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1
Quand je l'ai vu pour la première fois,
c'était près d'un café, à l'heure de
l'apéro. Il sortait du 30 de la rue Piat,
bizarrement coiffé, et vêtu d'un
pardessus trop grand, couleur noisette, qui
n'arrivait pas à dissimuler le bas d'un
pyjama à larges bandes grises et blanches.
Il était chaussé de charentaises usagées
et, dans cet accoutrement, portait à la
main une boite à lait en aluminium.
Il allait chercher son breuvage matinal
chez " Pompom" un diminutif donné, par les
gens du coin, au crémier italien du
2
quartier. Tout comme son voisin
Letourneau qui vendait son vin à la tireuse,
"Pompom" vendait son lait à la louche.
La seconde fois que je l'ai vu, c'était un
soir, très tard, dans le couloir de la
station de métro Pyrénées où j'étais venu
raccompagner ma copine du moment. Il
m'est apparu à l'instant précis où
j'embrassais une dernière fois ma
dulcinée, avant qu'elle n'attrape le dernier
métro. Il avait encore son même manteau
noisette et sur la tête un drôle de
"galure", un chapeau ridicule, genre
3
madrilène. Nous nous sommes regardés.
Son visage portait encore des traces de
maquillage et avait quelque chose de
pathétique... un clown triste ! Je regardai
s'éloigner un homme fourbu par sa soirée
de travail au cabaret, un artiste au début
de sa carrière ... Je regardais rentrer
chez lui, dans ses habits de scène, ...
Fernand Raynaud.
4
J’habitais alors, dans les années 50, rue
Jeanne d’Arc. Tout à côté le boulevard
Camélinat, Zéphirin de son prénom **, qui
partait de l’avenue Gabriel Péri pour
rejoindre l’avenue Laurent Cély presque à
l’emplacement de la nouvelle caserne des
pompiers. Au début du siècle ce secteur
s’appelait Rond-Point Croix des vignes. En
1950 pas d’autoroutes A15 ou A86, dans
un périmètre de 150 mètres de diamètre il
existait une dizaine de commerçants entre
la rue des collines, la rue Jules Larose et
l’avenue Laurent Cély.
5
Avec mon copain de travail, Serge, nous
allions souvent au bistrot pour prendre
notre café à l’heure du casse-croûte. Le
tenancier, Jules, avait pris la curieuse
habitude de mettre à notre disposition
des croissants cuits et d’autres pas cuits,
chacun pouvait choisir comme chez le
boulanger voisin. A côté chez le bougnat,
un auvergnat, on vendait du charbon en
même temps que les ballons de rouge se
vidaient, pendant que l’on pouvait faire des
concours de billard chez la Mère Renaud.
L’épicier de la rue des Collines vendait des
6
œufs cassés et des œufs pas cassés, Les
cassés, on devrait d’ailleurs dire fêlés,
étaient bien entendu moins chers mais
c’était déjà du bio, il venaient tous des
fermes voisines encore existantes. Rue
Jules Larose le boucher avait toujours une
tête de veau en vitrine, bref le quartier
était un microcosme de prétextes à
blagues et à canulars ce dont on ne se
privaient d’ailleurs pas.
Nous côtoyions souvent dans le quartier un
humoriste gennevillois observateur patient
de ces petits instants de vie du quartier,
7
référencé « bourreau d’enfants »,
Fernand Raynaud, qui mettait en pratique
ses plaisanteries bon enfant qui nous ont
tant fait rire. Devenu vedette nationale
Fernand venait souvent dans le quartier et
pour cause, il fréquentait assidument la
famille Caron de la rue Jules Larose et
plus particulièrement la fille ainée Renée
qui deviendra chanteuse.
Tous les habitants du quartier l’ont vu un
jour mettre en pratique ses blagues
devant notre auditoire populaire, notre
réaction à ses histoires tant sur la
8
plateforme des TN4 de la RATP du 139
que dans le « Café de la Poste », poste
aujourd’hui disparue, qui a vu naître le 22 à
Asnières. C'est en reprenant une anecdote
arrivée à Jean Nohain pendant son service
militaire qu'il fit un de ses sketches les
plus célèbres : Après avoir tiré un obus,
quel est le temps nécessaire au
refroidissement du fût du canon… Un
certain temps !
Dans un de ces films "La bande à papa"
apparaissent quelques séquences tournées
à l'ancienne mairie Place Jean Grandel.
9
Son comique peut incarner l'entrée de la
France dans une certaine modernité : La
prévention routière et le développement
de l'automobile, Le douanier raciste et les
travailleurs immigrés, le patron qui exige
qu’on dise Je m’amuse, le paysan Crésus et
le passage de la paysannerie à l’agriculture
intensive.
J'ai joué au foot avec Fernand Raynaud !
En effet son beau-frère Pierre Caron
habitait au 32 impasse des Chevrins,
aujourd'hui rue George Sand. Il était un
des "Castors" donc un de nos voisins
10
puisque nous habitions au 28. Bien que sa
notoriété commençât à poindre grâce à
l'émission "36 chandelles" il lui arrivait de
venir manger chez son beau-frère. A
l'époque notre rue était, comme écrit plus
haut, une impasse qui permettait aux
enfants de jouer au foot en toute
tranquillité. Un jour, Fernand Raynaud
venu déjeuner au 32 et dans l'après-midi il
est sorti quelques minutes pour faire
sérieusement avec nous, les mômes
"castors", quelques passes
footballistiques. C'était au début des
11
années 60, je m'en souviens très bien. Je
sais qu'ensuite il est revenu plusieurs fois
chez son beau-frère, mais c'était
incognito.
12
"Un copain de classe m'apprit que son
frère connaissait bien Fernand Reynaud. Il
allait régulièrement chez le fantaisiste qui
ainsi testait de nouveaux sketchs. C'est
par ce canal que j'ai su que Fernand
Reynaud, mort de trac, ne pouvait entrer
sur scène quand étant légèrement
pompette...
Cela n'avait pas d'incidence fâcheuse
jusqu'au jour où il s'acheta sa première
voiture. Car Fernand, devenu une vedette,
ne prenait plus le métro ... il avait une
voiture !
13
Pour en finir avec les explications - qu'il
devait fournir à son entourage - sur les
bosses qui apparaissaient fréquemment
sur son automobile, Fernand décida d'en
acheter une deuxième : identique à la
première, sa sœur-jumelle ... Ainsi, quand
l'une était au garage en réparation, il
roulait avec l'autre.
Une seule fois j'ai vu les deux voitures
garées l'une derrière l'autre dans la rue
Piat... Deux superbes Chevrolet "Bel Air"
blanches dont peu de gens savait à qui
elles appartenaient. Car, bien qu'ayant
14
débuté à la télévision dans l'émission "36
Chandelles" de Jean Nohain, Fernand
n'était guère connu des gens de notre
quartier, dont la majorité ne possédait pas
encore de téléviseurs ...seuls quelques
gens aisés, et certains commerçants
avaient accès à cette innovation.
Fernand vivra dans ce quartier du haut-
Belleville jusqu'a son mariage, et il ne
serait pas étonnant que ce soit chez
"Pompom", le crémier du coin qu'il eut
l'idée de son célèbre sketch " Les œufs
cassés et les pas cassés" ...
15
Fernand Raynaud est un artiste comique
de scène, français né le19 mai 1926 à
Clermont-Ferrand et mort le 28
septembre 1973 dans un accident de la
route au Cheix-sur-Morge, près de Riom.
Fernand Raynaud est parmi les artistes
comiques les plus connus en France, dans
les années 1950 et 1960. Initialement
16
homme de cabaret et de music-hall avec
des sketches et des chansons, il devient
une vedette nationale grâce à la télévision.
Son art comique consiste à présenter des
histoires drôles à base de situations
quotidiennes, qui mettent en scène le
Français moyen. Il y exploite avec
efficacité et talent des tours éprouvés de
la farce et du cirque : quiproquos,
absurdités, gaffes, art corporel du mime
et de la grimace, multiplicité d'accents,
fluidité du jeu alternant les différents
protagonistes au sein d'un même sketch,
17
mise en avant d'un personnage de benêt au
costume trop grand et qui n'est pas sans
évoquer une forme civile de l'Auguste.
Fernand Raynaud est né à Clermont-
Ferrand au sein de la cité ouvrière de
l'Oradou, bâtie par Michelin, où son père
était contremaître après avoir été
employé de la SNCF. Sa sœur Yolande, de
treize ans son aînée, deviendra un
18
personnage phare de ses sketches. À l'âge
de 15 ans, il quitte l'école après avoir
obtenu son certificat d'études.
Il travaillera quelque temps à la direction
régionale d'Auvergne, à l'INSEE. Il joue
au théâtre en amateur et exerce les
métiers de bobineur, commis d'architecte,
projectionniste de cinéma, terrassier au
camp d'aviation d'Aulnat. À l'âge de 15
ans, pendant la guerre, après une dernière
dispute avec son père, il part s'installer à
Paris. À l'age de 18 ans, il perd deux
doigts dans un accident de gare. Selon
19
l'anecdote, c'est épuisé par son travail et
soucieux de ne pas déranger un couple
qu'il s'installe discrètement et s'endort à
proximité d'une voie.
Un train lui arrache deux doigts de la main
gauche. Une autre version de l'accident
explique l'origine de la perte de ses deux
doigts par la manipulation accidentelle
d'une hache par l'un de ses amis, dans une
20
étable, à l'âge de 17 ans.
Depuis son arrivée à Paris, il fréquente
tous les soirs aux Folies Bergère les
spectacles comiques de l'époque.
Enchaînant quelques années de vaches
maigres, il débute dans les brasseries et
dans les cabarets une carrière d'amuseur
va le mener classiquement des numéros
intercalés aux premières parties de
spectacle enfin jusqu'au récital personnel,
en vedette et dans les salles les plus
prestigieuses de son époque.
