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MASTER 2
Droit de l’Exécution des peines et Droits de l’Homme
Institut de Droit et Economie d’Agen
Promotion 2017 - 2018
L’EFFICACITÉ DE LA PEINE
D’INCARCÉRATION DES MINEURS DÉLINQUANTS
Mémoire présenté par Louise TOURREL
Sous la direction de Madame Ludivine GRÉGOIRE,
Maître de conférences, Droit privé et sciences criminelles à l’Université de Pau
Promotion Simone VEIL
MASTER 2
Droit de l’Exécution des peines et Droits de l’Homme
Institut de Droit et Economie d’Agen
Promotion 2017 - 2018
L’EFFICACITÉ DE LA PEINE
D’INCARCÉRATION DES MINEURS DÉLINQUANTS
Mémoire présenté par Louise TOURREL
Sous la direction de Madame Ludivine GRÉGOIRE,
Maître de conférences, Droit privé et sciences criminelles à l’Université de Pau
Promotion Simone VEIL
« Je déclare sur l'honneur que ce mémoire a été écrit de ma main, sans aide extérieure
non autorisée, qu'il n'a pas été présenté auparavant pour évaluation et qu'il n'a jamais
été publié, dans sa totalité ou en partie.
Toutes parties, groupes de mots ou idées, aussi limités soient-ils, y compris des tableaux
graphiques, cartes etc. qui sont empruntés ou qui font référence à d'autres sources
bibliographiques sont présentés comme tels (citations entre guillemets, références
bibliographiques, sources pour tableaux et graphiques etc.) »
Remerciements
Je souhaiterais avant tout remercier Madame la Professeure Ludivine GRÉGOIRE pour
avoir accepté de diriger mes recherches, ainsi que pour ses conseils et sa disponibilité.
J’aimerais également remercier Monsieur le Procureur général près de la Cour d’appel de
Toulouse David SÉNAT, Madame la chef d’établissement de l’EPM de Lavaur Vanessa
PREMPAIN ainsi que l’ensemble du personnel de l’EPM, pour m’avoir accueillie et
accompagnée lors de mes stages de fin d’étude.
Sommaire
Introduction ............................................................................................... 9 Partie I. L’incarcération en EPM : ultime recours de prise en charge des mineurs délinquants ............................................................................................... 21 Chapitre 1. L’idéologie fondatrice des établissements pénitentiaires pour mineurs ... 22
Section I. Les EPM incarnation du principe de la primauté éducative en milieu carcéral .... 22 Section II. Les EPM : des établissements spécialisés contribuant à la responsabilisation du mineur ..................................................................................................................... 26
Chapitre 2. La prise en charge des mineurs délinquants en établissement pénitentiaire pour mineur ...................................................................................................... 32
Section I. La spécificité de la population accueillie en EPM ........................................... 32 Section II. La pluridisciplinarité : principe fondamental de l’individualisation du parcours de détention .................................................................................................................. 37
Partie II. L’incarcération en EPM: une expérimentation entravée par la réalité pénitentiaire ou « l’impossible prison-éducative » ......................................... 42 Chapitre 1. La désillusion du « projet EPM » ................................................ 42
Section I. La difficile collaboration des personnels confrontée à la prise en charge de publics spécifiques ............................................................................................................... 42 Section II. Une gestion à flux tendu dans un cadre architectural inadapté impactant un parcours individualisé de détention ............................................................................. 47
Chapitre 2. Le sens de la peine d’incarcération en établissement pénitentiaire pour mineurs ..................................................................................................... 52
Section I. L’échec d’une conception pédagogique de la peine d’incarcération en EPM ..... 52 Section II. La réelle influence de la réponse pénale d’incarcération à l’égard des mineurs délinquants ............................................................................................................... 57
Conclusion ............................................................................................... 62 Annexes ................................................................................................... 65
Liste des abréviations
AP : Administration Pénitentiaire
CEL : Cahier Électronique de Liaison
CEF : Centre Éducatif Fermé
CPP : Code de Procédure Pénale
CPU : Commission Pluridisciplinaire Unique
CRI : Compte-Rendu d’Incident
DAP : Direction de l’Administration Pénitentiaire
DP : Détention Provisoire
DPJJ : Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse
EN : Éducation Nationale
EPM : Établissement Pénitentiaire pour Mineurs
GIDE : Gestion Informatisée des Détenus en Etablissement
JAP : Juge d’Application des Peines
LOPJ : Loi d’Orientation et de Programmation pour la Justice du 9 septembre 2002
MA : Maison d’Arrêt
MNA : Mineurs Non - Accompagnés
MMNA : Mission Mineurs Non - Accompagnés
MBO : Mesure de Bon Ordre
Ordonnance de 1945 : Ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance
délinquante
PJJ : Protection Judiciaire de la Jeunesse
QD : Quartier Disciplinaire
QM : Quartier pour Mineurs (dans les MA)
RUE : Responsable d’Unité Éducative de la PJJ
UA : Unité Arrivants
UCSA : Unité de Consultation et de Soins Ambulatoires
UF : Unité de vie Filles
US : Unité de Soins
UV : Unité de Vie
9
Introduction
« Quoiqu'il en soit, le problème de l'enfance coupable demeure l'un des problèmes les
plus douloureux de l'heure présente. Les statistiques les plus sûres comme les
observations les plus faciles prouvent, d'une part que la criminalité juvénile s'accroît
dans les proportions les plus inquiétantes, et d'autre part, que l'âge moyen de la
criminalité s'abaisse selon une courbe très rapide ».
Ce texte que l’on pourrait appliquer avec aisance au discours public actuel est pourtant
tiré du traité de Droit pénal d'Emile Garçon de 1922.
L’enfance délinquante interroge, suscite débats et controverses, mais surtout, préoccupe.
Phénomène ancien tiraillé entre le souci de protéger le mineur, un citoyen en construction
et de réprimer les infractions commises afin de sauvegarder la cohésion de la société, dans
l’inquiétude finalement d’apporter une réponse adéquate à l’acte délinquant.
L’efficacité vise de manière générale la capacité d’obtenir le résultat souhaité, de parvenir
aux effets attendus, ou d’atteindre l’objectif fixé. Au sens large, l’efficacité réside ainsi
dans l’accomplissement d’une perspective. On retiendra pourtant une conception plus
juridique, où l’efficacité se présente comme un « mode d’appréciation des conséquences
des normes juridiques et de leur adéquation aux fins qu’elles visent »1.
La peine, quant à elle, peut être définie comme une sanction pénale, un châtiment
déterminé par la loi pénale prononcée par une juridiction pénale en raison de la culpabilité
d’une personne et ordonnée dans le dessin essentiel de punir la commission d’une
infraction à la loi pénale2. Malgré son ancienneté et sa permanence, la sanction pénale
reste difficile à appréhender tant ses différentes logiques dont sa prépondérance a fluctué
au cours du temps3. De ses caractères exclusivement afflictif, infamant et dissuasif à ses
origines, d’autres fonctions sont venues temporaliser le sens de la peine en consacrant
son individualisation, la prévention, la réparation et la réinsertion. L’une des
caractéristiques majeures de la justice des mineurs est la conciliation de ces principes
dans l’existence d’une multitude de réponses face à l’acte délinquantiel. Ces réponses
1 R. BETTINI, Vo, « Efficacité », in Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit (sous la dir. d'A.-J. Arnaud), LGDJ, 2e éd., 1993. 2 Ludivine GRÉGOIRE, Introduction au cours de droit de la peine, M1 Exécution des Peines et Droits de l’Homme, 2017, p. 2. 3 « Le sens de la peine et le droit à l’oubli » Colloque au casier judiciaire national, 6 nov. 2015.
10
diverses et variées respectent une hiérarchie liée à des tranches d’âges4, mais sont
soumises à la notion essentielle du « discernement ». Le discernement est « la faculté de
juger et d’apprécier avec justesse et clairvoyance une situation, (ou) l’aptitude à
distinguer le bien du mal »5 , en tout état de cause, le discernement est le critère de la
responsabilité pénale des mineurs délinquants. Ainsi, tout mineur est pénalement
responsable dès lors qu’il est capable de discernement, puisque la législation française ne
s’est jamais résignée à déterminer un âge minimum de responsabilité pénale, et peut donc
se voir infliger prioritairement des mesures éducatives, seules sanctions applicables aux
mineurs de moins de dix ans ; des sanctions éducatives, catégorie intermédiaire,
prononcées à l’encontre des mineurs de dix à dix-huit ans ; et enfin des peines revêtant
un caractère subsidiaire et s’appliquant uniquement aux mineurs de plus de treize ans, en
tenant compte de l’excuse de minorité dont sont garants tous les mineurs à raison de leur
âge6. Ce n’est qu’exceptionnellement, pour les mineurs de plus de seize ans et par
décision spécialement motivée de la juridiction spécialisée, si les circonstances de
l’espèce et la personnalité du mineur le justifient, que l’atténuation de responsabilité
pourra être écartée. Parmi cet arsenal, le constat est unanime, le prononcé d’une peine
privative de liberté à l’égard des mineurs délinquants doit être exceptionnel7. Pourtant,
régulièrement décriée et contestée8, cette peine reste mise en œuvre. Ce paradoxe a suscité
l’attrait pour la matière, et c’est donc naturellement que l’étude se concentrera sur
l’application de la peine prononcée par une juridiction spécialisée, c’est-à-dire
l’exécution de cette condamnation en milieu carcéral.
L’incarcération est l’action de placer un individu en prison. La prison est le terme
générique employé dans le langage courant pour désigner l’établissement où s’exerce la
peine privative de liberté par l’effet d’une décision de justice, peine caractérisée par la
privation d’aller et venir. Dans un sens plus étroit, la prison est également le lieu où
s’exécute, outre la peine d’emprisonnement, la détention provisoire9, qui ne sera donc pas
exclu du développement puisqu’occupant une place prépondérante dans le traitement de
la délinquance juvénile. Toute mesure privative de liberté s’accomplie au sein de l’une
4 C. pén., art. 122-8. 5 Def. de Philippe BONFILS et Adeline GOUTTENOIRE dans « Droit des mineurs » ; Crim., Laboube, 13 décembre 1956. 6 Ordonnance du 2 février 1945, art. 20-2. 7 Circulaire de la DAP du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs, p. 3 ; Conv. internationale des droits de l’enfant, art. 37. 8 Cf. infra. 9 Gérard CORNU, « Prison », in vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 12ème éd., p. 809.
11
des catégories d’établissements pénitentiaires, locaux sous l’égide de la direction de
l’administration pénitentiaire10. La prison ne se résume pas à une institution unique et
décline, au contraire, toute une classification d’établissements pénitentiaires. La
distinction principale sépare les établissements pour peine destinés à recevoir les
condamnés définitifs11, des maisons d’arrêt principalement destinées aux prévenus
incarcérés12 et secondairement aux condamnés à des peines d’emprisonnement de courte
durée. Les établissements pour peine rassemblent diverses formes d’établissements13, et
parmi cette diversité, deux modes d’incarcération coexistent actuellement concernant la
prise en charge des mineurs. C’est pour cette raison que la présente étude portera
uniquement sur la détention des mineurs, c’est-à-dire l’état de cet individu singulier
retenu à quelque titre que ce soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour
mineurs14.
La notion de minorité correspond au statut juridique donné par la loi à une personne qui,
en France n’a pas atteint l’âge de dix-huit ans15. Cette notion traduit l’enfance, période
particulière de la vie, étant donné qu’elle se révèle déterminante non seulement pour
l’apprentissage, mais également pour la construction de la personnalité. L’enfant
d’aujourd’hui est loin de la conception de ses débuts, qui selon Platon n’était qu’un
« adulte en miniature ». Il faudra attendre le XVème siècle pour que la spécificité de la
jeunesse apparaisse dans les représentations (peintures, sculptures, littératures), mais
c’est véritablement à partir du XVIIème siècle par l’apport des philosophes que l’enfant en
tant que tel, occupera désormais une place prépondérante. Pour que récemment,
l’ancienne Garde des Sceaux Christiane TAUBIRA affirme lors de son discours
d’inauguration du 2 février 2015, « un adolescent n’est pas un adulte et la société a la
charge de l’éduquer et de lui faire sa place de citoyen »16. Ainsi, le mineur est un acteur
particulier de la scène juridique, puisqu’il est destinataire des règles de droit commun,
mais il est également sujet exclusif d’un droit spécifique. Le droit pénal des mineurs est
bâti sur la « conviction profondément humaniste que tout mineur délinquant est un être
10 Administration pénitentiaire (AP). 11 CPP., art. 717. 12 CPP., art. 714. 13 « Centres de détention, maisons centrales, centres de semi-liberté, centres pour peines aménagées », Jean-Paul CÉRÉ, « La prison », Dalloz, 2ème ed., pp. 17-20. 14 Établissement Pénitentiaire pour Mineurs (EPM) 15 C. civ., art. 388. 16 « Justice, délinquance des enfants et des adolescents », Actes de la journée du 2 fev. 2015, p. 3.
12
en construction »17, symbole de la société de demain, et en cela, lui consacre une réelle
protection et préservation, puisque le droit organise aussi bien son incapacité que les
conditions de sa responsabilité. Cette organisation témoigne de l’ambiguïté du juge des
enfants qui conjugue à la fois les rôles de juge civil, de juge d’instruction, de juge pénal18.
Pourtant la singularité des jeunes d’aujourd’hui ne correspond pas à celle d’hier, et si les
jeunes délinquants ont changé c’est au rythme des changements de la société et de la
justice. Paradoxalement, si la majorité pénale s’est abaissée de vingt-un à dix-huit ans,
les marqueurs de transition vers l’âge adulte – l’obtention de l’indépendance, le départ du
foyer familial, comme l’acquisition de l’autonomie financière, sont plus tardifs – du fait
notamment de l’allongement de la durée des études et de la précarisation des premiers
emplois. « L’enfant d’aujourd’hui sera l’adulte de demain, et cet adulte de demain sera
ce que l’adulte d’aujourd’hui en aura fait »19, ce texte illustre parfaitement la
préoccupation, qui n’est pas nouvelle, de préserver cet être en devenir. S’il est impensable
de ne pas sauvegarder « l’enfant en danger », la problématique est tout autre concernant
« l’enfant dangereux ».
Le terme délinquant suppose la participation criminelle d’un individu à titre d’auteur ou
de complice, en vue de la réalisation d’une infraction à la loi pénale20. En somme un
mineur délinquant est celui qui commet une infraction, sans avoir atteint au moment des
faits l’âge de la majorité pénale21. C’est bien cet aspect qui indigne, soulève difficultés et
polémiques, parce que l’opinion commune voudrait que la notion d’enfance soit éloignée
de celle de délinquance. Le paradoxe est là, tout les opposent par nature, comment
envisager qu’un enfant, à qui l’avenir appartient, source d’insouciance, de pureté et de
légèreté, puisse causer du tort à autrui ou à ses biens et s’inscrire ainsi dans un
déterminisme guidé par le mensonge, la fraude ou la violence. En conséquence le
particularisme du droit pénal des mineurs reflète la singularité du public visé, et c’est
justement cette thématique qui a suscité l’intérêt de l’étude.
17 « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 7. 18 Cf. infra. 19 Jean-Yves CHEVALLIER, Rapport introductif « Enfance et délinquance », XIème journées de l’association française de droit pénal, 1993, p. 3. 20 « Délinquant », in Dictionnaire du vocabulaire juridique (sous la dir. de Rémy CABRILLAC), Lexis Nexis, 10ème ed., 2019. 21 « Mineur délinquant », Fiche d’orientation, septembre 2017, Dalloz.
13
S’interroger sur l’efficacité de la peine d’incarcération des mineurs délinquants nécessite
un retour sur l’histoire de l’enfermement de ces mineurs, puisque malgré de nombreuses
tentatives, la question de savoir s’il est pertinent d’enfermer des « enfants en conflit avec
la loi » est restée sans réponse depuis plus de deux siècles. Les Codes pénaux de 1791 et
de 1810 n’occasionnent pas de grandes mutations sur le traitement de l’enfance
délinquante, mais consacrent trois principes plus ou moins stables depuis l’Ancien
Régime : ils fixent la majorité pénale à seize ans ; prônent la notion de « discernement »
comme critère de la responsabilité et diminuent le quantum des peines applicables aux
mineurs22. C’est véritablement au XIXème siècle que le terme « mineur délinquant » est
institué par les constructions sociales et politiques. Après l’épisode révolutionnaire de
1830, l’enfant est dorénavant placé au cœur des préoccupations politiques, et seront
ouverts les premiers quartiers séparés pour mineurs dans les maisons centrales, c’est le
début d’un traitement différencié, où le mineur devient un objet propre de la politique
pénale. La volonté d’isolement, de rédemption et d’éducation est la conséquence de la
mobilisation des « entrepreneurs de morale »23, c’est-à-dire des philanthropes, tels que
La Rochefoucauld-Liancourt, Charles Lucas, ou Louis-Mathurin Moreau-Christophe qui
militent contre la contamination des enfants et la contagion de la criminalité par
l’établissement du système Philadelphien. Si la prison est utile pour le redressement
moral, et principalement chez les enfants, ils n’œuvrent pas dans une direction humaniste,
mais par la crainte du monde ouvrier et de leurs « progénitures », afin de maintenir l’ordre
social établi. Mais déjà le débat s’installe24, car face à cette philanthropie,
paradoxalement, des libéraux comme le Comte d’Argout affirment qu’« une prison ne
sera jamais une maison d’éducation » et plaident pour limiter l’incarcération des enfants
en favorisant le placement familial ou professionnel, principe repris dans la circulaire du
3 décembre 1832. Pourtant l’échec de cette circulaire, l’état désastreux des prisons, mais
surtout l’argument financier de la création des quartiers séparés, encouragera le « retour
à la terre ». Dans un premier niveau, la montée de l’hygiénisme social va permettre un tri
entre les enfants corrompus et les enfants amendables dont l’expérimentation par
excellence sera concrétisée par l’édification en 1836 à Paris de la prison de La Petite
Roquette. Cette première tentative de réaliser une institution qui conjugue la sécurité
22 C. pén. 1810, art. 66 et 69. 23 M. SLONINA, « Le sujet de droit et la prison au XIXème s. », Hist. des droits de l’Homme, M1 Exécution des Peines, 2017, p. 7. 24 Cf. infra.
14
publique, assure un châtiment humain acceptable et corrige le mineur25 est un échec. Le
second niveau est donc affirmé par les colonies agricoles pénitentiaires et l’idée de
remettre en avant les valeurs traditionnelles, dont l’exemple le plus abouti est la colonie
de Mettray de Frédéric-Auguste Demetz à partir des années 1839. A partir de la Troisième
République, une nouvelle représentation des mineurs délinquants va s’imposer, où l’État
va finalement préférer l’éducation et la prévention à la répression. Pour autant, la
naissance de la justice des mineurs date de la loi du 22 juillet 1912 qui consacre les
tribunaux pour enfants et la liberté surveillée, où la famille populaire considérée comme
une menace tout au long du XIXème siècle devient une institution de socialisation.
Cependant, la spécialisation de la justice des mineurs est entravée par des débats de fond
et par le retour du discours sécuritaire. Le véritable tournant est amorcé par la loi du 27
juillet 1942 où désormais l’éducation doit être donnée en fonction de la personnalité et
non plus à raison du crime commis, où le traitement individualisé est établi grâce à des
centres d’observation qui permet l’étude du mineur avant sa comparution devant le juge,
et qui crée la première juridiction régionale spécialisée pour les mineurs. Cette loi jugée
trop complexe ne sera jamais appliquée, mais donne son impulsion à la réforme la plus
connue : l’Ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.
« Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l'enfance,
et parmi eux, ceux qui ont trait au sort de l'enfance traduite en justice. La France n'est
pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des
êtres sains. La guerre et les bouleversements d'ordre matériel et moral qu'elle a provoqué
ont accru dans des proportions inquiétantes la délinquance juvénile. La question de
l'enfance coupable est une des plus urgentes de l'époque présente ».
Ainsi débute l’exposé des motifs du texte, emblème le plus marquant d’une évolution
profonde des réponses apportées à l’enfance délinquante. Par cette Ordonnance,
l’autonomie du droit pénal des mineurs a été renforcée et étendue. Ce texte inspiré de la
doctrine de la Défense sociale nouvelle consacre les principes fondateurs de la justice
pénale des mineurs, dont la modernité assure encore aujourd’hui leur légitimité. Le socle
de la justice des mineurs est incarné par le primat de l’éducatif sur le répressif. Ce grand
postulat issu de l’Ordonnance a été consacré par le Conseil constitutionnel comme
25 Jean-Jacques YVOREL, « L’enfermement des mineurs de justice au XIXème siècle, d’après le compte général de la justice criminelle », Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », 2005 (n°7), pp. 77-109.
