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LE GRAND OEUVRE - Grillot de Givry
LE GRAND UVRE
XII MEDITATIONS SUR LA VOIE ESOTERIQUE DE L'ABSOLU
GRILLOT DE GIVRY
LE MYSTERIUM MAGNUMAu-dessus de nous, dans les sphres ternelles
d'o manent la Lumire et la Vie, rgne le mystre, insondable et
splendide, de l'Absolu.L'Absolu enserre notre tre comme un
involucrum, et borne le cercle troit de nos concepts prcis ; en
toutes choses il a imprim sa commonfaction.Tnbres, Inconnu pour
ceux qui n'ont pas la Science, il n'est qu'un voile qui recouvre la
Cause Premire, et qui se lve devant les Initis.Heureux celui qui
l'aura su dchirer avant l'heure ! car la Lumire qu'il connatra dj
ne l'blouira pas par sa vision inattendue.Mais que ceux qui se
seront complu dans l'inexistant craignent que, pour eux, le gardien
du seuil ne soit oblig de l'carter lui-mme !Alors, la vue de ce
qu'ils n'avaient jamais souponn, de ce qu'ils avaient contemn
peut-tre, ils tomberont anantis dans les profondeurs du chasme, o,
n'ayant plus conscience d'eux-mmes, ils perdront leur entit et ne
se retrouveront plus !O la paucit et la parvit des doctes, en cet
instant dcisif ! Que de regrets d'actes non accomplis, de projets
non excuts ! Combien, ne pouvant rparer les omissions et les
erreurs, devront, imparfaits, incomplets, impurs, accepter leur
ralisation dfinitive !Suis-moi donc, mon Disciple, dans la Voie de
l'Absolue que je vais t'enseigner ; suis-moi, et je te promets
qu'un jour tu ceindras ton front de la couronne de lumire, du
diadme d'or des Sages, rserv ceux qui, pendant leur vie, auront
accompli l'uvre qui rsume toute uvre.Beaucoup ont entendu discourir
du Grand uvre. Quelques-uns se proposent de s'y adonner, mais bien
peu en abordent la question.Tous disent : " Plus tard, quand nous
auront conquis le loisir et le calme". Mais le loisir et le calme
ne viennent jamais, tandis que l'Absolu te rclamera sans faute,
puisque tu manes de lui.Oh ! passer sur cette terre sans avoir
dchiffr l'nigme, sans avoir pntr le secret inexsuprable que
certains, parmi nos aeux, connurent, le pourrais-tu, toi qui as dj
qumand la Sapience auprs de tant d'hommes qui ne la possdaient pas
?Le Grand uvre ! Le Grand uvre ! Vocable prestigieux ! Fulgurante
splendeur ! D'aucuns, dans les ges couls, auraient donc contempl
cette merveille, l'auraient possde intgralement, et toi, tu la
laisserais, inexplique, dans les livres !Et dans l'au-del, dou
alors de la plnitude de ta lucidit perceptive, tu verrais la
phalange triomphale des Sapients, inonds d'une joie radieuse,
perdus de bonheur et d'allgresse, se dlecter de la PIERRE DES
PHILOSOPHES, s'en nourrir pour l'ternit et tu n'aurais aucune part
ce festin !Et tu entendrais les blanches thories des Initis te
crier comme Dante :Guai a voi anime prave
Non isperate mai veder lo cielo !tandis qu'elles s'loigneraient
pour jamais, triomphantes, dans la Lumire, et te laisseraient seul,
au sein des tnbres grandissantes, leur diazome sinistre s'tendant
autour de toi !Que cette pense suffise donc t'inspirer le regret de
ta nglection du Magistre des Sages.Plt Dieu qu'il ne soit pas trop
tard, et que tu ne te trouves dj trop avanc dans la vie pour
entreprendre de le parachever !Car si l'ascse n'a pas commenc au
sortir de l'adolescence, il est douteux que tu puisses parvenir la
perfection. C'est dans ce sens que Nicholas Valois a dit : "Le
Printemps avance l'uvre". Et Saint Thomas d'Aquin : Dans les
premiers jours, il importe de se lever de grand matin et de voir si
la vigne est en fleurs .Applique-toi donc sans retard, et avec la
bndiction
de Jsus-Christ, sa mathse et son agnition
C'est, mon Disciple, pour te diriger dans
cette voie que j'ai entrepris, le Saint-
Esprit invoqu, d'crire les
douze mditations
suivantes. Laus
Dieu. MEDITATION PREMIERELE SUBJECTUM ARTISNICHOLAS Valois
l'alchimiste, a dit : La Science des Philosophes est la
connoissance de la puissance universelle des choses. Dans la nuit
obscure de ton me, tu as parfois aspir, mon Disciple, une Lumire
incommensurable qui viendrait, en un jour lointain et indfini,
illuminer ta dtresse.Tu as rv, vision confuse, d'allgresses,
d'harmonies surhumaines, d'omniscience, de puissance illimite.Tu as
pressenti - aprs les tnbres et la morne tristesse du chaos o,
confusment, tu te dbats - de la splendeur.Et voici que la ligne
d'horizon de ta vie s'empourpre, et te laisse entrevoir quelque
chose de meilleur et de plus parfait.Empresse-toi de te diriger
vers cette lueur encore indcise. Suis-l ; c'est l'toile des Mages
qui se lve pour toi et qui va te conduire, si tu ne la quittes du
regard, vers le Matre du Monde.Livr toi-mme, tu t'es caractris par
le dsordre des ides et le dsordre des actes.Le spcifique ce dsordre
est la rentre en toi-mme.La rentre en toi-mme exige l'effort de
volont continu et durable.L'effort de volont continue et durable
ncessite une rgle de vie.La rgle de vie comporte une srie d'actes
spirituels qu'il te faut accomplir scrupuleusement.La premire
norme, qui rsume toutes les autres, c'est le dsintrt des dires et
des actes des hommes.Enveloppe-toi d'indiffrence comme d'un manteau
; voil la clef de la vie magique. Libre-toi des contingences.
Dlivre-toi de toute hylophilie. Enferme-toi dans ta pense et dans
ta science. Sois le solitaire, le vrai; construis-toi une cellule
dans ton propre coeur.Accepter une vie obscure lorsqu'on est affam
de gloire, c'est le summum de la perfection alchimique ; ainsi,
rigoureusement, les Saints ont accompli le Grand uvre.L'idal que tu
t'es cr est un royaume dans lequel tu rgnes en souverain matre ;
que dsires-tu de plus ?Tu es Roi au moment o les trnes s'croulent !