21
Sa rencontre avec Jean Nohain au début
des années 1950 va décider de sa carrière.
Il participe à l'émission télévisée 36
chandelles, où il rencontre Roger Pierre et
Jean-Marc Thibault, Darry Cowl, Jacques
Courtois et Omer et Raymond Devos.
C'est en reprenant une anecdote arrivée à
Jean Nohain pendant son service militaire
qu'il fait un de ses sketches les plus
22
célèbres : Un certain temps1. En décembre
1957, il épouse la chanteuse Renée Caron.
Il habite Gennevilliers pendant plusieurs
années, et certains de ses sketches
porteront la trace des personnages qu'il
croisait, tel queLe 22 à Asnières, qui se
trouve de l'autre côté du boulevard.
Il connaît le triomphe au début des années
1960 pendant 18 mois au Théâtre des
Variétés, dans son spectacle Fernand
Raynaud Chaud. Puis il enchaîne les
tournées en France, au Canada, en Afrique
et dans le Pacifique. Il joue régulièrement
23
à l'Olympia et à Bobino.
En 1962, il produit Le Bourgeois
gentilhomme de Molière, où il interprète
Monsieur Jourdain. Un an plus tard, il joue
Sganarelle dans le Don Juan de Molière,
aux côtés de Georges Descrières.
En 1970, il propose un spectacle
entièrement mimé au Théâtre de la Ville,
intitulé Une heure sans paroles, qui connaît
24
un grand succès.
Le 28 septembre 1973, alors qu'il se rend
à Clermont-Ferrand pour y faire un gala au
profit d'ouvriers (milieu dont il était issu
et pour lequel il avait toujours gardé une
certaine tendresse) il se tue
accidentellement lorsque son coupé Rolls-
Royce Silver Shadowpercute à très vive
allure le mur du cimetière à l'entrée de
Cheix-sur-Morge (Puy-de-Dôme), entre
Aigueperse et Riom. Une plaque
commémorative signale cet endroit. Il
plaisantait avec ses amis :
25
« Elle est braque, cette voiture, il y a un
voyant Brakes (freins) qui reste tout le
temps allumé. »
Il est inhumé en Bourbonnais, au cimetière
(partie neuve) de Saint-Germain-des-
Fossés(Allier), ville aimée, où, enfant, il
passait ses vacances.
Il reste dans la mémoire collective de
plusieurs générations successives de
26
Français, avec ses sketches comme Le 22
à Asnières, Restons Français, Le plombier
et ses chansons amusantes qui ont marqué
son époque : Et v'lan passe moi l'éponge,
Avec l'ami bidasse, Lena, Telle qu'elle est.
Certaines de ses expressions sont restées
célèbres : « Bourreau d'enfant », « Heu-
reux ! », « Y a comme un défaut », « C'est
étudié pour », « Ç'a eu payé », « Tiens !
Voilà l'hallebardier ! », « C'est l'plombier !
», « Allo Tonton ? Pourquoi tu tousses ? »,
« Ingénieur à Grenoble ».
27
Son comique peut incarner l'entrée de la
France dans une certaine modernité : La
prévention routière et le développement
de l'automobile, Le douanier raciste et les
travailleurs immigrés, le patron qui exige
qu’on dise Je m’amuse, le paysan Crésus et
le passage de la paysannerie à l’agriculture
intensive.
Le comédien Jean Rochefort a créé à
partir des sketches de Fernand Raynaud
28
en 2004 un spectacle intitulé Heureux ?
qui connut un grand succès.
29
Nous sommes en 1953… Bals populaires,
entractes de cinémas, brasseries,
cabarets… Jean Schoubert se fait, sur la
terre parisienne un itinéraire déjà digne
d’un vrai routier du spectacle…
A Montmartre, on le voit « Chez ma
Cousine » , ou au « Tire-Bouchon », en
compagnie de Bernard Dimey. Chez
Patachou, déjà « coupeuse de cravates », il
accompagne régulièrement Jean-Claude
Darnal. Ce jour-là était présent un
chanteur débutant, s’accompagnant à la
guitare. Ce dernier souffla à Jean-Claude
30
Darnal: «Si tu n’avais pas eu un contrat
avec lui, je te l’aurais piqué, ton
Schoubert». Jean Schoubert venait de
manquer celui qui était en train de devenir
le grand Jacques Brel.
Pour les fêtes de fin d’année, le Sully
d’Auteuil avait engagé l’humoriste Fernand
Raynaud complètement inconnu encore. La
31
rencontre se fait dans la sympathie.
Fernand dit à Jean: «Je fais l’andouille, je
chante une chanson puis je fais un numéro
de mime… Tu n’auras qu’à me suivre au
piano…». Pas de partition. Pour toute
répétition, Fernand Raynaud chantonne
une vague mélodie: «T’es un peu belle
mignonne» que Jean capte tant bien que
mal… L’inquiétude tombe vite. En scène,
Fernand Raynaud est drôle et Jean
Schoubert assure dans un style ragtime a
la manière effrénée des pianistes du
burlesque. Le duo improvisé est vivement
32
applaudi par le public et félicité par le
patron du Sully… Ce soir-là, Fernand
Raynaud quitte Jean Schoubert en ces
termes: «Si un jour ça marche pour moi, je
te prendrai comme pianiste».
Il tiendra parole…
Fernand Raynaud devient très vite
populaire.
Ce jour-là, fébrile, Schoubert pousse pour
33
la première fois la porte des 3 Baudets,
près de la place Blanche. Cet endroit qu’on
appelle à juste titre, le tremplin du music-
hall, est orchestré par un grand
professionnel, Jacques Canetti. Cette
scène légendaire voit passer
successivement les Frères Jacques,
Juliette Gréco, Mouloudji, Catherine
Sauvage, Georges Brassens, Jacques Brel,
Félix Leclerc, Raymond Devos…
Fernand Raynaud a, ce jour là, appelé
Schoubert, mais sans rien lui préciser. On
doit juste répéter aux Trois Baudets,
34
c’est tout… Jean Schoubert et Fernand
Raynaud sont programmés avant Philippe
Clay, accompagné d’un pianiste bègue-
zozoteur qui déjà, déclenche l’hilarité dans
les coulisses, un certain Darry Cowl…
Mais Fernand, inconscient de l’inquiétude
de son pianiste non préparé , discute avec
les artistes, oubliant complètement la
35
répétition… Tout à coup, sans plus
d’explications, Fernand embarque
Schoubert dans sa Ford Vedette et ils
filent au Palais de Chaillot. C’est là qu’ils
vont se produire! Il y a des policiers
partout! Schoubert apprend qu’il vont
jouer pour un gala en présence du
président de la République René Coty! Et
ils n’ont même pas répété! Schoubert est
paniqué… Lorsqu’il arrive en scène, mort de
trac, il entame avec le seul morceau qu’il
connaît du répertoire de Fernand:
l’introduction de «T’es un peu belle
36
mignonne». Mais Fernand se lance dans un
registre complètement inattendu, très «
musique de chambre »… Schoubert
improvise, attendant le naufrage!
Puis la puissance comique de Fernand
Raynaud parvient à prendre le dessus et
Schoubert, qui, il y a peu, luttait dans la
tempête à bord du « Liberté » , en
professionnel aguerri redresse la barre…
37
C’est la fin du calvaire! C’est même surpris
que Schoubert entend crépiter les
applaudissements. Au moment où il croise
le regard de Fernand Raynaud, ils éclatent
tous deux d’un même fou rire, conscients
d‘être revenus de loin…
Telle fut la première scène publique de
Schoubert avec Fernand Raynaud… L’ange
de la farce, une fois de plus, était son
allié.
Mais avec un partenaire tel que Fernand
Raynaud, ce n’est plus une tempête, mais
un séisme que va devoir affronter
38
Schoubert… Fernand se familiarise très
vite avec cet outil encore artisanal qu’est
la télévision française, avec son unique
chaîne. Voilà le duo emporté dans le sillage
de Jean Nohain et des « 36 chandelles ».
Dans les coulisses de ce plateau
incroyable, on y voit, attendant d’entrer
en scène, toute une foule de figurants
multicolores, des bretonnes en costumes
39
traditionnels, des joueurs de binious, un «
Louis XV » , une « Pompadour », des
clowns, des chiens savants, des landais sur
leurs échasses, et arrivant après, un
Fernand Raynaud qui, avec un culot
désarmant, n’attendant même pas son
tour, s’empare de la scène, mettant le
malheureux Jean Nohain, débordé, dans le
plus profond des désarrois… Schoubert,
complice devenu victime, connaîtra de
nombreuses fois, lui aussi, ces
déconcertantes situations. Suite aux
improvisations et revirements fréquents
40
de son « partenaire-star » , on le verra
parfois venir en scène avec des costumes
invraisemblables. Tel ce jour où Fernand,
décidant brusquement de venir en scène
en smoking, réalise que son partenaire,
victime d’un de ces habituels malentendu,
est habillé en Néron!
«Pianiste sur mesure, je me suis adapté à
sa démesure…» dira Schoubert.
En 1956, la grande machine est en route…
C’est le temps des mythiques cabarets: le
Port du Salut, l’Echelle de Jacob, la Villa
d’Este, le Crazy Horse Saloon, les 3
41
Baudets…
Schoubert fut le témoin privilégié de ce
qui inspira la plupart des sketchs de
Fernand Raynaud.
