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7/26/2019 Joseph Moreau - L'Ide Platonicienne Et Le Rceptacle
1/14
Revue Philosophique de Louvain
L'ide platonicienne et le rceptacleJoseph Moreau
Rsum
L'ide platonicienne est-elle une abstraction spare du sensible, ou une relation a priori applicable l'analyse de l'exprience
et propre dfinir un idal pratique? Cette question, souleve dans l'aristotlisme, se traduit par l'opposition entre lesdterminations mathmatiques (nombres et figures) et les exigences de la finalit. Ces deux conceptions supposent toutefois
une rduction idaliste de l'extriorit, ramene une expression imaginative du non-tre.
Abstract
Are Plato's Ideas an abstract vision, separated from sensible things, or an a priori relation used for analysing experience as well
as for planning action? This question, raised in Aristotelianism, can be expressed as the opposition between mathematical
definitions (numbers and figures) and practical values. But both views imply an idealist reduction of exteriority, considered as an
imaginative expression of non-being.
Citer ce document Cite this document :
Moreau Joseph. L'ide platonicienne et le rceptacle. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrime srie, tome 86, n70,
1988. pp. 137-149;
http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1988_num_86_70_6494
Document gnr le 25/05/2016
http://www.persee.fr/collection/phlouhttp://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1988_num_86_70_6494http://www.persee.fr/author/auteur_phlou_175http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1988_num_86_70_6494http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1988_num_86_70_6494http://www.persee.fr/author/auteur_phlou_175http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1988_num_86_70_6494http://www.persee.fr/collection/phlouhttp://www.persee.fr/7/26/2019 Joseph Moreau - L'Ide Platonicienne Et Le Rceptacle
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L'ide
platonicienne
et
le
rceptacle
Aristote,
on le
sait,
s'oppose au platonisme
en rejetant
le ralisme
de l'intelligible, la ralisation de l'Ide en
dehors
du sensible; mais il ne
peut liminer sa, fonction: c'est de
la
fonction de l'Ide, de sa ralisation
immanente,
que
rsultent toutes
les
dterminations
du
sensible.
Pareillement, pour
Kant,
notre connaissance ne
peut atteindre d'autres objets
que ceux
de
l'exprience,
qui reposent sur les
donnes
des sens; pour
Platon,
au
contraire,
les
donnes sensibles
taient
perptuellement
fluen-
tes;
on n'y pouvait
rien saisir de stable;
elles taient
donc incapables
de
fournir des
objets
la
connaissance. Si
donc,
poursuit
Aristote,
rapportant
la
doctrine
de Platon,
il doit
y avoir une science, une connaissance
sre,
affranchie
des
incertitudes
de l'opinion
et
permettant de dominer
la
mobilit
et la
confusion des apparences,
il
faut
qu'il y
ait des essences
immuables,
distinctes des choses sensibles, et que Platon appelle
Ides.1
Mais comment concevoir ces Ides, qui seraient, pour Platon,
l'objet vritable
de
la connaissance?
Si
l'on
en croit Aristote, les Ides
platoniciennes
seraient
des
notions gnrales
et
abstraites, retenant
les
caractres
communs aux
tres singuliers
runis
dans
une
mme
classe.
Les Ides
platoniciennes sont regardes par Aristote
comme
des Univer-
saux,
et il estime,
comme Platon, que
la
science a pour
objet
l Universel;
seulement ces Universaux n'ont pas
ses
yeux
de
ralit en
dehors
des
choses sensibles; c'est en eux que consiste
la
forme ou essence des choses
sensibles; mais l essence ne saurait tre
spare de
la chose2; c'est
de
la
prsence en
elles
de la forme ou essence que les
choses
tiennent leur
ralit; c'est
par
l qu'elles
sont des substances.
Deux
points
doivent
ici retenir
notre
attention.
D'abord,
est-il
exact
que
l'Ide
soit,
au regard
de Platon, un
Universel tir par abstraction
de
la comparaison des tres singuliers? Aristote
indique
ce propos que
Platon a t
conduit
la
considration
de
l'Ide par l'exemple
de
Socrate,
qui recherchait des
dfinitions
universelles en morale3. L'enqute
socratique
est
manifestement l'origine de
la thorie
platonicienne de
Aristote, Mtaph. A 6,
987a
32-33; M
4, 1078b 12-17.
1
Ibid.,
A 9, 991b 1; M 9, 1086b 1-7.
3
Ibid.,
A 6, 987b
1-4;
M
4,
1078b 17-19, 27-29.
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138
Joseph
M
or
eau
l'Ide; mais l tude des premiers dialogues
de Platon,
qui nous montrent
Socrate
la recherche d'une
dfinition
du
courage, de
la
sagesse, de
la
pit,
de
la
vertu
et
de
ses
diffrentes
espces,
dnote
aussi
que
cette
recherche ne peut aboutir si l'on
s'en
tient
une confrontation
d opinions ou une comparaison d'exemples, si elle ne se rfre une exigence
absolue,
qui se rvle a priori, dans
l'intriorit
de
la
conscience4. Si
l'Ide trouve son origine dans la rflexion
morale, elle
ne
peut
donc
se
rduire, comme le suggre
Aristote,
une abstraction.