Tu es Sacerdote au moment o les hirophanies chancellent !Mprise la
foule, mprise le peuple, mprise la masse ; fuis les faces
patibulaires. L'tre d'exeption seul est digne de ton
intrt.L'expansion populaire n'est considrable que hirarchise. Une
foule discipline a construit le monument occulte par excellence, le
monument qui ne projette pas d'ombre : la Pyramide ; les foules
indisciplines n'ont jamais su que pousser des cris et piller, ce
qui est la porte de tous ; veux-tu te joindre, simple unit
celles-ci ? Renonce alors au Grand uvre ; la Voie de l'Absolu ne
s'ouvrira jamais pour toi.Vouloir possder la Sapience et en mme
temps l'approbation populaire, c'est drisoire. Agir consiste ne pas
agir , a dit Lao-Tseu ; souviens-t'en. Lorsque la foule hurle et
bataille au dehors, toi, mon Disciple, veille sur l'athanor de ton
me, et ne t'immisce pas dans les advlitations et les luttes.Si tu
n'prouves aucune peine ignorer ce qu'on pense et ce qu'on dit de
toi, courage ! tu as dj progress dans la Voie de l'Absolu.La
rputation n'est rien ; le tmoignage seul de la conscience importe.
A quoi de te sert de passer pour saint, si tu n'as pas la paix
hermtique dans ton coeur ?Il faut donc, suivant la Scala
Philosophorum, commencer l'oeuvre lorsque le Soleil est dans Aries,
et la Lune dans Taurus.Riple et le Rosaire nous assurent qu'il faut
un an pour obtenir la Pierre Philosophale dans toute sa stabilit et
sa firmitude ; et Bernard le Trvisan y ajoute sept jours.Comprends
et mdite ces paroles. Efforce-toi de dvelopper les forces latentes
qui subsistent en toi. Ordonne ta vie suivant les normes occultes.
Tu es la matire mme du Grand uvre : albifie-toi, spiritualise-toi,
purifie ton astralit, dgage-toi des ombres Cimmriennes.Mais si tu
prfres t'abandonner au hasard des vnements,
pleure alors sans esprance ; tu ne connatras
que l'insuccs et les dsillusions
et tu n'entreras jamais dans
l'assemble des
Philosophes.MEDITATION IIPREPARATION ET PURIFICATIONPHILALETHE a
dit : De quelque faon qu'on traite le mercure vulgaire, on n'en
fera jamais le mercure philosophique .Si ton me est d'un rustre,
c'est en vain que tu prtends au Magistre.As-tu dj senti la ncessit
de t'lever vers le ciel, de sortir de ta gangue, de briser ta
chrysalide ?Si tu ne possdes pas ce levain, ce ferment d'lection,
sois persuad qu'il est inutile de rien entreprendre.Si tu es
d'argile, tu resteras d'argile. Si tu as plac ton idal dans la
fange, tu ne peux songer la sublimation, la transmutation
dfinitive, l'gression de la ghenne terrestre. Homme vulgaire, tu ne
deviendras jamais un Sapient.Il est une alchimie transcendentale,
c'est l'alchimie de soi-mme. Elle est pralablement ncessaire pour
parfaire l'alchimie des lments. La noblesse de l'oeuvre requiert la
noblesse de l'oeuvrant.Construis l'athanor ; prpare l'oeuf
philosophique ; dispose l'aludel ; spare le subtil de l'pais ;
recueille les larmes de l'aigle et le sang du lion ; fais que ce
qui est occulte devienne manifeste ; ce sont les prliminaires de
l'uvre sans lesquels tu ne peux russir.La transmutation doit
s'oprer en ton me. La Pierre, dans son tat dfinitif, c'est l'Absolu
lui-mme ; le dissolvant purificatoire, ce sont les formules de
beaut et de perfection dont tu orneras ta vie.Le Magistre est
Soufre, Sel et Mercure ; ainsi ton me sublime qui est le vritable
Mercure des Philosophes, s'unira au Soufre de l'amour divin, par le
Sel de la mortification et des preuves.Coordonne donc toutes tes
actions et toutes tes impressions afin d'en former un ensemble
harmonique parfait. Efforce-toi d'acqurir l'extrme lucidit de ton
entendement. Dtourne-toi de ce qui salit la vue. N'coute pas ce qui
pollue l'oreille. Exalte en toi le sentiment de la personnalit,
pour t'efforcer ensuite d'absorber celle-ci dans le sein de
l'Absolu.Embrase ton me du feu alchimique, du feu qui ne brle pas.
Je t'enseignerai le recueillir ; et il formera autour de toi un
cercle protecteur, qui t'isolera des Influences Mauvaises.Garde-toi
de vouloir goter les fruits de la vie mystique, avant d'avoir rien
fait pour les possder.Ne dis pas - l'trange paradoxe : - La Voie
est trop aride, et pour triompher des difficults de la Voie il faut
tre un Saint .Mais au contraire les Saints ne sont devenus tels que
parce qu'ils ont su d'abord triompher de ces difficults. Ils ont
dbut comme toi, dans le nant ; ils ont gravi comme toi l'chelle
philosophique en commenant par le premier degr.Ne demande donc pas
la foi pour pouvoir prier ensuite. Prie d'abord, et la foi inondera
ton me.Mais j'en ai assez dit pour que tu saches que tu dois
dsormais te former un corps mystique,
qui se substituera en tous tes actes ton corps visible pour
employer utilement
tes forces immatrielles. Et ainsi tu vivras
dans l'hyperphysique ;
et c'est l la
Voie.MEDITATION IIIIGNIS PHILOSOPHICUSLE prsident d'Espagnet a dit
: La rgnration du monde se fait par le moyen de l'esprit de feu qui
descend en forme d'une eau qui enlve la tache originelle de la
matire .C'est d'en haut que tu dois faire descendre le feu
philosophique qui purifiera tes concepts et abstergera ton me.Il y
a ici un trs grand mystre.Ce feu nigmatique, tu ne l'obtiendras que
par un effort merveilleux de volont et par une ardente
efflagitation.Ces choses ont la misricorde de Dieu, comme dit
Basile Valentin. Pontanus avoue avoir err plus de deux cents fois,
