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Les parfums, les couleurs et les sons se répondent Baudelaire
Le Journal
Imaginaire
Poésie,récits, utopies, images et possibles…
Juin 2012-ISSN:2105-5785- Directrice de la publication : Isabelle Verneuil, Le Journal Imaginaire, Impasse Michel Chevalier, 87170 Isle. Impression : COREP, 62 avenue de la libération, Limoges
Edito
Révérence
C’est grande misère que d’être aussi banal ! Moi petit
homme monochrome au milieu de cette nature si belle, si
riche, si vivante et éclatante de couleurs. J’en suis vert
de jalousie ! Oh ! la vilaine pensée… que le rouge de la
honte me couvre tout entier !
Je ne voudrais pas vous déranger Madame, je voudrais
être transparent.
Je me sens si moche que j’en attrape des idées noires.
Des bleus à l’âme. J’ai beau faire comme le soleil, me
coucher le soir, me lever le matin, jamais je ne serai
aussi beau que lui qui est une palette magnifique à lui
tout seul : jaune pâle le matin, d’or profond au zénith,
orange sanguine au couchant…
Puisque jamais je ne serai artiste de votre talent, pour
vous faire honneur Madame, c’est entendu, je serai
caméléon. (Carole Weibel, Chanteloup-les-vignes)
n°8 Numéro spécial
juin 2012
Trimestriel
2 euro
Sommaire P1 : Révérence, Carole Weibel P2 : Mon ami le peintre, Marie-Thérèse Lecut ; Vert argent de la feuille d’olivier, Régine Robertson-Camps Rouge, Bernard Hureau P3 : Liberté, Achem En noir et blanc, Isabelle Verneuil P4 : Papillon bleu, Julie Perez ; Je donnerai tout l’or du monde, Annie Ballester ; Jaune, Fanny Duverger ; Tête blanche, Riva Luigi P5 : La porte, Anne-Marie Loulergue ; Variations au pont de bambou, Bernard Bouyer P6 : Gris, Laura Verneuil ; Deux couleurs dans la nuit d’hiver, Pierre Présumez ; Arc en ciel, Janine Argous,
Nous vous offrons de la couleur à la Une du Journal Imaginaire pour ce numéro spécial ... C’était le moins que l’on puisse faire pour traiter ce thème haut en couleurs...
Vous en verrez donc de toutes les couleurs et j’espère que, faute de voir la vie en rose, vous aurez au cœur un arc-en -ciel de mots pour affronter les temps difficiles qui s’ouvrent devant nous. Difficiles mais porteurs peut-être, tout au bout, d’un monde meilleur plein de couleurs où se mélangent les hommes et leurs espoirs...
Isabelle Verneuil
2
La terre est bleue comme une orange Paul Eluard
Mon ami le peintre, mon ami le Sage, j’ai dans les yeux toutes ces sensations nées de la lumière que tu as
partagées avec nous :
Cet éclat que donne le soleil, cette brillance des feuilles après la pluie, ces paysages changeant avec les
heures de la journée, les robes chatoyantes des jeunes filles qui se rendent au bal, les personnages bigarrés de
carnaval, cette ombre qui s’étend peu à peu sur la colline et qui annonce le soir, ces barres de nuages dans le
ciel au crépuscule et aussi ce clair-obscur dans la maison où vient se réchauffer le passant.
Par quelle magie as-tu su nous émouvoir, en mélangeant les pigments de la terre à ceux contenus dans les
tubes négligemment laissés ouverts sur le rebord de ton chevalet ?
Mon ami le peintre, mon ami le Sage, pour qui la couleur était comme un plaisir et une musique … était
daltonien. Il s’appelait Serge FIORIO. Marie Thérèse Lecut (St Valery)
Rouge
Rouge ! on te croirait unique, éclatant ! On te croirait clinquant, chaleureux ! Un ton passion, baiser, amour ! Gai comme le bon vin Et chaud comme le feu Rouge ! tu es encore la vie Ou tu es l’interdit Un peu l’enfer aussi ! Grenat, pourpre, écarlate Et puis encore carmin
Rouge ! garance de la guerre Ou Cramoisi de la honte. Un rouge du drapeau, du danger ! Galant comme l’amour Et chaud comme un baiser ! Rouge vie Ou rouge mort Un rouge révolution Grand, sombre ou vermillon
Et toujours un rouge passion.
