourmesoulever ; jem’enroule
autour de lui, bras autour de son cou, jambes autour de sa taille, si bien que nous ne faisons plusqu’un.Ilmeporteaussivitequ’illepeutsachantquesaboucheesttoujourslivréeàlamienne.Nousnous
cognons une ou deux fois dans le mur et frôlons la catastrophe dans un coude du couloir. Nousheurtonsuncabinetanciendansl’entrée.Ethans’arrêtealorsuninstant,m’appuiecontrelemeubleetm’arrachema culotte. Je m’attends à ce qu’il ouvre sa braguette et me pénètre d’un coup. Je meprépareauplaisircapiteuxdelesentirmeprendreaussibrutalement.Maiscelaneseproduitpas.Ils’agenouilledevantmoi,enfouitlevisageentremescuisses,etsans
autreformedeprocès,introduitsalangueenmoi.Jesuistellementtenduequejejouisaussitôt,décollantversleseptièmecielcommeunefuséeau
premiercontactdesalangue.Ilm’encourageparunesortedefredonnement,dontlesvibrationssurmonintimitéaccentuentencoremonplaisir.—Ethan!Jem’accrocheàsescheveux,enroulelesjambesautourdesesépaulesetpressemonsexesursa
bouche comme une offrande païenne. Il me caresse de la bouche et des mains pour faire durerl’orgasme,tirerdemoichaquesensation,avantdeserelever.J’écartelesjambesetl’attirecontremoi.Jesenssaqueue,longueetdure,etc’estsidélicieuxque
jenepeuxm’empêcherdemefrottercontre lui,bienquemoncorpssoitencore illuminéparmondernierorgasme.Jepasseunemainentrenouspourouvrirsabraguette–jeveuxlesentirenmoi,luiprocurerautant
deplaisirqu’ilvientdem’endonner–,maisilmesoulèveunenouvellefoispourm’emporterverslachambre.Ilestencoremoinsdélicatquetoutàl’heure,sesdoigtsagrippantmesfessesavecunetelleforce
quejesuissûred’avoirdesbleus.
Etjem’enréjouis.C’estunedrôlederéaction,maisc’estcequej’éprouve.J’aimequ’ilmemarque,j’aimevoirsur
mon corps les signes de sa possession longtemps après que nous avons fait l’amour. Comme lachaînede taillequejen’enlèvejamais,celamerassureplusquetoutaumonde.Celam’ancredansmoncorps,dansmonamourpourluietlesienpourmoi.—Jet’enprie,soufflé-jealorsque,arrivéauboutducouloir, làoùildevrait tourner,Ethanme
plaquecontrelemur,saqueueappuyantsurmonclitorisjustecommeilfaut,malgrélejeanqu’iln’apasencoreenlevé.Ethan,s’ilteplaît…—Oh,merde,grogne-t-ilensefrottantcontremoiàmefairetournerlatête.Oh,Chloe,bordel…Ilsefrotteavecunevigueuraccrue,pardesmouvementspuissantsquim’écrasentcontrelemur.—Jeteveuxdansmonlit.Notrelit,halète-t-iltoutcontremabouche.J’enrêvedepuislongtemps.
Tescheveuxétaléssurlesoreillers,tapeauroseetchaudesurlesdraps…Sesparoles,murmuréesd’unevoixrauquequi trahitsonexcitationextrême,mepoussentàdeux
doigtsd’unnouvelorgasme.—Oh,Ethan…laprochainefois,pasmaintenant…Jel’agrippeparlescheveuxpourramenersabouchesurlamienne.—Merde,soupire-t-ilencoreenm’écartantdumurpourmeconduireverslelit.Ilme pose,m’arrachemon tee-shirt, enlève ses vêtements. Puis ilme tombe dessus, placemes
jambessursesépaulesetmepénètred’uncoup.Auplusprofonddemoi.Les choses vont vite, m’étourdissent etm’excitent tout à la fois. Je jouis de nouveau deux fois
pendantqu’ilvaetvientenmoi,sesmainscaressantmoncorpstoutentier.Lorsque je pense avoir atteintma limite, ne pas être capable de davantage de sensations, Ethan
soulève mes hanches un peu plus haut, passe une main entre nous et me caresse le clitoris. Meprocurantunorgasmeencoreplusfortquelesprécédents.Cettefois,il jouitégalement,criantmonprénomàplusieursreprises,commeunmantra.Ouune
prière.Lorsquec’estfini,qu’Ethans’endortetquejenesuispastrèsloindel’imiter,touslesévénements
dela journéemereviennentd’uncoup.Et jenepeuxm’empêcherdemedemanderpourquoiçanes’arrêtejamais.Lasouffrance.Letraumatisme.Laconfusion,lacolèreetlapeur.Jevoudraisunevienormale,mais…riendetoutçanel’est.Nilemauvaisnilebon.Ethan remue contre moi dans son sommeil. Sa main s’enroule autour de ma taille, me serrant
contre son corps, contre son cœur. Et pendant un court moment, j’oublie ce que je désire et meconcentresurcequej’aidéjà.Parcequ’Ethanmesuffit.Plusqueça,même.Dumomentquejemeconcentre là-dessus, lereste
m’importepeu.
Chapitre21
—Merciencore,Rodrigo!dis-jeenquittant, titubante, lesiègepassagerdel’undescamionsduvignoble.—Derien,señoritaChloe.Appelez-moisivousavezbesoindequoiquecesoit.—D’accord.Mais je pense avoir tout ce qu’il me faut. Bonne soirée ! Faites un bisou à votre
adorablefillettedemapart.— Sí. Ce sera fait, répond-il avec un petit rire, les joues empourprées. Ma petite Padma sera
contente!Samèreditquedepuisqu’ellevousarencontréecematin,elleneparlederiend’autre.—Çan’estquejustice.Moiaussi,j’aiparléd’elletoutelajournée.Elleesttellementmignonne!—Sí,sí.Jecroisquevousavezmontéunesociétéd’admirationmutuelle,touteslesdeux.—Cen’estpas faux, réponds-jeen le saluantd’ungestede lamainavantdem’éloignervers la
ported’entréeenvacillant.—Çava,señoritaChloe?Vousvoulezquejevousaideàentrer?—Non,çava.Çava.Jesuisjusteunpeupompette.Pompette,lemotestpeut-êtrefaible.Jecommenceàmedemandersijenesuispascomplètement
bourrée.Mais je vous jure que je ne sais pas comment ça s’est fait.Un instant, j’étais en train depasserunbonmomentlorsdeladégustation,écoutantLuciadécrireavecpassionlesdifférentsvinsrougesquifontlaréputationduvignobled’Ethan.Elleétaittrèsenthousiasteàproposd’uncabernetbiencharpenté,quejetrouvaisunpeusec.Mais
le pinot noir qu’elle m’avait servi était aussi merveilleux que l’avait prédit Ethan. De même quel’assemblagemaisonderouges,etquelquesautresélixirsquim’échappentàprésent.Normalement,dansunedégustation,onneboitquedetoutpetitsverres.Maisêtrelapetiteamiedu
propriétaireentraînedesprivilèges,semble-t-il,carlesmiensétaientbiendeuxfoisplusgrandsqueça.Voireplus.Toutcequejesais,c’estquej’aigoûtébeaucoupdevinsaujourd’hui,ycomprisundélicieuxmuscat.J’enaiachetéplusieursbouteilles–ouplutôtjelesaiacceptéesencadeau,prendsça,EthanFrost!–etjesuistrèsimpatientedelesmontreràTori.S’ilyaunepersonneaumondequiaimelesbullesplusquemoi,c’estcettefille.Soûle, heureuse, folle amoureuse, j’entre dans la maison comme sur un nuage, bien décidée à
trouverEthan–etpeut-être le convaincrede faireunecourte sieste avecmoi.Aprèsunepartiedegalipettespastropcourte,j’espère.Jedoisavouerquel’idéed’interrompreEthanaumilieudel’après-midipendantunennuyeuxcoup
defilprofessionnelpourl’attireraulitm’exciteauplushautpoint.Àmoinsquecenesoitlevin.Oulefaitquejesuistotalementdétendue,pourlapremièrefoisdepuisjenesaiscombiendetemps.Quoiqu’ilensoit,c’estagréable,etj’ail’intentiond’enprofiter.Lavraievienereprendrasesdroitsquetroptôt.C’estnotrequatrième jouràNapa,etbienque les feuxdeforêtsoientenfinsouscontrôleàSan
Diego–aprèsavoirdévastédegrandeszonesquiabritaientdesentreprises,deshabitations,etmêmeunepartieducélèbreSafariPark–,Ethanadécrétéquenousn’avionspasbesoinde rentrer avantdimanche.Cequinouslaisseencoredeuxmagnifiquesjournéesdevantnous.Dontj’ail’intentiondeprofiteràfond.Chantonnant, debonheur cette fois et nonpour éviter depenser, j’emprunte le couloir principal
menantaubureaud’Ethan.Depuisquenoussommesarrivés,ilapassépresquetoutsontempsavecmoi,maiscetaprès-midiilavaitquelquescoupsdefilàpasser–concernantledossierTrifecta,entreautres–etiladésignéRodrigocommebaby-sitterpourmegarder.Ilprétendquec’étaitunevisiteduvignoble,maisjesaisreconnaîtreunbaby-sitter.J’auraissansdouteétévexéesiRodrigo,sa femmeLuciaet leur fillePadman’étaientpasd’une
aussi agréable compagnie. Mais ils étaient joyeux, charmants et gentils, tellement gentils… Je nepouvaispasnepasapprécierletempsquej’aipasséaveceux.Etmaintenant,jesuisderetour,pompette–oubourrée,selonlepointdevue–etexcitée.Sij’aide
lachance,Ethanprofiteraduproblèmenumérodeuxpourréglerleproblèmenumérotrois.Maisquandj’arrivedanslebureaud’Ethan,iln’yestpas.Iln’estpasnonplusdansnotrechambre,
ni sur la terrasse pour répondre au téléphone, comme il aime le faire. Il ne se trouve pas dans lacuisine, ni dans le salon, ni dans la salle télé. En fait, il n’est dans aucun des lieux que je l’ai vufréquenterdepuisnotrearrivée,etjecommenceàmedirequej’ailaissépassermachance.Qu’ilestpartirégleruneaffaireetquejevaisdevoirm’occupertouteseule.Soudain,toutmesemblemoinsbrillant,moinspétillant.JeveuxEthan.Jesorsmontéléphonepourluienvoyerunrapide«Oùes-tu?».J’aibeauattendrelaréponseavec