Mais
sur un autre point
les
explications
d'
Aristote rencontrent
une
difficult fondamentale.
Si l'Ide, observe-t-il,
est
spare de
la
chose,
comment peut-elle contribuer
la connaissance? Si, par opposition aux
apparences sensibles,
leur diversit
mouvante,
il n'est
de
connaissable
que l'Ide, l'essence immuable, ne
s'ensuit-il
pas
de
l que
tout
ce qui est
matriel, mobile,
est
soustrait
la connaissance?5
Cette consquence,
reproche Platon,
ne
s'impose cependant
que
si l essence
est
considre
comme une abstraction,
drive
de l'exprience et rduite
une
forme
vide
de
contenu. Mais c'est
d'une autre
faon
que l'Ide
platonicienne
peut
et doit
tre entendue: non comme une notion
abstraite,
dtache de
l'exprience,
mais
comme
une dtermination
a
priori, au moyen
de
laquelle la pense s'applique la rejoindre.
Plus
que par la
sparation de
l'Ide, par la dualit
de
l'Ide et
de
la chose,
l'idalisme platonicien peut
tre
caractris
par
la
thorie
de
la
Rminiscence,
selon
laquelle
apprendre,
c'est se ressouvenir, c'est--dire dcouvrir dans
l'intriorit
des
vrits dont la
certitude
ne
dpend pas de l'exprience,
mais qui
s imposent l'esprit par une
ncessit
intrinsque: telles les vrits
mathmatiques, qui n'ont pas besoin pour tre vraies
que
leurs objets
soient
rels.
Les
figures
et les nombres sont
des objets idaux, qui
ont
leurs vraies
et
immuables natures, mme s'ils n'existent pas en dehors de notre pense.
Ils ne
sont pas dfinis
a
posteriori, en
conformit
avec
des donnes
d'exprience, mais poss
a priori,
par une libre dcision dont l'esprit
reconnat
les
consquences
ncessaires;
en
cela
consiste
leur essence, leur
vrit ternelle, correspondant une dfinition nominale6.
Aristote
rpugne
cette
conception idaliste de
la vrit;
pour
lui,
il
n'est de connaissance que drive de l'exprience;
il
ne peut donc y avoir
de notions, si
ce
n'est abstraites, de dfinitions, si
ce
n'est empiriques;
4 Platon, Gorgias, 472 bc.
5 Aristote, Mtaph. A 9,
991a
11.
6 Descartes,
Meditatio V
(AT., IX, p.
50-51).
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L'ide
platonicienne et
le rceptacle
139
point par
consquent de dfinitions
nominales, supportant des
vrits
ncessaires.
S'il
est
une dfinition
nominale,
c'est celle
d'un
tre qui
n'existe
pas,
comme
la
licorne
ou
l'hircocerf;
mais
pas
plus
qu'il
n'a
d'existence,
un
tel animal ne saurait avoir
d'essence,
faire
l'objet
d'une
dfinition vritable: ce qui
n'est
pas, nul ne saurait dire ce que c est7.
Cette position d'Aristote fait apparatre un contraste entre
deux
manires de concevoir
l'Ide
platonicienne. Si elle
est pose en
dehors
du
sensible,
comme une
entit, un Universel
spar, une abstraction ralise,
elle devient impropre sa fonction, ne peut tre
pour
nous le moyen de
connatre
les
choses
sensibles,
les objets
empiriques; la
critique
aristotlicienne
relve
ainsi une
difficult
qui
n'avait
pas
chapp
l'attention
de
Platon et dnote
seulement
que l'Ide doit tre conue d'une
autre
manire8.
Dans
le mme dialogue o
Socrate
explique
que
les
diffrentes
vertus se
distinguent
entre
elles
non comme les doigts de
la
main, mais
comme
les
espces
dans
le
genre (dans
le Mnon),
il
indique
que la
vrit
se
dcouvre
dans l'intriorit; il montre que
l'objet de
la connaissance
mathmatique
est
construit a priori, au moyen
de relations pures9.
Platon
en viendra, certes,
voir dans
les tres
naturels, dans
les
objets de
la science,
une
hirarchie de genres et d'espces; mais
ces objets
ne
seront vritablement connus que s'ils sont constitus essentiellement
de
rapports, dfinis par des mesures,
partir
d'une
exigence absolue,
d'un
principe
inconditionn. Si donc
il est
permis d'envisager
deux
conceptions
de
l'Ide platonicienne, l'une o
elle
est
regarde comme
un genre,
l'autre o elle
est
saisie
comme une relation,
et
si elles ne sont pas
incompatibles, c'est
la
seconde nanmoins, celle qui
la
sparation,
souligne par
Aristote,
oppose
l'intriorit,
qu'il convient
d'accorder la
prfrence et la
priorit. C'est ainsi
que dans
son livre: Les philosophes-
gomtres de
la
Grce (1900),
antrieur
celui de
P.