La peur chronique qu’avait Fernand de
l’avion donna le sketch intitulé «le baptême
de l’air». Le fameux «y’a comme un
défaut» caricaturait ses éternels
préoccupations vestimentaires… Et il y a
42
bien sûr l’observation de ses
contemporains qui allait créer la galerie de
portraits composée de: Mlle Lelonbec, du
caporal-chef de carrière, du cantonnier
heureux, du «pauvre» paysan, des
«bidasses», de la «sœur»…
Le « 22 à Asnières » n’était pas une idée
originale de Fernand Raynaud… C’est
justement à Montmartre, chez Plumeau,
que son origine fut chaudement débattue à
la fin d‘une soirée particulièrement bien
arrosée
Sortant de chez Plumeau, rue Poulbot, il y
43
avait là Fernand Raynaud, Jean Schoubert
et l’humoriste Christian Mery. Ce dernier
harcelait Fernand en ces termes:
« Fernand, ton 22 à Asnières, c’est une
reprise de mon sketch «le Taxiphone» . Tu
me l’as piqué!
– Tu l’avais déposé, demanda Fernand?
– Heu! Non!
– Parce que tu comprends, quand moi je l’ai
déposé, personne ne m’a rien dit! »
Schoubert « racketteur » pour Guérini!
Un personnage aussi original que
Schoubert devait bien, tôt ou tard,
44
inspirer quelques idées à Fernand Raynaud.
Le sketch «Le racket » est né d’une
anecdote entre Schoubert et le célèbre
gangster Antoine Guérini.
C’était à Marseille, près du cours
Belzunce, où Guérini possédait le fameux
restaurant de prestige, le «Versailles» où
se produisait Fernand Raynaud. Pour faire
une blague à un ami cafetier, Guérini
45
demanda à Schoubert de se faire passer
pour un racketteur. Schoubert releva le
défi:
« Je ne viens pas pour boire mais pour
vous protéger, fit Schoubert au cafetier,
au départ vous donnez ce que vous voulez»
L’autre, surpris, regarda Schoubert.
« Ne bougez pas, fit l’homme à son bar, je
vais chercher ce qu’il faut »
Schoubert commença à pâlir, réalisant que
l’autre pouvait revenir avec une arme…
Mais Guérini, qui n’était pas loin, éclata de
rire:
46
« C’est une blague, Schoubert est le
pianiste de Fernand Raynaud…
– Je me disais aussi, il n’a pas vraiment le
physique… » répliqua l’autre.
Ce sketch fameux est directement inspiré
d’une rencontre entre Fernand et le
véritable «tonton» de Schoubert, un brave
homme, hôtelier de son état, qui,
47
téléphonant en présence de Fernand
Raynaud, désignait Schoubert sous le nom
de « Nono »(Jeannot). Schoubert, pour
s’amuser, un jour qu’il conduisait Fernand,
improvisa dans la voiture, à proximité de la
frontière, un scénario au téléphone entre
« Nono » et son «Tonton ». Il y était
question d’affaires louches, trafic
d’argent, passage de douane… Fernand,
amusé allait peu à peu, sans rien dire
enrichir la réplique, remixant le scénario à
la sauce marseillaise, y rajoutant un brin
de bicarbonate, un arrière-plan de mafia
48
de quartier , remplaçant « Nono » par «
Roro » …
Et un jour, au Casino de Pontaillac,
Schoubert, à son piano, assista stupéfait,
en direct, à la version « Fernand Raynaud
» de sa propre histoire. Le succès fut
immédiat! Le public, ne compris pas
pourquoi Schoubert se leva de son piano
avec un tel enthousiasme, ce jour-là, pour
applaudir la prestation de Fernand .
Et il y eu bien sûr les autres sketches,
vengeurs, dénonciateurs, d’un Fernand
Raynaud devenu corrosif… Ce qui était
49
bien dans le ton des années 68.
Le sketch du douanier-qui-n’est-pas-un-
imbécile n’avait rien à voir avec une
réponse vengeresse à l’un de ces passages
de douane un peu trop zélé dont étaient
coutumiers Fernand et Jean…
L’affaire est plus compliquée. Fernand
était en voiture, accompagné de
Schoubert et du comédien Michel Vocoret.
50
Et, comme cela arrivait souvent, un
automobiliste qui doublait reconnut
Fernand Raynaud au volant. Commença un
harcèlement à coup de grimaces et de
pitreries, qui dégénéra en «si-tu-me-
doubles-je-te-redoubles », qui dura
pendant des kilomètres. Jusqu’à
l’inévitable petite friction de pare-choc à
un feu rouge! Coupant court à toute
discussion, Fernand Raynaud, irrité,
redémarra, plantant là son «admirateur».
Un procès s’ensuivit…Les témoins étant le
« musicien », le « comédien », et, dans le
51
box des accusés: le « grand comique » du
moment, cela eut un effet médiatique
attirant immédiatement le public et la
presse . Ce ne fut probablement pas en
faveur de l‘accusé. Le juge, excédé de cet
afflux aussi inattendu que démesuré dans
la salle d’audience, perdra patience et
lancera: « Nous ne sommes pas ici au
spectacle! »
L’automobiliste était douanier… Succédant
au sketch du « douanier », un autre sketch
vengeur verra la jour… Cette fois-ci
Fernand Raynaud règlera ses comptes avec
52
la justice dans « Le président ».
Après la mort accidentelle de Fernand
Raynaud, sur la route de Clermont-Ferrand
le 28 septembre 1973, Schoubert dira, «
Il n‘aurait pas vécu vieux, je crois. Il était
trop angoissé…» On sait en effet, combien
ce mal n’épargne pas les grands
humoristes…
53
Pierre Perret écrira à l’attention de
Schoubert «Tu as partagé ses triomphes
et assuré sa perpétuelle angoisse de se
ramasser».
Fernand Raynaud, au temps où il venait
souvent à Paris, trouvait pratique de venir
répéter chez les parents de Schoubert, au
53, rue Lepic non loin de ce qui s’appelait
alors le théâtre Maubel, rue de l’Armée
d’Orient, où l’on présentait alors des
opéras et des ballets.
Si ce lieu s’appelle aujourd’hui Théâtre
Galabru, il a bien failli s’appeler, à cette
54
époque, Théâtre Fernand Raynaud… En
effet, celui-ci voulait l’acheter…
55
Fernand Raynaud fut avec Raymond Devos
le plus grand comique de la scène
française. Un comique sans vulgarité, ni
grossièreté, en dehors de l’actualité
immédiate. La télévision vient de diffuser
un très bon documentaire pour nous
rappeler que l’artiste est mort il y a 40
ans déjà.
On peut voir l’émotion de sa femme, les
yeux embués de larmes.
Il y a aussi Dominique Nohain, le champion
cycliste Raphaël Geminiani et son pianiste
Jean Schoubert qui le connait si bien. (On
56
voit même le jeune Jean Amadou que la
voix off ne signale pas).
Son fils, sa survivance aux traits près -
aux beaux yeux bleus- parle très bien du
disparu que l’on n’oubliera jamais. Pour
ceux qui l’ont connu et apprécié c’est une
évidence.
En 2013, on ne compte plus les rigolos de
la scène. Quelques-uns ont du talent. Peu
nombreux. Il ne faut pas confondre
vedette avec artiste.
Les pionniers du comique au music-hall
furent Robert Lamoureux, Roger Nicolas,
57
Raynaud, Devos, les Chansonniers…
Bourvil et Fernandel, eux, ont démarré par
la chanson.
Je ne parle pas des promoteurs de
spectacle qui ont des sketches qui
ressemblent à un meeting politique. N’est
pas Lenny Bruce qui veut. (Je range
l’époustouflant surdoué Le Luron parmi les
imitateurs dont il est le Roi incontesté).
58
Quand Coluche a démarré, Fernand
Raynaud s’est senti dépassé, ringardisé
parce que lui portait un costume alors que
le nouvel arrivé avait une salopette.
Devos a dit: “Avant Coluche, les gros mots
étaient réservés à la cour de récréation,
maintenant ils sont à la télévision…” Ce
genre de déclaration n’a pas été bien vue
par la pensée unique des gens qui disent
voter à gauche comme on va skier à
Avoriaz.
A la vérité, il y avait la place pour Raynaud,
Devos et Coluche comme il existe le Rouge,
59
le Blanc et le Noir.
Dans le documentaire, on apprend que
Raynaud était traqué par le fisc.
Un jour, il doit payer 300 000 F aux
impôts. Il regarde la somme et décide
d’aller s’acheter une Rolls, au même prix
que ce qu’il devait donner aux impôts. Un
acte de rébellion, un acte politique. Il
60
mourra dans cette voiture. Triste issue
pour un homme de cette trempe. Un
homme qui a fait tant de bien aux
Français.
Il avait décidé d’aller vivre à Nouméa car
là-bas, tout ce qu’il pouvait gagner hors de
Nouméa n’était pas imposable.
Bien sûr, il n’était pas un mauvais citoyen.
Parlons plutôt d’un homme excédé, épuisé,
à tel point qu’il avait dit à son fils qu’il
allait faire ses adieux au music-hall ! Il ne
savait pas si bien dire.
Quarante ans après sa mort, je n’ai rien
61
oublié de Fernand Raynaud.
Un as du comique d’observation, avec un
sens aigu du verbe. Un véritable auteur, un
écrivain scénique.
Son jeu est d’une efficacité rarement vue.
Il a inventé des expressions et en a rendu
d’autres historiques. Il ne faisait jamais
rire facilement en brocardant des guignols
62
de l’info. Pas un nom propre. Jamais.
Tous ses sketches résistent au
grignotement du temps.
Son défilé militaire est un sommet
inégalable.
Hélas ! la presse de l’époque ne savait pas
dire que Fernand Raynaud était un très
grand artiste. Les plumitifs se
contentaient de dire qu’il était populaire
comme si c’était une tare !
