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" 'Not Like an Old Play': Love's Labour's Lost de Shakespeare." (co-authored with Frédérique Fouassier-Tate)

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“NOT LIKE AN OLD PLAY”: LOVE’S LABOUR’S LOST DE WILLIAM SHAKESPEARE

FRÉDÉRIQUE FOUASSIER‑TATESUJATA IYENGAR

www.editions‑fahrenheit.fr

© Éditions Fahrenheit, 2014

ISBN 978‑2‑9540919‑9‑0

LA LITTÉRATURE EN CAUSE COLLECTION DIRIGÉE PAR THOMAS DUTOIT

« NOT LIKE AN OLD PLAY »: LOVE’S LABOUR’S LOST DE WILLIAM SHAKESPEARE FRÉDÉRIQUE FOUASSIER‑TATE & SUJATA IYENGAR

CORRESPONDENCES: FRANCES BURNEY’S EVELINA

ANNE ROUHETTE

MAISON DE DEUIL, MAISON DE LIESSE ? THE HOUSE OF MIRTH D’EDITH WHARTON

MARC AMFREVILLE, CAROL J. SINGLEY & ZACHARY BAQUÉ

SIGNS OF ETERNITY: H.D.’S TRILOGY NICHOLAS MANNING & CLÉMENT OUDART

THE MIND’S EYE:

ALICE MUNRO’S DANCE OF THE HAPPY SHADES AILSA COX & CHRISTINE LORRE‑JOHNSTON

TABLE

INTRODUCTION 7“A PLEASANT CONCEITED COMEDY”

SOME HISTORICAL, THEATRICAL, �� ��AND CRITICAL BACKGROUNDS SUJATA IYENGAR

I. “A FEAST OF LANGUAGES” 7� 7�ÉLÉMENTS CLÉS

II. “ALL THE WORLD’S A STAGE”: ��� ��� LOVE’S LABOUR’S LOST COMME MÉTAPIÈCEÉLÉMENTS CLÉS

CONCLUSION ��� ���“YOU THAT WAY, WE THIS WAY”

BIBLIOGRAPHIE �70

7

INTRODUCTION “A PLEASANT CONCEITED COMEDY”

Quatre jeunes hommes jurent de se vouer à l’étude loin de la compagnie des

femmes. Le destin met sur leur chemin quatre jeunes femmes. Les hommes

tombent amoureux, oublient leurs serments et se lancent dans la conquête

de leur belle. La suite ? Les schémas habituels de la comédie et nos attentes

de spectateurs nous suggèrent : « ils se marièrent et eurent beaucoup d’en‑

fants ». Mais c’était sans compter sur la créativité de Shakespeare, qui s’ingé‑

nue dans Love’s Labour’s Lost à jouer sur les attentes du public pour faire des

expériences avec les conventions de la comédie et donner naissance à une pièce

d’un genre nouveau.

Le quarto de 15981 présente la pièce comme « A pleasant conceited

comedy ». L’Oxford English Dictionary donne comme synonymes de « conceited »

« witty », « clever », « amusing ». En effet, l’aspect le plus immédiatement frappant

de Love’s Labour’s Lost est ses mots d’esprit constants, qui fusent à un rythme

effréné au risque de parfois laisser le spectateur étourdi de tant d’acrobaties

verbales et spirituelles. La cour des jeunes gens prend des allures de duels

langagiers dont les hommes sortent le plus souvent meurtris. Les jeux de mots

parfois très sophistiqués, les parodies de styles littéraires à la mode à l’époque

et les allusions plus ou moins voilées à certains événements et personnages

contemporains rendent la pièce parfois difficilement accessible aux spectateurs

du XXIe siècle et la font paraître comme ancrée dans une époque et une société

bien lointaines de la nôtre. Cette impression a pu être renforcée par les lectures

critiques tendant à favoriser une lecture historique du texte, qui voient dans

Love’s Labour’s Lost une réécriture d’événements contemporains.

�. La question de la date de la pièce est traitée par Sujata Iyengar dans son chapitre sur le contexte historique, dramatique et critique dans le présent ouvrage.

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

8 9

Introduction

à Nérac en compagnie de sa mère Catherine de Médicis et de ses suivantes

afin de discuter de sa dot, qui comprenait l’Aquitaine, ce qui peut expliquer

la référence à cette région dans la pièce. Dans ses Mémoires, Marguerite fait

également référence à un voyage en Flandre en 1577, accompagnée de quatorze

de ses dames de compagnie. Dans les deux cas, elle raconte la forte impression

que fit sa cour lors de ces déplacements en grande pompe. Elle et Henri

passaient le temps en promenades dans des jardins et des parcs à la française

(qui évoquent le cadre de la pièce) et s’adonnaient à la danse. En outre,

Navarre avait la réputation d’être bon chasseur et de multiplier les conquêtes,

qu’il inondait de lettres et de poèmes enflammés, éléments que l’on retrouve

également dans la pièce de Shakespeare.

Henri, roi de Navarre, devient Henri IV, roi de France, en 1589.

L’écriture de Love’s Labour’s Lost est donc concomitante avec le moment

où la guerre civile entre les partisans d’Henri et la Ligue catholique fait rage

en France (1589‑1594). La pièce a pour cadre le royaume de Navarre et le

nom des compagnons du roi reprend celui de membres de la cour d’Henri IV

ou de ses ennemis. Love’s Labour’s Lost est la seule des pièces de Shakespeare

à faire référence à des contemporains vivants. Le nom de Longaville renvoie

à Henri d’Orléans, duc de Longueville, l’un des principaux chefs militaires

d’Henri IV dans sa guerre de reconquête du royaume contre la Ligue catho‑

lique. Le nom de Berowne évoque le maréchal de Biron, celui de Dumaine

est vraisemblablement une déformation de celui de Charles de Lorraine,

duc de Mayenne. Le nom de Boyet rappelle quant à lui celui de Boyset, l’un

des chefs huguenots, et celui de Marcadé, Philippe‑Emmanuel de Lorraine,

duc de Mercœur, le dernier ligueur rallié à Henri IV.

Cependant, s’il est évident que les protagonistes de la pièce n’ont pas

été nommés par hasard et que leur nom fait bel et bien référence à des per‑

sonnages qui au moment même où la pièce est écrite s’affrontent dans les

guerres de religion qui déchirent la France, il est à notre sens vain de faire

de Love’s Labour’s Lost une réécriture symbolique ou allégorique des évé‑

nements qui ont lieu en France à cette période.2 Comme on le voit, les liens

�. Pour un exemple très intéressant et très documenté d’une telle lecture, voir Richard Wilson, « “Worthies away”: The Scene Begins to Cloud in Shakespeare’s Navarre », dans Representing France and the French in Early Modern English Drama, (éd.) Jean‑Christophe

Elisabeth I était liée de manière assez lointaine à Henri de Navarre,

dont le règne chaotique avant et après le massacre de la Saint Barthélémy

éveillait beaucoup d’intérêt en Angleterre et suscitait même parfois beaucoup

d’admiration. En 1589, le héros protestant qu’était alors Navarre reçut l’aide

de quatre mille soldats anglais sous le commandement de Lord Willoughby,

qui a déploré le mauvais accueil que lui réserva Navarre. Les trois quarts des

troupes anglaises ont laissé la vie sur les champs de bataille de France lors

de cet épisode. Par conséquent, Elisabeth n’envoya plus de forces armées par

la suite, même après la victoire d’Henri à Ivry en 1590. Il fallut attendre juil‑

let 1591 et les attaques espagnoles en Picardie et en Bretagne, qui semblaient

représenter une menace pour l’Angleterre, pour qu’Elisabeth missionne Essex

en renfort. Ce dernier fit le siège de Rouen et établit des liens avec le maré‑

chal de Biron, l’officier de Navarre chargé de la liaison avec les Anglais. Bien

qu’Essex fût finalement rappelé et le siège abandonné, Navarre bénéficiait

toujours du soutien des Anglais jusqu’à ce que circulent des rumeurs sur sa

volonté de se rapprocher de Rome. Il se convertit en juillet 1593 et entra dans

Paris en mars 1594. Cette apostasie fit perdre à Henri IV l’estime des Anglais.

Les choses changèrent lorsque fin 1594, il échappa de peu à une tentative d’as‑

sassinat de Jean Chastel, disciple des Jésuites. Henri se lança alors dans une

guerre contre l’Espagne, moyen le plus sûr de s’assurer la sympathie de l’An‑

gleterre. Il avait conclu une alliance avec Elisabeth en 1593, et cette dernière lui

envoyait sporadiquement des armes, de l’argent et des soldats. En juin 1595,

la plus grande partie de la Bourgogne se rebella contre l’Espagne et accueillit

en triomphe le jeune duc de Biron, le fils du maréchal mort en 1592. Charles,

duc de Mayenne, l’un des principaux ennemis d’Henri que ce dernier avait

battu à Ivry, consentit à signer une trêve, suivie d’un traité de paix et devint

ainsi un allié précieux.

On peut trouver également des sources historiques concernant l’entrevue

entre Navarre et la princesse. Le père de Navarre avait un désaccord avec le roi

de France concernant une dette de deux cent mille couronnes de ce dernier.

