View
5
Download
0
Category
Preview:
Citation preview
1
HISTOIRE DE LA MEDECINE
DU ROMANTISME AUX IMPRESSIONISTES
Le 25 Février 1830 le rideau du Théâtre–Français vient de tomber
sur le dernier acte du drame de Victor Hugo, Hernani. La bataille qui fait
rage entre les classiques et les modernes signe l’ouverture d’une ère
nouvelle, celle du romantisme. Les trois glorieuses et la chute de
Charles X signeront définitivement la fin de l’ancien monde. Pendant 85
ans (jusqu’au début de la guerre de 1914, et l’entrée dans la période
moderne), la médecine sera confrontée à une mutation sociétale jamais
encore rencontrée, même pendant la révolution.
L’industrie, le capitalisme, l’exode rural, l’instruction obligatoire,
le développement des transports (n’oublions pas qu’il était prévu que les
poumons des passagers des premiers trains explosent si la vitesse de 50
km/h était atteinte), modèleront une nouvelle société aux besoins
sanitaires différents. L’acquisition ne nouvelles techniques, le
développement des sciences expérimentales seront de puissants leviers
qui donneront des moyens mieux adaptés aux chirurgiens et aux
médecins.
Cette période de profonde mutation sociétale voit se développer
des pathologies qui, si elles existaient déjà depuis des siècles, prennent
alors une importance telle, qu’elles influeront sur le mode de vie et de
pensée des contemporains. La tuberculose emportera nombre de
romantiques et Laennec lui-même. Les épidémies de choléra, dont celle
de 1847 enlèvera Madame de Récamier. Le syndrome dépressif ou
mélancolie, plus connue sous son nom anglais de spleen, inspirera aux
romantiques désabusés, les plus beaux vers de la langue française. La
syphilis conduira à l’asile Maupassant, Toulouse Lautrec, le frère de
Manet (époux de Berthe Morisot), Mallarmé et toute une foule de poètes
et de peintres…
I= CLINICIENS
Les médecins, si bien croqués par Daumier dans sa caricature de
« Robert Macaire médecin » *,
reçoivent en redingote et en chapeau haut de forme.
2
* Robert Macaire est un personnage imaginaire, joué pour la
première fois au théâtre dans « l’auberge des adrets » par Benjamin
Lemaître. Il représente la vanité, l’ambition, la suffisance… qui
caractérisent un certain nombre de confrères de cette époque « est-ce
véritablement terminé ? ».
Pendant cette période, la médecine se développe très rapidement,
bénéficiant des découvertes scientifiques en chimie et biologie, et réalise
des pas de géant en obstétrique, maladies infectieuses, hématologie,
dermatologie, anesthésie, cardiologie, physiologie..., même si
l’empirisme et les recettes moyenâgeuses restent parfois utilisées (On
avait conseillé au frère de Napoléon, Jérôme, mari d’Hortense de
Beauharnais, de dormir avec une chemise de lépreux pour lutter contre
ses douleurs rhumatismales). Les grands noms qui marquent cette
période sont trop nombreux pour être tous cités en exergue. Ce sont pour
la majorité d’entre eux des spécialistes, et non plus comme aux siècles
précédents les précurseurs d’une discipline encore dans les limbes.
Parmi ceux-ci René T.H. Laennec apparaît toutefois comme le maître
incontesté du 19ème
siècle.
= René Théophile Hyacinthe Laennec (1781-1826)
Né en Bretagne dans une famille de notaires, Laennec suit très
rapidement les traces de son oncle Guillaume Laennec médecin de la
marine puis professeur à l’école de médecine de Nantes. De 1795 à
1801, René Laennec suit les cours de médecine dans cette ville, puis
s’installe à Paris pour bénéficier de l’enseignement de Dupuytren.
3
René T. H. Laennec
Très rapidement, il invente le stéthoscope et surtout définit les
bases de l’auscultation « Traité d’auscultation mediate en 1819 ».
Définissant l’axiome de la médecine moderne « Tout diagnostic
doit être fondé sur les signes cliniques des maladies », il donne son
titre de gloire à l’examen du patient au détriment de toute spéculation
physiopathologique.
C’est sur ce point que Broussais le dénigrera en publiant des
pamphlets incendiaires tout en reconnaissant l’importance du
stéthoscope (adepte d’une médecine rétrograde faisant appel aux
humeurs, Broussais terminera sa carrière de brillant chirurgien dans
une impasse scientifique).
Stéthoscope de Laennec
L’histoire raconte que Laennec observa deux gamins qui jouaient
avec un tronc d’arbre. Tandis que l’un collait son oreille à une
4
extrémité, l’autre grattais et tapotait de l’autre côté du tronc. La même
histoire existe avec le tronc creux d’un arbre mort. C’est de cette
observation que le premier stéthoscope (qui ressemble en effet à un
tronc), aurait été conçu.
Laennec à l’hôpital Necker
Tableau de Théobald Chartran
Notez la tenue de Laennec lors de ses consultations (redingote,
bottes, chapeau…). Le personnel infirmier est religieux. Laennec est
représenté, tenant à la main son fameux stéthoscope. Les étudiants
médecins sont équipés du tablier noué autour du cou qui restera en
fonction jusqu’en 1975
Laennec est un des plus grands praticiens du 19ème
siècle à la fois
pour l’invention du stéthoscope, mais aussi pour l’utilisation qu’il en a
faite en décrivant l’emphysème, la bronchiectasie et la tuberculose. Il a
également laissé son nom à une forme particulière de cirrhose
hypotrophique, dite cirrhose de Laennec (foie dur, rétracté ayant
l’apparence du granit).
Contrairement à Broussais, et malgré l’importance de ses
découvertes, Laennec n’acquit jamais de son vivant une popularité
comparable.
Il meurt à 45 ans de la maladie du siècle, la tuberculose qu’il avait
certainement contractée auprès de ses patients.
5
A partir de cette époque, la médecine, que l’on appelle « interne »
aujourd’hui tend à se spécialiser. On voit ainsi apparaître la cardiologie,
l’urologie, l’endocrinologie, la dermatologie, l’ORL l’ophtalmologie…
II= CARDIOLOGIE
La cardiologie du 19ème
siècle devient une spécialité à part entière.
Les principales pathologies cardiaques font l’objet de descriptions
cliniques détaillées. Malgré l’absence de matériel d’investigation
électrique, les troubles du rythme sont minutieusement décrits.
L’électrocardiographie ne fera que confirmer ces descriptions cliniques
au début du siècle suivant.
= William Stokes (1804-1870)
Médecin écossais, comme J.C. Cheyne, William Stokes
s’intéressera à l’observation clinique et notamment à l’utilisation du
stéthoscope récemment inventé par H Laennec pour ausculter le cœur et
le thorax (chest).
6
William Stokes
Il publiera deux ouvrages de référence (Diseases of the chest et
Diseases of the heart) qui seront utilisés par plusieurs générations
d’étudiants. Son nom est également connu pour désigner un trouble du
rythme décrit en collaboration avec Robert Adams (Stokes Adams) ou
maladie d’Adams Stokes.
La maladie d’Adams Stokes (en français) correspond aux
troubles neurologiques observés du fait d’une restriction du débit
vasculaire cérébral (vertige, lipothymie, épilepsie, syncope…). Sur le
plan cardiaque il s’agit d’un bloc atrio-ventriculaire entraînant une
bradycardie ventriculaire, entrecoupée de poses pouvant entraîner une
mort subite.
= Jean-Baptiste Bouillaud (1796-1881)
Bouillaud est originaire d’Angoulême. Il est très rapidement
formé par son oncle Jean Bouillaud, médecin major des armées. Avant
même d’avoir terminé sa formation, Bouillaud se trouve incorporé dans
le service de santé des armées et participe, jusqu’à Waterloo aux
batailles napoléoniennes.
De retour à Paris, il obtient son doctorat en 1823. Dès 1824 il
publie « Traité des maladies du cœur et des gros vaisseaux », puis
« Traité clinique et physiologique de l’encéphalite ». Nommé professeur
à l’hôpital de la Charité à Paris en 1831, il poursuit ses travaux de
cardiologie et publie en 1840 son fameux « Traité clinique du
rhumatisme articulaire et de la loi de coïncidence des inflammations du
cœur avec cette maladie ».
7
Jean-Baptiste Bouillaud
Doyen de la Faculté de Médecine de Paris, à la suite d’Orfila (A ce
sujet son comportement avec son prédécesseur fut particulièrement
exécrable, il ne cessera de le dénigrer pour se faire valoir), J. P.
Bouillaud poursuivit ses travaux sur les propriétés pharmacologiques de
la digitale, qu’il appelait « l’opium du cœur » et sur le langage.
Dans ce dernier domaine il contribua à la réflexion sur la
localisation du centre cérébral du langage, finalement déterminé par
Broca, et à individualiser les aphasies en deux types (impossibilité de
comprendre et impossibilité de produire). Ces deux aphasies sont
maintenant connues sous le nom d’aphasie de Wernicke et aphasie de
Broca.
* Maladie de Bouillaud : Rhumatisme Articulaire Aigu, fièvre
rhumatismale, polyarthrite aiguë fébrile.
III= UROLOGIE
= Jean Civial 1792-1867
Malgré ses origines modestes, fils d’un paysan auvergnat, Jean
Civial réussit à suivre des études de médecine à Paris. Passionné par
l’urologie, il acheta le droit de monter un service d’urologie à l’hôpital
Necker.
8
Mal considéré de ses confrères, car chef de service sans concours
(ce n’est plus le cas de nos jours, heureusement !!!), Civial réussit
pourtant à se forger une réputation européenne grâce à un appareil de
son invention qui permettait d’extraire les calculs vésicaux par les voies
naturelles.
A partir de 1826 la technique de la lithotritie fut opérationnelle,
évitant l’ouverture sus-pubienne de la vessie, intervention connue sous
le nom de la « taille ». C’est de cette dernière opération que décédera
Napoléon III en exil (9 Janvier 1873).
Civial opéra Lisfranc, le Roi des Belges et Sanson le bourreau le
plus célèbre de Paris*. Il fut membre de l’Académie de Médecine et de
l’Académie des Sciences.
* Il s’agit de Henri Sanson, fils de Charles Henri Sanson
(l’exécuteur de Louis XVI, qui se démit de sa fonction en 1891 au profit
d’Henri). H. Sanson (1767-1840) fût le bourreau de la terreur, il
exécuta entre autre la reine Marie Antoinette, le Duc d’Orléans…
IV= DERMATOLOGIE
Pendant cette période, la dermatologie progresse à grands pas. Les
principales pathologies font l’objet d’une description détaillée, et pour
beaucoup le facteur pathogène peut être identifié. Si au début du 19ème
siècle, on cherche encore à regrouper les atteintes cutanées en
« famille » (arbre d’Alibert), on se détache progressivement des
hypothèses étiologiques purement locales pour envisager des origines
pathologiques beaucoup plus générales.
= Alibert Jean Louis (1768-1831)
Jean Louis Alibert est né à Villefranche de Rouergue. En 1801 il
est nommé à l’Hôpital Saint Louis de Paris où il créera l’école de
dermatologie qui fait toujours la renommée de cet hôpital.
9
Alibert Jean Louis
Hôpital Saint Louis vers 1900
En 1816, Biett, l’un de ses élèves, ramène d’Angleterre la
classification dermatologique de Willan qui se développe très
rapidement en Europe.
J.L. Alibert, comme beaucoup de ses confrères, cherchait à
coordonner et à classer les multiples pathologies recensées en
dermatologie. Il eut l’idée originale de représenter schématiquement cet
ordonnancement sous la forme d’un arbre. Cette représentation
botanique se révéla assez proche de celle proposée par Biett.
10
Arbre des dermatoses d’Alibert
Tumeur d’Alibert
Pendant tout le 19ème
siècle les alibertistes et les willanistes débattirent
sur le bien fondé de leur théorie respective, opposant les artificialistes
(Willan) et les naturalistes (Alibert). Sa vie durant, Alibert développa sa
classification suivant les concepts philosophique de Jussieu et les
travaux de son maître Pinel.
= Alphée Cazenave (1795-1877)
Alphée Cazenave fut, comme Devergie, un élève de Biett à
l’Hôpital Saint Louis. Il est le fondateur du premier périodique de
dermatologie qui parut entre 1843 et 1852 (Annales des maladies de la
peau et de la Syphilis).
11
Alphée Cazenave
On lui doit notamment la description du pemphigus foliacé (1844)
et du Lupus érythémateux (1850).
Pemphigus foliacé Lupus érythémateux
12
= Alphonse Devergie (1798-1879)
Devergie devint médecin des hôpitaux en 1836 et succéda Biett à
l’hôpital Saint Louis.
Devergie
On lui doit entre autres travaux le « Traité pratique des maladies
de la peau ». Il devint président de l’Académie de Médecine en 1874. Il
donna la description du Pityriasis rubra pilaire
.
Devergie est le précurseur du Musée de dermatologie, pour lequel
il fit réaliser de nombreuses aquarelles représentant les lésions
cutanées. Il fut associé dans ce travail à Charles Lailler, chef de service
à Saint louis qui, avec l’aide du mouleur Jules Baretta(de 1863 à 1868)
réalisa des reproductions en cire des principales lésions
dermatologiques.
13
Cires dermatologiques
Ecole de dermatologie de Saint Louis
Alibert
Biett
Devergie Cazenave
Lailler
= Ferdinand Hebra (1816-1880)
Membre de l’école viennoise, F. Hebra est le premier à s’être
entièrement consacré aux maladies de la peau.
14
Ferdinand Hebra
Hebra classa l’ensemble des dermatoses à la fois sur les plans
clinique et microscopique, mais ne teint pas compte des pathologies
associées, ce qui lui fit proposer des thérapies locales au détriment des
étiologies humorales. Son nom reste associé à une forme particulière
d’eczéma, l’eczéma marginé d’Hebra.
Eczéma marginé de Hebra
= Moritz Kaposi’s’ (1837-1902)
Kapossi’s’ naît en Hongrie dans une famille juive portant le nom
de Kohn*. Il fait ses études à l’Université de Vienne et se lie d’amitié
avec Hebra.
15
Moritz Kaposi’s’
Docteur en médecine en 1859, avec pour sujet de thèse
« Dermatologie und Syphilis », il est nommé Professeur à Vienne en
1875 dans le Vienna General Hopital et directeur de la Clinical Skin
Diseases.