15
principe fondamental reconnu par les lois de la République26. Cette « charte de l’enfance
délinquante » propose une réponse originale entre prévention, éducation et sanction et
poursuit la spécialisation des juridictions initiée en consacrant l’institution centrale du
juge des enfants. Curieusement, là où la procédure pénale des majeurs s’efforce de
dissocier les rôles entre divers magistrats et par dérogation au principe de la séparation
des fonctions, le juge des enfants cumule la charge de l’instruction27 ; l’orientation de la
procédure ; la présidence de l’audience de jugement et l’application des peines tant pour
le milieu ouvert que pour le milieu fermé. Et ce d’autant plus, que les juges des enfants
sont très attachés à leur double compétence en matière d’assistance éducative, et en
matière de délinquance des mineurs. La logique initiale de ce « quasi Code pénal des
mineurs » est également personnifiée par l’excuse atténuante de minorité qui interdit au
tribunal pour enfants et à la Cour d’assises des mineurs de prononcer une peine privative
de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue par un majeur28.
L’Ordonnance relative à l’enfance délinquante a subi de nombreuses et importantes
réformes depuis sa promulgation (pas moins de trente-sept), modifications accentuées
depuis 2002. En conséquence c’est un texte complexe partagé entre la philosophie
humaniste de ses débuts et un durcissement de la réponse pénale contemporaine. La
controverse initiée il y a plusieurs décennies sur ce qui pourrait être une « injonction
paradoxale » : l’éducation en prison, a été relancé sous la commission d’enquête du Sénat
en 2002. Alors que pour certains l’Ordonnance de 1945 est devenue un texte obsolète,
car évoluant désormais dans un contexte radicalement différent de celui de l’après-guerre,
pour d’autres, c’est un texte qui doit rester en vigueur, tant ses principes fondamentaux
n’ont pas à être réformés. La querelle n’a cessé de prendre de l’importance, puisque dans
les années 1990 s’instaure le concept de « tolérance zéro », où chaque fait délinquantiel
doit se voir attribuer une réponse immédiate, visible et rigoureuse. Cette tension
sécuritaire s’explique, puisque non seulement la délinquance juvénile est plus visible que
celle des majeurs, mais en outre, même si, 214 612 mineurs ont été mis en cause dans les
affaires pénales en 2009, seuls 3 242 mineurs ont été placé sous écrou, soit seulement 2
%, c’est bien la part des mineurs délinquants qui centralise le débat public et suscite à la
26 Cons. constit. déc. n° 2002-461 DC du 29 août 2002, considérant 31. 27 Même si par une décision QPC du 8 juillet 2011, le Cons. constit. censure l’art. L. 251-3 C. de l’organisation judiciaire qui permet au juge des enfants ayant instruit le dossier et renvoyé le mineur pour jugement, de présider ensuite le tribunal pour enfants. Répondant ainsi à l’exigence d’impartialité prescrit par la CEDH. 28 Cf. supra.
16
fois le sentiment d’insécurité et l’exaspération de la population. Qualifiée tantôt
« d’apaches » (à la fin du XIXème siècle), puis de « blouson noir » (dans les années 1960),
pour parler à l’heure actuelle de « jeunes des cités », l’enfance délinquante effraie et
angoisse les politiques quant à sa gestion. En atteste, les propos de la commission
d’enquête du Sénat dans son rapport rendu en 2000 « L'évolution du nombre des
incarcérations des mineurs ces cinq dernières années révèle deux phénomènes
préoccupants. D'une part, les actes de délinquance juvénile se caractérisent par une
aggravation des infractions, souvent commises avec violence contre des personnes,
notamment des représentants de l'autorité ou des services publics. D'autre part, la
délinquance des mineurs est de moins en moins liée au comportement type de l'adolescent
testant les limites de l'adulte, mais davantage au développement d'une "déviance
collective" liée à une famille, un quartier, un territoire. »29. Propos sensiblement
similaires tenus par des parlementaires deux ans plus tard : « La délinquance " juvénile a
toujours existé, mais" la situation actuelle est réellement préoccupante parce qu’elle
"reste sous-estimée, qu’elle s’est" massifiée, qu’elle est plus violente et concerne des
mineurs plus jeunes »30. Il est indéniable que la délinquance des mineurs a fait l’objet de
mutations. Tout d’abord, si la délinquance juvénile a progressé en nombre entre les
années 1990 et 2000, passant de 98 000 mineurs mis en cause à 175 000, pour atteindre
le pic de 216 000 en 2010, depuis la courbe s’inverse, pour avoir une baisse significative
(-10 %) entre 2010 et 201331. Ensuite, il convient de souligner que la délinquance juvénile
n’est pas plus précoce qu’avant, puisque les statistiques relatives aux condamnations des
jeunes ne révèlent aucun rajeunissement de la délinquance, depuis trente ans, on observe
que le nombre de condamnés selon l’âge est stable, et en 2013, les moins de treize ans ne
représentaient que 3 % des mineurs condamnés32. Enfin, la délinquance des mineurs est
particulière et bien différente de celle des majeurs, car elle se caractérise notamment par
une surreprésentation des atteintes aux biens : 49 % contre 27 % pour les majeurs33. Ce
sont les faits incluant une forme de violence qui ont connu une évolution importante,
29 Rapport n°449 de la commission d’enquête I sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, Sénateurs Jean-Jacques HYEST et Guy-Pierre CABANEL, remis au Sénat le 28 juin 2000, p. 47. 30 « Délinquance des mineurs : La République en quête de respect », Rapport n°340 (2001-2002) de M. Jean-Claude CARLE fait au nom de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre SCHOSTECK, p. 9.31 Emmanuelle ALLAIN, « Enfance délinquante : un bilan complet de la situation », AJ Pénal, 2015, p.60. 32 Chiffre clé, « Justice des enfants et des adolescents : quel projet pour notre société », 70è anniversaire de l’Ordonnance de 1945, p. 3. 33 « Une justice pénale des mineurs adaptée à une délinquance particulière », InfoStat n°133, Ministère de la justice, fév. 2015, p. 1.
17
puisque la progression des vols avec violences, des viols, des coups et blessures
volontaires et des destructions de biens publics ou privés a plus que quadruplé depuis la
fin des années 197034. En réponse à une demande sociale d’intervention, la tendance
sécuritaire s’est caractérisée par la montée en puissance du Parquet qui joue un rôle de
plus en plus important dans la justice des mineurs, avec le développement des mesures
alternatives aux poursuites, mais également avec le traitement en temps réel des affaires,
permettant une réponse rapide et systématique à la délinquance juvénile. Ce qui s’est
traduit par un taux de réponse pénale de 60 % en 1994, à 94 % en 201335. Puis les réformes
successives réalisées depuis les années 2000 vont toutes dans le sens d’une aggravation
des sanctions, où les peines vont se rapprocher de plus en plus de celles applicables aux
majeurs : des sanctions éducatives opposables dès l’âge de dix ans (LOPJ du 9 septembre
2002) ; la création de centres fermés (Ibid.) ; l’exclusion de l’atténuation de peine à
l’égard des mineurs de seize à dix-huit ans (loi du 5 mars 2007) ; la remise en cause de
l’atténuation de peine à l’égard des mineurs multirécidivistes (loi du 10 août 2007) ;
l’instauration des peines planchers (Ibid.) ; la création des tribunaux correctionnels pour
mineurs qui a marqué la volonté d’une déspécialisation de la justice des mineurs dans un
soucis d’un renforcement de la sévérité et de la solennité (loi du 10 août 2011) ;
l’accélération des procédures (dès 1996 la convocation par officier de police judiciaire
aux fins de jugement, LOPJ a introduit la procédure de jugement à délai rapproché,
renommée par la loi du 5 mars 2007 procédure de présentation immédiate devant la
juridiction des mineurs que la loi du 10 août 2011 a encore accéléré) ; et la réduction du
droit à l’oubli (la loi du 9 mars 2004 a restreint le principe de l’effacement des mentions
au casier judiciaire à la majorité subordonné désormais à l’absence de récidive, et a en
outre créé le fichier national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles). Cette
inflation a conduit la Défenseure des enfants à conclure que « l’ensemble de ces textes
accroit ainsi les possibilités d’incarcération plus qu’il n’apporte d’innovation
éducative »36. Ce risque de banalisation de solutions plus coercitives, n’a pourtant pas eu
34 « Délinquance des mineurs : La République en quête de respect », Rapport n°340 (2001-2002) de M. Jean-Claude CARLE fait au nom de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre SCHOSTECK, p. 21.35 Chiffre clé, « Justice des enfants et des adolescents : quel projet pour notre société », 70è anniversaire de l’Ordonnance de 1945, p. 5. 36 Défenseure des enfants (2008), Rapport au comité des droits de l’enfant des Nations Unies.
18
pour effet d’augmenter le taux d’incarcération des mineurs, qui s’est stabilisé aux
alentours d’1,3 % de la population pénitentiaire écrouée.37
Si la période actuelle est marquée par un affermissement, sinon un réel durcissement de
la réponse pénale à l’égard des mineurs délinquants, elle a aussi été ponctuée par des
mouvements inverses (spécialisation du juge des enfants par la loi du 9 mars 2004,
suppression des peines planchers par la loi du 15 août 2014 et suppression des tribunaux
correctionnels pour mineurs depuis le 1er janvier 2017), et s’est inscrite dans la protection
internationale de la minorité, au premier rang desquelles figure la Convention
internationale des droits de l’enfants (CIDE) du 20 novembre 1989. « L’intérêt supérieur
de l’enfant » est aussi mis en avant dans les résolutions de l’Assemblée générale des
Nations Unies qui détaillent des recommandations en matière de justice des mineurs, ce
sont les Principes directeurs de Riyad (1990) ; les Règles de Beijing (1985) et les Règles
de la Havane (1990). D’autres lignes directrices attachent une importance capitale à
l’éducation comme moyen de prévenir la délinquance et de faciliter la réinsertion sociale
du jeune, parmi lesquelles la Convention européenne sur les droits de l’enfant (1989) ;
les règles pénitentiaires européennes du Conseil de l’Europe, ainsi que de nombreuses
recommandations du Comité des Ministres.
C’est dans ce contexte, et en réponse aux recommandations des instance internationales
que fut adoptée la loi d’orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) du 9
septembre de 200238, instaurant la création d’un nouveau type d’établissement
pénitentiaire dédié aux seuls mineurs incarcérés : les EPM. Dans cette nouvelle
perspective de prise en charge des mineurs inscrits dans un parcours de délinquance, le
législateur a également inauguré les centres éducatifs fermés (CEF), entièrement confiés
à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), ils sont fréquemment qualifiés de « dernière
chance » avant la prison. Ces centres dont la fermeture n’est que juridique seront donc
évincés du développement. La naissance des EPM a été motivée par un double constat.
Le premier, habilement souligné par la commission d’enquête du Sénat, préconisait de
rompre avec le débat dans lequel, depuis de trop nombreuses années était enfermée la
réflexion sur la délinquance juvénile, et de finalement instaurer une action éducative dans
un cadre privatif de liberté : « aujourd’hui le système français de traitement de la
37 « Séries statistiques des personnes placées sous main de justice : 1980 - 2014 », Ministère de la Justice, 2014, p. 25. 38 Loi n° 2002-1138, dite « Perben I ».
19
délinquance des mineurs est tel qu’il faut choisir entre la contrainte et l’éducation. C’est
cette logique qu’il convient de briser pour avancer »39. Le second constat, purement
matériel, était issu des conditions de détention dans les quartiers pour mineurs (QM) des
maisons d’arrêt qui plus que précaires et peu satisfaisantes, avait poussé ladite
commission parlementaire de les qualifier d’une « humiliation pour la République »40. Il
était donc indispensable de repenser l’enfermement des mineurs et de lui octroyer enfin
une véritable dimension éducative au travers d’une prise en charge intensive, afin
finalement d’inscrire le mineur dans un parcours dynamique de réinsertion. Les EPM
officiellement présentés comme un « concept innovant », n’ont pu avoir toute la
prétention de la nouveauté. En effet, la détention des mineurs a connu au cours des
dernières décennies une double évolution : la spécialisation progressive des lieux et de
l’encadrement, mais également la diversification des intervenants. La première est
l’inauguration en 1968 du premier centre de jeunes détenus à Fleury-Mérogis, accueillant
spécifiquement cette catégorie. La seconde évolution réside dans l’ouverture des prisons
à des intervenants relevant d’administrations autres que l’AP, en confiant en 1994 au
Ministère de la Santé la responsabilité des soins en détention ; en 1995, les Ministères de
la Justice et de l’Education nationale se lient par une convention qui
organise l’enseignement en milieu pénitentiaire ; mais surtout en posant le principe de
l’intervention continue des éducateurs de la PJJ (créer par l’Ordonnance du 1er septembre
1945 sous l’appellation d’éducation surveillée, devenue en 1990 PJJ et qui depuis 2007
s’occupe uniquement des « mineurs dangereux »), ce que finalement la LOPJ de 2002 a
parachevé en instituant la mixité des agents de l’AP et de la PJJ. En somme, l’originalité
des EPM réside dans quatre caractéristiques, dont certaines sont largement schématisées
d’expériences passées. Il s’agit d’une séparation complète d’avec les majeurs ; de
l’intervention conjointe et de la mixité de l’AP et de la PJJ sous la forme d’un binôme
éducateur / surveillant ; de la réduction de l’effectif de mineurs détenus au sein d’une
même structure ; et du développement des temps d’activités, au premier rang desquelles
prône la scolarité41.
39« Délinquance des mineurs : La République en quête de respect », Rapport n°340 (2001-2002) de M. Jean-Claude CARLE fait au nom de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre SCHOSTECK, p. 156. 40 Ibid., p. 154. 41 « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 51.
20
La notion d’efficacité de la peine d’incarcération s’apparente ainsi à la problématique du
sens de la peine, mais également à la problématique de la réinsertion du mineur, c’est-à-
dire un retour du jeune au sein de la société tout en consacrant l’absence de
renouvellement d’infraction. Encore faut-il que le mineur, en pleine construction
identitaire, à la personnalité souvent fragile et peu construite, ait réellement occupé une
place dans la société. En effet, les magistrats soulignent régulièrement que si tous les
« mineurs en danger » ne sont pas délinquants, à l’inverse il est fréquent que les mineurs
délinquants soient le plus souvent en danger, puisqu’ils cumulent très souvent une série
d’handicaps (familiaux, sociaux, scolaires, parfois psychologiques voire psychiatriques).
Il existe une étroite imbrication entre les concepts de mineurs auteurs et de mineurs
victimes et donc « de nombreux délinquants ont ainsi, en même temps qu’un dossier de
délinquance, un dossier d’assistance éducative »42. En conséquence, il est fréquent que
l’intégration initiale du jeune fasse défaut, comme le souligne François MOREAU : « ils
ne sont pas à réinsérer, ce sont des gens à insérer purement et simplement »43, d’où la
nécessité pour la peine de revêtir, outre l’aspect purement sanctionnateur, une dimension
éducative. Comme soulevé précédemment, rien de plus antonymique que ces deux
concepts, pour autant, la primauté de l’éducation sur la répression, prônée par
l’Ordonnance de 1945, ne doit pas se traduire par une dissonance totale de l’éducation et
de la sanction, bien au contraire, les deux notions doivent s’imbriquer pour donner une
« prison idéale »44 qui conjuguerait à merveille : répression, éducation, réparation,
réinsertion et prévention. La thématique de l’enfermement des mineurs délinquants
suscite souvent des positions très contrastées et oppose ceux que l’on appelle les
« angéliques » aux « répressifs », débat ravivé et polarisé par la création des EPM, il
demeure pourtant des situations dans lesquelles la prison est inévitable. Si les modalités
de prise en charge sont discutées, la légitimité de la privation de liberté pour certains
mineurs ne semble pas dans son principe remise en cause.
Onze ans après l’ouverture du premier EPM à Meyzieu il est naturel de se demander si
finalement la peine d’incarcération en établissement pénitentiaire pour mineur apporte
une réponse dissuasive à l’égard des mineurs délinquants ?
42 Marie-France PONELLE, responsable de l’antenne des mineurs du barreau de Paris, audition par la commission d’enquête du Sénat, Rapport n°340 (2001-2002), p. 40. 43 Rapport n°449 de la commission d’enquête I sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, Sénateurs Jean-Jacques HYEST et Guy-Pierre CABANEL, remis au Sénat le 28 juin 2000, p. 48. 44 Nadège GRILLE, « La perspective des EPM, le pari d’une prison éducative ? », AJ Pénal, 2005, p. 62.
21
La création de nouveaux lieux privatifs de liberté avait pour objectif de combler les
lacunes de l’existant en conciliant enfin sanction et action éducative. Après avoir estimé
durant de nombreuses années que la prison n’était pas éducative, mais qu’elle devait
permettre l’accès à l’éducation, le législateur a pris le pari inverse en concrétisant le projet
EPM. « La future prison telle que je la souhaite devra être une chance pour les mineurs
qui auront épuisé toutes les solutions éducatives »45, si la prison peut être une « chance »,
elle doit rester une « chance » ultime, puisque si éducative qu’elle est, elle reste l’échec
de l’éducation. En cela l’enfermement des mineurs délinquants est justifié comme la
dernière étape d’un parcours délictuel, le dernier maillon d’une chaine quand il n’y a plus
d’autres solutions46. L’incarcération en EPM : ultime recours de prise en charge des
mineurs délinquants (Partie I.), n’est pas contestée en son principe tant la peine de prison
ferme pour les mineurs revêt un caractère exceptionnel et subsidiaire. Pourtant, des
évènements au cours des dernières années, ainsi que la réalité du monde carcéral,
questionnent à nouveau la capacité d’un établissement pénitentiaire à contribuer au
relèvement éducatif et moral et rattrape les idéaux des débuts. De ce fait, l’incarcération
en EPM : une expérimentation entravée par la réalité pénitentiaire ou l’impossible
« prison éducative » (Partie II.), interroge quant à son devenir.
Partie I. L’incarcération en EPM : ultime recours de prise en charge des mineurs délinquants
Avant la « case prison » le mineur peut être soumis à diverses mesures47, mais c’est bien
que lorsque celles-ci s’avèrent inefficaces voire impossibles à mettre en œuvre
qu’intervient l’incarcération. L’originalité des EPM réside dans l’idéologie fondatrice
(Chapitre 1.) qui a motivé leurs créations, pour finalement faire en sorte que
l’enfermement ne soit plus une fin de parcours éducatif raté, mais une étape dans un
parcours de rééducation, au travers d’une certaine prise en charge des mineurs délinquants
(Chapitre 2.).
45 Dominique PERBEN, alors Garde des Sceaux, 2004. 46 Gilles CHANTRAINE et Nicolas SALLÉE, « Éduquer et punir », Revue fr. de socio., 2013, p. 200. 47 Cf. supra.
22
Chapitre 1. L’idéologie fondatrice des établissements pénitentiaires pour mineurs
Cent soixante et onze ans après la Petite-Roquette, la France reconstruit des prisons pour
mineurs, mais la modernité de l’ambition réside dans l’incarnation du principe de la
primauté éducative en milieu carcéral (Section I.). En réintroduisant des éducateurs en
prison, afin de faire de la privation de liberté un temps utile, ces établissements spécialisés
contribuent à la responsabilisation du mineur (Section II.).
Section I. Les EPM incarnation du principe de la primauté éducative en milieu carcéral
« En totale rupture avec l’oisiveté dans laquelle était trop souvent réduit les mineurs dans
les établissements pénitentiaires, le projet des EPM a été bâti sur un temps de détention
très actif »48 essentiellement dévoué à la « suractivité » (Paragraphe 1.). Toujours en
contraste avec les QM, la dimension innovante du projet réside également dans la notion
d’encadrement (Paragraphe 2.).
Paragraphe 1. Un temps d’incarcération essentiellement dévoué à la « suractivité »
Le fondement du terme « suractivité » repose sur la densité de l’emploi du temps et le
rythme soutenu du quotidien en EPM49. Cette gestion dynamique du temps de détention
est régulée par l’AP, l’éducation nationale (EN) et la PJJ qui proposent au mineur, dans
leurs champs de compétences respectifs des activités50, au premier rang desquelles
figurent la formation professionnelle et l’enseignement dans une perspective de
réinsertion (A.), mais également des activités socio-éducatives, culturelles et sportives,
dans une perspective de socialisation du mineur (B.).