Une autre source possible (et plus probable) à la rencontre entre le roi Ferdinand

de Navarre et la princesse de France dans la pièce est la rencontre entre Henri

et son épouse Marguerite de Valois à Nérac en 1578. Marguerite de Valois avait

épousé Henri contre son gré et les époux vivaient séparés. En 1578, elle se rendit

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

�0 ��

Introduction

sont assez lâches ; le nom des personnages désigne indifféremment des par‑

tisans ou des adversaires de Henri IV et, même si l’on peut être tenté de voir

dans la pièce une représentation des événements politiques ou militaires

de la France d’Henri IV, l’atmosphère courtoise et frivole qui y règne semble

bien éloignée de cette page sanglante de l’histoire de France. Il est plus réaliste,

comme le fait William C. Carroll dans son introduction à la pièce, de considé‑

rer que Shakespeare a choisi ces noms pour leur sonorité française qui n’aurait

pas manqué de renvoyer les spectateurs de manière vague à ce qui se passait

outre‑Manche et de supposer que la raison principale du choix de situer

l’action à la cour de Navarre était la réputation d’inconstance, aussi bien reli‑

gieuse qu’amoureuse, attachée à Henri IV.3 Baptisé catholique à sa naissance,

il dut changer de religion plusieurs fois avant son accession au trône de France,

avant sa conversion finale au catholicisme en 1593. Pour les Anglais contem‑

porains de Shakespeare, le nom du roi de France était synonyme de parjure.

Henri IV était également connu pour ses nombreuses maitresses à qui il écri‑

vait de longs poèmes enflammés. Il avait la réputation de noircir des pages

entières, en écrivant des deux côtés et en allant jusqu’à remplir les marges.

Le poème que Navarre envoie à la princesse souffre des mêmes défauts. La ver‑

satilité du roi et sa poésie galante sont à notre sens les arguments les plus

solides en faveur d’une identité entre le roi Ferdinand de Navarre de Love’s

Labour’s Lost et le Henri de Navarre de l’histoire de France.4

Love’s Labour’s Lost ne peut en aucun cas être considérée comme une

allégorie politique, mais les références à la France contemporaine et à Navarre

sont indéniables, notamment à travers la satire de la vie de cour. Bien que

n’étant pas un érudit distingué, Henri IV agissait comme mécène des savants

et des artistes. Son parjure de la foi protestante pour gagner le trône de France

trouve un écho amusé dans son renoncement à ses vœux d’étude et de réclu‑

sion pour s’adonner au jeu de la séduction : à l’image du Ferdinand de la pièce

Mayer, Newark, University of Delaware Press, 2008, 93‑109.

�. Voir William C. Carroll, Love’s Labour’s Lost, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, 27‑28.

4. Pour une analyse extensive de la versatilité d’Henri IV comme principale utilisation des références historiques dans Love’s Labour’s Lost, voir Mary Ellen Lamb, « The Nature of Topicality in Love’s Labour’s Lost », Shakespeare Survey 38 (1985), 49‑59.

qui doit attendre la fin du deuil de la princesse, Henri IV a dû patienter avant

que l’Église n’accepte sa conversion et ne lui accorde l’absolution.5

Comme le précise Félicia Hardison Londré dans son article sur la repré‑

sentation des étrangers dans Love’s Labour’s Lost, la présence française était

sensible dans l’Angleterre élisabéthaine. De nombreux Huguenots avaient fui

la France lors des guerres de religion et étaient restés.6 La présence d’immigrants

était mal perçue par la population, en particulier lors de périodes de difficultés

économiques comme dans la deuxième moitié du XVIe siècle. De nombreux

Français étaient employés dans des professions liées à la cour comme maîtres

de danse, maîtres d’escrime, précepteurs, instructeurs d’équitation, etc., où ils

étaient vus comme l’incarnation du raffinement. L’image des Français dans

Love’s Labour’s Lost a donc davantage à voir avec l’image qu’avait d’eux l’aristo‑

cratie qu’avec les perceptions populaires du voisin d’outre‑Manche.7

Une autre tendance de la critique historique est d’établir des corres‑

pondances entre les personnages de la pièce et des artistes contemporains

de Shakespeare. On a ainsi pu avancer que Holofernes constituerait une vision

satirique de l’écrivain Gabriel Harvey, souvent raillé pour son pédantisme

et pour son abus de jeux de mots sophistiqués. On a aussi argué l’idée selon

laquelle l’allusion de Navarre à la « School of Night » lors de la scène de la lec‑

ture des sonnets8 était une référence directe à la School of Night libre‑pensante

de Sir Walter Raleigh, dont Shakespeare aurait été un adversaire. Cette théorie

�. Avant que la pièce ne soit jouée pour la reine Elisabeth à Noël 1596‑97, Henri IV avait remporté des victoires en s’alliant avec l’Angleterre et les Etats Généraux contre l’Espagne. Même si à la fin de 1597, il était en plein processus de négociation de la paix avec la France, elle ne fut conclue qu’en mai, mais les rouages et les rebondissements de sa politique étaient bien connus, si bien que la pièce apparaît comme particulièrement ironique, peut‑être même encore plus que Shakespeare ne l’a cherché. L’Édit de Nantes, signé en avril 1598, renforce la liberté de culte des protestants et leur accorde des droits fondamentaux, suggérant ainsi que les retournements d’Henri pouvaient parfois avoir du bon. Pour plus d’informations sur le contexte historique, se reporter à Geoffrey Bullough (éd.), Narrative and Dramatic Sources of Shakespeare. Volume I. Early Comedies, Poems, Romeo and Juliet, Londres, Routledge, 1957, 425‑442, sur qui se fonde notre explication.

�. Felicia Hardison Londré, « Elizabethan Views of the “Other”: French, Spanish and Russians in Love’s Labour’s Lost », dans Love’s Labour’s Lost: Critical Essays, (éd.) Felicia Hardison Londré, New York, Garland, 1997, 325‑326.

7. Ibid., 327.

8. 4.3.245‑246

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

�� ��

Introduction

nécessaires à la compréhension des enjeux de cette œuvre parfois difficile.

Il s’agira dans un premier temps de poser le contexte historique, dramatique

et critique indispensable à une bonne compréhension de la pièce. Dans

son chapitre « Love’s Labour’s Lost : Some Historical, Theatrical and Critical

Backgrounds », Sujata Iyengar passe en revue l’histoire de Love’s Labour’s

Lost en tant que texte imprimé ainsi que sur scène et à l’écran. Elle considère

la pièce à la fois dans le contexte dans lequel elle a vu le jour, notamment

à travers la présentation des conditions des représentations dramatiques dans

l’Angleterre de Shakespeare, et la manière dont on la perçoit aujourd’hui.

Elle discute de manière extensive des changements textuels entre les diffé‑

rentes éditions, question essentielle dans une pièce où les mots ont autant

de poids. Elle met également au jour les implications du titre de la pièce, loin

d’aller de soi, et mène une discussion très documentée sur le genre de Love’s

Labour’s Lost. On trouvera aussi dans ce chapitre un survol de l’histoire

de la critique de la pièce, ce qui permet de mieux en cerner les enjeux.

Nous nous attacherons dans un deuxième temps à explorer sous une

multiplicité d’aspects l’un des thèmes centraux à la pièce, à savoir le déca‑

lage entre les apparences et la réalité. Il s’agira d’abord de montrer que Love’s

Labour’s Lost est une pièce expérimentale articulée autour de dialogues et de

débats bien plus qu’autour d’une intrigue, dans laquelle Shakespeare explore

et met en question l’usage du langage sous toutes ses formes. De ce question‑

nement ressortent une insistance sur l’instabilité des mots et la flottabilité du

sens et la constatation d’un décalage parfois immense entre le signifié et le

signifiant, entre le mot et la chose qu’il désigne. L’étude du traitement du lan‑

gage dans Love’s Labour’s Lost nous amènera à considérer les jeux sur les mots,

les usages de la rhétorique et de ses figures, mais aussi la relation entre les mots

et les actes, à travers la notion de langage performatif. Nous verrons également

en quoi Shakespeare utilise les conventions de la poésie pétrarquiste afin d’ana‑

lyser les rapports entre hommes et femmes. La subversion, voire l’inversion des

poncifs du sonnet pétrarquiste invitent le spectateur à s’interroger sur les rap‑

ports sociaux, en particulier les rapports entre les sexes, qui les sous‑tendent.

Les femmes de la pièce sont aux antipodes de celles construites par les dis‑

cours de leur soupirant, ce qui permet une fois de plus de constater le fossé

entre ce qui est dit et la réalité à laquelle les mots renvoient. La princesse et ses

était très en vogue dans la première moitié du XXe siècle mais a été abandonnée

depuis,9 car rien ne permet de l’étayer sérieusement.10

À scruter la pièce à la recherche d’indices permettant d’établir des

connections précises entre l’intrigue et des événements ou des personnages

contemporains, le lecteur prend le risque de passer à côté du texte et de

se perdre en conjectures plus ou moins hasardeuses au lieu de savourer le plai‑

sir que procurent les jeux sur les mots incessants et les répliques empreintes

d’humour. Il est indéniable que Love’s Labour’s Lost est probablement la comé‑

die de Shakespeare la plus fermement ancrée dans son époque, à plus d’un

point de vue. Les allusions au contexte contemporain sont bien présentes,

comme nous venons de le voir, mais la présence du contexte se fait sentir encore

bien davantage au travers des références culturelles et intellectuelles qui four‑

millent. Les emprunts que fait Love’s Labour’s Lost à John Lyly et à l’euphuisme,

la parodie des conventions de la poésie pétrarquiste, la mise en scène d’un

masque dans le dernier acte sont autant de références à l’époque où la pièce

a été produite, ce qui a parfois conduit la critique à la considérer comme la plus

élisabéthaine des pièces de Shakespeare.11 Cet ancrage très fort dans son temps

peut aussi expliquer qu’elle ait été parfois délaissée des lecteurs ou boudée des

metteurs en scène qui la voyaient comme une œuvre démodée ou devenue

obscure pour un public plus proche de nous.