Natorp: Platons
Ideenlehre (1903),
et
qui plus que
ce
dernier, d inspiration no-kantienne,
m'a
d'abord
servi
de
guide,
G.
Milhaud
a
pu
crire:
L'tre
des ides
est
de mme
nature
que
l'tre des vrits et des
essences
mathmatiques;
et, justifiant cette
interprtation,
il crivait: Tandis que
l'ide gnrale
(l'Universel aristotlicien)
rsulte
toujours de
la
constatation des
caractres
communs
une multitude
de
choses, nous
sommes
conduits
7 Aristote,
Anal, post., II
7,
92
b
4-8.
Platon,
Parmnide, 132
ab.
9 Id.,
Mnon,
81
b-86
b.
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140
Joseph
M
r
eau
poser l'ide
platonicienne
bien
plus
par
la
contradiction
des impressions
extrieures
que par leurs ressemblances10.
Ces
vues
sont pleinement
confirmes
par des
analyses
qu'on
peut
extraire des dialogues platoniciens relatifs la connaissance. Dans
le
Phdon, titre d'exemple de
ces
essences immuables requises pour
la
vrit de
la
connaissance,
est
considr
d'abord Y
gal en soi
(amo
xo
aov),
l'ide d'galit,
son opposition
la multitude des
btonnets
gaux
(6Xa x aa) observables par les sens. Ceux-ci ne sont jamais
parfaitement
gaux entre
eux; la
relation d'galit, au contraire,
est
toujours
identique elle-mme; elle
n'est jamais donne dans l'exprience
sensible; elle
est
seulement pense; c'est en ce sens qu'elle
est
dite
intelligible11. Or,
en dpit
de
cette
opposition
essentielle,
il
importe
de
remarquer que
cette
ide
de l'gal
ne
serait
jamais
venue
notre esprit
sans
la perception d'objets
gaux12; mais elle
n'est pas drive
de
la
perception, elle
est
seulement voque par elle: elle provient d'une
autre
origine; Ce
n'est pas
de
la comparaison d'objets
gaux que nous tirons
l'ide de l'gal;
car
de tels objets
ne
sont jamais
parfaitement gaux;
c'est
au contraire
parce
que nous trouvons dans notre esprit l'ide de l'gal
que
nous pouvons juger
que
ces objets
sont
approximativement gaux13.
Plus gnralement, c'est pour rsoudre les
ambiguts
du
sensible
que
nous
faisons
appel aux
relations
de mesure: Simmias est-il grand ou
petit?
On
n'en-
saurait
rien
dire
absolument;
mais
il
est
plus
grand
que
Socrate, plus petit que Phdon14. La relation
d'ingalit
se distingue
ainsi en
diffrence,
en plus ou en moins, qui se prcise elle-mme en
rapports de mesure: double ou demi,
combien
plus ou
combien
moins. Six
osselets
ct
de quatre
sont moiti plus,
ct de
douze moiti moins; et
la
relation immuable permet
ainsi
de dterminer jusqu'aux variations
de
grandeur15. Contrairement l'objection d'Aristote,
la
relation immuable
s'applique
la
dtermination
du changement:
n'y
a-t-il pas
des
quations
du
mouvement?
Ces
explications,
tires
du
Phdon,
du
Thtte,
de
la
Rpublique,
mettant en lumire le
caractre
a
priori
de
la
pense
mathmatique
et
son
rle
dans
la
dtermination du sensible, aboutissent rduire l'cart entre
10 G.
Milhaud,
Les philosophes-gomtres de la
Grce,
p. 259, 267.
11 Platon,
Phdon, 74
bc.
12
Ibid., 75
a.
13
Ibid,
74
d.
14 Ibid., 102 b; cf. Rpublique, VII 523 b-524 d.
15 Thtte, 154
c.
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L'ide
platonicienne et
le rceptacle 141
l'objet
intelligible, immuable,
et
la
mobilit de
l'exprience
sensible; elles
nous permettent
d'apercevoir (ce que Kant
tablira magistralement)
que
l'exprience
ne
se rduit
pas
aux
donnes
brutes
des
sens,
qu'elle
est
un
rsultat, autrement dit qu'elle suppose une laboration du sensible au
moyen
de concepts
purs
de
l'entendement.
C'est par
l que
l exprience
s'lve
au-dessus
de la subjectivit
confuse
des impressions, pour
atteindre une connaissance objective, une reprsentation d'objets16.
L'objectivit
n'est
pas, comme l'imagine le
sens
commun,
et
comme
l'affirme dogmatiquement
le positivisme
scientiste,
la
donne
primitive et
la base indfectible
de
la connaissance: l'objectivit
mme
est
une
conqute.