48 « Délinquance des mineurs : La République en quête de respect », Rapport n°340 (2001-2002) de M. Jean-Claude CARLE fait au nom de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre SCHOSTECK, p. 69.49 « Le quotidien des mineurs emprisonnés en EPM est (…) marqué du sceau de l’activité, voire de la suractivité », Actes de la journée du 2 fev. 2015, p. 94. ; « Étant donné l’opposition organisationnelle entre les deux structures (QM / EPM) – immobilité vs suractivité », « Mineurs : l’éducation à l’épreuve de la détention », Collection Travaux et Documents (n°82), 2012, p. 99. ; « L’objectif est de s’appuyer sur une suractivité minutée des jeunes », Gilles CHANTRAINE et Nicolas SALLÉE, « Éduquer et punir », Revue fr. de socio., 2013, p. 200. 50 CPP., art. R. 57-9-15 et R. 57-9-16.
23
A. La nécessaire prépondérance de la scolarité et de la formation dans la perspective de la réinsertion
Afin de structurer le temps de détention et en particulier la journée du mineur, un emploi
du temps rigoureux et adapté est établi par l’équipe pluridisciplinaire à partir de l’emploi
du temps scolaire, celui-ci constituant l’axe prioritaire de la prise en charge51. En effet,
l’article D. 517 du CPP prévoit que « l’enseignement ou la formation constituent la part
la plus importante de l’emploi du temps du mineur incarcéré ». En conséquence, quel que
soit le temps d’incarcération, tout mineur doit se voir offrir la possibilité d’un bilan
pédagogique personnel52 et c’est à partir des éléments recueillis que le service
d’enseignement propose un projet individuel de formation. Pour ce faire, sont pris en
compte : le comportement du mineur ; son attitude à l’égard de la scolarité ; son parcours
antérieur ; l’évaluation de ses compétences et de sa motivation ; mais aussi, les contraintes
liées à la composition des groupes (constitués généralement de quatre à sept mineurs) et
les autres activités proposées ; ainsi que la durée prévisible de détention. L’objectif étant
d’adapter la scolarité et la formation aux contraintes de la détention et aux parcours de
chaque mineur dans la finalité de l’insertion sociale et professionnelle, même si pour une
grande partie du public (environ 80 %) déscolarisé au moment de l’incarcération, la re-
scolarisation est déjà un premier but. L’enseignement assure donc une diversité d’action
de formation allant de l’alphabétisation à la préparation des diplômes du second degré53.
En 2015, alors que seulement 35 % des mineurs sont écroués au sein d’un EPM, le taux
de scolarisation est de 100 %54, avec près de vingt heures hebdomadaires de cours sur
quarante semaine. A titre de comparaison, la moyenne des cours en QM ne dépasse pas
douze heures. La formation générale ou professionnelle constitue donc l’un des outils
essentiels de la réinsertion. Si l’obligation scolaire s’applique aux mineurs de moins de
seize ans, la loi pénitentiaire, précise bien que pour tous les mineurs détenus il y a une
obligation d’activité à caractère éducatif55.
51 « L’enseignement est présenté comme une activité prioritaire », Circulaire de la DAP du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs, p. 33. 52 CPP., art. D. 516. 53 La majorité des mineurs scolarisés (44 %) sont au niveau Vbis, c’est-à-dire une remise à niveau et la préparation au CFG, s’en suit le niveau V : CAP / BEP (19 %), le Brevet (17%), l’alphabétisation et illettrisme (8 %), et enfin une infime partie de mineurs est au niveau Bac (1 %) ; « Bilan annuel de l’enseignement en milieu pénitentiaire : année 2015-2016 », DAP pôle enseignement, janvier 2017, p. 15. 54 Ibid., p. 14.55 Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, art. 60.
24
B. Les activités socio-culturelles et sportives favorisant la socialisation du mineur
Les activités socio-éducatives et culturelles, tout comme le sport, participent à
l’hyperactivité du temps d’incarcération régulant avec l’enseignement le quotidien du
mineur. « Les sports d’équipe sont un moyen d’acquérir le sens de la communauté et
d’expérimenter le besoin d’autrui dans l’accomplissement d’un objectif commun »56, le
sport est donc l’activité incontournable, car non seulement il permet de développer les
capacités physiques et motrices des jeunes lors d’un temps de « défoulement », mais
surtout puisqu’il fédère l’esprit collectif et favorise la discipline. L’animation et
l’encadrement des activités sportives sont assurés par des surveillants moniteurs de sport
(ayant suivi une formation complémentaire), avec le concours parfois d’intervenants
extérieurs de fédérations sportives. En outre, les mineurs peuvent participer à des sorties
sportives (compétitions, randonnées VTT, Téléthon, etc.). L’attrait dominant des jeunes
pour les pratiques sportives est indéniable, renforcé par la structure des EPM qui permet
la diversité des pratiques sportives (foot, rugby, badminton, volley-ball, musculation,
etc.). Le reste de l’emploi du temps du mineur se partage avec un panel d’activités pilotées
par la PJJ sous la responsabilité des RUE. Ces activités se déclinent autour du théâtre, de
l’art plastique, ou à vocation plus éducative, telle qu’une formation à la sécurité routière ;
l’accès à la médiathèque ou la cyber-base (accès contrôlé à l’information via internet) ;
l’éducation à la citoyenneté57 et à l’environnement ; l’éducation à la santé ; ou à la
culture58 et l’expression. Dans l’objectif finalement de sensibiliser le mineur à la
découverte de nouvelles activités ou de nouvelles connaissances, de développer ses
capacités par la reconstruction de l’estime de soi et l’intégration des règles sociales, afin
qu’il puisse ouvrir à des champs relationnels différents. La pluralité des espaces de
socialisation au sein des EPM et l’instauration de relations éducatives entre le mineur et
les adultes, mais aussi avec ses pairs, est favorable à l’apaisement général de la détention.
Enfin, la mixité des activités, dans la mesure du possible, constitue une « bonne pratique
qui favorise les échanges collectifs et un possible travail sur le respect mutuel »59.
56 Dominique PERBEN, alors Garde des Sceaux, 31 janvier 2005. 57 Accord-cadre entre DPJJ, DAP et DSN (direction du service national), portant sur l’organisation de la Journée Défense et Citoyenneté pour les publics sous-main de justice du 7 juin 2011. 58Circulaire du ministère de la culture et de la communisation et du ministère de la Justice du 3 mai 2012.59 CGLPL, Rapport de visite : EPM de Lavaur, 2015, p. 53.
25
Paragraphe 2. Une dimension innovante de la notion d’encadrement
La primauté de l’éducation sur la répression qui gouverne le droit des mineurs trouve un
écho parfait dans la plus grande novation des EPM : une nouvelle conception
d’encadrement incarnée par le binôme éducateur / surveillant (A.), à laquelle s’ajoute une
dimension inédite du temps de détention au travers d’un renforcement des temps collectifs
(B.).
A. Une nouvelle conception d’encadrement : le binôme éducateur / surveillant
La création des EPM s’est accompagnée d’une modalité de prise en charge inédite des
mineurs sous la forme d’un binôme associant deux administrations aux origines
antagonistes. Même si les EPM relèvent de l’AP, l’introduction d’une véritable
complémentarité entre l’AP et la PJJ est une réelle plus-value en termes d’approche et de
prise en charge éducative. En contraste avec les QM, ces deux corps de personnels
s’impliquent davantage dans la prise en charge journalière des jeunes, au sein d’un espace
commun de travail : l’unité de vie. Le fondement du binôme repose sur une intervention
conjointe dans les domaines de la sécurité et de l’éducation, en étant l’interlocuteur
privilégié des mineurs d’une unité de vie. Le binôme permet l’apprentissage et le respect
des règles de vie en collectivité, ainsi que des règles d’hygiène, à des jeunes parfois en
perte de repères sociaux et manquant de « savoir vivre ». Un « binôme fidélisé »60,
autrement dit, sédentarisé au sein d’une unité de vie, concède une certaine légitimité et
cohérence dans les interventions conjointes, ainsi que pour l’observation de l’évolution
du mineur au sein de la détention, et d’en rendre compte, le cas échéant aux instances
pluridisciplinaires. L’« hybridation des rôles professionnels, construisant une figure
commune d’adulte »61 permet une intervention éducative continue62. Le binôme travaille
essentiellement sur les temps dits collectifs, c’est-à-dire en organisant la vie « ordinaire »
en détention en étant présent, en animant et en encadrant les temps du lever, du coucher,
60 Ibid., p. 16. 61 Gilles CHANTRAINE et Nicolas SALLÉE, « Éduquer et punir », Revue fr. de socio., 2013, p. 200. 62 CPP., art. R. 57-9-13.
26
la prise en commun des repas, des activités dites de loisirs et en les accompagnant sur les
différents mouvements63.
B. Un renforcement des temps collectifs
Les EPM sont des établissements à part entière dans la sphère pénitentiaire, en totale
rupture avec l’existant (l’oisiveté qui caractérise les QM), ils font une large place à une
vie plus collective, se rapprochant tantôt de l’expérience des foyers, tantôt de celle des
centres éducatifs, et reléguant finalement l’encellulement individuel dans la journée au
rang d’exception ou de punition. Le renforcement des temps collectifs qui caractérise les
EPM, est à opposer aux prisons « classiques », puisque le binôme est présent tout au long
de la journée du mineur64. Ainsi, en fonction des unités de vie65, les mineurs prennent
leur repas de manière collective, ce qui constitue un temps d’échanges pour les jeunes et
d’observation pour le binôme. Les jeunes doivent participer aux tâches ménagères
qu’induit le repas, ce qui favorise les règles de vie en groupe et les responsabilisent. Les
« activités de détente non dirigées »66 se caractérisent par un niveau d’encadrement plus
souple et une plus grande autonomie laissée au groupe. Les activités récréatives peuvent
être diverses et variées (jeux de société, film, atelier de cuisine, lecture, etc.), et se
déroulent généralement après la prise des repas ou le week-end. Si elles ne sont en aucun
cas obligatoires, l’adhésion du mineur doit tout de même être recherchée. Si les EPM se
distinguent donc par leur fonctionnement et le déroulement du quotidien à l’intérieur de
la détention, ils s’éloignent également des expériences passées par leur conception
architecturale et l’objectif qu’ils sous-tendent : la responsabilisation du mineur.
Section II. Les EPM : des établissements spécialisés contribuant à la responsabilisation du mineur
63 Le 7è reportage de la série « Au cœur de la justice pénale des mineurs » décrit une journée type en EPM, Site du Ministère de la Justice, 2011. 64 Cf. supra. 65 Cf. infra. (régime différencié). 66 Circulaire de la DAP du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs, p. 17.
27
Les EPM sont souvent présentés comme une rupture dans la politique pénitentiaire,
puisque non seulement ils permettent enfin le respect des règles supranationales67 en
investissant un lieu de détention pleinement dédié aux mineurs délinquants et en cela cette
conception architecturale rompt avec les expériences passées (Paragraphe 1.), mais en
outre, parce que leur gestion de la détention sur la base d’un parcours progressif permet
la responsabilisation du mineur (Paragraphe 2.).
Paragraphe 1. Une conception architecturale en rupture avec les expériences passées
La LOPJ de 2002 avait prévu la création de 420 places pour mineurs réparties entre sept
EPM, mais en réalité, six EPM68 seront construits comptabilisant au total 350 places, et
entrainant la fermeture de 383 places de QM. En parallèle le ministère de la justice avait
engagé un programme de rénovation et de mise aux normes des QM, qui s’est achevé en
200669. Le législateur français a réussi le pari de construire des établissements totalement
hermétiques de la population détenue majeure (A.) à l’architecture novatrice (B.).
A. Des établissements hermétiques permettant la séparation des différentes catégories de populations pénales
La naissance des EPM témoigne de la volonté affichée de rompre avec le fonctionnement
des QM – ailes réservées aux mineurs dans les maisons d’arrêt – et donc par
l’insatisfaction architecturale qu’ils procuraient. En effet, la volonté du législateur en
2002 était à terme d’en finir avec cette conception architecturale impropre à garantir une
réelle étanchéité entre les mineurs et la population majeure. Pourtant, si la création des
EPM a entrainé la fermeture des places les plus vétustes en QM, l’incarcération au sein
d’un QM reste envisageable, de sorte que les deux modèles coexistent encore à l’heure
actuelle. Ces établissements spécialisés s’inscrivant dans le Programme 13 20070 ont donc
67 Comité́ des Ministres, Recommandation (2008) 11 sur les règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures, règle 59.1 ; art. 37 c. CIDE ; règles de Beijing ; art. 11 al. 4 (DP) et art. 20-2 de l’Ordonnance 1945. 68 Les EPM de Lavaur, Meyzieu, Quiévrechain, Marseille, Orvault et Porcheville. 69 « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 56. 70 Programme pénitentiaire issu de la LOPJ, 2003-2007, Justice Presse, p. 10.
28
été conçus et créés pour répondre à deux objectifs fondamentaux : séparer de manière
absolue les mineurs des majeurs et leur offrir un accès large à l’action éducative durant
leur incarcération. Ainsi, la France s’est dotée d’établissements d’un type nouveau où tout
est construit autour de l’éducation et où finalement les aspects sécuritaires demeurent plus
pour le symbole que pour la contention. « Tout est pensé pour que l’architecture reste
humanisée, et tout en rappelant la force du droit, permettre l’apprentissage d’une vie
scolaire, sociale et familiale la plus normale possible pour un adolescent »71.
L’architecture de ces établissements tente de gommer les marques les plus visibles d’une
prison classique, mais un EPM reste une prison qui intègre des exigences en termes de
sécurité (mur d’enceinte haut de six mètres ; barreaudage aux fenêtres ; sectorisation
intérieure ; QD ; caméras et poste de surveillance). De l’extérieur, l’établissement est
entièrement ouvert et intégré à l’environnement géographique (sans chemin de ronde ou
mirador), c’est pour cela que certain ont pu les qualifier de « collèges »72. Si les EPM
assurent une stricte séparation entre mineurs et majeurs, la séparation entre catégories
pénales féminine et masculine est à relativiser. En effet, la mixité est l’une des
caractéristiques fondatrices des EPM et évite autant que possible le maintien des jeunes
filles au sein des quartiers pour femmes.
B. Des établissements récents à l’architecture novatrice
Outre la différence organisationnelle73, la distinction entre EPM et QM est également
architecturale. Effectivement, si l’agencement des QM est conditionné par l’architecture
des établissements au sein desquels ils sont implantés, les EPM ont au contraire fait
l’objet d’une réflexion architecturale originale et indépendante issue de deux cabinets
d’architectes. Cette nouvelle architecture pénitentiaire oppose : le modèle « Dumez »
(aussi appelé l’EPM « Chartreuse ») qui comporte des unités en épis, au modèle
« Grosse » (aussi dénommé l’EPM « Agora ») organisé autour d’un espace interne central
sur lequel donnent toutes les structures de détention et les bâtiments administratifs74. Afin
71 Nadège GRILLE, « La perspective des EPM, le pari d’une prison éducative ? », AJ Pénal, 2005, p. 62.72 Vanessa PREMPAIN, chef d’établissement de l’EPM de Lavaur, « Les mineurs en détention », M2 Exécution des Peines, 2018, p .2. 73 Cf. supra (suractivité). 74 Cf. annexe 1.
29
de créer un « cadre de vie » qui fasse le moins possible référence à une prison
traditionnelle, l’espace central est à l’image d’une « place de village »75 (avec la cour
d’honneur, le terrain de sport et ses espaces paysagers), ce qui traduit bien cette volonté
de créer des espaces de socialisation. En définitive, les EPM sont des structures de petite
taille, accueillant un public réduit puisqu’il a été préféré une prise en charge qualitative
plutôt que quantitative, dans une perspective toujours éducative. Si les EPM sont
construits selon deux modèles architecturaux distincts, les principes d’organisation sont
eux identiques. Assurément, ces structures offrent chacune une capacité totale d’accueil
de soixante places et des conditions de prise en charge et d’hébergement adaptés à la
détention de ce public spécifique. La réduction de l’effectif des mineurs détenus à
soixante, est répartie en sept unités d’hébergement (cinq unités garçons, une réservée aux
filles et une aux nouveaux arrivants) appelés « unités de vie », se présentant sous une
forme pavillonnaire à raison d’une capacité d’accueil de dix mineurs (sauf l’UF et l’UA
qui sont respectivement de quatre et de six places). A ces unités de vie, il faut ajouter le
quartier disciplinaire (doté de quatre cellules), les locaux du pôle socio (qui abritent la
scolarité, les activités socio-éducatives et culturelles), du pôle santé, le gymnase et les
locaux administratifs (que se partagent directions et personnels de l’AP et de la PJJ).
Paragraphe 2. Un parcours progressif sacralisant la responsabilisation du mineur
Le régime de détention applicable aux EPM sur la base d’un parcours progressif permet
la répartition des mineurs au sein de l’établissement tout en garantissant
l’individualisation76, et le sens de la peine (A.). L’objectif final d’une telle organisation
de la vie en détention étant à terme de responsabiliser le mineur en lui octroyant une plus
grande autonomie (B.).
A. Un régime différencié favorisant le sens de la peine d’incarcération
75 Dossier de presse, Visite de la Garde des Sceaux à l’EPM de Lavaur, 28 juin 2007, p. 5.76 Proposition 19, « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 78.
30
L’instauration d’un régime de détention différencié est issue de la pratique, même si
l’expérimentation n’est pas nouvelle77, attestant des adaptations mises en œuvre par les
professionnels en réponse au nombre et à la fréquence d’incidents qui découlaient de cette
« vie groupale ». La différenciation des régimes vise à réguler la vie collective, mais
également à adapter le régime de détention au profil du mineur et à sa capacité de
s’intégrer dans le collectif, afin finalement d’individualiser la prise en charge de chaque
mineur. La réglementation a clairement précisé que « l’affectation en unité de vie (…)
doit impérativement être dissociée des questions disciplinaires. Le choix du régime
applicable à chaque mineur doit être justifié au regard des comportements avérés et
constatés qu’il a pu manifester au cours de sa détention »78. A son arrivé à l’EPM, le
mineur est soumis au processus arrivant, c’est-à-dire que durant une période qui ne peut
en principe excéder sept jours, le jeune est placé au quartier arrivant où il va rencontrer
les différents personnels que composent l’EPM (entretiens AP / PJJ, examen médical
d’entrée, bilan de l’EN). Ce processus répondant aux exigences du Conseil de l’Europe a
consacré la labellisation du circuit arrivant79. Ce temps d’observation et de bilan est
déterminant pour le choix de l’affectation au sein d’une unité de vie. L’affectation, tout
comme le changement de régime (ou d’unité de vie) au sein de l’établissement est étudié
et réévalué lors de l’examen mensuel de la situation individuelle du mineur par l’équipe
pluridisciplinaire. Ces décisions individuelles et motivées assurent la mise en œuvre des
règles pénitentiaires européennes et de la loi pénitentiaire80, puisqu’ainsi le parcours
d’exécution de peine et le régime de détention prennent en considération la personnalité,
la santé, la dangerosité et les efforts de réadaptation sociale des mineurs détenus. En
conséquence, le régime différencié, allant du plus cadré au plus libéral81 permet au mineur
délinquant d’élaborer un réel parcours de détention. Et in fine c’est véritablement la
sentence d’incarcération qui prend sens pour lui.
B. L’autonomisation du mineur comme ultime objectif
77 « Expérience, faite initialement au CJD de Fleury-Mérogis pour juguler les phénomènes de violence, a tendance à se généraliser dans les plus grandes structures de détention », Nadège GRILLE, « La perspective des EPM, le pari d’une prison éducative ? », AJ Pénal, 2005, p. 62. 78 Circulaire de la DAP du 8 juin 2007 relative au régime de détention des mineurs, p. 3.79 « Labellisation du circuit arrivant, une démarche qualité du service pénitentiaire », Site du Ministère de la Justice, 2013. 80 Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, art. 89.81 Cf. infra. (régime différencié).
31
Le régime de détention des EPM repose sur le postulat d’une vie collective organisée
minutieusement et fortement encadrée. S’il en constitue un véritable vecteur de
socialisation, cette organisation ne permet pas au jeune de se situer en tant qu’individu.