Pourtant, les thèmes dont traite Love’s Labour’s Lost sont intem‑

porels et la façon dont ils sont abordés, d’une richesse infinie. Bien plus

qu’une comédie courtoise ou une pastorale revisitée, Love’s Labour’s Lost est

une œuvre expérimentale, d’un genre nouveau, regardant en même temps

vers ce présent dans lequel elle est fermement ancrée, vers le passé de ses

origines littéraires et génériques et vers l’avenir à l’intérieur de l’œuvre

de Shakespeare et au‑delà. La présente analyse a pour but de mettre en

lumière la diversité des facettes de la pièce afin de donner au lecteur les outils

9. Pour plus de détails sur cette théorie, nous renvoyons le lecteur à l’introduction de l’édition de référence, op. cit., p. 31.

�0. Pour un panorama de l’histoire de la critique de Love’s Labour’s Lost, nous renvoyons le lecteur au chapitre de Sujata Iyengar dans le présent ouvrage.

��. Voir par exemple l’introduction d’Anne Barton dans le Riverside Shakespeare : G. Blakemore Evans (éd.), The Riverside Shakespeare, Boston, Houghton Mifflin, 1997, 174‑178.

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

�4

suivantes refusent de se laisser enfermer par un discours stéréotypé et insistent

sur la simplicité du langage et la nécessité absolue du décorum, c’est‑à‑dire

de l’adéquation entre le discours, ceux à qui il s’adresse et les circonstances.

La réflexion sur le théâtre trouve tout naturellement sa place dans ce

questionnement du rapport entre le signifié et le signifiant. Love’s Labour’s

Lost est couramment désignée comme la plus métadramatique des pièces

de Shakespeare. Elle crève constamment l’illusion théâtrale pour insister sur sa

propre artificialité. Elle invite à la réflexion sur le théâtre, notamment à travers

l’image du masque. Le masque est l’accessoire clé de la scène du masque des

Moscovites, l’une des trois séquences métadramatiques de la pièce. Au fil de

ces épisodes, le public acquiert à chaque fois davantage de distance critique

et est amené à réfléchir sur la part active qu’il doit prendre au spectacle afin

que l’illusion fonctionne. Ces trois séquences constituent également un reflet

de Love’s Labour’s Lost dans son ensemble, notamment en ce qu’elles n’ont

pas la chance d’aboutir et se voient brutalement interrompues. En effet,

la fin de la pièce déjoue nos attentes et les conventions du genre comique :

le spectacle reste en suspens et les spectateurs en ressortent aussi frustrés que

les jeunes hommes forcés d’attendre un an pour demander la main de leur

promise. Grâce à cette fin, Shakespeare insiste sur le fait qu’il crée une œuvre

d’un genre nouveau, une œuvre expérimentale qui défie les conventions et qui

nous amène à mettre nos habitudes de côté pour mieux nous laisser enchanter

par la parenthèse féérique du spectacle qu’il nous offre l’espace de quelques

heures avant, comme les personnages de la pièce, de retourner à la triste réalité,

« You that way, we this way » (5.2.896).12

��. Toutes les références à la pièce renvoient à l’édition de référence de William C. Carroll chez Cambridge, op. cit..

�7

SOME HISTORICAL, THEATRICAL, AND CRITICAL BACKGROUNDS BY SUJATA IYENGAR

Love’s Labour’s Lost is the play that made Shakespeare famous: one that estab‑

lished drama as a literary form, a form that was worth publishing for read‑

ers and that could make money for publishers. Its characteristic feature is

novelty: this play presented a new kind of comedy, in a new kind of play‑

ing space, with new kinds of characters speaking newly coined words.

Moreover, it ushered in the publication of a new kind of book: as Lucas Erne

has described, the late sixteenth century saw the emergence of play‑books

as a new kind of literature, and Shakespeare as a new kind of author, one

whose name could sell play‑books as texts to be read in their own right.

“[N]o playwright’s name appears as suddenly and as often as Shakespeare’s

does between 1598 and 1600,” he notes, and William Carroll adds in his own

edition of the play that the title‑page of the 1598 Quarto is “the first sur‑

viving publication of any kind that bears Shakespeare’s name.”13 The text

of that 1598 title‑page describes the play as

A Pleasant Conceited Comedie called Loues Labors Lost.

As it was presented before her Highnes this last Christmas.

Newly corrected and augmented By W. Shakespeare.

Imprinted at London by W.W. for Cutbert Burby. 1598.

��. Lucas Erne, Shakespeare as Literary Dramatist (Cambridge: Cambridge University Press, 2003), p. 64; William Carroll, ed., Love’s Labour’s Lost (Cambridge: Cambridge University Press, 2009), 181. References to the play will come from Carroll’s New Cambridge edition unless otherwise noted.

�9�8

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

the performance’s concluding “not like an old play,” because “Jack hath

not Jill” (5.2.842‑3) – that is, without a wedding – alerts us to another

set of fresh characteristics that perhaps made this play a hit. Most early

dictionaries gloss comedy as simply meaning a “play” or an “interlude.”

Janette Dillon observes that it is almost impossible to define “comedy”

as a genre “before the 1580s” and even into the early seventeenth century;

“we might say,” she adds vividly, “that comedy in the generic sense is rel‑

atively undeveloped, while comedy in the sense of comic matter is alive

and well, kicking its way into every possible dramatic shape.”14 Thomas

Thomas (1587) implicitly contrasts comedy to tragedy, the fate of kings,

when he describes the former as “a play wherein, as in a glasse, the image

of civill and private living is represented, an enterlude.”15 John Rider’s

Biblioteca Scholastica (1598) defines comedy as something done by “vile

personages,” that is to say, acted out by the lowly and meek rather than

the nobly exalted.16 Euanthius’ treatise “On Drama” (wrongly attributed

in the sixteenth century to Aelius Donatus, revered in the Renaissance

as the tutor of Saint Jerome himself) suggests that comedies derive

from “songs sung to Apollo,” perhaps a legendary origin alluded to in

the last line of Love’s Labour’s Lost: “The words of Mercury are harsh

after the songs of Apollo,” a sentence unattributed to any character in the

Quarto and that has occasioned much critical commentary.17 Renaissance

theories of comedy hearkened from the so‑called Roman “New” Comedy

of Plautus and Terence, and from the scholastic treatises of Erasmus and

(in the second half of the sixteenth century) Aristotle. Such theories fore‑

grounded the importance of stock characters such as the senex or old man,

the miles gloriosus or braggart soldier, the clever servant, and the meretri‑

cious seductress or femme fatale; adherence to the unities and to decorum,

�4. Janette Dillon, “Elizabethan Comedy,” in The Cambridge Companion to Shakespearean Comedy, edited by Alexander Leggatt (Cambridge: Cambridge University Press, 2002), p. 47, p. 48.

��. Thomas Thomas, Dictionarium Linguae Latinae et Anglicanae (London, 1587), M6v.

��. John Rider, Bibliotheca Scholastica (London, 1589), G2v.

�7. David Galbraith. “Theories of Comedy,” in The Cambridge Companion to Shakespearean Comedy, edited by Alexander Leggatt, p. 8.

From this brief description and from the play’s long‑lived print run, perfor‑

mance history, and afterlife in quotations, references, adaptations, and refer‑

ences in other printed texts we can infer that the play was extremely popular

upon its first performances (some time between 1594 and 1597) and during

the first decade of the seventeenth century. What remains unclear are the loca‑

tions and dates of those first performances, and (to present‑day readers and

audiences) the reasons behind the play’s contemporary popularity. Unpacking

the brief description can give us some clues.

As Carroll outlines, “This last Christmas” could refer to December 1597,

1598, or even 1599 in modern terms, since in the early modern period the New

Year did not begin until “Lady Day,” the Feast of the Annunciation, which

was celebrated on March 25. If, as editors concur, the 1598 Q1 (first quarto)

is a reprint of a now‑lost Q0 from 1597, the play might have been performed

in court as early as Christmas 1596. The phrase “Pleasant Conceited” adver‑

tises the play’s novelty, wit, and humor. The play self‑consciously advertises its

own freshness; modern theatrical publicity might render “Pleasant Conceited

Comedy” as “a high‑concept new production.” Its characters compound

phrases about newness and novelty, often in connection with language or per‑

formance: “new‑fangled shows” (1.1.106), “new fashion devised” (1.1.162),

“fire‑new words” (1.1.176) “new‑devised curtsy” (1.2.52), “subject newly writ

o’er” (1.2.94), “Beauty … new‑born” (4.3.235), “a new‑sad soul” (5.2.705),

“friends newly found” (5.2.725) and throughout characterize the dangers

that can intrude even into this seemingly light‑hearted and frivolous world

as “news” (2.1.251, 5.2.81, 464, 693).