Du coup, il n’avait pas une haute
considération de ce qu’il fait, complexant
devant les gens de théâtre qui sont si
63
souvent d’un ennui insondable.
Ce mine grandiose était du niveau de Toto
qu’il adorait. Un mine qui avait pris la
parole.
Fernand Raynaud fut et reste un Daumier
verbal.
Pour comprendre les Français, il suffit de
le regarder à l’œuvre.
64
Il a fait rire la France comme Michel
Audiard au cinéma.
Un rire intelligent.
PS: j’ai toujours été frappé par les morts
successives de Raynaud, Coluche, Le Luron
et Desproges. Tous morts jeunes.
Pourquoi ? Une malédiction. Comme si les
puissants du bas monde avaient convoqué
l’au-delà…
65
A travers la baie, la campagne descend
jusqu'à la mer. Il est 15 heures, Fernand
Raynaud, sa tournée estivale terminée,
m'invite à passer en sa compagnie sa
première journée de vacances avant de
rejoindre Anthéor où l'attendent sa
femme, Renée Caron, et ses enfants.
Fernand est une vieille connaissance.
Notre amitié est née dans les derniers
jours de juillet 1959 dans un cirque. Tout
un symbole pour ce clown triste envahi par
le doute et bourré de générosité.
En ce mois d'août 1967, résistant
66
pour un court instant au confort ouaté
de l'hôtel en même temps qu'à la
béatitude dans laquelle nous plonge un
vieux calva, je demande à Fernand ce
qu'il a l'habitude de faire quand il ne
travaille pas. La réponse survient sous la
forme de boutade : « Quand je suis tout
seul, je me fais rire moi-même ». Le rire
de Fernand - semblable au
bruit d'une vieille voiture qui refuse de
partir - se répercute à travers le bar et
ricoche jusqu'à une table où un jeune
garçon de neuf ans est sagement assis
67
entre son papa et sa maman. L'enfant n'en
croit pas ses yeux : Fernand Raynaud, ce
comique qui l'a tant fait rire à la télévision
et dont il connaît par cœur les histoires
(« Bourreau d'enfants !») fait devant lui
un numéro que le public ignore : Fernand
magicien.
68
Il s'agit d'un numéro extraordinaire.
« Prends une carte, me dit-il, ne la
regarde pas. Bon, maintenant, cache-là où
tu veux ».
Le léger espace entre le dossier et le
siège du canapé me semble être une cache
sûre. Je joue le jeu, je n'ai pas regardé la
carte.
Nous sommes à cette heure creuse de
l'après-midi une demi-douzaine de
personnes assises au bar. Fernand Raynaud
demande à chacun d'écrire un numéro de
téléphone sur une feuille de papier.
69
Puis il ramasse les feuilles et me prie d'en
faire tirer une au hasard par la première
personne venue. Je désigne un groom de
passage. Alors Fernand nous demande de
le suivre jusqu'au standard téléphonique.
Il fait appeler le numéro tiré au sort.
Chose incroyable, j'entends au bout du fil
une voix inconnue me dire que la carte que
j'ai choisie est l'as de cœur.
Nous revenons au bar. Je tire la carte de
sa cachette. C'est bien l'as de cœur.
Fernand est hilare.
« Ya un truc, d'accord, mais t'as rien pigé,
70
hein ? Console-toi, j'ai fait ce numéro un
jour devant le ministre des Affaires
culturelles de Tunisie, eh bien, il n a rien
compris non plus le ministre de la Culture !
La prestidigitation, c'est mon violon
d'Ingres. Tout gosse, je m'y suis
intéressé en regardant faire les
autres. Tiens, c 'est comme la cuisine... »
71
Je connais les talents de conteur de
Fernand de mime également mais je me
demande ce que la cuisine vient faire dans
cette histoire.
Son pianiste, Jean Schoubert me
renseigne.
« Fernand, me glisse-t-il à l'oreille, c 'est
un trois étoiles au Michelin ».
Sans avoir le temps de me demander s'il
exagère ou non Fernand m'entraîne dans
les cuisines de l'hôtel. Il coiffe la toque et
entreprend de donner au chef - un maître
queux de Biarritz - un véritable cours
72
culinaire. Cela va du court-bouillon aux
escargots, de la pâte feuilletée cuite à feu
vif à la salade à l'huile de noix. Avec
l'accent de Balendar, c'est inénarrable.
« Des truffes noires sur un persil vert, c
'est si beau, soupire Fernand, que lorsque
tu amènes cela sur la table, les gens
applaudissent».
Est-ce la chaleur de la cuisine?
Nous remontons au bar pour prendre un
dernier verre.
Avec une idée derrière la tête je demande
à Fernand de me faire à nouveau le coup du
73
téléphone. J'inscris sur ma feuille mon
propre numéro sachant très bien qu'il n'y
a personne pour répondre. Je croyais
prendre Fernand au piège et c'est moi qui
suis le plus surpris : mon numéro sonne
occupé !
Pourtant Fernand a bien frôlé l'échec.
Mon confrère photographe, beaucoup plus
74
futé a inscrit sur sa feuille... le 22 à
Asnières.
En ce temps-là, les journalistes du siège
assuraient à tour de rôle une permanence
le samedi au Pré-Botté. Alors que j'étais
de service, un jour d'été en 1959 ou 1960,
coup de téléphone : « Bonjour. Ici Fernand
Raynaud. Pourriez-vous me passer Paul
Béguier ?
- Fernand Raynaud?
- Oui bien sûr, Fernand Raynaud. »
Nous étions à l'époque une bande de
jeunes à la Régionale qui étions aussi
75
forts pour faire des blagues que pour
préparer la copie et il me sembla bien
identifier la voix d'un copain : « Oh! Oh !
dis-je, ça ne prend pas mon vieux, tu veux
me faire marcher...
- Vous faire marcher, pas du tout ! Puisque
je vous dis que je suis Fernand Raynaud et
que je veux parler à Paul Béguier.»
Et moi de ricaner : « Ouais ! Ouais ! J'ai
76
bien reconnu ta voix gros malin. On en
parlera demain » et de raccrocher.
Le lendemain, en effet, on en parla mais
pas comme je le pensais. Paul Béguier vint
me trouver et me demanda pourquoi
j'avais refusé de prendre la
communication de Fernand Raynaud:
- Evidemment que c'était lui. Nous devions
nous rencontrer pour un projet de
tournée.»
Bon prince, Paul Béguier ne se fâcha pas
de ma bévue, il en rit même, ajoutant : «
Fernand Raynaud a fini par me joindre et
77
m'a raconté votre conversation.
Il n était pas content mais m a avoué que
ce n était pas la première fois que sembla-
ble déconvenue lui arrivait : " Quand je
téléphone, on ne me prend jamais au
sérieux..."»
En 1955, l'Auvergnat Fernand Raynaud
épouse, à Belleville, une jeune chanteuse,
Renée Caron, qui lui donnera deux enfants,
Pascal et Françoise. Les témoins du
mariage sont Roger Pierre, Jean-Marc
Thibault, Raymond Devos, Félix Leclerc,
Darry Cowl et Jean Nohain.
78
En février 1959, Fernand présente
son premier grand one-man-show au
théâtre des Variétés : deux heures seul en
scène pour 20 représentations. Le
spectacle tiendra plus d'un an, même
Charlie Chaplin viendra le voir.
Fin 1961, il s'offre Le Bourgeois
Gentilhomme au théâtre Hébertot dans
une mise en scène de Jean-Pierre Darras.
79
Deux ans plus tard, il joue Sganarelle dans
Don Juan aux côtés de Georges
Descrières, sous la direction de Robert
Manuel.
80
Fernand Raynaud, humoriste et acteur
français, personnage incontesté de la
télévision et du music-hall, auteur de
nombreux sketches à succès était une
vraie vedette populaire au sens premier du
terme. Il est amusant de constater que la
81
vocation première de cet artiste, qui
connut un fabuleux succès comme conteur
d’histoires, fut d’être mime. Le tour de
Fernand Raynaud valait, certes par les
mots, l’esprit mais aussi par l’épaisseur
qu’il donnait à ses personnages campés: on
n’oubliera pas de si tôt les attitudes
différentes qu’il faisait se succéder pour
évoquer "un régiment qui passe".
Fernand Raynaud aimait le cirque et ne se
contentait pas seulement de rendre
hommage à Grock dans une savoureuse
composition. Il présentât à deux reprises
82
son tour dans la sciure : une première fois
en 1957 sous la coupole de Medrano en
1957 et en 1959 sous le chapiteau d’Amar.
A cette époque il était courant que les
Cirques invitent des artistes de music-hall
à se produire. Fernand Raynaud fut un des
seuls à adapter son travail dans l’optique
du cercle enchanté en sortant de son
répertoire et en jouant avec brio des
entrées comiques. Ses deux prestations
dans ces deux hauts lieus de l’art de la
piste étaient très différentes. A
Medrano il interprétait neuf entrées
83
comiques où il alternaient les sketchs qui
l’avaient rendus célèbres, et des entrées
spécialement composées pour la piste
ronde, comme le numéro d’ânes dressés ou,
affublé avec un tutu et de son célèbre
chapeau mou il dansait avec les girls du
Cirque. Au cours de ce spectacle il était
entouré d’un personnage hors du commun
le géant Atlas avec qui il proposait
l’entrée comique des frères jumeaux. Par
contre chez Amar, les Comique des
Comiques, selon les affiches placardées
lors de la tournée, proposait avec André
84
Vylar et sa femme Renée Caron, une
prestation plus music-hall qui reposait
essentiellement sur son show. Donnée en
seconde partie, intercalé entre une
trapéziste (Lilian Kenny) et un numéro
d’acrobatie présenté par Les Tonely’s, la
prestation du natif de Clermont Ferrand
ne laissa pas cette fois-ci un souvenir
exceptionnel dans les mémoires des fans
du cirque Amar. Et devant ce succès
relatif Mustapha décida de préposer
dorénavant que des numéros issus du
cirque pour ses tournées futures.