Le livre qu’il publie en 1880 marque profondément la
dermatologie. « Pathology and Therapie of the Skin Diseases in
Lectures of Pratical Physician and Students”. Il donne notamment dans
cet ouvrage la description d’une maladie génétique rare, le xeroderma
pigmendosum. Il est le premier à étudier le Lichen serofolosorum et le
Lupus érythémateux en collaboration avec Hebra.
Au cours de sa carrière, il publie 150 livres et articles
scientifiques. L’histoire retiendra son nom pour la description du
Kaposis’s’ sarcoma (tumeur causée par un virus qui sera mis en
évidence en 1990).
* Moritz Kohn prendra le nom de Moritz Kaposis’s’ (nom de sa
ville d’origine) après sa conversion au catholicisme pour pouvoir
épouser la fille d’Hebra, mais aussi pour se distinguer de cinq de ses
collègues viennois portant le même nom. Ses confrères diront de lui « Il
a pris la fille, sa maison, sa chaire et sa clientèle à son beau-père ».
16
= Sabouraud Raymond (1864-1938)
Né à Nantes, Sabouraud est admis comme interne à Saint Louis en
1892. Elève de Roux à l’Institut Pasteur, R. Sabouraud travailla sur les
mycoses et notamment sur les mycoses du cuir chevelu. A l’hôpital
Saint Louis il publia de nombreux travaux sur ce sujet dont notamment
« La pelade et les teignes de l’enfant » en 1895.
Sabouraud Raymond
On lui doit la mise au point de nombreux milieux de culture, dont
notamment celui à qui il a laissé son nom et qui est toujours utilisé
aujourd’hui pour la culture et l’identification des mycoses, le milieu de
Sabouraud.
Colonies mycéliennes sur milieu de Sabouraud
17
V= ENDOCRINOLOGIE
Les recherches biologiques et physiologiques entreprises au 19ème
siècle, donnèrent à cette nouvelle science, non encore « spécialisée »,
toutes les bases nécessaires à son développement future. Pour cette
raison, on trouve les précurseurs de l’endocrinologie chez les
physiologistes, les biologistes et les cliniciens.
= Thomas Addison (1793-1860)
Né près de Newcastle, Thomas Addison entre à la faculté de
Médecine d’Edinburgh, d’où il sort thèsé en 1815 avec un sujet portant
sur le « traitement de la syphilis par le mercure », technique déjà utilisée
à la renaissance.
La même année, il exerce la chirurgie, puis s’intéresse aux
maladies de la peau. Il entre comme assistant au célèbre Guy’s hospital
de Londres où il exercera jusqu’à son décès.
18
Thomas Addison
En 1839, il publie « Elements of the Pratice of Medicine »,
puis “On the Constitutional and Local Effects of Disease of the
Suprarenal Capsules” dans lequel il décrit l’insuffisance surrénale
(maladie bronzée d’Addison) et l’anémie pernicieuse (anémie
d’Addison) qui perpétuent son nom.
Thomas Addison laissa auprès de tout ceux qui l’on connu un
souvenir impérissable tant sa stature, sa prestance, son langage incisif et
la qualité de ses analyses cliniques étaient remarquables. Le respect
souvent mêlé de crainte qu’il inspira à ses disciples au Guy’s Hospital
and Mecical School d’Edimbourg, marquèrent les esprits de ses
collègues et de ses étudiants.
Victime de plusieurs syndromes dépressifs, il se suicide par
défenestration en 1860, trois mois après avoir écrit à ses étudiants pour
les remercier.
= Edouard Brown-Séquard (1817-1894)
Edouard Brown-Séquard est né à l’île Maurice. Il fait ses études à
Paris et est reçu docteur en médecine en 1846. A partir de cette date,
Brown-Séquard devient un globe-trotter de la médecine. De retour à l’île
Maurice, il ne tarde pas à se tourner vers les Etats-Unis pour quelques
années, avant de retourner à Paris et de se fixer momentanément à
Londres où il est nommé professeur de pathologie du système nerveux
dans l’hôpital national pour les paralysés et les épileptiques.
19
Edouard Brown-Sequard
En 1864, il est de retour aux Etats-Unis comme professeur de
physiologie et de neuropathologie. Il terminera sa carrière mouvementée
à Paris où il succède à Claude Bernard comme titulaire de la Chaire de
Médecine expérimentale.
Edouard Brown-Séquard poursuivit les travaux de C. Bernard
notamment dans le domaine des sécrétions hépatiques et pancréatiques.
Père de l’endocrinologie moderne (les produits sécrétés passent dans
le sang pour transmettre un message), il travailla également sur les
sécrétions des glandes surrénales, des testicules, de la thyroïde et les
fonctions du rein et de la rate.
En avance sur les futures techniques de dopage, il pensait pouvoir
rajeunir un organisme en injectant des extraits de tissus testiculaires de
Bélier*.
Edouard Brown-Séquard est également le fondateur des Archives
de physiologie en 1868.
Sur le plan de ses recherches neurologiques on retiendra le très
fameux : Syndrome de Brown-Séquard qui correspond à une lésion de
la moitié de la moelle épinière, donnant une hémi paraplégie avec
hémianesthésie profonde du côté de la lésion et une hémianesthésie
tactile douloureuse et thermique du côté opposé.
20
* Bien avant lui, les gladiateurs de Rome se dopaient avec des broyas
de testicule de taureau (Cela marche toujours).
VI= HEMATOLOGIE
= Gabriel Andral (1797-1876)
Professeur à Paris, Gabriel Andral succède à Broussais comme
professeur d’hygiène dont il héritera de la chaire de pathologie générale
et de thérapeutique.
Premier à étudier la biochimie et les éléments figurés du
sang, G. Andral décrit la Lymphangite carcinomatosa chez une patiente
porteuse d’un cancer de l’utérus. Cette lésion accompagne plus
généralement les cancers de l’intestin et du poumon.
Il est en général reconnu comme le premier hématologue.
= Thomas Hodgkin (1798-1866)
Médecin originaire du Middle-west, Thomas Hodgkin étudie en
Angleterre en Ecosse, en Italie (1821) puis en France. Il passe sa thèse à
Edinburgh sur le thème de la « Physiologie de l’absorption chez
l’animal ».
21
Thomas Hodgkin
Thomas Hodgkin travaillait en collaboration avec T. Addison à
Edimbourg. Contrairement à son collègue à l’allure noble et sévère, il
fut un homme d’une modestie et d’une générosité exceptionnelle.
Quaker d’origine, il respecta toute sa vie l’habit caractéristique
qu’il portait sous sa blouse, et mis en pratique la charité prônée par sa
philosophie.
Habit traditionnel du Quaker
Il décrivit en 1832 « l’hypertrophie de la rate et du système
lymphatique », connue depuis sous le nom de maladie d’Hodgkin
(Nom donné par S. Wilks en 1865).
22
Cellules hodgkiniennes
Auteur de « The morbid Anatomy of Serou and mucous
Membranes » en 1829 et de « Lecturs on Morbid Anatomy » en 1836,
Thomas Hodgkin sera un promoteur de la médecine préventive. Il
décrira également l’appendicite aigue, la biconcavité des cellules
sanguines et la striation des fibres musculaires.
= François Vincent Raspail (1794-1878)
J.F.Raspail est né à Carpentras. De vocation plus scientifique que
médicale, il travailla sur la cellule et la biochimie. Père de
l’histochimie, il reconnu à la cellule son rôle de « laboratoire
chimique » et définit ainsi la théorie cellulaire.
François Vincent Raspail
Parallèlement à sa carrière scientifique, Raspail s’engage
politiquement et soutient la révolution de 1830.
23
Il définit ce qu’il appelait le « ver microscopique » qu’il considère
comme agent pathogène des maladies contagieuses. Très engagé dans le
socialisme, il prodiguait gratuitement ses consultations aux pauvres. Il
publie à partir de 1845, le « Manuel annuaire de la santé » qui le fit
connaître dans l’Europe entière comme promoteur de l’hygiène et de la
santé.
VI= INFECTIOLOGIE
= Pierre Fidèle Bretonneau (1778-1862)
Originaire de Touraine, Pierre Fidèle Bretonneau était issu d’une
famille exerçant la médecine et l’art de guérir depuis neuf générations.
Pierre Fidèle Bretonneau
D’abord centralien à Paris, il suit des études médicales et
s’installe à Chenonceaux comme officier de santé. Médecin de
campagne, il étudie auprès de ses patients le développement des
contagions. Très ingénieux, il imagine de conserver « la pulpe
vaccinale » dans un tube capillaire. En 1815 il est nommé médecin chef
de l’hôpital de Tours. Dans cet établissement il décrit la diphtérie et le
croup, sa complication. Il pratique des trachéotomies pendant la phase
asphyxiante et sauve ainsi ses malades*.
* Une technique traditionnelle consistait à tailler un poireau en
pointe et à introduire cette sorte de trocart dans la trachée du sujet pour
pratiquer un « ramonage » des fausses membranes. L’acidité du
poireau empêchant semble t-il un nouveau phénomène prolifératif
24
(l’auteur de ce cours est particulièrement reconnaissant à son arrière
grand-mère qui sauva sa fille alors âgée de 7 ans par cette technique)..
Mais le génie de Bretonneau va résider dans son approche de la
spécificité pathologique des germes. Alors que Broussais et beaucoup
de ses confrères parisiens parlaient encore de génération spontanée,
Bretonneau démontre : qu’il existe un germe propre à chaque contagion
et que l’épidémie n’est engendrée et disséminée que par leur germe
reproducteur.
L’hôpital parisien spécialisé en pédiatrie qui porte son nom a été
transformé en maison de retraite et longs séjours dans les années 1990.
= Armand Trousseau (1801-1867)
Armand Trousseau est né à Tours. Etudiant dans cette ville dans le
service de Bretonneau, il passe sa thèse en 1825 et est agrégé de la
faculté de Médecine de Paris en 1827.
Armand Trousseau
Trousseau est chargé en 1828 d’étudier l’épidémie de choléra qui
sévit au centre le la France, puis la fièvre jaune à Gibraltar.
En 1837 il reçoit un prix spécial de l’Académie de médecine pour
ses observations cliniques. Il obtient la chaire de thérapeutique et de
pharmacologie de la Faculté de Paris.
Il est un des premiers à utiliser la trachéotomie. Il donne son nom
à la contraction de la main lors des crises de spasmophilie (main
d’accoucheur ou signe de trousseau).
25
Un hôpital parisien porte son nom.
= Pierre François Oliver Rayer (1793-1867)
Pierre François Oliver Rayer
Normand d’origine (Calvados), Pierre François Oliver Rayer fit
ses études à Paris et prit comme sujet de thèse « Sommaire d’une
histoire abrégée de l’anatomie pathologique ». Son œuvre porte
essentiellement sur l’anatomie comparée et les infections croisées. Sa
publication « De la morve et du farcin chez l’homme » montre la
transmission possible de cette maladie du cheval à l’homme. Rayer
travailla également sur les maladies infectieuses comme le choléra, la
tuberculose, la fièvre aphteuse, le charbon du mouton. En 1835, il publie
« Traité des maladies de la peau », ouvrage brillamment illustré.
26
Tuberous sclerosis
Il mit en évidence le premier l’existence de bâtonnets dans le sang
des moutons infectés par le charbon, qu’il nomma « Bacillus
anthracis ».
Fondateur et premier Président de la société de biologie il fut
également membre de l’académie de médecine et de l’Académie des
sciences.
Dans un autre domaine Rayer fut un précurseur dans les maladies
des reins. Premier à examiner des urines au microscope il définit
l’hydronéphrose et publia en 1839 « Traités des maladies des reins et
de la sécrétion urinaire ».
P.F. Rayer fut le médecin de Louis Philippe, de Napoléon III, de
la princesse Mathilde et du Duc de Morny. Son enseignement fut
particulièrement apprécié de ses internes, à qui il sut donner le goût de
la recherche. On compte parmi eux une belle brochette de célébrités :
Claude Bernard, Charcot, Brown-Séquard, Davaine, Bouchard…
= Casimir Joseph Davaine (1812-1882)
Casimir Joseph Davaine fit ses études médicales à Paris. Elève de
Rayer, il découvrit avec lui le bacille de la maladie charbonneuse
(1850). Bactériologiste et parasitologue, Davaine travailla sur la
septicémie des bovidés et publia un « Traité des Entozoaires ». Médecin
par quartier de Napoléon III, il eût une clientèle importante et soigna
Rossini, la famille Rothschild et Alphonsine Plessis (la dame aux
camélias).
27
Casimir Joseph Davaine
On lui doit la découverte des mouvements amiboïdes des
leucocytes (1850) et une approche de la phagocytose (1869).
= Louis Pasteur (1822-1895)
Louis Pasteur est né dans le Jura à Dôle. Il passe son enfance à
Arbois dans un pays producteur de vin, et c’est tout naturellement qu’il
entreprend, comme chimiste, des recherches sur la fermentation en 1854.
Doyen de la faculté des sciences de Lille la même année, et Directeur
des études scientifiques à l’école normale supérieure, il poursuit ses
travaux sur les ferments soumis à un chauffage rapide, suivi d’un
refroidissement, technique connue sous le nom de « pasteurisation ».
Travaillant en collaboration avec les sériciculteurs (éleveurs de
vers à soie), il met en évidence la contagiosité de microorganismes et
sauve ainsi la sériciculture lyonnaise.
Dans la même voie, il rejette la « génération spontanée » et
découvre le bacille du charbon * (1876), le staphylocoque et le bacille
du choléra des poules (1880), le pneumocoque (1881) l’agent pathogène
de la rage. Cette dernière découverte lui donnant une aura universelle
qu’il conservera sa vie durant. En Juillet 1885, il sauve grâce à la mise
au point de son vaccin un jeune alsacien, Joseph Meister mordu pas un
animal enragé. Ce dernier restera auprès de Pasteur et travaillera sa
vie durant comme concierge du futur Institut (1888).
28
Louis Pasteur
* Le 5 Mai 1881 se déroule dans une ferme près de Melun une
expérience avec 50 moutons, 5 vaches, un bœuf et 2 chèvres. Chaque
animal (à l’exception de 25 moutons) est inoculé par une culture
charbonneuse très atténuée, puis par une nouvelle vaccination plus
virulente 12 jours plus tard. Le 31 Mai tous les animaux reçoivent une
injection de bacilles charbonneux virulents. Le 2 Juin tous les animaux
vaccinés sont vivants, tous les autres sont morts.