Le parcours progressif, en revanche, est un gage de la responsabilisation du mineur,
puisque l’objectif à terme est d’acquérir une plus grande autonomie. En effet, différents
régimes peuvent être mis en place afin de prendre en compte cet enjeu. Si classiquement
les modalités de prise en charge des mineurs détenus sont dites « renforcées »,
« générales » ou « de responsabilité », certains EPM, comme celui de Lavaur, ont fait le
choix d’une subdivision plus poussée82. Le régime « renforcé » propose un
accompagnement particulièrement individualisé et sécurisant pour des mineurs en
situation de grande fragilité, voire de soumission au sein du groupe (par exemple, mineur
présentant un risque suicidaire ou incarcéré pour une infraction à caractère sexuel) et
répond aux besoins des mineurs qui posent des difficultés dans le respect de l’autorité ou
dans le cadre de la vie en détention. Le renforcement se traduit non seulement par une
présence accrue des professionnels, mais fait également majoritairement place à un
encellulement individuel ou par l'introduction de temps collectifs restreints et en sous-
groupe sur décision du binôme. Le régime « général » s’adresse à la majorité des mineurs
détenus et poursuit l’objectif de mener un travail de réflexion sur l’acte, les règles de vie
en collectivité, le projet d’insertion et d’autonomisation. Le binôme favorise
l'organisation d’activités de socialisation non dirigées. Enfin, le régime « de
responsabilité » est un régime ouvert dans lequel une plus grande confiance est accordée
au jeune, le but étant d’accroître son autonomie et de consolider son projet de sortie. Ce
régime se caractérise par un accès maximum aux temps collectifs, où les mineurs
bénéficient d’équipement matériel supplémentaire (console de jeux, barbecue, etc.) et un
temps important d’échanges. En général, les mineurs affectés sur cette unité de vie sont
acteurs de leur projet de sortie et sont capables d’élaborer une réflexion sur leur passage
à l’acte, sur les victimes et leur situation pénale83. Si le régime différencié n’entraine
aucune dérogation quant au régime de droit commun (le mineur restant soumis aux
activités scolaires, socio-éducatives et sportives), il permet au jeune de s’amender vers
82 « Régime ordinaire, fermé, semi-fermé et de confiance », CGLPL, Rapport de visite : EPM de Lavaur, 2015, p. 22.83 « Les trois modalités de prise en charge applicables aux mineurs », Circulaire de la DAP du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs, p. 14.
32
une plus grande autonomie en détention et ainsi de donner véritablement du sens à sa
peine d’incarcération.
Chapitre 2. La prise en charge des mineurs délinquants en établissement pénitentiaire pour mineur
Les EPM sont des établissements novateurs sur bien des aspects, mais ce qui fait avant
tout la singularité de cette prison c’est l’accueil de cette population spécifique que
constituent les mineurs délinquants (Section I.), dont la prise en charge est assurée par
une équipe pluridisciplinaire incarnant le principe fondamental de l’individualisation du
parcours de détention (Section II.)
Section I. La spécificité de la population accueillie en EPM
« L’adolescence est une période charnière au cours de laquelle le mineur s’affirme en
s’opposant à un ordre (social) établit »84, c’est également une période sui generis de
l’enfance délinquante (Paragraphe 1.), où finalement la délinquance juvénile se
caractérise par la minorité des infracteurs (Paragraphe 2.).
Paragraphe 1. L’adolescence, période sui generis de l’enfance délinquante
Parce que la plus grande particularité des mineurs délinquants réside dans le fait que ce
sont des individus en construction (A.) on peut raisonnablement espérer que la
délinquance est un accident de parcours, et que la réinsertion en sera plus facile. Pourtant
il existe une certaine conjoncture au travers du profil des mineurs incarcérés en EPM (B.).
A. La particularité de l’âge du mineur délinquant : un individu en construction
84 « Entre modifications raisonnables et innovations fondamentales : 70 propositions pour adapter la justice pénale des mineurs », Rapport de M. André VARINARD remis au Ministère de la Justice le 3 décembre 2008, p. 24.
33
L’adolescence renvoie à une période particulière de la vie, réputée pour sa crise, son
impulsivité, mais également sa grande fragilité. En constante opposition et contestation,
cet âge singulier s’exprime par des comportements excessifs et transgressifs, pour autant,
« l’adolescence est un temps de développement biologique, corporel, psychologique et
cérébral offrant à l’adulte en devenir une large palette de capacités »85. Si tous les
mineurs ne sont pas délinquants, la délinquance juvénile reste liée à l’adolescence. Et
c’est bien à ce niveau que se situe la préoccupation de la société à l’égard de l’enfance
délinquante, car si la réponse judiciaire n’est pas visible dans un bref délai, elle procure
au jeune un sentiment de toute puissance, qui le propulse encore davantage dans ses
retranchements délinquantiels. Le paradoxe est là, s’il faut rapidement réprimer la
délinquance juvénile, il faut aussi garder à l’esprit que ce jeune est un citoyen en devenir
et qu’en conséquence une réponse pénale adéquate doit lui être apportée. En 2014, en
France, 234 000 jeunes étaient impliqués dans des affaires pénales, si seulement 3,6 %
des mineurs étaient âgés de dix à dix-sept ans, la proportion est doublée parmi les dix-
sept / dix-huit ans (7,2 %). Ainsi, 9 % des mineurs mis en cause avaient moins de treize
ans, 40 % avaient entre treize et quinze ans et 47 % avaient seize ou dix-sept ans86. Cette
spécificité se retrouve en détention, puisque les mineurs de treize ans sont peu nombreux
et la classe d’âge la plus représentée se situe entre seize et dix-huit ans87. Si la population
accueillie dans cette nouvelle génération d’établissements est à 90 % âgée de plus de seize
ans88, elle présente également la particularité de regrouper certains « profils ».
B. Le profil des mineurs incarcérés en EPM
S’il est vrai qu’il existe des similitudes entre les profils des mineurs incarcérés en EPM,
il faut rester vigilant car il n’existe pas de déterminisme. Et ce d’autant plus que l’enfance
délinquante est à mettre en relation avec l’interaction de plusieurs facteurs de
85 « Justice, délinquance des enfants et des adolescents », Actes de la journée du 2 fev. 2015, p. 19. 86 « Connaissance de la délinquance juvénile en chiffres clés », La PJJ en chiffre, 2014, p. 3. 87 « Délinquance des mineurs : La République en quête de respect », Rapport n°340 (2001-2002) de M. Jean-Claude CARLE fait au nom de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre SCHOSTECK, p.150. ; Cf. annexe 2, figure 1 et 2. 88 « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 56.
34
vulnérabilité89 ayant pour dénominateur commun la marginalité culturelle, géographique,
économique et sociale. S’il est indéniable que les mineurs qui font l’objet d’une
incarcération sont souvent les plus difficiles, ceux qui ont commis de multiples
infractions, ou des actes d’une particulière gravité, ce sont également ceux qui cumulent
une série d’handicaps. Tout d’abord, la délinquance juvénile apparait comme un
phénomène majoritairement masculin (85 %)90, même si depuis quelques années la
délinquance féminine tend à croitre91. Ensuite, ce public d’adolescents se trouve souvent
à la frontière du judiciaire, du social et du psychiatrique, puisque cumulant des facteurs
associés à la délinquance : absentéisme scolaire élevé ; difficultés d’apprentissage ;
parcours durable de désinsertion ; faible supervision parentale ; famille dissociée,
socialement et économiquement précaire ; parent décédé ; fratrie nombreuse ; « misère
sociale » (chômage ; « résidence plus fréquente dans le parc HLM hors centre-ville »92) ;
détresse psychologique ; difficulté à instaurer des limites et des repères de la violence ;
maltraitance ; problèmes comportementaux sérieux ; symptomatologie dépressive ;
troubles psychologiques, voire psychiatriques ; abus de substance telles que l’alcool et
les drogues, etc. Une partie de cette jeunesse se perçoit comme désaffiliée, en situation
d’échec et d’exclusion93, et ressent un sentiment de relégation sociale, auquel le statut de
délinquant permet de remédier en leur conférant une reconnaissance et / ou une
appartenance à un groupe94, et c’est finalement la délinquance qui devient socialisante95.
Paragraphe 2. La délinquance juvénile et les caractéristiques de la minorité
La délinquance juvénile est liée à cette période particulière de la vie que constitue
l’adolescence sur bien des points. Si les mineurs détenus se caractérisent par leur situation
89 « Fiche 4. Facteurs de risques, de protection et de désistance », Conférence de consensus sur la prévention de la récidive, 2013, pp. 123-128. 90 Cf. annexe 2, figure 1 et 2 et annexe 3. 91« La tendance actuelle est à l’augmentation de la part des filles dans la délinquance des mineurs, de 9,5 à 14,2 % de 1994 à 2004 », Laurent MUCCHIELLI, « L’évolution de la délinquance juvénile en France », 2007, p. 4 ; « La délinquance des jeunes-filles : une délinquante minoritaire mais en augmentation », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 96. 92« Délinquance des mineurs : La République en quête de respect », Rapport n°340 (2001-2002) de M. Jean-Claude CARLE fait au nom de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre SCHOSTECK, p. 4793 « Justice, délinquance des enfants et des adolescents », Actes de la journée du 2 fev. 2015, p. 9. 94 « Thématique de la banlieue désillusionnée » ; Nathalie DOLLÉ, « Faut-il emprisonné les mineurs ? », Larousse, 2010. 95 Denis SALAS, « La délinquance d'exclusion », Cahiers de la sécurité intérieure, n° 29, 1997, pp. 61-75.
35
pénale, puisque les magistrats ont largement recours à la détention provisoire (A.), c’est
également par la nature de l’infraction à l’origine de leur incarcération (B.), qui diffère
significativement de celle des majeurs.
A. La forte propension du recours à la détention provisoire
L’une des plus grandes particularités de la justice des mineurs est l’emploi largement
pratiqué par les magistrats de la mesure pré-sententielle la plus contraignante : la
détention provisoire. Comme « le jugement d’un mineur implique de prendre un temps
d’observation de sa personnalité et de son comportement, (…) les juridictions
spécialisées sont fréquemment conduites à ordonner d’abord des mesures provisoires »96.
Cette exigence est un principe fondamental du droit pénal des mineurs, contraignant les
magistrats à effectuer toutes les investigations nécessaires à la connaissance de la
personnalité du mineur, ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation97, avant
d’envisager la sentence la plus adaptée. Étant donné la sévérité de la mesure, la détention
provisoire d’un mineur n’est possible que dans trois cas et doit répondre à l’un des motifs
de l’article 144 du CPP. En toute hypothèse, elle est envisageable en matière criminelle ;
lorsque le mineur s’est volontairement soustrait aux obligations d’un contrôle judiciaire
ou d’une assignation à résidence sous surveillance électronique ; et pour les mineurs de
seize à dix-huit ans, lorsqu’une peine correctionnelle encourue est supérieure ou égale à
trois ans d’emprisonnement98. Malgré le caractère subsidiaire et exceptionnel de cette
mesure privative de liberté avant jugement, les mineurs détenus sont majoritairement
prévenus99. En effet, au 1er juillet 2018, la part des mineurs prévenus représentait un
effectif de 663, pour 214 condamnés100. L’incarcération des mineurs au titre de la
96 « Délinquance des mineurs : La République en quête de respect », Rapport n°340 (2001-2002) de M. Jean-Claude CARLE fait au nom de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre SCHOSTECK, p. 140. 97Ordonnance du 2 février 1945, art. 8. 98 Ludivine GRÉGOIRE, Les mesures restrictives de liberté ou de droit avant jugement, M2 Exécution des Peines, 2018, p. 13. 99 Cf. annexe 2, figure 2 et 4 ; annexe 3. 100 « Statistique mensuelle des personnes écrouées et détenues en France » situation au 1er juillet 2018, p. 31.
36
détention provisoire n’est pas un phénomène nouveau, puisque en 1990 déjà, la part des
mineurs prévenus était de 348 pour un effectif de 195 condamnés101.
B. La singularité des infractions commises
Si la population accueillie en EPM se singularise des autres catégories pénitentiaires à
bien des égards, ceci est particulièrement vrai concernant l’infraction à l’origine de
l’incarcération. L’une des caractéristiques majeures du droit pénal est la corrélation entre
une certaine catégorie d’infraction et un âge qui lui est propre. La particularité de la
délinquance juvénile est la commission, généralement aux alentours de seize ans, de
nombreuses infractions dans un temps très rapproché. Par ailleurs, la nature des affaires
dans lesquelles sont impliqués des mineurs diffère de celle des majeurs102, puisque
dominent les atteintes aux biens (49 %), devant, les atteintes aux personnes, (27 %),
l’usage et la détention de stupéfiants (14 %), les atteintes aux personnes dépositaires de
l’autorité publique (5 %) et les infractions routières (4 %)103. Plus de 90 % des mineurs
écroués le sont en procédure correctionnelle104, en conséquence, les faits de nature
criminelle ne représentent qu’une minorité des mineurs incarcérés105. En effet, si
l’homicide commis par un mineur reste un phénomène rarissime, parallèlement, les
statistiques criminelles démontrent une tendance à la petite délinquance, dont la parfaite
illustration sont les incivilités106. « Les incivilités correspondent à cette petite
délinquance qui reste souvent impunie et qui est très mal vécue au quotidien par les
101 « Délinquance des mineurs : La République en quête de respect », Rapport n°340 (2001-2002) de M. Jean-Claude CARLE fait au nom de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre SCHOSTECK, p. 149. 102 Cf. annexe 2, figure 3. 103 « Une justice pénale des mineurs adaptée à une délinquance particulière », InfoStat n°133, Ministère de la Justice, fév. 2015, p. 2. 104 L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 57. 105 Cf. annexe 2 figure 3 et annexe 3. 106 « La question de la délinquance des mineurs est corrélée à la problématique des incivilités, souvent récurrentes, qui précèdent ou accompagnent le passage à l'acte délictuel. », Audition du colonel Jude VINOT, DGGN, Sénat, Compte rendu de la mission d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés tenu le 12 juin 2018.
37
citoyens »107, elles se composent essentiellement de tags, d’injures ou de petites
dégradations de biens, et témoignent surtout de la minorité de leurs auteurs, c’est-à-dire
le fait d’adolescents en transgression avec les règles de la vie en société. Ces spécificités
propres à la délinquance juvénile fondent la prise en charge des professionnels en EPM.
Section II. La pluridisciplinarité : principe fondamental de l’individualisation du parcours de détention
La force du dispositif réside dans l’existence d’un encadrement inédit en prison (environ
cent cinquante personnels pour soixante jeunes), d’une motivation et d’un engagement
sincère de quatre administrations dans la perspective d’une mission d’action d’éducation
en continu (Paragraphe 1.). Cette prise en charge pluridisciplinaire permet
l’individualisation de la peine dans l’objectif final de la réinsertion du mineur incarcéré
(Paragraphe 2.).
Paragraphe 1. L’intervention de quatre administrations dans la perspective d’une mission commune
« La pluridisciplinarité est l’un des éléments moteurs des EPM »108, si elle trouve son
expression la plus forte dans le binôme, l’interdisciplinarité s’incarne dans différentes
instances, au premier rang desquelles figure la commission pluridisciplinaire unique
(CPU) (A.). Et finalement le croisement des compétences permet une prise en charge
individualisée, soutenue et adaptée au profil du mineur (B.).
A. La commission pluridisciplinaire unique : symbole de l’interdisciplinarité
A l’égard des mineurs détenus, les prérogatives de la CPU sont exercées par l’équipe
pluridisciplinaire109, même si couramment les réunions de l’équipe pluridisciplinaire sont
107 « Délinquance des mineurs : La République en quête de respect », Rapport n°340 (2001-2002) de M. Jean-Claude CARLE fait au nom de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre SCHOSTECK, p. 28. 108 « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 81. 109 CPP., art. D. 514.
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dénommées CPU, et qu’il en existe différentes déclinaisons110. L’équipe
pluridisciplinaire est « le lieu central d’échange institutionnel et de partage
d’informations »111, présidée par le chef d’établissement ou son délégataire, elle se
compose des représentants des différents services. Un « noyau dur » exige la présence du
chef d’établissement ou de son adjoint, d’un représentant du personnel de surveillance,
d’un RUE ou de son délégataire, d’un représentant de l’EN, d’un surveillant, d’un
éducateur, de la psychologue du service éducatif, d’un représentant de l’USCA antenne
SMPR. Ensuite des membres ponctuels sont susceptibles d’intervenir (médecin
responsable du secteur psychiatrique ; représentant du service territoriale milieu ouvert
de la PJJ ; membres d’associations habilités ; représentant du SPIP, etc.). Ces réunions
hebdomadaires112 sont consacrées, d’une part au fonctionnement général des unités de
vie dont l’issue peut se traduire par une décision de changement de cellule, d’unité ou une
bascule vers un autre régime différencié, et d’autre part, à l’analyse de la situation
individuelle de chaque mineur (qui doit être abordée au moins une fois par mois).
L’équipe pluridisciplinaire est ainsi en charge de l’examen du projet de sortie ; de la
situation judiciaire et pénitentiaire ; de l’état de santé ; du comportement en détention ;
des liens familiaux ; incluant la prise en compte de l’indigence ; tout comme l’adaptation
de la prise en charge à tout évènement difficile rencontré par le mineur en détention
(jugements, période qui suit la condamnation, décès familial, etc.).
B. Le croisement des compétences permettant une prise en charge soutenue et adaptée au profil du mineur
Le travail en partenariat des différentes professions qui composent l’EPM est nécessaire
pour garantir une politique globale et la continuité de la prise en charge des mineurs
détenus. Cette approche multi-institutionnelle permet d’améliorer la qualité de la prise en
en renforçant un suivi construit et individualisé, tout en garantissant une dimension
éducative durant la détention. Le succès de la prise en charge des mineurs réside sur une
110 Selon la politique retenue par l’EPM : CPU d’affectation, CPU « projet », CPU « prévention suicide », CPU arrivant, CPU par unité de vie, CPU indigence, etc. ; exemple de l’EPM de Marseille, Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 61. 111 Circulaire du 18 juin 2012 relative aux modalités de fonctionnement de la CPU, p.1. 112 CPP., art. D. 514 al. 3.
39
articulation constante des équipes113, leur interconnexion et leur complémentarité.
L’enjeu étant de réaliser « une intervention pluridisciplinaire en prenant en compte la
complexité des situations individuelles »114 et la personnalité du mineur dans toutes ses
dimensions. Afin d’assurer la cohérence dans les interventions de chacun, les divers
services doivent mutualiser les informations et coordonner leur action, en restant dans la
perspective de l’intérêt du mineur. En effet, c’est le partage de connaissance, et le
« croisement des regards » qui permet d’affiner plus encore la prise en charge des mineurs
infracteurs. Le recueil et le partage de l’information115 revêtent un caractère primordial et
sont assurés par des logiciels, tel que GENESIS116. Les éléments d’informations recueillis
(sur le parcours antérieur du mineur, son niveau de compétence, ses activités en détention,
les MBO, etc.) permettent le partage immédiat de l’information et doivent faire l’objet
d’une étude croisée entre les services. L’équipe pluridisciplinaire agit sur l’ensemble des
éléments susceptibles d’affecter le parcours de détention du mineur, mais également, elle
« se préoccupe de la manière dont (…) ils sortiront des lieux d’enfermement »117.
Paragraphe 2. Le principe d’individualisation de la peine, caractéristique d’une intervention plurielle dans l’objectif final de la réinsertion
L’objectif ultime de toute prise en charge des mineurs infracteurs est la sortie de la
délinquance, que seul le juge des enfants par son ambivalence rend probable (A.). Mais
c’est d’abord l’équipe pluridisciplinaire qui œuvre dans la perspective « de construire et
de proposer aux magistrats un projet de sortie individualisé pour chaque mineur
détenu »118 (B.).
A. L’ambivalence du juge des enfants exerçant l’application des peines
113 CPP., art. R. 57-9-13 114 « Mineurs : l’éducation à l’épreuve de la détention », Collection Travaux et Documents (n°82), 2012, p. 4. 115 Circulaire interministérielle du 21 juin 2012 relative au partage d’informations opérationnelles entre professionnelles de la santé et ceux de l’AP et de la PJJ. 116 L’installation du logiciel GENESIS fusionne le cahier électronique de liaison des surveillants avec GIDE, le logiciel judiciaire utilisé par les CPIP et les magistrats, et crée une immense plateforme électronique. 117 CGLPL, Rapport annuel d’activité 2012, Dossier de presse, Cahier 2, p. 6. 118 Circulaire de la DAP du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs, p. 66.
40
L’ambivalence du juge des enfants reflète la singularité de la justice des mineurs qui
s’occupe de l’enfance en danger comme de la délinquance juvénile. « Le juge des enfants
exerce une double compétence civile et pénale, quiamène à considérer l’enfant dans sa
personne et non uniquement au travers des actes qu’il a subis ou commis »119. Cette
particularité fait du juge des enfants un juge original dans le système judiciaire français,
véritable « clé de voûte de la justice des mineurs »120, il constitue un point de repère
central dans un système complexe. Traversé par des logiques contradictoires (auteur et
victime ; sanction et éducation ; compréhension et contrainte ; protecteur et répressif) le
juge des enfants joue un rôle pivot dans une sphère où se multiplie les intervenants, et
partenaires. L’exigence de spécialisation conduit à lui confier la conjugaison de divers
rôles121, dont la mission essentielle de celui du juge d’application des peines (JAP) pour
l’exécution de l’incarcération des mineurs délinquants depuis le 1er janvier 2005122. En
vertu de l’article 20-9 de l’Ordonnance de 1945 réécrit, le juge des enfants exerce les
fonctions généralement dévolues au JAP, c’est-à-dire qu’il aménage et individualise les
peines, accorde les permissions de sortir, la semi-liberté, le placement sous surveillance
électronique, etc., et ce jusqu’à ce que la personne condamnée atteigne l’âge de vingt et
un ans123. Intrinsèquement, le juge des enfants est lié par sa pratique à un travail en
partenariat, car si l’individualisation de la sentence pénale est possible ce n’est qu’à la
condition qu’un parcours de détention individualisé ait été entrepris pour assurer la
réinsertion du mineur.