quoiqu'il travaillt sur la vraie matire, parce qu'il ignorait la
nature du feu philosophique.Que tes mains et tes intentions soient
pures, sinon cet adjuvant cleste te sera totalement refus.Il est
l'influx astral, l'clair coeligne jaillissant de la nue sur
l'athanor, le lien unissant le macrocosme et le microcosme. Sans
lui tu ne peux rien accomplir, et avec lui tu es fort de toute
force.Zarathoustra l'appelait Berezesengh, le feu qui se tient
devant Ormuzd. Mosch l'a nomm; et les Mages l'ont exprim ainsi sur
les briques Khaldennes ; contemple cette effigie :
C'est l'Esprit mme de Dieu qui descend imptueusement dans le
Philosophe, et qui, se combinant avec le feu central, c'est--dire
la propension intrieure de son me vers le Mystre, le fait vaticiner
et lui donne le pouvoir d'accomplir des miracles.Recueille-toi, mon
Disciple ; tu dois tre le temple de cet esprit ardent qui opre de
grandes choses.Souviens-toi que les cendres des Philosophes
contiennent le diadme de leur Roi. Ferme ton me aux impressions
extrieures. Lute ton athanor avec le lut de la Sapience. Ne regarde
pas au dehors dans les tnbres ; reste au centre ; rapproche-toi le
plus possible de l'ignition, de peur d'tre emport dans la
circumversion, dans le tourbillon glac du Maudit qui rugit,
quoerens quem devoret.Prends garde aux lmures mortifres, aux
esprits cataboliques qui rdent autour de toi. Vois les empuses qui
te guettent ; invoque les grgores : rchauffe bien en ton sein
l'oiseau d'Herms.L'Alcyon va natre, mon Disciple ; rjouis-toi ; et
si tu sais provoquer ce courant magntique qui doit s'tablir entre
toi et les sphres suprieures, tu possdes le Magistre, et le reste
n'est que jeu d'enfants.Vois, sculpt sur le portail droit de Notre
Dame de Paris, l'vque juch sur l'aludel o se sublime, enchan dans
les limbes, le Mercure Philosophal. Il t'enseigne d'o
provient
le feu sacr ; et le Chapitre, laissant, par une tradition
sculaire,
cette porte ferme toute l'anne, t'indique que c'est ici
la voie non vulgaire, inconnue la foule, et
rserve au petit nombre des lus
de la Sapience. Mais il n'est
pas permis d'en dire
d'avantage sur
ce sujet.MEDITATION IV DISSOLUTIONROGER Bacon a dit : Il faut que
le corps devienne esprit et que l'esprit devienne corps .
C'est la solution de l'uvre. Pour la raliser, ton propre corps,
embras par le feu philosophique, corrod par l'eau ardente des
contritions, doit atteindre un tel degr de puret qu'il
s'immatrialise vraiment. Alors, se transfigurant comme sur un
Thabor, il deviendra inaltrable ; il ne sera plus un impdiment la
vie spirituelle, mais au contraire, l'gal des corps glorieux, il
participera de celle-ci et contribuera lui-mme, - prodige ! -
l'uvre. Corporifie ensuite ton esprit, c'est--dire projette un
regard scrutateur sur cette impalpable substance de toi ; dont tu
n'as peut-tre jamais song connatre la mystrieuse nature, quoique,
constamment, elle accompagne ton corps. Etudie minutieusement tous
ses rouages occultes afin de savoir la diriger, de pouvoir mnager
sa puissance et la sustenter de la nourriture intellectuelle qui
lui convient. Tu possdes, mon Disciple, un trsor immense de forces
caches que tu ignores, forces considrables et invincibles, ployes
en toi, et qui surpassent toutes les forces corporelles ; apprends
t'en servir, les faire obir ta volont, t'en rendre absolument
matre. Et pour ceci tu dois d'abord retrancher de ton intellect
tout ce qui est superflu et obsolte. Emonde vigoureusement la
frondaison de tes penses vulgaires. Taille hardiment dans cette
futaie des lieux communs et des banalits qui peuvent t'occuper
encore. Elague tout ce qui ne reprsente pas de la vigueur et de la
force ; c'est une vgtation malsaine qui ne produit que des
dperditions d'nergie spirituelle. La pense est une substance de
nature presque fluidique. Une fois mise, elle existe. La pense est
immuable. Elle provoque dans la sphre de l'existence pure un cho
qui rsonne dans l'ternit. Garde-toi donc des cogitations infernales
que tu peux crer et qui se fixeront toi pour ta damnation. Sois
pur, car c'est ta vertu elle-mme que tu dois projeter sur l'athanor
pour l'animer. Evite les actes indiffrents en eux-mmes. Que ton
regard n'erre jamais sur les objets qui ne valent pas un instant de
ton attention ; c'est une parcelle de ton tre que tu perdrais sans
jamais la pouvoir rcuprer. Puis, libr alors du fardeau des
inutilits, recueille prcieusement ce que tu veux conserver de
forces vives, et dirige-les sur l'OEuvre avec vhmence. Observe avec
attention les couleurs du Magistre, et fais converger, vers le but
final, tes moindres actes. D'aucuns te diront que la puissance
miraculaire s'acquiert et se transmet par un souffle, un mot murmur
kabbalistiquement l'oreille, une lecture de quelques pages en un
grimoire ou la confection d'une baguette. Apprends, au contraire,
qu'un tel pouvoir ne te sera confr que par une laborieuse et lente
culture des forces psychiques subsistant en toi l'tat latent. II
faut t'abstraire dans la vie suprieure en exaltant puissamment ta
volont, oprer une vritable sgrgation de toi-mme d'avec le monde
physique et extrieur. Elve autour de toi comme un mur qui retienne
ce qui mane de toi vers les choses sensibles ; enferme-toi ainsi
dans la citadelle hermtique d'o tu sortiras un jour, invulnrable.
