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Petites c
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Petites chroniques
de vies
Michel Meyer
25.66 510643
----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique
[Roman (134x204)] NB Pages : 362 pages
- Tranche : 2 mm + nb pages x 0,07 mm) = 27.34 ----------------------------------------------------------------------------
Petites chroniques de vies
Michel Meyer
Michel M
eyer
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Ne pas avoir peur de mourir, mais craindre de
ne pas vivre assez.
Nous avons toute la vie pour nous amuser,
nous avons toute la mort pour nous reposer.
Georges Moustaki
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À mes parents
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Avant-propos
Vous me direz, mais pourquoi vouloir raconter ton
histoire alors que tu as vécu une enfance, une
adolescence et une vie professionnelle on ne peut plus
normales ? Quel est donc cet intérêt à vouloir se
pencher sur ton passé, à vouloir parler de toi au même
titre que ces personnages d’exception qui ont mérité
de laisser une trace dans la mémoire collective en
raison de la richesse de leur existence, ou pour avoir
offert ce qu’ils avaient de mieux afin que la société
progresse ?
C’est vrai qu’il doit être agréable de voir ses
compétences applaudies par tous, d’être reconnu,
célébré ou adulé. Pourtant, en ce qui me concerne,
comme il semble que mes capacités aient été
davantage dans la norme que dans l’exceptionnel, je
n’ai jamais eu l’ambition ni la vanité de susciter
l’admiration, le respect ou la crainte, encore moins
d’être dressé sur un piédestal à l’égal de la statue du
Commandeur.
Toutefois, j’ai fait mon possible pour apporter aux
autres ce que j’avais de mieux, tout en essayant de
vivre en harmonie avec moi-même, avec mes qualités
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et mes défauts. Peut-être suis-je parvenu à devenir un
exemple et un bon éducateur pour mes enfants, un
soutien et un générateur d’ondes positives pour mes
connaissances, un modèle de force et d’équilibre
apaisant pour mon environnement.
Alors même si aux yeux de mes proches je ne suis
pas devenu ce qu’ils auraient voulu que je sois, je suis
serein et heureux d’être ce que je suis. C’est
pourquoi, à l’instar des célébrités qui ont narré par le
détail leurs faits et gestes, exprimé leurs pensées,
exposé l’œuvre de leur vie ou conté leurs aventures,
j’estime que je peux me permettre de laisser une
petite trace de mon passage dans ce monde. Mes
descendants méritent de connaître un peu mieux qui
était vraiment leur père et grand-père, au-delà des
apparences ou de ce qu’on leur a dit. J’ai donc voulu
raconter ce parcours qui a été le mien, mais aussi leur
rappeler, pour ce que j’en savais, qui étaient ceux qui
nous ont précédés et sans lesquels nous ne serions pas
là aujourd’hui.
D’aucuns peuvent penser qu’il est tard pour
évoquer tout ceci, mais j’ai entrepris cette tâche parce
qu’aux abords de la soixantaine, j’en ai éprouvé le
besoin.
Bien entendu, cet exposé n’est pas exhaustif, car le
temps a filé très vite et certains évènements se sont
évaporés peu à peu de mon esprit. J’aime vivre dans
le présent, je le revendique depuis toujours et, de ce
fait, je n’ai conservé que de rares documents
concernant la famille ou mes tribulations diverses.
Pourtant, grâce aux histoires entendues dans mon
enfance et au travail de mémoire qui m’a contraint à
puiser dans les méandres de mon cerveau, il m’a été
permis de remonter à la surface une partie de ces
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réminiscences, d’en rassembler les fragments, les
souvenirs isolés et d’en reconstituer un ensemble
assez fidèle.
J’espère que mes lecteurs auront beaucoup
d’indulgence à mon égard, car mes compétences dans
l’art de l’écriture ont été longtemps plus
administratives que littéraires et ma narration pourrait
en souffrir. Cependant j’ai fait de mon mieux pour
que ces « petites chroniques de vies » soient le plus
agréable possible à découvrir.
Michel Meyer
Avril 2013
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Première partie
Au commencement
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C’est en 1954 que débute mon histoire. Une année particulière, non seulement parce qu’elle voyait
poindre le bout de mon nez en ce bas monde, au cœur
du baby boom, mais aussi parce qu’elle était située à
la charnière de deux époques, celle d’une France
rurale et traditionnelle repliée sur elle-même et d’une
nation qui allait s’ouvrir vers l’Europe, la modernité
et les revendications pour une vie meilleure.
