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7/21/2019 Philosophie La maladie
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La maladie
I «Avoir une maladie» et «être malade»II Les grandes maladies, de l’Antiquité à aujourd’hui
III Peut-on donner un sens à la maladie et à la souffrane!
"i#liogra$hie
"ru%ner Pasal L’eu$horie $er$étuelle
&anguilhem Le normal et le $athologique
'esartes (éditation si)i*me
+lu%smann André La fêlure du monde
Lavelle Le mal et la souffrane
Lei#ni ssais de théodiée
.ietshe La généalogie de la morale 'eu)i*me dissertation
Ainsi $arlait /arathoustra
0ho$enhauer Le monde omme volonté et omme re$résentation
1ergel2 "ertrand La souffrane
3olf ri Le mal in .otions de $hiloso$hie III
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I «Avoir une maladie» et «être malade»
La maladie $eut être onsidérée omme une des formes du mal4 Elle apparaît
comme un accident majeur de notre vie, l’Evènement par excellence. Rien
d’étonnant si, mortelle ou non, elle envahit la littérature et en particulier leroman.
Si nous tentons une définition de la maladie, il conviendrait de distinguer entre«être malade» et «avoir une maladie».«Avoir une maladie»: cette première définition nous renvoie au disours
médial. our le médecin, la maladie renvoie ! un ensem"le de s#mpt$mes !
déchiffrer. Il s’agit d’une entité définissa#le, qui est toujours envisagée
omme une altération, un dérangement, une $ertur#ation de et état qu’est
la santé4 %a maladie apparaît alors comme un éart par rapport ! une norme
statisti&ue et mo#enne. 'joutons &ue la médecine se propose une a$$rohequantitative de la maladie, &ui est considérée comme un o"jet mesura"le et
o"serva"le. (laude )ernard a illustré cette thèse en prenant l’e)em$le resté
célè"re du dia#*te. *ais si l’attention au discours médical est nécessaire pour
répondre ! la &uestion de la définition de l’état de maladie, il faut insister sur
l’insuffisane de ette ré$onse &ui ne constitue &ue la maladie et non pas le
malade.
.ous sommes renvo2és à la formule «être malade»4 %a maladie, pour le
malade, se vit dans le rapport &u’il entretient avec le monde et avec son corpssouffrant. +ans sa thèse de médecine Le normal et le pathologique (anguilhem,
prenant le contrepied de l’approche &uantitative de la maladie &ui est celle de la
médecine, la définit comme une relation qualitative du malade à son milieu.
(’est au niveau de l’individu tout entier, non d’un organe, &ue la maladie est
vécue comme un mal. «Etre malade, c’est vraiment pour l’homme vivre une
autre vie, même au sens biologique du mot». La maladie, $our le malade, ne se
réduit $as à une sim$le anomalie fontionnelle, elle s’insrit dans la totalité
indivisi#le d’un om$ortement individuel4 Et ce &u’elle exprime d’a"ord,
c’est un sentiment direct et concret d’im$uissane et de détresse, «sentiment de
vie contrariée». %e malade est &uel&u’un &ui voit ses $ossi#ilités réduites, &uidoit apprendre ! vivre dans des conditions précaires, dans un champ rétréci. %e
statut de malade, c’est d’a"ord l’e)$ériene de la fai#lesse, c’est pour&uoi la loi
prévoit des protections particulières pour le malade. -l faut &u’un statut juridi&ue
protège le malade, défende sa dignité, lui garantisse ce &ue peuttre il aurait du
mal ! o"tenir dans l’état de dépendance &ui est le sien.
(e &ue vit le malade, c’est d’a"ord un #ouleversement de son ra$$ort à son
or$s. (e corps lui apparaît souvent comme étranger. -l vit sa maladie comme
l’intrusion d’une altérité, comme une sorte d’h$te indésira"le &ui le possède.
0on $ro$re or$s devient m2st*re, son intimité étrangeté.