Bernard Hureau (Ceyrat)
Vert argent de la feuille d’olivier C’est une couleur-lumière. C’est une couleur-velours. C’est une couleur-bois. C’est une couleur-ton. C’est une couleur-instant. Elle se donne à voir quand les rayons de soleil s’allient au mistral pour éclairer l’olivier de mille feuilles aux tons changeants. Mais elle affleure aussi comme un cocon de velours auréolant la coque de l’amande fraîche et juteuse. Insaisissable elle fait miroiter ses facettes d’argent à l’œil intrigué et ravi. Elle ne s’impose pas. On la cueille et il faut le faire avec délicatesse au risque de la voir se refermer sur le gris muet et froid. Elle est le symbole d’espoir auquel la douceur vient ajouter sa touche mesurée. Elle nous parle de la vie, toujours changeante et jamais vraiment donnée. Sur la palette elle se range du côté du froid. Ne vous laissez pas prendre. Elle porte en elle la chaleur tremblotante d’un après-midi somnolant au pied des rochers des Baux en Provence. Elle s’affirme avec une plus franche audace sur les volets de bois, et elle entre dans un dialogue naturel avec la pierre ancienne d’une façade sous la treille...
Régine Robertson-Camps (Andresy)
3
J’aime l’autorité du noir, sa gravité, son évidence, sa radicalité. Son puissant pouvoir de contraste donne une présence intense à toutes les couleurs et lorsqu’il illumine les plus obscures, il leur confère une grandeur sombre. Le noir a des possibilités insoupçonnées. Pierre Soulage
Je suis un horizon qui ne veut pas mourir Je suis un fruit d’écume qui hante les sommeils
Et mille fois broyée au pressoir des prisons Mille fois je reviens claironner ma passion.
Je suis un chiendent d’âme tissé avec des fleurs
Je suis un âne blanc noué à ma noria
Et mille fois broyée au pressoir des prisons Mille fois je reviens claironner ma passion
Je suis l’ombre de l’ombre à jamais répétée Je suis le guide-chant des eaux éparpillées
Et mille fois broyée au pressoir des prisons Mille fois je reviens claironner ma passion
Je suis la souris verte qui ne veut pas s’éteindre Je suis la plume au vent qui se joue des escales
Et mille fois broyée au pressoir des prisons Mille fois je reviens claironner ma passion
Je rive à la peau vive des tam-tams de la vie
les cris de mon histoire Je vis à fleur de terre
Je suis
votre servante votre amante
Je suis
votre attente votre Danse
Je suis
LIBERTE
ACHEM (Le Pradet)
En noir et blanc Souvent, mon père me chante une chanson sur les
enfants de toutes les couleurs. Je l’aime bien mais quand même elle est triste et mon cœur saigne. Enfin je ne vois pas le rouge qui coule mais je le sens. A l’intérieur. Comme des larmes.
Aujourd’hui maman m’a dit que c’était un jour important. Je sens bien qu’ils sont occupés tous les deux, papa ne me chante pas de chanson, maman ne m’a pas fait un goûter « spécial » comme d’habitude, juste des biscuits avec mon fruit. Ils pensent à autre chose. La télé est allumée. Je ne comprends pas, il paraît que c’est des histoires de grandes personnes.
Alors je dessine. Des petits garçons, comme dans la chanson de papa, un jaune qui mange du riz, un rouge avec des plumes sur la tête. Moi on dit que je suis blanc mais je suis plutôt rose non ? Ou rouge quand je suis en colère ou marron après les vacances à la mer. Je trouve qu’il est difficile de me dessiner. Avec quel crayon si je suis blanc ?