Telle
est
la
position
caractristique
de
la
critique
kantienne:
en
montrant que l'objectivit de la connaissance
rsulte de
l'application
aux
phnomnes des catgories de l'entendement, elle
fonde
la certitude de
la
science, mais rduit sa prtention dogmatique,
celle
d'atteindre au-del
du phnomne,
la chose
en
soi: mais
comme elle
est
cense interdire ainsi
l'accs
la
mtaphysique,
au
monde
intelligible,
aux
Ides
transcendantes
il
parat
impossible
d'imputer Platon une
position
pareille,
de
ramener la doctrine
des Ides une
thorie
de l'objectivit scientifique,
de rduire
l'idalisme
platonicien
un
idalisme transcendental. Une
telle interprtation, qui parat tre celle de Natorp17, a t
accueillie
par
L.
Brunschvicg,
mais
est
apparue
au
plus grand nombre comme une
mutilation
du
platonisme: mutilation accepte
allgrement
par
Brunschvicg, qui distingue entre le Platon
de
l'analyse, thoricien
de
l objectivit
scientifique, et
le Platon de
la
synthse, qui construit une
cosmologie rationnelle, un systme de l'Univers, o s'exprime une
mt physique
de
l'tre, une ontologie d'inspiration thologique18.
J'ai toujours estim, pour ma part, qu'il y avait dans l'idalisme
platonicien
une
thorie
de
l'objectivit,
comparable
celle
de Kant,
mais
qu'elle
n'est
pas incompatible
avec
la
transcendance mtaphysique
de l'Ide, l'exigence absolue du Bien; ce
que l'on
peut traduire avec
plus
de prcision en disant
que
l'Ide platonicienne n'est pas seulement un
concept de l'entendement, applicable
au donn,
mais
une
forme idale,
dfiant
peut-tre toute
ralisation empirique,
et o s'exprime une exi-
16 Kant, Critique de la Raison
pure,
Introduction,
I.
17 P.
Natorp,
Platos Ideenlehre, Leipzig,
1903.
18 L. Brunschvicg, Le Progrs de la conscience dam la philosophie occidentale,
I,
p. 19
sq.; La
Raison et la
Religion,
p. 48.
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142
Joseph
M
reau
gence suprme de
la
raison. Or, non seulement
ces
deux
fonctions
de
l'Ide ne sont pas incompatibles;
l'une sert d'appui
l'autre;
voire,
la
transcendance mtaphysique
ne
peut
s'exprimer
que
sur
la base
de
l'idalisme transcendental.
L'Ide
de
l'gal, c'est--dire la relation
d'galit,
applique la
dtermination du donn, conduit une reprsentation objective des
phnomnes, une connaissance
qui ne dpasse pas
le niveau de
l'exprience;
et si
une exigence
a
priori
s'exerce en
elle,
c'est celle qui se
traduit
dans la
ncessit
propre aux thormes mathmatiques, dont
l'objet
est
purement idal, exempt de
toute
porte ontologique. Si
l'Ide
de l'gal,
et les
autres relations
de
mme
ordre,
n'avaient d'autre
fonction
que
celle-l, elles
n'envelopperaient
aucune
signification
transcendante. Mais les Ides
du
bien, du beau, du juste, dont
la
dfinition ne
peut tre obtenue, comme
il
ressort des apories des
premiers
dialogues,
par voie
d'induction
empirique, se rfrent
une
autre
exigence que
celle
de
la dtermination objective d'un donn; elles ne servent pas
s implement
la
constitution d'un objet,
mais
visent
la
ralisation d'un projet,
la
dtermination
d'un devoir-tre,
l'organisation
de
la conduite
humaine.
Or, en vue
de
dfinir cette
organisation, cet
ordre idal qui doit
rgler la
conduite,
l'esprit
ne peut encore faire
appel
qu' des relations
de
convenance, des
rapports de
mesure, comme
ceux
que met en uvre
la
pense mathmatique.
La
diversit des tendances humaines ne peut
tre
ramene
un
ordre qu' travers
un
systme
de formes complexes,
d'idaux et
de
valeurs,
dfinies
partir
de
relations pures, relies
entre
elles par une exigence d'unification, comme les termes d'une proportion.
C'est ainsi que Socrate,
dans la
Rpublique,
dfinit la
justice comme une
proportion
entre
les
fonctions sociales,
une hirarchie
entre
les
composantes
de
l'tat19; et c'est
de
la
mme
faon que dans
le Time,
l'Architecte de l Univers
dfinit
par ses calculs
la
nature
et
le
nombre
des
lments
qui doivent
entrer dans
sa composition, ainsi
que la
disposition
des
orbes
clestes,
dont
les
distances
rciproques
correspondent
aux
intervalles
de
la
gamme, comme
les
figures des lments aux
polydres
rguliers,
inscriptibles dans la sphre20.
On
voit
d'aprs ces exemples,
et
d'abord par
la
considration de
la
justice,
comment
la
relation pure, instrument de dtermination
intellectuelle
au moyen
de
la mesure, et
condition
de
tous
les
dveloppements
19 Platon, Rpublique IV, 443 de.
20 Id.,
Time,
31
b-37
a,
55
e-56 b.