85
86
Pascal Raynaud avait 15 ans lorsque le
célèbre humoriste s'est tué
BRUXELLES "Malheureusement - et j'en
suis tout à fait navré - aucune télévision,
en France, n'a voulu rendre un hommage à
Fernand Raynaud à l'occasion du 30e
anniversaire de sa disparition. J'ai
87
pourtant été en contact avec les
responsables pendant un an !"
Fernand Raynaud s'est tué au volant d'une
Rolls Royce, le 28 septembre 1973. Trente
ans plus tard, son fils, Pascal Raynaud (qui
lui ressemble énormément), a décidé, lui,
de retrousser les manches. Il sort deux
DVD consacrés aux sketches de son père.
Il y en aura d'autres. «Ce sont les
premiers volets de ses histoires. Tonton
pourquoi tu tousses ?, par exemple, n'est
pas repris ici. Ce sketch célèbre sera sur
le troisième. Il y aura aussi une Vie de
88
Fernand Raynaud que je réaliserai moi-
même. "
Vous gérez son patrimoine ?
«J'avais 15 ans lorsque mon père nous a
quittés. Ma sœur, elle, n'avait que 9 ans.
Mon père n'était plus là. Il fallait bien que
quelqu'un reprenne ça. Personnellement,
j'ai quand même eu ma carrière. J'ai été
compositeur pour pianos et orchestres.
J'ai fait des disques qui sont sortis en
Allemagne et au Japon. Mais je me suis
89
beaucoup occupé aussi de son œuvre. Ma
sœur a eu un enfant. Moi pas. Mais je
pense que, si papa avait encore été là, j'en
aurais. »
Il était un père présent ?
«Ah oui ! Il est vrai que dans les années
60, il devait partir souvent. Mais même
lorsqu'il se produisait à 400 kilomètres, il
roulait toute la nuit pour pouvoir rentrer
chez lui et dormir à la maison. En outre, la
dernière année, il a fait moins de galas. Il
90
était harcelé par le fisc, torturé
moralement. La solution à laquelle il
pensait était d'aller se produire à
l'étranger. Il pouvait se le permettre car
il était aussi un mime extraordinaire. C'est
alors qu'il faisait le mime dans un petit
cabaret que Jean Nohain l'a découvert. Il
lui a dit : Vous devriez vous faire
accompagner par un piano pendant le
numéro de mime. Papa lui a répondu :
Monsieur, vous n'y connaissez rien ! Ce qui
a beaucoup amusé Jean Nohain. Lui, le
monument de la radio, il avait tellement
91
l'habitude des flatteries. Il a engagé mon
père en lui demandant de créer une
histoire par semaine. Jean Nohain a aimé
mon père comme son propre fils.»
Fernand Raynaud avait la réputation
d'avoir très mauvais caractère.
«Il était entier, pas hypocrite pour un sou,
et, de temps en temps, cela choquait. A
l'inverse, il était généreux. Il aurait
offert une montre en or à quelqu'un dont il
était content. En tout cas, il ne distribuait
92
ni compliments ni critiques s'il ne le
pensait pas totalement. Il était
perfectionniste et, à cette époque, on
confondait un comique et un farceur.»
A la maison aussi, il était colérique ?
«Il avait des colères qui ne duraient pas.
Mais je garde surtout le souvenir d'un
père généreux. Cela dit, il ne nous achetait
pas forcément cher et n'importe quoi. Il
faisait des cadeaux intelligents. Pour mes
10 ans, j'ai reçu la collection complète de
93
Jules Verne. Il adorait aussi nous
emmener sur les fêtes foraines et les auto
tamponneuses. Malheureusement, on le
reconnaissait et nous devions nous enfuir.
Ca le gênait de ne pas avoir la vie de
l'homme simple.»
Il roulait en Rolls depuis longtemps?
«Il n'aimait pas la Rolls ! Il disait qu'elle
ne tenait pas la route. Nous avions une
autre voiture, une SM, pour les tournées
et les voyages. Malheureusement,
94
quelqu'un a volé la SM deux jours avant
l'accident. Ce jour-là, j'aurais dû
l'accompagner. Il me l'avait proposé. Puis,
il n'en avait plus parlé. Il est décédé sur la
route de Clermont-Ferrand, la ville où il
est né. Il partait y faire son gala d'adieu.
Aujourd'hui, à Clermont-Ferrand, une
petite rue porte son nom.»
95
Anecdotes diverses et variées
Fernand a acheté la magnifique villa "Les
Mimosas" à Anthéor-Le Trayas (Boulevard
Eugène Brieux) qu'il appelait aussi "les
pieds dans l'eau" (celle qui est à droite sur
la carte postale) parce que située en bord
de mer, avec une petite plage privée et un
"parking" à bateaux ou étaient entreposés
son caboteur le "Montez que" et le "riva" ;
il aimait y recevoir ses amis et à les faire
se cotoyer, c'est ce que m'a confirmé
Michel Vocoret lors de notre rencontre ;
Georges Debot (Irrésistible Fernand
96
Raynaud -ed Granchier) raconte " Fernand
n'a qu'une hantise ...: voir son adresse
jetée en pâture à la foule des curieux....
Madame Raynaud flâne dans les rues
d'Anthéor et tombe en arrêt devant une
carte postale illustrée...: c'est une vue
aérienne de la propriété, avec sa plage, son
port, son parc et ses palmiers....c'est au
dos de la carte que les choses se gâtent :
l'éditeur a précisé : "port des Mimosas,
propriété de M. Fernand Raynaud" ;
l'accès d'humeur que prend Fernand est
jupitérien...plusieurs centaines de cartes
97
ont été diffusées dans le Var et se
vendent comme des petits pains. Fernand
engage un procès contre la maison
d'édition....et obtient la saisie de tous les
exemplaires encore en vente."
"c'est par son sourire que Danièle Gilbert
s'est imposée ; il y a peu de temps, elle
était une animatrice presque anonyme à
"midi magazine" ; aujourd'hui, elle sillonne
98
la France de Paris à Cannes et de Cannes à
Paris. Le soir, elle présente le spectacle de
Fernand Raynaud qui, à Bobino, fait un
triomphe. A Cannes, elle est le sourire de
Midi Magazine dans le cadre du festival ;
et elle revient vers Paris pour retrouver
celui qui est devenu son grand ami,
l'homme du rire et des larmes, de la
dérision et de l'amitié, l'irresistible, le
doux-amer pour lequel on peut chaque jour
traverser la France".
99
Jean Amadou , grand ami de Fernand, lui
avait rendu hommage dans l'émission
"drôles d'histoires, Fernand Raynaud"
(FR3 ; aout 1999) :
"il avait l'angoisse de la vie, l'angoisse
avec les femmes, l'angoisse de l'argent ;
au départ il partait de rien ; le pognon,
100
c'était important, c'était pas seulement le
fait de s'acheter des voitures, il avait la
peur de l'avenir : si demain j'arrête, si
demain on ne m'aime plus, si je ne fais plus
ce métier, il faut que je mette de l'argent
de côté ; tout en étant généreux, il avait
le côté prévoyant des auvergnants et le
côté très large car il était capable de
grands gestes de générosité....
il ne supportait pas qu'il y ait du bruit
dans la salle ; il s'arrêtait, était capable
de sortir de scène ; il avait un truc
formidable : quand il était mal accueilli à
101
son entrée en scène, si les gens
n'applaudissaient pas, ça donnait ça, je l'ai
vu 50 fois : il regardait la salle, mimait
"pas d'applaudissement ?" et disait " et
voici pour terminer.." et il se fâchait. Un
jour au cours d'un sketch il apostrophe
une dame : "aussi vrai que cette dame
regarde son poudrier et qu'elle regarde la
beauté qu'elle a ; c'est un peu long ? j'en
ai pour 2 minutes et après je m'en vais ;
c'est exitant pour un artiste de voir une
dame qui (il mime la dame qui se poudre) je
parle à la dame qui a les cheveux gris et
102
les lunettes noires ; voila, je ne vous ai pas
dérangée ?".
Quelqu'un qui entre en scène et qui tient
le public pendant 2 heures sans le lâcher
sous les rafales de rire, ça, pour moi, c'est
extraordinaire.
Robert Lamoureux vient de nous quitter ;
103
Fernand, à ses débuts, avait été
impressionné de le voir arriver à Bobino
dans une traction neuve ; à propos de la
séduction Fernand déclarait : "les
fantaisistes comme Robert Lamoureux
doivent rester séduisants ; ils sont bien
habillés etc..donc ils plaisent aux femmes ;
les comiques, comme Devos et moi,
n'essaient pas de plaire".
Dans l'émission "drôles d'histoires,
Fernand Raynaud" (FR3 ; aout 1999)
Robert Lamoureux déclare :
"on ne pouvait pas ne pas penser qu'il allait
104
réussir ; c'était pas possible ; il avait la
marque du génie ce garçon, ça se
sentait.....il y avait deux Fernand Raynaud :
l'un était un génie, et il y avait un petit
Fernand derrière qui courait après, qui
courait derrière lui-même sans pouvoir se
rattraper ; il ne s'est jamais fait à l'idée
réelle de ce qu'il était, de son potentiel
comique ; son génie était plus grand que lui
...il avait du mal d'assumer son génie je
crois".
105
Dès que Fernand s'ennuyait (il était
incapable de rester à table plus de 10
minutes, parait-il) il demandait un jeu de
cartes (s'il n'en avait pas sur lui ; chez lui
il en a des centaines) et présentait
d'habiles tours ; il travaillait longuement
ses tours chez lui, s'informait auprès des
professionnels et dévoilait rarement ses
106
secrets. Mais Fernand était aussi un as de
la belote ; il y jouait n'importe quand,
n'importe ou mais pas avec n'importe qui !