Reçu à l’académie française, secrétaire perpétuel de l’académie
des sciences, Louis Pasteur fût de son vivant encensé et fêté par la
troisième république.
De caractère difficile et misogyne, il gardera comme intime
blessure le fait de ne pas être médecin et de ne pouvoir administrer lui-
même les vaccins qu’il inventait.
Esprit en avance sur son temps en ce qui concerne le
développement des microorganismes et les mécanismes de la contagion
(il pose les bases de l’asepsie chirurgicale), il ignorera cependant les
enzymes et bataillera de manière parfois injuste avec les confrères
travaillant sur ce sujet.
29
Vaccination contre le charbon
Victime d’une atteinte de paralysie à l’âge de 45 ans, il vivra
cependant 73 ans, veillant jusqu’à sa mort sur la gestion de l’Institut et
sur les recherches de ses successeurs.
= Jean Antoine Villemin (1827-1892)
Vosgien d’origine, Villemin fit ses études à Strasbourg à l’Hôpital
militaire d’instruction, et obtient sa thèse en 1853. Il entre alors au Val
de Grâce à Paris où il est agrégé en 1863.
Jean Antoine Villemin
30
Ayant constaté qu’une chambrée entière d’une centaine de gardes,
présentait les signes de la phtisie, il conclut que la tuberculose était une
maladie contagieuse (1865). Après avoir vérifié cette hypothèse chez le
lapin par inoculation, il publia sa découverte et la soumis à l’Académie
de Médecine qui le reçut parmi ses membres en 1871.
Les travaux de Villemin permirent ainsi de confirmer l’hypothèse
de Laennec qui avait été remis en cause lors de ces trente dernières
années. Quelques années plus tard (1885) Koch en découvrant le bacille
de la tuberculose devait confirmer définitivement le caractère
épidémique de cette maladie. Villemin met également en évidence le fait
que certaines bactéries pouvaient s’attaquer à d’autres bactéries.
On lui doit la création du terme « antibiotique »
= Robert Koch (1843-1910)
R. Korch est né en Allemagne. Il suit ses études médicales à
l’Université de Göttingen où il est docteur en 1866.
Robert Koch
Robert Koch est à l’origine de nombreuses découvertes
bactériologiques. Après que Casimir Davaine ait montré la transmission
directe du bacille de l’Anthrax entre les vaches, Koch met au point une
technique de purification du bacille et montre qu’il peut prendre une
forme sporulée momentanément inactive mais résistante.
En 1882, il découvre le bacille de la tuberculose (Mycobacterium
tuberculosis), qui portera son nom.
31
Bacilles de Koch
En 1883, il décrit le vibrion cholérique. Cette découverte ne
lui sera cependant pas attribuée car Fillippo Pacini avait préalablement
décrit le vibrion en 1854, découverte, passée depuis dans l’anonymat le
plus complet. Ce vibrion portera donc le nom de Vibrio Cholea Pacini.
Créateur à Berlin de l’Institut des maladies infectieuses, il est fait
Prix Nobel en 1905, un cratère lunaire porte son nom.
= Emile Duclaux (1840-1904)
Né à Aurillac, E. Duclaux fait ses études au Lycée Saint Louis à
Paris. Reçu simultanément à Polytechnique et à L’Ecole Normale
supérieure, il choisit cette dernière et devient assistant dans le
laboratoire de Louis Pasteur.
Emile Duclaux
32
Toute sa carrière, il travaille en relation avec Pasteur et réfute
avec ce dernier la théorie de la génération spontanée.
Professeur à Clermont Ferrand, Tours, Lyon et Paris, il enseigne
la chimie biologie des levures, de la fermentation et travaille sur le
phylloxéra.
Il publie de très nombreux travaux dont le « Traité de
microbiologie » et « Hygiène sociale ».
A la mort de Pasteur, il devient directeur de l’Institut avec Emile
Roux pour directeur adjoint.
VII= MALADIES VENERIENNES
L’exode rurale provoquée par les besoins de l’industrie, la
naissance d’une nouvelle classe sociale pauvre, la licence du monde
artistique, le « dévergondage » d’une partie de la bourgeoisie et de la
cour du second empire (lire ou relire Nana d’Emile Zola) seront à
l’origine du développement des maladies vénériennes.
= Philippe Ricord 1800-1869)
Ricord est né à Philadelphie et ce n’est qu’à l’âge de 20 ans, qu’il
gagne Paris où il suit ses études de médecine. Reçu à sa thèse en 1826, il
est nommé chirurgien des hôpitaux et se spécialise dans la chirurgie des
organes génitaux. Il est à l’origine de la cure du varicocèle et de la
première urétroplastie (1842)
Philippe Ricord
Ricord démontra, malgré de nombreux avis contraires que la
syphilis était une affection différente de la blennorragie.
33
Il eut pour disciple Alfred Fournier qui devint par la suite son
gendre. Il a laissé son nom au chancre initial de la syphilis
« Monographie du chancre » 1837.
Spéculum de Philippe Ricord
On lui doit également la « Théorie sur la nature et le traitement
de l’épididymite » et son remarquable « Traité des maladies
vénériennes » en 8 volumes.
Lésions syphilitiques
34
Sa consultation est citée dans plusieurs chansons de salles de
garde, notamment dans « La marche des véroles ou la chanson de
Lourcine ».
Caricature de Ricord parue dans le Journal satyrique, La lune
= Alfred Fournier (1832-1914)
Né à Paris, Alfred Fournier, réalise ses études médicales dans
cette ville et entre comme interne chez Ricord à Lourcine.
Alfred Fournier
Elève de Ricord, à l’hôpital Lourcine (devenu ultérieurement
l’hôpital Broca), Fournier doit être considéré comme le plus grand
35
spécialiste de l’affection syphilitique. Il exerça en 1876 à l’hôpital Saint
Louis où l’on créa pour lui la chaire des maladies cutanées et
syphilitiques (1880). Ses travaux portèrent sur les conséquences
rhumatismales des blennorragies, l’étiologie des différentes urétrites et
définit, sans que l’on connaisse à l’époque le tréponème, les
circonstances de la contagion syphilitique. On doit à A. Fournier la
reconnaissance de la syphilis congénitale.
Il définit également pour la première fois, et contre l’avis de
nombreux confrères, les trois stades de la syphilis, dont le fameux stade
tabétique très controversé à l’époque.
En 1901 il fonde la société de prophylaxie sanitaire et morale.
Malgré l’importance de ses travaux, Fournier reste aujourd’hui
relativement peu connu si ce n’est par l’ouverture en 1932 d’un Institut
de recherche destiné à la lutte antivénérienne qui porte son nom.
Les autres patronymes le concernant sont eux tombés dans
l’oubli :
Tibia de Fournier, aspect fusiforme de la crête tibiale
pouvant être observé dans les syphilis congénitales.
Gangrène de Fournier, infection du scrotum chez le
diabétique.
Signe de Fournier, plaies des lèvres observées dans les
syphilis congénitales.
VIII= OBSTETRIQUE, GYNECOLOGIE, PEDIATRIE
Le 19ème
siècle révolutionnera la gynécologie et l’obstétrique. En
100 ans, de Baudelocque à Tarnier, le suivi de la grossesse,
l’accouchement et la prise en charge du nouveau né se sont
profondément transformés. La mortalité effroyable des femmes et des
enfants commence à décroître, tandis que la puériculture se développe.
Au plan social et philosophique, les mentalités changent, la
grossesse et l’enfantement acquièrent peu à peu une dimension sociale
inconnue jusqu’alors. Abandonné par les plus pauvre, confié à une
nourrice provinciale pour les plus riches, l’enfant prend au sein de la
famille, une place sinon encore centrale, comme ce sera le cas au 20ème
siècle, du moins un statut plus enviable qu’aux siècles précédents.
36
1776 Thèse de Baudelocque
1795 Création de la maternité de Port Royal
1795 Baudelocque est nommé premier titulaire de la
chaire d’obstétrique, invente la pelvimétrie, codifie les
positions fœtales.
1802 Première école de sages femmes
1822 Kergaradec écoute le cœur fœtal et définit son
rythme
1857 Tarnier décrit la fièvre puerpérale
1864 Principes de la puériculture (Pinard)
1873 Première hystérectomie par Tarnier
1878 Codification de la palpation abdominale par
Pinard
1880 Indications de la césarienne (Pinard)
1888 Tarnier codifie les souffrances fœtales par
auscultation cardiaque
1889 Première couveuse (Tarnier)
= Jacques Alexandre le Jumeau de Kergaradec (1787-
1877)
Orphelin de père et de mère du fait des massacres
révolutionnaires, le jeune Jacques de Kergaradec est élevé par un père
réfractaire qui lui apprend le latin et le grec, indispensable pour la
médecine jusqu’à la fin du 19ème
siècle, ainsi que par le docteur Boscher
qui le fait entrer comme aide chirurgien à l’hôpital de Morlaix (de 11
ans à 15 ans). Devenu élève de l’école pratique, il suit les cours de
Dupuytren et de Laennec et prend sa fonction d’interne en 1806 (il a
19 ans).
Lié d’amitié avec Laennec, il écoute pour la première fois le cœur
foetal grâce au stéthoscope et publie un Mémoire sur l’auscultation
appliquée à l’étude des grossesses (1821).
Après avoir mesuré le rythme fœtal, il pressent que l’étude de ces
variations pourra informer le praticien sur d’éventuelles souffrances
fœtales et conseille de ce fait l’auscultation systématique des fœtus
pendant la grossesse. Il faudra 10 à 15 ans années pour que cet examen
entre dans les mœurs des obstétriciens et soit systématiquement utilisé.
37
Ultérieurement, Tarnier (1888) peaufinera l’œuvre de Kergaradec
en précisant les données cliniques et leurs correspondances
pathologiques.
= James Marion Sims (1813-1883)
James Marion Sims
Pionnier de la gynécologie, il fonda le Woman’s Hospital de l’état
de New York. Après avoir découvert la position dite prosternée pour
étudier le vagin et l’utérus, il mit au point un spéculum dit de Sims ce
qui lui permit de traiter les fistules vaginales.
= Stéphane Tarnier (1828-1897)
Stéphane Tarnier est bourguignon. Il naît d’un père médecin en
côte d’or, le 29 Avril 1828. Nommé interne en 1853, il entre à l’Hospice
de la Maternité en 1856 et soutient sa thèse en 1857 sur la « fièvre
puerpérale » démontrant qu’il s’agit d’un phénomène contagieux.
A cette époque le taux de mortalité dans les hospices était
beaucoup plus élevé que pour les femmes accouchant à domicile. Il
définit des règles d’hygiène strictes pour l’accouchement et les examens
cliniques, et conseille d’isoler autant que possible les jeunes mères les
unes des autres (les examens étaient pratiqués à la suite les uns des
autres, sans gants ou doigtier, et sans hygiène des mains…).
38
Stéphane Tarnier
Nommé professeur agrégé en 1860, il perfectionne les forceps de
Levret et rédige un « Traité de l’Art des accouchements » qui résume ses
travaux obstétricaux et notamment la technique de l’hystérectomie qu’il
réalise pour la première fois en 1873. Travailleur forcené, curieux de
tout, inventeur de nouveaux matériels, perfectionniste, enseignant
infatigable, il sut transmettre à ses disciples et notamment à Pinard ses
nouvelles techniques et le fruit de ses travaux.
Spéculum de Tarnier
Inventeur de la couveuse pour les prématurés, il conçut également
une alimentation spécifique pour aider les enfants chétifs et
hypotrophiques à passer le cap difficile des premières semaines.
Moqué par certains confrères qui s’amusent de la lenteur de ses
publications (accouchement le plus laborieux que Tarnier est fait de sa
vie), il gardera sa vie durant son air malicieux et sa grande bonté pour
ses patientes et ses étudiants.
39
Titulaire de la chaire de clinique obstétricale en 1889, il est
nommé président de l’Académie de Médecine en 1891.
En 1889 l’hospice de la Maternité déménage dans des locaux
neufs rue d’Assas ; cette maternité prendra son nom pour honorer sa
mémoire.
Couveuse de Tarnier
= Adolphe Pinard (1844-1934)
Originaire d’une famille de paysans champenois, Adolphe Pinard
termine ses études à Paris et entre à la faculté de médecine. Elève de
Tarnier, il est interne en 1870, puis agrégé en 1878. Il est nommé
directeur de la clinique obstétricale de Port Royal à laquelle il donnera
le nom de son illustre prédécesseur, Baudelocque. Pendant 45 ans il
travaillera aux accouchements en définissant un concept récemment
remis à la mode, celui du couple mère/enfant.
Adolphe Pinard
40
Prolongeant les travaux de Jumeau de Kergaradec et de Tarnier
auquel il succède, il codifie l’examen clinique du fœtus et de la mère
pendant la grossesse, le palper abdominal, le travail et les indications de
la césarienne. Protecteur de la mère et de l’enfant qui « ne doit pas
souffrir » de l’accouchement, il se bat pour que les femmes enceintes
cessent le travail, l’allaitement maternelle, la protection des filles mères
et crée en 1864 les principes de la puériculture.
Stéthoscopes obstétricaux de Pinard
Au-delà de ses préoccupations médicales proprement dites, il
cherche à former les futures parturientes (ouverture d’un cours de
puériculture pour jeunes filles en 1912), protéger la femme avant la
grossesse (certificat prénuptial), pendant la grossesse (protection sociale
et médicale des femmes enceintes) et après l’accouchement (ouverture
de maisons maternelles).
Consultation de pédiatrie vers 1900 (Chicotot, Musée de l’AP)
41
Jusqu’à sa retraite à l’âge de 70 ans, il oeuvrera pour que la mère
et l’enfant jouissent d’une protection sociale indispensable à leur santé.
Dix ans après sa retraite, il crée encore l’Institut de puériculture.
Allaitement au biberon d’après Pinard
Les nombreux travaux qu’il publiera concernent à la fois la
grossesse (Traité du palper abdominal au point de vue obstétrical et de
la version par manœuvre externe) en 1878, et la puériculture
(L’enseignement de la puériculture) en 1912.
IX= OPH
= Photinos Panas (1832-1903)
P. Panas est d’origine grecque. Il réalisa ses études à Paris (1850)
et prit la nationalité française.
Panas travaille sur « L’anatomie et la physiologie des fosses
nasales et des voies lacrymales » (1860)
Après la guerre de 1870, ses recherches s’orientent vers
l’ophtalmologie. C’est pour lui qu’est crée en 1879 la Chaire
d’Ophtalmologie à l’Université de Paris.