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L'ide
platonicienne et le rceptacle 143
du calcul,
peut
entrer en
des
combinaisons
complexes, contribuer
la
formation
de concepts
dans lesquels s'exprime une
exigence
transcendante,
et
qui
se
constituent
comme des
formes exemplaires,
des
normes
s'imposant
notre
volont. Mais c'est une requte
capitale
de l'idalisme
platonicien,
que
l'exigence rationnelle, qui impose sa loi notre
conduite,
est aussi
le
principe
absolu
de l'organisation
de l'Univers,
telle
qu'elle se dfinit dans les calculs du Dmiurge. Seul
le Bien
et
l obligation,
proclame Socrate
dans
le Phdon, peut tre le lien entre les parties
de l'Univers
et
le support de
l'unit
des choses21. Cette vision
finaliste
de
l'Univers,
qui
sera
reprise et
prcise par Leibniz, avait
t
annonce par
Anaxagore,
proclamant
que l'Esprit gouverne
toutes
choses. Or,
Socrate dplore
qu'il
n'ait
pas
tenu
sa promesse:
dans
l tude de
la
nature, des phnomnes
particuliers, il
s'est attach des explications
mcaniques, par
composition de
parties, et
reposant
sur des observations
empiriques.
Or
ce n'est pas, estime Socrate, sur
de
telles bases qu'on
peut s'lever
jusqu'au principe
de l'explication des choses. Si l'on veut
montrer
que
l Univers
est
un Tout organis,
que
son organisation
rsulte
des
calculs de l'intelligence,
il faut
que les
apparences sensibles,
les
phnomnes, aient
t
pralablement ramenes une reprsentation
objective, des
rapports de
mesure;
car
c'est cette condition
seulement,
aprs
avoir
t
traduites
en
langage
mathmatique,
que
les
informations d'origine sensible pourront
tre traites
par le
calcul, que la
diversit des phnomnes pourra tre comprise dans
l'unit organique
du Tout, travers une
srie
de conditions
hirarchiquement
ordonnes.
La dtermination objective des phnomnes au
moyen
des
quations
de
la
physique mathmatique
est l'tape
indispensable si
l'on veut
s'lever une explication
rationnelle de
l'Univers, remonter son
principe
absolu. C'est en rflchissant
sur
l'chec d'Anaxagore
que
Socrate a reconnu
la ncessit
de l'Ide,
en tant que
relation pure,
dans
la connaissance des
phnomnes naturels;
sur la base des
seules
observations empiriques,
on
ne peut difier
que
des explications contradictoires:
Je
craignis,
dit Socrate,
que
mon
esprit
ne tombt
dans
un aveuglement
total si j'observais
les
choses avec mes
yeux et tentais,
par chacun de mes
sens, d'entrer en
contact
avec elles. Il
me
parut qu'il fallait
me
rfugier
dans les logoi (les relations et les notions nominales),
et
chercher y voir
la vrit des
choses22.
21 Id., Phdon, 99 c.
Ibid, 99 e.
7/26/2019 Joseph Moreau - L'Ide Platonicienne Et Le Rceptacle
9/14
144
Joseph
M
reau
Ce n'est pas dans l'observation
seule
qu'il faut chercher la
vrit,
mais dans les relations. La science doit commencer par prendre
ses
distances
l'gard de l'observation,
congdier
les
phnomnes,
dit
brutalement
Platon23.
L'observation du Ciel ne fournit pas
l astronome
un modle
dcrire, mais
un
problme rsoudre;
la
science
astronomique a pour tche de sauver
les
phnomnes, c'est--dire de
les
reconstruire idalement
partir d'hypothses permettant de les
prvoir, de
dfinitions
bien choisies. De telles
dfinitions ne sont pas
le
dcalque
d'observations; ce sont des dfinitions
a priori,
nominales,
comme
celles
des
figures
gomtriques. C'est travers le nominalisme
des concepts mathmatiques
que
l'on peut obtenir une reprsentation
objective
des
phnomnes, en
tenter
une
reconstruction hypothtique.
La
science astronomique, et plus
gnralement
la physique, ne
peut
se
dpartir
du
caractre
hypothtique
li
au nominalisme de
la
connaissance
mathmatique.
La physique n'est au regard
de Platon,
comme
la
mathmatique,
qu'un systme hypothtico-dductif', l observation ne peut
apporter
aux
hypothses de la
physique
qu'une confirmation
pproxim tive
et prcaire; c'est pourquoi une telle connaissance ne mrite pas
proprement le nom de Science24;
ce
nom doit tre rserv cette
synthse
rationnelle qui
rend
compte a
priori
de l'organisation de
l'Univers,
qui
apporte
aux
hypothses
de
la
physique mathmatique
une
confirmation absolue, en les reliant, travers une srie
de
conditions
hirarchises, une exigence d'unification
suprme,
un principe
inconditionn.