impatience, elle ne vient pas. C’est curieux – à moins d’être plongé dans quelque chose de trèsimportant,Ethann’ometjamaisdemerépondre.Jene suispas encore trop inquiète.Après tout, je suis àNapa, et tout estmagnifique. Il est sans
douteautéléphonepourletravail,etnepeutraccrocher.Àmoinsqu’ilnesoitenrendez-vous,etquesortirsontéléphonesoitimpossiblesouspeinedeparaîtremalpoli.Riendeplus,medis-jeenretournantverslacuisine.J’appréciemonébriété,maisceneseraitpeut-
êtrepasunemauvaisechosedemangerunmorceaupourépongerl’alcool.SurtoutsiEthann’estpasdanslesparagespourprofiterdemonétat.C’estdonclàquejemetrouvequandçaseproduit.Danslacuisine,pliéeendeuxpourfarfouiller
dans le réfrigérateur à la recherche du reste de salade de pâtes. Je fredonne à pleine voix tout enécrivant une lettre de motivation pour mon master de droit dans ma tête, lorsqu’une voix bientimbrée,àl’accentdistingué,s’élèvedansmondos.—Ehbien,ehbien,c’estunplaisirdeconstaterquerienn’achangé.Tues toujoursaussiclasse
moyenne,n’est-cepas?Jepivoteaussitôt.Jen’aientenducettevoixqu’unefoisparlepassé,maisjesaistrèsbienàquielle
appartient.Lamémoireauditiveesttrèspuissante,etladernièrefoisquemesoreillesontperçucettevoix,c’étaitlepirejourdemavie.Jenel’aijamaisoubliée.Commejen’aijamaisoubliélafemmeàquielleappartient.Nilesémotionsquej’éprouvaiscejour-là.Eneffet,VanessaFrostJacobssetientsurlepasdelaportedelacuisine.Lamèred’Ethan.Etde
Brandon.Vêtue d’un tailleur rose pâle qui vaut plus cher que l’ensemble de ma garde-robe – malgré
l’ensembleArmaniquevientdem’offrirEthan–,elleressembleàunetrèsbellevipèreblonde.Etlapublicité n’est pasmensongère, si vous voulezmon avis. Je n’ai jamais rencontré de femme plusfroideetplusvenimeusedetoutemavie.Sansoublierqu’elleestprêteàmordrequiconquesemetentraversdesonchemin.D’après le regard assassin dont elle me gratifie, je suis la dernière personne en date à l’avoir
offensée–etàdevoirtombersoussesattaques.Maisj’aidéjàétél’unedesesvictimes,etjemesuisjuréqueçanesereproduiraitjamais.J’aibeauêtreterrifiée,intimidéeparsonassuranceglaciale–il
yadequoi,pourêtrehonnête–,jeneplieraipasdevantelle.Pascettefois-ci.Jeneressembleplusguèreàlagaminedequinzeansquej’étaislorsqu’elles’estoccupéedemoi.Cetteidéemeréconforte,ouleferaitsijen’étaispassibourrée.Leschosesétantcequ’ellessont,
jeresteclouéesurplace,titubantetlavoyantdouble.J’essaiedésespérémentdemereprendre.—Chloe,n’est-cepas?dit-elle,commesinousnoustrouvionsàunegarden-party.Commesiellen’avaitaucune idéedemon identité.Commesiellen’étaitpasprécisémentvenue
pourmevoir.Jesaisquetoutcelafaitpartied’unplan–ellefeintdenepassesoucierdemoisuffisammentpour
serappelermonnom.Maisbiensûrqu’elles’ensouvient.JemedemandeàquelpointelleenragedemesavoirdésormaisavecEthan.Énormément,àenjugerparsaprésence.Etparlatêtequ’ellefait,commesiellevenaitd’avalerunecuilleréedemoutardeforte.—Eneffet,réponds-jeaprèsavoirréfléchiuneminuteàlameilleurefaçonderéagir.Misàpartlascalperavantdelafaireroulerenbasdelacollinequijouxtelamaison,danssonjoli
tailleurrose.—EtvousêtesVanessa.Jenepensaispasquec’étaitpossible,maissonregardsefaitencoreplushaineux.Lamèred’Ethan
n’appréciepasque je l’appellepar sonprénom.C’estd’ailleurs réciproque.Mais jenevaispas lalaissers’ensortircommeça.Horsdequestion.—Toutàfait.Jesuisraviedevoirquevousn’avezaucunmalàfairecommechezvoussousletoit
demonfils.—Oui,ehbien,c’estunhommegénéreux.Etcommenousvivonspratiquementensembledetoute
façon…—Vraiment?Elleregardederrièremoi,etjemerendscomptequejesuistoujoursdevantlefrigo,dontlaporte
estgrandeouverte.Merde.Conneriededégustation…Maintenantquejesuisconfrontéeàça–àelle–,êtrebourréenemefaitplusautantrire.J’aibesoindetoutemaprésenced’espritpourmemesureràelle.Jefaisungestepourfermerlefrigo,maismonéquilibreestperturbé,etjemeretrouveàtrébucher
etmecognerdanslaporte.—DouxJésus,tuessoûle.Etiln’estque14h30.Abandonnantsonmasque,ellenecacheplussondégoût.Je me sens défaillir devant tant de dédain. Mais cette idée me révolte, et je me redresse. Je
m’interdis de baisser les yeux. Je repousse les souvenirs de ce jour lointain dans le bureau del’avocat, où elle s’estmontrée d’une politesse glaciale enmême temps que d’une grossièreté sansborne.Ellen’aaucundroitdemejuger.Ellequiafaittantdechosesaffreuses.—Écoutez,Vanessa,dis-jeenmeforçantàmecomporterenadulteetaffronterlasituationaulieu
demelaisserengloutirparlepassé.Ethann’estpaslà.Maisjeluidiraiquevousêtespasséequandilrentrera.—Est-cequetuesentraindememettreàlaportedelamaisondemonfils?s’écrie-t-elle.Uneexpressiondesurprise se lit sur sonvisage trop tenduparunexcèsdechirurgieesthétique.
Ellesembleplutôtlégèrementincrédule,maisjenevaispasfairelafinebouche.—Non,non,jenevousmetspasdehors.Jeremetsvotrevisiteàplustard,c’esttout.—Oh,Chloe.Qu’est-cequitefaitcroirequetuasledroitd’interférerentremonfilsetmoi?Ilyaencoredeuxsemaines, j’aurais faiblidevant l’immensitéde sonmépris.De sa supériorité.
Mais c’était avant d’affronter les secrets d’Ethan, et d’apprendre ce que j’étais ou non capable de
supporter.EtsijepeuxsupporterbeaucoupdechosespourEthan,cettefemmen’enfaitpaspartie–etc’estdéfinitif.—Ethanestavecmoi,maintenant.Etsijeneveuxpasdevousici,jepeuxvousjurerquevousn’y
viendrezpas.Cesontdesparolescourageuses,maisj’ignorejusqu’oùellessontvraies.Peuimporte,celadit.La
seule chose qui compte, c’est de la faire sortir d’ici avant que je ne pète les plombs. Je pensaispouvoir affronter la situation, faire face à cette femme,mais la panique commence àme serrer lagorge. Je tiendrais le choc si j’étais sobre.Mais ivre, je ne suis pas à la hauteur, et je suis assezmalignepourm’enapercevoir.Par chance, ma petite fanfaronnade fonctionne. Je vois au raidissement de ses épaules que j’ai
marquéunpoint.Ellepinceleslèvrescommesiellevenaitdemordredansuncitronparticulièrementacide.—Tunecroisquandmêmepasquejevaistelaissermettrelegrappinsurunautredemesfils?—Legrappin?Jenesuispasuncorsairedebasétage.Etpourinformation,jen’aijamaismisle
grappin,niquoiquecesoitd’autre,surBrandon.—Maisiln’envapasdemêmeavecEthan,tunepeuxpaslenier…—Jenediraispasçaainsi,Vanessa.Ellenepeut réprimerunegrimaceenm’entendant l’appelerparsonprénom,etcelameravitau
plushautpoint.—Ethanetmoi,noussommesencouple,etnousallonslerester.—Jesaisbienque,cettefois,tuasl’intentiondegardertaproie,maisjepeuxtedire,Chloe,que
monfilsn’épouserajamaisunefillecommetoi.Tuimaginespeut-êtrequetufinirasparavoiraccèsàtoussesbiensetsonargent,maisjet’assurequ’iln’enestrien.Jeneveuxpasdesonargent.Çan’ajamaisétémonsouhait,etçaneleserajamais.Maisjen’aipas
enviedeleluidire.Detoutefaçon,ellenemecroiraitpas.Lesjournauxmequalifientpeut-êtredechercheused’or,maisellen’estpoursapartquelapotiched’unvieilhommeriche.ÇasevoitdanschaquecentimètrecarrédesapeaulisséeauBotox.—Nousverronsbienàquoij’aiaccèsdanssixmois…quandvousn’aurezplusvous-mêmeaccès
àrien,luirépliqué-jed’unevoixégale.C’estuncoupdebluff,riendeplus,maisquelquechosedansmonattitudedoitl’impressionner,car
safaçadecalmesefissureàvued’œil.Jesuisdésormaisfaceàfaceavecundragoncracheurdefeu,quirisquefortdetenterdemecreverlesyeuxàlapremièreoccasion.—Combien?demande-t-elleaprèsd’interminablessecondes.—Combienpourquoi?—Tusaistrèsbienpourquoi.—Pasdutout.Vousallezdevoirêtreplusexplicite.Elleserrelesmâchoires,exactementcommeEthanlorsquejelecontrarie.Ouquejel’inquiète.Ça
medéplaîtdedécouvrircedétail.Jedétestetoutcequileslie.Çanefaitquerendretoutecettescèneplusréelle.—Trèsbien.Combienmonfilsva-t-ildevoirpayerpoursedébarrasserdetoi,cettefois-ci?—Votre fils ? dis-je, déroutée. Je ne veuxpas un cent deBrandon. Je n’ai jamais voulude son
argent.—Ilnes’agitpasdeBrandon…Sesyeuxluisentd’unéclatdetriomphe.Soudain,jecomprendsquejen’aijamaiseulamain.Elle
m’amanipulée,a jouéavecmoicommeunearaignéeavecunemouche,et jeme retrouveengluée
danssatoilecommeellelevoulait.—Ils’agitd’Ethan,complète-t-elle.Jesaisquec’estunemauvaiseidée.Moninstinctmecrieden’enrienfaire,denepastomberdans
lepiège.Maisjenepeuxmeretenir.Jenepeuxrésisteraubesoindeclarifiersonpropos,mêmesijesaisqu’ilnepeutrienensortirdebon.—Jen’aijamaisacceptélemoindreargentdelapartd’Ethan,etjeneleferaijamais.Elleéclatederire.Elleritpourdebon,àgorgedéployée.—Certainsdiraientquetuesnaïve,maisjepréfèreappelerunchatunchat.Tuesstupide,Chloe.