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«Nous ne comprenons plus en nous ce qui se passe; nous sommes l’enjeu
d’antagonismes o nous ne pouvons intervenir; notre sort se joue en nous, !
notre insu, et malgré nous» note l’écrivain (laude Ro# dans un livre o/ il relatesa $ro$re e)$ériene du aner. 0out se passe dans un rapport au corps au&uel
il n’est plus possi"le de faire confiance. %e malade est celui &ue son corps trahit.1n peut parler d’une e)$ériene de dé$ossession, &ui trouve en littérature une
expression privilégiée dans le genre auto"iographi&ue. (’est «l’inquiétante
étrangeté» pour reprendre les termes de 2reud. (’est en ce sens &ue le malade
devient un autre, le "ouleversement du corps entraînant une radicale
modification des rapports avec soi et avec les autres 3 le regard des autres 4pitié,
gne, dégo5t, horreur joue ici comme un miroir: il est verdict6. La maladie
renvoie toujours à e que notre vie $eut avoir d’irrémédia#le, au fait qu’elle
$eut $orter en elle sa $ro$re mort4 'vec l’irruption de la maladie, la vie nous
annonce &u’elle est "rève. %a mort est ainsi inscrite au c7ur du vivant. 1n
comprend alors l’angoisse méta$h2sique &ue peut susciter la maladie.
+escartes l’exprime dans la "éditation si#i$me. %e philosophe # avoue &ue la
possi"ilité &u’il # ait des h#dropi&ues le fait pres&ue douter de la "onté de +ieu
luimme, «qui m’a donné une nature telle que je peu# boire et, ce %aisant,
m’empoisonner tout en ressentant une soi% ine#tinguible». La $erte de la santé
devient alors l’intoléra#le, l’insu$$orta#le et le sandaleu)4 2rit8 9orn,
découvrant &u’il est atteint d’un cancer , exprime avec force sa haine de ce +ieu
&ui a pu laisser tre un monde o/ l’homme est rongé par la maladie. «&ieu me
%rappe d’une maladie maligne et mortelle '()* +e suis le carcinome de &ieu*
ien qu’un petit carcinome, naturellement, ! l’intérieur de ce vaste cadre, maisc’en est quand même un».
II Les grandes maladies, de l’Antiquité jusqu’à nos jours
-l n’est guère possi"le de parler de la maladie sans prendre des e)em$les
onrets, tant les variétés et les variations de la maladie sont nom"reuses. -l
faudrait ici distinguer maladie chroni&ue et maladie aigu, maladie collective et
maladie individuelle. Il faudrait aussi isoler e qu’on a$$elle la grande
maladie4 'ndré ;luc<smann écrit dans La %êlure du monde «la grande maladierév$le sa grandeur en nouant une a%%ection singuli$re ! une corruptibilité
générale et incoercible». Il est révélateur qu’à haque é$oque sem#le
orres$ondre un t2$e de grande maladie spécifi&ue: peste dans l’'nti&uité et
au *o#en=ge, tu"erculose 4mal romanti&ue par excellence au >->ème siècle,
cancer et sida aujourd’hui, «abc$s de %i#ation» en les&uels se cristallisent les
préoccupations d’une société. 1n constate également &u’! travers les =ges les
modes d’interprétation de la maladie ont évolué. %es théories de causalité des
maladies reflètent successivement les conceptions culturelles de l’ épo&ue: la
maladie ch=timent divin dans les sociétés dominées par le sacré religieux, lamaladie malédiction, sort jeté résultant du ?mauvais 7il@ dans les sociétés
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archaA&ues, la maladie faute sociologi&ue, contamination micro"ienne par
négligence et a"sence de soins dans nos sociétés occidentales ! partir du
>->ème siècle.Les grandes maladies, omme les grandes guerres, sont toujours a$$arues
omme des fléau), des alamités4 (e fut d’a"ord, et dès l’'nti&uité grec&ue, la$este, &ui, par son intensité dévastatrice, apparaissait comme la maladie $ar
e)ellene. L’-liade d’Bomère s’ouvre sur la description d’une pestilence
décimant l’armée grec&ue devant 0roie. Cdipe, dans la pièce de Sophocle
.dipe roi, doit affronter la peste collective dans sa ville de 0hè"es. 0huc#dide,
l’historien, décrit longuement la grande peste &ui ravagea 'thènes en DF avant
Gésus(hrist. 1n constate &ue dans le monde gre la peste prend toujours la
forme d’une $estilene. %e terme est vague, mais doit tre tenu pour essentiel.