Sans doute, tu vois dj poindre quelque peu la Lumire que je t'ai
promise, et tu te rjouis. Patience ! songe ton impritie ! Tu n'es
qu'au IVe degr de la Voie de l'Absolu. Il te reste plus de la moiti
du chemin parcourir, et tu peux encore trbucher sur la route, et
choir. De plus habiles que toi sont tombs, qui touchaient presque
au but. Un doigt sur
la bouche, comme Harpocrates, et
prie, mon Disciple, dans
le silence de ton
me. MEDITATION V CONJONCTIONFRRE Basile Valentin a dit : Et la voix
mlodieuse de la Royne plaira grandement aux oreilles du Roy ign ;
il l'embrassera amiablement pour la grande affection qu'il luy
porte, et sera repeu d'icelle jusques ce qu'ils disparoissent tous
deux, et d'eux deux ne soit f faict qu'un corps . Le Grand uvre est
une thique transcendentale. Or, il est facile l'Adepte d'liminer de
son existence les impdiments des penses superflues et des tres
importuns. Mais il rencontrera de srieuses difficults, s'il veut,
obissant l norme d'activit et de passivit d'aprs laquelle est
construit le macrocosme, reconstituer en lui-mme l'androgynat
denique par l'assimilation d'une autre vie la sienne. L est
l'obstacle, l'offendiculum vritable. C'est en vain, mon Disciple,
que tu accompliras les ablutions prparatoires et que tu revtiras la
robe de lin sacr. Si ton coeur n'est pas pur, ce n'est pas le
vtement qui le mondifiera et qui saura te drober l'il de la
Divinit. Il n'est pas de dperdition de forces psychiques comparable
celle que provoquera en toi la multitude des convoitises. C'est un
envotement auquel Schelomoh lui-mme n'a pas rsist. Qui purus est,
is certes est augur ; c'est Paracelse qui te l'enseigne, et la
parole de ce matre est prcieuse.. Ne marche pas dans les volupts
innommables. Ne ceins pas ta jambe de la jarretire de peau de loup.
Garde-toi d'allumer le cierge vert qui dirige la femme vers les
tnbreuses luxures. Redoute les incantations et les philtres
d'amour, et porte au doigt la topaze qui rfrne la lubricit et qui
chasse les phantasmes de la nuit. Dfie-toi du crapaud de la
sorcire, et ne t'endors pas, comme Merlin l'Enchanteur, dans la
fort de Brocliande, o Viviane la perfide t'enchanera pour les
sicles. Si tu choisis une compagne, le lien qui t'attache elle doit
tre indissoluble, puisque tous deux, un jour, vous contemplerez
l'Absolu face face. Avec elle tu dois partager les joies ternelles.
Ses penses, comme les tiennes, doivent donc converger toutes, vers
la possession de l'Absolu. Tu ne peux vivre qu'auprs de celle qui
chemine, la main dans la main, avec toi dans la Voie, qui recherche
avec toi la chose trois angles, et t'adjuve au Grand uvre. L'pouse
de l'alchimiste, c'est Pernelle, discrte et savante, portant au
doigt l'anneau du souverain lien, refltant toutes les penses du
matre, et veillant son tour sur l'athanor lorsque l'heure l'exige.
Si tu as mal choisi, jette un dernier regard sur ce mystre qui ne
t'est pas destin ; emplis tes yeux de sa clart, et ferme ce livre.
Tu peux quitter la Voie de l'Absolu, auquel jamais tu ne
parviendras. Descends vers la ghenne, malheureux ! avec l'tre
inutile que tu as attach ta chair, avec l'corce vide que tu tranes
avec toi, et rentre dans la voie de la mdiocrit qui est dsormais
tienne, et d'o jamais tu n'aurais d sortir. Mais si ta compagne
orne vraiment ta vie, continue avec elle la progression
contemplative vers l'Absolu. Elle doit tirer - la merveilleuse ! -
le mme fruit que toi des prsentes mditations. Mais n'oublie pas que
sa voie de perfectionabilit, malgr l'homoeomrie du but final, est
diffrente de la tienne, ce que tu connatras en tudiant avec soin sa
constitution microcos-mique. Paracelse l'enseigne expressment :
Archoeus alius in, viro, alius in foemina. C'est de toi qu'elle
doit recevoir l'initiation, comme tu la reois toi-mme de la
Divinit. Retiens ce point essentiel, et garde-toi de l'orien-ter
dans une voie qui n'est pas la sienne. Place la pomme d'or dans
l'une de ses mains et le flambeau allum dans l'autre. Le feu et le
menstrue dissolvant, voil la clef de l'Art Majeur. Si tu les
connais, tu es alors dans la Voie Royale
et tu verras bientt le jour
ternel, le jour qui ne
finit pas, qui nescit
occasum
dies. MEDITATION VI PUTRFACTION OU HYLATION sive MORS Le
Cosmopolite a dit: Celui qui ne descend pas ne montera pas . Voici,
mon Disciple, l'preuve des preuves, celle o t'attendent, ricanantes
et pallides, les Influences Mauvaises, dans l'espoir de te voir
trbucher et retomber dans les tnbres extrieures. Si tu y rsistes,
le Phoenix, succdant l'AIcyon, va clore pour toi. Le monde n'a pas
conscience des supriorits naissantes. Prends donc la sainte
habitude de souffrir le mpris de ceux qui valent moins que toi.
Pntre-toi de cette vrit qu'il ne te sera jamais rendu justice,
sinon lors de ton avnement dans la Lumire. Il faut que tu deviennes
compltement indiffrent l'opinion des hommes, ce qui est plus facile
exprimer qu' raliser. Que t'importe de passer dans la foule pour
une vague unit, lorsque tu as conscience de ta Royaut
intellectuelle? uvre selon ta conscience, sans te soucier du
rsultat. Accepte la gloire comme un fardeau, et ne la dsire pas,
sinon la gloire ternelle, celle des Philosophes : l'Absolu. Si tu
recherches l'assentiment humain, tu marches vers les tnbres ; tu es
hors de la Voie. Si tu dsires tre un Saint pour que l'on te
reconnaisse comme tel, il est certain crue tu ne le deviendras
jamais. La puissance miraculaire s' hyperconcentrera en toi lorsque
tu ne la convoiteras plus, lorsque tu auras tu en toi l'ambition de
la possder. Alors, en usant de ce pouvoir qui merveillera les
hommes, ton coeur, devenu insensible, ne s'enorgueillira pas. Mais
que de chemin parcourir pour obtenir ce rsultat ! Anantis-toi, mon
Disciple, dans un abme d'humilit. Sois infime parmi les infimes.
Deviens obscur. Cache-toi comme ce disciple de Khoung-Tseu qui
arrachait des larmes d'admiration son matre et lui faisait dire :
Oh ! qu'il tait sage, Hoi ! Il demeurait dans un rduit au fond
d'une rue troite et abandonne, et pourtant cela ne changeait pas la
srnit de Hoi ! Oh ! qu'il tait sage, Hoi ! . Rappelle-toi cette
parole : La patience est l'chelle des Philosophes et l'humilit est
la porte de leur jardin .
Abaisse-toi et tu te transfigureras un jour, et tu te rveilleras,
brillant et radieux, dans l'amplexion du Roi de Gloire, du Roi
Oriental sant sur son trne, comme disent les vieux matres, et tu
entreras dans la Mer Pourpre qui est le Magistre des Philosophes.