Stupide,ignoranteetfaible.Situn’étaispassidéterminéeàcoincerl’undemesfils,j’auraispeut-êtremêmepitiédetoi.Maisleschosesétantcequ’ellessont,jen’éprouveriendetel.Elle traverse lacuisinepourcollerdevant lemiensonvisagesouriantetpâle.Etc’est làqu’elle
prononcelaphrasefatidique.Etfaits’écroulermonunivers.—Ilyacinqans,lepèredeBrandonétaittrèsserrésurleplanfinancier.Celaarrivedetempsà
autre,lorsqu’oninvestitl’essentieldesafortunedansl’immobilieretl’industrie.Bref,nousn’avionspastroismillionsdedollarsàdépenserpourunepetiteputequi jugeaitbond’accusernotrefilsdeviol.Jenesuispasunepute.Laphrasenedemandequ’à sortir,mais jeme retiens.Mon instinctme recommandedeme taire
pourentendrelasuite.Quiseraforcémentterrible.—C’estalorsquenousnoussommes tournésversmongéniede filsaîné, issudemonpremier
mariage.Ethanvenait dedéposer lesbrevetsdedeux trèsgrandes innovationsbiomédicales, et lesavait vendus à des grandes boîtes. Il avait dégagé suffisamment de capital pour monter FrostIndustries.Sonpetitfrèreavaitunproblèmequel’argentpouvaiteffacer.Cettesomme,Ethanl’avait.Tuveuxquejetefasseundessin,outucommencesàcomprendre?Oh, jecomprends,pasdeproblème.L’argentquiaachetémonsilence.L’argentquia fait sortir
mesparentsdelamisèrechroniqueetpermisàmonfrèredefinancersonlabo.Iln’estpasvenudesparentsdeBrandon,pasdutout.Ilestvenudesonfrère.D’Ethan.
Chapitre22
—Ehbien,déclareVanessaaprèsquelquessecondesquisemblentuneéternité.Ilsembleraitquetusoismoinsbêtequecequejepensais.Tuescapabled’assemblerlespiècesdupuzzle.Jemanqued’éclaterderireenentendantcettephrase,cetteidéequejesaisreconstituerunpuzzle.
Moiquiaipassélescinqdernièresannéesàtenterderecollerlesmorceauxdemoi-même,pourfinirparretomberenmiettesaprèschaquetentative.Je croyaisque cette fois, c’était la bonne.Après avoir découvert le lien entreBrandonetEthan,
avoirquittécedernierpuism’êtreremiseaveclui,aprèsavoirenfinacceptécequim’étaitarrivéetdépassé tout cela, je pensais avoir enfin compris. Avoir trouvé le moyen de recoller tous lesmorceaux.Enlesmélangeantàceuxd’Ethan.Enconstruisantquelquechosedenouveau,debrillantetd’entiersurlesdécombresdupassé.Çaauraitdûmarcher.Vraiment.Mais il s’avèrequecen’étaitqu’une illusion,qu’un simpleélémentd’informationvientde faire
s’écrouler.Ma vie ne peut être réparée.Mes blessures ne peuvent être guéries.Ni par le passé, nimaintenant,nijamais.Jesuistoujourslamêmepersonneenruine,avecdesmorceauxtropfissurésetabîméspourêtreunjourrecollés.Jenesaispascommentj’aipucroirelecontraire,mêmeuneseconde.Nicommentj’aipupenser
qu’Ethan–Ethan!–m’aideraitàrecollerlesmorceaux.Alorsqu’àchaquetournantjedécouvrequec’estluiquim’adéchirée.Jesensmonterunrire,puissantetvrai.Ilsemblesebattreenmoipoursortir,pouréclateràl’air
libre.J’ai besoin de toutema volonté pour le retenir. Et de toutema peur aussi, car je sais que si je
commence à rire, je ne m’arrêterai jamais. La folie, que je fuis depuis si longtemps, menace dem’engloutir.Ellem’inviteàplongerdansl’oubli.Etsijelefais,sijemelaisseraller,jesaistrèsbienquejeneremonteraijamaisàlasurface.Pourtant,celametente.J’aienviedelâcher,d’abandonner.D’arrêterdelutter,d’essayer,defaire
confiance, parce que ça me fait tellement mal. Ça me déchire, m’ouvre en deux, me laissant uneblessuresanglantequejedécouvretroptardpourl’éviter.Troptardpourmesauver.C’estdanscetétatquejemetrouveencemoment.Déchirée.Ensang.Au-delàdetoutepossibilité
desecours.Sans oublier Ethan. Si beau, si intelligent, si traître.Mon obsession.Ma drogue. Et jusqu’à cet
instant,toutemavie.Maisc’estfini.Finipourtoujours.Lesavoirmepermetdem’ancrer,degarderlasouffrancesouscontrôle.Dumoinsjusqu’àceque
montéléphonevibrepourm’informerde l’arrivéed’un texto.Pasbesoinderegarder l’écranpoursavoirqu’ilvientd’Ethan.Demêmequelesuivant.Etceluid’après.Etceluid’encoreaprès.Soudain,jen’enpeuxplus.Jenesupportepluscetteconnexionentrenous,mêmeténue.J’arrache
l’appareildemapoche,m’approchedubroyeuràorduresetl’yjette.Puisjepresselebouton.Commelemoindreéquipementdecettecuisine,lebroyeurestd’unequalitéprofessionnelle.Même
sil’opérationproduitunbruitabominable,ilnefautquequelquessecondespourquemontéléphone
soitpulvériséendébris.Réduitàsonexpressionlaplusrudimentaire.Commemoi.Exactementcommemoi.Cettepenséem’arrêteun instant.Chaqueobjetbrisé ades liens avecunautreobjetbrisé.Encet
instant, c’est moi le deuxième objet brisé. Les fragments qui restent de moi sont aussi inaptes àaffrontermonenvironnementqueceuxdutéléphone.Lamèred’Ethanprofitedu spectacle, sourcils levés et lèvrespincées,unediscrète lueurde joie
danslesprunelles.Trèsdiscrète.Maisquisuffitpourquejem’arrêteaumilieudelacuisinequelquesinstants,commesitoutmonuniversnevenaitpasdes’écroulerautourdemoi.Elleattend,essayantdedevinerquellefoliejevaiscommettreensuite.Commejenefaisrien,que
jegardelecontrôledejustessegrâceaupeudevolontéquimeresteetavecl’appuid’uneprière,ellerenonceavecunhaussementd’épaules.Ellesecouelatêteetsortdelacuisine.—Stupide, ignoranteetminable,melance-t-elledepuis lecouloir.Tun’as jamaiseulamoindre
chance.Jedevraissansdouteêtrevexée,maiscen’estpaslecas.Parcequ’ellearaison.Jen’avaiseneffet
paslamoindrechancedem’ensortir,toutjouaitcontremoidèsledébut,etjenemedoutaisderien.Jemanquedepartir.D’emballermesquelquesaffairesdansmonmisérablesacàdosetdesortirde
lamaisond’Ethan,etdesavie,àjamais.Jepourraislefaire.Jedevrais.Ilyaassezd’argentsurlacommoded’Ethanpourpayeruntrajetentaxiversl’aéroport.Etsiçamedérangedeprendrecettesomme – jeme raconte que ce n’est pas le cas,mais ça n’est qu’unmensonge de plus –, je peuxtoujoursdemanderàRodrigoetLucia.Jesuiscertainequ’ilsaccepteraientdemedéposer.Je passe tout près de le faire. Je sors de lamaison et descends la colline jusqu’auxgrangesqui
abritent les installations vinicoles où travaille Rodrigo la plupart du temps, mais soudain je suisincapabledefaireunpasdeplus.Jesuiscoincée,bloquéeparuneécrasantetristesseetdesregretspluspesantsencore.Regretsdece
qui aurait dû être, si la vie était différente, si j’étais quelqu’un d’autre… si Ethan n’était pas unhorriblementeur.Monincapacitéàpartirmetue.Demêmequelefaitquejetienneencoreàlui,quejeneparvienne
pasàletraiteraussimalqu’ilnecessedelefaire.Oh,jesaisqu’ilaénormémentdequalités.Commejesaisqu’ilm’atraitéeavecpresquetousles
égardsqu’unhommepeutmontreràunefemme.Maislorsqueceségardsontmanqué,lorsqu’ils’estmalcomporté…c’étaitjustetrop.Tropénorme.Jenepeuxpasvivrecommeça,ensachantcequ’ilafait. Et je ne peux pas non plus rester avec lui en attendant la prochaine catastrophe. J’ai déjàl’impressionqu’unnombreeffarantdecalamitésestvenus’abattre surmoi. Jenevaispas resteràattendredevoirlafinduspectacle.Jesuispeut-êtrestupideetnaïve,maisonnem’aencorejamaistraitéedemasochiste.Pourtant, je reste assise sur le canapé du salon à regarder tourner la trotteuse de l’horloge. À
regarderlagrandeaiguilleprogresserlentement,jusqu’àcequ’elleaitelleaussifaituntourcomplet.J’aiunétrangesentimentdedéjà-vu,commesij’avaisdéjàvécuçaparlepassé.Et c’est le cas. Il y amoins d’une semaine. J’ai attendu, les yeux sur l’horloge, attendu sans fin
pendantqu’Ethanoffraitàdîneretfaisaitcoulerlevinàflotspourdesclients.Aujourd’hui,jefaislamêmechose.Laseuledifférence,c’estqu’ilnemeresteaucunespoir.Aucunecraintequeleschosesnetournentpasbien.Carjesaisdéjàqueceneserapaslecas,quec’estfini.Jeveuxjusteavoirlacourtoisiedel’annonceràEthanenface.Finalement,aprèsdeuxheuresaussilonguesqu’unejournéeentière,laported’entrées’ouvreetse
referme.