(ar pour les ;recs le phénomène apparaît comme confus, pol#morphe,
impossi"le ! cerner 3incertitude &ui concerne aussi "ien les causes assignées &ue
les remèdes appli&ués6. (omme l’écrit 'ndré ;luc<smann dans l’ouvrage cité
plus haut «telle est l’e#périence grecque de la peste, qu’on ne sache d’o elle
vient, qu’on ignore quand elle part, o elle va, et qu’ici et maintenant elle pi$ge
ses piégeurs». Si la peste est devenue s2m#ole pour le monde gre, c’est
d’a"ord parce &u’elle est maladie de la olletivité, celle en la&uelle la
collectivité se désagrège radicalement. Elle témoigne du haos irréduti#le &ue
toutes les sociétés portent en elles. En ce sens elle les confronte ! un défi:
rajeunir ou périr. +ans sa crise, dans son parox#sme, elle appelle le monde ! se
renouveler: d’o/ l’importance de toutes les cérémonies religieuses 3entre autres
celle du "ouc émissaire6, constituant une sorte d’auto exorcisme.
%a grande peste d’'thènes en DF
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'u >->ème siècle s’impose la $htisie ou tu#erulose. (ette maladie est
d’a"ord l’o"jet d’une e)altation romanesque, voire romantique, &ui héroAse
et idéalise ceux &ui en sont victimes.
(’est le cas du héros de 0homas *ann dans La montagne magique dont la
maladie fait un tre ! part, touché par la gr=ce. (’est *arguerite ;autier, ladame aux camélias, s#m"ole de la «poitrinaire au grand c/ur». 'insi la
tu"erculose va tre spiritualisée et auréolée de m#sti&ue.
«&ans le panthéon médical du 00$me si$cle occidental, le cancer s’él$ve en
alter ego et successeur de la tuberculose» constate 'ndré ;lucs<smann.
L’e)$ériene du aner en effet aumule et atal2se les angoisses4 +’a"ord
parce &u’il montre un or$s ha#ité $ar un autre or$s, étranger et non
intégra"le 3l’ét#mologie latine désigne un chancre, un cancrelat, &ui ronge de
l’intérieur6. (’est une maladie &ui ne frappe pas de l’extérieur, comme la peste,
c’est pour&uoi il est difficile de la dia"oliser. Ensuite, le cancer s’entoure d’un
m2st*re &ui n’est pas encore entièrement dissipé. -l a constitué le premier grand
échec de la médecine contemporaine. «L’homme occidental entretient avec sa
%initude un rapport plus essentiel qu’avec sa santé* -l apprend ! mourir avant
d’apprendre ! guérir».
5uant au sida, il ou$e une $lae tout à fait à $art dans l’histoire des
grandes maladies4 Son a$$ellation déj! souligne l’a$orie &u’il constitue pour
la médecine contemporaine. ;luc<smann constate «on dé%init le virus par
l’immunité disparue* 1n nomme ce qu’il est par ce qu’il n’est pas* La maladie
devient l’absence d’une absence, l’insaisissable ! l’état pur». +ans les années
HF, l’apparition du sida a été perIue comme une contestation &uasi "lasphématoire du pouvoir médical, un crime de lèsemajesté, un vérita"le
scandale venant contredire la médecine, placée face ! son non pouvoir et ! son
non savoir. «Le 2-3 in%lige une e#traordinaire le4on d’humilité qui révolutionne
douloureusement l’autorité médicale»* L’é$idémie de sida a ainsi assé le
m2the de la toute-$uissane médiale et a redonné un sens au terri#le mot
inura#le4 ;luc<smann souligne également comment elle a renoué la vielle
alliane du se)e et de la mort et mis face ! face deux univers &ui ne se
connaissaient plus, «la jeunesse et le tombeau».
III Peut-on donner un sens à la maladie et à la souffrane!