Mais tu n'es encore que le mercure lpreux
qui a fait mourir le Soleil de
justice sur l'effigie
du quaternaire,
souviens-
t'en ! MEDITATION VII SUBLIMATION DISTILLATION NICOLAS Flamel a
dit: Cette opration est vrayement un labyrinthe, parce qu'icy se
prsentent mille voyes mesme instant, outre qu'il faut aller la fin
d'icelle, justement tout au rebours du commencement . L'affliction
est la semence de perfection. C'est vritablement le menstrue des
Sages ; c'est le Lion verd des Philosophes, l'eau Pontique qui ne
mouille pas les mains, l'acetum acerrimum ou vinaigre trs aigre au
moyen duquel s'extrait de la tte de corbeau, le vritable Lait de la
Vierge, et l'Elixir pour la multiplication. Tu dois faire converger
vers le but suprme chaque circonstance de ta vie, mais
principalement les peines et les souffrances quotidiennes ; et il
t'en adviendra beaucoup, car les disciples des Sapients ne trouvent
pas de repos en ce monde , dit Rabbi Issacha Bar. Tu peux tirer de
celles-ci un parti merveilleux, en obtenir l'eau rgale qui
corrodera toutes les impurets. Savoir extraire des difficults mmes
de la vie, un ferment de perfection, et les transmuer en autant de
forces vives dans le plan hyperphysique, c'est l'alchimie majeure
contre laquelle rien ne prvaut ; c'est la dalbation magnifique,
l'aurum de stercore de Virgile, le morbus quilibet purgutorium de
Paracelse. Ne profre donc pas un murmure lorsqu'un de tes projets
n'est pas couronn de succs. Tu ne tarderas pas comprendre qu'il
tait ncessaire qu'il en ft ainsi, et que les dceptions momentanes
devaient te prparer plus tard des avantages inattendus. Geber
enseigne qu'il est presque obligatoire que l'alchimiste erre
plusieurs fois. Contente-toi donc, dans l'adversit, de penser, sans
exacerbation, que ta vue intellectuelle se trouve, ce moment,
obscurcie, et que la voie d'o tu as t rejet et que tu croyais
excellente, ne l'tait pas. Tu en acquerras bientt la certitude, et
tu reconnatras l'enchanement toujours admirable des effets et des
causes. Garde-toi surtout de porter envie aux triomphants du jour
et de l'heure. Tu les entendras, mon Disciple, railler ton ascse et
mpriser ton effort. Nous ne prions pas : disent-ils, - les
inaniloques ! - nous ne prions pas, et pourtant nos
affaires prosprent ! Nous blasphmons Dieu, et Dieu ne paralyse pas
notre langue ! Mais que prouve cela ? Que leur Pre Cleste est bon
et qu'ils sont mauvais ; rien de plus. Pour toi, mon Disciple,
poursuis avec persvrance ton incs dans la Voie. Ne te lasse pas.
Les matres eux-mmes ont, plusieurs fois, recommenc l'uvre. Mais
sache comprendre que nul enseignement acroamatique ou rotmatique ne
saurait remplacer l'assimilation lente de la doctrine alchimique,
par une tude approfondie et consciencieuse des livres des matres.
Ce n'est qu'aprs de longues annes que commencera poindre pour toi,
la Lumire. Alors, dans des textes o le profane ne voit que matire
sourires, tu percevras dj des rapport subtils, des jalons te
guidant parmi les obscurits de la Voie. L'alchimie n'est pas une
hmrse ; c'est l'oeuvre de la vie entire ; elle fait corps avec
l'existence de l'Adepte. La possession du Grand uvre est le
couronnement de la vie. Tu ne l'obtiendras qu'une fois, de mme que
tu ne vivras qu'une fois sur terre. Atteindre l'Absolu vingt ou
trente ans est donc illusoire ; cet ge tu es seulement sur la Voie
; et tu ne peux abandonner celle-ci sans perdre en mme temps
l'espoir d'y rentrer jamais. C'est donc progressivement que tu
dcouvriras la vrit dans la parole des matres ; ne demande pas d'tre
au terme du voyage avant d'avoir parcouru le chemin ncessaire pour
y
Parvenir. Si tu es quelque peu avanc dans la Voie, tu reconnatras
qu'il est impossible de parler plus clairement. Mais combien, plus
tard, les paroles maintenant obscures et incomprhensibles, te
sembleront lumineuses si tu n'as cess de travailler suivant les
prescriptions des matres ! Tu souriras alors, en connaissant si
simples, les notions qui te paraissaient si abstruses lorsque tu
ntais quun profane, et tu avoueras qu'il n'tait pas d'explication
possible, avant l'investigation personnelle, destine prparer ton
esprit recevoir les semences du vrai. Et c'est dans ce sens qu'il
est dit que
nul ne peut tre initi
que par soi-mme. MDITATION VIII COAGULATION MUTATIO COLORIS, CAPVT
CORVI Bienheureux Raymond Lulle a dit: Et ainsi, tu auras un
perptuel trsor que tu pourras augmenter indfiniment, et par lequel
tu accompliras l'uvre jusqu' l'infini. Et maintenant, voil la
grande page mystique, celle que ne doivent pas lire et que ne
comprendront prendront pas, ceux qui ne sont pas totalement dtachs
du souci des contingences et du fracas des opinions humaines. As-tu
cart de ton me toutes les sensations qui pouvaient y introduire le
dsquilibre, troubler ta srnit astrale ? Es-tu suffisamment prt pour
commencer agir avec efficacit dans l'immatriel ? Alors, exerce-toi
recueillir tes forces animiques et psychiques. Coagule-les. Donne
corps chacune de tes penses. Affermis-les en les prcisant, avec
soin et en les concrtisant en ton esprit. Elles sont nombreuses,
mais elles t'chappent parce que tu ne sais comment les matriser.
Garde-toi d'en perdre aucune, de laisser fluer cette puissance
prcieuse, de la dissminer sur des notions inutiles et vaines.