Auteur prolifique, on lui doit : « Leçon sur le strabisme », « Leçon
sur les kératites », « Leçon sur les affections de l’appareil lacrymal»,
« Les maladies inflammatoires des membranes de l’œil » (1878), « Atlas
d’Anatomie de l’œil » (1879, « Traité des maladies des yeux » (1894).
42
X= ORL
= Jean-Marc Gaspard Itard
Nommé docteur en Médecine à Marseille sur la description du
pneumothorax, Jean-Marc Gaspard Itard occupe un poste de chirurgien
de troisième classe à Toulon où il assistera aux cours de D. Larrey.
Jean-Marc Gaspard Itard
Créateur de l’otologie, avec le « Traité des maladies de l’oreille et
de l’audition », Itard se consacre à l’Institution des sourds-muets et crée
des appareils d’acoustique et d’exploration de la trompe d’Eustache. La
sonde qui porte son nom permet de cathétériser cette trompe.
La sonde qui porte son nom permet de cathétériser la trompe
d’Eustache, elle est toujours en fonction de nos jours.
43
Il consacra une grande partie de sa vie à « sortir » les sourds
muets de leur isolement et du déficit intellectuel qu’il entraîne. Il publia
un livre intitulé « De l’éducation d’un homme sauvage » à partir des
travaux qu’il effectua, sans résultat, pour redonner la parole à un
enfant sauvage connu sous le nom de « sauvage de l’Aveyron ».
Généreux, il légua à sa mort l’ensemble de sa fortune à l’Institution.
= Marcel Lermoyer (1858 1929)
Originaire de Cambrai, Marcel Lermoyer est médecin des
hôpitaux en 1891. Il consacra sa vie à l’ORL et obtint la création du
premier service d’hospitalisation destiné à cette spécialité à l’hôpital
Saint Antoine. Il fut admis à l’académie de médecine en 1911 et reste
comme l’un des chefs de l’école d’ORL française.
XI= NEUROLOGIE ET MALADIES MENTALES
A partir de 1822, la neurologie et la psychiatrie, encore
confondues vont bénéficier des travaux expérimentaux réalisés par
Flourens et ses élèves.
Flourens
Vulpian
Déjerine Babinski Prévost
Ecole française de neurologie
44
= Marie jean pierre Flourens 1794-1867
Reçu docteur en médecine à Montpellier, Flourens se rend à Paris
pour travailler au Muséum. Biologiste, Flourens mène ses recherches en
neuroscience expérimentale «Lésions chirurgicales des systèmes
nerveux » 1825, cherchant à établir la théorie du localisationnisme
cérébral.
Marie J.P. Flourens
Reçu à l’Académie des sciences en 1828, il succéda à Georges
Cuvier au Collège de France. En 1830 il donne des cours d’anatomie
humaine et devient titulaire de la Chaire d’Antoine Portal.
En 1840, il est élu à l’Académie française devant Victor Hugo.
Il est considéré comme le fondateur de la neurologie expérimentale.
= Alfred Vulpian 1826-1887
A. Vulpian naît à Paris et valide sa thèse dans cette Ville. Elève de
Marie Jean Pierre Flourens, Vulpian étudie la physiologie et la
neurophysiologie. Nommé professeur d’anatomie pathologique en 1873,
lors de la démission de Brown-Séquard, il poursuit ses recherches sur
l’ictus et la glande Surrénale. Il découvre l’adrénaline en 1856.
45
A. Vulpian
Avec l’un de ses élèves, Prévost, il décrit ce qui deviendra le
signe de Prévost Vulpian, c'est-à-dire que la victime d’une hémiplégie a
les yeux et la tête tournés du côté opposé, « le patient regarde du côté
de sa lésion ». On doit également à ce neurologue, le syndrome de
Vulpian (douleurs sympathiques accompagnées de troubles vasomoteurs
et thermiques, observés parfois lors des compressions de la moelle dans
la région dorsale moyenne), et l’atrophie de type Vulpian correspondant
à une atrophie musculaire progressive spinale débutant par l’épaule.
= Guillaume, Benjamin Duchenne (1806-1875)
Guillaume, Benjamin Duchenne, dit Duchenne de Boulogne, naît
dans cette localité en 1806. Il fait ses études à Paris, et s’installe à Douai
où il commence ses études sur l’effet de l’électricité sur la contraction
musculaire.
Grâce à une technique utilisant le courant alternatif, Duchenne
réussit à ne stimuler qu’une fibre musculaire à la fois. Non universitaire,
il poursuit ses études de physiologie à Douai en explorant
minutieusement les effets des stimulations électriques chez des sujets
paralysés et des marins.
Il publie en 1833 « Expérimentation de l’usage thérapeutique de
l’électricité ».
46
Duchenne de Boulogne
En 1842 il revient à Paris poursuivre ses travaux et découvre une
forme d’amyotrophie* qui depuis porte son nom. Il travaille sur la
poliomyélite, le tabès et en général sur toutes les formes de paralysie. En
1855, il publie « De l’électrisation localisée et de son application à la
physiologie, à la pathologie et à la thérapeutique », puis « Physiologie
des mouvements » en 1867.
Parallèlement à ses études physiologiques Duchenne de Boulogne
est un précurseur en matière de photographie médicale. Chacune de ses
expériences seront minutieusement photographiées et analysées.
47
Il mettra en évidence que le sourire ne prend pas seulement en
compte les muscles buccaux, mais aussi les muscles oculaires. Il décrira
ainsi un type de « sourire de bonheur » qui portera désormais le nom de
sourire de Duchenne.
Bien que non universitaire, son œuvre physiologique sera
reconnue par les plus grands qui le considèrent comme le fondateur de la
neurologie. Charcot disait de lui que « c’était un maître ».
* La myopathie pseudo hypertrophique de Duchenne est une myopathie
primitive qui débute dans l’enfance, plus souvent un garçon, par une
hypotrophie musculaire, masquée par un développement hypertrophique
du tissu adipeux. Elle s’accompagne de rétractions tendineuses et
d’atteinte myocardique. La mort survient après 10 à 15 ans d’évolution
par insuffisance cardiaque ou infection intercurrente.
= Paul Broca (1824-1880)
Paul Broca est né en Gironde, près de Bergerac. Fils d’un médecin
militaire, il se dirige sans grande conviction vers la médecine alors qu’il
se passionnait pour les mathématiques. Thèsé à Paris, il est chirurgien
des hôpitaux de Paris en 1853.
Paul Broca
P. Broca travaille sur les anévrismes et prône l’utilisation du
microscope pour étudier les cellules cancéreuses. Mais l’œuvre de Paul
Broca est celle d’un anatomiste du système nerveux. Neurochirurgien, il
est le précurseur des interventions réglées.
48
Il codifie les reliefs du cortex cérébral et met en évidence le centre
du langage à la base de la troisième circonvolution frontale gauche.
Craniomètre de Broca Collection de Broca
Outre l’aire du langage, P. Broca établira la première carte des
localisations cérébrales et notamment l’importance du lobe limbique
dans l’activité cérébrale primordiale.
Caricature de P. Broca Aire du langage de Broca
Paul Broca est également le fondateur de l’anthropologie
médicale. Il se heurte à l’opposition de l’église qui juge impossible de
localiser anatomiquement une faculté spirituelle.
49
Malgré cette opposition relayée par l’Etat, il fonde le laboratoire
d’anthropologie de l’Ecole des Hautes Etudes qui accueillera et
formera des célébrités du monde de l’anthropologie, dont le fameux
Bertillon, inventeur de la craniologie judiciaire et des empruntes
digitales.
= J. Déjérine 1849-1917
Déjérine est né à Genève de Parents français. Inscrit à la Faculté
de Médecine de Paris, il est nommé externe, puis interne dans le service
de Vulpian.
Il rencontre chez Hardy, où il est chef de clinique, sa future
femme, Augusta Klumpke première femme interne des hôpitaux au
concours de 1886 (première fois que les femmes pouvaient concourir).
Caricature de Déjérine
Médecin à Bicêtre, puis à la Salpêtrière, Déjérine travaille sur les
maladies du système nerveux « L’anatomie du système nerveux » 1895,
« La sémiologie des affections du système nerveux » 1905. Ces deux
volumes, rédigés avec sa femme, seront réédités en 1977 et 1981.
50
Déjérine fut nommé membre de l’académie de médecine et suivit
les cours de son maître Charcot.
= Ernest Charles Lasègue (1816-1883)
Ernest Charles Lasègue est né à Paris en 1816. Après des études
de philosophie, il entreprend des études de médecine, encouragé par
Claude Bernard (Son colocataire étudiant). Dans sa thèse soutenue en
1847 et intitulée "De Stahl et de sa doctrine médicale. Question de
thérapeutique médicale". "La théorie du traitement moral est-elle
possible ?", fortement influencée par son cursus en philosophie, il
développe les hypothèses de l’époque sur l’influence de la morale sur
les pathologies.
Ernest Charles Lasègue
Après un séjour en Russie pour étudier une épidémie de choléra, il
travaille en collaboration avec Trousseau, puis est nommé Professeur de
Médecine clinique à la Salpetrière, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort.
Lasègue s'intéressa particulièrement aux maladies mentales et
nerveuses qu’il considérera toujours sous le double aspect physiologique
et psychiatrique. Il fut à l’origine de l'une des premières descriptions de
l’anorexie mentale et du délire de persécution.
Son approche psychiatrique l’amena à considérer comme
primordial l’environnement social et familial du patient.
Son nom reste attaché au diagnostic de la névralgie sciatique. Le
signe de Lasègue lui fut attribué post mortem par ses élèves, lui-même
n’ayant jamais publié d’article sur le fameux signe.
51
= Joseph Babinski (1856-1932)
Babinski est né à Paris de parents émigrés polonais. Interne chez
Vulpian, il devient le chef de clinique de Charcot. Refusé à l’agrégation
du fait de manœuvres et de magouilles visant à privilégier un autre
confrère, Babinski se consacre entièrement à son service de neurologie.
Son œuvre dans cette discipline est immense et remarquable.
Joseph Babinski
On retiendra le très fameux signe de Babinski (1896) en rapport
avec une lésion du faisceau pyramidal « L’extension majestueuse et
zénithale du gros orteil lorsque l’on frotte la voûte plantaire de l’arrière
vers l’avant, alors que chez le sujet sain on observe une flexion ».
Signe de Babinski
52
Mais beaucoup d’autres signes neurologiques ont été décrits par
Babinski et ses élèves :
L’épreuve de Babinski : flexion combinée de la cuisse et du
tronc destinée à mettre en évidence une paralysie débutante du membre
inférieur. Le patient, couché sur le dos fait un effort pour s’assoire et
soulève la jambe paralysée plus que l’autre.
L’épreuve de Babinski-Weil qui consiste à faire marcher un
patient les yeux fermés, dix pas en avant, dix pas en arrière, plusieurs
fois de suite. Les malades atteints de troubles cérébelleux de l’équilibre,
réalisent un déplacement en étoile du fait de la déviation angulaire qui
se manifeste à chaque déplacement.
Le syndrome de Babinski-Frölich (1900), associant une
obésité importante prédominant au tronc et à la racine des membres, à
une dystrophie génitale secondaire à une lésion hypophysaire ;
Le syndrome de Babinski-Froment qui se manifeste par une
impotence, une contracture et des troubles vasomoteurs puis trophique
d’un membre (main figée), après un traumatisme dont l’importance n’est
jamais en rapport avec l’intensité des manifestations cliniques.
Le syndrome de Babinski-Nageotte se rencontre dans
certains cas de lésions bulbaires
unilatérales (trouble cérébelleux et sympathiques du côté de la lésion,
hémiplégie et hémianesthésie de l’autre côté).
Le syndrome de Babinski-Vasquez, d’origine syphilitique
(stade du tabès) qui associe
des troubles pupillaires, une abolition des réflexes achilléens et rotuliens
à une lymphocytose rachidienne.
Outre son travail de neurologue, Babinski consacrera une grande
partie de sa vie à la gastronomie. Il rédige dans ce domaine un traité de
plus de 1200 pages qu’il signe sous un pseudonyme « Ali-Bab).
XII= DE LA NEUROLOGIE A LA PSYCHIATRIE
En 1822 A.L. Bayle soutient sa thèse intitulée « Recherche sur les
maladies mentales ». Dans ce travail, réalisé à partir d’observation de
sujets atteints de méningite chronique, Bayle définit la démence comme
le résultat d’une lésion organique.
A partir de cette date, les recherches étiologiques vont se
multiplier. La monomanie, l’épilepsie, les délires, la démence, la
« paralysie générale », ont pour origine une dégénérescence héréditaire
53
(Benedict Augustin Morel, 1857). On traque alors l’alcoolisme, la
phtisie, la misère morale, les troubles du comportement comme le vol
(notamment chez les femmes pendant leurs règles ou leur grossesse).
Au début du 20ème
siècle, on s’interroge encore sur les critères
permettant de diagnostiquer la folie. Cet extrait d’un entretien
d’Esquirol avec l’un de ses disciples cité dans (Chronique médicale
1902) est tout a fait significatif des difficultés sémiologiques
rencontrées.
« Maître, disait un jour à Esquirol un de ses disciples, indiquez
moi un critérium pour distinguer la limite qui sépare la raison de la
folie ».
Le lendemain, le maître réunissait à la même table son disciple et deux
personnages : l’un correct jusqu’à la perfection dans sa tenue et son
langage, l’autre exubérant, plein de lui-même et de son avenir.
En prenant congé le disciple rappela au maître le critérium qu’il
lui avait demandé la veille.
« Prononcez vous-même lui dit Esquirol ; vous venez de dîner avec un
fou et un sage ».
« Oh ! Le problème n’est pas difficile ; le sage, c’est cet homme si
distingué, si accompli ; quant à l’autre, quel étourdi ! Quel casse tête !
Il est vraiment à enfermer ».