Il voulait des adversaires à sa hauteur, ou
un peu moins car il avait horreur de
perdre. Ses deux adversaires préférés
étaient André Vylar (qu'il classe hors
concours ; ils se sont rencontrés en 1947 à
Clermont lors d'une audition publique) et
Etienne Meunier, dit André Clary (il
deviendra le secrétaire de Fernand ; il lui
attribue la note 18/20 mais "il triche" dira
de lui Fernand, dont on ne saura jamais si
107
lui même ne trichait pas, vue sa grande
dextérité par exemple à distribuer les
cartes !) ; Michel Vocoret, novice en la
matière, se souvient encore de la réaction
de Fernand alors qu'il venait d'annoncer
"un carré de sept" ! Jean Schoubert, l'un
de ses pianistes, a même consacré un
chapitre entier à "la belote" dans son
ouvrage "Fernand Raynaud", chez
Flammarion.
108
Lucien Bodard fut, entre-autres, grand
reporter à France Soir de 1948 à 1975 ; il
découvre Fernand, "ce grand comique,
petit homme triste, inégalable mime,
causeur infatigable", après avoir passé 15
jours et 15 nuits sans le quitter.
Il raconte (extrait de france-soir du
30sept-1er oct 1973) :
le gymkhana vers Paris...il fonce. Il est
dans une sorte de tension froide. Il est
silencieux, sombre, aux aguets.... Fernand,
le chapeau en bataille, la bouche en
bataille, le visage rouge, ruisselant, les
109
mouvements un peu tremblants, se lance
sur l'autoroute. Là, il conduit comme on
essaie sa chance à la roulette...A chaque
seconde, ce peut être la collision, la
bagarre, les injures....A l'entrée de Paris,
il fait une extraordinaire manoeuvre de
débordement, traversant des lignes, des
files, tournicotant dans des centaines de
voitures. Apothéose. Après d'énormes
coups de volant et d'énormes coups de
frein, Fernand s'arrête en première place
sous les bons regards d'un flic qui le
reconnait gentiment et dit "Bonjour
110
Monsieur Raynaud."
Fernand Raynaud, séducteur ?
Sa fille aborde la question dans un
magazine :
"Il attirait beaucoup les femmes ; il avait
un regard intense, des yeux
charmeurs...mais maman aussi était une
jolie brune aux yeux verts".
111
Quelques précisions dans une bibliographie
"Elle (sa bonne) et Renée (sa femme)
constituent son premier public et, bien que
misogyne dans l'âme, il est très sensible
aux réactions féminines......
et plus loin :
"S'il admet que son incroyable impact sur
le public est en grande partie redevable
aux femmes, il reconnait, sans l'ombre
d'un regret, qu'un comique n'est pas un
séducteur"
Et Fernand lui même de déclarer en 1970
dans "noir et blanc" :
112
les fantaisistes comme Robert Lamoureux
doivent rester séduisants ; ils sont bien
habillés etc..., donc ils plaisent aux
femmes ; les comiques n'essaient pas de
plaire ; vous savez, le comique c'est un
sacerdoce ; quand on veut faire ce métier,
on n'a pas le temps de penser à autre
chose ; les femmes elle même passent au
second plan"
Et toujours Fernand à Lucien Bodard en
juin 1970 qui lui demande "dites, du côté
des dames, ça a l'air de marcher"
il répond :
113
"Peu ; nous, on est des comiques ; les
dames, vous savez, elles n'en font pas
leurs choux gras ; autrefois les comiques
étaient des excommuniés ; maintenant, ils
sont encore un peu maudits, on ne les
respecte pas vraiment".
Et Lucien Bodard d'ajouter : "et c'est ça
le drame de Fernand".
114
Fernand Raynaud, Philippe Bouvard et
l'automobile !
" Je l'ai connu chez Jean Nohain, dont je
fus à mes débuts - ça ne me rajeunit guère
- le cinquième assistant. Fernand était
déjà une énorme vedette. Il avait conquis
sa popularité en créant un personnage de
monsieur tout-le-monde, mal habillé ("Y a
comme un défaut") qui, avec une diction
hésitante, narrait toutes les mauvaises
surprises de sa vie quotidienne.
Au cinéma, il n'avait pas accroché. Mais
115
sur scène, il était imbattable et rien que
ses mimiques mettaient en joie un public
dont il ne tolérait pas la moindre baisse
d'attention. S'il entendait une réflexion
ou un froissement d'un papier de bonbon,
s'il voyait des amoureux se bécoter, il
s'arrêtait net et prenait méchamment les
coupables à partie.
Entre deux sketches, il passait en coulisse
boire une rasade de ce vin blanc qui, avec
l'habitude, était devenu l'indispensable
carburant de son moteur artistique.
Nous étions assez amis pour qu'un soir
116
d'été sur la Côte d'Azur, où nous avions
diné ensemble avec nos épouses
respectives, il nous propose, pour nous
épargner le train, de nous assurer une
liaison rapide de la promenade des Anglais
à la Croisette. Rapide : le mot est faible...
Au volant d'une puissante voiture, Fernand
conduisait comme on se suicide. Observant
en connaisseur dans le rétroviseur la
panique de ses passagers morts de peur
sur la banquette arrière, il prenait tous les
risques.
A l'époque l'autoroute n'existait pas
117
entre Nice et Cannes. Et sur la nationale
7, la voie était souvent unique. Fernand se
souciait de la signalisation et du code de la
route comme d'une guigne. Il doublait en
haut des côtes, mordait furieusement sur
la ligne jaune, multipliait les queues de
poisson. Il ressentait chaque débordement
comme un exploit, injuriant les
automobilistes qui le précédaient,
aveuglant ceux qui roulaient dans le sens
inverse.
Une "promenade" inoubliable. Jamais je
n'ai été aussi étonné - même en avion,
118
mode de transport que je déteste -
d'arriver intact à destination.
... C'est dire si, quelques années plus tard,
j'ai eu un flash-back en apprenant que
Fernand venait de se tuer en percutant
avec son beau cabriolet blanc le mur d'un
cimetière de province ... Sept. 1973.
119
Au début des années 50, Fernand Raynaud
était déjà venu à Genève pour son premier
contrat en Suisse. C'était à La boîte à
musique, rue de la Rôtisserie, une demi-
heure sur scène, avec pour cachet environ
15 francs par soirée. A l'époque il était,
dit-on, venu de Paris à vélomoteur.
Dix ans plus tard, toujours à Genève, il
remplissait plusieurs jours de suite la
Salle de la Réformation, 1800 places, la
Comédie ou le Casino-Théatre.
Angoissé, Fernand Raynaud était parfois
d'un accès difficile, mais c'est en faisant
120
le pitre qu'il préfère débarquer de l'avion
à Cointrin en mars 1963.
Michel Vocoret, son ami que j'ai rencontré
en novembre 2009, m'a confié l'anecdote
suivante :
"nous sommes partis en avion de Bordeaux
à Genève ; toujours inquiet, Fernand me
demande si je n'ai rien oublié ; réponse
négative ! arrivé à Genève, Fernand
s'aperçoit qu'il avait oublié son passeport ;
malgré ses protestations, les douaniers
l'ont retenu et ne l'ont lâché que 20
minutes avant le début du spectacle".
121
le 17 août, Claude Lelouch livre ses
souvenirs au micro d'Alexandre Ruiz sur
europe1 après avoir entendu "Toto en
pension" :
"en plus, je l'ai bien connu ; il fait partie
de ceux qui m'ont vraiment fait rire ; je
l'ai connu à titre personnel ; je me
souviens d'une soirée passée chez un ami
qui a de très, très beaux tableaux et qui
122
avait un très beau Picasso ; et Fernand lui
avait conseillé de le mettre dans les
toilettes car, dit-il, c'est là qu'on a le
temps d'apprécier tous les jours ; les
chefs d'oeuvre, on devrait les mettre
dans les toilettes, là ou on a le temps de
les regarder, dans le salon on passe...il
avait de grands moments de tristesse ; je
l'ai vu arriver au casino de Deauville ou il
devait jouer avec 2 heures de retard ; les
gens l'ont sifflé, hué, et comme il a été
humilié ce soir là, il a joué jusqu'à 5
heures du matin ; et ça a été du délire, il
123
nous a offert 5 heures de spectacle pour
se faire pardonner. C'était un personnage
très étonnant et c'est vrai qu'il était
constamment dans la vérité ; j'avais un peu
discuté avec lui et il disait : s'il n'y a pas
un parfum de vérité dans mon sketch, ça
tient pas la route".
124
"Le racket" est l'un des sketches connus
de Fernand ; il raconte l'histoire d'un
"débutant racketteur" qui s'est mis en
tête de faire "cracher" un patron de bar,
qui lui n'est pas un débutant ; et les
prétentions du racketteur s'amenuisent au
fur et à mesure que le sketch se déroule,
le patron se faisant, lui, de plus en plus
menaçant ; finalement, celui ci repartira
non seulement sans argent car il s'est fait
dérober son portefeuille, mais après avoir
pris un verre d'eau en pleine figure !
Quelle a pu être l'inspiration de Fernand ?
125
Au cours de l'émission qui lui était
consacrée "nous nous sommes tant aimés"
diffusée le 9 juin 2010 sur France3,
Fernand raconte dans un document INA la
"mésaventure" qui lui est arrivée en 1961.