Dtermine exactement, au contraire, celles sur lesquelles tu veux
fixer ton attention : limine et rejette toutes les autres. Puis
rassemble, comme en un faisceau, tes penses volontairement mises et
consacre-les en les profrant verbalement avec nergie et volont ; et
ainsi tu accompliras de grandes choses. Arnauld de Villeneuve
appelle ceci l'Angle de l'uvre. Recueille donc avec soin l'eau
Plidor qui est d'un vert naissant. Transmue les Eaux Mortes en Eaux
Vives. Prpare la rsurrection de l'oiseau d'Herms. Ici surtout, il
faut purifier tes intentions et ton coeur. Que vers le bien seul,
s'oriente ta volition. Prends garde, mon Disciple ; tu cours en
cette phase un trs grand danger. Tout mauvais vouloir, par toi mis,
se retournerait contre toi-mme. Ne cherche pas carter les
impdiments en profrant, contre ceux par lesquels ils t'adviennent,
la formule de maldiction. Celle-ci est irrcuprable et son voeu
sinistre, une fois formul, s'accomplit toujours. Ce n'est pas pour
la vengeance que le pouvoir t'est donn. Ne te fourvoie pas. C'est
la Voie Royale, la Voie de l'Absolu que tu suis, et non la voie
tnbreuse. Jugule les closions malsaines de ta pense trouble. Ne
pactise pas avec le Maudit. Repousse les consommations infernales
et les cogitations morbides. C'est le Soufre des Philosophes, le
Soufre qui illumine tout corps parce qu'il est lui-mme lumire et
teinture, que tu recherches avec avidit ; crains de rencontrer sa
place l'Asmodai qui sduisit Aischa. Mais j'ai dit. Je ne puis, mon
Disciple, te rvler l'ensemble des arcanes hermtiques ; il suffit
que je t'indique la Voie qui
conduit ces arcanes. C'est ta
volont et ton intelligence
qui parachveront, avec
l'aide de Dieu,
l'uvre. MEDITATION IXFIXATION MESSIRE Jehan de Meung, en son Mirour
d'Alquimie a dit: Nostre science est science corporelle, d'ung et
par ung simplement compose . Unique, en effet, la modalit suivant
laquelle se recherche et se conquiert l'Absolu. Celui qui
s'achemine vers la perfection vraie s'lve au-dessus de la nature ;
et celui qui est au-dessus de la nature peut commander la nature.
C'est ainsi que tu pourras faire des miracles et transmuer les
mtaux et les gemmes. As-tu compris ici, mon Disciple, la subtile
difficult de l'uvre ? Tu n'obtiendras la Pierre que lorsque tu
seras devenu parfait. Et tu ne seras jamais parfait, si tu
recherches la Pierre cause des richesses qui l'accompagnent. Donc,
lorsque tu possderas la Pierre, tu n'auras, fatalement, par ta
perfection mme, qu'un souverain mpris pour les avantages matriels
qu'elle te prodiguera. Car tu seras alors dans l'extase ; tu
pourras te rendre invisible, voquer les morts et franchir
instantanment les plus grandes distances ; tu vivras d'une vie
superxalte qui s'alimentera et subsistera d'elle-mme, te laissant
indemne de tout besoin et de tout dsir. Vois donc le vulgaire se
cantonner dans d'tranges sophismes : Si vous possdiez la Pierre,
vous seriez puissamment riches, disent-ils, scommatiques, et vous
exulteriez dans la joie et dans l'allgresse ! Et d'autres, sans foi
en leur me et sans puret en leur coeur, ont ouvert les livres des
alchimistes. Ils ont manipul des substances, souffl en des
athanors, calcin des mixtes, sans comprendre qu'il faut avoir fait
une longue stase dans l'Oratoire, avant d'oser entrer dans le
Laboratoire. Et devant l'insuccs fatal, enfls de vanit, ils ont
dclar trompeuse et illusoire la parole des matres, plutt que
d'avouer qu'ils s'taient tromps eux-mmes ! Laisse l les
obstrigillations et les scurrilits de ces censeurs ignorants et
vains. Ils raillent les Alchimistes qui sont morts indigents et
inops ; mais sache, mon Disciple, que lorsque tu possderas la
Pierre, tu ddaigneras littralement de faire de l'or physique. Car
tu seras un Saint et tu commanderas aux lments. Quelle motion,
lorsque tu parviendras au seuil de l'Infini ; perdu dans la
contemplation suprme de l'Absolu, pourras-tu prouver encore la vue
des richesses temporelles ? Serais-tu parfait si tu tais encore
assujetti aux nces-sits vitales, si tu n'avais tu en toi tout dsir
humain ? C'est pourquoi Grosparmy affirme que oncques ne fut mmoire
qu'avarieux possdt la Pierre . C'est l'vidence mme. La pratique de
la Pierre et le dsir de l'or sont incommiscibles. Entreprendre le
Grand uvre pour s'enrichir, ce serait entrer rebours dans la Voie
de l'Absolu. Tu obirais alors un instinct malfique, et il ne doit
plus s'en trouver un seul en toi. Comment pourrais-tu commander la
nature si tu n'avais d'abord command toi-mme ? Ce n'est pas que tu
ne puisses, un jour, pour quelque motif suprieur, tenter l'uvre
dans le
plan physique, et transmuer matriellement les mtaux. Plusieurs
adeptes, Nicolas Flamel, Jehan Saunier, Zachaire et d'autres, l'ont
fait ; et peut-tre y seras-tu contraint, bien que dsabus du monde,
par des obligations transcendantes. Mais souviens-toi qu'un autre,
et non toi, usera alors des richesses ainsi produites qui
jailliront
avec profusion de ton athanor. Et cet tre, dou d'une vie ardente et
sauvage, brillant
et imptueux comme l'animal des forts, mais comme lui, cruel et sans
me,
smera partout le dsordre, l'pouvante et le malheur,
jusqu'au jour o il succombera sous
les coups invisibles d'un de tes
frres en Sapience, qui aura
reconnu en lui une
incarnation du
Maudit ! MEDITATION X LILIUM ARTIS. QVINTESSENCE OV ELIXIR PARFAIT
MAITRE Albert le Grand, archevque de Ratisbonne a dit : Ici sont
cachs des trsors inapprciables, et nul ne les connat sinon ceux qui
Dieu veut les rvler. Resplendis dans la gloire, mon Disciple ! Je
t'ai conduit jusqu'au Xe grade ; et sur la Voie vritable, tu as
appris purifier tes concepts, affiner tes penses. L'oiseau d'Herms
s'est transform maintenant en Plican ; et bientt se lvera devant
toi le voile qui recouvre l'Absolu ! Tu te trouves maintenant,
comme l'homme universel dans le Pards, en prsence de deux arbres:
l'arbre de la Vie et l'arbre de la Science. Le premier, c'est la
Voie spirituelle de la contemplation mystique ; c'est l'anagogie,
l'extase ; L'autre c'est la voie du raisonnement, de l'objection et
du doute, le chemin des sophistes et des logodaedales. Choisis
celui dont tu veux recueillir les fruits, et garde-toi de toute
erreur. C'est ici que la dreliction de la Voie de l'Absolu est
particulirement dangereuse ; mais sache, pour t'clairer dans ton
choix, que tout ce que la science nous enseigne, en des milliers de
livres, tu peux l'acqurir en quelques secondes par l'illumination
mystique, parce que ton esprit, se trouvant face face avec l'Absolu
saisit alors la Clef de l'harmonie universelle. Et cette Clef, les
livres ne te la donneront jamais ! C'est en vain que tu liras tout
ce qu'ont crit les matres. Si tu ne la possdes pas, tu ne
comprendras rien leur langage. Sauras-tu triompher de l'preuve
liminaire du doute ? Prends garde ! ton avenir ternel s'y trouve
engag tout entier. Si tu succombes, tu ne verras jamais la
splendeur ; et rappelle-toi que l'occasion d'tre initi est unique
en la vie. Si tu la laisses chapper, jamais elle ne sera ritre.