B. Une attention collective au service d’un projet de sortie construit et individualisé
« En lien avec les services de santé, l’objectif de l’AP, de la PJJ et de l’EN est d’inscrire
le mineur dans une dynamique de sortie de la délinquance, d’insertion, de socialisation
119 « Justice, délinquance des enfants et des adolescents : quel projet pour notre société ? », 70è anniversaire de l’Ordonnance de 1945, p. 1. ; approche également choisie par la CIDE. 120 Benoit BASTARD et Christian MOUHANNA « Le juge des enfants n’est pas un juge mineur », Journal du droit des jeunes, 2008 / 8 (n°278), p. 62. 121 Cf. supra. 122 La loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite « Perben II », a eu le souci de garantir au jeune qu’un magistrat – le juge des enfants – soit en charge de l’ensemble de son suivi. 123 Sous certaines conditions des exceptions sont prévues, cf. Ordonnance de 1945 art. 20-9 al. 2 et 3.
41
et donc de responsabilisation »124, au travers de l’élaboration conjointe d’un projet de
sortie construit et individualisé. Finalement, la prise en charge pluridisciplinaire vise à
anticiper, favoriser et préparer les conditions de la réinsertion du jeune délinquant. En
effet, les échanges et les réflexions de l’ensemble des institutions engagées dans la prise
en charge des mineurs permettent d’élaborer un projet individuel pendant la détention et
contribuent in fine à la construction de leur projet de sortie. Le projet de sortie s’inscrit
essentiellement dans le cadre des aménagements ou fin de peine et relèvent
prioritairement des services du secteur public de la PJJ125. Même si en fin de compte,
c’est une attention collective qui est porté sur la réinsertion, par la coordination des
différents services de l’établissement et des partenaires extérieurs, services garants des
moyens donnés au mineur pour que l’incarcération prenne sens chez lui. Le travail de
préparation du projet de sortie revêt une technicité importante, du fait des divers éléments
d’appréciation recueillis (observations et évaluations du mineur ; réflexion sur le passage
à l’acte ; besoins du mineur ; situation sanitaire ; projet d’insertion socio-professionnelle
ou scolaire ; degré d’autonomie ; socialisation ; risque de récidive ; etc.), de l’articulation
et de la collaboration entre tous les acteurs, mais surtout, d’une action qui doit être portée
dans des délais globalement très courts.
Il est indéniable que la création des EPM a permis l’amélioration des conditions de
détention au travers d’une infrastructure plus adaptée, d’un encadrement et d’une
pluridisciplinarité renforcé, et finalement de répondre à l’enfance délinquante en
combinant protection, soins, assistance, observation, surveillance, éducation, instruction,
différenciation et punition, tout en l’adaptant à la nécessité d’individualisation et de
réinsertion de ces mineurs. Pourtant, si les EPM ont d’abord été présenté comme une
« révolution culturelle »126, rapidement la réalité du monde pénitentiaire, en particulier
chez un public adolescent, a rattrapé les espérances du début. « Les EPM répondent-ils
aujourd’hui au cahier des charges fixés par le législateur en 2002 ? Ces expériences ont
- elles su tirer les leçons des échecs du passé et mettre en œuvre de véritables projets
éducatifs ? A l’issu de l’enfermement, une réinsertion durable des mineurs dans la société
124 « Mineurs : l’éducation à l’épreuve de la détention », Collection Travaux et Documents (n°82), 2012, p. 4. 125 « La PJJ exerce les attributions du SPIP en matière d’application des peines », CPP., art. D. 49-54 et D. 49-59. 126 Claude d’HARCOURT, alors directeur de l’AP en inaugurant en mars 2007 l’EPM de Meyzieu.
42
est-elle possible ? »127, déjà en 2010 les parlementaires s’interrogeaient quant à
l’efficacité de la peine d’incarcération dans ces établissements d’un nouveau genre et sa
finalité éducative. En définitive, les déconvenues actuelles sont peut-être à la mesure des
attentes excessives suscitées par la création des EPM.
Partie II. L’incarcération en EPM: une expérimentation entravée par la réalité pénitentiaire ou « l’impossible prison-éducative »
Les EPM ont rapidement été confrontés à la réalité du monde carcéral avec ses incidents,
ses déconvenues et sa violence, c’est finalement la désillusion du « projet EPM »
(Chapitre 1.). Plus encore, la mission « impossible » de la prison éducative est de réussir
là où toutes les autres instances (famille, école, services sociaux, justice, etc.) ont échoué,
ce qui interroge à nouveau le sens de la peine d’incarcération pour les mineurs délinquants
(Chapitre 2.).
Chapitre 1. La désillusion du « projet EPM »
La désillusion du « projet EPM » est à la hauteur des désappointements rencontrés. La
difficile collaboration des personnels, confrontée à une prise en charge de publics
spécifiques (Section I.), contraint une gestion à flux tendu dans un cadre architectural
inadapté impactant un parcours individualisé de détention (Section II.).
Section I. La difficile collaboration des personnels confrontée à la prise en charge de publics spécifiques
L’intervention plurielle de diverses administrations et l’évolution du public incarcéré, au
sein d’un univers rigoureux, qu’incarne la prison pour mineurs, entravent la pratique des
personnels (Paragraphe 1.), et rend la prise en charge de certains jeunes peu satisfaisante
(Paragraphe 2.).
127 « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 11.
43
Paragraphe 1. La prison pour mineur un univers rigoureux mettant à mal les personnels
Le binôme est la combinaison de deux cultures professionnelles historiquement
antagonistes dont le soudain rapprochement constitue l’un des principaux paris des EPM.
Pourtant cette tentative de remariage du projet de punir et de celui d’éduquer n’est pas
forcément heureux (A.), et ce d’autant plus que les personnels évoluent dans un
environnement carcéral difficile, compte tenu des caractéristiques de la population dont
ils ont la charge (B.).
A. L’antagonisme de deux mondes professionnels
Les mots d’ordre « partenariat » et « pluridisciplinarité », tant martelés et répétés, sont au
quotidien mis à l’épreuve par la volonté des diverses administrations de conserver la main
mise sur leur propre espace professionnel. La collaboration contrainte (du binôme) n’a
pas été (et n’est pas) sans rencontrer de fortes résistances liées aux cultures très différentes
auxquelles se rattachent ces deux métiers. La principale tension de ce fonctionnement
provient de la difficile mise en cohérence des temporalités128. Les surveillants privilégiant
le temps présent de la production de l’ordre, de la sécurité et de la discipline, alors que
les éducateurs préfèrent le temps long de la prise en charge éducative individualisé ayant
pour objectif une réinsertion progressive. Cette collaboration par essence impossible
réside en l’appartenance de ces deux cultures historiquement construites par distinction,
puisque l’« identité propre de la PJJ s’est "fondée" en grande partie sur l’opposition à
sa grande sœur pénitentiaire »129. Certains professionnels de la PJJ considèrent en effet
que l’injonction faite de réinvestir des lieux d’incarcération, antinomique avec l’idée
même d’éducation, fragilise l’un des socles symboliques de son identité, et en constitue
un véritable retour en arrière. Alors que « les éducateurs ont le sentiment d’être happés
par la logique carcérale »130, des surveillants critiquent à l’endroit de leurs « collègues »
un certain laxisme et ont du mal à trouver un juste équilibre entre répression et
128 Nathalie GOURMELON, Francis BAILLEAU et Philip MILBURN, « Les établissements privatifs de liberté pour mineurs : entre logiques institutionnelles et pratiques professionnelles », CESDIP, 2012, p. 86. 129 Gilles CHANTRAINE et Nicolas SALLÉE, « Éduquer et punir », Revue française de sociologie, 2013 / 3 (vol. 54), p. 200. 130 Sandrine TURKIELTAUB, « La violence dans les EPM : l’échec de l’éducatif en prison ? », Journal du droit des jeunes, 2011 / 6 (n°306), p. 80.
44
éducation131. Le fonctionnement du binôme est entravé par les différences des rythmes
de travail, la non-sédentarisation des surveillants sur une unité de vie particulière, et le
poids des décisions de l’AP, qui possède une maitrise totale132.
B. Les conséquences délétères d’un environnement carcéral dominé par des « ados »
L’acculturation du binôme oblige les personnels à modifier en profondeur leur mode de
fonctionnement et à cela s’ajoute une absence du profilage des professionnels. En effet,
certains déplorent133 la suppression de la formation spécifique134 des agents pénitentiaires
pour un travail en contact avec ce public si spécifique que constituent les « ados »135. A
ces équipes instables, précaires et mal formées s’adjoint « la violence qui caractérise trop
souvent ces lieux »136 (suicides, agressions sur le personnel, bagarres, injures,
dégradations, etc.137). La pression continue de la vie collective, le faible nombre de
détenus, l’importance des temps collectifs et les exigences de la prise en charge éducative
augmentent le nombre de mouvements, de réintégration, d’interactions directes entre
surveillants et détenus et donc de situations de mise à l’épreuve de l’autorité
professionnelle. L’exposition au quotidien de ces professionnels dans ce contexte
émotionnel fort et parfois violent, entraine désillusion et usure professionnelle. Les EPM
131 « Ce qui est compliqué en EPM c’est de trouver l’équilibre, on fait de l’éducatif, on a presque le rôle de parents, mais on n’est pas là pour faire du copinage », Propos tenus par un surveillant et recueillis lors de mon stage de validation M2 Exécution des Peines à l’EPM de Lavaur, avril 2018. 132 « Le caractère strictement consultatif des avis vient renforcer l’idée selon laquelle les éducateurs et la mission éducative sont subordonnés à l’AP, puisque leur voix semble noyée au sein d’un organe dépourvu de pouvoir », Sandrine TURKIELTAUB, « La violence dans les EPM : l’échec de l’éducatif en prison ? », Journal du droit des jeunes, 2011 / 6 (n°306), p. 80. ; « C’est bien la direction de l’AP qui décide en dernière instance, puisque tout le monde s’accorde sur le fait qu’il n’y a pas de binôme de direction », « Mineurs : l’éducation à l’épreuve de la détention », Collection Travaux et Documents (n°82), 2012, p. 87 ; « Ici, on est les invités » (PJJ), Gilles CHANTRAINE et Nicolas SALLÉE, « Éduquer et punir », Revue française de sociologie, 2013 / 3 (vol. 54), p. 200. 133 « La disparition des profils de sélection des agents d’EPM est un problème car les personnels peuvent arriver à l’EPM sans avoir les qualités nécessaires au travail dans cet établissement », CGLPL, Rapport de visite : EPM de Lavaur, 2015, p. 15. 134 La formation spécifique avait été élaborée conjointement par l’AP et la PJJ et s’articulait autour de plusieurs axes : connaissance des publics, du dispositif législatif sur l’enfance délinquante, le traitement éducatif des mineurs, la communication le travail d’équipe, etc. 135 « Travailler avec des mineurs détenus est la tâche la plus délicate qui soit, que l’usure professionnelle qui en découle ne doit pas être négligée », Nadège GRILLE, « La perspective des EPM, le pari d’une prison éducative ? », AJ Pénal, 2005, p. 62. 136 CGLPL, Rapport annuel d’activité 2015, Dossier de presse, Cahier 1, p. 3. 137 Rapport d’évaluation relatif aux violences à l’encontre des personnels en EPM, ISP et ISPJJ, 2010, pp. 12-15 ; Cf. annexe 4.
45
«ressemblent à des cocottes minutes. Les agents s’usent : "on nous demande toujours
plus avec moins de moyens" »138. Cet environnement de travail provoque de nombreux
arrêts maladie et conduit les personnels à solliciter des mobilités vers d’autres
établissements, ce qui accentue le renouvellement permanent des équipes. En outre,
l’absentéisme et le turn-over important rend la gestion des ressources humaines complexe
et épuise les agents en poste avec un surplus d’horaires conséquent139. En définitive, cela
se traduit par une détérioration de la coopération et une perte d’adhésion aux finalités.
Paragraphe 2. Une prise en charge peu satisfaisante à l’égard de l’évolution du public incarcéré
Lors de la création des EPM, certains profils de jeunes ont été si ce n’est oubliés, tout au
moins minimisés (A.), pourtant l’accroissement du taux d’incarcération des mineurs, et
plus particulièrement celui des jeunes-filles détenues, a contraint les politiques de
direction à une réorganisation de la vie en détention (B.).
A. La sous-estimation de certains profils lors de la mise en place du projet EPM
A l’ouverture des premiers EPM, certaines catégories de mineurs avait largement été
sous-estimés, il s’agit des mineurs non-accompagnés (MNA) et des mineurs souffrant de
troubles psy. « La notion de MNA désigne des personnes âgées de moins de dix-huit ans,
de nationalité étrangère et qui se trouve sur le territoire français sans adulte
responsable »140. La problématique des MNA a pris une ampleur considérable au cours
des dernières années et prend des proportions inquiétantes quant à leur prise en charge141.
138 CGLPL, Rapport annuel d’activité 2012, Dossier de presse, Cahier 2, p. 7. 139 « En 2015, pour la première fois depuis la création de l’établissement, le nombre de 10 000 heures supplémentaires a été dépassé », CGLPL, Rapport de visite : EPM d’Orvault, 2016, p. 20. 140 « La prise en charge sociale des mineurs non accompagnés », Rapport d’information n°598 (2016-2017) de Mme Elisabeth DOINEAU et M. Jean-Pierre GODEFROY, p. 13 ; Loi n°2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant a rappelé la notion de « mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille » au sein de l’article L. 221-2-2 du C. de l’action sociale et des familles. 141 « Les responsables des Parquets se sont déclarés très démunis face à la délinquance de ces mineurs sans référents parentaux », « Délinquance des mineurs : La République en quête de respect », Rapport n°340 (2001-2002) de M. Jean-Claude CARLE fait au nom de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre SCHOSTECK, p .48 ; « Au pénal, les infractions commises par des MNA posent aussi beaucoup de questions : difficulté pour déterminer l’âge des auteurs et donc la juridiction compétente, absence de représentants légaux, risque d’appartenance à des réseaux… », « Le juge des enfants face aux mineurs radicalisés ou non accompagnés », ENM, 2018 ; « Nous sommes particulièrement interpelés par le cas des MNA. Sur trois EPM visités depuis le début de l'année 2018,
46
L’incarcération des MNA soulève plusieurs difficultés : ils se retrouvent isolés en
détention du fait de la barrière linguistique, de l’impossible maintien des liens familiaux ;
les rapports avec des autres jeunes sont difficiles ; les questionnements liés à leur âge les
conduisent à être placés avec des jeunes de moins de seize ans alors qu’ils sont souvent
plus âgés ou inversement142 ; peu de mesures sont mises en œuvre pour s’adapter à la
spécificité de leur situation ; ils sont souvent les premiers à faire l’objet d’un transfert ;
etc.143. Cette prise en charge lacunaire en détention concerne également la santé mentale
du mineur, puisqu’ « en l’absence de lieux d’accueil pour adolescents psychotiques, la
prison devient l’ultime recours »144. La prise en charge de ces mineurs « incasables »145,
s’avère particulièrement complexe dans le contexte d’un EPM. Les troubles psy se
traduisent par des réactions imprévisibles très éprouvantes pour les professionnels qui les
encadrent, et ce sont ces mêmes détenus qui encombrent régulièrement les instances
disciplinaires. En pratique, les soins sont limités à la durée de la crise et le problème de
fond persiste146.
B. L’accroissement du taux d’incarcération des mineures obligeant une réorganisation de la vie en détention
La moitié des EPM (Orvault, Porcheville et Marseille) ont choisi dès le départ de ne pas
ouvrir d’unité filles (UF) arguant non seulement que « la cohabitation avec les garçons
expose les mineures à des invectives permanentes qui pèsent sur le climat en
50 % de leur population était composée de MNA », CGLPL, Sénat, Compte rendu de la mission d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés tenu le 12 juin 2018 ; Cf. annexe 3. 142 Problématique de la détermination de leur âge réel, et sujet polémique de l’expertise osseuse (examens radiologiques de maturité osseuse). 143 Avis relatif à la privation de liberté des mineurs, Assemblée Plénière, txt. n°48, 2018, pp. 11-12. 144 « Délinquance des mineurs : La République en quête de respect », Rapport n°340 (2001-2002) de M. Jean-Claude CARLE fait au nom de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre SCHOSTECK, p. 44. 145 « Entre modifications raisonnables et innovations fondamentales : 70 propositions pour adapter la justice pénale des mineurs », Rapport de M. André VARINARD remis au Ministère de la Justice le 3 décembre 2008, p. 227. 146 CGLPL, Rapport thématique : « Les droits fondamentaux des personnes mineurs en établissement de santé mentale », Dalloz, 2017, p. 53.
47
détention »147, mais également, qu’étant donné leur faible nombre148, cela pouvait rendre
leur détention complexe, du fait d’un isolement de leurs pairs. Cela a pour conséquence
leur maintien dans les quartiers pour femmes, au mépris de la règle de séparation stricte
entre majeur et mineur149, et cette situation les prive du déploiement considérable de
moyens dédiés aux EPM. De surcroit, en raison du nombre réduit d’établissements
accueillant des mineures, se pose l’épineuse question de l’éloignement géographique et
du maintien des liens familiaux150. L’UF regroupe en son sein tous les régimes (UA,
régime « de responsabilité », etc.) et est dotée d’une cellule mère-enfant. Cependant, en
raison de la récente augmentation de mineures incarcérées151 et aux vues du nombre de
places très limitées, toute la détention nécessite un certain nombre d’adaptations. En
attendant une solution pérenne, les établissements ont dû s’adapter en doublant les
cellules, et ce au détriment du principe de l’encellulement individuel152. Pour y remédier,
l’EPM de Lavaur songe par exemple, à réorganiser la vie en détention en concédant aux
jeunes-filles l’étage de l’UV5 (unité de vie masculine « de responsabilité ») et ainsi
accroitre leur capacité d’accueil. Le nombre important de mineures, comme le taux
d’occupation des EPM est inégal selon les DISP et contraint les établissements qui y sont
confrontés à une gestion de flux.
Section II. Une gestion à flux tendu dans un cadre architectural inadapté impactant un parcours individualisé de détention
L’affluence parfois massive de nombreux jeunes sur une courte période oblige une
gestion de flux, accentuée par un fort taux d’occupation et une tension sécuritaire, le
remaniement architectural des EPM (Paragraphe 1) était inévitable. Associée à une
147 « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 64.148 « Les filles représentent 10 % des condamnations et 7 % des peines de prison ferme prononcées à l’encontre des mineurs », « Justice, délinquance des enfants et des adolescents », Actes de la journée du 2 fev. 2015, p. 36. 149 « Les personnes détenues mineurs de sexe féminin sont hébergées dans les unités prévues à cet effet sous la surveillance des personnels de leur sexe », CCP., art. R. 57-9-10 ; Ordonnance 1945, art. 20-2. 150 Circulaire de la DAP du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs, p. 57. 151 Et en règle générale, « la part des jeunes filles dans le total des mis en cause augmente (…) de 12 à 15 % entre 2002 et 2016. Sur la même période le nombre de filles mineures mises en cause augmente fortement (+ 32 %) alors que le nombre de garçons mineurs mis en cause reste relativement stable (+ 1 %). », « Projet de loi de finances pour 2018 : PJJ », Avis n°114 (2017-2018) de Mme Josiane COSTES fait au nom de la commission des lois, p. 32. 152 CPP., art. R. 57-9-12 al. 1.
48
tentation comportementaliste comme mode de régulation de la vie en détention
(Paragraphe 2), c’est finalement l’individualisation de la peine qui est impactée.
Paragraphe 1. Un taux d’occupation et une tension sécuritaire nécessitant le remaniement architectural des EPM
L’idéologie fondatrice des EPM leur avait conféré une architecture humaniste et un
parcours de détention évident, mais la réalité du monde pénitentiaire des mineurs
délinquants a nécessité l’adaptation de leur structure architecturale (A.) et les a contraints
à une « gestion des stocks » (B.).