La question du sens de la maladie et de la souffrane est diffiile et
om$le)e, $are que ’est à la fois une question e)istentielle et une question
méta$h2sique4
)istentielle: des hommes peuvent ne plus avoir envie de vivre parce &u’ils
souffrent trop. (e sont ceux &ui désespèrent de la vie, &ui peuvent désirer le
suicide. (e sont aussi les malades &ui, las de souffrir, demandent l’euthanasie. -l
nous arrive ! tous de trouver la souffrance tro$ lourde à su$$orter. Jue fautilfaire alors pour mieux la porterK
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(éta$h2sique: la souffrance met en &uestion la valeur de l’existence et la
"onté éventuelle de +ieu. Elle constitue le $rini$al argument en faveur du$essimisme.
'eu) éueils sem#lent à éviter: confondre donner un sens avec justifier, et
a"outir ainsi ! une pleine et totale légitimation de la souffranceL penser la
souffrance comme a#surde et refuser de lui reconnaître auun sens, ce &ui
revient ! faire de l’existence humaine une tragédie et ! opter pour le $essimisme
intégral.
La $remi*re voie est elle que suivent toutes les dotrines de la totalité, ainsi
que les grandes théodiées4 'insi %ei"ni8, au nom de sa doctrine de l’harmonie
universelle et du meilleur des mondes possi"les, ne peut &ue se heurter au
$ro#l*me de la souffrane. %e monde seraitil meilleur si la souffrance en était
a"senteK %a présence de la souffrance dans le monde estelle concilia"le avec la
justice et la "onté divinesK %a ré$onse de %ei"ni8 tient en trois arguments.
%ei"ni8 invite d’a"ord l’homme ! ne pas en rester ! son expérience singulière et
personnelle de la souffrance. Il faut savoir s’élever de la $artie au tout et
aquérir un $oint de vue général qui nous $ermettra d’em#rasser dans la
mesure du $ossi#le la totalité du monde4 Motre existence n’entre en jeu dansle choix du meilleur &ue dans la mesure o/ elle participe ! celle du tout. +ire
&ue «&ieu n’a pas de volonté détachée», c’est dire &u’il n’a pas égard aux
individus en tant &u’individus. (ertes, ceuxci sont en un sens uni&ues et
irremplaIa"les, mais pour autant seulement &u’ils participent ! l’ordre général.
(’est pour&uoi un mal $artiulier, &uel &u’il soit, est toujours un moindre mal.
Ainsi le traitement de la question de la souffrane engage elle du ra$$ort
entre la $artie et le tout, entre la $erfetion de la $artie et la $erfetion du
tout4 %a partie d’un tout, isolée, n’est pas nécessairement parfaite. (’est le
rapport au tout &ui est décisif. -l s’agit d’ac&uérir le $oint de vue du tout. Et%ei"ni8 de s’appu#er sur l’e)em$le suivant: il en est du monde comme d’un
ta"leau dont nous ne percevrions &u’une minuscule partie. (elleci nous
apparaîtrait alors comme une simple tache placée l! au hasard. Mous ne pouvons
accéder ! la "eauté du ta"leau &u’en comprenant l’intention générale du peintre,
et alors la tache nous est dévoilée dans son rapport ! l’ensem"le de la toile. Si
nous prenons le reul néessaire au lieu de regarder le monde comme des
m#opes ou des mal vo#ants, nous comprendrons &ue le mal est moins présent
dans le monde &ue le "ien. -l # a glo"alement plus de plaisir &ue de souffrance,
plus de gens en "onne santé &ue de gens malades.
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(ais Lei#ni va $lus loin en disant que la souffrane joue un r6le $ositif
dans nos vies4 %a souffrance et le malheur nous rendent davantage sensi"les au
plaisir et au "onheur. %a souffrance permet donc un jeu heureu) de ontrastes.
Elle donne du relief ! nos vies. Sans la souffrance, la vie serait insi$ide.
?5n peu d’acide, d’6cre ou d’amer pla7t souvent davantage que du sucré; lesombres rehaussent les couleurs et une dissonance placée o il %aut donne du
relie% ! l’harmonie». 'insi donc le mal local entre dans la composition
harmoni&ue du tout. Mous avons "esoin de contrastes pour apprécier un
ensem"le. «8o9te:t:on asse la santé, et rend:on asse gr6ce ! &ieu sans
jamais avoir été malade< Et ne %aut:il pas le plus souvent qu’un peu de mal
rende le bien plus sensible, c’est ! dire plus grand<». En ce sens, c’est la
souffrance &ui donne du prix ! la vie.