C'est
seulement
en les considrant
ce niveau suprieur, qui n'est
plus
celui de
la dianoia,
de
l'entendement
discursif,
appliqu la
dtermination objective des apparences sensibles, mais
celui de
la nosis,
de l'intellection pure25, de
la
synthse rationnelle,
que
les Ides
platoniciennes s'lvent,
au-dessus de leur fonction
pistmologique
(en
tant
que
conditions
transcendentales
de
l'objectivit), au rang d'objets
transcendants de
l'Intellect,
d'essences
immuables, de
raisons ternelles
des
choses.
Elles
tiennent cette nature transcendante de leur rfrence au
principe absolu, l'Ide
du
Bien; mais
il
n'est pas requis pour autant
qu'elles
soient ralises
en
dehors
de la
pense, comme des ralits
subsistant
en soi, ou
comprises
de
toute
ternit dans
l'entendement
23 Id,
Rpublique VII, 530
b.
24 Ibid., 533 c.
25 Ibid.,
VI, 511
de.
.
7/26/2019 Joseph Moreau - L'Ide Platonicienne Et Le Rceptacle
10/14
L'ide platonicienne
et
le
rceptacle 145
divin, suivant la
doctrine de
la Vision en Dieu,
version augustinienne de
l'idalisme platonicien;
il suffit
qu'il y ait en Dieu, comme
l'a
prcis
Leibniz,
le
principe
absolu
de
l'Intelligence, la
raison
de
toutes
les
vrits25. Ainsi le rationalisme, qui proclame
la
transcendance
du
vrai,
se
concilie
avec
le nominalisme,
qui rejette
le ralisme de
l'intelligible, les
Ides hypostasies;
c'est que
le nominalisme
n'est pas li avec
l empirisme
et
ne rduit pas
l'Ide
un flatus vocis; c'est
sur
le nominalisme de
la
dfinition mathmatique
que
reposent
les
vrits ncessaires
et les
essences
immuables, objets
de
l'idalisme mtaphysique.
Une grande confusion s'est
introduite
dans l'interprtation
du
platonisme
quand
on
s'est imagin,
dans
le
dbat
entre
les
successeurs de
Platon, dont
l'cho
nous
est
parvenu par
Aristote,
qu'
la
distinction de
la dianoia et
de
la nosis, qui est celle
de deux
niveaux
de
la connaissance
intellectuelle, celui
de
l'entendement discursif et
celui
de
la
synthse
rationnelle,
correspondait celle de deux sortes d'entits, les objets
mathmatiques,
nombres et
figures
d'une
part,
les Ides
proprement
dites
d'autre
part,
celles-ci tant
conues
comme des
Universaux,
des formes
gnrales
et
abstraites. On en
est
venu
considrer
d'une
part les objets
mathmatiques comme
seulement
intermdiaires entre le sensible
et
l'intelligible,
de l'autre
riger
les
nombres
au
rang
de
principes
d'o
drivent les Ides27. La vrit, c'est que les
relations
mathmatiques
servent
dans
un
premier
temps
construire
une reprsentation objective,
faite d'objets dtermins de l'entendement,
et
en ce sens intelligibles;
ensuite, c'est encore par un calcul, au
moyen
de constructions
gomtriques et
de nombres, que
se
dfinissent
les degrs intermdiaires, les
structures
idales,
qui
reprsentent
les conditions
ncessaires
l organisation du Tout;
c'est
travers
de telles structures
que
les rapports
mesurables entre
les
phnomnes,
les
dterminations qui
en permettent
une
reprsentation
objective,
sont
ramens l'exigence suprme
d unification.
Cela n'empche
que cette
synthse rationnelle, cette construction a
priori
de
l'organisation universelle, n'ait t conue
sous deux
aspects
diffrents, sous deux
formes
rivales: d'un ct comme une composition
partir d'lments tels
que
l'unit, le point, la ligne
et
ses
dveloppements
28 Leibniz, Gnrales Inquisitiones 131 voir
notre ouvrage:
L'Univers
leibnizien,
p.
208, n
1
et 2): Dieu
seul
connat
a priori les vrits mme
contingentes. Cf.
De
liber
tate, p.
181: Cognitio
a
priori,
per veritatum
rationes.
27
Aristote, Metaph., A
6, 987
b
14-18;
A
8, 1073 a 18-19.
7/26/2019 Joseph Moreau - L'Ide Platonicienne Et Le Rceptacle
11/14
146
Joseph Moreau
en surfaces et en solides,
de
l'autre comme une dduction partir
de
notions universelles; les
principes sont d'un
ct ceux du
nombre,
de
l'autre ceux des
Ides;
c'est
sur cet
antagonisme des
principes
que
reposent les apodes introductives de la
Mtaphysique
d'Aristote28. Dans
cet
antagonisme se traduit l'opposition entre
Yexigence
a priori
de
l'idalisme
platonicien
et
l'exemplarisme fondamental de
la connaissance
au regard
d'Aristote.