Demande la Lumire la Lumire elle-mme. Tu ne l'obtiendras pas
autrement. Blanchissez le laiton et dchirez vos livres, de peur que
vos curs ne soient dchirs par l'inquitude ! , s'crie le sage
Morien. Les livres ne sont que trop nombreux, en effet ; mais c'est
l'nergie et la volont qui manquent le plus souvent pour parfaire la
Pierre. Le Grand uvre ! mais il est crit partout ! il est expos
tous les regards, aussi clairement exprim qu'il est possible de le
faire sans violer le secret des Adeptes. Tu peux le lire sur le
portail droit de Notre Dame de Paris et sur la tour de
Saint-Jacques-la-Boucherie. Je l'ai trouv isagogiquement dessin sur
les vitraux du chur de la Madeleine, Troyes, et sculpt dans le
palais de I'alchimiste Jacques Cur, Bourges. Il est rvl dans les
Lettres Milsiennes, dans le des Grecs, dans le et le des
Kabbalistes. On te l'enseignera Bnars dans la formule :
Blanchissez le laiton et dchirez vos livres! Oui, mon Disciple,
l'uvre tout entier est l. Conquiers l'Urim et le Thummim.
Cueille
le fruit de l'arbre de l'Edot gnos-
tique. Le joyau est dans le
Lotus ! Souviens-
t'en, et l'Uni-
vers est
toi ! MEDITATION XI MVLTIPLICATIONBERNARD, comte de la Marche
Trvisane a dit : Le Mercure des Philosophes se sublime quelquefois
en un corps resplendissant et coagul . Dj, mon Disciple, tu peux
recueillir les fruits du Magistre, si tu as exerc habilement et
puissamment ta volont, selon les normes que je t'ai enseignes. Les
diathses de ton esprit et de ton me t'indiqueront manifestement ce
rsultat. Lorsque toutes les circonstances de ta vie commenceront
s'enchaner suivant l'expression de tes dsirs, lorsque les
difficults s'aplaniront miraculeusement devant toi, lorsque tu
verras toutes les volonts plier devant la tienne, et tes ennemis
concourir eux-mmes inconsciemment l'accomplissement de tes projets
et la ralisation de ton destin, tu pourras avoir la certitude
alors, d'tre parvenu bien avant dans la Voie. Et voici l'opration
ultime de la Philosophie hermtique, rserve ceux qui sont parvenus
l'apoge de la Sapience, et que je confie ta prudence et ta
discrtion. Les forces que tu as acquises subsistent en toi l'tat
latent, comme un trsor cach. C'est la Pierre dans sa blancheur, que
tu as obtenue par le Mercure, le Feu et l'lixir. Il faut donc, pour
mettre en uvre ces forces scrtes, connatre et pratiquer la
Multiplication des Sages. Lorsque tu te tiendras au milieu de tes
frres assembls pour l'oraison, leurs curs tant parfaitement
contrits et leurs mes sublimes, et que tu jugeras l'atmosphre
astrale sature d'intentions droites et de volonts ardentes,
empare-toi avec callidit et nergie de ces irradiations parses, et
runis-les en un courant unique que tu dirigeras ton gr, et par le
moyen duquel tu vhiculeras l'expression de ton voeu spcialement
formul. Tu lveras ainsi entre la terre et le ciel, et toute charge
de ta puissance volitive, une sorte de colonne fluidique qui
s'animera d'un violent mouvement giratoire en produisant le bruit
d'un torrent ou d'un vent imptueux, et qui parfois, pourra devenir
visible en s'embrasant soudain d'une lumire clatante. Et alors tu
verras de grandes choses s'accomplir par toi - mme, et sans que les
hommes connaissent ta puissance ,ri ne supputent la splendeur de
ton me. Rjouis-toi donc, mon Fils, d'tre, dans ton obscurit, un des
lus, un de ceux qui savent ! Te voil appel recueillir l'hritage,
continuer en ton sicle, la tradition de ces matres illustres qui
t'ont prcd dans l'Absolu. Vois, mon Disciple, les Geber et les
Raymond Lulle, vois Arnauld de Villeneuve et Morien, et Artphius,
et Schelomoh, et Marie la Prophtesse, qui te contemplent dans leur
gloire. Tu possdes leur secret, l'arcane suprme, qu'ils ont cl
prcieusement au vulgaire et la foule. Sache donc te montrer digne
de ces magnifiques et de ces superbes.. Qu'ils puissent saluer du
baiser aditial ton
entre dans l'Absolu, et que jamais
ils ne te rejettent comme
parjure dans les
tnbres ext-
rieures. MEDITATION XII AVGMENTATION OV PROJECTIONHERMES Trismgiste
a dit : Venez, Fils des Sages ; rjouissons-nous tous ensemble ;
faisons clater notre joie par des cris d'allgresse, car la mort est
consume. Notre Fils rgne, et il est revtu et par de sa pourpre !