—Chloe!C’estEthan,deretourdecequ’ilfaisait–quoiqueçapuisseêtre.Ethanquim’appelleenhurlantet
traverselamaisonaupasdecharge.—Chloe!Toujourscesentimentdedéjà-vu.—Jesuislà,dis-je,depuismoncoindansl’ombre.—Dieumerci!Commetunerépondaispasàmestextosetnedécrochaispastontéléphone,j’ai
cruqu’ilt’étaitarrivéquelquechose.Ça,c’estbienvrai.Maisjenesuispasencoreprêteàleluiraconter.Jemedemandesijeseraiprête
unjour,ousijevaisjusteluiannoncermondépartetlequittersansjamaisluiexpliquerquejesais.Maisjen’aipaslaretenuenécessaire.Çasorttoutseuldèsquej’ouvrelabouche.—Tamèreestpassée.—Mamère?demande-t-ilcommesij’étaiscinglée.EllehabiteàBoston…—Peut-être,maiselleétaitlàilyadeuxheures.—Elleétaitlà?Etellen’yestplus?Elleestrepartiesansmevoir?—Ouais,ben,elleafaitcequ’elleavaitàfaire.Je repère l’instant où il comprend ce qui s’est passé pendant qu’il vaquait à ses mystérieuses
occupations.—Chloe.Jenepeuxmêmepasleregarder.Toutescesminutesperduesàl’attendre,àpréparercequej’allais
luidireetcomment,etjesuisincapabledeleregarder.D’ouvrirlabouche.—Chloe,machérie,jet’enprie,cen’estpascequetucrois.—Ahouais,vraiment?Lacolèredéferlesurmoi,etjeparviensenfinàparler.Pasgrand-chose,maisc’estmieuxquerien.—Jet’enprie,netegênepas,explique-moicommentc’estpossiblequeçanesoitpascequeje
crois.Parcequecequejecrois,c’estplutôtatroce,Ethan.Jemepermetsdeledire.Jeveuxquetulesaches.Demonpointdevue,c’estplutôtatroce.—Jesais.Jesais,machérie.Il s’agenouille devantmoi. Je suis toujours assise sur le canapé, et nos visages sont à lamême
hauteur,maisçafaitbizarredelevoiràgenoux.Ethann’estpastellementdugenreàs’agenouiller,etqu’illefassemaintenant…Jenesaispascequeçasignifie.Sitantestqueçasignifiequelquechose.Maisçamedéstabiliseencoreplus.—Jen’ai aucune excuse, avoue-t-il, affolé.Aucune excusepour le rôle que j’ai jouédans cette
histoirequit’afaittantdemal.Sijepouvaisrevenirenarrière,jen’hésiteraispas.Pasuneseconde.—Pourquoias-tufaitça?Pourquoi luias-tudonnél’argent?Tunemeconnaissaispasencore,
maisaucunefillenemérited’êtretraitéeainsi…Lavoixbrisée,jen’essaiemêmepasdepoursuivre.Iln’apasbesoinquejeledise.Ilsaitdéjà.Ilsait.—Mamèrem’aracontéquetonpèrelesfaisaitchanter.Quec’étaitunescrocquiavaitdécidéde
s’enprendreàeuxetqu’ilseservaitdetoipourleurextorquerdel’argent.—Ettulesascrus,justecommeça?Commentest-cepossible?Tuesintelligent.Commentas-tu
puaccepterdelescroire,surtoutquandonsaitquetonfrèreestunvraiconnard?Commentas-tupudéciderqu’ilsdisaientlavéritéetquejementais?—Maisjenelesaipascrustoutdesuite!D’abord,j’aifaitdesrecherches.J’aidécouvertqueton
pèreétaiteneffetunescroc.Qu’ilavaitréellement,toutesavie,soutirédel’argentàdesgensqu’il
considérait comme des poires. Et que tu n’étais pour lui qu’un instrument parmi d’autres. Unenouvellefaçond’obtenirdupognon.—Tuascruquej’étaiscommelui.Tuaspenséqueducoup,c’étaitcorrectdefaireça.—Oui,j’aipenséquec’étaitcorrect,parcequejecroyaisquetumentais.Jepensaisquetuaccusais
Brandond’unactequ’iln’avaitpascommis.—Tum’aspoignardéedansledos!—Oui.C’estvrai.Etj’ensuisdésolé.Jelesaicrusparcequejelevoulaisbien.Parcequec’était
mon petit frère et que je ne pouvais imaginer, que je ne pouvais croire qu’il puisse faire quelquechosecommeça.—Maisill’afait,Ethan!Ill’afait!—Aujourd’hui,jelesais.Àl’époque,jenevoulaispaslecroire.—Maistun’avaispasdedifficultéàcroirequej’inventeraisquejem’étaisfaitvioler.—Jeneteconnaissaispasencore.—Çaauraitchangéquelquechose,situm’avaisconnue?—Est-cequelaquestionseposeseulement?demande-t-il,lesyeuxbrillantsdemilliersd’éclatsde
folie.—Tuasl’impressionquec’étaitunequestion?—Évidemmentqueçaauraitchangéquelquechose!Queçachangequelquechose!Tunecrois
pasque jesuisconscientdemonerreur?Tunecroispasqueçame tueque lepetit frèreque j’aitoujoursprotégéaitjouéunrôledansladestructiondelaseulefemmequej’aiejamaisaimée?Laseulequej’aimeraijamais…Etqu’àtraverslui,j’aiejouéunrôle,moiaussi…—Danscecas,pourquoim’as-tumenti?Situestellementdésolé,pourquoinem’as-tujamaisdit
cequi s’étaitpassé?Pourquoim’as-tu laissée l’apprendrede tamère,commesiellen’étaitpas lapire personne pourme le révéler ? Tu as eu tout le temps et toutes les occasions dumonde, cesdernièressemaines.Pourquoin’as-turiendit?—J’aiessayé.Tunepeuxpassavoircombiendefois,cestroisdernièressemaines,j’aiessayéde
tel’avouer,Chloe.Etpuis,tuasdécrétéquelesujetétaittabou,etjemesuisditquej’allaispeut-êtrem’ensortiràboncompte…Jerepenseàcettenuit,àtoutessestentativespourmecommuniquerquelquechoseetaufaitqueje
l’aifait tairechaquefois.Cesouvenirmerendmalade,surtoutquandjecomprendsquej’auraispuévitertoutça.Siseulementj’avaisécouté.Siseulementjen’avaispasessayédemecacher.Monchampdevisionrétrécitunpeu,et,pendantquelquessecondes,j’aipeurdem’évanouir.Mais
la raison vient à mon secours. Ainsi que la colère, et un triste sentiment d’outrage lorsque jecomprendscequ’ilvientdedire.—Tuasvraimentcruquetupourraiséviterdem’enparler?Quejenedécouvriraispaslavérité?
Jamais?dis-je,incrédule.—Biensûrquenon.Tuesbientropintelligente,tuauraisdécouvertlepotauxrosestôtoutard.