A. L’adaptation de la structure architecturale face à la réalité carcérale
La configuration architecturale des EPM autour de l’agora, laisse de vastes espaces
collectifs à la vue de tous, ce qui contribue à mettre chacun sous le regard permanent de
l’autre. Cette « véritable scène de théâtre à ciel ouvert »153génère la transparence de tous
les mouvements, « induit une promiscuité et un déficit d’intimité des mineurs comme des
professionnels »154, les exposent aux violences verbales et au jet de substances diverses.
Cette conception architecturale est unanimement dénoncée comme anxiogène et
génératrice d’incidents, puisque les différents évènements de la vie en détention, tel qu’un
placement au QD, ajouté à la nervosité perceptible au moindre accident sont un facteur
d’aggravation de celui-ci. La multiplication d’incidents a donc conduit à réaménager les
structures des EPM, par la pose de caillebotis aux fenêtres, la sécurisation des espaces de
circulation et l’installation de palissades (hautes de deux mètres) devant les bâtiments155.
Si cela a permis de restaurer une certaine sérénité dans le travail des agents, cela a eu pour
conséquence d’obscurcir considérablement l’intérieur des cellules du rez-de-chaussée et
de cacher la vue aux mineurs les occupant156. A cela s’ajoute une implantation
géographique peu équilibrée et la difficulté d’accès aux établissements, ce qui restreint
153 CGLPL, Rapport de visite : EPM d’Orvault, 2016, p.2. 154 « L’évaluation de la violence dans les EPM », Rapport de la PJJ, 2011, p.20. 155 Cf. annexe 5. 156 « Recommandation : Les palissades installées dans un souci de protection des mineurs créent des conditions de vie insupportables pour les mineurs hébergés au rez-de-chaussée. D’autres solutions doivent être trouvées. », CGLPL, Rapport de visite : EPM de Lavaur, 2015, p. 11.
49
les visites et entrave le maintien des liens familiaux157. Les EPM souffrent également
d’un problème important de nuisance sonore du fait du « dialogue » qui s’installe
naturellement entre les mineurs aux fenêtres, ; et du « système yo-yo » qui permet aux
jeunes de se faire passer des objets. Enfin, la faiblesse de la qualité des matériaux facilite
les dégradations, et le taux d’occupation des cellules couplé avec une rotation rapide en
empêche la rénovation.
B. L’augmentation significative de la population carcérale exigeant un système de « gestion des stocks »
A l’exception de l’EPM de Marseille qui a fonctionné dès son ouverture avec un taux
d’occupation plein, les autres EPM ont connu une montée en charge progressive, pour
qu’aujourd’hui les capacités de détention soient pleinement utilisées158. Le nombre de
mineurs écroués représente 1,2 % de la population carcérale totale, si ce nombre est
longtemps resté stable, il est « en hausse quasi constante depuis le 1er janvier 2016, avec
un niveau particulièrement élevé atteint au 1er août 2017 de 885 mineurs détenus »159.
Les taux d’occupation importants résultent d’une augmentation structurelle de la
détention par les juridictions, sur laquelle l’AP n’a pas de prise, même si en prévention,
les directions d’établissement communiquent aux Parquets généraux de la région les
effectifs pour les informer qu’ils ne cessent de croitre et les inviter à trouver des solutions
alternatives160. Du fait de l’implantation géographique problématique des EPM, le taux
d’occupation varie d’une structure à l’autre161. Lorsqu’il existe une sur-occupation des
cellules disponibles162, cela affecte gravement le fonctionnement de l’EPM. En effet,
l’affectation en unité est avant tout dictée par une logique de flux, ce qui contraint l’UA
157 Généralement situés en périphérie des villes et mal desservis par les transports ; « Recommandation : Afin de maintenir les liens familiaux, il est nécessaire de n’affecter à l’EPM que des mineurs de la région », CGLPL, Rapport de visite : EPM de Lavaur, 2015, p. 13. 158 « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 52. 159 Avis relatif à la privation de liberté des mineurs, Assemblée Plénière, txt. n°48, 2018, p. 4. 160 Stratégie pratiquée hebdomadairement et observée lors de mon stage de validation M2 Exécution des Peines à l’EPM de Lavaur, avril 2018. 161 « Le taux d’occupation moyen des EPM s’élève à 64 %, il atteint 80 % pour la DI de Paris et 97 % pour celle de Marseille », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 62. 162 L’EPM de Marseille, a connu un pic de 67 mineurs en 2011 et pour la première fois, la nécessité de disposer des matelas au sol.
50
à fonctionner comme les autres unités de vie et raccourcit considérablement le temps
d’observation ; affecte directement des jeunes à l’unité « de responsabilité » sans parcours
progressif. Et cela, au détriment d’un apprentissage sur ses actes délinquantiels et sa
responsabilisation. En outre, cette situation conduit à organiser des transferts, au risque
d’interrompre les projets entrepris, quand cette initiative n’est pas muée par une tentation
comportementaliste.
Paragraphe 2. La tentation comportementaliste comme mode de régulation de la vie en détention
Si la tentation comportementaliste est clairement assumée par les canadiens au travers du
« système bonbon »163 pour réguler la vie en détention, en France la réglementation en
entrave toute manifestation, pourtant en pratique l’attrait d’une telle démarche impacte le
régime différencié (A.), ajouté à une infra-discipline, le risque est l’empilement punitif
(B.).
A. Un régime différencié mué par une logique disciplinaire
Le principe de spécialisation qui gouverne le droit des mineurs s’applique également à la
matière disciplinaire164. Mais à la discipline « classique » s’ajoute des mécanismes
formels de maintien de l’ordre, dont leur utilisation à cette fin est critiquable. Ainsi, dans
l’objectif d’une pacification de la vie en prison, les politiques de direction sont tentées
d’utiliser le comportement du mineur comme régulation de la détention. En effet, et par
opposition à ce qu’affirme formellement la règlementation165, il semble que des décisions
d’affectation au sein du régime différencié soient pour parties muées par une logique
disciplinaire comportementaliste, par exemple, la pratique d’employer « les cellules du
rez-de-chaussée "comme" cellules de punition pour les crieurs »166. L’instrumentalisation
163 « Le déroulement des sentences d’incarcération se fait selon un système de privilèges, système bonbons, dans lequel beaucoup d’avantages liés au déroulement de la sentence peuvent être obtenus », Marion VACHERET, « Relations sociales en milieu carcéral. Une étude des pénitenciers canadiens », Déviance et Société, 2002 / 1 (vol. 26), p. 126. 164 Jean-Paul CÉRÉ, « La prison », Dalloz, 2ème ed., pp. 105-107. 165 « Les modalités de prise en charge applicables aux mineurs détenus (…) sont déconnectées de la procédure disciplinaire et ne constituent pas des mesures de bon ordre puisqu’elles n’ont pas vocation à répondre à un acte transgressif », Circulaire de la DAP du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs, p. 14.166 CGLPL, Rapport de visite : EPM de Lavaur, 2015, p. 2.
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des rapports sociaux en détention passe également par la procédure du transfèrement.
Mais d’abord la problématique du maillage territorial entre QM et EPM fait craindre « un
tri sélectif, une détention à deux vitesses »167, où les profils les plus durs seraient envoyés
en QM et les plus adaptables, éducables en EPM. Pourtant logiquement cela devrait être
l’argument inverse qui légitimerait le placement, puisque ces jeunes ont davantage besoin
que les autres de stabilité dans leur prise en charge. S’il parait compréhensible la tentation
de se défaire des adolescents les plus difficiles, turbulents au moyen d’un transfert, ces
solutions contestables traduisent avant tout la difficile conciliation entre les exigences de
bon ordre et le respect des droits du mineur détenu, mais marque « l’impuissance des
EPM à trouver une réponse adaptée, en réponse aux actes de violence de certains
mineurs »168.
B. Une infra-discipline au risque d’un empilement punitif
Malgré les avancées du droit disciplinaire désormais spécialisé, cela n'a pas permis en
pratique d'apporter dans les EPM des réponses suffisamment efficaces et rapides à des
infractions de faible gravité et quotidiennes des jeunes détenus, étant entravé par la
lourdeur et le formalisme de la procédure169. Les adolescents se confortant alors dans un
sentiment d’impunité et les personnels encadrants se sentant dépossédés de toute autorité.
C’est pourquoi « certains EPM ont expérimenté et formalisé un niveau "infra-
disciplinaire" sous »170 la forme des « mesures de bon ordre » (MBO). Ces dernières
viennent en juxtaposition de l’existant d’où les dérives, confusions et empilement punitif
possibles. Ainsi, une sanction disciplinaire accompagne généralement une affectation
dans une nouvelle unité de vie (passage du régime « de responsabilité » au régime «
général » ou « renforcé »), par exemple, le jeune pourra se voir transférer à une cellule
du rez-de-chaussée, il pourra également se voir infliger une réintégration et le maintien
en cellule au titre d’une MBO171, et finalement le mineur se voit affliger une triple
167 Nathalie DOLLÉ, « Faut-il emprisonné les mineurs ? », Larousse, 2010. 168 Sandrine TURKIELTAUB, « La violence dans les EPM : l’échec de l’éducatif en prison ? », Journal du droit des jeunes, 2011 / 6 (n°306), p. 80. 169 En résumé, tout incident doit en principe donné lieu à un compte rendu d’incident, qui va déclencher l’enquête puis les poursuites, avant une audience devant la commission de discipline. 170 Nadège GRILLE, « Le droit pénitentiaire des mineurs à l’épreuve des nouveaux EPM : Pratiques professionnelles et usages du droit en prison », AJ Pénal, 2010, p. 23. 171 Note de la DAP du 9 mars 2012 relative aux MBO appliquées aux personnes détenues mineures, p. 2 ; Cf. annexe 6.
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sanction. Sans compter, qu’une sanction disciplinaire peut avoir des conséquences non-
négligeables sur les crédits et réductions de peine, puisque le magistrat peut décider d’en
retirer le bénéfice au mineur pour cause de mauvaise conduite en détention. Mais, « pire,
elles peuvent aussi être perçues comme des sanctions disciplinaires qui ne disent pas leur
nom »172. Ces sanctions disciplinaires déguisées posent la problématique de leur
transcription, et empêche le mineur d’accéder aux garanties procédurales en cas d’une
éventuelle contestation.
Chapitre 2. Le sens de la peine d’incarcération en établissement pénitentiaire pour mineurs
Le fonctionnement de la justice des mineurs est tel qu’aujourd’hui un mineur peut
persévérer dans un parcours délinquant et ce malgré de multiples réponses judiciaires. La
peine d’incarcération est le dernier maillon de cet empilement de « réponses » ce qui
aboutit finalement à l’échec de sa conception pédagogique (Section I.). Mais la question
primordiale sous-jacente est de connaitre la réelle influence qu’elle peut avoir à l’égard
des mineurs délinquants (Section II.).
Section I. L’échec d’une conception pédagogique de la peine d’incarcération en EPM
Il n’est pas évident de percevoir le sens et par là-même, la finalité de la peine
d’incarcération (Paragraphe 1.), et ce d’autant plus pour une population détenue mineure,
qui est encore en grande partie prévenue (Paragraphe 2), ce qui est regrettable du point
de vue de la pédagogie de la peine.
Paragraphe 1. La difficile prise de conscience de la finalité de la peine d’incarcération
Si les mineurs détenus se caractérisent par de nombreux points, c’est bien leur situation
pénitentiaire qui les singularisent, puisque leur durée moyenne de détention à titre pré ou
post-sententiel est très brève (A.). Ajouté à cela une mainmise des magistrats durant ce
laps de temps, c’est toute la compréhension de la peine qui est remise en cause (B.).
172 CGLPL, Rapport annuel d’activité, 2010, p.13.
53
A. Une brièveté du temps d’incarcération paralysant tout projet éducatif
Les effets d’une prise en charge adaptée, soutenue et intensive sont largement neutralisés
par la durée souvent très courte du temps d’incarcération. Effectivement, la durée
moyenne de détention des mineurs s’établit aux alentours de trois mois173. Cette durée
est à apprécier positivement s’agissant du séjour en prison d’un être en devenir, mais ne
donne pas de sens à l’éducation qui peut y être apportée, puisqu’elle ne correspond pas
au temps conséquent nécessaire pour voir « l’évolution du mineur, son éducation et
permettre à la mesure de déployer son efficacité »174. Réellement, les moyens mobilisés
ne peuvent produire leurs effets – notamment, l’instauration d’un suivi éducatif et la
construction d’un projet de sortie cohérent – que si le jeune ne se cantonne pas à un simple
passage dans l’établissement175. En outre, il résulte une difficulté importante s’agissant
de la capacité des EPM à prendre en charge des mineurs proches de la majorité, profil
pourtant surreprésenté parmi la population accueillie. Ainsi, et même si le jeune peut être
maintenu dans l’établissement jusqu’à ses dix-huit ans et demi, en en faisant la demande
expresse176, le transfert dans un établissement pénitentiaire pour adulte au jour de la
majorité a pour effet de mettre un terme brutal à toute prise en charge éducative, dont
l’efficacité s’inscrit pourtant dans la durée. Ces deux difficultés posent la question de la
continuité de la prise en charge des mineurs délinquants, à laquelle s’additionne un
manque cruel d’informations des professionnels sur « le devenir de leurs anciens
pensionnaires »177.
B. La mainmise des magistrats durant l’incarcération du mineur fragilisant toute compréhension de la peine
173 « Durée moyenne de 3,3 mois au 3è trimestre 2017 », Avis relatif à la privation de liberté des mineurs, Assemblée Plénière, txt. n°48, 2018, p. 5. ; « près de 80 % des mineurs sortent avant 3 mois de détention », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 70. ; Cf. annexe 7. 174 « Justice, délinquance des enfants et des adolescents », Actes de la journée du 2 fev. 2015, p. 67. 175 « Proposition n°18 : Réserver la détention en EPM aux mineurs devant être incarcérés pour une durée au moins égales à trois mois. », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 77. 176 CPP., art. R. 57-9-11. 177 CGLPL, Rapport annuel d’activité 2012, Dossier de presse, Cahier 2, p. 8.
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Au sein des EPM, il est fréquent que le même mineur soit confronté à des successions de
décisions et de jugements pour des faits antérieurs alors qu’il avait reçu un mandat de
dépôt bien précis. En effet, les magistrats spécialisés profitent de la mise sous écrou du
mineur infracteur pour régulariser sa situation pénale, allant parfois jusqu’au cumul de
plusieurs périodes d’emprisonnement178. Logiquement, les jeunes ont des difficultés à
retracer leur parcours judiciaire, notamment en distinguant l’infraction à l’origine de
l’incarcération, comme à saisir la cohérence des décisions. Le renouvellement des
mandats de dépôt et l’« enchevêtrement des procédures les placent dans l’incertitude de
leur devenir : ils peuvent être inquiets de l’emballement des décisions ou au contraire
subir des situations d’attentes difficiles »179. De plus, les mineurs n’ont qu’une projection
à court, voire moyen terme, ce qui ne facilite ni la finalité, ni la compréhension de la peine
et en définitive ce ne sont que « des décisions d’incarcération qui ne font pas sens »180.
En outre, l’empilement des décisions s’adresse à un public d’adolescent qui ne réalise pas
toujours ce que cela implique, ni même les enjeux ou la mise à exécution des sentences,
par exemple, alors qu’un jeune venait de signer la notification d’un jugement intervenu
durant son incarcération, celui-ci a simplement répondu « c’est loin » au greffe qui lui
notifiait la nouvelle date prévisible de sortie. Ou encore, le cas de cette adolescente qui
lorsque le greffe lui demande « avez-vous des questions sur la compréhension de la
notification de la mise à exécution des peines », celle-ci lui répond « oui, je peux avoir
mon téléphone ? »181. Pourtant la pédagogie de la peine est une question essentielle, car
la peine d’incarcération ne peut être éducative si les mineurs n’en comprennent pas le
fonctionnement.
Paragraphe 2. L’ardue conception du but de la peine d’incarcération pour une population encore en grande partie prévenue
La détention d’un mineur a toujours été présentée comme une « anormalité uniquement
acceptable en dernier recours »182, pour autant, le taux d’incarcération des mineurs
178 Cf. annexe 3. 179 « Justice, délinquance des enfants et des adolescents », Actes de la journée du 2 fev. 2015, p. 68. 180 « Délinquance des mineurs : La République en quête de respect », Rapport n°340 (2001-2002) de M. Jean-Claude CARLE fait au nom de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre SCHOSTECK, p. 153. 181 Propos tenus par deux mineurs incarcérés et recueillis lors de mon stage de validation M2 Exécution des Peines à l’EPM de Lavaur, avril 2018. 182 Avis relatif à la privation de liberté des mineurs, Assemblée Plénière, txt. n°48, 2018, p.1.
55
augmente et la majorité d’entre eux sont encore présumés innocents (A.). Toutefois, si
leur enfermement dans les EPM a largement été salué, l’hyperactivité collective qui s’y
pratique entrave toute réflexion sur la culpabilité (B.) et donc sur le but de cette peine.
A. La notion d’éducation de la peine face à des mineurs non-condamnés
Le droit pénal des mineurs fonctionne avec le souci constant de limiter l’incarcération des
mineurs à des « situations rigoureusement exceptionnelles »183, mais paradoxalement, le
constat est une augmentation importante du nombre de mineurs écroués, de 762 au 1er
juillet 2016, ils sont désormais 877 au 1er juillet 2018, dont 75,6 % le sont au titre de la
détention provisoire184. Malgré le recours subsidiaire à cette mesure d’exception, le
nombre de mineurs prévenus a augmenté de manière significative depuis 2016185, en
conséquence les mineurs détenus sont majoritairement prévenus et « effectuent (donc)
leur peine avant leur peine »186. Ceci s’explique par la volonté des magistrats « de donner
un coup d’arrêt au processus d’enracinement dans la délinquance »187, et plus rarement
parce que les nécessités de l’instruction l’exigent. Le mineur ainsi placé sous mandat de
dépôt pour une durée variable et incertaine, patiente en détention le temps du jugement,
« au cours duquel, en règle générale, la juridiction prononce une peine couvrant la durée
de la détention provisoire déjà effectuée. Convenons qu’un tel système est peu
compréhensible »188. Ajouté à cela une durée moyenne de séjour au sein de
l’établissement de trois mois189, l’interrogation se pose quant à la pertinence et la
signification de la détention provisoire des mineurs délinquants. Les jeunes ont souvent
183 Audition d’Adeline HAZAN, CGLPL, Sénat, Compte rendu de la mission d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés tenu le 12 juin 2018. 184 « Statistique mensuelle des personnes écrouées et détenues en France » situation au 1er juillet 2018, pp. 31-32. 185 « Au 1er janvier 2018, les prévenus représentaient environ 77 % des mineurs détenus, contre 59 % en 2012 », Avis relatif à la privation de liberté des mineurs, Assemblée Plénière, txt. n°48, 2018, p. 6. 186 Propos tenus par une éducatrice de la PJJ et recueillis lors de mon stage de validation M2 Exécution des Peines à l’EPM de Lavaur, avril 2018. 187 « Délinquance des mineurs : La République en quête de respect », Rapport n°340 (2001-2002) de M. Jean-Claude CARLE fait au nom de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre SCHOSTECK, p. 153. 188 Ibid. 189 « Les mineurs placés en DP et qui sont libérés sans avoir été condamnés à une peine privative de liberté sont restés en moyenne 2,5 mois sous écrou. Ceux condamnés en cours de détention sont restés en moyenne 3,5 mois sous écrous », « Mineurs : l’éducation à l’épreuve de la détention », Collection Travaux et Documents (n°82), 2012, p. 26. ; Cf. annexe 7.
56
le sentiment d’effectuer une seconde peine à l’issue de la mesure provisoire, et
l’amalgame peut être fait entre la détention provisoire et la peine d’incarcération, ce qui
les conduit à indifférencier les deux procédures. La notion d’éducation et le sens de la
peine y trouve ainsi rarement leur compte.
B. Une hyperactivité collective au détriment d’une réflexion sur la culpabilité
Les conditions de détention et la surabondance d’activités collectives en EPM sont bien
évidemment louées190, mais précisément parce que les activités sont obligatoires et
nombreuses et que l’emploi du temps de chaque jeune est minuté et surchargé, elles sont
également largement décriées. En effet, l’oisiveté n’est pas de mise en EPM ce qui laisse
que peu de place à la possibilité de mener un véritable suivi individuel auprès de chaque
jeune détenu. En outre, « la priorité donnée aux temps collectifs sur les temps individuels
est apparue excessive »191, et le jeune se retrouve finalement que peu de temps seul en
cellule. Or, cet isolement est plus que nécessaire chez les adolescents et plus
particulièrement chez des jeunes délinquants. Les professionnels de l’enfance
(psychologues, éducateurs, etc.) s’accordent à reconnaitre, que pour se construire, tout
jeune a besoin d’ennui, et ce d’autant plus quand l’enjeu est de comprendre le sens de la
peine d’incarcération et le pourquoi de « l’échelon prison ». Ainsi, cette suractivité
quotidienne ne favorise pas les moments de retour sur soi et « ne permet pas de temps
d’élaboration, de réflexion sur le sens des actes transgressifs »192. Parce qu’elles
empêcheraient l’émergence d’une réelle prise de conscience de la gravité des faits, de la
reconnaissance du statut de victime et la prévention de tout renouvellement infracteur,
chez le mineur délinquant, ces conditions de détention aménagées éloigneraient
l’incarcération en EPM des fonctions originelles de la peine193 et de l’institution même
d’une « véritable prison »194.