NEW‑FANGLED MIRTH: A NEW NEW COMEDY

Berowne, complaining that Navarre’s plan for the lords to sequester them‑

selves in solitary, silent study is both unseasonal in light of their youth

and ineffective as a pedagogical method, compares the project to “a snow

in May’s new‑fangled shows” (1.1.106). The word “new‑fangled” today

connotes a slightly facetious disapproval, but the word’s original root sug‑

gests something that “fangs” or draws in a viewer or consumer, something

that irresistibly entangles one in the delight of watching, the voyeurism

of theatre. At the same time, the generic descriptor “Comedie” – despite

���0

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

Villages, because Comœdians did go up and down the Country,

acting these Comœdies in the Villages, as they passed along.20

Love’s Labour’s Lost certainly does not end with “joy,” but it does conclude

with an “Agreement,” one, ironically, that echoes the terms of the Lords’

contract made at the beginning of the play. The four men must, as they

had sworn initially, forswear women, comfort, and sociability, the differ‑

ence being that this time they are enjoined to their restraints as to a labor

of love rather than ego.

The play thus presents the old New Roman tradition of witty word‑

play within a new and broader cast of characters and an unusual challenge

to the expected features of this emerging comic genre. Dillon argues that

Lyly’s and Peele’s comedies innovated comedy as a genre through per‑

formances by the then‑new children’s companies, and “anticipate[d]”

Shakespeare in their construction and characterization. While Lyly’s com‑

edies might lack classical unity, they are unified in “vision,” specifically in the

use of interpolated spectacle as part of “a broad structure encompassing

separate shows working towards a shared purpose,” while his clever serv‑

ants look ahead to Shakespeare’s witty pages and back‑chatting ladies.21

From Greene, continues Dillon, Shakespeare perhaps developed the inter‑

nal viewer, the character who watches others just as the theatre’s audience

watches the characters (as does Berowne in the sonnet‑reading scene).

What, then, might be so novel or “conceited” about this “Pleasant

Conceited Comedy” of Love’s Labour’s Lost? On the one hand, Berowne’s

long series of speeches in 4.3 defending Rosaline’s beauty makes a theme

of the play’s novelty, and the surprising or counter‑intuitive quality of

Rosaline’s dark‑haired or dark‑complected attractiveness. Although coun‑

ter‑Petrarchanism was at this point firmly established as a convention in its

own right within the sonneteering tradition, as Frédérique Fouassier‑Tate

discusses at greater length in her chapters in this book, the play chal‑

lenges Petrarchan tradition at a more fundamental level in taking seriously

�0. Thomas Blount, Glossographia (London, 1656), K1v.

��. Dillon, “Elizabethan Comedy,” p. 50.

or appropriate speech in general; and, conversely, to the comic reversal

of such stereotypes, often through trickster characters who dupe them.

Shakespeare took and developed these stereotypes not only from Roman

Comedy but also from the Italian tradition of the commedia dell’arte,

the sixteenth‑century professional playing tradition in which actors per‑

formed and improvised upon particular roles, usually within three sets

or groups: masters, servants, and young lovers.

Love’s Labour’s Lost therefore features characters that both develop

from and reject the stock characters of comedy and that hail from various

walks of life, not just from the middle‑ or laboring classes. Characters range

(in descending order) from royalty (the Princess, later Queen, of France,

and the Duke of Navarre) to the loving lords and ladies of France; the cour‑

tier and braggart Armado; the pedantic schoolmaster Holofernes; Dull

the constable, the “wench” Jacquenetta, her humble swain Costard, and

the light‑hearted and light‑footed messenger and mischief‑maker, the page

Moth. What unites high and low characters alike is their interest in words

and wordplay, another feature that, Robert Miola argues, Shakespeare

might have taken from New Comedy.18 The quickness of its wit and repar‑

tee, on the other hand, may mimic the extempore patter of the commedia.

Love’s Labour’s Lost mocks the pretensions of each set of characters equally

by noting the common delusion of each: all are glutted on the “great feast

of language” (a phrase that William Carroll takes as the title of his germinal

book on the play).19

Blount’s Glossographia (1656) defines comedy not according to its

personages but according to its action :

It is a kind of fable representing, as in a Mirror, the similitude of a civil

and private life, begining for the most part with some troubles, but ending

with Agreement or joy. These Plays are called Comœdiæ … which signifies

�8. Robert Miola, “Roman Comedy,” in The Cambridge Companion to Shakespearean Comedy, edited by Alexander Leggatt, p. 8‑31.

�9. William C. Carroll, The Great Feast of Language in Love’s Labour’s Lost (Princeton, NJ: Princeton University Press, 1976).

����

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

within a few minutes.22 Armado moves from “spleen” or irritation with

his witty Moth to an “enforced laughter” at the latter’s jokes (3.1.65‑6).23

The lords give up their course of fasting study just in time to save them‑

selves from melancholic disorder.

Holofernes has “eat paper” and “drunk ink” (4.2.22) until he spouts

Church‑Latin and scholasticism without sense. Dull loves the sound of

words but cannot grasp their sense, while Moth’s speedy wit refuses to alight

upon any one meaning for a word. Berowne’s response to the indissoluble

matter of words is to turn them all into mocks, to deny the truth or seri‑

ous import of any form of communication at all. The ladies’ solution is

therefore drastic: on the one hand they identify their lords’ professed love

as superficial sexual attraction, talking “greasily” of physical consummation

and maliciously about their own attractiveness (4.1.130), and on the other

hand they espouse the cause of silence, solitude, worth and sincerity as anti‑

dotes to noisy, sociable, frivolous play.

THE TITLE

Contemporary editions and allusions and title‑pages disagree on the correct

punctuation or grammar of this play’s title. The first quarto (Q1) gives “Loues

labors lost … But the running titles give it as Loues Labor’s lost,”24 while

Francis Meres refers to it in 1598 in Palladis Tamia as “Loue labors lost”25 and,

“in the same year…[Robert] Tofte’s Alba… ‘Loves Labor Lost,’ the latter form

being also found in the Stationers’ Registers for 1607”(when John Smethwick

bought the rights to the play).26 The First Folio (F) lists the play’s title

twenty‑three times, according to James Halliwell‑Phillips, as “Loues Labour

��. F. David Hoeniger, Medicine and Shakespeare in the English Renaissance (Newark: University of Delaware Press, 1992), pp. 177‑78.

��. Sujata Iyengar, Shakespeare’s Medical Language: A Dictionary (London and New York: Continuum Shakespeare Dictionaries, 2011; repr. Arden Shakespeare Dictionaries, 2014), p. 316.

�4. John Hale, “Shakespeare’s Love’s Labour’s Lost,” Explicator 56.1 (1997): 9‑12, p. 10.

��. Francis Meres, Palladis Tamia, Vol. 2 (London, 1598), OOv‑OO2r.

��. Robert Tofte, Alba (London, 1598), G5r; James Halliwell‑Phillips, Memoranda on Love’s Labour’s Lost (London, 1879), p.11.

the convention by which women do not respond to their lovers’ pleas.

Love’s Labour’s Lost “doth not end like an old play: / Jack hath not Jill,”

complains Berowne (5.2.842‑3). The King attempts to console him by

offering a time limit (“it wants a twelvemonth and a day” [845]), but

Berowne returns once more to the overthrow of convention: “That’s too

long for a play” (846).

On the other hand, the play identifies itself as part of a complex

of communication and language systems, including the networks of print

media. Its characters are obsessed with oral and written forms of com‑

munication and the kinds of miscommunication or ambiguity that lan‑

guage affords. Love’s Labour’s Lost repeats the term “word” about 50 times,

“read” 29 times, and “letter” 28; “say,” “speak” and “tell” are uttered about

25 times apiece, “book” appears 14 times, and “paper” nearly as many.

(The play notoriously also features many hapaxes or unique occurrences

of words, including what many dictionaries call the longest word in the

English language, although it is a Latin word: Costard’s unexpected honori‑

ficabilitudinitatibus, the state of being able to be laden with honors [5.1.36].)

Not only the media of communication but also the genres of written and

oral speech (literature and rhetoric) are satirized. Navarre and his lords

begin the play stuffed severally with words of self‑indulgent scholarship

and then gorge themselves on scraps of sonneteering love. Armado, a fanci‑

ful and love‑lorn Quixote, has addled his head with romance‑reading and,

perhaps, dry melancholic medical treatises.

Such treatises noted the close connections between melancholy and

mirth through the organ of the spleen. Vessel for the black bile or melan‑

choly that provoked sadness (and that could also be triggered in turn by too

much study, fasting, and vigil – precisely the course of action that the lords

plan to follow and that Armado appears equally to espouse), the spleen

when working correctly would consume the melancholy humor, leaving

only light spirits and good humor behind, hence its association with both

sorrow and its opposite. If the spleen were overloaded or overcharged, how‑

ever, with too much melancholy from the liver (where it was engendered)

its workings became inefficient, so that sufferers from the spleen experi‑

enced violent mood swings, from joy to anger or sadness to laughter, all

���4

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

by Nathanael Baxter), and is glossed in the Geneva Bible as “Hee pray‑

seth them for their charitie, thereby encouraging them to go forward, and

to holde out to the ende.”30 The King James Bible begins the first epistle

to the Thessalonians with an address to remember the “labor of love,”

but Geneva translates the phrase as “diligent love”; it is possible that the KJV

translators adapted William Tyndale’s translation of the phrase, a “labour

in love & perseveraunce in the hope of oure lorde Iesus Christ,” which OED

gives as the phrase’s first appearance in English. 31

The Biblical source for the title also gives us a clue to its deferred end‑

ing. There is literally no “labor” in Love’s Labour’s Lost (the word is never

used, except in the title phrase), but there is “toil” (in both its senses of “work”

and “net” or snare) and “travail” (understood in this period to encompass

both “travel” or journeying and “travail” or work). Berowne finds himself

“toiling in a pitch,” trapped by love and laboring to escape (4.3.2); later in the

same scene he contrasts the “heavy toil” or labor of book‑learning to the

“swift” and “double power” of “beauty’s tutors,” the “learn[ing]…in ladies’

eyes” (4.3.295, 300, 292, 296). Don Armado is “a man of travel” (5.1.87),

one who labors too hard to display his “ostentation”: his “mustachio,”

his “curtsy,” and all that he “hath seen [in] the world” (87) and Rosaline sar‑

castically asks the supposed Muscovites “How many … weary miles you have

o’ergone/ Are number’d in the travel of one mile?” (5.2.195‑7), knowing full

well that they have but stepped over a threshold. The puns on worthless toil

or willful entrapment and on self‑indulgent voyaging that takes one across

the world without really seeing it clarify that at the end of Love’s Labour’s

Lost, the young men have indeed labored, but such labor has been indistin‑

guishable from self‑indulgence; it has literally been “playing.” Enjoined by

their lady‑loves to work in earnest at tasks that are unpleasant – and literally

to travel or travail away from court – their next labors of love will serve God

as well as their mistresses and, it is implied, will be rewarded.