nfin, la souffrane est le mo2en d’une $lus grande $erfetion4 «1n peut
dire en somme que les a%%lictions temporairement mauvaises sont bonnes par
leurs e%%ets, comme seraient des raccourcis vers une plus grande per%ection». -l
# a donc une raison ! la présence de la souffrance dans le monde. La souffrane
est fateur de $rogr*s, elle devient ondition du meilleur4 'insi la souffrance
ph#si&ue a un sens en tant &u’on va chercher ! en guérir. *ais il en est de mme
pour la souffrance morale &ui résulte de la faute. Elle est comme une punition
infligée ! l’homme en vue d’un mieux. Elle peut tre l’occasion d’un
perfectionnement de soi.
1n ne peut &ue constater la fragilité de la méta$h2sique lei#niienne, ce &ue
fait Eric Nolff dans son article Le mal . «= quoi bon un &ieu qui ne s’occupe
pas des détails, quand ces «détails» sont le mart>r d’un en%ant ou le sacri%ice
d’un peuple». One telle doctrine a"outit ! nous faire ae$ter l’inae$ta#le.
'insi n’estil pas inadmissi"le de penser &ue la douleur des autres peut avoir sa
raison d’treK (ar c’est accepter en leur nom et en leur place une douleur &u’eux
n’acceptent pas.
7aut-il $our autant refuser toute signifiation à la souffrane en la $ensant
omme a#surde! 0el est le cas du pessimisme radical de Schopenhauer. +ans
Le monde comme volonté et comme représentation Schopenhauer affirme &ue
l’essene de la vie est fondamentalement souffrane. «La perpétuité des
sou%%rances est l’essence même de la vie»* %’homme selon Schopenhauer est
animé par un vouloir-vivre o#stiné et aveugle &ui le pousse toujours en avant.
(e vouloirvivre s’exprime dans le désir. Et le désir, né d’un man&ue, est
décevant. -l nous fait espérer une expérience positive du plaisir, mais dans son
renouvellement infini il est source d’insatisfation et de souffrane. '’o8 unemarhe infinie et infernale des désirs et une souffrane $ermanente4
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*ais si nous parvenons ! arrter cette marche en ne désirant plus, nous
connaissons alors un mal é$ouvanta#le &ui nous fait som"rer dans le vide et le
dégo5t: c’est l’ennui.«La vie donc oscille, comme un pendule, de droite !
gauche, de la sou%%rance ! l’ennui; ce sont l! les deu# éléments dont elle est
%aite, en somme». %’homme est d’ailleurs l’tre &ui souffre le plus. (e &uiaccentue sa souffrance, c’est sa $ensée. «?elon que la connaissance s’éclaire,
que la conscience s’él$ve, la mis$re va ainsi croissant; c’est dans l’homme
qu’elle atteint son plus haut degré, et l! encore elle s’él$ve d’autant plus que
l’individu a la vue plus claire, qu’il est plus intelligent@ c’est celui en qui réside
le génie qui sou%%re le plus». L’homme est ainsi la marionnette du vouloir-
vivre4 5uant à la vie, elle n’est qu’une du$erie, $uisque l’e)istene tout
enti*re est tragédie4
1n vit pour souffrir, mais on ne sait pas pour&uoi on souffre. Jue restetil !
faireK (omment vivreK Schopenhauer propose une voie &ui est celle de la
résignation et du renonement. La seule solution est dans la négation
a#solue du vouloir-vivre4 'insi pourronsnous éviter la souffrance. our
o"tenir cette délivrance, Schopenhauer a particulièrement insisté sur le r6le
$urifiateur de l’art. %a ontem$lation esthétique, parce &u’elle est
désintéressée, nous li"ère du joug de la volonté. 'insi nous cessons de souffrir
parce &ue nous cessons de vouloir. %’art cependant n’est pas le rem*de idéal au
mal de vivre, car il reste une solution $rovisoire, un calmant $assager. %e seul
rem*de universalisa#le ! la souffrance est pour Schopenhauer la $itié. Seule
cette expérience nous délivre de l’égoAsme, nous affranchit du principed’individuation et nous détache de la vie.