« Eh bien ! Lui dit Esquirol, vous êtes dans l’erreur : celui que
vous prenez pour un sage se croit Dieu le Père ; il met dans son
attitude, la réserve et la dignité qui conviennent à son rôle : c’est un
pensionnaire de Charenton. Quant au jeune homme que vous prenez
pour un fou, vous pouvez saluer en lui l’une des gloires de la littérature
française ; c’est M. Honoré de Balzac »
Le criminel apparaît dès lors comme le fruit de la dégénérescence
héréditaire, ce qui mettra en cause sa responsabilité pénale (E Blanche
travaillera sur ce difficile problème dans le cadre de la Société de
Médecine légale fondée en 1868), tandis que l’homme de génie devient
un « dégénéré supérieur », appellation plutôt curieuse proposée par
Valentin Magnan. Cette approche anatomophysiologique débouchera
tout naturellement sur l’hypothèse que le criminel, ou le fou, présente
des caractéristiques physiques innées, autrement dit que sa morphologie
est en rapport avec son comportement. César Lombroso, en 1885,
invente la morphologie génétique et définit le profil du « criminel né ».
Au cours d’un congrès tenu dans le cadre de l’exposition universelle de
1889 à Paris, Lombroso développera ses théories de la prédisposition
naturelle au crime de certains sujets, dont les sujets « hybrides »
54
(comprendre métisses). Les conclusions de ce symposium feront la part
belle aux théories eugénistes qui seront reprises 40 ans plus tard dans
Mein Kampf.
Gaétan Gatien de Clérembault, psychiatre dans la première
partie du vingtième siècle, s’opposa à cette conception de la folie et
défendit une "psychiatrie républicaine". Il se consacra une grande partie
de ses recherches sur l'analyse d'une pathologie qui poussait certaines
femmes à avoir un contact particulier avec les étoffes dans le cadre de
leurs rapports sexuels et orgasmiques. Il sera le maître de Jacques
Lacan, psychanalyste aujourd’hui très contesté.
Il faudra attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour que la
psychiatrie s’installe comme science à part entière malgré les
convulsions entraînées par la pensée freudienne et le mouvement
antipsychiatrique, elle se construira ses règles et son éthique. Cependant,
à la fin des années soixante, existe encore une confusion entre la
dépression névrotique et les autres maladies de natures psychotiques. La
découverte des psychotropes par H. Laborit augmentera le champ des
thérapeutiques à disposition des psychiatres.
On peut être psychiatre et psychanalyste... et depuis maintenant
une trentaine d’années, les axes de recherche n’ont cessé de se
diversifier. Médecins psychiatres et aussi psychanalystes s'accordent sur
un point précis de loi : il est nécessaire de disposer d'une formation
médicale, ou universitaire, si l'on est psychologue pour pouvoir
intervenir dans l'univers médical....
Comme dans beaucoup de disciplines médicales on peut craindre
que les sciences cognitives et comportementales ne l'emportent sur
l'analyse de la vie des patients, le patient étant alors réduit à sa
pathologie.
= Jean Martin Charcot (1825-1893)
Jean Martin Charcot naît à Paris dans une famille totalement
étrangère à la Médecine et au monde médical. Nommé interne des
hôpitaux en 1848, puis médecin des hôpitaux de Paris en 1856, il est
professeur agrégé en 1860 à la Salpêtrière où il s’attache à diagnostiquer
et à traiter les malheureux laissés pour compte.
55
Jean Martin Charcot
Présentant une très forte personnalité, Charcot est clinicien le
matin et professeur l’après midi, mondain le reste du temps. Ses cours de
neurologie à la Salpêtrière contribueront à sa célébrité « Leçons sur les
maladies nerveuses », 1885-1887, en 3 volumes.
Physiologiste et neurologue, Charcot ne fut jamais psychiatre. Ses
travaux de psychologie, notamment sur l’hypnose seront d’ailleurs
fortement contestés par Guillain, puis par Babinski, qui pensaient que
Charcot faisait fausse route.
Devant ses élèves et un auditoire de curieux et de mondains
(Freud faisait partie de ses élèves), Charcot décrit l’utilisation de
l’hypnose chez l’hystérique avec l’aide d’une de ses anciennes
patientes, Blanche Wittmann, qui reproduisait à loisir, et à la demande,
ses crises (patiente de parade dira Guillain).
56
Charcot pendant sa consultation
Tableau de A. Brouillet « une leçon clinique à la Salpêtrière »
La vision de la femme par les médecins du 19ème
est noyée de
préjugés, d’incompréhension et de machisme issue d’une réaction de
l’église post révolutionnaire. La femme est pécheresse par essence,
victime de ses sens, incapable de freiner ses passions et naturellement
soumise à son « ventre », c'est-à-dire à son utérus et à ses hormones.
Blanche Wittman
La naissance de l’hystérie comme grand syndrome névrotique
résume en un mot le complexe de l’homme du 19ème
siècle vis-à-vis de
sa compagne.
57
Le « grand Charcot lui-même » attribuait au sexe la grande
variabilité d’humeur, l’excès du comportement, la cyclothymie et en fait
tout ce qui semblait inexplicable à l’homme pris comme référence
biblique, généalogique ou d’autorité. Fort de ces convictions, il inventa
pour réguler l’influence néfaste du « sexe », le compresseur ovarien
(véritable instrument de torture). Cet instrument rigidifié par une
structure métallique se portait en ceinture et présentait en regard de la
projection des ovaires, légèrement au dessus du pli de l’aine, des boules
métalliques qu’il était possible d’appliquer plus fortement sur
l’abdomen grâce à un système de tige filetée.
Il est reçu à l’Académie de Médecine en 1873, puis à l’Académie
des sciences en 1883.
Ses travaux neurologiques lui feront découvrir la sclérose en
plaque, dont il donnera la première description clinique et la sclérose
latérale amyotrophique, dite depuis Maladie de Charcot. En 1882 il
publie « Sur les divers états nerveux déterminés par l’hypnotisation chez
les hystériques ».
Au total, Charcot peut être considéré avec Duchenne de Boulogne
comme le père fondateur de la neurologie moderne.
= Esprit Blanche (1820 - 1893)
Né à Rouen en 1796, d’un père chirurgien, Antoine Louis Blanche
qui pratique la chirurgie (au sein de la garde nationale) et a en charge le
sort des aliénés de la ville, Esprit Blanche suit ses cours de médecine à
l’Hôtel-Dieu de Paris où il est reçu en 1816.
Esprit Blanche
58
Entre chirurgie et aliénisme, Blanche choisit cette dernière
spécialité peut être après avoir lu le mémoire d’Esquirol adressé au
ministère de l’intérieur en 1818. Ce texte, intitulé « Des établissements
d’aliénés en France, et des moyens d’améliorer le sort de ces
infortunés », décrit la grande misère des aliénés soumis à des traitements
aussi barbares qu’inutiles, et enfermés dans des établissements tenant
plus du cachot que de l’asile.
Clinique du Docteur Blanche
En 1821, Esprit Blanche, docteur en médecine et qui souhaite
s’installer à Paris fonde une maison de santé à Montmartre, puis Passy,
tenant de l’asile et de la pension de famille. Les patients sont logés dans
des chambres individuels, mangent à la table du médecin et sont l’objet
de la surveillance du médecin et du personnel médical 24 h/24.
Désintéressé, à une époque où l’enfermement en asile ne peut être
envisagé que pour les patients suffisamment riches, Blanche ouvrira sa
maison aux personnalités de l’époque mais aussi aux nécessiteux.
Refuge des poètes et des peintres, la célèbre maison abritera
Gérard de Nerval, Charles Gounod, Léonie Halévy, Marie d’Argoult,
Théo Van Gogh (frère de Vincent), Guy de Maupassant, Henri de
Toulouse Lautrec….
Les traitements sont de deux ordres, moral signe d’une prise en
compte précoce de l’analyse psychique, et hydrothérapique à bases de
douches glacées. Les diagnostics sont aussi variés que les patients, allant
du syndrome dépressif, au syndrome de persécution, en passant par
l’alcoolisme, la schizophrénie et le tabès syphilitique. Pendant deux
59
générations, la maison du docteur Blanche, ancien hôtel de Lamballe,
donnera un asile aux patients souffrant de troubles mentaux. Sa
fermeture interviendra définitivement en 1922. L’hôtel est actuellement
occupé par l’ambassade de Turquie.
= Paul-Ferdinand Gachet (1829-1909) Médecin de Van
Gogh
Originaire de Lille, F. Gachet fait ses études à Paris où il est
l’élève de Trousseau, puis à la Salpêtrière. Il passe sa thèse à
Montpellier avec pour sujet « Etude sur la mélancolie » (1858).
Paul-Ferdinand Gachet Paul-Ferdinand Gachet par Van Gogh
Très éclectique dans sa pratique, Il exerce à Paris où il traite les
maladies nerveuses et les troubles psychiatriques.
En 1872, il achète une maison à Auvers-sur-Oise où il est amené
à soigner les nombreux impressionnistes qui ont choisi cette localité
pour « peindre la lumière ». En 1890, il soigne Vincent Van Gogh lors
d’une crise aigue où l’artiste se blesse avec un coup de feu.
Peintre lui-même, il n’aurait pas laissé de traces s’il n’avait été
immortalisé par Vincent Van Gogh. Ses amis peintres diront de lui que
« c’était un bon médecin, mais un mauvais peintre », alors que ses
confrères le tenaient pour « un bon peintre et un médiocre médecin ».
60
XIII= CHIRURGIE
La chirurgie du 19ème
siècle connaît un essor remarquable. Après
Broussais et la chirurgie physiologique, se développe une nouvelle
discipline centrée sur l’anatomie pathologique.
Pelletan
Dupuytren
Kergaradec Nelaton Cruveilhier
= Jean Cruveilhier (1791-1874)
Jean Cruveilhier est né à Limoges en février 1791 et mort en
1874. Il fait ses études à Paris et passe son doctorat en médecine en
1816 « Essai sur l'anatomie pathologique en général ». Reçu agrégé au
premier rang en 1823, il succéda à Bérard comme professeur d'anatomie,
puis à son maître Guillaume Dupuytren (Il sera titulaire de la chaire
d'anatomie pathologique créée par Dupuytren).
Jean Cruveilhier
Jean Cruveilhier est généralement considéré comme l’un des
créateurs de l'anatomie pathologique. On lui doit entre autre la
distinction entre le cancer et l’ulcère de l'estomac, ainsi que la
description des signes de la perforation gastrique secondaire à une
ulcération.
61
En 1828 il fait paraître « l’Atlas d'anatomie pathologique ». Il
laissera son nom à la maladie ulcéreuse gastrique, encore appelée ulcère
chronique de l’estomac ou maladie de Cruveilhier.
Il fut le Médecin de René de Chateaubriand, de Frédéric Chopin
et de Talleyrand-Périgord.
= Auguste Nélaton (1807-1873)
Auguste Nélaton commence ses études médicales en 1828, et est
reçu docteur en médecine en 1836. Sa thèse porte sur un sujet
malheureusement « à la mode » pendant cette période « la tuberculose
osseuse ». Il est nommé professeur à l'hôpital Saint-Louis en 1839 avec
pour spécialité les tumeurs du sein. Nélaton fut un des précurseurs de la
chirurgie plastique. Comme Cruveilhier, il fut l’élève de Dupuytren
Auguste Nélaton Photo montage représentant Nélaton
au chevet de Garibaldi
Nommé professeur, il s'illustra dans le traitement des voies
urinaires (opération pour l'extraction de la pierre, création de sondes
urinaires).
Il fut le premier à proposer la ligature bout à bout des artères lors
des plaies hémorragiques et inventa de nombreux instruments dont des
cathéters, des sondes urinaires et une sonde à revêtement de porcelaine
destinée à localiser les projectiles lors de blessures par armes à feu (la
sonde de Nélaton).
62
Il tint une place de premier plan dans le domaine de la chirurgie
pelvienne et abdominale. La manœuvre de réduction des luxations
mandibulaires antérieures porte son nom.
Ses principaux ouvrages sont : Traité des tumeurs de la mamelle
(1839); Parallèle des différents modes opératoires dans le traitement de
la cataracte (1860); Éléments de pathologie chirurgicale.
Il fut le médecin Giuseppe Garibaldi et de Napoléon III.
= Alfred Velpeau (1795-1867)
Alfred Velpeau est né en Indre et loir. Il fait ses études à Tours
dans le service de Bretonneau et obtient la chaire de chirurgie et de
médecine à la Faculté de Paris.
Alfred Velpeau
Il est l’auteur de très nombreuses publications de médecine, de
chirurgie et d’obstétrique dont le fameux « Traité élémentaire de l’art
des accouchements » en 1830.
63
Leçon d’anatomie à l’hôpital de la charité
Augustin Feyen 1864
Membre de l’Académie de Médecine en 1831, il a laissé son nom
à un bandage de son invention et au « trou carré de Velpeau », encore
appelé espace huméro-tricipital, délimité en haut par le petit rond, en
interne par la longue portion du triceps, en bas par le grand rond et en
externe par le vaste externe.
Un quartier de Tours porte son nom.
= Joseph François Malgaigne (1806-1865)
D’une famille de chirurgiens, Joseph François Malgaigne fit ses
études à Nancy puis à Paris. Externe des hôpitaux en 1827, il soutient sa
thèse en 1831. Sur concours il devient titulaire de la chaire de médecine
opératoire en 1850. Membre de l’académie de Médecine en 1848, il fait
œuvre d’historien de la chirurgie dans son ouvrage « l’histoire de la
chirurgie en occident du 6ème
au 16ème
siècle ».
64
Joseph François Malgaigne
Sur le plan chirurgical il pratique l’orthopédie et, à partir des
travaux d’Ambroise Paré qu’il a contribué à faire redécouvrir, publie son
œuvre principale « Traité des fractures et des luxations ».
Propriétaire du Journal de chirurgie, fondateur de la gazette
médicale, J. F. Malgaigne a beaucoup contribué à la diffusion de son art.
C’est dans cet état d’esprit qu’il propose à la société de chirurgie la
devise « Vérité dans la science, Moralité dans l’art » qui l’adopta.
65
= James Paget (1814-1899)
Chirurgien de l’école de Londres, avec William Fergusson, J.
Paget fut une sommité dans le domaine du diagnostic. On avait coutume
de dire à Londres « Allez voir Paget pour le diagnostic et faites vous
ensuite opérer par Fergusson ».
James Paget
Ses cours d’amphithéâtre étaient renommés du fait de sa prestance
et de la qualité de ses interventions. Il découvrit que les patients atteints
de trichinose présentaient, comme chez le porc, des trichines dans les
muscles.
Maladie de Paget
Son nom reste attaché à une maladie des os, dit maladie de Paget
(1876), et à une forme particulière d’eczéma du mamelon, signe d’un
carcinome.