A titre
d exemple, signalons
la
critique
qu'il
dirige
contre la diairesis, la
division
par genres et espces, conduisant la
classification des
tres
vivants,
la
dcouverte
de
la
hirarchie naturelle.
Selon
Aristote, cette division
ne
peut rsulter de
la
seule
dichotomie,
de
la
distinction
logique des opposs;
elle requiert le recours
l'observation
empirique29.
Si
je pose
que
tout
animal
est
ail
ou
non-ail
(postulat
incontestable),
c'est l observation seule qui m'apprend si la
chauve-souris
a vraiment des ailes. Cependant, si
la
division procde mthodiquement,
par succession
ordonne
de
diffrences,
elle aboutit une dfinition
unifie
(lorsque par
exemple
chaque espce se distingue dans le genre
par une diffrence
ultime,
qui suppose
toutes
les
prcdentes30);
mais
cette dfinition, souligne
Aristote, n'quivaut
pas une demonstration*1
Que
faudrait-il
pour que la dfinition
soit dmontre? Il
faudrait qu'
chaque
degr
de
la hirarchie naturelle,
le
genre pt tre divis
autrement que par dichotomie, par opposition logique
de
deux termes, mais
par une dtermination a
priori du
nombre
et
de
la
figure des espces
comprises
dans
le
genre;
par
exemple, il
n'y a ni plus ni moins de cinq
polydres rguliers
inscriptibles dans la sphre. Ces figures
(la
pyramide,
le cube, l'octadre, l'icosadre
et
le
dodcadre) sont
autant d'espces
d'un
mme genre,
et
chacune
se dfinit
mathmatiquement.
Cette
diairesis suprieure peut servir de
fondement
la distinction
empirique des
genres
et des espces;
c'est elle
qui est la
mthode
primordiale de la
dialectique platonicienne32.
Aristote, qui affirme
la
suite de Platon l'organisation
hirarchique
de
la
nature,
estime
pour
sa
part
qu'elle
ne peut
tre
dcouverte
sur
la
base de
la
seule observation;
et
son adversaire
Speusippe (successeur
de
Platon
la
tte
de
l'Acadmie),
qui faisait
de
la
dichotomie,
division
purement logique,
la
mthode de
la
classification des
tres
vivants,
et
pour qui l'Univers tait constitu de niveaux superposs, correspondant
28
Id., Mtaph.,
B
1,
995 b
27-29;
996 a 12-15.
29
Id.,
De part, anim., I
3.
30
Mtaph.,
Z
12,
1038 a 9-20.
31
Anal, post., B 6,
91 b
12-15.
32
Platon,
Rp.
VII,
534
b;
Philbe,
16
c-17
a.
7/26/2019 Joseph Moreau - L'Ide Platonicienne Et Le Rceptacle
12/14
L'ide
platonicienne
et le rceptacle
147
des tapes de complexit croissante33, il objecte avec vhmence
que
ce mode
de construction mathmatique, reposant
sur la
seule
composition
des
lments
(points,
lignes,
surfaces,
solides,
etc),
exclut
la
finalit,
l'exigence suprme d'unification
organique34.
Tels
paraissent
tre les enseignements retenir des tortueuses
discussions de l'Ancienne
Acadmie, dans
le dclin de l'inspiration
idaliste de Platon.
Mais cette
inspiration a
t recueillie,
revivifie
au
cours des sicles, travers Plotin,
S.
Augustin, Descartes,
Malebranche,
et jusque
dans la
critique kantienne.
Dans
son analyse de l'exprience,
Kant,
mettant en lumire les conditions
de
l'objectivit, nous a orients
vers
la
fonction
de
l'Ide,
et
nous
a
permis
de dcouvrir
dans
le
platonisme
deux niveaux
de
la connaissance
intellectuelle, celui de
la
dtermination
objective au moyen des
concepts de
l entendement (ce qui
est le
rle de
la
dianoia)
et
celui de
la synthse
rationnelle,
rpondant
l'exigence
$ nconditionn, qui s'exprime
dans
les Ides
de
la
raison.
La
distinction
de ces deux niveaux
est
chez Kant un hritage
du
platonisme,
dont la
constatation s'impose l'historien
sur
le trajet de retour, de
Platon Kant.
Cette constatation
irrcusable atteste que ce second
niveau,
celui de
la mtaphysique, n'est pas formellement reni par Kant,
comme on
l'admet
ordinairement.
Pas
de
connaissance
ses yeux
qui
dpasse
le niveau de l'exprience, de l'objectivit scientifique; mais
la
science, dont Kant s'applique tablir
la
validit,
ne
rpond
pas
ce
qu'il appelle Vintrt suprme de la raison, qui
s'attache
aux fins
de
l action, aux valeurs morales,
la
signification
de l'existence35.
