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1. INTRODUCTION
L’influence de l’évolution des salaires sur les performances macroéconomiques fait
depuis peu l’objet d’une attention accrue dans le cadre de la surveillance
économique au sein de l’Union européenne:
1. Les variations des salaires sont l’un des
principaux moyens d’ajuster l’offre et la demande de main-d’œuvre et
d’influencer directement les résultats en matière d’emploi. Par conséquent, une
croissance des salaires trop faible ou
trop soutenue (par rapport à la croissance de la productivité et des
prix) pourrait être le signe de déséquilibres au niveau de la main-
d’œuvre et des marchés des produits. Ce phénomène peut provoquer des
pressions inflationnistes ou déflationnistes et rendre l’engagement
ou le maintien en poste de travailleurs
moins ou plus attrayants. Il peut également avoir une incidence sur
l’offre de main-d’œuvre, y compris sur les décisions de participer au marché du
travail.
2. L’évolution des salaires a également un
effet sur la compétitivité extérieure des prix. Les
augmentations de salaire peuvent
entraîner une hausse des coûts salariaux unitaires nominaux et des
taux de change effectifs réels fondés sur les coûts salariaux unitaires. Ce
peut être le cas si la croissance salariale n’est pas compensée par une
croissance de la productivité ou accompagnée de modifications
similaires des coûts salariaux unitaires
dans les pays partenaires ou d’une dépréciation des taux de change
nominaux1 en dehors d’une union
monétaire. Le contre-argument s’applique pour les évolutions de
salaires entraînant une baisse des coûts salariaux unitaires.
3. Les salaires représentent une partie majeure des revenus des ménages et
ont une incidence sur la demande globale par l’intermédiaire de la
consommation des ménages et,
éventuellement, du fait des investissements réalisés pour
satisfaire à cette demande accrue. Si la tendance à dépenser les revenus
salariaux est plus forte que celle à dépenser les bénéfices,
l’augmentation des salaires peut induire une augmentation de la
demande intérieure globale.
De plus, les salaires constituant une grande partie des revenus, en
particulier pour les revenus les plus faibles, les augmentations salariales
peuvent réduire les inégalités de revenus. Toutefois, une baisse de la
rentabilité peut décourager l’embauche de travailleurs et les
investissements et, partant, nuire au
1 Les coûts salariaux unitaires nominaux correspondent aux coûts salariaux totaux (rémunération par salarié) par unité produite.
Pour les calculer, il faut diviser la rémunération par salarié par le PIB réel par travailleur salarié (productivité de la main-d’œuvre).
FICHE THEMATIQUE DU SEMESTRE EUROPEEN
ÉVOLUTION ET SYSTÈMES DE FIXATION
DES SALAIRES
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potentiel de croissance de l’économie à moyen terme.
Les caractéristiques spécifiques des
pays et leur positionnement dans le cycle économique ainsi que leurs
équilibres internes et externes doivent être pris en considération lors de
l’évaluation des effets de l’évolution des salaires. Plus particulièrement, non
seulement les salaires déterminent d’autres variables économiques, mais ils
réagissent aussi aux déséquilibres (par exemple à une expansion du crédit due à
l’assouplissement des conditions
financières).
La modernisation des systèmes de
fixation des salaires joue un rôle important dans la correction des grands
déséquilibres macroéconomiques observés dans plusieurs États membres
et dans la réduction du chômage. C’est d’autant plus important dans la zone
euro, étant donné que l’ajustement des
coûts et des prix est le seul ajustement nominal auquel il est possible de
procéder dans une union monétaire.
Les salaires ne sont pas les seuls
moteurs de la compétitivité internationale: d’autres coûts (tels que
ceux liés à la fiscalité ou au respect de la réglementation) et le degré de
concurrence sur les marchés des
produits ont une incidence sur la compétitivité des prix. La compétitivité
hors prix (par exemple, les niveaux de productivité et l’évolution de cette
dernière ainsi que la spécialisation géographique et technologique) joue
également un rôle essentiel.
2. DÉFIS À RELEVER
En dépit de la réduction du chômage en 2016, la croissance des salaires est
restée faible dans les pays de la zone euro, mais a repris dans certains pays
situés en dehors. Cela peut s’expliquer par différents facteurs:
la faible évolution de la productivité;
des anticipations d’inflation faibles; l’effet de certaines réformes du
marché du travail;
les capacités inexploitées qui subsistent sur le marché du travail,
étant donné qu’il est possible que le
taux de chômage actuel ne reflète pas adéquatement l’utilisation
effective des ressources sur ce marché.