On se trouvait également au crépuscule de cette
quatrième République où René Coty était notre
président encore pour quatre ans, Diên Biên Phu
venait de tomber, mettant ainsi un terme à la guerre
d’Indochine, mais n’allait pas empêcher l’ouverture
d’un nouveau conflit, celui de l’Algérie en novembre
de la même année. C’est aussi au cours de cet hiver
1954, qu’Henri Groues mieux connu sous le nom
d’abbé Pierre lançait son fameux appel pour accueillir
les sans logis, que l’Eurovision était créée, que Bill
Halay enregistrait « Rock around the clock » et
qu’Elvis faisait son premier tube avec « That’s all
right Mama ».
Et c’est à Nancy que l’heureux évènement est
arrivé. Cette cité de l’est de la France, siège de
l’ancien duché de Lorraine, celui de René II le
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vainqueur de Charles le Téméraire, celui de Stanislas
Leszczynski, beau père de Louis XV, créateur de la
célèbre place du même nom, a également vu émerger
des créateurs comme Emile Gallé, les frères Daum,
Jacques Gruber, Emile Majorelle qui ont permis
l’essor de l’art nouveau. C’est aussi la ville des grilles
de Jean Lamour, celle des sœurs Macaron, des
bonbons à la bergamote et du meilleur des fruits, la
mirabelle. Nancy, la ville aux portes d’or où la
Meurthe et la Moselle unissent leurs cours, était aussi
le fief de cette famille Meyer qui allait accueillir son
nouveau membre.
*
* *
Ainsi, j’ai vu le jour le 12 octobre de cette année
1954, à 20h45 exactement, dans une banale salle de
travail de la maternité régionale, après avoir fait subir
à ma mère les affres de l’accouchement sans
péridurale. Le brouillard automnal s’était répandu sur
l’agglomération, il faisait froid et humide et les rues
étaient déjà désertes en ce début de soirée. Le futur
papa quant à lui, n’était pas resté au chaud à la
maison, bien à l’abri des frimas, car il ne souhaitait
pas être loin de sa femme en ce moment crucial. Dès
la première claque sur les fesses, les cris du
nourrisson ont fait accourir le jeune père qui, après
avoir attendu la délivrance, seul, inquiet et stressé,
s’est jeté au cou de son épouse en la couvrant de
baisers avant de pouvoir enfin prendre dans ses bras
son premier enfant. Heureux et fier, il était émerveillé
par les traits réguliers et le teint rosé de celui-ci et a
immédiatement proclamé que le plus beau des bébés
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venait de naître. Jamais au cours de sa vie il n’est
revenu sur ce jugement, sans s’inquiéter de heurter la
susceptibilité de ses autres enfants ou de blesser la
vanité de tous les parents qui avaient eu l’imprudence
de lui présenter leur progéniture. Pour lui, son
premier fils a toujours été le plus magnifique bébé
qu’il lui ait été donné de contempler. Aucun nouveau-
né quel qu’il soit n’a jamais pu égaler la beauté
transcendante de son aîné.
Deux jours après ma naissance, mes parents m’ont
fait baptiser sur place, dans la chapelle de la
maternité. Il n’y avait pas de temps à perdre, car s’il
m’était arrivé malheur, jamais le seigneur n’aurait
accepté dans son paradis un enfant qui n’était pas
passé par les fonts baptismaux. Alors, on m’a
prénommé Michel, comme mon papa. Je l’ai échappé
belle, car mon géniteur souhaitait, dans un élan de
fidélité aux mannes de son cher parrain Marcel qui
avait été fusillé par les Allemands dix ans plus tôt,
m’adouber de ce prénom héroïque. Heureusement que
ma douce maman s’y est opposée farouchement et,
pour consoler son mari dépité, a consenti à me
prénommer comme lui, pour preuve de son
admiration et de son amour. Cependant, Marcel m’a
quand même été affublé en troisième prénom, le
second étant Bernard, celui de mon parrain comme le
voulait la tradition.
*
* *
À ce moment important de sa vie, la jolie Monique
était âgée de 22 ans. Plus que jolie, elle était belle.