Papa et maman se mettent à crier. D’abord, j’ai peur mais je vois vite qu’ils sont contents. Ils dansent et m’entraînent avec eux. Il y a un arc-en-ciel dans leurs yeux. Ou des étoiles.
A la télé, on voit la tête d’un monsieur en gros. Je le trouve beau. C’est bizarre, il sourit et il est sérieux. En même temps. J’entends la dame de la télé dire « c’est la première fois qu’un homme de couleur est élu président » De qui elle parle, la dame, où est le monsieur en couleurs ? Ça m’intéresse, ça serait rigolo à dessiner ! Moi je ne vois qu’un monsieur noir.
Isabelle Verneuil (Isle)
4
C'est le malheur qui fait les vrais peintres. La joie donne des couleurs bien trop pâles, à la rigueur des aquarelles, des papiers peints, mais certes pas de grands œuvres. La femme à venir, Christian Bobin.
La
Jaune Tout est jaune dans ma vie. Mes doigts, à cause de mes vieilles clopes roulées. Ma peau : dans la rue, c’est sûr, y’a pas toujours de douche. Mon haleine pourrait être jaune : je commence la bière à dix heures du matin. Ils disent « La Gauche entretient les pauvres mais la Droite entretient la pauvreté ! » Je ne sais pas. Je m’en fous. Mais je ne pense pas. On a évolué ; apparemment le changement c’est maintenant. Mais rien ne bouge. Même sans étoile je suis marquée. Le jaune c’est la couleur des cocus, des trahis. Ça me va bien. Comme je disais, tout est jaune dans ma vie...
Fanny Duverger (Toulouse)
Tête blanche Fragile chrysanthème à tête blanche
La vieille femme, les yeux perdus dans un hier, Mâchonne doucement des mots polis par la vie.
De sa bouche usée s’échappent des sons sporadiques.
Curieux indiscret je guette sans succès ses secrets. Rien d’intelligible pour l’occasionnel passager.
Pour le non initié reste l’imagination : Simples échos de paroles oubliées ou Dialogue avec des ombres muettes ?
A moins que remontent en joyeuses bouffées
Des bribes d’enfantines comptines Rythmées du bruit des galoches sur la marelle ?
Serait-ce une réminiscence qui déclenche en elle
Des prières incontrôlées, effluves d’antiques gènes ou Paroles d’un autre monde incompréhensible aux vivants ?
Voyante de l’au-delà nos bavardages l’amusent,
Avant le grand retour elle vit le silence apaisant de la vérité En son quotidien tête à tête avec l’origine.
Riva Luigi (Andresy)
Cela pourrait commencer comme cela: Un ruisseau, un chemin, des pas qui descendent Un esprit qui se souvient d’un autre passage Quelque PART avant. Cette fois Non loin du ruisseau Près des pierres, de l’eau, Cette fois Sur le chemin Chaud Ceint de soleil Dans l’herbe Dans les touffes d’herbe, Trois papillons. Vont et se posent. Ce sont des papillons bleus.
D’un bleu très fin, très clair. Du bleu que certains regards des Alpes ont. Oui, cela pourrait peut-être commencer ainsi. Dans les volutes Dans des spirales envolées. Des arabesques tracées à l’encre invisible Mais tellement indélébile Du papillon qui un jour (demain peut-être) mourra
Julie Perez (Côtes d’Arez)
Je donnerai tout l’or du monde
Tant que ton regard d’aigue-marine Coulera sur moi Je me sentirai opaline. Quand les rayons de topaze Traverseront Nos tendres aurores de saphir Pour réchauffer Le rubis sans tâche de nos corps Quand, dans la fraîcheur émeraude Les fleurs de corail Naîtront sous les ciels d’améthyste, Quand nous verrons la pierre de lune Tomber à nos pieds, Comme une perle sur un lit de jade, Alors, c’est l’agate Qui viendra polir nos cœurs Et laisser dans son écrin Un amour pur comme un diamant.