Une convergence de la croissance des salaires dans l’UE a été observée à la
suite de la stabilisation des salaires dans les pays qui ont procédé au plus grand
nombre d’ajustements durant la crise financière et d’une évolution modérée
des salaires dans les pays ayant une
activité économique plus solide.
Les dernières tendances en matière de
salaires font suite à des années de croissance contenue, voire de réductions
des salaires sous-tendant l’ajustement d’importants déficits extérieurs et
l’absorption d’un taux élevé de chômage. C’était en particulier le cas dans un
certain nombre de pays de la zone euro
confrontés à des besoins de rééquilibrage plus importants, où un
ajustement des salaires à la baisse ou une forte modération salariale ont été
enregistrés. C’était notamment le cas de Chypre, de la Grèce et du Portugal.
En 2015 et 2016, les divergences au niveau des variations des salaires dans
les pays de la zone euro se sont
atténuées, étant donné que les salaires se sont stabilisés dans les pays qui
devaient auparavant les ajuster à la baisse. Dans les pays dont la situation
économique était plus solide, qui avaient été moins durement touchés par la crise,
la progression des salaires ne s’est guère accélérée (graphique 1)2. La croissance
2 Les pays caractérisés par des excédents courants avant 2008 (parfois appelés les
«pays excédentaires») ont connu une dynamique salariale plus timide jusqu’au début de la crise en 2008, lorsqu’ils ont
également commencé à enregistrer une croissance des salaires plus forte que les
autres pays. L’Allemagne, en particulier, a
connu durant ces années une forte modération salariale, qui allait de pair avec une hausse de l’emploi dans les industries exportatrices et une demande intérieure
limitée.
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des salaires la plus forte a été enregistrée en Roumanie et dans les
pays baltes.
Entre 2014 et 2016, les salaires ont évolué, en moyenne, au même rythme
que la productivité (graphique 2). Cependant, ce tableau d’ensemble
masque d’importantes différences entre les pays. Une divergence notable entre la
croissance des salaires et la productivité a été observée dans les pays baltes, en
Bulgarie et en Slovaquie (où la croissance des salaires était plus rapide
que celle de la productivité), ainsi qu’en
Croatie, à Malte et au Portugal (où la croissance salariale était plus lente).
Depuis 2008, la modération de l’évolution des coûts salariaux unitaires
sous-tend l’ajustement externe. Après de fortes divergences durant les années
2000, les coûts salariaux unitaires ont commencé à converger modérément au
début de la crise financière, lorsque des
pays comme la Grèce, le Portugal et l’Espagne ont commencé à afficher une
tendance à la baisse en la matière, à la suite d’une modération, voire de
réductions, des salaires en réponse à la hausse du chômage.
Des données plus récentes montrent également que la compétitivité des coûts
a connu des variations en réaction à la
position extérieure des pays. Les pays faisant état des excédents courants les
plus élevés (l’Allemagne, l’Irlande, les Pays-Bas et, dans une moindre mesure,
Malte et la Slovénie) ont enregistré une appréciation, bien que modeste, de leurs
taux de change effectifs réels (TCE réels)
basés sur les coûts salariaux unitaires. Parallèlement, les pays présentant des
déficits de la balance courante (Chypre,
la Finlande et la France) ont enregistré des dépréciations des TCE réels. Seule la
Lituanie faisait exception. En 2015, de nombreux pays avaient ajusté les
anciens déficits de la balance courante et étaient proches de l’équilibre ou
affichaient un excédent (graphique 3).
Alors que, par le passé, il existait une
forte corrélation négative entre la variation des coûts salariaux unitaires
réels et le chômage, celle-ci s’est
atténuée ces dernières années. Cette évolution peut indiquer une baisse de
réactivité des coûts salariaux unitaires réels au taux de chômage (par exemple,
en Grèce ou en Espagne), étant donné qu’un ajustement considérable a déjà eu
lieu et qu’un ajustement à la baisse des salaires réels reste difficile lorsque
l’inflation est faible (graphique 4).