Mêmesansl’intermédiairedemamère.—Danscecas,pourquoi?—Jevoulaisréparermonerreur.Réparerlemalquej’avaisfait.Jepensaisquesijem’yprenais
bien,personnenesauraitcequit’étaitarrivé.MaisquejepourraisquandmêmeempêcherBrandondefairedumalàuneautre filleoud’abuserde sonpouvoir.Tunevoispas? Jenepeuxpas t’aider,Chloe.Jenepeuxpaseffacerleschoseshorriblesquitesontarrivées.Maisçafaittroissemainesquej’essaie de trouver lemoyen de te rendre justice. J’ai engagé des détectives privés pour tenter deretrouverlapiste,dénicheruntémoindecequis’estpassécettenuit-là.Ouuneautrenuit,avecune
autrefille.Quelqu’unquin’auraitpassignéd’accorddenon-divulgation.Quelqu’unquinerisquepasdepoursuitess’ilparle.J’aifaittoutmonpossiblepoursaboterlacandidaturedeBrandonauSénat.C’est pour ça quemamère s’est pointée. Et c’est aussi pour cette raison que tu t’es retrouvée encouverturedecesmagazines.Ellesebatbecetongles,etpasàlaloyale–çaneseraitpassonstyle.Elleadécidédetedétruire,etc’estmafaute.J’aiessayédeteprotéger,d’arrangerleschosespourtoi,ettoutcequej’airéussiàfaire,c’estempirerlasituation…» J’ai travaillé toute la journée avec une équipe de détectives privés. On a passé en revue les
preuvesquejepeuxutiliserpourforcerBrandonàseretirerdelacampagne.Etjechercheencore.Jesuistoujoursdécidéàlefairepayerpourcequ’ilt’afait.Jemedisaisquesijeparvenaisàlefairesouffrirautantqu’ilt’afaitsouffrir,tumepardonneraispeut-êtrelemalquej’aicontribuéàtefaire.Ilsetait,haletant,etattendmaréponse.Ilvoudraitquejeluidisequejecomprendscequ’ilfaitet
pourquoi.Maislavérité,c’estquejenecomprendspas.Jeneluiai jamaisdemandédemevenger.Toutcequejeluiaidemandé,c’estdem’aimer.Etdemelaisserl’aimer.Pourtant,voilàoùnousensommes.Blessés,démolis,notrerelationflinguée,ettoutçaparlafaute
de personne d’autre que nous-mêmes.Moi, parce que j’ai institué cette règle débile concernant lepassé,etluiparcequ’ilyaobéialorsqu’ildétenaitunsecretaussidestructeur.Incapabledemeretenir,jeprendslamaind’Ethanpourluicaresserlapaumeavecmonpouce.—Jenepeuxpascontinuer,Ethan.Pourlapremièrefois,ilpanique.—Nedispasça!—Jen’aipaslechoix.—Maissi.—Non.Jevoudraism’appuyersurlacolèrequej’éprouvaisilyaquelquesminutes,maiselleadisparu.Il
nerestequeladouleur,lechagrinquijaillitduplusprofonddemoietremplittouslesinterstices.—Jet’aime.Et jesaisquetum’aimesaussi.Maisparfois,çanesuffitpas.Cetterelation…cette
addictionl’unàl’autre,alimentéeparlesévénementsdupasséetledésirauprésent…çanousdétruit.—Non!protesteEthanensecouantlatête.Il s’agrippe à ma main comme à une bouée. Comme s’il se noyait et que seule ma main le
maintenaitàlasurface.—Chloe,notrerelation,c’estlaseulechosepositivedansmavie.—Alorspourquoiest-cequetufaistoutletempstoutfoirer?Lacolèreestrevenuecommeelleétaitpartie.—Pourquoi est-ce que tume repousses tout le temps ?Sans cesse ?Pourquoi est-ce que tume
forcesconstammentàtequitter?—Cen’estpascequejeveuxfaire.—Çanesuffitpas. Je te faisconfiance.Après toutceque j’aidécouvert, toutcequis’estpassé,
j’arrive encore à trouver lemoyen de te faire confiance. Et chaque fois, tu trahis cette confiance.Chaquefois,tutrouveslemoyen,toi,denepasmefaireconfiance.—Maissi,Chloe,jetefaisconfiance!Jeteconfieraismavie.—Peut-être.Peut-êtrepas.Maiscequiestsûr,c’estquetunemeconfieraispastoncœur.— Comment peux-tu dire ça ? Je ferais n’importe quoi pour toi. Je sais que j’ai commis des
erreurs.Jesaisquejet’aicachédeschosesquetuauraisdûsavoir…—Aupointoùonenest,Ethan,cen’estpaslefaitquetunemel’aiespasditquimegêne.C’estla
raisonpourlaquelletunemel’aspasdit.Etlaraisonpourlaquelleonrecommencetoujourslamême
histoire. Quand tu as découvert que Brandon était mon violeur, ta première réaction a été de mequitter!—Tuétaistellementfragile…Jenevoulaispasteblesserencoreplus.—Et quand je t’ai dit que je ne supportais plus lesmensonges, tum’as laissée partir. Tum’as
laisséesouffrirtouteseulependantdeuxsemaines.Etsijen’avaispasfaitungesteverstoidevantlerestaurant,onseraitsansdouteencoreséparés.—Jet’avaisdéjàfaittantdemal…Commentaurais-jeputeblesserdavantage?—Etmaintenantça.Tusavaisdepuis ledébutquec’était toiquiavaispayémesparents,et tune
m’asriendit.Aulieudemefaireconfiancepourcomprendre,tum’asabandonnéeauxgriffesdetamère.Alorsquej’étaiscapablededépassercequiétaitarrivéilyacinqans,pourmeconcentrersurcequenouspartageonsaujourd’hui.—Commentaurais-jeputedemanderça?Commentaurais-jeputerévélerquejet’avaistrahie,et
ensuiteattendrequetul’acceptes?—Parcequec’estça,laconfiance!Direàl’autreleschosesdifficiles,etsavoirqu’ilseraquand
mêmelà.Savoirqu’iln’abandonnerapas,nepartirapas,quellesquesoientteserreurs.Tun’asjamaisfaitça.Pasunefois.Comment tupensesqueçapeutmarcher,à l’avenir?Tuvas justecontinueràmentir par omission ?Tu t’abstiens demedire ce qui pourrait nous faire dumal ?Tume laissesdécouvrirlavéritédelapirefaçonpossible?Etensuitetumedisquetum’aimesettumesuppliesderester?Ethanouvrelabouchepourprendrelaparole,maisiln’arienàrépondreetillesait.Ilsecouela
têteetdétournelesyeux.—Àcombiendedernièreschancespenses-tuavoirdroit?Jedoispardonnercombiendefois?Lesyeuxbaissés,ilcontinuedesecouerlatête.—Jenesaispas…—Et?C’esttoutcequetuasàdire?Aprèstoutça?C’estcommeçaquetuclosledébat,avecun
«jenesaispas»?Il ne répond pas, ne lève même pas les yeux vers moi. Alors, moi, je sais. Je peux rester ici
éternellement,àluidonnerconstammentunenouvellechance,sansqueçasuffisejamais.—Aurevoir,Ethan.Jemepenchepour luieffleurer la joued’unbaiser.Puis je ramassemonsacàdosetmedirige
lentement vers le couloir et la porte d’entrée. Je descends la colline, priant à chaque pas pourqu’Ethanmerattrape.Pourqu’ilnemelaissepaspartir.Mais il n’en fait rien,neprotestemêmepas.Une fois arrivéeprèsdes installationsvinicoles, je
demandeRodrigo.Deuxminutesplustard,jelevoisarriveretécarquillerlesyeuxdevantmonsacàdos.—Vousnousquittezdéjà,Chloe?—Oui.Jemedemandaissivouspourriezmeconduireàl’aéroport.—Biensûr.MaisoùestEthan?Nesachantquerépondre,jerestesilencieuse.Jemecontentedehausserlesépaules,commesiça
valaituneexplication.Rodrigon’insistepas.
Chapitre23
—Jecroisquejevaisappelerlemédecin.Voirs’ilpeutmefilerdeshormones.Toris’assiedàtableenécartantlesjambesavecostentation.—Qu’est-cequinevapas?Tuesmalade?dis-je,inquiète.—Non,jecroisjustequejecommenceàavoirdesboules.—Desboules?Tuveuxdiredesganglions?Jelaissemesquestionsensuspenslorsquejecomprendscequ’elleveutdire.—Nonmaisfranchement!Etmoiquim’inquiétaispourtoi.— C’est moi qui m’inquiète pour toi. Tous ces « je t’aime, moi non plus » avec Ethan, c’est
tellement tordu que ça commence vraiment à me foutre les boules. Tu passes ton temps à medemander de m’adapter à une chose et son contraire. Tu l’aimes, tu le détestes. Tu l’aimes, tu ledétestes.Jenecomprendsjamaisdequelcôtédelabarrièrejedoismesitueràteloutelmoment.—C’estdesconneriesettulesaistrèsbien.Enplus,jen’aijamaisditquejedétestaisEthan,etje
net’aipasdemandédeluienvouloir.Nememetspastoustesproblèmessurledos.—J’aimeraisbienéchangermesproblèmesaveclestiens,déclare-t-elleenversantdulaitdansla
tassedecaféquejeviensdeposersansménagementsurlatabledevantelle.Parcequej’aibeauêtretordue,jesaisreconnaîtrequelquechosequimarchequandjel’aisouslenez,crois-moi.—Quelquechosequimarche?Là,c’esttoiquimefouslesboules.Tun’aspascessédehaïrpuis
d’adorerEthandepuisquejel’airencontré.—C’est parceque je suis tirailléepar tonyo-yoémotionnel.Mais franchement,Chloe, c’est un
mecbien.Mieuxquelaplupart.Lamoindredeschosesseraitqueturegardescequ’ilt’aenvoyé,cettefois.Elledésignelecartonferméquiattendprèsdelaporte.C’estencoreuncadeau–lesixièmedepuis
que je suis rentréedeNapa.Àmoinsquecenesoit lemême. Jenesaispas. Jen’aipasouvert lesautres,etjenecomptepastoucheràcelui-ci.Pourquoimetorturerenledéballant?Quelquesoitsoncontenu,ilnepeutrésoudrelesproblèmes
qu’Ethanetmoi rencontrons, alorspourquoime fairedumal? Je saisqu’ilvameplaire, et jeneveuxplusjamaisaccepterdecadeaudelui.Dès l’ouverturedubureaudeposte, jevais le lui renvoyer,commelesprécédents.Jeferaissans
doutemieuxdelesrefuserdirectementauprèsdulivreur–lesfraispostauxcommencentàfaireunsacrétroudansmonbudget.MaisToriseprécipitetoujourssurlaporteavantmoi,etelleesttoujours«ravied’accepteruncolis».—Ilfautquejem’habille,dis-jeenfinissantd’untraitmoncafébouillant,quimebrûlelalangue.