Annie Ballester (Limoges)
5
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles, Je dirai quelque jour vos naissances latentes Arthur Rimbaud
La porte est grande ouverte
Elle n'a pas de couleur
Sauf celle qu'elle choisit
Le bleu
Le vert
Le cristal...
Elle est source d'espoir
Elle est source d'attente
Qui voudra l'ouvrir
S'interroger
Trouvera
Celui ou celle qui attend
C'est l'hiver
Larmes de cristal
Onde de roche
Un vaste décor
Objets, visages, images
Qu'importe
Contre-plongée
Pas d'attente
Pas d'attrait revanchard
Pas de vengeance
Distinction, noblesse
Aucun élan artistique
De l'amour
Beaucoup de bleu
Anéanti le gris
Espérance
Le rouge, action
Pourpre, pouvoir sur la vie
Pas sur les hommes
Un peu de bleu
Des deuils à faire
Mais vert source d'espérance
Au final
Prenez des couleurs
Plein la tête
Et décidez ce que vous voulez
Merci de traduire vos messages.
Anne-Marie Loulergue (Ceyrat,63)
Variations au pont de bambou qui bouge au pas d’un kimono
Le tout petit pont de bambous bouge A son passage en kimono rouge,
Les fleurs mouillées d'un prunier précieux
Tombent en pluie dans ses cheveux.
Ses beaux yeux gris de belle fille, Ses yeux sourient aux grands cieux bleus.
La brise parfumée éparpille
Et pille le prunier précieux
Dont maintes fleurs choient dans l'eau qui brille Et ne sourit pas mieux que ses beaux yeux.
Sous l'élégant tout petit pont de bambous qui bouge
Au pas sage de mon cœur en grand kimono rouge
Mon cœur, ô mon cœur porte un kimono rouge
Bernard Bouyer (Isle, 87)
6
Des goûts et des couleurs on ne discute pas...
Chevalier, 871
Deux couleurs dans la nuit d'hiver Sur l'épaule d'Orion on trouve Bételgeuse
C'est une étoile rouge et, pour moi, malheureuse
D'avoir à conserver le poids du bel enfant Qui guidait le géant.
Rigel à l'opposé fait le bout de sa jambe
C'est une étoile bleue, un peu froide, et qui tremble
D'avoir à dessiner si seule le chemin Qui conduit au matin.
P. Présumey (Clermont)
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Isabelle Verneuil, impasse Michel Chevalier, 87170 ISLE
Nos yeux sont les témoins permanents d'une nature colorée à souhait ! C'est ainsi que j’aime le champ de lavande qui bleuit au soleil de Provence, La brume bleutée à l’horizon où j’entrevois les volets bleus d’une maison,
Le jaune d’or d’un champ de jonquilles ou celui, odorant, d’une forêt de mimosa. J’aime aussi le blanc des cimes enneigées
Ou celui argenté du paysage dentelé de givre, Le rouge sang d’un champ de coquelicots
Ou celui des flammes rougissantes dans l’âtre Ou encore la boule de feu qui orange l’horizon,
Les fleurs multicolores du printemps qui se pavanent au soleil, L’amandier en robe blanche
et le cerisier en habit rose saluant à leur façon la belle saison. Sans oublier la petite fleur violine des bois qui se cache sous la mousse verte,
Ou la petite lumière blanche de la luciole dans le trou du mur... J’aime aussi les couleurs mordorées du feuillage d’automne,
Le gris du ciel qui pleure Ou celui de la mer en colère quand ses vagues venant mourir sur la digue
explosent en gerbe d’un blanc évanescent Oui, toutes ces couleurs de la vie me ravissent,
et à défaut de savoir les sublimer, comme le fait le peintre, sur la toile, je garde un "ARC-EN-CIEL " au fond des yeux... Janine Argous (Manosque)
Gris Celui du ciel les jours de pluie
Quand le soleil s’est enfui.
Celui d’un regard qui s’ennuie Quand plus personne ne sourit.
Celui d’une âme qui faiblit,
Quand celle de l’aimé est partie.
Celui d’un cœur, Si on l’oublie.
Laura Verneuil (Isle)
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