Néanmoins, dans certains pays qui affichent encore des taux de chômage
élevés, les coûts salariaux unitaires réels ont continué de baisser en 2016 en raison
d’une diminution de la rémunération par salarié en termes réels qui était, dans
certains cas, renforcée par des gains de productivité.
En revanche, les pays baltes et la Hongrie
ont enregistré une hausse des coûts salariaux unitaires réels, reflétant une
forte reprise de la demande intérieure après les ajustements prolongés des
années précédentes et une productivité comparativement modérée.
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Graphique 1 — Rémunération nominale par salarié, en pourcentage de variation annuelle
Remarque: les pays sont indiqués par ordre ascendant du taux de chômage en 2016.
Source: Commission européenne.
Graphique 2 — Rémunération réelle par salarié et productivité, croissance annuelle
moyenne 2014-2016
Source: Commission européenne.
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Graphique 3 — Taux de change effectif réel (TCE réel) en 2016 et balance courante
en 2015
Source: Commission européenne.
Graphique 4 — Variation annuelle des coûts salariaux unitaires réels en 2016 et chômage
en 2015
Source: Commission européenne.
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3. LEVIERS STRATEGIQUES POUR FAIRE FACE AUX DEFIS
L’évolution des salaires dépend non seulement des intérêts des travailleurs,
des employeurs et de leurs représentants, mais aussi du cadre
institutionnel dans lequel elle a lieu.
Les cadres de fixation des salaires, en
particulier des négociations collectives, jouent un rôle important pour
transformer les signaux du marché en
une évolution des salaires et pour amplifier la pertinence macroéconomique
de certaines décisions en matière de salaires. Au sein de l’UE, il existe
différentes approches de la fixation des salaires. Le tableau 1 en annexe montre
des indicateurs des caractéristiques de la négociation collective des salaires.
Les facteurs pertinents pour l’évolution
globale des salaires comprennent:
le degré de centralisation (le niveau
auquel la négociation salariale a lieu);
la manière dont les salaires reflètent les différences de productivité (entre
les secteurs, les entreprises et les régions);
la mesure dans laquelle la
négociation tient compte des objectifs nationaux (le degré de
coordination entre les différents niveaux).
Toutefois, il est difficile de démontrer une relation solide entre la centralisation
de la négociation salariale et les résultats économiques.
La négociation salariale peut être soit
fortement décentralisée (se déroulant essentiellement au niveau de
l’entreprise, comme au Royaume-Uni et dans les pays baltes), soit très
centralisée (formation des salaires au niveau national, comme en Belgique et
en Slovénie), ou peut avoir lieu à un niveau intermédiaire, généralement à
l’échelle sectorielle (comme en Italie).
Mais en fonction du degré de coordination, les décisions peuvent être
prises à plus d’un niveau.
Avec une approche plus centralisée, il est plus probable que l’incidence de
l’évolution des salaires sur la
performance de l’économie dans son ensemble sera prise en considération par
les participants. Une approche plus décentralisée pourrait favoriser un gain
d’efficacité dans la mesure où il est plus probable que les salaires et la
productivité soient alignés au niveau de l’entreprise, ce qui pourrait encourager
une allocation plus efficace des ressources de main-d’œuvre. Cela
signifie aussi qu’il est plus probable
qu’un choc économique néfaste soit absorbé grâce à l’ajustement des coûts
salariaux plutôt qu’à l’emploi.
Dans la plupart des pays où le niveau
dominant de négociation salariale est le secteur, les accords au niveau de
l’entreprise ne peuvent être moins favorables pour les salariés que les
conventions sectorielles. Même si les
entreprises peuvent déroger à certaines clauses des conventions collectives
sectorielles (en Autriche et en France), ces «clauses échappatoires» ne sont pas
souvent utilisées dans la pratique.
Cependant, les clauses échappatoires ont
été couramment utilisées en Allemagne ces 15 dernières années, ce qui a permis
davantage de flexibilité au niveau de
l’entreprise. La décentralisation à l’échelle de l’entreprise peut également
être associée à des syndicats forts, du moins au sein des entreprises d’une
certaine taille ou lorsque le modèle de codécision allemand (Mitbestimmung)
suppose une importante participation des salariés.
Selon l’approche adoptée dans les
différents pays, la possibilité de clauses échappatoires peut être prévue dans la
législation ou dans les conventions collectives de plus haut niveau.