Elle s’était d’ailleurs fait remarquer lors d’un
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concours de beauté et avait eu sa photographie
présentée dans l’Est Républicain, le quotidien
régional. Maman était une jeune femme gaie et
malicieuse, toujours prête aux fantaisies les plus
variées. Et pourtant, son enfance n’avait pas été
facile. Ses parents avaient divorcé lorsqu’elle avait
quatre ans et elle avait aussitôt été séparée de sa sœur
Josette de deux ans son aînée qui devait partir avec le
père alors qu’elle-même restait vivre sous la
responsabilité d’une mère souvent absente et qui
préférait, sans nul doute, la compagnie des hommes à
ses obligations maternelles.
La petite Monique n’a donc pas eu la chance de
recevoir beaucoup de tendresse et de câlins dans ses
premières années. Elle a ainsi passé sa jeunesse tant
bien que mal dans le petit appartement du Charmois
puis de la rue du Maréchal Oudinot, alternant une
scolarité qui s’est limitée au primaire et des sorties
vagabondes entre copines, tout cela au rythme des
visites au foyer des différents amis de sa génitrice.
D’ailleurs, au début de la guerre, cette dernière n’a
pas hésité à lui faire parcourir à pied en deux jours les
cinquante kilomètres séparant Nancy d’Epinal alors
qu’elle n’avait pas dix ans, pour aller vivre chez une
autre de ses relations masculines susceptible de
s’occuper d’elles durant cette époque difficile.
De retour à Nancy à la fin du conflit, la mère et la
fille s’installaient rue Saint Fiacre dans le quartier des
Trois Maisons et la jeune adolescente de quatorze ans
entrait dans la vie active comme ouvrière dans la
confection de lingerie à l’usine Glotz, située à deux pas
de chez elle. Deux années plus tard, par l’intermédiaire
de sa mère qui y était déjà employée, elle était
embauchée par les chaussures André, en tant que
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piqueuse puis remplieuse et assemblait huit heures par
jour les différentes pièces de cuir des souliers. Elle se
rappelle avoir connu de bons moments au sein de ce
bataillon de femmes, malgré le bruit des machines et le
harcèlement des contremaîtres qui ne toléraient pas
l’indiscipline et le caquetage des ouvrières qui auraient
pu ralentir la cadence de la chaîne.
Et c’est dans ce quartier des Trois Maisons qu’elle
allait rencontrer son futur époux.
*
* *
L’évènement est arrivé en septembre 1949, le jour
de la traditionnelle fête de la mirabelle. Les rues
étaient pavoisées de drapeaux tricolores et des
buvettes aux longues tables en bois alignées le long
des rues permettaient aux badauds de se désaltérer
tout en dégustant des assiettes de charcuteries et
autres produits régionaux. Cette animation se
déroulait dans un brouhaha permanent ou
s’entremêlaient airs d’accordéons, annonces
publicitaires, cris d’enfants et éclats de voix des
adultes joyeux. On se déplaçait aussi pour voir le
cortège des chars décorés à bord desquels d’accortes
jeunes filles en costume traditionnel, offraient à la
foule réjouie, sous une pluie de confettis, le contenu
de leurs paniers emplis de sucreries et de mirabelles
juteuses. La journée ne pouvait pas s’achever sans
l’élection de la reine de la fête et en soirée, par le bal
populaire éclairé sous les lampions.
On aimait d’autant plus s’amuser à cette époque
que les stigmates de la guerre étaient encore présents
dans les mémoires et qu’une autre était en train de se
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dérouler à des milliers de kilomètres de là, dans une
partie éloignée de notre territoire, l’Indochine. Tout le
monde avait le droit d’oublier pour un temps ces
conflits et leur lot de souffrance. Cette fête en était
l’occasion et c’est ainsi qu’un marin nancéien en
permission, de retour d’une visite chez ses grands-
parents qui vivaient dans le secteur, avait décidé, lui
aussi, de passer un agréable moment avant de rentrer
chez lui dans un autre quartier de la ville.
Ce militaire était un jeune homme athlétique et
séduisant de dix huit ans aux larges épaules, aux
magnifiques yeux bleus, à la mâchoire volontaire et
au sourire ravageur. Son rêve d’enfant était de
devenir marin, officier de la Marine National plus
exactement, mais les aléas de la vie en avaient décidé
autrement. Le jeune Michel Meyer, premier du nom,
ne pouvant opter pour la voie royale, a donc choisi
d’entrer par la petite porte en s’engageant à l’école
des mousses de Loctudy dans le Finistère. Il avait
seize ans, était déterminé, combatif, volontaire,
sportif et a franchi avec succès le cap des épreuves et
de cette vie rude des apprentis matelots, lui
permettant ainsi de signer à sa sortie d’école un
contrat de cinq ans au sein du corps des fusiliers
marins.