Ce point
soulign
dans la
Prface de
la 2e
dition de
la
Critique tait
marqu
ds
la lre dition, dans YAppendice
la Dialectique transcendentale, ainsi
que dans la Mthodologie transcendentale. Mais ce
qu'il me
parat
curieux
de signaler
en terminant, c'est qu'une notion
primordiale de
la
Critique
de
la
Raison
pure,
celle
de
forme
a
priori
de
la
sensibilit, est
vivement
claire a tergo par
les
indications enigmatiques relatives une
fonction gnosologique capitale dans
le platonisme.
De bons connaisseurs des thories classiques
de
la connaissance ont
dnonc chez Kant une notion
contradictoire,
celle ^intuition sensible a
33 Arist.,
Mtaph.,
N 3, 1090
b 5-20; A 10,
1075
b 37-1076
a
4.
34 Id., Mtaph., A 7,
1072
b
13-14.
35 Kant,
Critique
de la Raison
pure,
Mthodologie
transe, cf.
II,
2e section
(B 832-
833).
7/26/2019 Joseph Moreau - L'Ide Platonicienne Et Le Rceptacle
13/14
148 Joseph Moreau
priori.
La sensation
est une fonction indispensable
la connaissance
humaine,
et Kant ne
s'carte
pas de la tradition sur ce point; notre
entendement
ne
peut
se
donner
lui-mme son
objet;
s'il
le
construit
selon
des exigences a
priori,
ce ne peut tre que sur la base des
donnes
sensibles;
or, la
sensation
est
une fonction
rceptive36
il serait
donc
contradictoire d'admettre un a priori
dans la facult
sensible.
Cependant, dans cette facult mme, on
peut
regarder proprement
la
forme; si sa
fonction
propre
est
de
recevoir
des impressions, il
n'en
demeure
pas
moins
qu'elle ne les
peut
recevoir que
per
modum
recipien-
tis31
Ce
qui est reu
par
les
sens,
ce sont
des impressions
qualitatives;
mais
l'tendue
qui est leur substrat commun est irrductible une
impression38;
elle est
toujours
prsente
l'esprit,
dans
une
intuition
qui
n'est pas l'effet
d'une
impression particulire, mais qui est lie
la
situation mme
d'un sujet
sentant,
la
condition
d'une
conscience finie,
ouverte un infini qui
la
dpasse, et qui
ne
peut lui
tre
dvoil
que
sous
l'aspect
de X
extriorit, symbole de la transcendance absolue.
Cette
extriorit est
toujours prsente notre
pense;
elle
remplit,
disait
Descartes,
la
capacit
de
notre
imagination39,
sans
tre pour cela une
fiction. Pas plus qu'elle ne peut tre
te,
suppose anantie,
la
manire
des objets qui y
sont
contenus, l'tendue
ne saurait
tre feinte,
tre
un
produit de
notre
imagination,
attendu
qu'une
fiction
ne
peut
s'effectuer
que
sous le prsuppos de l'imagination49. Ce sont
l
des considrations
empruntes par Kant
la
philosophie cartsienne; mais elles
ont
leur
antcdent
dans la considration de la x pa platonicienne,
de
Vhorizon
o apparaissent
tous
les
objets
et qui obsde notre imagination, au point
de
nous faire croire que ce qui n'est pas dans l'espace, qui n'est pas
tendu, corporel, n'existe
pas41.
Cet horizon
est
dsign chez
Platon
sous le nom de rceptacle; il
est la forme
de
la rceptivit et
correspond
l'intuition sensible a priori.
34, rue de Lachassaigne Joseph Moreau.
F-33000 Bordeaux.
36 Ibid.,
Esth. transe,
1 ; Logique transe.
Introd. I
(B 75);
Anal,
transe. 2e
d.)
21.
37
S.
Thomas, Summa theol.,
I
84, 1.
38 Kant,
Esth. transe.,
3 2e
d.) B
45;
cf. 1
d.
A, 28-29.
39 Descartes, Regulae XIV
(A.T.,
X442,
20-21).
40 Kant,
Esth.
transe., 2,
2;
Rfutation de
l'Idalisme,
Remarque
I,
note.
41 Platon,
Time, 52 b.
7/26/2019 Joseph Moreau - L'Ide Platonicienne Et Le Rceptacle
14/14
L'ide
platonicienne et le rceptacle 149
Rsum.
L'ide platonicienne est-elle une abstraction spare du
sensible,
ou une relation a priori
applicable
l'analyse
de l exprience
et
propre
dfinir
un
idal pratique?
Cette question,
souleve
dans
l'aristotlisme, se traduit par l'opposition entre les
dterminations
mathmatiques (nombres
et
figures)
et les
exigences de
la finalit. Ces
deux conceptions
supposent
toutefois une
rduction
idaliste de Y
extriorit, ramene une
expression
imaginative du non-tre.
Abstract.
Are
Plato's Ideas
an
abstract
vision,
separated
from
sensible
things,
or
an
a priori relation used for analysing experience
as well as for planning action? This question, raised
in
Aristotelianism,
can
be
expressed as the opposition
between mathematical
definitions
(numbers
and figures) and
practical
values. But both views imply
an
idealist reduction of exteriority, considered as
an
imaginative expression
of
non-being.
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