Toutefois, dans un certain nombre de pays (par exemple le Portugal et
l’Espagne), un accord au niveau de l’entreprise prime une convention
sectorielle même s’il est moins favorable
pour les travailleurs.
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L’évolution des salaires peut également dépendre du degré de coordination
existant entre différents acteurs.
La coordination peut être «horizontale», lorsque certains
secteurs font office de locomotives dans la fixation des conventions salariales, les
autres les suivant («négociations types» ou «négociations pilotes», notamment en
Autriche, en Allemagne et en Suède) ou lorsque des accords entre associations
sont conclus.
La coordination peut aussi être
«verticale», lorsque des accords au
niveau national, par exemple une convention nationale bipartite ou
tripartite parrainée par les principales organisations de partenaires sociaux et
le gouvernement, définissent les orientations pour les négociations
salariales aux niveaux inférieurs (par exemple en Belgique).
La coordination peut coexister avec la
négociation salariale décentralisée. Cet aspect joue un rôle important dans les
pays dans lesquels la contrainte extérieure imposée au secteur de
l’exportation est également internalisée par des secteurs abrités. Il contribue à
maintenir la compétitivité internationale dans l’économie dans son ensemble.
Le comportement en matière de salaires
et le pouvoir de négociation de ceux qui fixent les salaires sont influencés par la
densité des employeurs et des syndicats ainsi que par la couverture
de la négociation collective. L’existence d’une procédure visant à
étendre légalement les conventions collectives afin de les rendre
contraignantes pour les salariés non
syndiqués ou les entreprises non signataires peut élargir significativement
la couverture des conventions collectives.
Ce système permet ainsi d’élargir la couverture de la négociation collective
au-delà des niveaux dont la participation aurait été justifiée par la seule densité
des organisations patronales et des
syndicats. C’est une manière d’améliorer
la coordination horizontale, notamment au sein d’un secteur ou d’une profession.
Bien que les mécanismes d’extension
soient courants dans l’Union européenne et qu’ils concernent généralement des
contrats relatifs à une profession ou à un secteur, il existe différentes approches
lorsqu’il s’agit d’étendre les conventions collectives.
Dans la plupart des pays, l’extension est le résultat d’une décision expresse du
gouvernement et, souvent, elle est accordée à la demande de l’une ou des
deux parties à l’accord dont l’extension
est proposée (par exemple en Allemagne, en France et aux Pays-Bas).
Dans d’autres pays, l’extension est presque automatique (par exemple, en
Italie et en Finlande) ou résulte du fait que tous les employeurs sont tenus
d’être membres de l’association patronale (par exemple en Autriche).
Des pays tels que la Suède et le
Danemark ne disposent pas d’un mécanisme légal permettant d’étendre
les conventions, mais la densité des partenaires sociaux est très élevée dès le
départ, ce qui assure une très large couverture.
Les extensions peuvent contribuer à résoudre les problèmes de coordination,
à réduire les coûts de transaction d’un
système très décentralisé et à améliorer les conditions de travail. C’est en
particulier le cas pour les secteurs très fragmentés et variés et dans les petites
entreprises, tant que l’extension ne provoque pas de problèmes de
compétitivité parce que les salaires sont trop élevés.
L’extension stabilise également la
représentation dans la négociation collective, puisqu’elle incite les
employeurs à devenir membres de l’association patronale qui mène les
négociations. Sur le moyen à long terme, l’extension pourrait faire augmenter le
niveau général des salaires. De solides preuves démontrent que des
négociations collectives ayant une plus
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grande couverture et étant plus centralisées et coordonnées, ainsi qu’une
forte densité des syndicats, sont
associées à une compression de la distribution des salaires et à une
réduction de l’inégalité des revenus3.
Le problème avec l’extension des
conventions collectives et une approche centralisée de la fixation des salaires,
c’est qu’il est possible que ces derniers ne soient pas en mesure de s’ajuster
pleinement aux différences de productivité entre les entreprises ou les
régions au sein d’un même secteur. Plus
ces différences sont importantes, plus grand est le risque que l’extension donne
lieu à une mauvaise répartition de la main-d’œuvre, avec des salaires élevés
(et un taux d’emploi et une production faibles) dans des entreprises à faible
productivité. Il en va de même pour les chocs spécifiques à certaines entreprises
ou à certains domaines.