�0. Jean Calvin, Sermons of Master John Calvin, translated by Arthur Golding (London, 1574), sig. ¶¶¶4v; Jean Calvin, The lectures or daily sermons, of that reuerend diuine, D. John Calvine (London, 1578), translated by Nathaniel Baxter, Aa2v.

��. These comparative translations were all taken from the electronic database The Bible in English (London: Chadwyck‑Healey, 1997), accessed through GALILEO, University of Georgia, September 15, 2014.

lost” and “Loues Labour’s lost.” John Hale asks, tongue‑in‑cheek, “Did they

not care what the title meant, or did they not know?”27

Making an analogy with the title of Milton’s Paradise Lost, Hale

suggests that the title ought to read “Love’s Labours Lost”: the labors of love

are lost, and this play describes the “process” of such a loss and highlights

how such a defeat came to happen. The conventional punctuation conceals,

Hale suggests, the fact that “not one but several loves’ labors are being

lost… The losing is a governing principle of all the plots, at every stage.”28

All variant meanings, however, circulate through the play. The conventional

punctuation, “Love’s Labour’s Lost,” foregrounds the fruitless work of Cupid

(love’s labour is lost). Meres’ “Love Labours Lost” poignantly evokes a

Love‑god toiling unsung in the wilderness and parallels the play (albeit

ungrammatically) with the sequel that he calls “Love Labours Wonne.”

Tofte’s “Loves Labour Lost” draws our attention to the deferred ending and

the different kinds of toil or labor that the lords endure: the Petrarchan

tradition of travail for one’s unattainable lady and the real‑world hardship

that the Princess and her ladies impose on the men to gauge their sincerity.

Such a meaning is particularly apt in the context of Tofte’s poem, which

contrasts the action of Shakespeare’s play to his own hardships in love.

The phrase “love’s labors,” hints at the play’s (to us) odd mix of

mirth and morality. The phrase “labor of love” first appears in English

in the Coverdale or Great Bible (1535), the authorized Anglican version

of King Henry VIII, in St. Paul’s epistle to the Hebrews 6:10: “For God is

not vnrighteous, that he shulde foryet youre worke and laboure of loue,

which ye shewed in his name, whan ye mynistred vnto the sayntes, and yet

minister.”29 The verse might seem to praise “works” over “faith” in good

Catholic style, yet Anglican and Protestant divines took it as an exhortation

to persist in spite of persecution and for believers to take upon themselves

the ministry of God. The phrase appeared in translations of John Calvin’s

sermons in 1574 (translated by Arthur Golding) and 1578 (“Englished”

�7. Hale, “Shakespeare’s Love’s Labour’s Lost,” p. 10

�8. Ibid., p. 11.

�9. Miles Coverdale, trans. Biblia, The Byble (London, 1535), fo. c1v, column 1.

�7��

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

of face‑blackening, the entrance of the “blackamoors” in Love’s Labour’s Lost

after the dancing Muscovites presents a typically Shakespearean gloss upon

an old tradition, a physically‑realized oxymoron. Both “Muscovites” and

“blackamoors” represented the “ends of the earth” to early modern English

audiences and typified, humorally, cold, phlegmatic, pallid sluggishness and

hot‑headed, choleric, sun‑burned energy respectively. Moreover, both con‑

trasted to what Mary Floyd‑Wilson has identified as an emerging ideology

of the English as even‑tempered because of their mild climate, and a cor‑

responding re‑evaluation of the “sanguine” humor as the best, exemplified

in red‑and‑white‑cheeked English masculinity.33

Entertainments more formally structured than dancing included

Miracle or Mystery plays. Miracle plays displayed miraculous feats performed

by saints or, in the only surviving example in English, the heavenly Host itself,

as in the Croxton Play of the Sacrament, in which the Host miraculously

bleeds when hostile non‑believers stab it in order to test its verity. Mystery

plays dramatized stories from the Bible. These adaptations had originated

in early church services, and then developed into performances in church‑

yards, but after Pope Innocent III’s oral prohibition against clergy perform‑

ing on public stages in 1210, responsibility for such plays passed to the Guilds

or trades organizations and were performed on a wagon, known as a “scaf‑

fold,” that moved to various parts of the town for different plays and for

different points in the story – what we might today call a “promenade” per‑

formance. Often particular guilds played versions of themselves, so that, for

example, the Second Shepherd’s Play of the Wakefield Cycle features shep‑

herds who play the shepherds summoned by angels to worship the infant

Jesus in the manger in Bethlehem.34

The Tudor period ushered in “interludes” or “morality plays,”

performed entertainments that personified virtues such as Kindness

or Justice as characters within a story. Such a play is Everyman (c. 1485)

the story of a Christian individual who is deserted by all his friends

and relatives, and his wealth, at the time of his death, when he may be

��. Mary Floyd‑Wilson, English Ethnicity and Race in Early Modern Drama (Cambridge: Cambridge University Press, 2003).

�4. E.K. Chambers, The Medieval Stage, Volume 3 (Oxford: Clarendon Press, 1903).

AS IT WAS PRESENTED: EARLY MODERN PLAYING SPACES

Love’s Labour’s Lost ushered in not only a new kind of comedy but also typi‑

fied a new kind of playing, in a new kind of playhouse. The play, moreover,

satirizes other and earlier forms of dramatic entertainment by interpolating

versions of such presentations as meta‑theatrical interludes, most promi‑

nently the masque of the Muscovites and dance of blackamoors, the Pageant

of the Nine Worthies (both in 5.2), and the “overlooking” or sonnet‑reading

scene (4.3). We can appreciate these witty meta‑dramatic references more

richly if we understand the changing shape of early modern theatre, which

comprised comedies, interludes, and all sorts of “delightful ostentation,

or show, or pageant, or antic, or firework,” as Armado promises (5.1.90‑91).

Various kinds of theatrical entertainment had co‑existed in the

Middle Ages. The scôp or bard held an honored and honorable posi‑

tion in the early feudal courts, celebrating (along with the group singers

or chorus) the exploits of his lord or thane. These professional musicians

adapted or shaped traditional folk‑music forms that ordinary work‑

ers chanted or danced to during their daily activities. Civic communities

engaged in traditional Morris‑ and sword‑dancing to celebrate religious

festivals such as Saints’ days, which were also solemnized by folk‑plays.

Morris dancers sometimes blackened their faces, a custom that persisted

into the Renaissance (and indeed, controversially, up to the present day)

and whose origins remain obscure. E.K. Chambers thought the black‑

ened faces alluded to the traditional European association of the devil

with darkness and to the custom of the dance of death; Gamini Salgado

traces it back to the arrival of the gypsies; other scholars connect it it with

the moresca or Spanish dance of “Moors and Christians”; Jane Garry sug‑

gests it revives in the seventeenth century because of travelers’ tales that

connected “Moors … and extravagant dancing.” 32 Whatever the origins

��. E.K. Chambers, The Medieval Stage (Oxford: Clarendon Press, 1903), Volume 1, pp. 195‑204; E.K. Chambers, The English Folk‑Play (Oxford: Clarendon Press, 1933); Gamini Salgado, The Elizabethan Underworld (London: Dent, 1977); Jane Garry, “The Literary History of the Morris,” Folklore 94 (1983): 219‑28, p. 224, all cited in Sujata Iyengar, “Moorish Dancing in The Two Noble Kinsmen,” Medieval and Renaissance Drama in England 20 (Madison and Teaneck: Fairleigh Dickinson University Press, 2007), p. 87.

�9�8

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

and comments upon a preponderance of “hollow tree[s]” or rocks for

these performances.36

During the latter half of the sixteenth century, for the first time early

modern entrepreneurs suggested that there should be permanent spaces

in London in which to perform plays, and that permanent professional

companies should be founded and associated with those spaces. In 1567

John Brayne built a standing yard with galleries in the yard of the Red Lion,

a farm on the Whitechapel High Street. This proto‑theatre featured a tall

central tower for advertising and seems to have been successful during

the summer months but to have suffered from the bad weather in winter

sufficiently that it closed altogether before 1568. The next playhouse to be

built in or around London was The Theatre in Shoreditch (North London)

a polygonal (probably twenty‑sided) structure with galleries and a cobbled

yard. Onlookers could pay a penny to stand in the yard, and pay another

to stand in the covered galleries, while yet another penny got you a stool

to sit on. Wealthier patrons could sit in private boxes in the galleries.37

Later theatres functioned a little like co‑operatives; the actors held

a stake in maintaining the business. The players in the company all had shares

in the theatre (and were called “sharers”), including William Shakespeare,

who retained part‑ownership in the Globe theatre, and significant income

from it, until his death. Even the wooden building itself constituted capital,

held together with ironmongery, large bolts that could easily be fastened

and unfastened and that incidentally served as an additional nest egg for

the shareholders, since the metal itself was a costly and reusable natural

resource and the labor that went into making the bolts made them more

��. E.K. Chambers, The Elizabethan Stage (Oxford: Clarendon Press, 1923), Volume 1, p. 216, p. 231.