190 Cf. supra (suractivité). 191 « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 69. 192 Sandrine TURKIELTAUB, « La violence dans les EPM : l’échec de l’éducatif en prison ? », Journal du droit des jeunes, 2011 / 6 (n°306), p. 80. 193 « La peine privative de liberté a pour but essentiel l’amendement et le reclassement social du condamné », 1er principe de la Réforme « Amor », 1945. 194 Gilles CHANTRAINE et Nicolas SALLÉE, « Éduquer et punir », Revue fr. de socio., 2013, p. 200.
57
Section II. La réelle influence de la réponse pénale d’incarcération à l’égard des mineurs délinquants
Onze ans après l’ouverture des premiers EPM, la question primordiale quant à l’impact
réellement dissuasif de la peine d’incarcération (Paragraphe 1.) demeure intacte et le
débat sur la prise en charge des mineurs délinquants reste une problématique
contemporaine que l’oxymore de la « prison-éducative » ne cesse de relancer (Paragraphe
2.).
Paragraphe 1. L’interrogation quant à l’impact réellement dissuasif de la peine d’incarcération en EPM
La création des EPM a été impulsée par la nécessité d’infléchir le parcours délinquantiel
des mineurs délinquants, et si les réponses judiciaires sont globalement efficaces195 pour
un grand nombre de jeunes, un « noyau dur » 196 au contraire, se distingue par la répétition
d’infractions (A.). En outre, « l’EPM ne serait pas assez afflictif »197 et la prison ne
constituerait plus une institution réellement dissuasive (B.).
A. Les difficultés inhérentes aux mineurs multirécidivistes ou multiréitérants
Les mineurs délinquants présentent une trajectoire judiciaire particulière, puisqu’ils
s’emploient à une réitération198 multiple et rapide d’actes délinquantiels dès leur sortie de
prison. En effet, leur taux de recondamnation cinq ans après la libération s’élèvent à 75
195 puisque « dans 65 % des cas le premier contact du mineur avec la justice sera le seul au cours de sa minorité », « Trajectoires judiciaires des mineurs et désistance », Infostat, n°119, ministère de la Justice, novembre 2012, p. 1. 196 « Il existe bien un petit pourcentage de jeunes qui commettent une part importante des délits », Rapport n°340 (2001-2002) de M. Jean-Claude CARLE fait au nom de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre SCHOSTECK, p. 24. ; « un petit "noyau" de 5 % des mineurs délinquants serait responsable de près de la moitié des infractions commises par les mineurs », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 96. 197 Gilles CHANTRAINE et Nicolas SALLÉE, « Éduquer et punir », Revue fr. de socio., 2013, p. 200. 198 La réitération n'intervient que lorsque le délinquant « commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale », C. pén. art. 132-16-7. ; « Parmi les mineurs condamnés pour délit en 2016, 0,9 % sont en situation de récidive légale et 18,2 % de réitération. », « Les mineurs délinquants », Références statistiques justice, année 2016, p. 84.
58
% (contre 58 % pour les majeurs) et 66 % sont recondamnés à une peine de prison
ferme199. Ainsi, les études de récidives menées auprès des jeunes délinquants200
établissent le constat d’un taux élevé de récidive intervenant rapidement après la fin de la
sanction, puisque la probabilité d’être recondamné dans les cinq ans après leur sortie de
prison est trois fois plus importante que chez les jeunes majeurs, « toutes choses égales
par ailleurs »201, et que 30 % des mineurs sont de nouveaux incarcérés six mois après
leur sortie202. En définitive, si la réitération des mineurs est rapide, elle l’est d’autant plus
qu’ils possèdent des antécédents judiciaires lourds203. C’est-à-dire que ces mineurs ont
un parcours marqué certes par la répétition d’infractions, mais surtout qu’ils ont mis en
échec toutes les actions et mesures éducatives engagées précédemment, en conséquence,
il existe un lien entre récidive, antécédents et motif d’incarcération. Ceci s’explique, car
le système judiciaire opère une sélection de sorte que les risques de réitération après la
prison sont d’autant plus fort que la justice a sélectionné les jeunes les plus ancrés dans
la délinquance204. Il en découle « une politique en échec au regard des derniers chiffres
connus concernant la récidive », et encore, les données concernant les mineurs sont
éparses, succinctes, difficiles à mesurer et à récolter, sachant que les mineurs devenus
majeurs ne sont pas pris en compte205.
B. La prison : une institution qui n’effraie plus
199 « Mineurs : l’éducation à l’épreuve de la détention », Collection Travaux et Documents (n°82), 2012, p. 27. 200 Étude Tournier, 1991 ; Étude Kensey, 2002 ; Étude Timbart, 2003 ; Étude Razafindranovona, 2007 ; Étude De Bruyn, Choquet et Thierus, 2012 ; Étude Benaouda et Kensey, 2012. 201 « Les risques de récidive des sortants de prison. Une nouvelle évaluation », Cahier d’étude pénitentiaire et criminologique (n°36), DAP, 2011, p. 7. 202 « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 77. 203 Annie KENSEY, « Conférence de consensus sur la prévention de la récidive. Les taux de récidive : principaux enseignements », 2011, p. 6. 204 « 50 ans d’études quantitatives sur les récidives enregistrées », Collection Travaux et Documents (n°86), décembre 2017, p. 18. 205 « Seule une étude fondée sur l’interrogation du casier judiciaire national permettrait d’évaluer le taux de réitération des mineurs après leur majorité – le "panel des mineurs" de la PJJ s’interrompant à 18 ans », « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 29.
59
Certains reprochent aux EPM un certain laxisme qui les éloigneraient d’une « véritable
prison » et les transformeraient en « hôtels quatre étoiles »206. Pour autant, si des jeunes
apprécient le fait de ne pas être constamment en cellule et de pouvoir bénéficier d’un
large panel d’activités, paradoxalement une petite majorité considère les EPM « comme
plus pénibles que coercitifs »207, préférant – l’autonomie en cellule, la possibilité
d’organiser son temps selon ses choix ou même de fumer – des QM, allant même jusqu’à
« valoriser la vraie prison »208. Et « si plusieurs mineurs incarcérés reconnaissant avoir
évolués en détention, tous refusent de cautionner les vertus éducatives et
disciplinaires »209. Finalement, l’espérance que l’électrochoc carcéral soit thérapeutique
est un échec210 et pour une partie de cette jeunesse, l’institution de la prison n’effraie plus,
par exemple un jeune récemment sorti de l’EPM de Lavaur croisant un surveillant lui
demande « Comment ça va au Club Med ? »211. En effet, la banalisation d’un passage en
prison l’élève au rang d’un simple « rite de passage », et nombreux sont les jeunes qui
tirent une certaine fierté et une preuve d’endurcissement de leur incarcération. In fine,
« l’incarcération s’inscrit dans un destin personnel, collectif ou familial »212, puisque
rares sont les jeunes pour qui l’emprisonnement représente un choc ou une surprise
familiale. Le passage par la prison est généralement marqué par l’inéluctabilité, car il
existe une corrélation entre la délinquance du jeune et celle de ses parents, d’un membre
de la fratrie ou d’un de ses proches. Sans faire de déterminisme entre « la reproduction
intergénérationnelle de la délinquance et l’effet propre de l’influence des membres de la
famille »213, des proches peuvent créer ou transmettre un « cycle de la violence »214.
206 Gilles CHANTRAINE et Nicolas SALLÉE, « Éduquer et punir », Revue fr. de socio., 2013, p. 200. 207 Sandrine TURKIELTAUB, « La violence dans les EPM : l’échec de l’éducatif en prison ? », Journal du droit des jeunes, 2011 / 6 (n°306), p. 80. 208 « Mineurs : l’éducation à l’épreuve de la détention », Collection Travaux et Documents (n°82), 2012, p. 99. 209 « Justice, délinquance des enfants et des adolescents », Actes de la journée du 2 fev. 2015, p. 96. 210 « Quand on parle du choc carcéral, il n’existe plus », Propos tenus par un officier de l’AP à l’issu d’un entretien arrivant et recueillis lors de mon stage de validation M2 Exécution des Peines à l’EPM de Lavaur, avril 2018. 211 Propos relatés par un surveillant et recueillis lors de mon stage de validation M2 Exécution des Peines à l’EPM de Lavaur, avril 2018. 212 « Justice, délinquance des enfants et des adolescents », Actes de la journée du 2 fev. 2015, p. 12. 213 Ibid., p.41. 214« Délinquance des mineurs : La République en quête de respect », Rapport n°340 (2001-2002) de M. Jean-Claude CARLE fait au nom de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre SCHOSTECK, p. 53.
60
Paragraphe 2. L’oxymore de la « prison-éducative » relançant continuellement le débat sur la prise en charge des mineurs délinquants
Les EPM constituaient un projet prometteur et ambitieux, mais une décennie plus tard, le
bilan en est plus que mitigé, pourtant les moyens entrepris pour leur création en
contraignent la poursuite (A.). La « prison-éducative » incarne l’incessante ambition de
trouver la solution idéale à la prise en charge des mineurs délinquants (B.).
A. Les moyens entrepris pour la création des EPM contraignant la poursuite d’un projet ambitieux
Dès la naissance du concept des EPM, les politiques ont eu la volonté de concentrer des
moyens inédits, afin d’assurer la plénitude du projet. Réellement, pour chaque EPM cela
correspond à l’affectation d’environ cent-cinquante personnels du ministère de la justice
et un coût de construction colossal de 12,5 millions d’euros215. En outre, les moyens
alloués aux EPM entrainent un coût journalier en détention extrêmement élevé. En effet,
le coût d’une incarcération en EPM est l’un des plus élevé parmi les différents modes de
prise en charge des mineurs délinquants, puisque le coût d’une journée de détention pour
un mineur s’élève, selon le Ministère de la Justice, à 521,43 euros déduction faite des
effectifs relevant du Ministère de la Santé et du Ministère de l’Education nationale216. Ce
que les parlementaires Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET se sont efforcés
de calculer en recoupant des données fournies lors de la visite d’un EPM. Ainsi recalculé,
le coût quotidien dans ces établissements est de 570 euros, alors qu’à titre de comparaison,
le coût d’une journée de détention en QM est de 111,12 euros217. Le constat est unanime :
« ces structures sont très mal connues et encore trop peu évaluées : elles mobilisent
pourtant des moyens humains et financiers importants alors que leur efficacité au regard
215 Nadège GRILLE, « Le droit pénitentiaire des mineurs à l’épreuve des nouveaux EPM : Pratiques professionnelles et usages du droit en prison », AJ Pénal, 2010, p. 23. ; « Le coût final estimé, hors acquisitions foncières, pour l’ensemble du programme des "7" EPM : 109 500 000 € », L’EPM du Rhône, Communiqué de Presse, 2007, p.13. 216 « Il n'est pas acceptable qu'à l'heure de la LOLF, le Gouvernement ne soit pas en mesure d'indiquer avec précision à la représentation nationale le coût total d'une journée de détention en EPM, tous postes budgétaires confondus. », « Projet de loi de finances pour 2012. Justice : PJJ », Avis n°112 (2011-2012), de M. Nicolas ALFONSI fait au nom de la commission des lois, pp. 27-28. 217 « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 75.
61
de la réinsertion des mineurs reste mal appréhendée »218. Le bilan des EPM est, aux vues
des arguments présentés précédemment, plus que mitigé, in fine « le coût n’a pas
d’importance, si ça marche »219 s’avère contredit par la réalité du monde pénitentiaire de
l’enfance délinquante.
B. L’incessante ambition de trouver la solution idéale à la prise en charge de l’enfance délinquante
Depuis des siècles, philanthropes, politiques, psychologues, éducateurs, etc. s’efforcent
de trouver la solution idéale à la prise en charge des mineurs délinquants, pourtant les
questionnements relatifs à l’enfance délinquante restent multiples et semblent
inépuisables. En atteste, le nombre considérable de rapports, d’avis, de recommandations,
d’enquêtes et de colloques sur la matière. Cette préoccupation ne se cantonne pas au cas
français, puisqu’après la seconde guerre-mondiale, la plupart des pays européens ont
également élaborés une justice pénale spécifique des mineurs reposant sur un « modèle
tutélaire »220. Néanmoins, et comme le cas français, tous ces pays ont connu de vives
controverses concernant le traitement de la délinquance juvénile, chacun essayant d’y
répondre au regard de son histoire, de sa façon de concevoir l’enfance et de la place laissée
aux interventions publiques et judiciaires. Les évolutions des dernières années ont abouti
à une hybridation entre des lois pénales plus sévères, une justice protectionniste et une
justice restaurative221. A l’instar de la France, les mesures applicables aux mineurs
délinquants sont essentiellement éducatives. Ainsi, en Allemagne, la seule sanction
pénale est la peine d'emprisonnement, cependant en pratique, elle n’est que rarement
infligée à des jeunes de moins de seize ans ; en Belgique, seuls les jeunes de plus de seize
ans peuvent se voir infliger des mesures autres que « de garde, de préservation et
d'éducation » ; l’Italie, par un décret de 1988, prévoit des sanctions de substitution afin
d’éviter l'incarcération des mineurs ; aux Pays-Bas, la plupart des petites infractions sont
218 Ibid., p. 9. 219 Jean-Claude PEYRONNET, alors sénateur, 2011. 220 « Ce modèle de justice repose sur le primat de l’éducation et de la protection de tous les enfants, y compris les délinquants, et sur la responsabilité de la société. », « Justice, délinquance des enfants et des adolescents », Actes de la journée du 2 fev. 2015, p. 48. 221 L’objectif de la justice restaurative est « de réparer les torts causés par les délits, de répondre aux demandes des victimes et de restaurer le lien social avec le concours de la communauté sociale. », Ibid., p. 47.
62
traitées par la réparation personnelle ; et en Suisse, aucune sanction pénale ne peut être
prononcée à l’encontre des jeunes âgés de moins de quinze ans222.
Conclusion
« L’enfermement répond à un besoin social jamais démenti dans l’histoire »223. Ce qui
fonde la permanence de la prison pour mineurs, c’est qu’elle garantit à minima, dans le
cadre du droit qui régit la privation de liberté, l’enfermement demandé par le corps social,
et la protection de la société la plus visible et la plus rapide réside dans la mise à l’écart
des jeunes délinquants. « Nouveauté dans le paysage carcéral français, les EPM ont
procédé d’une volonté de faire des espaces d’incarcérations des espaces proprement
"éducatif" »224. Ainsi, ces établissements ne font pas exception aux principes prônés par
l’article 707 du CPP et tout en sanctionnant une transgression de la loi pénale, évite le
renouvellement d’infraction, et favorise l’insertion sociale du mineur incarcéré. Avec la
création des EPM, les professionnels de l’enfance délinquante pensaient enfin avoir réussi
le « pari impossible » de la prison-éducative. S’il est indéniable que les EPM permettent
d’offrir aux jeunes infracteurs un encadrement éducatif renforcé dans une structure
adaptée et très encadrée, le « projet EPM » est nécessairement « le fruit d’un faisceau de
mouvements contradictoires »225. Onze ans après l’ouverture des premiers EPM, le bilan
est plus que mitigé, les parlementaires s’interrogeant d’ailleurs sur « l’intérêt de
poursuivre l’expérience des EPM compte tenu du bilan plutôt décevant de ces cinq
dernières années »226. En effet, sur de nombreux aspects les EPM font état d’importants
dysfonctionnements, ce qui traduit la désillusion du « projet EPM », si ce n’est un constat
« d’échec »227. Ainsi, l’acculturation du binôme éducateur / surveillant ; le difficile
consensus pour trouver le bon partenariat et la bonne collaboration entre quatre
222 « La responsabilité pénale des mineurs », Sénat, service des affaires européennes, 1999, p. 3. 223 Manuel PALACIO, « L’enfermement des mineurs : les ressorts de la peur », Empan, 2007 / 2 (n°66), p. 184. 224 Gilles CHANTRAINE et Nicolas SALLÉE, « Éduquer et punir », Revue fr. de socio., 2013, p. 200. 225 Gille CHANTRAINE, Nicolas SALLÉ, Grégory SALLE et David SCHEER, « Les prisons pour mineurs. Controverses sociales, Pratiques professionnelles, Expériences de réclusion », Synthèse d’une recherche, 2011, p. 2. 226 « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 74. 227 « Aujourd’hui force est de constater que leurs réserves étaient fondées et de prendre acte de l’échec des EPM », Jean-Marc PASTOR, « Les EPM sont-ils adaptés à la prise en charge des mineurs délinquants ? », Question écrite n°18718, 2011, p. 1359.
63
administrations ; le manque de formation des personnels ; leur instabilité chronique ;
l’absentéisme et le turn-over ; la surpopulation de certains établissements ; la forte
proportion de prévenu, des MNA, des filles, et de jeunes atteints de troubles psy ; la
violence qui y règne ; la multiplication d’incidents ; l’implantation géographique peu
équilibrée ; des équipements parfois inadaptés ; des conceptions architecturales peu
sécures et induisant promiscuité et déficit d’intimité ; la problématique de la mixité dans
certains établissements ; la lourdeur et le formalisme de la discipline ; le difficile maintien
des liens familiaux ; l’absence d’évaluation continue et rigoureuse de ces établissements ;
et finalement un coût très onéreux au regard des résultats. Ajouté à cela l’effet
désocialisant de l’emprisonnement pour des jeunes disposants de peu de repères et
cumulant souvent une série « d’handicaps », la prison constitue « un facteur
supplémentaire de déstructuration »228. Sans compter le débat sur le caractère
criminogène et corrupteur de la prison, qui serait assimilable à une « véritable école de la
récidive »229. Pour autant « l’efficacité des EPM se décidera pour une large part sur les
conditions dans lesquelles les mineurs pourront, à leur sortie de cette structure, s’insérer
ou se réinsérer dans la société »230. Effectivement, au regard de cette seule perspective,
l’efficacité des EPM semble non-avérée, puisqu’à lire les chiffres et les analyses des taux
de récidive (légale ou non), force est de constater que l’incarcération ne dissuade pas la
réitération des mineurs délinquants. En conséquence, « le succès de ces réponses n’a
jamais été avéré en termes de réduction effective de la délinquance. La prison n’a jamais
empêché la récidive »231. Pourtant, « on doit poser comme principe que la "réussite" ou
"l’échec" de l’enfermement sont extrêmement délicats à mesurer et que le critère de la
réitération de l’acte délinquant ne saurait constituer à soi seul l’aune de l’insuccès »232.
La peine d’incarcération en EPM est certes effective, puisque mise en œuvre, mais son
efficacité se détermine davantage par rapport à la durée de celle-ci, qui étant très courte,
228 Sandrine TURKIELTAUB, « La violence dans les EPM : l’échec de l’éducatif en prison ? », Journal du droit des jeunes, 2011 / 6 (n°306), p. 80. 229 « Entre modifications raisonnables et innovations fondamentales : 70 propositions pour adapter la justice pénale des mineurs », Rapport de M. André VARINARD remis au Ministère de la Justice le 3 décembre 2008, p. 61. 230 « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 69. 231 Manuel PALACIO, « L’enfermement des mineurs : les ressorts de la peur », Empan, 2007 / 2 (n°66), p. 184. ; « Les travaux réalisés sur l’incarcération des mineurs montrent de manière constante que celle-ci n’arrête pas la délinquance. En 1983 comme en 2002, le taux de recondamnation des mineurs dans les 5 ans qui suivent une incarcération est de 75 % », « Justice, délinquance des enfants et des adolescents », Actes de la journée du 2 fev. 2015, p. 12. 232 CGLPL, Rapport annuel d’activité 2012, Chapitre 7, p. 283.
64
entrave toute prise en charge éducative intensive, « l’enfermement court doit se concilier
avec l’éducation longue, c’est là le paradoxe le plus redoutable de l’enfermement des
enfants »233. Assurément, l’évaluation de ces établissements se révèle difficile en termes
d’efficacité, et si les EPM sont une « solution », celle-ci est largement à améliorer. En
définitive il convient de redonner ses chances à une expérience encore inaboutie, et de
prolonger l’expérimentation sous certaines conditions234. Toutefois, la solution la plus
pérenne est de multiplier les degrés de réponses sous des formes diverses avant la « case
prison ». Et dans ce domaine la France peut encore progresser puisque « c’est dans cette
direction que nous devons innover plutôt que dans l’abaissement de la majorité pénale
déjà suffisamment basse ou dans l’accroissement des places d’enfermements »235.