La durée moyenne des conventions salariales peut également influencer la
flexibilité relative des salaires. La durée moyenne des conventions collectives
oscille souvent entre un et trois ans en Europe, mais peut parfois être plus
longue.
Tous les pays de l’UE ont une forme ou
l’autre de plancher salarial minimal,
qui est soit régi par le gouvernement (salaire minimum légal), soit fixé
collectivement par les partenaires sociaux4. En 2016, 22 États membres
disposaient d’une législation nationale prévoyant un salaire minimum déterminé
par la loi ou par un accord intersectoriel national. Les salaires minimums
sectoriels sont fixés collectivement en
Italie, en Autriche, à Chypre, au Danemark, en Finlande et en Suède.
3 Commission européenne, Industrial
Relations in Europe 2008, chapitre 3. 4 En Belgique, le salaire minimum est fixé
par un accord national entre les partenaires
sociaux. Cependant, du point de vue de la couverture et de l’universalité, il équivaut au salaire minimum légal puisqu’il est juridiquement contraignant dans tous les
secteurs.
Chypre n’a prévu un salaire minimum légal que pour quelques rares
professions spécifiques dans lesquelles
les salariés ont un faible pouvoir de négociation.
L’effet d’un salaire minimum sur les emplois est ambigu. S’il est fixé à un
niveau trop élevé, un salaire minimum peut avoir des conséquences négatives
sur l’emploi des bas salaires et des jeunes, qui sont des travailleurs moins
expérimentés, pour lesquels les coûts peuvent alors être supérieurs aux
niveaux de productivité.
Cependant, les salaires minimums peuvent inciter davantage à travailler et
contribuer à lutter contre la pauvreté des travailleurs, même si ces objectifs
peuvent aussi être atteints par des prestations liées à l’exercice d’un emploi
bien conçues. En cas de grave récession économique, des salaires minimums
appropriés peuvent aider à soutenir la
demande globale et les prix, réduisant ainsi le risque de déflation prolongée. Ils
ont également une incidence sur l’inégalité salariale, en particulier pour
les salaires les plus bas, en ce qu’ils maintiennent un niveau de vie décent
pour la plupart des travailleurs vulnérables5.
En tant que planchers salariaux, ils
doivent être adaptés de manière suffisante et en temps opportun au
contexte économique global. Les augmentations du salaire minimum
peuvent aussi être le signe que de nombreuses parties de la distribution des
salaires sont supérieures au salaire minimum.
Dans l’UE, les salaires minimums légaux
mensuels varient fortement d’un pays à l’autre: en juillet 2017, ils étaient
compris entre 235 EUR en Bulgarie et 1 999 EUR au Luxembourg
(graphique 5). Si on les corrige en fonction des différences de prix entre les
pays, les disparités entre les États membres passent d’un rapport de un à
5 Voir, par exemple, Perspectives de
l’emploi de l’OCDE 2015.
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huit (en EUR) à un rapport de un à quatre [en standards de pouvoir d’achat
(SPA)] (graphique 6).
Le niveau du salaire minimum légal oscillait entre environ 40 % et 65 % du
salaire médian en 2014 (graphique 7). Les valeurs les plus élevées ont été
communiquées pour le Portugal, la France et la Slovénie, alors que la
République tchèque, l’Estonie, l’Irlande et l’Espagne affichaient les valeurs les
plus faibles.
La part de travailleurs gagnant le salaire
minimum, ou moins de 105 % de celui-
ci, donne des informations sur la pertinence du salaire minimum pour le
marché du travail. Les dernières données d’Eurostat concernent octobre 2010 et
font état de différences considérables dans cette «couverture effective» entre
les pays disposant d’un salaire minimum légal (de 0,2 % en Espagne à 19,2 % en
Slovénie). Des salaires minimums légaux
plus élevés (en pourcentage du salaire moyen) ne supposent pas
nécessairement une couverture effective plus étendue.
Globalement, la couverture effective dépend aussi des caractéristiques de la
main-d’œuvre. Une couverture effective relativement faible peut également
refléter l’importance des conventions
collectives pour la fixation des salaires et/ou les salaires négociés
individuellement à un niveau supérieur au salaire minimum. Des conditions plus
tendues sur le marché du travail peuvent induire une hausse supplémentaire des
salaires par rapport au salaire minimum, réduisant ainsi également la couverture
effective.