�7. There is a growing, and increasingly detailed, archaeologically inflected literature about early modern English playhouses. In addition to Chambers’ classic work, sources include: English Professional Theatre, 1530‑1660, edited by Glynne Wickham, Herbert Berry, and William Ingram (Cambridge: Cambridge University Press, 2000); Tiffany Stern, Making Shakespeare: From Stage to Page (Oxford: Oxford University Press, 2004); Andrew Gurr, Playgoing in Shakespeare’s England (Cambridge: Cambridge University Press, 1996) and The Shakespearean Stage 1574‑1642 (Cambridge: Cambridge University Press, 2009); Arthur Kinney, Shakespeare By Stages: An Historical Introduction (London: Wiley Blackwell, 2008); and The Oxford Handbook of Early Modern Theatre, edited by Richard Dutton (Oxford: Oxford University Press, 2011).

helped only by his faithful companion Good Deeds (which in its turn

may only be released to aid Everyman after the latter accepts Knowledge

of his need for salvation, befriends Confession, and accepts his penance

with true repentance. Less virtuous shows, perhaps, were performed by

the professional players, strolling minstrels, or what one account terms

“glorious vagabonds” who toured the country playing in the open‑air,

often in market squares, and in great houses.35 Their “bare‑bones” theatrical

performances featured no scenery, few properties, and few costumes.

The actors lived dangerously: early modern Poor Laws, intended to keep

unemployed persons within their home parishes, meant that any persons

found wandering away from home without passports (documents from

their liege lord authorizing such travel) could be arrested as thieves,

vagrants, vagabonds, or “sturdy beggars” (that is, able‑bodied persons with

no visible reason not to be employed on a farm or apprenticed in a trade)

and cast into prison. Although the glorious vagabonds were popular in

towns they visited, townspeople also perceived them as a threat, like all

strangers, because of their way of life. Such dangers led to the custom

of acting companies asking titled aristocrats to become their patrons.

If caught on the road and threatened with arrest, players could assert that,

far from being sturdy beggars, they were the Lord Strange’s Men or the

Prince Henry’s Men or Queen Anna’s Men and wore the livery of (that is,

were servants to) a lord or lady. Thus Shakespeare’s playing company was

called the Lord Chamberlain’s Men after its patrons, the first and second

Barons of Hunsdon, until the accession of King James I of England and VI

of Scotland in 1603, after which the company became the King’s Men.

Tudor houses included a “Great Hall” where performances could take

place, and banqueting halls, often polygonal in shape, where plays could also

be staged. Chambers recounts that “performances were sometimes given

in ‘the great chamber’, which at Whitehall was distinct from both the presence

chamber and the ‘guard’ or watching chamber which served as an ante‑room

to the presence.” Chambers also details the construction of “painted cloths”

and “houses” or “tents” to simulate structures on these temporary stages

��. The Return from Parnassus (1606), edited by Edward Arber (Oxford, 1879), p. 63.

���0

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

“The Swan, cropped,” by Arnoldus Buchelius (Aernout van Buchel) (1565‑1641),

after a drawing of Johannes de Witt (1566‑1622).39

References in early modern plays also indicate that sometimes patrons might

sit upon the thrust stage itself. In the modern reconstruction of the Globe

�9. Source : Utrecht, University Library, Ms. 842, fol. 132r. Transferred from en.wikipedia. Licensed under Public domain via Wikimedia Commons. www.commons.wikimedia.org/wiki/File:The_Swan_cropped.png#mediaviewer/File:The_Swan_cropped.png

valuable still. The Lord Chamberlain’s Men were stationed at The Theatre

from 1576 until 1597, when disputes with landlord Giles Allen forced

the Chamberlain’s Men into the nearby Curtain. Its owner Henry Lanman

undertook a profit‑sharing arrangement with James Burbage, builder of

The Theatre for seven years.

The structure of Elizabethan theatres has become clearer to us over

the past few decades thanks to advanced archaeological techniques. It appears

that there may have existed considerable variety among different playhouses

surrounding entrances to the auditorium, steps leading to the upper playing

space, the stage‑cover, and so on.38 Like the Theatre, from whose boards and

ironmongery it was built in 1599, the Globe featured a thrust stage going

forward into a pit where the “groundlings,” who paid one penny, stood and

watched the show on three sides. The floor of the pit appears to have been

covered with walnut shells, which possibly served to muffle the ambient

sounds of the hawkers, pickpockets, and shady ladies who plied their trade

among the viewers. The Globe stage was surrounded by three tiers of seats;

as in the Theatre, the Curtain, or the banqueting houses of old, the building

was polygonal rather than circular. Behind the stage lay the “tiring‑house”

(or attiring house), what we call the “green room” in a modern theatre, where

the actors costumed and prepared themselves. Additional spaces included

a curtained alcove or recess called the discovery space, upstage, although

some scholars suggest that this recess could be created by draping a tapestry

or curtain across the back of the stage rather than dedicating a space to it

on the platform; an upper performance space, often designated in stage

directions or speeches as “aloft”– the second tier of seating, above the stage,

which could serve as battlements, a balcony, or turrets. Spectators might

or might not have been seated here. A well‑known sixteenth‑century drawing

of the Swan Theatre by Johannes De Witt, a Dutch visitor to London, appears

to show spectators seated on this balcony, although if musicians were also

playing there the sound would be deafening.

�8. Andrew Gurr, “The Bare Island,” Shakespeare Survey 47 (1995): 29‑43.

����

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

the engraved brass trumpet flourished by the trumpeter hired by the com‑

pany for the season to announce that the show was starting and to provide

alarums for battle scenes, tuckets or fanfares for entering royalty, and so on.

There was no fixed scenery, but the theatre companies owned and kept records

of their numerous moveable properties. In the eavesdropping scene, for exam‑

ple, which at one point requires three of the four lords to be “All hid! All hid!”

as Berowne puts it (4.3.70), it is conceivable that the lords concealed them‑

selves behind fixed or moveable pillars; in a moveable arbor or tree; in the

discovery space at the back of the stage, in front of the tiring‑house; “aloft”

or in the musician’s gallery; or, as Miriam Gilbert suggests, that “the scene

works not because it is credible but because visual conventions come into

play for the audience … we need only to see the character ‘stand aside’ for him

to become hidden as he wishes.”44

Roving companies and, later, the theatre companies, were all‑male.

Boys or young adult men, apprenticed to adult actors, played the female

parts. Many early modern plays directly reference this practice, and several

(including John Lyly’s Gallathea [1591], Shakespeare’s own As You Like It,

Twelfth Night, Two Gentlemen of Verona, Merchant of Venice, and Cymbeline)

include cross‑dressed boys playing women who in turn cross‑dress as boys.

The denouement of Jonson’s Epicoene, or The Silent Woman (1609), even

hinges upon the concealed sex of a cross‑dressed boy. Some scholarly debate

still surrounds the age of the boys or men who played the women’s roles,

but it seems most likely these parts were taken by older adolescents, between

the ages of sixteen and twenty‑one, rather than by children. Children between

the ages of eight and twelve did act in plays, however; during the 1560s,

companies of boys associated with the choirs of great schools or cathedrals

such as Merchant Taylors, St. Paul’s, or the Chapel Royal, became popular

for performances at court (they were particularly associated with the plays

of John Lyly). Their popularity waxed and waned, peaking once more

in about 1600, when they played in theatres (though usually at the smaller

indoor theatres frequented by the gentler classes, such as the Blackfriars, rather

than on the rowdy stage of the Globe) as well as at court. At that time they

44. Miriam Gilbert, Love’s Labour’s Lost (Manchester, England: Manchester University Press, 1993), pp. 8‑9.

in London, one can sit on either side of the tiring house and the higher playing

space. These spaces offer limited vision, but those who sit there can themselves

be seen to full advantage. The stage of the reconstructed Globe is sheltered

by a roof supported by two brightly painted pillars; again, de Witt’s drawing

indicates these pillars, but some theatre historians suggest that they might have

been moveable properties used only for performances that required them.

Similarly, controversy surrounds the so‑called “heavens,” from whence deities,

elaborate machinery, stars, and so on are thought by some historians to have

been able to descend. Glynne Wickham argues that early theatres featured

neither the “heavens” nor fixed pillars, although the reconstructed Globe on

Bankside today includes both.40 Gurr, adducing more recent archaeological

evidence in tandem with the often‑contradictory written accounts, summarizes

some of the discussion surrounding the “discovery space” and other elements

of early stages. There does seem to have existed a dedicated discovery space,

and the “lords’ room” or most expensive seats were right above it: “We can

speculate endlessly about the implications of that for the price the lords

paid in order to be seen better than they could see, or for the minimization

of discovery scenes by the playwrights in order to prevent the lords from feeling

deprived.”41 De Witt’s drawing presents a square stage, but the Rose theatre’s

archaeologists have demonstrated that its stage was an “irregular hexagon.”42

If the posts or pillars were really the size that de Witt represents them, the actors

would have “little … room to walk round them.”43

Performances took place during the day, in order to take advan‑

tage of natural light. Before a performance, a flag was flown and a trum‑

pet blown from the turret of the tiring house to announce that a show was

to take place. The flag itself displayed an icon commemorating the theatre’s

name: Atlas bearing the globe for the Globe; a Swan for the Swan, as illus‑

trated by de Witt; presumably a Rose for the Rose. A similar flag dangled from

40. Glynne Wickham, “ ‘Heavens,’ Machinery, and Pillars in the Theatre and Other Early Playhouses,” in The First Public Playhouse: The Theatre in Shoreditch, 1576‑1598, edited by Herbert Berry (Montreal: McGill‑Queen's University Press, 1979), pp. 1‑15.