J’aiunentretiendansuneheure.Je postule comme serveuse dans un restaurant qui requiert que l’on porte l’uniforme le plus
minimalistequisoit.JemesuisbiengardéedeledireàTori.Elleauraituneattaque,exigeraitquejereste chez elle sansme soucier du loyer.Mais ça fait trop longtemps que je vis à ses crochets, etmaintenant que j’ai démissionné de mon stage à Frost Industries, il faut que je m’occupe. Passeulementpourgagnerdel’argent,maisaussipourmasantémentale.Aprèssixjourspassésassiseiciàregarderlesmurs,jesuiscommeunlionencage.— Mais ça aussi, ça me rend dingue ! Laisser tomber le stage que tu as bossé si dur pour
décrocher!Ettonmaster?Tonavenir?—Attends,arrêted’inverserlesrôles.Cen’estpastoiquim’asditetrépétéquecestagen’avaitpas
d’importance,etqu’ilfallaitquejedémissionne?—Mais ensuite tum’as convaincuedu contraire. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas
d’avis.—Exactement, renchéris-je enme forçant à sourire.C’est justement ce que j’ai fait.Au revoir,
stage,bonjour,serviceensalle.—Tuesidiote,assèneTorienselevantsanstoucheràsoncafé.—Non.Avant,j’étaisidiote.Maintenant,jesuisréaliste.—Tunecroispasqu’ilyadéjàassezderéalismesurterre?Ethantefaisaitvivreuncontedefées,
Chlo.Tuauraisdût’accrocherdesdeuxmains.C’estcequen’importequelleprincesseDisneyauraitfait.—Grandbienleurfasse!Tuasvucommentellesfinissent?—Ellesviventlongtempsetheureuses?—Non,ellessontpoursuiviesparlegrandméchantloup.Ouparlaméchantesorcièredesmers.
Oupar…—Tumedéprimes.—C’estparcequejesuisdéprimée,réponds-jeenm’éloignantversmachambre.—Exactement!EtsisortiravecEthantepermetd’êtremoinsdéprimée,jepensequetudevraisle
faire.—Maisc’estjustementdesortiravecEthanquim’adépriméepourcommencer.Ignorant le faitqu’ellem’a suiviedansmachambre, je commenceà sortirdesvêtementsdema
garde-robe.Comment est-on censée s’habiller pour un entretien d’embauche dans ce qui n’est pasloind’êtreunbaràstrip-tease?C’estbienmaveinequ’ilssoientlesseulsàrecruter!—Tuesinfernale!s’écrie-t-elleenlevantlesbras.—Infernale,idiote…Tori,situmedisaisplutôtcequeturessenspourdevrai?—Trèsbien.Tunedevraispasfaireça.Ellem’arrachedesmainsmonuniqueminijupeetlajetteparterre.Jefeinsdememéprendresurlesensdesespropos.—Jenedevraispasalleràunentretiend’embauche?—Tusaistrèsbiencequejeveuxdire!rétorque-t-elleenlevantlesyeuxauciel.Pourquoiest-ce
quetun’acceptespasl’invitationdeMilesàallerlevoir?Ilsemblaitsincèrequandilaappeléhierpourprendredetesnouvelles.—Pourquoiveux-tuquejeretournelà-bas?RendrevisiteàMilesimpliquedevoirmesparentset
jenemesenspasprête.—Tun’asqu’àrencontrerseulementtonfrère,danscecas.Iln’habitesûrementpluschezeux.—Non,maismesparentsl’apprendrontetjenepeuxpaslesaffronter.Pasaprèsavoirtoutfaitfoirercommeça.—Jet’accompagne.Jeseraitongardeducorps,jelesmaintiendraiàdistance.Ilsnemefontpas
peur,dit-elleenmontrantsesminusculesbiceps.—Jen’endoutepas.Maisjen’aiaucuneenvied’assisteràcespectacle.—Tun’asaucuneenviedequoiquecesoit,encemoment,Chloe.C’esttoutleproblème.—Ettoi,tuaspleind’idéessurcequejedoisfaireetoù,toutd’uncoup!Pourquelqu’unquine
rentre jamais chez sesparents, tu esbienprompte àme fournirdebonnes raisonsdeme rendre àBoston.
Àmagrande surprise,Tori est incapablede répondre.Les jouesd’un rosevif assez intéressant,ellebredouilleetbégaie.Maisellefinitparreprendrecontenance.—Faux.Jevoisquetun’espasbien,etjeneveuxpasqueçaempire.—Jenecroispasqueçapuisseempirer,dis-jeentoutehonnêteté.J’enfileunepetiterobed’étéquimefaitdejoliesépaules.J’imaginequeçanepeutpasnuire,pour
cegenred’entretien.—Chloe,mapuce,onn’ajamaistouchélefond.Lepirerestetoujourspossible.—C’estcommeçaquejet’aime!Pessimistejusqu’auboutdesongles!J’aicruquejenereverrais
jamaislaToriquejeconnais.Jeluitapotelajoued’unairfaussementréjoui.Elletournelatêtepourmemordrelesdoigts.Justequandjeretirevivementmamain,quelqu’un
frappeàlaporte.—J’yvais!crie-t-elleens’élançantdanslecouloircommeunedératée.Je songe à lui emboîter le pas, à tenter de la prendre de vitesse, mais çame demanderait trop
d’effort.Cestemps-ci,toutmedemandedesefforts;cen’estpasbonsigne.Peut-êtrequejesuisvraimentdéprimée.Nevoyantpas revenirTori, je supposequ’unvoisinestpassé luidirebonjour.Çaarrive tout le
temps.Mais, après avoir fini dem’habiller – ce qui neme prend que deuxminutes car je nemedémènepasvraimentpourdécrocherce job,alorsque jedevrais–, jemedirigevers lacuisineettrouveToriassiselà,ungrandcouteaubrandiau-dessusd’uncolis.—Qu’est-cequetuascommandé?dis-jetoutenmedemandantsijemangeavantouaprèsmon
rendez-vous.—Rien.C’estpourtoi.Delapartd’Ethan.Etsousmesyeuxhorrifiés,elleplongelecouteauàtraverslerubanadhésif.—Pourquoituasfaitça?!Jemejettesurellepourluiarracherlecouteau,maisellesedébat.—Non,bordel!Tutecomportescommes’iln’yavaitquetoiquisouffraisdelasituation,mais
c’estfaux.Premièrement,tuestellementdépriméequej’aipeurquetunetefassesrenverserparunevoitureparcequetuneregardespasoùtumarches.Etdeuxièmement,jesuisunêtrehumain,etsijenedécouvrepaslecontenud’aumoinsl’unedecesboîtesquetureçois,jevaisdevenircinglée.J’aisignélebordereau,donclesdéssontjetés.—Jeneveuxpassavoir.Ellehausselesépaules,sanscessertoutefoisdetailladerlepaquet.—Trèsbien.Maismoisi.Je me détourne et regagnema chambre comme si ça neme dérangeait pas qu’elle ouvremon
cadeau.Maisilnemefautquecinqminutespourrevenir,brûlantd’enviedesavoircequecontientlaboîte–mavolonténetientquedevantlescolisfermés,semble-t-il.Je m’attends à trouver des bouts de papier plein la cuisine – Tori est un peu trop enthousiaste
lorsqu’elledéballeunprésent–,maislecartonestposésagementsurleplandetravail.Ouvert,maispasdéballé.Merde.Jedécidedem’éloigner.Illefaut,pourmasantémentale.Maisjemesurprendsàm’approcherdelaboîte,l’enviedel’ouvrirmedémange.Commepourles
précédentes.J’airéussiàrésisterauxsixpremières–uneparjourdepuisquej’aiquittéEthanàNapa–,maisà
présent,aveclepaquetouvertetlesparolesdeToridanslesoreilles,jenesuispasdetaille.Malgrétoutesmesconvictions,jesoulèvelesrabatsetjetteunregardàl’intérieur.Etjerestesans
voix. Car au lieu des nombreuses petites attentions qu’Ethanme fait parvenir d’habitude, il n’y aqu’unseulcadeau.Je plonge desmains tremblantes dans la boîte pour en retirer un petit écrin niché aumilieu du
carton.Jevoudraislereposer,maisj’ensuisincapable.Jene sais pas àquoim’attendre.Uncollier, desbouclesd’oreilles, peut-êtreunebague avecun
diamant…mêmesijen’avoueraisàpersonne–mêmepasmoi–quej’aicaressécetteidée.Maiscen’estriendetoutça.Jedécouvreunegourmetteenplatine,dontlesmaillonssontaussirobustesqueceuxdemachaînedetaillesontdélicats.—C’estquoi,cesconneries?!s’écrieTori,déçue.J’étaiscertainequeceseraitunebague.Elletendlamain,maisjeretirel’écrinetleserrecontremapoitrine,façonGollum.Jem’abstiens
seulementdesusurrer«monprécieux»d’unevoixsifflante.Carjecomprendscequesignifieceprésent,etpourlapremièrefoisdepuisquej’aiquittéEthan,
une lueur d’espoir s’allume en moi. Ce n’est qu’une étincelle, mais c’est plus que ce que j’avaisjusque-là.Depuissixjours.Peut-êtremêmedepuistoujours.Lorsquelasonnetteretentituneminuteplustard,jesensl’étincellesetransformerenuneflamme
minuscule.Capable,peut-être,derepousserlefroidglacialquim’étreint.