L’indexation des salaires à l’échelle de toute l’économie est une autre forme de
coordination des salaires. Des mécanismes d’indexation des salaires
couvrant l’ensemble ou, du moins, la plupart des salariés sont actuellement en
vigueur dans quatre pays de l’UE: en Belgique, à Chypre, au Luxembourg et à
Malte.
Dans ces cas, l’ajustement des salaires est automatique et repose sur la récente
inflation des prix. Outre ces quatre États
membres, plusieurs autres pays de l’Union disposaient d’un tel système,
mais l’ont aboli (par exemple le Danemark, la France, l’Italie et les Pays-
Bas). En Espagne, l’indexation ex post était autrefois courante dans les
conventions collectives, mais elle n’est plus exigée par la loi. En France, aux
Pays-Bas et en Slovénie, le salaire minimum est indexé par rapport aux prix
ou aux salaires, ou aux deux. En
Belgique, au Luxembourg et à Malte, les salaires minimums sont indexés de la
même manière que les salaires en général.
Les clauses d’indexation peuvent faciliter la conclusion de conventions
pluriannuelles, ce qui stabilise les relations industrielles et réduit le risque
de conflits récurrents en rapport avec la
négociation des salaires. Si les systèmes d’indexation peuvent constituer un outil
utile pour préserver le pouvoir d’achat des salaires et traitements, ils doivent
être conçus de manière à être suffisamment flexibles pour assurer la
compétitivité des coûts vis-à-vis des partenaires commerciaux du pays et une
capacité d’ajustement suffisante.
L’indexation mécanique des salaires sur la base de l’inflation passée risque de
créer une inertie et d’entraver la capacité d’ajustement.
Premièrement, l’indexation peut facilement créer une spirale des salaires
et des prix et est susceptible de faire perdurer tout choc nominal (par
exemple, une détérioration des
conditions commerciales), en particulier lorsque le pays fait partie d’une union
monétaire dotée de taux de change nominaux irréversibles.
Deuxièmement, l’indexation rend les salaires réels plus rigides et, par
conséquent, dessert l’ajustement sur le marché du travail, y compris lorsque des
chocs frappent plusieurs secteurs,
entreprises et emplois de manière différente.
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Troisièmement, dans un contexte de faible inflation, comme c’est
actuellement le cas dans la zone euro,
l’indexation peut rendre plus difficile la remontée de l’inflation aux niveaux
souhaités par les décideurs politiques.
Les effets macroéconomiques de
l’indexation dépendent de la manière dont celle-ci est conçue et mise en
œuvre. Les aspects pertinents à cet égard sont les suivants:
la couverture (ce qui est indexé); la méthode d’ajustement (inflation ex
ante ou ex post, indice de l’inflation
globale ou indicateur affiné); les dérogations (la possibilité de
choisir de ne pas appliquer l’indexation);
le suivi; la régularité des ajustements.
Outre la définition des conditions-cadres et la participation aux accords
tripartites, les gouvernements
disposent de plusieurs autres leviers pour agir sur les coûts salariaux. Il
s’agit notamment des salaires de la fonction publique, étant donné que le
niveau et les conditions d’emploi dans
le secteur public, qui est souvent un employeur majeur, peuvent avoir une
incidence sur l’offre et la demande de
main-d’œuvre dans le secteur privé. Les modifications des cotisations
sociales et de l’imposition directe du travail influencent les coûts salariaux
indirects et constituent donc une autre manière d’agir sur les coûts salariaux
unitaires à court et à moyen terme.
Plusieurs autres facteurs ont une
incidence sur la manière dont les salaires réagissent à l’évolution des
conditions économiques, dont
l’imposition du travail, la législation relative à la protection de l’emploi et les
systèmes d’allocations de chômage. Plus généralement, les réformes du marché
du travail peuvent avoir des conséquences sur la réactivité des
salaires. Par exemple, des modifications des systèmes d’allocations de chômage
et un renforcement des politiques
d’activation peuvent réduire les salaires d’acceptation (le salaire le plus bas pour
lequel un travailleur accepterait un emploi), augmentant ainsi l’offre de
main-d’œuvre et réduisant par-là même les pressions salariales dans l’économie.