4�. Andrew Gurr, “The Bare Island,” p.32.

4�. Ibid., p. 34.

4�. Ibid., p. 35.

���4

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

Shakespeare’s cross‑dressed characters, his heroines in particular, offered

women and men in the audience new ways to think of gendered expecta‑

tions, but Lisa Jardine responds that the absence of women themselves from

the stage turns theatre into a homoerotic spectacle that, like other institutions

of the period, deliberately excludes women and female desire.49 Phyllis Rackin

and others have in turn countered Jardine’s argument by noting a persistent

Shakespearean “androgyny” in which character or identity is not reducible

to gender or sex: “unlike either Lyly or Jonson,” writes Rackin, “Shakespeare

refuses to dissolve the difference between the sex of the boy actor and that

of the heroine he plays; and he uses his boy heroines’ sexual ambiguity not

only to complicate his plots but also to resolve them.”50

Actors performing in a play were exempt from prosecution under the

“sumptuary laws,” the statutes that regulated the kind of clothing that a per‑

son could wear. Sumptuary laws prohibited those below a certain rank from

wearing cloth‑of‑gold or silver; encouraged workingmen to wear woolen

caps to support the domestic wool trade; forbade women from wearing

doublets or other items of men’s clothing, and so on. In practice, even ordi‑

nary Londoners, not just players on stage, were unlikely to be prosecuted for

failing to observe sumptuary laws. Wealthy merchants’ wives were notorious

for their fine clothing, and Queen Anna herself set the turn‑of‑the‑century

fashion for women to wear men’s doublets, a trend that the pamphlet Hic

Mulier, or the Man‑Woman (1620) reprobates as likely to cause confusion

between the sexes and to masculinize women.51 Actors therefore wore cloth‑

ing appropriate to their performed rank on stage, sometimes cast‑offs from

their noble patrons. It seems likely that all plays, even those set in ancient

historical periods, were performed in early modern clothing (as we would

now say, in “modern dress”), although a famous illustration by Henry

Peacham of the Roman play Titus Andronicus appears to show actors

49. Juliet Dusinberre, Shakespeare and the Nature of Women (London: Macmillan, 1975); Lisa Jardine, Still Harping on Daughters : Women and Drama in  the Age of Shakespeare (Sussex, England: Harvester Press, 1983).

�0. Phyllis Rackin, “Androgyny, Mimesis, and the Marriage of the Boy Heroine on the English Renaissance Stage,” PMLA 102.1 (Jan. 1987): 29‑41, p. 31.

��. Hic Mulier: or, The Man‑woman (London, 1620).

briefly became so fashionable that, according to traditional theatre historians,

there raged a “War between the Theatres” and some of the adult companies

felt threatened enough to complain; Shakespeare’s Hamlet mocks the “little

eyases” or young eagles who “carry it all away” (2.2.326).45 More recently,

Roslyn Knutson has suggested that the so‑called War between the Theaters

was waged in collusion between adult and boy‑companies “as partners in the

enterprise of developing a habit of playgoing among Londoners” rather than

a genuine threat to the survival of the Chamberlain’s Men.46

The prohibition against women’s appearing on public stages appears

to have been a cultural taboo rather than a legal requirement, and the

absence of women on public stages made the English theatre unique in

Europe. Women did appear in court masques, Lord Mayor’s shows, and so

on in London, so viewers’ concerns surrounded not, presumably, the fact that

women might act a part but, suggests Stephen Orgel, the cultural anxiety sur‑

rounding women on stage bespoke an early modern sexual insecurity about

the state of manhood. While social and legal constructions of gender upheld

rigid and circumscribed ideals for the behavior of men and women, ado‑

lescent men or boys constituted in some ways a kind of third sex, “a middle

term between men and women.”47 Moreover, as Laura Levine has documented

at length, anti‑theatrical writers expressed the profound fear that men who

played women’s parts on stage might themselves be turned into women,

unmasking a contemporary anxiety that masculinity itself required only

the putting on of a costume or a part and that gender was contingent rather

than immutable.48 Levine suggests that this fear challenges the early modern

notion of selfhood itself, turning personality or identity into a fluid or labile

relationship rather than a source of stability. Juliet Dusinberre suggests that

4�. William Shakespeare, Hamlet, ed. Stephen Greenblatt, in The Norton Shakespeare: Based on the Oxford Edition (New York: Norton, 1997), pp. 1659‑1760.

4�. Roslyn L. Knutson, “Falconer to the Little Eyases: A New Date and Commercial Agenda for the ‘Little Eyases’ Passage in Hamlet,” Shakespeare Quarterly 46.1 (Spring 1995), pp. 1‑31, p.17.

47. Stephen Orgel, Impersonations: The Performance of Gender in Shakespeare’s England (Cambridge: Cambridge University Press, 1996), p. 63.

48. Laura Levine, Men in Women’s Clothing : Anti‑theatricality and Effeminization, 1579‑1642 (Cambridge: Cambridge University Press, 1994).

�7��

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

in Shoreditch, probably at the Theater.54 The 1631 second quarto also tells us

that the play was revived at both the Globe and the Blackfriars. The play was

therefore considered versatile enough in its own time to shine in three distinct

playing spaces and before three different sorts of audience: the restricted and

controlled private space of the monarch and the nobility; the public stage

in London, with entrance available to all classes; and the genteel, fee‑paying

lords, aldermen, and theatrical enthusiasts who attended the indoor theatres.

NEWLY CORRECTED AND AUGMENTED: STAGE TO PAGE

The printed text of Love’s Labour’s Lost exists in two extant versions, in a quarto

from 1598, designated Q1 (“the first quarto”; there is a second quarto, des‑

ignated Q2, from 1631, but it “reprint[s…] the Folio text”), and in the Folio,

from 1623.55 Since Q1 was advertised as “newly corrected and augmented,”

there probably existed in print an earlier, lost version of the play, which editors

and textual scholars designate as Q0. “Q” designates a quarto, a small, unbound

booklet made by folding a sheet into quarters, hence the name. The zero indi‑

cates that this quarto is lost, a common fate for these cheap editions in an era

where the “closed‑loop” cycle of paper production mean that a quarto printed

on linen rag paper and sized (treated to help it absorb ink without its bleed‑

ing) with gelatin might progress from: booklet to note paper or binding mate‑

rial for book‑covers, to baking parchment (the legendary fate of the famous

eighteenth‑century Shakespeare editor Lewis Theobald’s copy of Shakespeare’s

lost play Cardenio), to waste paper for the privy and then returned to the earth

where it would biodegrade and potentially nourish flax plants that could be

woven into linen, made into outerwear, then into “foul linen” or underwear,

and then into linen rags for paper‑making and book‑binding once more.56

Quartos, in general, were rushed out quickly after a play’s initial performance

�4. Arthur Kinney, Shakespeare By Stages: An Historical Introduction (London: Wiley Blackwell, 2008), p.ix, p. 47.

��. Carroll, ed., Love’s Labour’s Lost, p. 193.

��. Cardenio, a play based on a story from Cervantes’ Don Quixote, was reportedly lost when Theobald gave some early modern manuscripts John Warburton, whose cook Betsy used them to line her pie‑pans. See W.W. Greg, “The Bakings of Betsy,” The  Library, 3rd ser., Volume 7 (1911): 225‑59, repr. Internet Archive www.archive.org/stream/s3librarythe02libruoft#page/n5/mode/2up, accessed September

in a mix of classical draperies and early modern clothes. Young men play‑

ing women’s roles wore female clothing and wigs; actors playing both sexes

wore make‑up, usually the flat white lead‑ and mercury‑based pancake

popularized by Queen Elizabeth and always worn at court. Dark‑skinned

characters such as Othello or Aaron the Moor in Titus Andronicus wore

black‑face make‑up on their faces, hands, and perhaps bodies, again with

a lead and mercury base, but this time darkened with soot or walnut juice,

and dark, tightly‑curled wigs.52

After 1609 Shakespeare’s company began to perform in an indoor thea‑

tre during the wintertime, the Blackfriars (the so‑called “Second Blackfriars,”

to distinguish it from an older theatre where a children’s company had played

in the 1580s and 90s). Plans or drawings of the second Blackfriars do not

exist, but we know that, as in the larger public theatres, it featured a thrust

stage and galleries and boxes in two or three tiers for seating. The wealthier

patrons of the Blackfriars paid sixpence for an inexpensive bench seat in the

pit, and the wealthiest and showiest of all might pay to sit upon the stage itself.