-l sem"le difficile cependant d’en rester ! ce constat. (ar la souffrance n’est pas
&ue négative. euton faire alors autre chose &ue de la fuirK st-il $ossi#le de
vivre sa souffrane au lieu de herher à s’en li#érer! -l sem"le &ue cela soit
$ossi#le. récisons d’a"ord &u’il ne s’agit pas ici de faire référence aumasohisme ou de tom"er dans une a$ologie de la souffrance, mais de
reconnaître &u’il existe une $édagogie de la souffrane. ' condition decomprendre &ue ce n’est pas l’é$reuve de la souffrane &ui grandit l’homme,
mais la fore &ui est en lui afin de la surmonter. «-l %aut avoir bien peu
d’amour de l’humanité pour penser que c’est en se brisant qu’une vie
progresse» écrit ! ce propos )ertrand Pergel# dans La sou%%rance. En
réfléchissant sur son expérience des camps de concentration, )ettelheim est
parvenu ! la conclusion &u’il avait pu revenir vivant de ceuxci gr=ce ! l’énergie
positive de son moi, aux forces de la vie &u’il possédait en lui.
&es réserves faites, on $eut $oser que ’est l’e)$ériene de la souffrane qui
donne à la vie sa gravité, qui lui $ermet d’éha$$er à l’ordre de la frivolitéou du divertissement $ur4
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%avelle, dans Le mal et la sou%%rance, nous le rappelle: «elle 3la souffrance6
nous permet de mesurer le degré de sérieu# que nous sommes capable de
donner ! la vie». renons le cas de la maladie. ascal )ruc<ner écrit dans
L’euphorie perpétuelle «tout patient conna7t gr6ce ! son mal une intensi%ication parado#ale de l’e#istence». +’ a"ord «la maladie me rend ! moi:même». *oi
&ui ne suis ha"ituellement &’un «%au# sujet», me voil! confronté ! ma totale
su#jetivité. Mul ne peut décider pour moi, nul ne peut tre malade ou mourir !
ma place. +e plus ce moimme au&uel la maladie me renvoie n’est plus
insignifiant, puis&ue la maladie dramatise les évènements les plus simples du
&uotidien &ui en reIoivent une densité e)trême. (’est ainsi &ue l’état de malade
procure une $ersonnalité ! un individu. (’est pour&uoi la maladie invite si
souvent au réit. (omme le fait remar&uer ascal )ruc<ner «qu’on les combatte
ou qu’on > succombe, les maladies nous pourvoient d’une histoire».
L’e)em$le de .ietshe est ii aratéristique4 Miet8sche en effet a donné ! sa
maladie un sens om$liqué et magnifique. -l a toujours cherché ! écouter sa
maladie et en mme temps ! la dépasser. -l lui a toujours été reconnaissant de la
oo$ération déisive &u’elle avait apporté ! son itinéraire s$irituel.
Rétrospectivement, il lui apparut &ue l’unité de sa vie avait été faite par la
maladie. «La maladie est toujours la réponse, lorsque nous cherchons ! douter
de notre droit ! notre t6che, lorsque nous commen4ons ! nous la rendre en
quelque sorte plus %acile». 2inalement, la maladie fut le choc &ui li"éra Miet8sche de tout attachement extérieur. lle fut $our lui éole de $atiene, de
détahement, e)$ériene de dé$ossession4 «Le sens du dépouillement, c’est
toujours de détourner l’être de ce qu’il a pour le replier sur ce qu’il est». *ais
on peut aller encore plus loin et soutenir &ue c’est la souffrance &ui, en forIant
l’homme ! aller dans sa dernière profondeur, signe son vérita"le ate de
naissane. (’est la thèse de Miet8sche dans la &eu#i$me dissertation de La
généalogie de la morale: la souffrance &ue l’homme s’inflige ! luimme, !
partir du moment o/ il est contraint de vivre avec d’autres hommes, a pour
consé&uence inattendue la naissane de l’es$rit. (’est ce &ue Miet8sche appellela s$iritualisation de la souffrane. 0erminons par cet aphorisme de =insi
parlait Aarathoustra«+e ne sais qu’une chose au monde, c’est que l’homme a
besoin de ce qu’il > a de pire en lui pour parvenir ! ce qu’il > a de meilleur» .
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