Chapitre24
—J’yvais,annonceTori.C’est une bonne chose, car je suis pétrifiée.Elle attrape ses chaussures et son sacVuitton avant
d’ouvrirlaportedansungrandgestecérémonieux.Sans surprise,Ethan se tient sur le seuil, pâle et amaigri.Tori le toisede la tête auxpieds, sans
trahirlefaitqu’ellemilitesansrelâchepourluidepuisdesjours.—Déconneencoreunefois,etjetecoupelescouilles,déclare-t-elled’untonhautain.Surcesbonnesparoles,elles’enfuit,seglissantparlaporteavantmêmequej’aiedécidécomment
saluerEthan.Maiscen’estpasgrave,carjen’enaipasletemps.Ilapparaîtdanslacuisine,unénormebouquetà
lamain,toutsonamourécritsursonvisage.—Tuavaisraison,dit-il.—Àquelpropos?Unepetitevoixmeditquec’estlemomentleplusimportantdemonexistence,alorsautantquetout
soitbienclair.C’estunbonconseil.Dommagequemoncœurbatte si fortque je risquedenepasentendreunmotdecequ’ilaàmedire.C’estunproblème.Maisjesuisbiendécidéeàlerésoudresiçamepermetd’entendrelabellevoix
d’Ethan.Etderegardersonvisagemagnifique.Ilestplusbeauquejamais,malgrésescernesnoirsetsespommettesdevenuessaillantes,commesespoignetsetsesclavicules.—Detout.Ils’assiedàtableet,sansmetoucher,mefaitsignedelerejoindre.—Tuveuxbient’asseoir?Tuaccepteraisquejeteraconteunehistoire?—Biensûr.Jemeprécipitesurunechaiseavecunetellehâtequejemanquedemecasserunejambe.Jem’attendsàcequ’ilcommencesonrécitdèsquejesuisinstallée,maisnon.Ilmeprendlamain,
etlesminutess’écoulentsansqu’ilfasseriend’autrequelacaresseravecsonpouce.Jepatiente,sansmêmesavoirsic’estlameilleureattitude.Devrais-jeplutôtlepousser,tenterdesavoircequ’ilveutmeconfier?Devrais-je…—Tusaisquemonpèreétaitsoldat,pasvrai?—Biensûr.Lemondeentierestaucourant.—Ettusaisaussiqu’ilestmortaucombatquandj’étaispetit.—IlareçulaMédailled’honneurduCongrès.—Eneffet.— C’est pour ça que tu t’es lancé dans la recherche biomédicale, n’est-ce pas ? Pour aider à
développerdestraitementsquipermettentdemieuxsoignerlessoldats.—Oui.Denouveau,j’attendslasuite,interminablement.Maislorsqu’ilreprendlaparole,çarachètetous
lesnon-dits,touslesmanquesdeconfiancedupassé.—Lejouroùilestpartipoursadernièremission,jel’aisuppliédenepasyaller.Ilétaittoutle
tempsabsent,tusais,jamaislàpourtoutesceschosesauxquellesassistaientlesautrespapas,etj’en
avaismarre. Je devais jouermon premiermatch de baseball le samedi suivant, et je voulais qu’ilvienne.Jevoulaismonpèreàlamaison.—Çapeutsecomprendre.—Oui. Je sais. J’étais juste un gamin qui veut son papa.Mais deux jours plus tard, quand est
arrivéel’heuredesondépart,j’airefusédesortirdemachambre.Jenevoulaispasluidireaurevoir.Quandilaessayédemeprendredanssesbras,jeluiaiditquecen’étaitpaslapeinequ’ils’embêteàrevenir.Ques’ilnepouvaitpasêtreunpapacommeceuxdemesamis,jenevoulaispasdelui.Cesontlesderniersmotsquejeluiaiadressés.—Oh,Seigneur!Ethan…Jetendslesbraspourleserrercontremoi,etilnemerepoussepas,maisneselaissepasnonplus
allerdansmonétreinte.Ilsecontentederesterassis,commeanesthésiéparsonrécit.—Jen’avaisjamaisracontéçaàpersonne.—Jem’endoute.Mercideteconfieràmoi…—Jet’aime,Chloe.—Jesais.—Etcen’estpasàtoiquejenefaispasconfiance.C’estàmoi.Jeposelesmainssursesjoues,tournesonvisageversmoiafindepouvoirregardersesyeux,son
expression.—Jenecomprendspas…—Toutemavie,j’ailaissétomberlesgens.—C’estfaux…—Non,c’estvrai.Monpèrevoulaitquejeprennesesabsencescommeunhomme.Ilvoulaitqueje
sois l’homme de lamaison quand il n’était pas là.Maismoi, je lui disais que je le détestais et jepleuraistouslessoirs.Mamèrevoulaitquejemelancedanslapolitique,commelesmembresdesafamille.Ellevoulaitquejetirepartidesétatsdeservicedemonpèreetquejem’enservepourviserlaprésidencedesÉtats-Unis.Aulieudeça,jemesuistournéversl’ingénieriebiomédicale,etelleaquasimentoubliémonexistence.Ellenem’appellequesielleabesoindequelquechose.Pareilavecmonfrèreetmesgrands-parents.Demêmequ’aveclespetitesamiesquej’aieuesaufildesannées.J’étais justeassezbienpours’éclaterau lit,sortirensemblequelquetemps,mais jamaisassezpourrester.—TueslemeilleurpartidetoutelaCalifornie.—Àcausedemafortune,pasdemesqualités.Ilénonceçacommeunevéritéindiscutable.—Etpuis,tuesarrivée,reprend-il,etdèslepremierinstant,j’aivoulutoutfairebien.Résultat,je
n’auraispaspufoirerdavantage,mêmesijel’avaisvoulu.Jemedemandaissijepourraist’inciteràm’aimer suffisamment. À oublier Brandon et ma mère, et toutes les merdes qui se sont passéesavant…etsi,danscecas,turesterais.Ettoutcequej’airéussiàfaire,c’estàt’éloignerdemoi.—Maisjesuistoujoursrevenue.—Ouais…,acquiesce-t-ilavecunsouriretriste.Jemedemandebienpourquoi.—Tutefousdemoi?TueslemeilleurpartideCalifornie,ettunevoispascequejetetrouve?—Arrêtetesconneries.C’estjusteuntitredemagazineàlacon…—Peut-être.Maisc’estquandmêmevrai.Ilsecouelatêtecommes’ilvoulaitdiscuterdetoutsaufdecetarticle,decetitredejournal.—Jesuisdésolé,Chloe.J’aimerdé.—C’estvrai.
—Jenesaispasquoitedired’autre…—Iln’yariend’autreàdire,pasvrai?Tuasmerdédanslesgrandeslargeurs.Ilsembleécraséparcetacquiescement,déchiré,commes’ilavaittraversél’enfer.Jeconnaiscette
sensation – trop bien, hélas – et ma conscienceme rattrape. Parce qu’il n’est pas le seul à avoircommisdeserreurs,etjeluidoismoiaussidesexcuses.—Tuasmerdé,etj’aiabandonné.Jet’aiquitté,alorsquejet’avaispromisdenepluslefaire.—Tuétaisdanstonbondroit.Jenetelereproche…—Ouais,maismoi,jemelereproche.Tum’asfaitmal.—Jesais.J’aimeraistellementpouvoirtouteffacer,Chloe.Tellement…Machérie,jet’aimesifort
que çame rend idiot, çame fait peur et je suis faible. Je t’aime tellement, je voulais tellement tegarderquej’aifinipart’éloigner.Jet’aiblesséealorsquec’étaitlecontrairedecequejesouhaitais,etjeleregretteraitoutemavie.C’est tout ceque jevoulais entendre, tout ceque j’avaisbesoind’entendre.Çaet lebracelet, les
promessesquibrillentdanssesyeuxoùlatempêtefaitrage,c’estplusquesuffisantpourmoi.Saufque…enréalité,çanesuffitpas.Nipourluinipourmoi.Ethan a fait sonmea culpa, et il ne l’a pas raté. Ilm’a ouvert son cœur pour la première fois,
montrédespartsdeluidontj’ignoraismêmel’existence.Depuis le jouroùje l’airencontré, ils’estmontrésisûrde lui,siconfiant,siparfaitquejen’ai
jamaisimaginéquecenesoitpaslecas.Qu’ilpuissefoireràcepoint.Auxyeuxdurestedumonde,EthanFrostestunsuperhérosparfaitetinaccessible,quipeutsauter
d’unimmeubleàl’autreetsauverlemondeden’importequellemenace.Maisici,devantmoi…c’estjusteunhomme.Humble,abattu,terrifiéd’avoirfoirésicomplètementqu’ilnepeutpasréparerlesdégâts.Etjel’aimed’autantplus.Jel’aimepoursavulnérabilitéquiaprovoquétoutça,etpoursaforce
quivatoutreconstruire.Maisseulementsij’aimoiaussilaforcedetendrelamainverslui.Et je l’ai.Oh,Seigneur,oui, je l’ai, cette force.Parceque lavie sansEthannevautpas lapeine
d’êtrevécue.Ilestmonaddiction,monobsession,monamour.Etjesuislessiens.Tantquejegardecelaentête,jepensequetoutpeuts’arranger.—Tusaiscequejevois,quandjeteregarde?dis-je.—Unconnardquit’afaitdumal?Ilmecontemple,sesyeuxbleussitristesqueçamebriselecœur,ycauseunenouvellefissure.—Pasdutout.Jel’embrasseavantdereprendrelaparole,etlaissemabouchecolléeàlasiennejusqu’àlesentir
frissonnerdesoulagement.—Jevoisl’hommeleplushonorablequejeconnaisse.Unhommequi,lorsqu’ilvoitquequelque
chosenevapas,tented’yremédier.Unhommequitravaillesansrelâcheàaméliorerlaviedegensqu’ilneconnaîtpas.Unhommequidonnetantdelui–àsonboulot,àsescauses,àmoi.Unhommequi,malgrétoutesleshorreursdesonpassé,estdécidéàsauverlemonde,unepersonneouunecauseàlafois.Jel’embrasseencore,carjenepeuxm’enpasser.Parcequejeveuxconsacrerlerestedemavieà
l’embrasser.—Jevoisunhommequiaacceptémapeurdelasexualitéetqui,parsatendresse,sonamouretses
promesses,m’atransforméeenaccroauxgalipettes.Unhommequim’adéfenduequandjenesavaispascommentmedéfendre.Quim’aditqu’ilm’aimaitquandjen’avaismêmepaslecouragedeluidirequ’ilmeplaisait–etquim’aparlédemariage.Unhommequim’aimeàcepoint.Etplusencore.