Dans les grandes lignes : le 20 juillet de
cette année là, un individu armé se faisant
passer pour un membre de l'OAS pénètre
dans la villa ou toute la famille est réunie
et exige de recevoir 15 millions ; après
discussion, les exigences tombent à 4
millions que Mme Raynaud va chercher en
liquide à la banque. Le mystérieux
126
personnage ne sera retrouvé que 12 ans
plus tard, quand il menacera de faire
sauter les locaux de RTL si on ne lui
accorde pas un temps d'antenne pour
exposer ses "idées" ; arrêté, il avouera
qu'il était le racketteur de la famille
Raynaud.
127
En 1959, Louise de Vilmorin assiste à une
représentation du cirque Amar à
Angoulême ; Fernand Raynaud a été engagé
pour faire une tournée de 10 mois ( à
cette époque, il était fréquent que les
artistes soient enrôlés dans les cirques ;
c'est ainsi que j'ai pu assister au tour de
chant de Gloria Lasso sous le chapiteau du
cirque Pinder dans la bonne ville
ardennaise de Mézières) ; au cours du
spectacle, il fait quelques entrées
comiques et interprète quelques sketches
(les mauvaises langues disent qu'il s'est
128
acheté sa magnifique villa d'Anthéor avec
l'argent gagné au cours de cette tournée)
; elle écrit :
"le chapiteau d'un cirque est un ciel
humain et Fernand Raynaud était, l'été
dernier, l'étoile du cirque Amar...; j'ai
donc vu briller Fernand Raynaud. Fernand
Raynaud n'est pas drôle parce qu'il est
drôle, mais parce qu'il sait qu'il a le talent
d'amuser ; on a le sentiment qu'il se
sacrifie aux volontés de sa
légende...Fernand Raynaud est l'un de mes
inoubliables".
129
Elle assistera par la suite à plusieurs de
ses spectacles ; pour la remercier de son
"assiduité", Fernand lui fera envoyer un
énorme bouquet de roses. Le 27 avril
1965, elle lui répond par un "mot de billet"
envoyé depuis sa résidence de Verrières ;
sur la feuille de papier à lettres, deux
trèfles à quatre feuilles, son emblème
qu'elle a elle même dessiné
et dont la queue forme la lettre L.
Dans le coin haut à gauche, l'un, petit,
porte dans les quatre feuilles : je
reviendrai - bientôt - vous - applaudir
130
Dans les quatre feuilles de l'autre, plus
gros, en pleine page, on peut lire :
Mon cher Fernand Raynaud votre pensée
me touche
Profondément et c’est d’un cœur sincère
que je vous en remercie. Vos fleurs sont si
Belles qu’elles font l’enchantement de
notre maison. Je les soigne, je les dorlote,
je les contemple
Et je les aime en vous envoyant toujours
mes sentiments d’admiration et de très
amicale gratitude ; votre...
Le 10 avril 1966, Louise fut l'invitée
131
principale de la première d'une série
d'émissions de Guy Béart et Raoul Sangla
"bienvenue à..." ; à la suite de cette
émission, elle reçut plus de 3000 lettres
de téléspectateurs ; Fernand Raynaud,
présent sur le plateau, dira : "c'est du
grand art".
132
Fernand a enregistré environ 25 chansons
dont la plus célèbre reste certainement
"et v'lan, passe moi l'éponge" ; certains
affirment que Fernand l'aurait "piquée" à
Jacques Martin qui en est l'auteur, avec
Jean Baitzouroff, dit Popoff, qui
accompagnait souvent musicalement
Jacques avec sa formation (dont faisait
partie Bob Quibel) ; voici la version donnée
par Danièle Evenou, qui fut l'épouse de
Jacques, sur Europe1 le 5/08 dans
l'émission MDR, version qui met fin à la
polémique :
133
"c'était sur une radio concurrente,
Jacques est en direct entrain de faire une
émission et il entend une chanson
tellement bête qu'il dit en direct : "bon, on
va vous en passer une autre et moi
pendant ce temps là je vais vous en faire
une encore plus con" ; et il écrit cette
chanson "et vl'an..." ; après, il la chante en
direct ; Fernand Raynaud qui est dans sa
voiture entend ça à la radio, il fonce vers
RTL, et alors que Jacques avait dit "plus
con c'est difficile", va directement au
studio et dit "Jacquot, je veux la chanter"
134
; c'est arrivé comme ça, et ça a rapporté
beaucoup d'argent à Jacques".
135
Fernand Raynaud se tue dans un accident
de la route à Cheix sur Morge à l'âge de
47 ans ; on pourra lire dans France Soir du
21 octobre :"on n'a pas fini de
s'interroger sur les circonstances exactes
de la mort de Fernand Raynaud : vitesse
excessive ou malaise ? L'enquête
s'annonce difficile. Une chose est sûre : le
virage dans lequel le coupé Rolls du
célèbre fantaisiste s'est déporté, avant le
136
choc contre la bétaillère, jouit dans le
pays d'une double et paradoxale
réputation : insignifiant pour les uns,
"traitre" pour les autres. A la gendarmerie
de Riom, on estime qu'il ne présente pas
de danger particulier à condition de
l'aborder à une vitesse raisonnable.
Pourtant, on y dénombra d'autres morts :
4 portugais voilà moins de trois mois, trois
jeunes gens en "2 cv" il y a quelques
semaines et maintenant Fernand Raynaud."
Dans la rétrospective de fin d'année 1973
d'un autre journal (Paris match ) on
137
trouvera l'article ci-dessous :
"Heureux, je suis heureux" disait le
cantonnier du sketch. Heureux, Fernand
Raynaud, lui, ne l'était pas. C'est vrai que,
cantonnier, il ne l'était plus. Et en montant
à Paris en bicyclette, cet ancien terrassier
au camp d'aviation d' Aulnat pédalait, sur
le grand braquet, vers son destin : celui de
comique. Angoissé. Angoissé ? Comment
Fernand Raynaud ne l'aurait-il pas été : il
prenait ses histoires dans la vie. Ses yeux
étaient des rayons X. Il se couchait
rarement avant 6 heures du matin, pour
138
s'imbiber dans les bars des
préoccupations des français. Souvent il
prenait sa voiture et roulait seul dans la
nuit à grande vitesse pendant des
centaines de kilomètres . Que cherchait-il
au bout de la route ? Lui-même. Le 28
septembre, Fernand Raynaud se rendait à
Clermont-Ferrand pour annoncer
officiellement qu'il se retirait de la scène.
Il avait réservé cette nouvelle à sa ville
natale où il devait donner un dernier gala
au profit des personnes âgées. Il avait
quitté Clermont-Ferrand à vélo. Trente
139
ans plus tard, il y revenait. En enfant
prodige. En Rolls Royce. Pour s'y tuer.
La gendarmerie a noté laconiquement dans
son rapport " dans le virage à l'entrée de
cheix sur Morge, la Rolls-Royce a évité une
bétaillère avant de venir percuter le mur
du cimetière" ; cruelle destinée....qui n'est
pas sans faire penser à celle de Coluche.
140
Retrouvé dans le journal télévisé de
l'époque (i.n.f.2) diffusé à 20 heures le
témoignage du chauffeur de la bétaillère,
principal témoin de l'accident dont a été
victime Fernand. Le dialogue entre lui et
un journaliste de la station de Clermont-
Ferrand est retranscrit intégralement ci-
dessous :
Chauffeur : j'ai vu arriver la voiture, c'est
tout ; il a essayé d'éviter les deux
voitures, il en a accroché une ; moi je l'ai
vu arriver ; j'ai foutu un coup de volant,
c'est tout.
141
Journaliste : vous n'avez rien pu faire
pour éviter la voiture ?
Chauffeur : si, j'ai essayé de braquer le
camion, je suis monté sur l'accotement
mais il était trop tard, il arrivait tellement
à une allure vite, j'ai pas pu l'éviter.
Journaliste : il roulait vraiment très vite ?
(le chauffeur, très ému, se met à pleurer)
il ne faut pas pleurer, vous n'êtes pas
responsable de cet accident.
chauffeur : oui, mais (voix de sa femme :
c'est pas de ta faute, en plus) j'ai rien pu
faire.
142
Dans un article précédent "1973, la
tristesse de ses admirateurs" j'ai énoncé
que le rapport de police stipule " la rolls a
évité une bétaillère..." ; en consultant le
journal France-soir du 30 septembre 1973
qui annonce le décès de Fernand je relève :
"...il fait encore clair à 17h30 et sa vitesse
n'est pas exagérée pour un véhicule de
143
cette puissance...il négocie mal le virage, la
puissante voiture anglaise mord
légèrement la ligne jaune, à l'instant ou, en
sens inverse, arrive une Volkwagen qui elle,
tient bien sa droite. Il l'effleure
légèrement mais cela suffit pour
déséquilibrer la Rolls qui continue sa
trajectoire en zigzaguant. Derrière la
volkwagen vient la bétaillère de Monsieur
Lasnier : Fernand la percute avec une telle
violence que l'enquête établira plus tard
que c'est probablement à cet instant qu'il
a été tué sur le coup ; mais la course folle
144
du véhicule n'est pas terminée : il fera
encore près d'une centaine de mètres
avant de s'écraser définitivement près du
petit cimetière".