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Graphique 5 — Salaires minimums légaux (en euros) dans les États membres de l’UE, en 2008 et 2017
Remarque: les données concernent les chiffres mensuels calculés sur la base de 12 versements par an (étant
donné que l’unité de fixation des salaires minimums diffère d’un État membre à l’autre). Source: Eurostat.
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Graphique 6 — Salaires minimums légaux (en SPA) dans les États membres de l’UE, en 2017
Remarque: les données concernent les chiffres mensuels calculés sur la base de 12 versements par an (étant
donné que l’unité de fixation des salaires minimums diffère d’un État membre à l’autre). Source: Eurostat.
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Graphique 7 — Salaires minimums légaux en tant que proportion de la valeur moyenne des revenus mensuels bruts moyens dans les États membres de l’UE, en 2014
Remarque: les données concernent les chiffres mensuels calculés sur la base de 12 versements par an (étant donné que l’unité de fixation des salaires minimums diffère d’un État membre à l’autre). Source: Eurostat.
4. ÉVALUATION DES POLITIQUES EN VIGUEUR
En réponse à la crise de 2008, de
nombreux pays ont opéré de vastes réformes de leur système de fixation
des salaires afin d’accroître la réactivité
des salaires aux conditions économiques. De grandes réformes ont aussi été
adoptées dans le cadre des trains de réformes approuvés au titre des
programmes d’aide financière en Grèce, en Irlande, au Portugal, en Espagne et
en Roumanie.
Parmi les réformes plus récentes, on
peut citer les exemples ci-après.
En 2017, à la suite d’intenses négociations avec les partenaires
sociaux, la Belgique a révisé sa loi sur la
compétitivité de 1996. L’objectif de cette réforme était d’empêcher d’éventuelles
pertes de compétitivité dues à des augmentations excessives des coûts
salariaux par rapport aux principaux partenaires commerciaux de la Belgique.
La loi révisée:
prévoit un mécanisme de correction
automatique;
introduit une marge de sécurité; renforce la base juridique de la
«norme salariale», qui est convenue tous les deux ans par les partenaires
sociaux de tous les secteurs sous la forme d’une marge maximale pour la
fixation des salaires au niveau sectoriel.
La France a adopté des réformes de ses
institutions de négociation salariale en
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arrêtant plusieurs mesures. D’après la loi El Khomri, adoptée en 2016, les accords
au niveau de l’entreprise priment les
conventions sectorielles pour des questions telles que le temps de travail,
les congés payés et les primes.
En 2016, les partenaires sociaux
finlandais ont conclu un accord bipartite prévoyant une modération salariale pour
les années à venir et révisant leur approche de la négociation collective en
laissant plus de place aux négociations au niveau local.
Concernant les cadres institutionnels
guidant la fixation du salaire minimum, les gels temporaires du
salaire minimum instaurés durant la crise ont expiré vers 2013. Les mesures prises
depuis 2013 vont principalement dans le sens d’un renforcement de la
réglementation des salaires minimums, avec notamment l’introduction d’un
salaire minimum légal national en
Allemagne en 2015.
Parmi les réformes plus récentes, on peut citer les exemples ci-après.
Le Royaume-Uni a fixé le salaire de
subsistance national en tant que plancher salarial pour les personnes
âgées de 25 ans et plus, au lieu du salaire minimum.
L’Irlande a créé une commission sur les bas salaires pour conseiller le
gouvernement au sujet de la fixation du salaire minimum.
La Pologne a étendu la couverture du salaire minimum aux contractants civils.
Date: 6.10.2017
Page 15 |
5. ANNEXE
Tableau 1 — Caractéristiques de la négociation salariale
Remarque: les données concernent 2014, sauf: *2013; **2012; ***2011; ****2010; *****2009;