—Jet’aime,confie-t-il,lavoixetlesmainstremblantes.Etjesuisdésolédet’avoircachélavérité.Désolé que tu l’aies découverte ainsi, et que tu aies cru que je ne te faisais pas confiance. Je suisdésoléparcequepeut-êtrequec’étaitunpetitpeuvrai.Etsurtout,jesuisdésoléquemafamille…Jeluicoupelaparoleparunbaiser.—Nouvellerègle.—Laquelle?demande-t-il.—Tupeuxt’excuserpourdesactesquetuascommis,maispaspourceuxdetafamille.—Ilst’ontfaitdumal.— C’est vrai.Mais c’était il y a longtemps. Et oui, ça m’a démolie pendant une éternité.Mais
ensuitejet’airencontré,etlepasséaperdudesonimportance.Jusqu’àceque…Tusaisbien.—Oui,jesais.Çametuedenepouvoirréparercequit’estarrivé,nieffacerlerôlequej’aijoué.Ilfermelesyeuxetappuiesonfrontsurlemien.—Mais je te promets que Brandon n’aura plus l’occasion de blesser une femme comme il t’a
blessée. J’ai embauché des détectives privés pour trouver d’autres femmes qu’il pourrait avoirviolées.J’aiutilisétoutmonpoidspolitiquepourempêchersacandidaturedegagnerduterrain.Etjesuis arrivé à un accord avecmamère concernant son ingérence – dans notre vie comme dans sacampagne.—Tun’avaispasbesoindefaireça.Lorsqu’ilouvrelesyeux,ilsbrillentdecolèreetderegret.—C’est lamoindredeschoses,aucontraire.Quandjepenseauxannéesdesouffrancequetuas
traversées, et au tempsdont il adisposépour fairedumal àd’autres femmes…Jenepouvaispasfairemoins.Etmamèreatentédeteblesserpersonnellement…C’estpourtoutçaquej’aimecethomme.—Tamère n’a aucune importance. La seule chose qui compte, maintenant, c’est toi et moi, et
l’avenirquenousallonsbâtirensemble.Ilacquiesce,sonregardchargéd’uneintensitéquejeneluiaijamaisvue.—Çameva.Àunecondition.—Laquelle?dis-jealorsquejeconnaistrèsbienlaréponse.—Quetum’épouses.—Jet’aidéjàditquejefiniraisparlefaire.Ilsourit.—Laisse-moireformulermademande.Épouse-moiaujourd’hui.—Aujourd’hui?Maisonneseconnaîtmêmepasdepuisdeuxmois!—Etalors?Tucompteschangerd’avis?—Biensûrquenon!—Danscecas,qu’est-cequeçachangequ’onsemarieaujourd’huioul’annéeprochaine?Ilarboreungrandsourire,maisjedécèlel’incertitudesursonvisage,etsoudainjenevoisaucune
raison d’attendre un jour de plus, encoremoins un an. Je tends lamain vers l’écrin et en sors lebraceletsousleregardattentifd’Ethan.Jel’ouvreetl’étalesurlatabledevantlui.—Tusaiscequeçasignifiepourmoi,n’est-cepas?Illeregarde,lesmâchoiresserrées.—Oui,jesaistrèsbien.Il tend lamain et nous regardons tous deux, solennels etmuets, alors que je fixe la gourmette
autourdesonpoignet.
Puisjel’attireversmoietl’embrasseavecpassion.—Tuesàmoi,dis-je.Ilpasseunbrasautourdemataille,glissantlesdoigtssousmesvêtementspourcaressermachaîne.
Lesmaillonsdesdeuxbijouxsontidentiques.—Depuistoujours,Chloe.Etpourtoujours.C’estlameilleureréponse.D’unautrecôté,c’estEthanFrost.Ilatoujourslabonneréponse–sauf,
biensûr,quandcen’estpaslecas.Maisçameva.Mieuxqueça,même.Carilm’appartientetjeluiappartiens,etleresten’aaucuneimportance.Soudain,sonidéenemesembleplussimauvaise.—Tusais,LasVegasn’estqu’àuneheured’avion.Tucroisquetupeuxnoustrouverdesbillets,à
ladernièreminutecommeça?Ilmedévisage,bouchebée.Puisilsouritduplusgrandsouriredumonde.—Peut-être,peut-êtrepas.Maisjesaisoùtrouverunhélicoptère.
Épilogue
Encetinstant,jen’aijamaisrienvudeplusmagnifiquequ’elle.Etcen’estpasrien,quandonsaitcombiendefoiscettepenséem’estdéjàvenue.NoussommesdansmondomaineviticoledeToscane,etlesvigness’étendentàpertedevue.Endébutdesoirée,leciels’embrasedeteintesocre,rougeetor.Labeauté–riche,puissante, inoubliable–apparaîtdanschaquepoucedeterrain,chaquebouffée
d’air.Etmalgrétout,ChloeGirardFrostestcequ’ilyaicideplusbeau.Encetinstant,ellesetientpiedsnusaumilieud’unancienpressoiràvin,seslongscheveuxroux
volantauvent, sa jupecoincéeentre sescuisses.Ellea lespiedsbordeauxalorsqu’ellepiétine lesgrappessansrelâche,etsesmainssontposéessursonventrearrondi.L’un des vignerons s’adresse à elle, et je la vois rejeter la tête en arrière pour rire à gorge
déployée.C’estunsonsublime,magique.Etquipourmoin’irajamaisdesoi.Elleestentréedansmavieilyaunan,uneannéependantlaquelleellem’aentièrementretourné.
Elle a creusé enmoi,m’a ouvert.Mis à nu.Et je ne regrette pas un seulmoment que nous avonspartagé.Ellem’adonnétoutcequimemanquait,alorsmêmequejen’enétaispasconscient.Toutcedont
j’ignoraisavoirbesoin…Parfois,jemeréveilleaumilieudelanuit,lecœurbattant,lesoufflecourt,lesmusclessitendus
qu’il me semble que je vais me casser en deux. Terrifié à l’idée qu’elle soit partie. Que je l’aieperdue.Maiselle est là, et samain trouve lamiennedans l’obscurité, soncorpsépouse lemien siparfaitement…Danscesmoments-là,jesaisquejepourraismourirpourelle,tuerpourelle.Elleditquejesuissonaddiction,sonobsession.Çan’estquejusticecarelleestautantpourmoi,et
plusencore.Elleestmoncœur,monâme,montout,etellel’aétédepuisl’instantdenotrerencontre.Jenesaispascequej’aifaitpourméritercettebénédiction,maisjeremercielecieltouslesjours.
Et chaque matin, je fais le vœu de prendre soin d’elle et de notre enfant à naître. De la rendreheureuse.Delafairesourire.Parcequ’elleestbelle,àl’extérieurcommeàl’intérieur.Belle,parfaite,etmienne.
REMERCIEMENTS
Je ne sais même pas par où commencer. En premier lieu, je dois remercier Sue Grimshaw etGinaWachtelquisesontmontréestellementadorables.Mercidem’avoirsupportéetoutaulongdel’écrituredecelivre.Jesaisquej’aiétéhorribleet jevoussuisinfinimentreconnaissantedevotreaide,devotresoutienetdevotrecompréhension.J’aibeaucoupdechanced’écrirepourvous.Merci,merci,merci!Jeremercietoutel’équipedeRandomHouse,ycomprisMadelineHopkinsquiaréussid’excellentescorrections dans un délai très serré, Penelope Haynes qui supporte mes retards chroniques ets’occupe de mes livres à merveille, Matt Schwartz, Kimberley Cowser et April Flores dont lesbrillantesstratégiesmarketingm’ontvaluuncertainsuccès.Merciàvous tous.Travailleravecdesgenscommevousestunebénédiction.MerciàEmilySylvanKim,monagentetamietrèschère.Tumesauvesdelafolie,etjenesaispascequejeferaissanstonsoutien!Merci à Emily McKay, Shellee Roberts et Tera Lynn Childs pour les brainstormings, lesencouragements,etlescoupsdepiedauculquandj’enavaisbesoin.Peut-êtrequesansvous,jeseraiscapabled’écrire,maisjen’enauraiscertainementpasenvie!MartinTorres,mercimillefoispourl’idéedufeudeforêt…etsurtoutpourtonamitiéettonsoutien.Avectoi,toutestbienplusdrôle.Jet’adore!Merci,maman,pourtonaideprécieuseàlamaison,etpourtonécouteconstante.Jet’aime.Etpourfinir,merciàtousmesprochesdes’êtreadaptésàmonplanningdélirantetd’avoircontinuéàm’aimermalgrétout.Jevousaime.Sansvous,riendetoutcelaneseraitpossible.
TracyWolffenseigne l’écritureà l’université,etpasse leplusclairdeson tempsplongéedans lesuniversdesoninvention.Mariéedepuisdouzeansauhérosdesesrêves,elleestl’heureusemamande trois garçons qui s’appliquent à lui faire s’arracher les cheveux. Tracy a signé de nombreuxromans,relevantaussibiendelafictioncontemporainequeduparanormaloudususpenseérotique.
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Backstage:1.Déchaîne-moi2.Enlève-moi3.Emporte-moi
EthanFrost:1.Dévastée2.Enchaînée
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MiladyestunlabeldeséditionsBragelonneTitreoriginal:AddictedCopyright©2014byTracyDeebs-ElkenaneyPublié avec l’accord de Ballantine Books, une maison du groupe Random House Publishing, undépartementdeRandomHouseLLC.Tousdroitsréservés.©Bragelonne2016,pourlaprésentetraductionPhotographiedecouverture:©ShutterstockL’œuvreprésente sur le fichierquevousvenezd’acquérirestprotégéepar ledroitd’auteur.Toutecopieouutilisationautrequepersonnelleconstitueraunecontrefaçonetserasusceptibled’entraînerdespoursuitescivilesetpénales.ISBN:978-2-8205-2534-5Bragelonne–Milady60-62,rued’Hauteville–75010ParisE-mail:info@milady.frSiteInternet:www.milady.fr
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