Le lundi premier octobre 1973, 4000
personnes ont assisté aux obsèques de
Fernand en l'église du Sacré Coeur de
145
Clermont -Ferrand ; des centaines d'amis
célèbres, artistes ou peronnalités du
spectacle (Jean Nohain qui l'a lançé,
Thierry Le Luron, Jean-Marc Thibault qui
fut l'un des témoins lors de son mariage
avec son compère Roger Pierre, Jean-
Jacques Debout, Jean Rigaux, Jack Ary,
Sheila, André Vilar, son secrétaire Etienne
Meunier, le champion cycliste Raphael
Géminiani...) et tous les amis du quartier
de l'Oradou étaient là ; il fallut plusieurs
véhicules pour transporter les
innombrables gerbes et couronnes
146
envoyées (R. Devos, les compagnons de la
chanson, Jacqueline Mailland, Robert
Rocca le chansonnier, Jean Richard lui
même victime d'un accident qui a falli lui
couter la vie.....) ; au cours de l'office, le
chanoine Pourcher a déclaré "Fernand
était de ceux qui rendent un service
incomparable à tous ceux qui en ont besoin
en cette période fébrile : faire rire....nous
avons besoin de rire ; il l'avait compris car
il nous faisait rire à notre mesure". Après
la cérémonie, le cortège a pris la direction
de St Germain des Fossés ou Fernand a
147
été inhumé.
148
Fais le Chien
Toto (pleure à chaudes larmes.) : Papa!
Père : Quoi !
Toto : T'es jamais gentil avec moi, amuse-
toi un peu avec moi.
Père : J'arrive du travail, laisse-moi lire
mon journal et après nous
jouerons.
Toto (en criant et en pleurant.) : Si,
amuse-toi avec moi tout de suite...
Ah! ah! ah!
Les voisins : BOURREAU D'ENFANTS!
149
BOURREAU D'ENFANTS!
Père : Tu vas te taire !
Toto : Ah !.. ah ! ah ! non, amuse-toi avec
moi.
Père : Mais qu'est-ce que tu veux que je
fasse pour t'amuser?
Toto : T'as qu'à faire le chien.
Père : Le... quoi?
Toto : Le chien.
Père : Non, je ne veux pas faire le chien
laisse-moi lire mon journal.
Toto (pleure en criant.) : Amuse-toi avec
moi, fais le chien, ah!.. ah!...
150
Les voisins : BOURREAU D'ENFANTS!
BOURREAU D'ENFANTS!
La belle-mère : Mon gendre vous devriez...
Père : Ah! vous, fichez-moi la paix ou
retournez à Clermont-Ferrand.
Toto : Papa, fais le chien, papa, fais le
chien.
Père : Mais après tu me ficheras la paix?
Toto : Oui.
Père (aboie) : Tiens, là, comme ça...
Toto : Non, mets-toi là, mieux, à quatre
pattes.
Père : Oh! ce gosse... et puis je ne veux
151
pas, fiche-moi la paix.
(Le gosse crie et tape des pieds en
hurlant.)
Les voisins : BOURREAU D'ENFANTS!
BOURREAU D'ENFANTS!
Toto : Papa, fais le chien... abois.
Père : Ouah!.. ouah!
Toto : Mieux que ça.
Père : Ouah!.. ouah!
Toto : Plus fort.
Père : Ouah! ouah!
Toto : Mieux que ça.
Père (au paroxysme de la colère.) : Ouah!
152
ouah! ouah!
Toto (lui donnant un coup de pied.) : Il me
mordrait bien cette
andouille!..
153
L'Augmentation
Le directeur d'une grande entreprise dans
son bureau. Un employé.
LE DIRECTEUR : Quatre cent quatre-
vingt-cinq millions, plus neuf cent
quatre-vingt-quinze millions plus trois
millions... Qu'est-ce que c'est
que ces trois petits millions là? Ah Oui!
C'est des francs suisses! (On
frappe à la porte) Entrez.
L'EMPLOYE : Bonjour, monsieur le
directeur...J'm'excuse de venir dans ...
154
De venir vous déranger dans votre joli
bureau tout en acajou. Je voulais
presque poser mes chaussures pour ne pas
abîmer la moquette verte. Je
venais vous trouver, monsieur le directeur,
c'est ma femme qui m'a dit «Il
vaut mieux s’adresser à ses saints qu’au
Bon Dieu!» Alors c'est ...
LE DIRECTEUR : Ecoutez! J'ai absolument
rien compris à ce que vous m'avez
dit! Qu'est-ce que vous voulez?
L'EMPLOYÉ : Bonjour, monsieur le
directeur, j'm'excuse de vous demander
155
pardon... Ecoutez, je venais vous dire que
je travaille chez vous depuis
pas mal d'années et puis que je gagne
toujours vingt-neuf mille francs par
mois... et puis j'ai dix mille francs d'hôtel,
alors, avec ce qu'il reste,
forcément, j'y arrive, oui, mais alors, faut
tirer quoi! C'est pour ça que
je suis venu vous trouver...
LE DIRECTEUR : Bravo! Il y a des
employés qui parlent entre eux, qui vont
trouver leur contremaître, et vous, vous
venez trouver directement le
156
grand patron! Bravo! Alors? Qu'est-ce qui
ne va pas?
L'EMPLOYÉ : J'étais venu vous dire,
monsieur le directeur, monsieur
l'patron... Que je gagnais vingt-neuf mille
francs par mois et puis j'ai
dix mille francs d'hôtel...
LE DIRECTEUR : Vous me diriez que vous
y arrivez, que je ne vous croirais
pas!
L'EMPLOYÉ : Oh! Ça fait plaisir que vous
m'compreniez, voyez, vous avez
beau rouler avec vos millions, quand on
157
vous voit rouler le matin dans
votre Chrysler, l'air las... Dans le fond,
vous êtes un homme sensible,
comme les autres, pas vrai?
LE DIRECTEUR : Mais bien sûr! Et voilà ce
que je vais faire...
L'EMPLOYÉ : Qu'est-ce que vous allez
faire?
(Le téléphone sonne.)
LE DIRECTEUR : Pardon! Téléphone...
Allô... De Rio de Janeiro? Oui!
Adressez-vous à mon premier secrétaire!
Il est occupé? Et le deuxième? Il
158
n'est pas là! Passez-le-moi! Allô! Yousseff!
Comment allez-vous? Tiens!
Qu'est-ce que vous faites en Amérique du
Sud? Comment ça? Vous annulez les
postes de radio français? Vous préférez
acheter des postes allemands? La
qualité est meilleure mais enfin! Quand
même! Vous savez que la
présentation des postes français est plus
élégante et sur la vente, c'est
ce qui compte! Vous annulez quand même!
Mais vous savez que ça monte à six
cents millions cette histoire-là! C'est
159
irrémédiable! Vous annulez! Une
seconde s'il vous plaît! (En aparté :)
Qu'est-ce que je pourrais faire?
Allô! Vous savez que je suis associé avec
And Goye! D'Amérique du Sud! Je
crois que votre associé a versé trois cents
millions d'arrhes pour le
guano? Et si vous ne prenez pas mes
postes, vous seriez susceptible de
perdre ces arrhes! Ah! Vous allez
réfléchir! Alors je crois quand même
qu'on peut vous expédier pour six cents
millions de postes! C'est ça! Très
160
bien! Au revoir!... Mes hommages à
Madame! Sept cent huit millions plus
quatre cents millions... Qu'est-ce que vous
foutez là, vous?
L'EMPLOYÉ : J'étais v'nu vous dire que
j'gagnais vingt-neuf millions...
vingt-neuf mille... vingt-neuf mille francs
par mois et que je payais dix
millions... Euh, dix mille francs d'hôtel par
mois...
LE DIRECTEUR : Ah! Bien sûr! Vingt-neuf
mille francs par mois, dix mille
francs d'hôtel! Je vais en parler à ma
161
secrétaire et venez me trouver
vendredi! Et croyez-moi, d'ici là, je vous
aurai trouvé un hôtel moins
cher!
162
La note de l'auberge
Client : Pauvres estivants... Ah! Oui!
Parlons-en du confort de certaines
«hostelleries»! C'est archaïque! Et les prix
donc! Dites donc, patron! S'il vous plaît,
monsieur l'aubergiste! Oh!
Patron : Oui! Qu'y a-t-il?
Client : Qu'est-ce que c'est que cette
note? Votre hôtel est pourri, oui, pourri!
Il y a l'eau au rez-de-chaussée, les
163
toilettes de l'autre côté du jardin, des
draps qui sentent le chien et j'en passe...
Patron : Des draps qui sentent le chien? ça
par exemple!
Client : Parfaitement!
Patron : Et alors? Vous n'aimez pas les
animaux?
Client : Passons... Mais, dites-moi, je
remarque sur la note, à côté de «total à
164
payer», que vous avez ajouté: «Pour
l'électricité, supplément dix francs.»
Patron : C'est exact!
Client : Mais il n'y a pas l'électricité dans
votre hôtel, on s'éclaire à la bougie!
Patron : Ah! Oui!
Client : A la bougie! Vous vous rendez
compte, à notre époque! ça, c'est trop
fort! Et en plus, vous avez le toupet de
165
me réclamer un supplément de dix francs
pour l'électricité! Non mais! Vous me
prenez pour un imbécile!
Patron : Eh bien! Justement, c'est pour la
faire installer, l'électricité!
166
Le béret
Père : Dites donc! Dites donc! C'est vous
qui avez sauvé mon fils
de la noyade?
Sauveteur : Oui. C'est moi. Quoi, je n'ai
fait que mon devoir!
Père : Ah! c'est vous?
Sauveteur : Oui. Il se promenait sur les
bords de la Seine, sur
167
la rambarde, et puis il a glissé, il est
tombé à l'eau. Alors, j'ai fait ni une ni
deux, j'ai plongé, et puis c'est tout, quoi!
Père : Ah! c'est vous qui avez sauvé mon
fils de la noyade...
Sauveteur : Oui. C'est moi. Il y avait des
tourbillons, je l'ai attrapé par les
cheveux, je l'ai ramené sur la berge,
j'ai nagé entre deux eaux... On lui a fait la
respiration artificielle et puis on l'a
sauvé!
168
Père : Ah c'est vous?
Sauveteur : Oui, c'est moi...
Père : Et son béret hein! Son béret
qu'est-ce que vous en avez fait?
FIN
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