*****2008. Voir l’annexe pour une description des indicateurs ICTWSS.
Source: Jelle Visser (2015), base de données ICTWSS (version 5.0). Amsterdam: Amsterdam
Institute for Advanced Labour Studies AIAS. Octobre 2015. Base de données en libre accès disponible à l’adresse: http://www.uva-aias.net/en/ictwss
Union density
Coordination
of wage
bargaining
The dominant
level(s) at
which wage
bargaining
takes place
M inimum
Wage Setting
Bargaining
coverage,
adjusted
Extension
index
Employers’
organisation
density
AT 27.4* 4 3 2 98.0* 3 100.0
BE 55.1* 5 5 3 96.0* 3 82.0**
BG 17.5** 2 2 5 29.0** 2 50.0**
CY 45.2* 2 2 7 45.2* 0 62.5******
CZ 12.7* 2 1 8 47.3* 1 41.4***
DE 17.7* 4 3 1 57.6* 1 58.0***
DK 66.8* 4 3 1 84.0* 0 68****
EST 16.9* 3 3 8 77.6* 2 75******
EE 6.5** 1 1 3 23.0** 2 25.0***
FI 69.0* 5 4 2 93.0 2 70.0**
FR 7.7* 2 3 8 98.0** 3 75.0**
UK 25.7* 1 1 6 29.5* 0 35.0******
EL 21.5* 2 2 8 42.0* 0 43.7******
HR 30.9** 2 2 5* 60.0***** 2* 32.0*
HU 10.7** 1 1 5 23.0* 1 40.0******
IE 33.7* 1 1 6* 40.5***** 0 60.0***
IT 37.3* 3 3 1 80.0**** 0 56.0**
LT 9.0** 1 1 5 9.9** 1 14.4**
LU 32.8** 2 2 7 59.0** 3 80.0**
LV 13.1** 1 1 8 15.0* 1 41.0*
MT 52.9** 2 1 7 62.8** 0 60******
NL 18.0* 4 3 7 84.8* 2 85.0***
Pl 12.7** 1 1 8 14.7** 1 20.0**
PT 18.5** 2 3 8* 67.0 2 38.0***
RO 19.8** 2 1 5* 35.0* 0 :
SK 13.3* 3 2 8 24.9* 2 30.5*
SI 21.2* 3 3 7 65.0* 3 60.0*
SE 67.4** 4 3 1 89.0* 0 82.0***
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Tableau 2 — Définition des variables des caractéristiques de la négociation salariale
Source: Jelle Visser (2015), base de données ICTWSS (version 5.0). Amsterdam: Amsterdam Institute for Advanced Labour Studies AIAS. Octobre 2015. Base de données
en libre accès disponible à l’adresse: http://www.uva-aias.net/en/ictwss
Union Density Union Density rate, net union membership as a proportion wage and salary earners in employment (0-100) = NUM*100/WSEE
Coordination of
wage bargaining
5 = economy-wide bargaining, based on a) enforceable agreements between the central organisations of unions and employers affecting the entire economy or entire private sector, or on b) government
imposition of a wage schedule, freeze, or ceiling. 4 = mixed industry and economy-wide bargaining: a) central organisations negotiate non-enforceable central agreements (guidelines) and/or b) key unions and employers associations set pattern for the
entire economy.
3 = industry bargaining with no or irregular pattern setting, limited involvement of central organizations, and limited freedoms for company bargaining. 2 = mixed or alternating industry- and firm level bargaining, with weak enforceability of industry agreements
1 = none of the above, fragmented bargaining, mostly at company level
The dominant level(s) at which
wage bargaining
takes place
5 = national or central level 4 = national or central level, with additional sectoral / local or company bargaining
3 = sectoral or industry level
2 = sectoral or industry level, with additional local or company bargaining 1 = local or company bargaining
Minimum Wage
Setting
0 = No statutory minimum wage, no sectoral or national agreements
1 = Minimum wages are set by (sectoral) collective agreement or tripartite wage boards in (some) sectors;
2 = Minimum wages are set by national (cross-sectoral or inter-occupational) agreement (“autonomous agreement”) between unions and employers;
3 = National minimum wage is set by agreement (as in 1 or 2) but extended and made binding by law or Ministerial decree;
4 = National minimum wage is set through tripartite negotiations; 5 = National minimum wage is set by government, but after (non-binding) tripartite consultations;
6 = Minimum wage set by judges or expert committee, as in award-system;
7 = Minimum wage is set by government but government is bound by fixed rule (index-based minimum wage); 8 = Minimum wage is set by government, without fixed rule.
Bargaining
coverage, adjusted
Employees covered by wage bargaining agreements as a proportion of all wage and salary earners in employment with the right to bargaining, expressed as percentage, adjusted for the possibility that
some sectors or occupations are excluded from the right to bargain; ranges from 0 to 100.
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