66
= Jules Emile Péan (1830-1898)
Jules Emile Péan est originaire de la Beauce. Ce médecin eut une
carrière hors du commun. Refusé à de nombreux concours malgré une
place d’interne en premier des hôpitaux de Paris en 1853, il réussit,
grâce à un solide bon sens à rénover les techniques chirurgicales en
sortant des sentiers battus, ce qui fit naître nombre de critiques et de
jalousies.
Péan opérant, d’après Toulouse Lautrec
Nommé successivement à Saint Antoine et Saint Louis, il ne fut
élu à l’Académie qu’en 1887. Très pragmatique pendant ses
interventions chirurgicales, il développa l’antisepsie et l’hémostase en
pinçant les vaisseaux. J. E.
Pince de Péan
67
Péan inventa de nombreux instruments de chirurgie et réalisa le
premier la résection du pylore (1879), mis au point la technique de
morcellement des tumeurs (1886) et les premières résections avec succès
de la rate (1867) et de l’estomac (1879). Il est le fondateur de l’hôpital
international où il soigna bénévolement les nécessiteux.
Péan montrant l’usage de sa pince hémostatique
Par Henri Gervex 1887
Péan avait la particularité d’opérer en habit et en plastron blanc,
ce qui l’obligeait à se tenir relativement éloigné du patient et à
travailler avec les bras tendus et muni de pinces.
= Louis, Hubert Farabeuf (1841-1910)
Farabeuf est un Briard qui fut élève de Velpeau. Pendant les
événements de la commune de Paris, il exerce à L'hôpital Saint-Antoine
ce qui lui donne l'occasion d'opérer un nombre important de lésions
traumatiques. Il passe sa thèse cette même année (1871) intitulée " De la
68
confection des moignons et de quelques moignons en particulier
(poignet, coude, jambe) ".
Louis, Hubert Farabeuf
Cinq ans plus tard Farabeuf est nommé agrégé d'anatomie,
d’histologie et de physiologie, puis chef des travaux anatomiques. A ce
poste il contribua à la rénovation de l'enseignement pratique de
l'anatomie et de la chirurgie Il est l’inventeur de nombreux instruments
chirurgicaux dont :
+ L’écarteur qui porte toujours son nom. Il s’agit d’un écarteur à
fonction statique, en acier, servant à écarter la peau, la graisse et les
muscles après incision.
Ecarteur de Farabeuf
+ La rugine droite et la rugine courbe, qui servent à racler les os
pour libérer les muscles et les aponévroses.
+ Le davier à double articulation, en forme de tenaille à dents,
utilisé pour saisir les os et le maintien d'une réduction ou d'une plaque.
69
Constatant l'état lamentable de l'enseignement pratique à Paris il
propose la construction d'une nouvelle école pratique qui servira de
modèle pour les pavillons d'anatomie de l'actuel Ecole-de-Médecine de
Paris. Sa statue trône depuis devant ce bâtiment en forme de rotonde.
On lui doit également de très nombreuses descriptions anatomiques
parmi lesquelles on retiendra :
+ Le tronc veineux de Farabeuf : une des branches de la veine
jugulaire interne.
+ Le tronc artériel de Farabeuf : (artère collatérale de l'artère sous-
clavière droite).
+ Le heurtoir de Farabeuf : c'est une légère excroissance qui se
trouve au niveau de face inférieure de la clavicule (bord sternal)
+ Le muscle deltoïde fessier de Farabeuf.
+ Les lames sacro-recto-génito-pubiennes de Farabeuf : ce sont
des formations cellulo-fibreuses sagittales qui divisent le petit bassin en
trois régions distinctes.
+ Le canal de Guyon-Farabeuf : (canal traversé par le nerf ulnaire
après son passage dans le canal carpien.
Farabeuf fut aussi un excellent obstétricien. On lui doit
notamment « La pratique de l'accouchement normal et dystocique »,
(1891) ainsi que l’invention du « mensurateur levier-préhenseur
obstétrical » et de « la gouttière protectrice pour symphysiéotomie ».
70
Le signe de Farabeuf permet le diagnostic clinique de l'engagement
de la tête foetale dans le l'excavation pelvien au cours d'un
accouchement par la présentation du sommet
XIV= ANESTHESIE
L’anesthésie se développa à partir de la moitié du 19ème
sicle,
grâce aux découvertes et aux travaux de Wells qui utilisa le peroxyde
d’azote, Charles Jackson qui découvrit les effets de l’éther, mais
n’appliqua pas sa découverte aux interventions chirurgicales et de
William Morton qui réalisa la première anesthésie « à grand
spectacle ».
= Horace Wells 1815- 1848
Horace Wells était né en 1815 à Hartford, dans le Connecticut.
Descendant direct d’immigrants puritains anglais, il suit des études dans
des écoles confessionnelles puis s’inscrit dans la Faculté de Boston pour
devenir dentiste. Il forma plusieurs étudiants, dont Thomas Green
Morton, celui à qui on attribue la découverte de l’anesthésie à l’éther, et
John M. Riggs, qui aurait réalisé la première extraction dentaire sous
anesthésie au protoxyde d’azote.
La petite histoire raconte qu’à Hartford, ville où il était installé, il
assista à la conférence d’un chimiste ambulant, Gardner Quincy
Colton, qui expliquait sur une estrade la nature et les propriétés
71
hilarantes de l’oxyde nitreux. Pour démontrer l’effet de ce gaz sur
l’organisme, il demandait à des membres de son auditoire de monter sur
l’estrade et de respirer du protoxyde d’azote. Wells fut particulièrement
impressionné par la chute de l’un des volontaires, du haut de l’estrade
(Samuel A. Cooley, une connaissance de Wells), et qui, malgré des
blessures sérieuses, continuait de rire sans ressentir de douleur.
Wells anesthésiant une patiente
Dès le lendemain, il teste le gaz (préparé par Colton) sur lui-même
lors de l’extraction d’une molaire. Durant l'intervention réalisée par
Riggs, Wells ne ressent aucune douleur. Colton initie Wells à la
préparation et l'administration du gaz. Dès le mois suivant Wells utilise
cette technique sur plus de quinze de ses patients.
Quelques jours après, il se rendit à Boston où le Pr Warren,
chirurgien du Massachusetts General Hospital, lui demanda de réaliser
une démonstration d’extraction dentaire sous anesthésie sur l’un d’eux.
Malheureusement, Wells retira trop tôt le sac, et l’anesthésie ne fut pas
suffisante pour inhiber la douleur. Wells quitta la salle sous les quolibets
malgré que le patient ait reconnu que la douleur n’avait pas été aussi
importante que celle qu’il attendait. Néanmoins la première anesthésie
fut attribuée à Jackson et à Morton.
Malgré les preuves qu’il fournit auprès des deux Académies en
1847, les Académies des Sciences et de Médecine restèrent sur leur
position (Les résultats qu’il obtint furent publiés dans le Boston Surgical
and Medical Journal du 18 juin 1845).
72
Lorsque Simpson utilisa le chloroforme comme un anesthésique,
Wells chercha à savoir si cet agent n’était pas supérieur au peroxyde
d’azote. Pour tester cette nouvelle molécule, il l’essaya sur lui-même.
Très vite il devint dépendant de cette drogue et commit, dans une demi-
conscience, un attentat. Arrêté, il mit fin à ses jours le 24 janvier 1848, à
l’âge de 32 ans.
La France reconnut plusieurs dizaines d’années plus tard
l’antériorité de Wells dans l’invention de l’anesthésie chirurgicale
Une statue de Wells fut érigée en 1 Square des Etats-Unis à Paris.
Sur le socle on peut lire : « Au dentiste Horace Wells. Novateur de
l’anesthésie chirurgicale ».
= William Morton (1819 - 1868)
William Morton est originaire du Massachusetts. Il entreprend des
études de dentisterie à Baltimore dans la première école de ce type dans
le monde.
73
William Morton
Très tôt il s’intéresse aux effets de l’opium, de l’éther et de
l’oxyde nitreux sur la douleur. Passionné de mesmérisme (technique
d’autosuggestion hypnotique développée un siècle plus tôt par Mesmer),
il cherche à soulager ses patients en associant l’éther et l’hypnose.
Le 16 Octobre 1846, il a l’occasion d’endormir pour la première
fois en public un patient souffrant d’un angiome du cou. Morton arrive
en retard et l’on commence à murmurer que tout cela n’est que
charlatanerie, mais devant le public de jeunes médecins, l’intervention
de passe dans douleur, sans cri et dans des conditions chirurgicales
parfaites.
Cette première anesthésie a fait l’objet d’un tableau réalisé par
Robert Hinckley en 1882.
Le reste de la vie de Morton sera houleuse et pleine de conflits
avec ses confrères. Il décédera à New York, pendant l’été 1868, à l’âge
de 48 ans, victime de la canicule qui fit plusieurs centaines de victimes.
Jackson avec qui il n’arrêtera pas sa vie durant de se disputer la paternité
de l’anesthésie décédera trois ans plus tard dans un asile d’aliéné.
74
XV= PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE
La physiologie expérimentale est à l’origine des nombreuses
découvertes réalisées au 19ème
siècle.
= François Magendie (1783-1855)
Magendie, qui se désignait lui-même comme un chiffonnier de la
science, est né à Bordeaux. Médecin de terrain, il « isolait les faits » et
en tirait des conclusions fonctionnelles. Il détermina ainsi de manière
expérimentale que les racines nerveuses antérieures et postérieures de la
moelle épinière avaient des fonctions différentes (motrice et sensorielle).
75
François Magendie
Ses techniques d’observation ouvraient la voie à la physiologie
expérimentale que développa Claude Bernard. Magendie est également
considéré comme le père de la pharmacologie moderne du fait de ses
travaux sur les effets des drogues.
= Claude Bernard (1813-1878)
Claude Bernard est considéré, avec raison, comme le père de la
physiologie expérimentale. Né à Saint Julien dans le Rhône, il travailla
avec Magendie avant de lui succéder à la chaire de Médecine
expérimentale au collège de France.
76
Claude Bernard
Interne chez Rayer (que l’on surnomma le découvreur d’homme)
à l’hôpital de la Charité, puis préparateur de Magendie, Claude Bernard
se consacre à la recherche en laboratoire. Il étudie chez divers animaux
les fonctions hépatiques, pancréatiques et nerveuses (influence des
sympathiques et parasympathiques sur la motricité vasculaire et les
sécrétions gastriques). Il expérimente et montre les effets du curare sur
le système respiratoire (1844).
En 1853, il obtient pour la troisième fois le prix de physiologie de
l’académie des sciences pour son mémoire sur le grand sympathique et
les nerfs vasomoteurs activateurs et inhibiteurs. Premier à avoir
déterminé le rapport entre le diabète et le pancréas, il travailla également
sur l’homéostasie des animaux à sang chaud.
Promoteur de la vivisection, il fût particulièrement malheureux en
ménage, sa femme étant l’initiatrice de la ligue contre la vivisection
(Elle entraîna dans ce combat ses deux filles qui finirent par rompre
tout contact avec leur père). Dans le quartier de l’école de médecine où
il travaillait, les dénonciations pour maltraitance à animaux se
multipliaient au point que Claude Bernard passa de nombreuses heures
au commissariat du quartier pour se justifier et se disculper. Des
ragots colportés par ses opposants dénoncèrent même un trafic
d’enfants qu’on lui livrait pendant la nuit dans des sacs.
77
Claude Bernard dans son laboratoire
Son œuvre maîtresse « Introduction à l’étude de la médecine
expérimentale » (1865), sert encore d’assise à la recherche médicale.
Cette nouvelle philosophie* « qui fera de la médecine une science » peut
se diviser en trois partie : la physiologie, la pathologie et la
thérapeutique.
* Claude Bernard réfutera toujours le terme de philosophie pour
caractériser sa méthode qu’il veut résolument inscrire dans un cadre
scientifique .C’est lui qui, à ce sujet, introduira le terme de
déterminisme,pour affirmer que les sciences biologiques sont toute aussi
scientifiques que celles de la matière.
Il eut de nombreux élèves comme D’Arsonval (1851-1940,
physicien qui travailla sur l’application en médecine des courants de
haute fréquence) et Louis Antoine Ranvier (1835-1922) qui travailla sur
la physiologie et sur l’histologie du système nerveux. Il a laissé son nom
aux segments dépourvus de myéline des fibres nerveuses (1887).
Décédé en corrigeant les épreuves de son dernier ouvrage,
« Leçons de physiologie opératoire », il fût poursuivi par ses
détracteurs amis des bêtes, ses opposants politiques (il fût sénateur sous
l’empire) et les puritains qui lui reprochaient d’être séparé de sa
femme. Pour toutes ces raisons la municipalité de Villefranche refusa de
lui élever une statue.
78
= Ivan Pavlov (1848-1936)
Né à Saint Petersbourg, dans une famille de Popes, Ivan suivit ses
études au petit séminaire. Il entre ensuite à l’Académie de Chirurgie et
de Médecine d’où il sort Docteur en 1883. Sa vie de scientifique devait
être marquée par une lecture qu’il fit à ce moment là, « Réflexes de
l’encéphale », publication de Setchenov qui deviendra son maître.
Ivan Pavlov
Ivan Pavlov travailla d’abord en Allemagne, puis à Moscou dans
le laboratoire de l’académie de Médecine militaire.
Pavlov dans son laboratoire avec ses chiens
Si ses travaux menés sur le foie, le pancréas et la
physiologie du système digestifs sont quelque peu oubliés, il n’en est
pas de même de ses résultats expérimentaux portant sur le réflexe
conditionné et la création de la psychologie du comportement qui ont
fait de lui un homme célèbre.
79
En 1890, il est titulaire de la chaire de Pharmacologie de
l’Académie militaire de Saint Petersbourg. La même année, en
travaillant sur la composition salivaire recueillie par une fistule
pratiquée dans l’estomac de chiens, il constate que les sécrétions
peuvent précéder la prise alimentaire.
Cette découverte lui doit d’être Prix Nobel de Physiologie et de
Médecine en 1904. Pendant sa présentation réalisée en russe, langue
peu usitée des milieux scientifiques, une erreur de traduction se glissera
dans le texte. C’est ainsi que le « réflexe conditionnel », deviendra le
« réflexe conditionné ». C’est, malgré un sens approximatif, ce vocable
qui passera dans le vocabulaire courant.
Après la révolution de 1917, et son opposition ouverte au
marxisme « Pour le genre d’expérience sociale que vous faites, je ne
sacrifierai pas les pattes arrières d’une grenouille », il put néanmoins
continuer son œuvre scientifique en URSS.