Alors, en cette fin d’été 1949, au cœur du quartier
où la fête battait son plein, il croisa le chemin et le
regard de deux jeunes filles de seize ans, Monique et
sa cousine Yvette. Malicieuses, espiègles et heureuses
d’être là, elles n’ont pas hésité à provoquer le beau
marin en uniforme bleu et coiffé du bachi, le
traditionnel bonnet blanc surmonté de sa houppette
rouge. Il avait fière allure le bel Adonis et les
demoiselles effrontées lui ont demandé si elles
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pouvaient toucher son pompon. C’est vrai que dans la
bouche de ces midinettes, la requête aurait pu
choquer, prêter à confusion ou être interprétée de
façon ambiguë. Mais cela n’a pas semblé surprendre
le jeune homme, car la croyance populaire laissait
entendre que cela portait bonheur de toucher ce petit
toupet de laine situé au sommet du couvre-chef des
marins. Bien évidemment, notre matelot s’est
empressé de présenter sa coiffe aux doigts des
coquines, trop heureux de l’opportunité que Dame
Fortune venait de lui offrir. Deux charmantes
donzelles pour lui tout seul, et grâce à ce simple petit
pompon rouge, quelle aubaine !
Et bien sûr, il les a revues le soir même lors du bal
de clôture de la fête des mirabelles et aussi le
lendemain, lors d’une petite promenade dans les
allées du parc Olry où avait été fixé le rendez-vous.
Et c’est à cet endroit, sur un banc identique à celui
chanté par Brassens, que mon futur papa a choisi
d’embrasser Monique pour la première fois, au grand
dam de la cousine Yvette qui avait, elle aussi, espéré
attirer le beau jeune homme dans ses filets.
Malheureusement la marine nationale rappelait
Michel qui embarquait quelques jours plus tard pour
l’Algérie. Et pourtant, au cours des mois et des
années suivantes, les relations entre les deux
amoureux n’ont fait que se renforcer tout en restant
très épisodiques au gré des trop rares permissions,
leurs échanges de mots doux et promesses diverses se
limitant essentiellement au domaine épistolaire. Mais
leur amour a résisté malgré les longues séparations et
Monique a été acceptée dans cette famille Meyer
grâce à son statut de future épouse du fils aîné. Et
pour preuve de sa position, elle avait le privilège
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d’avoir à ses côtés lors de ses promenades en ville,
Bernard, le frère cadet du beau matelot, tout à la fois
chaperon et garde du corps de dix sept ans qui
n’aurait pas hésité à sauter à la gorge du quidam qui
se serait permis de manquer de respect à sa future
belle-sœur.
*
* *
Cette épreuve endurée par le couple de tourtereaux
a été le ciment qui a uni leurs deux cœurs. Ils n’ont
jamais douté qu’ils étaient faits leur pour l’autre et
ont rapidement décidé de se marier par procuration :
le fiancé à bord de son navire en mer d’Indochine,
puis sa promise à la mairie de Nancy, le 21 juin 1952,
après avoir reçu les papiers officiels paraphés des
signatures légales. Et c’est dès son retour en France à
l’issue de son contrat d’engagement que Michel a pu
retrouver Monique pour s’unir à elle religieusement à
l’église Ste Thérèse le 8 août 1953.
Depuis sa démobilisation, mon père avait exercé
divers emplois. D’abord dans le sport en raison de ses
aptitudes particulières dans ce domaine et grâce à son
diplôme de moniteur d’éducation physique obtenu
dans la marine. Il a ainsi travaillé à Jeunesse et sports
puis au centre Sadoul, établissement d’éducation
spécialisé pour enfants difficiles. Par la suite il a été
embauché chez Coca-Cola en tant que vendeur livreur
puis dans les mêmes fonctions pour le compte des
brasseries de Champigneulles avant d’être employé à
la fromagerie Genot où sa collaboration s’est achevée
après qu’il eut malencontreusement mis le petit doigt
dans une broyeuse à beurre. Maman quant à elle, n’a
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