233 CGLPL, Rapport annuel d’activité 2012, Dossier de presse, Cahier 2, p. 9. 234 Par exemple, par la constitution de groupe de travail, parfois au sein même des EPM, composés essentiellement de professionnels des quatre administrations, afin d’améliorer leur fonctionnement. 235 CGLPL, Rapport annuel d’activité 2012, Dossier de presse, Cahier 2, p. 9.
65
Annexes
Annexe 1 : Les deux modèles architecturaux des EPM
Annexe 2 : Les caractéristiques de la spécificité de l’enfance délinquante
Annexe 3 : Effectifs de EPM Lavaur au 24 avril 2018
Annexe 4 : Nombre et nature des incidents QM / EPM
Annexe 5 : Évolutions et adaptations architecturales
Annexe 6 : Les mesures de bon ordre
Annexe 7 : Durée moyenne de détention des mineurs
66
Annexe 1 : Les deux modèles architecturaux des EPM236
236« L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, pp. 53-54.
Modèle « Dumez »
Modèle « Grosse »
67
Annexe 2 : Les caractéristiques de la spécificité de l’enfance délinquante
Figure 1237
Figure 2238
237 « Les mineurs délinquants », Références statistiques justice, 2016, p. 85. 238 Ibid., p. 95.
68
Figure 3
Figure 4239
239 Avis relatif à la privation de liberté des mineurs, Assemblée Plénière, txt. n°48, 2018, p. 6.
69
Annexe 3 : Effectifs de EPM Lavaur au 24 avril 2018240
Mineurs Procédure Nombre d’infraction(s)
Récidive Mandat de dépôt
T. Correctionnelle 3 DP : 1 mois Prolongation DP : 1 mois
P. Correctionnelle 4 DP : 4 mois J. Correctionnelle 4 DP : 4 mois A. Criminelle 3 DP : 1an J. Correctionnelle 2 dont une x8 DP : 4 jours + 4 mois R. Correctionnelle 1 DP : 2 mois B. Correctionnelle 1 x 3 + 1 x 3 DP : 1 mois
Prolongation DP : 1 mois A. Correctionnelle 3 Récidive DP : 4 mois Y. Correctionnelle 1 Récidive DP : 4 mois Q. Correctionnelle 3 dont une x 6 2 Récidives DP : 4 mois
DP : 1 an R. Correctionnelle 2 DP : 4 mois
Y. (fille) Criminelle 4 dont une x 2 DP : 1 mois F. Correctionnelle 1 DP : 4 jours
DP : 4 mois I. Correctionnelle 3 DP : 1 mois
Maintien DP : 2 mois Y. Correctionnelle 2 DP : 4 mois D. Correctionnelle 2 DP : 4 mois J. Criminelle 2 DP : 6 mois
Maintien DP : 2 mois Emprisonnement Criminel : 4
ans S. Correctionnelle 2 DP : 4
Maintien DP : 2 mois M. Correctionnelle 2 DP : 1 mois Y. Criminelle 2 DP : 1 an
N. Correctionnelle 1 DP : 4 mois
O. Correctionnelle 2 DP : 4 mois
L. Criminelle 1 DP : 4 jours DP : 6 mois
Prolongation DP : 6 mois Maintien DP : 2 mois
Emprisonnement criminel : 5 ans A. Correctionnelle 5 3 Récidives DP : 4 mois
A. Correctionnelle 5 DP : 4 mois
T. Criminelle 2 DP : 1 an
S. Correctionnelle 3 Emprisonnement délictuel : 3 mois
Emprisonnement délictuel : 8 jours x 2
M. Correctionnelle 2 DP : 4 mois
240 Données recueillies lors de mon stage de validation M2 Exécution des Peines à l’EPM de Lavaur, avril 2018.
70
T. Correctionnelle 4 Emprisonnement délictuel : 8 mois
DP : 1 mois D. Correctionnelle 5 DP : 1 mois
Maintien en DP : 2 mois N. (fille) Correctionnelle 2 DP : 1 mois
Prolongation DP : 1 mois R. Correctionnelle 4 DP : 1 mois
J. Correctionnelle 1 DP : 1 mois Prolongation DP : 1 mois
A. Correctionnelle 5 DP : 1 mois
E. Correctionnelle 1 DP : 4 mois
L. Correctionnelle 3 Récidive DP : 1 mois
K. (fille) Criminelle 2 DP : 6 mois
A. Correctionnelle 3 DP : 4 mois
S. (fille) Correctionnelle 6 Emprisonnement délictuel : 6 mois
Emprisonnement délictuel 15 jours
Emprisonnement délictuel : 1 mois
N. Criminelle 3 dont une x2 DP : 1 an Prolongation DP : 6 mois
A. Correctionnelle 1 DP : 1mois
M. Criminelle 4 DP : 6 mois Maintien DP : 2 mois
Emprisonnement criminel : 4 ans G. Correctionnelle 2 Récidive DP : 4 mois
M. Correctionnelle 3 Emprisonnement délictuel : 3 mois
Emprisonnement délictuel : 18 mois
M. Correctionnelle 2 DP : 4 mois
M. (XSD) Correctionnelle 1 DP : 4 mois
A. (XSD) Correctionnelle 1 DP : 4 mois
S. (XSD) Criminelle 2 DP : 6 mois
A. (XSD) Correctionnelle 1 DP : 4 mois
N. (XSD) Correctionnelle 2 dont une x 2 DP : 1 mois Prolongation DP : 2 mois
M. (XSD) Criminelle 1 DP : 6 mois A. (XSD) Criminelle 1 DP : 6 mois I. (XSD) Correctionnelle 1 DP : 4 mois
DP : Détention Provisoire
XSD : X se disant = MNA
71
Annexe 4 : Nombre et nature des incidents QM / EPM241
241 Sous réserve des évolutions depuis 2011 ; « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des CEF et des EPM », Rapport d’information n°759 (2010-2011) de M. Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET fait au nom de la commission des lois, p. 65.
72
Annexe 5 : Évolutions et adaptations architecturales
EPM d’Orvault au 30 juin 2008242
EPM de Lavaur en 2008243
242 Ministère de la Justice. [en ligne]. http://www.annuaires.justice.gouv.fr/etablissements-penitentiaires-10113/direction-interregionale-de-rennes-10127/orvault-15519.html243 Le livre scolaire. [en ligne]. https://www.lelivrescolaire.fr/#!manuel/41/histoire-geographie-education-civique-4e/chapitre/355/la-justice-des-mineurs/page/692558/la-justice-qui-punit/lecon/document/697387
73
EPM de Lavaur en 2008244
Sécurisation des espaces de circulation, EPM de Lavaur en 2015245
244 La Dépêche. [en ligne]. https://www.ladepeche.fr/article/2011/10/19/1196017-lavaur-oeuvres-en-liberte-d-artistes-prisonniers.html245 La Dépêche. [en ligne]. https://www.ladepeche.fr/article/2015/01/27/2037264-etablissement-penitentiaire-pour-mineurs-un-surveillant-agresse-par-deux-jeunes.html
74
EPM de Lavaur en 2018246
« Fenêtres équipées de caillebotis (vue de l’intérieur) », EPM de Lavaur en 2015247
« Palissades installées devant les unités », EPM de Lavaur en 2015248
246 La Dépêche. [en ligne]. https://www.ladepeche.fr/article/2018/04/09/2776623-deux-detenus-prison-mineurs-lavaur-agressent-surveillants-criant-allah-akbar.html247 CGLPL, Rapport de visite : EPM de Lavaur, 2015, p. 24. 248Ibid.
75
Annexe 6 : Les mesures de bon ordre
« Tableau de synthèse des mesures de bon ordre »249
249 Note de la DAP du 19 mars 2012 relative aux mesures de bon ordre (MBO) appliquées aux personnes détenues mineures, p. 5.
76
Annexe 7 : Durée moyenne de détention des mineurs
« L’administration pénitentiaire constate également une hausse de la durée moyenne sous écrou pour les mineurs »250
250 Avis relatif à la privation de liberté des mineurs, Assemblée Plénière, txt. n°48, 2018, p. 5.
77
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81
« Santé mentale et prise en charge des mineurs détenus : états des lieux, évolutions, enjeux ». Ecole des hautes études en santé publique, Module interprofessionnel de santé publique, Groupe n°17, 2011, 68 p.
SENAT. Les comptes rendus de la mission d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés tenu le 12 juin 2018.
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Index
A
adolescence ................................................................................................................................. 6, 33, 34, 35 adolescent ...................................................................................................................... 12, 17, 29, 42, 55, 87 adolescents .................................................. 12, 17, 18, 34, 35, 38, 41, 47, 48, 52, 54, 55, 57, 60, 62, 64, 81 AP ......................................................................................... 8, 12, 20, 23, 26, 30, 31, 40, 41, 42, 45, 50, 60
D
délinquant .................................................................................. 10, 12, 13, 14, 31, 33, 35, 42, 53, 57, 58, 64 délinquants 6, 7, 11, 13, 14, 16, 19, 20, 21, 22, 28, 30, 33, 34, 37, 38, 41, 43, 48, 49, 50, 53, 54, 56, 57, 58,
59, 61, 62, 63, 64, 67, 68, 72, 79, 87
E
éducateur ................................................................................................................................... 20, 26, 39, 63 éducateurs ..................................................................................................................... 20, 23, 44, 45, 57, 62 éducation ..... 14, 16, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 29, 38, 40, 41, 42, 44, 45, 54, 56, 57, 59, 60, 62, 65, 81, 87 éducative ............... 6, 7, 16, 18, 19, 21, 22, 23, 25, 26, 29, 30, 31, 39, 43, 44, 45, 54, 55, 58, 61, 63, 79, 87 efficace ........................................................................................................................................................ 52 efficacité ............................................................................................................ 10, 14, 21, 43, 54, 61, 64, 87 emprisonnement ............................................................................................................ 11, 36, 55, 60, 62, 64 EPM . 5, 6, 7, 8, 12, 13, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 37, 38, 39, 42, 43, 44,
45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 63, 64, 65, 66, 67, 70, 72, 73, 74, 75, 78, 79, 80, 81, 87
I
incarcération ... 6, 7, 11, 14, 18, 21, 22, 23, 24, 25, 28, 30, 31, 33, 35, 36, 37, 41, 42, 43, 44, 46, 47, 51, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 64, 80, 87
L
l’enfance délinquante .................................................. 6, 8, 10, 14, 15, 16, 33, 34, 42, 45, 62, 63, 66, 68, 87
M
mineur .... 6, 10, 11, 12, 13, 14, 16, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 30, 31, 32, 33, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 44, 46, 47, 48, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 61, 63, 78, 79
mineurs .... 6, 7, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 66, 67, 68, 69, 72, 73, 74, 75, 77, 78, 79, 80, 81, 87
P
peine ... 6, 7, 10, 11, 14, 16, 18, 21, 22, 30, 31, 33, 36, 38, 40, 42, 43, 49, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 62, 64, 80, 87
PJJ ..................................................... 8, 19, 23, 25, 26, 30, 31, 34, 39, 40, 41, 42, 44, 45, 48, 49, 56, 59, 61
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prison.. 6, 7, 11, 12, 14, 16, 19, 21, 22, 23, 29, 30, 31, 33, 38, 43, 44, 45, 47, 48, 51, 52, 54, 57, 58, 59, 60, 61, 63, 64, 75, 79, 80, 82, 87
Q
QM .................................................................................. 8, 20, 23, 24, 26, 27, 28, 29, 52, 60, 61, 66, 72, 87
R
répressif ................................................................................................................................................. 15, 41 répression .................................................................................................................................. 15, 21, 26, 44
S
sanction ....................................................................................................... 10, 16, 21, 22, 41, 52, 59, 62, 87 sécuritaire .............................................................................................................................. 6, 15, 16, 48, 49 sécurité .............................................................................................................. 14, 25, 26, 29, 35, 44, 79, 80 surveillant ................................................................................................................ 20, 26, 39, 45, 60, 63, 74 surveillants..........................................................................................................................................25,40,44,45,75
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Table des matières
Remerciements ........................................................................................... 5
Sommaire ................................................................................................... 6
Liste des abréviations .................................................................................. 7
Introduction ............................................................................................... 9 Partie I. L’incarcération en EPM : ultime recours de prise en charge des mineurs délinquants ............................................................................................... 21 Chapitre 1. L’idéologie fondatrice des établissements pénitentiaires pour mineurs .................................................................................................... 22
Section I. Les EPM incarnation du principe de la primauté éducative en milieu carcéral .... 22 Paragraphe 1. Un temps d’incarcération essentiellement dévoué à la « suractivité » ...................... 22
A. La nécessaire prépondérance de la scolarité et de la formation dans la perspective de la réinsertion ..................................................................................................................................... 23 B. Les activités socio-culturelles et sportives favorisant la socialisation du mineur .............. 24
Paragraphe 2. Une dimension innovante de la notion d’encadrement ............................................ 25 A. Une nouvelle conception d’encadrement : le binôme éducateur / surveillant .................... 25 B. Un renforcement des temps collectifs ................................................................................. 26
Section II. Les EPM : des établissements spécialisés contribuant à la responsabilisation du mineur ..................................................................................................................... 26
Paragraphe 1. Une conception architecturale en rupture avec les expériences passées ................... 27 A. Des établissements hermétiques permettant la séparation des différentes catégories de populations pénales ...................................................................................................................... 27 B. Des établissements récents à l’architecture novatrice ......................................................... 28
Paragraphe 2. Un parcours progressif sacralisant la responsabilisation du mineur ...................... 29 A. Un régime différencié favorisant le sens de la peine d’incarcération ................................. 29 B. L’autonomisation du mineur comme ultime objectif .......................................................... 30
Chapitre 2. La prise en charge des mineurs délinquants en établissement pénitentiaire pour mineur .......................................................................... 32
Section I. La spécificité de la population accueillie en EPM ........................................... 32 Paragraphe 1. L’adolescence, période sui generis de l’enfance délinquante .................................... 32
A. La particularité de l’âge du mineur délinquant : un individu en construction .................... 32 B. Le profil des mineurs incarcérés en EPM ........................................................................... 33
Paragraphe 2. La délinquance juvénile et les caractéristiques de la minorité .................................. 34 A. La forte propension du recours à la détention provisoire ................................................... 35 B. La singularité des infractions commises ............................................................................. 36
Section II. La pluridisciplinarité : principe fondamental de l’individualisation du parcours de détention .................................................................................................................. 37
Paragraphe 1. L’intervention de quatre administrations dans la perspective d’une mission commune .............................................................................................................................................. 37
A. La commission pluridisciplinaire unique : symbole de l’interdisciplinarité ....................... 37 B. Le croisement des compétences permettant une prise en charge soutenue et adaptée au profil du mineur ............................................................................................................................ 38
Paragraphe 2. Le principe d’individualisation de la peine, caractéristique d’une intervention plurielle dans l’objectif final de la réinsertion .................................................................................... 39
A. L’ambivalence du juge des enfants exerçant l’application des peines ............................... 39
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B. Une attention collective au service d’un projet de sortie construit et individualisé ........... 40
Partie II. L’incarcération en EPM: une expérimentation entravée par la réalité pénitentiaire ou « l’impossible prison-éducative » ......................................... 42 Chapitre 1. La désillusion du « projet EPM » ................................................ 42
Section I. La difficile collaboration des personnels confrontée à la prise en charge de publics spécifiques ............................................................................................................... 42
Paragraphe 1. La prison pour mineur un univers rigoureux mettant à mal les personnels ............ 43 A. L’antagonisme de deux mondes professionnels ................................................................. 43 B. Les conséquences délétères d’un environnement carcéral dominé par des « ados » .......... 44
Paragraphe 2. Une prise en charge peu satisfaisante à l’égard de l’évolution du public incarcéré . 45 A. La sous-estimation de certains profils lors de la mise en place du projet EPM .................. 45 B. L’accroissement du taux d’incarcération des mineures obligeant une réorganisation de la vie en détention ............................................................................................................................. 46
Section II. Une gestion à flux tendu dans un cadre architectural inadapté impactant un parcours individualisé de détention ............................................................................. 47
Paragraphe 1. Un taux d’occupation et une tension sécuritaire nécessitant le remaniement architectural des EPM ......................................................................................................................... 48
A. L’adaptation de la structure architecturale face à la réalité carcérale ................................. 48 B. L’augmentation significative de la population carcérale exigeant un système de « gestion des stocks » ................................................................................................................................... 49
Paragraphe 2. La tentation comportementaliste comme mode de régulation de la vie en détention .............................................................................................................................................................. 50
A. Un régime différencié mué par une logique disciplinaire ................................................... 50 B. Une infra-discipline au risque d’un empilement punitif ..................................................... 51
Chapitre 2. Le sens de la peine d’incarcération en établissement pénitentiaire pour mineurs ............................................................................................ 52
Section I. L’échec d’une conception pédagogique de la peine d’incarcération en EPM ..... 52 Paragraphe 1. La difficile prise de conscience de la finalité de la peine d’incarcération ................. 52
A. Une brièveté du temps d’incarcération paralysant tout projet éducatif .............................. 53 B. La mainmise des magistrats durant l’incarcération du mineur fragilisant toute compréhension de la peine ........................................................................................................... 53
Paragraphe 2. L’ardue conception du but de la peine d’incarcération pour une population encore en grande partie prévenue ................................................................................................................... 54
A. La notion d’éducation de la peine face à des mineurs non-condamnés .............................. 55 B. Une hyperactivité collective au détriment d’une réflexion sur la culpabilité ..................... 56
Section II. La réelle influence de la réponse pénale d’incarcération à l’égard des mineurs délinquants ............................................................................................................... 57
Paragraphe 1. L’interrogation quant à l’impact réellement dissuasif de la peine d’incarcération en EPM ..................................................................................................................................................... 57
A. Les difficultés inhérentes aux mineurs multirécidivistes ou multiréitérants ...................... 57 B. La prison : une institution qui n’effraie plus ....................................................................... 58
Paragraphe 2. L’oxymore de la « prison-éducative » relançant continuellement le débat sur la prise en charge des mineurs délinquants ..................................................................................................... 60
A. Les moyens entrepris pour la création des EPM contraignant la poursuite d’un projet ambitieux ...................................................................................................................................... 60 B. L’incessante ambition de trouver la solution idéale à la prise en charge de l’enfance délinquante ................................................................................................................................... 61
Conclusion ............................................................................................... 62
Annexes ................................................................................................... 65
86
Bibliographie ............................................................................................ 77
Index ....................................................................................................... 82
Table des matières ..................................................................................... 84
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Résumé Depuis des siècles nombre de professionnels de l’enfance délinquante s’efforcent de
trouver la solution idéale à la prise en charge des mineurs délinquants, si « l’enfermement
répond un besoin social jamais démenti dans l’histoire » (Manuel Palacio), il reste l’échec
des mesures éducatives. 171 ans après la construction de La Petite Roquette, la France
reconstruit des établissements entièrement dédié aux mineurs, mais la modernité de
l’ambition réside dans l’incarnation du principe de la primauté éducative en milieu
carcéral. Ainsi avec la création des EPM par la LOPJ de 2002, le système pénitentiaire
français se dotait d’établissements d’un nouveau genre tentant enfin de réussir le « pari
impossible » de la prison-éducative. Pourtant, les questionnements relatifs à l’efficacité
de la privation de liberté de jeunes délinquants restent multiples et semblent inépuisables.
Mots clés : adolescent ; mineurs délinquants ; EPM ; QM ; incarcération ; éducation ;
sanction ; peine.
Abstract
For centuries, lots of professionals of juvenile deliquency are trying to find the perfect
solution to the care for juvenile offenders. If « imprisonment meets social need never
denied in history » (Palacio Manual), it remains the failure of educational measures. 171
years after the building of La Petite Roquette, France is rebuilding institutions fully
dedicated to juvenile, but modernity and ambition lie in the embodiment of the principle
of educational primacy in prison environment. Hence, with the creation of juvenile
offender institutions by the 2002 Justice Act (« Loi d'orientation et de programmation
pour la justice »), the French penitentiary system established a new kind of institutions,
which attempt to rich the « impossible challenge » of educational prison. However
questioning relative to efficiency of juvenile deprivation of liberty are multiples and
appear infinite.
Keywords: teenager; juvenile offenders; Juvenile offender institutions (EPM, in French);
special block for minor’s (QM, in French); imprisonment; education; sanction; sentence.
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