Hosannah ! mon Disciple ! Tu es parvenu au dernier dtour de la
route ; tu as gravi le degr ultime de l'chelle de perfection. Revts
la Pierre de son manteau royal. Exulte ; rubifie-toi ! Voici que tu
es investi d'un pouvoir splendide. Tu es dans lanagogie, dans le
Pards. Tu peux, ton gr, entrer dans l'extase, inonder tes yeux de
la cleste Lumire, t'abstraire loin d'ici-bas, dans la contemplation
de l'Absolu. L'ostention de tous les mystres s'est effectue tes
yeux. Ta puissance est vraiment illimite. Parvenu ce sommet de la
perfection, tu as entirement assujetti tes nergies physiques aux
forces de ton me. Tu possdes la paraclse pour tous les maux, le
panchreste universel ! Ta vie se sustentera d'elle-mme, car tu
sauras puiser directement la source de la vitalit. La distance et
les obstacles n'existeront plus pour toi ; tu commanderas la nature
et aux lments ; tu verras dans l'avenir et tu liras dans les
consciences. Et tu auras reconstitu ainsi l'tat denique primordial
; et cette vie surleve sera semblable, pour toi, l'immortalit, dans
laquelle tu entreras sans solution de continuit ni stase
transitoire. Ceci, mon Disciple, est la Rsurrection de notre Roi de
Gloire, qui vient toi, clatant de splendeur. Souviens-toi des
matres ; ils ont tous accompli la transmutation du Mercure le jour
de Pques, au son des cloches et des chants joyeux de l'Alleluia,
c'est--dire au sortir de la longue nuit pendant laquelle notre Roi,
la victime paschale, est mort et a souffert. Rjouis-toi de ce don
divin qui t'est fait en ce jour ! C'est l'escarboucle vritable, le
vitriol rubifi le baume de vie triangulaire, le balsamum perfectum,
que t'offre la main de Dieu lui-mme ; c'est la rose du matin, la
quintessence noblement distille, le poisson sans os qui nage dans
la mer philosophiques ce que les Alchimistes appellent d'un mot
unique : l'Universel ! Et maintenant te voil devenu l'Aigle dont le
regard fixe le Soleil. Ainsi j'ai tenu ma promesse et je t'ai
conduit par la main, jusqu'au seuil de l'Absolu. Si tu as tir
quelque fruit de la lecture de ces pages, rends grces au
Seigneur,
et lorsque tu entreras dans la gloire, accorde, mon Disciple,
quelque souvenir ton Matre, celui qui t'a indiqu
la Voie vritable, qui ne trompe pas, la
Voie Royale de
l'Absolu ! TEVEYTHI - L'Absolu est la synthse de la perfection
universelle.II - L'tre qui possde en soi le sentiment de la
perfection, est sur la Voie de l'Absolu.III - L'tre qui a introduit
en soi un lment de perfection, a chemin sur la Voie de l'Absolu.IV.
La Voie de l'Absolu conduit l'absorption dans la Cause Premire.V -
La Cause Premire est la perfection abstraite. Elle est l'Absolu
lui-mme.VI - La Cause Premire est une, infinie, ternelle.VII -
L'tre qui a exalt en lui les trois notions d'unit, d'infini et
d'ternit au point de se les assimiler l'exclusion de toute autre,
s'est absorb dans la Cause Premire; i l a ralis la perfection
suprme; il a parcouru la Voie de l'Absolu.VIII - La raction du
mouvement sur l'immobilit et de l'immobilit sur le mouvement se
manifeste en toutes les choses perceptibles.IX - Le mouvement est
la perfection et l'immobilit est la perfection.X - La Cause Premire
est immuable et elle est l'universel moteur. Elle est a la fois le
mouvement et l'immobilit.XI - La destruction, en l'tre, de cette
dualit, le rejet de ce binaire par l'union de ces deux principes,
l'imitation de la Cause Premire, conduit donc la perfection. C'est
la Voie de l'Absolu.XII - La cause premire possde l'existence
pure.XIII - Tout ce qui s'loigne de la Cause Premire tend, par des
degrs successifs, vers la non existence.XIV - Ce qui ne tend pas
vers l'existence pure n'est pas dans la Voie de l'Absolu.XV - Toute
chose possde dans l'Absolu son archtype parfait.XVI - La
restauration de chaque chose en sa vritable effigie suivant cet
archtype, constitue la rdemption universelle.XVII - Chercher le
Rdempteur universel, c'est cheminer dans la Voie de l'Absolu. C'est
travailler efficacement au Grand Oeuvre.XVIII - Les clefs de
l'Absolu sont inscrites dans les nombres, car ceux-ci rflchissent
l'conomie de la Cause Premire et du plan de l'existence pure.XIX -
Mais la Voie de l'Absolu n'est pas dans les nombres, car l'infini
n'est ni la somme ni la limite des nombres.XX - La rduction de tous
les nombres l'unit doit donc tre pralablement opre avant la
possession de l'infini.XXI - Car l'unit et l'infini sont les deux
noms d'une seule et unique chose, et la Voie de l'Absolu n'est pas
une progression vritable, mais une ascse; et c'est l le Grand
Oeuvre que les Philosophes ont enseign.Tel est, mon Disciple, tout
le Magistre.Comprends et trouve la vingt-deuxime clef, le Tau
mystrieux qui ne s'crit pas.Retiens : Il n'y a qu'un seul oeuvre;
il y a deux travaux, trois rgimes, quatre oprations, sept degrs
dans chacun des rgimes et douze maisons clestes dans lesquelles
s'accomplissent les quatre oprations.La formule de la Pierre
s'tablit ainsi :
Puis les quatre lments, ou Tohou-va-Bohou, enferms dans l'Athanor aimant par le Ruach AElohim, le tout pendant une anne et sept jours.Lorsque tu connatras le diamtre spagyrique, tu pourras accomplir la quadrature du cercle philosophique. Contemple l'unit et son logarithme, l'infini et son logarithme, le zro et son logarithme, et tu possdes la Clef de l'Univers.Te voil donc muni, mon Disciple, du viatique de la Science suprme.Tu as reu des matres l'imposition des mains.Revtu de cette onction sacerdotale, tu vas maintenant, hlas ! rentrer dans le monde brumeux et morne, de tes jours antrieurs ! Il faut que tu te perdes de nouveau dans la foule des hommes, que ton oreille entende, comme autrefois, les vulgarits, les lieux communs et les blasphmes.Sans doute l'amertume singulire de cette preuve apporte ici quelques tristesse ; mais il est ais d'en triompher, car tu es le hiracophore de l'antique Sapience ; tu portes en ton coeur un trsor qui doit te consoler de toute douleur terrestre, une lumire qui doit illuminer ternellement ta vie. Ta mission te lace au-dessus de tous les hommes et ton bonheur est incomparable, car pour toi la parole d'Herms s'est ralise : "Ce qui tait occulte et cach deviendra manifeste ".Et nulle angoisse ne saurait treindre celui auquel a t enseign la Voie Royale de l'Absolu !coute Saint Paul t'nonant le grand arcane :Patres nostri omnes biberunt de spiritali, consequente eos, petra :PETRA autem erat CHRISTUS (I Cor X 4)
Lutetiae Parisiorum, 1906, le jour de l'Epiphanie.V3.0
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