Médecine légale
= Mathieu Orfila (1787-1853)
Mathieu Orfila, originaire de Minorque, présente dès son plus
jeune âge une intelligence hors norme. A trois ans il parle déjà trois
langues vivantes, le latin et le grec. Il apprend seul les mathématiques et
débute une carrière de scientifique. Intéressé par la médecine il suit les
cours des universités de Valence, Barcelone et Madrid. Nommé médecin
en 1807 (il a 21 ans), il s’installe à Paris pour parfaire ses études de
chimie.
Mathieu Orfila
80
Elève de Vauquelin en chimie, il continue sa formation médicale
et est thèsé en 1811 à Paris. Poursuivant ses travaux de chimie, il publie
« Traité des poisons ou toxicologie générale », ce qui lui vaut d’être
membre correspondant de l’académie des sciences en 1815. Poursuivant
dans ce domaine il produit successivement « Eléments de chimie
médicale, Les secours à apporter aux personnes asphyxiées ou
empoisonnées, traité des exhumations juridiques ». Professeur de
médecine légale (1819), membre de l’Académie de médecine en 1820, il
devient professeur de chimie médicale en 1822 « Leçons de médecine
légale », il succède à son maître Vauquelin.
Réorganisateur des études médicales, il crée les examens
préparatoires à l’entrée des Facultés de Médecine qui deviendra
successivement le PCB, le CPEM puis le PCEM1, organise les concours
de recrutement des enseignants, crée l’obligation des travaux pratiques.
Son œuvre réformatrice est toujours d’actualité avec l’obligation de
suivre un enseignement clinique, l’organisation stricte des examens, la
création de chaires cliniques de spécialité. Doyen de la Faculté de
médecine, il est destitué après la révolution de 1848 et remplacé par
Bouillaud. Ce dernier, farouche opposant et certainement jaloux
d’Orfila dresse un bilan catastrophique et injuste de son prédécesseur.
Ce qui lui vaudra d’être révoqué à son tour.
Fondateur du Musée d’anatomie et d’un jardin de botanique au
Luxembourg, Orfila trouve encore le temps d’être conseillé municipal de
Paris (une rue du 20ème
arrondissement porte son nom).
XVI= NAISSANCE DE LA RADIOGRAPHIE
La radiologie est née de la passion d’Antoine Béclère pour la
découverte du rayonnement X, mis en évidence par Röntgen.
= Antoine Béclère (1856-1939)
Antoine Béclère est le fils d’un médecin bressant. Reçu à
l’Internat de Paris en 1877, il travaille pendant cette période aux enfants
malades et passe sa thèse en 1882 sur « la contagion dans la rougeole »
81
Antoine Béclère
En 1893, il est nommé médecin des hôpitaux et chef de service à
l’hospice Debrousse et travaille activement avec Chambon et Saint-Yves
Ménard à la découverte de l’immunité passive, de l’immunité active et
de la substance antivirulente spécifique sérique.
Nommé médecin chef de l’hôpital Tenon en 1897, il installe dans
son service un appareil à « rayon X » qui lui servira à décrire l’aspect
radiographique des différents tissus. Mais c’est en 1899 qu’il crée le
premier service de radiologie à l’hôpital Saint Antoine. Dès cette
époque, Antoine Béclère différencie la radiographie, la radiothérapie et
82
la radioscopie, disciplines qu’il développera tout au long de sa vie (il
travaillera jusqu’à 80 ans).
Archétype du médecin hospitalier entièrement dévoué à sa
pratique médicale, Antoine Béclère considérait que pour qu’une
question soit parfaitement connue il faut être capable de l’enseigner, ce
qui reste toujours le cas aujourd’hui.
Membre de l’Académie de médecine en 1931, il restera toujours
d’une grande modestie malgré les honneurs qui lui furent rendus de son
vivant. Aujourd’hui, la place qui se trouve devant l’hôpital Saint
Antoine porte son nom, de même que l’Hôpital édifié à Clamart en
1971.
XVII= PHARMACIE
Les remèdes à disposition dans les officines, ne sont guère
différents de ceux des siècles passés. L’apothicaire est à la fois chimiste,
préparateur et conseiller pour le patient. Il n’existe aucune spécialité
pharmaceutique mais des recettes, des formules issues de l’expérience.
Ces recettes sont regroupées dans le « Codex medicamentarius ». Le
Codex de 1865 fait ainsi suite à celui de 1837 et au premier Codex
rédigé en exécution de la loi du 21 germinal an XI.
Le Codex de 1865 reprend d’une part les substances d’origine
minérale, et d’autre part la multitude de substances d’origine végétale
provenant de l’ensemble du monde (Aloès du Cap de bonne espérance,
quinquina des Andes, lichen d’Islande, vin de Malaga, feuilles
d’absinthe du Canada, Kino de l’Inde, Bdellium d’Afrique…). A ces
produits il faut ajouter les substances issues de l’animal (bois de cerf
râpé, bile de bœuf, mouches de Milan…). On réalise des extraits,
intraits, décoctions, sucs, poudres, huiles, baumes, alcoolatures,
teintures… qui seront proposés en sirops, baumes, lavements,
cataplasmes, suppositoires, fumigations, tisanes….
La commission chargée de la rédaction insiste beaucoup sur
l’uniformisation européenne des recettes. Dans cet ouvrage figure la
correspondance des anciens poids français et des poids étrangers. La
notion d’universalité de la pharmacopée est constamment présente « Les
nouvelles voies de transport ont rendu faciles et nombreuses les
communications entre les divers peuples de l’Europe ; il n’est pas rare
qu’un malade ait reçu de son médecin une formule à Londres ou à
83
Berlin, et qu’il soit obligé, quelques jours après, d’en confier
l’exécution à un pharmacien placé au voisinage de l’une de nos stations
de chemin de fer ».
Les membres de la commission de rédaction du Codex de 1865
sentent les profondes modifications qui sont en cours dans la préparation
des médicaments. Dans leur préface il exprime cette véritable prophétie.
« A mesure que les formules complexes, léguées par l’ancienne
médecine aux temps modernes, se simplifient ou sont abandonnées, on a
pu se demander si les Codex ou pharmacopées ne deviendraient pas un
jour d’inutiles recueils, si les officines seraient toujours nécessaires, si
le pharmacien lui-même ne pourrait pas être remplacé par un marchand
de médicaments ».
Si quelques apothicaires, au sens ancien du terme résisteront
jusqu’à la moitié du 20ème
siècle, la majorité d’entre eux seront en effet
devenus des marchands de médicaments.
XVIII= LA VIE A L’HOPITAL
La vie à l’hôpital, aussi bien pour les malades que pour le
personnel, est restée pratiquement inchangée entre la fin de l’empire et
la grande guerre. Les locaux, les règlements, les soins, la vie des
internes sont d’une stabilité étonnante dans ce 19ème
siècle si riche en
changements de toutes sortes et en révolutions.
Hospices et hôpitaux
Avant la rénovation et la construction de nouveaux hôpitaux à
partir des années 1960, les principaux hôpitaux parisiens dataient du
18ème
et du 19ème
siècle. Ces derniers ayant été reconstruits ou réhabilités
lors des grands travaux d’Haussmann.
L’hôpital du 19ème
siècle se compose de plusieurs
« blocs »séparés par des cours ou des jardins, regroupant chacun
plusieurs services. Il est possible de communiquer entre les bâtiments
par les sous-sols, aménagés tant bien que mal en réserve, vestiaire,
locaux techniques (buanderie, restauration…).
On accède aux services par de larges escaliers carrelés entourant
le monte charge grillagé et bruyant.
84
Les paliers donnent accès aux salles d’hospitalisation. La salle
commune, très haute de plafond (l’équivalent d’un étage et demi, voire
deux étages) est éclairée par de grandes fenêtres. Les murs sont beiges
pisseux et marqués d’une ligne plus sombre correspondant à la hauteur
du bras tendu de la femme de ménage. De cette ligne de flottaison au
plafond, la couleur est plus foncée (tabac) du fait de la poussière
adhérente à la texture poisseuse qui recouvre les murs. La température
au niveau des lits est d’environ 23°C, elle s’élève avec l’altitude pour
atteindre plus de trente au plafond. Les fenêtres si elles ne sont pas
condamnées, s’ouvrent avec difficultés du fait de la vétusté de
l’huisserie ou des remarques acerbes de « ceux qui ont froid ». Leur
fermeture définitive pour éviter les défenestrations ne saurait tarder. Les
rideaux beiges, sensés masquer un soleil trop violent, sont « cuits » et à
demi déchirés.
Ce qui frappe le visiteur en entrant c’est l’odeur ; mélange d’éther,
d’urine, de serpillière mal rincée, de « suis generis » et de sanies. Elle
semble insupportable au nouvel entrant qui pourtant, se fondra dans ce
remugle, au point de lui appartenir tout entier.
Salle Pinel
Au centre de la salle trônent le poêle et la table des infirmières,
vaste support de bois hérité des réfectoires monastiques. Ce meuble est
presque totalement recouvert par d’énormes bocaux de couleur (dakin,
alcool dénaturée, désinfectants, alcool iodée, permanganate…) et tout un
matériel de prélèvements (tubes à essai, plateaux émaillés pour les soins,
pots à coton cardé et à compresses, pinces, éprouvette). Les haricots
s’entassent en bout de table avec les pots à urine.
85
Ce lieu de travail, autour duquel tournent et s’agitent les
infirmières (voilées ou en cornettes si ce sont des soeurs) est complété
en bout de salle par un local comprenant un évier, une paillasse et des
toilettes. C’est dans ce local que les aiguilles et les seringues en verre
sont lavées à l’eau savonneuse, passées à l’alcool et stérilisées. La
chaleur y est moite, mais l’odeur sent « le propre ». Ce local fait souvent
office de salle de détente pour le personnel.
Les lits métalliques, de couleur crème, sont disposés tout autour
de la salle, la tête du patient vers le mur. La salle peut accueillir 35 à
plus de 60 lits. Chaque lit est séparé par la largeur d’une table de nuit de
la même couleur que le lit (parfois par un rideau comme au moyen âge).
Au pied du lit, la pancarte soigneusement mise à jour par l’infirmière,
dessous un treillis métallique permet de poser le pistolet et le bassin, la
tinette avant l’invention de ces deux instruments. Sur le plateau de la
table de nuit le crachoir, un verre à pied ou un récipient en carton ciré,
un verre, quelques affaires personnelles.
Dans la table de nuit, la serviette, le savon pour la toilette, l’eau
de Cologne, une bouteille d’eau et parfois une bouteille de vin que le
personnel débusquera à la première occasion.
La salle commune donne parfois sur une autre salle séparée par
une double porte vitrée en verre dépoli. A son extrémité, le couloir, où
s’alignent la lingerie, la pharmacie, le laboratoire du service (c’est un
bien grand mot), les bureaux des secrétaires, de l’infirmière générale, de
l’assistant et des chefs de clinique, du patron, pour finir par la salle de
réunion (pas encore de staff). De l’autre côté du couloir, une ou deux
autres salles communes.
La salle s’éveille vers 6 h du matin avec l’arrivée des infirmières
de jour. La veilleuse bleutée (au gaz) du fond de la salle a fait place à
l’éclairage zénithal d’une batterie de globes. La transmission est
effectuée devant la table de soins, tandis que les premières « filles de
salle » vident les pots à urine, apportent le petit déjeuner (du café au lait
et du pain beurré) et aident les patients qui éprouvent des difficultés
pour leur toilette. Si un décès a été signalé, en général par sa voisine ou
son voisin de lit, un paravent articulé sur roulette cache le mort en
attendant le passage des garçons de l’amphi pour son transfert chez
Morgagni « service de Morgagni ».
86
Salles communes vers 1900
Pendant ce temps, les infirmières préparent les piluliers pour
chaque patient et font la ronde des températures (contrôlées tous les
matins), des pouls et des tensions artérielles. Il est environ huit heures
quand commencent les injections et les soins plus complexes.
Les externes (un pour 10 à 20 lits) commencent à arriver dans le
service vers 8h 30. Ils quittent leur veste mais gardent la cravate sous la
blouse et revêtent le tablier à bavette et à large poche kangourou
destinée à recevoir le stéthoscope, divers papiers, le marteau à
réflexe…).
L’observation, rédigée sans faute d’orthographe, doit en outre
comprendre une analyse des urines (aspect, odeur, couleur…), des
crachats (mousseux, sanglants, verdâtres….). Elle est relue et corrigée
par l’interne, puis le chef de clinique.
Vers 11 heures les patients et le personnel peuvent consommer un
bouillon de poule distribué par les filles de salle. Le goût de ce breuvage
préparé par les cuisines de l’hôpital est inimitable.
87
La visite du patron au début du 20
ème siècle
La grande visite (2 à 3 fois par semaine) se déroule suivant un
rituel sacralisé par chaque patron. Se regroupent autour du chef de
service, l’assistant, le chef de clinique et l’interne chargés de la salle, la
patronne (infirmière générale), la surveillante de la salle, l’infirmière en
charge du patient, l’externe et éventuellement des spécialistes d’autres
services invités à donner leur avis, soit entre 8 et 15 personnes. La
lecture de l’observation est faite par l’externe, l’assistant ou le patron
lisent la pancarte et posent des questions au chef de clinique, à l’interne
ou à l’infirmière. La patronne (la générale) et la surveillante prennent
des notes sur les modifications du traitement et les examens
complémentaires à réaliser.
88
Les membres du service
Parfois le patron, qui consulte toujours un patient, et non une
maladie, expose et offre à la discussion un cas comparable. Le silence
est religieux et l’on impose le silence aux patients qui seraient en train
de discuter dans la salle.
La réunion hebdomadaire, qui ne s’appelle pas encore le staff, est
généralement programmée le samedi en fin de matinée pour se terminer
vers 13h30. Les patients sont présentés par l’externe qui a préparé un
résumé de l’observation. Une fois par semaine, l’externe est de garde
aux urgences.
L’ambiance des urgences, locaux, odeur (encore pire), animation,
est semblable à celle qui règne dans les services. L’externe est chargé
des entrants et d’un certain nombre de gestes techniques (nettoyage de
plaie, points de sutures, plâtres…), il est sous la responsabilité directe de
l’interne. La salle de plâtre est vaste, et ressemble à un atelier d’artiste
avec ses sacs de plâtre, ses auges et ses truelles.
Il n’est pas question de se reposer pendant la nuit du fait de
l’affluence des patients (Un chef de clinique, un interne et deux externes
peuvent recevoir 100 à 120 patients pendant la garde). La garde termine
à 8 h, juste avant la reprise du travail dans le service.
Ce rituel restera immuable jusqu’aux événements de Mai 1968.
XIX= SALLE DE GARDE
Evoquer la médecine du 19ème
siècle et du début du 20ème
siècle
sans parler des salles de garde serait une imposture. La salle de garde est
née avec l’Internat des hôpitaux en 1802. L’interne qu’il soit de
médecine, de gynécologie obstétrique ou de chirurgie, est logé et nourri
par l’Assistance Publique dans des locaux situés au cœur de l’hôpital.
L’interne, comme son nom l’indique à l’époque, ne quitte
89
qu’exceptionnellement l’hôpital pendant les quatre années de son
apprentissage. Rémunéré, logé, il est à la fois étudiant, praticien et
chargé des gardes et de la contre visite. Sa vie se déroule toute entière
entre le service et ce lieu de repos et de « décompression » qui lui
permet d’assumer psychologiquement la souffrance, la fatigue et la mort.
L’internat
L’interne quitte la salle de garde le matin vers 7h 30 pour se
rendre dans le service, accueillir les nouveaux malades, penser les plaies
et préparer la visite du « Patron ». Il ne la regagne qu’à 13 h, pour le
repas. L’après midi est consacrée à l’étude dans sa chambre
(généralement située dans les combles au dessus de la salle de garde) et
à la contre visite, passée après le départ des visiteurs, alors que la nuit
commence à tomber et que la garde des infirmières va laisser sa place à
la veille. S’il n’est pas de garde aux urgences ou « d’intérieur » l’interne
peut regagner sa chambre après avoir soupé chichement d’un bouillon,
d’un laitage et des restes du repas de midi. Si au début du 19ème
siècle le
repas est servi à 18 h, au cours du 20ème
siècle l’heure sera plus tardive,
19, puis 20 h. L’hôpital était alors pratiquement un couvent, et l’interne
un moine soumis à l’obéissance de l’administration et du chef de
service. On ne préparait et passait alors le concours de l’internat à cette
époque que pour accéder à une spécialité et exercer la médecine dans les
hôpitaux.
Lors de sa création, en 1802, le règlement du 4 ventose An X,
précise le fonctionnement et la philosophie de l’institution. « Les élèves
attachés à l’hôpital seront nommés parmi les plus instruits et ils
remplaceront les élèves qui sortiront dans une promotion qui sera
déterminée par un règlement particulier». Lors du premier concours (26
fructidor An X) l’organisation prévue par le législateur donnera un élan
nouveau à l’enseignement de la médecine, hiérarchisée en externes et
internes « Persuadée de cette vérité que c’est dans les hospices et en y
prenant une part active au traitement des malades que s’acquière les
connaissances et l’art de guérir, la commission ne saurait trop
s’appliquer d’une part, à attirer dans cette voie le plus grand nombre
possible, d’autre part, à rechercher les moyens de fortifier leurs études
et d’accroître leur émulation. En conséquence, elle confirme la division
des élèves en Externes et Internes, deux degrés dont on n’atteindra le
second qu’après avoir franchi le premier ; décide que les fonctions des
deux ordres seront temporaires, soumet les unes comme les autres au
90
principe de concours et enfin fonde des prix destinés aux plus méritants
parmi les élèves d’élite ».
On retiendra la notion d’élitisme et d’art, l’un ne pouvant aller
sans l’autre.
La salle de garde
Très vite, l’administration souhaite régimenter le corps des
internes et produit pour se faire des règlements qui accentueront encore
le besoin d’autonomie et l’espace de liberté de la salle de garde. Le 19
décembre 1845, un arrêté est pris pour préciser que les internes « ne
peuvent recevoir de femme dans leur chambre ou dans les salles de
garde… toute infraction à cette disposition est passible d’une peine
disciplinaire ». L’internat est masculin, l’interne est célibataire,
l’administration veut une institution misogyne. Il faudra attendre1886 et
la nomination de la première femme interne, Augusta Klumpke, pour
que la mixité commence timidement à exister dans les salles de garde.
Les années suivantes le nombre des femmes reçues à l’Internat
augmente empêchant tout contrôle de l’administration, incapable de
distinguer les titulaires des invitées. Le puritanisme du 19ème
siècle
s’éteindra progressivement, faute de pouvoir dicter ses règles à une
société en pleine mutation et surtout libérée des tabous religieux et
sexuels.
A vouloir transformer les internes en moines médecins,
l’administration en a fait des moines, mais paillards.
Les salles de garde et ses rites disparaîtront progressivement dans
la seconde moitié du 20ème
siècle, du fait des modifications statutaires
intervenues sur les fonctions de l’interne (qui n’est plus interne que les
jours de garde dans une chambre du service), la disparition progressive
des chambres, la transformation de la salle de garde en réfectoire, la
suppression du personnel chargé des cuisines le soir… Les salles de
garde sont mortes, vive les salles de garde.
+ Fonction psychologique
La fonction psychologique de la salle de garde, non envisagée lors
de sa création, s’est peu à peu imposée, donnant à cet asile un rôle
rédempteur et stabilisateur du psychisme des internes confrontés des
journées entières pendant quatre ans à la souffrance, la misère et la mort.
Qui après le décès d’un jeune patient, l’agonie d’un vieillard, les cris de
souffrances lancinants d’une patiente, le retour d’une autopsie, la
91
pratique d’une intervention pour amputation ou évacuation d’un abcès,
serait capable de survivre 24h/24 dans cet environnement mortifère ?
Qui pourrait gérer son équilibre psychologique, dîner, se coucher et
dormir sans cauchemar, pour reprendre sans état d’âme son service le
lendemain matin ?
Le confinement, l’enfermement, la promiscuité, l’inconfort (les
toilettes sont dans le couloir, il n’y a pas de douche, la chambre
mansardée est soit glaciale soit surchauffée), l’abstinence voulue par
l’administration, l’éloignement de la famille et des amis, font de
l’interne un reclus dont la seule échappatoire serait l’étude.
Dès le début, et faisant suite à une vocation carabine beaucoup
plus ancienne que les salles de garde, l’étudiant médecin cherche dans
l’amour, la dérision, la fête païenne… les moyens de résister, ou parfois
simplement de survivre à son vécu journalier. Lors de la création de
l’Internat, les salles de garde vont spontanément devenir l’échappatoire,
le lieu de défoulement, de libération des pulsions de mort ou d’amour, le
creuset qui jour après jour, assurera l’équilibre de son peuple d’exilés du
monde.
En salle de garde on ne pense pas comme dehors, on n’agit pas de
la même façon, on sert un rituel libérateur hors normes et extravagant.
Les tabous sont renversés, le sacré moqué, la hiérarchie piétinée,
l’administration ridiculisée. La fête évoque le carnaval des fous au
moyen âge qui, une semaine par an, permettait aux manants de railler les
puissants, la religion et les riches, le savoir….
C’est grâce à ces cérémonies païennes, à ces rites purificateurs
que l’exorcisme peut se dérouler et que l’équilibre peut se reconstituer.
Sorti de la salle de garde, l’Interne est à nouveau près à soulager la
souffrance, à réconforter un malade et à libérer l’angoisse d’un
mourant.
Loin de souscrire à une anarchie débridée, la vie de la salle de
garde est au contraire bien réglée dans son dérèglement, et obéit à des
rituels codifiés et immuables.
+ Gestion ordinaire
La salle de garde reste ouverte 24h/24. Le repas est servi à 13 h
par le personnel affecté à cette tâche souvent difficile, une fois que
l’économe est arrivé et assis (tout membre assis avant ce dernier est
« taxé »).
L’économe, élu en début de semestre par les internes, est le seul
maître après Dieu de la salle de garde. Il est aidé dans sa tâche par un,
ou plusieurs adjoints. Chaque mois, il reçoit la cotisation des internes et
92
les diverses taxes qu’il a imposé pour manquement à la règle (tenue
civile en salle de garde, non respect de la quinconce pour se servir à
table, conversation sur la médecine ou le service, projections non
autorisées….). Tout manquement à la discipline de la salle de garde peut
faire l’objet de « projections » (tout ce qui passe sous la main, surtout si
c’est liquide ou pâteux). Il est interdit de projeter sur l’économe et les
jours de Tonus. Le règlement « bis » de la salle de garde est aussi rigide
que celui de l’administration mais librement consenti celui là.
Le repas du soir est servi à 18 h. Dans la même salle ou dans des
salles attenantes se trouve fréquemment un piano, un jeu d’échec, un
billard dans le meilleur des cas, qui permettent de prolonger les soirées
de garde dans l’attente d’un appel.
Les cotisations et taxes diverses servent à « améliorer » l’ordinaire
(tabac, alcool, douceurs…) et à organiser les tonus d’entrée et de sortie
ainsi que les repas de patrons.
Les patrons, les externes ou le personnel féminin (essentiellement
des élèves infirmières ayant échappé à la vigilance de la directrice de
l’école) ne peuvent franchir la porte de la salle de garde que comme
invités, et après accord de l’économe.
La salle de garde est décorée de fresques élaborées par les internes
eux même en vue d’un tonus, d’un repas de patron, ou tout simplement
pour passer le temps. Les fresques s’inspirent le plus souvent de thèmes
érotiques et s’étalent tout au long des murs. Les visages des personnages
représentent des internes ou des patrons. Certaines de ces fresques
peintes sur toiles ont fait l’objet d’une conservation au musée de
l’assistance publique (Hôpital de la charité) ou de reportage
photographique avant destruction (ancien Bichat).
+ Tonus
Les tonus se déroulent au rythme de quatre par an au
minimum, mais d’autres peuvent être organisés suivant les occasions
(elles ne manquent pas) en cours d’année.
93
Le tonus est organisé autour d’un thème choisi par l’équipe
économale. Les thèmes sont innombrables, fruits de l’imagination
d’internes à l’esprit surchauffé (Commune de Paris, horreur, vampire,
ballet rose à l’évêché, exotique, nuit romaine, chez Madame Claude,
guinguette….).
En vue de cette manifestation (qui peut regrouper plus de 150
personnes dans les grands hôpitaux), on collecte les fonds, on repeint les
fresques, on aménage les paroles des chansons de salle de garde où
apparaîtront les chefs de service.
Le jour du tonus, il est fréquent que des monômes défilent dans
l’hôpital au son d’un mini orchestre improvisé. Naturellement l’amour,
la mort, la lutte contre l’autorité hospitalière, les différents travers des
patrons sont mis en exergue
Le repas est gargantuesque et abondamment arrosé. Il est
entrecoupé de sketches et de chansons paillardes* hurlées, plus que
chantées par l’ensemble des participants.
* Une confusion est souvent réalisée entre les chansons de salles
de garde militaires et les salles de gardes hospitalières. Le registre des
chansons est totalement différent, et même si le sexe reste au premier
plan, on retrouve en médecine une évocation constante de la maladie ou
de l’hôpital (La marche des vérolés, Dans un amphithéâtre, La chanson
de Bicêtre, Broca, Chanson des vieilles salles de Garde, Hôpital Saint
Louis, Lariboisière, La vérole.. .
94
On « bat *» des thèmes donnés par l’économe en signe de
remerciement pour le personnel, ou pour féliciter un interne pour sa
chanson, un poème ou toute autre déclamation.
* Une batterie consiste, avec ses couverts, à frapper contre la
table suivant un rythme donné. On peut battre la Républicaine, la
Royale, la Pacifique 231… la Vaginale).
+ Bal de l’Internat
Le bal de l’internat se déroule une fois par an, et le plus
souvent en dehors du milieu hospitalier. C’est l’occasion de retrouver
les internes de l’ensemble des hôpitaux.
Le bal de l’internat est toujours annoncé avec une affiche où la
nudité et la mort sont le plus souvent associées. Cette manifestation
étant hors hospitalière, les invitations sont largement ouvertes, et la
présence féminine beaucoup plus conséquente que lors des tonus.
Au total, la salle de garde, disparue le jour où les internes n’ont
plus été internes, a permis à bon nombre de carabins de supporter
l’enfermement, les nuits poisseuses de brume et de pluie, les matins
glauques, les urgences empuanties de sang et de sanies, et la mort qui
rode dans les salles communes gémissantes.
95
LA GRANDE GUERRE
La grande guerre, la « der des der » marque un tournant décisif
dans l’évolution des peuples européens tant au plan sociologique que
philosophique. Si la médecine des ambulances de 1914 sur la Marne,
n’est guère différente de celle pratiquée pendant les guerres
napoléoniennes et de 1970, ramassage des blessés, postes chirurgicaux
improvisés (en Septembre 1914 on ampute les blessés sur les autels des
églises..) absence d’antibiotique…. on verra au cours du conflit se
développer une véritable technologie médical de guerre (service de
radiologie automobile, structuration des hôpitaux, chirurgie
réparatrice…).
L’asepsie, embryonnaire dans les premiers mois de la guerre, sera
progressivement pris en compte, évitant les drames vécus en Octobre
1914*.
* Les blessés de la première bataille de la Marne sont évacués en
train vers Bordeaux (Loin du front et de Paris pour le moral de
l’arrière) dans les wagons à bestiaux ayant servi à l’acheminement des
chevaux. Les spores tétaniques, saprophytes de l’intestin du cheval,
provoqueront une véritable hécatombe (2/3 des blessés meurent du
tétanos).
A la fin de la guerre, au retour des survivants, les femmes
occupent les postes laissés vacants par les soldats, dans l’industrie de
guerre, les transports mais aussi à l’hôpital. La médecine commence tout
doucement à se féminiser ;
Les antibiotiques font péniblement* leur apparition (pénicilline en
1936), les sciences biologiques, physiques, radiologiques… prennent
une expansion de plus en plus grande.
* Le pnicinilinium avait fait l’objet d’une thèse à Paris en 1896 passée
malheureusement inaperçue.
L’art médical se transforme peu à peu en science médicale,
l’humanisme en technicité, la médecine devient un droit, un service à la
personne. L’histoire de la médecine peut s’arrêter là, pour laisser la
place au génie biologique, à la biochimie moléculaire, à la génétique, à
l’imagerie médicale et à toutes les techniques qui redonnent un sens au
mot grec pour désigner le médecin, « tektôn ».
Recommended