The Blackfriars introduced the custom of playing music between acts of a sin‑

gle play, and was the first theatre to use artificial light to illuminate an evening

performance (probably beeswax candles in sconces).53

We know that Love’s Labour’s Lost appeared on both public and private

stages during the seventeenth century. The title‑page tells us it was performed

before the Queen, probably at Whitehall, where we know that Christmas revels

usually took place, but it could also possibly have appeared at Greenwich

Palace, since Elizabeth appears to have been less fond of Whitehall at Christmas

than either her father or her brother. Where might more general audiences have

seen the play’s first public performances? Knutson and Arthur Kinney suggest

independently after careful perusal of “title pages as scripts” (in Kinney’s

phrase) that Shakespeare’s Love’s Labour’s Lost was first performed in public

��. On early modern stage make‑up, see Annette Drew‑Bear, Painted Faces on the Renaissance Stage: The Moral Significance of Face‑Painting Conventions (Lewisburg, PA: Bucknell University Press, 1994); on early modern cosmetics and women, see Patricia Phillippy, Painting Women: Cosmetics, Canvases, and Early Modern Culture (Baltimore, MD: Johns Hopkins University Press, 2006).

��. Paul Menzer, ed., Inside Shakespeare: Essays on the Blackfriars Stage (Cranbury, NJ: Susequehanna University Press/ Associated University Presses, 2006).

�9�8

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

made up of several gatherings each consisting of two sheets of paper folded

into quarters and nested inside each other), “pages 1 and 16 would be imposed

at the same time, and only pages 8 and 9 would have continuous copy set on

the same form.”59 Lotte Hellinga’s summary of the problems for early modern

typesetters is helpful:

Since printers normally worked with a fairly limited supply of type,

they needed to set pages in the combination required to complete

the printing of a sheet which (except for middle sheets in the quire)

would not be in the order in which the text was to be read.

A forecast of the contents of each page was therefore made

on the manuscript used by the printer (usually by a line‑count),

a process which is called “casting off.” The division of text in this

way rapidly became an established routine. Compositors were adept

at making the text they were setting fit the thus allotted space,

by using variations in spelling, abbreviation, and contraction, or even

by introducing variations in the text…

It is important to realize that, until the discontinuation of the practice

[by the end of the seventeenth century], texts were split up into

building blocks to be assembled during production.

Books were perceived by their makers as structures in which intellectual

content had no more than a secondary part.60

Early modern books thus vary in their textual accuracy depending on how

they came to the press and on the practices of the printing houses that

published them.

Paul Werstine lucidly summarizes the historical debates surround‑

ing Shakespearean quartos in his chapter “The Science of Editing.”61

Heminges and Condell arguably began the critical tendency to devalue

quartos when they addressed “the great variety of readers” in the Folio and

�9. Greetham, Textual Scholarship, p. 124.

�0. Hellinga, “The Gutenberg Revolutions,” p. 210.

��. Paul Werstine, “The Science of Editing,” in A Concise Companion to Shakespeare and the Text, edited by Andrew Murphy (London: Wiley‑Blackwell, 2010), pp. 109‑127.

– Erne suggests that most found their way into print within two years of a

play’s first production – in order to capitalize upon the play’s popularity in

the theatre.57 Eighteen of Shakespeare’s plays now considered to be canonical

were first published in quarto, while eighteen of the thirty‑six plays in the Folio

(the large‑format, illustrated, bound and expensive volume of Shakespeare’s

collected works published by Shakespeare’s colleagues John Heminges and

Henry Condell in 1623) appear only in that volume. (The first Folio excludes

two collaborative plays now considered Shakespearean: Pericles and The Two

Noble Kinsmen, presumably because Heminges and Condell could not find

copies they considered accurate enough for the press or because they had

difficulties obtaining the rights.)

The early modern printing process itself was by no means straightfor‑

ward. An early modern press‑room employed several “compositors” who com‑

posed text by hand, sort by sort (a sort is a single piece of lead type). Consulting

his copy‑text, each compositor took individual sorts from the upper or lower

cases of type and placed them upside‑down and backwards (so that the type‑

face would appear the right way round when printed on paper) in a composing

stick. Completed lines of type were then placed into galleys to make up pages,

which were then laid upon the imposing‑stone to be put in order for printing.58

The process of arranging these galleys of type into pages ready for printing was

called imposition. Pages were imposed or printed out of reading order, since

several pages were printed on a single sheet because of a limited supply of type,

but also to minimize the sewing that would otherwise be necessary to bind

the book. The printed pages could then be folded with others into a gather‑

ing or quire, a unit of pages for binding. Thus, for a “quarto in eights” (a book

14, 2014. On the early modern rag‑paper cycle, see Joshua Calhoun, “The Word Made Flax: Cheap Bibles, Textual Corruption, and the Poetics of Paper,” PMLA 126.2 (March 2011): 327‑44.

�7. Erne, Shakespeare as Literary Dramatist.

�8. The whole process is outlined in Joseph Moxon’s Mechanick Exercises, or the Doctrine of Handy‑works, applied to the Art of printing, Volume 2 (London, 1683). Useful modern overviews include David Greetham’s invaluable Textual Scholarship (rev. ed. London: Routledge, 2013), Paul Werstine’s Early Playhouse Manuscripts and the Editing of Shakespeare (Cambridge: Cambridge University Press, 2013) and Lotte Hellinga’s “The Gutenberg Revolutions,” in The Companion to the History of the Book, edited by Simon Eliot and Jonathan Rose (London: Wiley‑Blackwell, 2011), pp. 207‑219.

4�40

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

suggestion that some of the so‑called Bad Quartos were “noted” texts, taken

down in the new invention, shorthand.65

The twentieth‑century New Bibliographers posited a series of inter‑

ruptions or interventions that enmeshed or entangled a Shakespearean ideal

or pure text: what Stephen Orgel has dubbed (and critiqued as) an “Authentic

Shakespeare,” was, in their view, hampered by hard‑to‑read handwriting,

clumsy compositors, arrogant actors, pesky prompters, and stern scribes.

Such an editorial philosophy sought to return, as far as possible, to what

Shakespeare actually wrote – or, in more extreme cases, to what Shakespeare

might have intended to write, had he had time to revise his work.66 “Good”

copy came from the author’s own “foul papers” (the Elizabethan word for an

author’s draft), which Greg took to mean an author’s text specifically meant

for use as print copy‑text and in its substantively final form, from a “fair

copy” or “scribal copy,” or from a putative “prompt‑book” marked up for use

by the actors’ company.67

There is, however, little or no evidence for the existence of a

prompt‑book in the technical sense used by Greg and later twentieth‑cen‑

tury editors; Werstine argues that the term itself is a known anachronism

or back‑formation from the practices of the eighteenth‑century theatre. Instead,

Werstine’s study of early playhouse manuscripts suggests that while each

company had a “theatrical manuscript” along with the “plot” or “platt,” a list

of characters, entrances and exits for each scene of the play being performed,

such theatrical supplements lacked the accuracy ascribed by traditional New

Bibliographers to promptbooks. Actors themselves, we have long known, did

not have copies of the entire play, only of their own parts with their cue lines.

An actor rehearsing a play for the first time might have no knowledge of the

plot as a whole or of entire scenes in which that actor appeared.68 Stern suggests

��. Tiffany Stern, “Sermons, Plays, and Note‑takers: Hamlet Q1 as a ‘Noted’ Text,” Shakespeare Survey 66 (2013): 1‑23.

��. Stephen Orgel, The Authentic Shakespeare and Other Problems of the Early Modern Stage (New York and London: Routledge, 2002).

�7. Paul Werstine, Early Playhouse Manuscripts.

�8. Tiffany Stern and Simon Palfrey, Shakespeare in Parts (Oxford: Oxford University Press, 2007).

promised to protect them from “stolen, and surreptitious” or even

“maimed” versions of the plays.62 Following the bibliographer and anti‑

quarian Alfred Pollard in 1909 and the rise of the “New Bibliography”

through the twentieth century, Shakespeareans began to distinguish

between “good” and “bad” quartos: “bad” quartos contained texts widely

variant from the Folio texts, including differences in speech allocation,

characters’ names, lineation, and sometimes additional or omitted scenes.

Pollard speculated that such texts were compiled by secret short‑hand writ‑

ers in the theatre, had not been entered in the Stationers’ Register (a legal

record, kept by the Stationers’ Company, where publishers could assert

their right to print a particular play, since copyright as we understand it did

not exist at this time) and that the printers had failed to obtain a legiti‑

mate copy‑text; “in contrast, the ‘good’ quartos, properly entered in the

[Stationers’] Register, offered ‘good’ texts based on manuscripts that pub‑

lishers had legitimately purchased from the acting company that owned

them.”63 The eminent bibliographer W.W. Greg developed Pollard’s the‑

ory of bad quartos by suggesting that such texts came into being through

“memorial reconstruction,” that is, they were texts pirated with the aid

of an actor who remembered his own lines and cues accurately but who

failed to recollect others’ parts with equal accuracy. Pollard had also elabo‑

rated a theory that some bad quartos dismissed by nineteenth‑century anti‑

quarians as Shakespearean antecedents or analogues were Shakespearean

adaptations of older plays, memorially reconstructed, but in time the the‑

ory of memorial reconstruction came to dominate Shakespeare studies and

the term “bad quarto” to extend to up to a dozen different texts, rather

than Pollard’s original four64. Other theories propounded for the variations

between quarto and folio text included suggestions that the quartos repre‑

sent Shakespeare’s earlier drafts or radically‑cut performance texts for tak‑

ing on tour around England when the London theatres were closed because

of plague, and Tiffany Stern has recently suggested that we reconsider the

��. John Heminges and Henry Condell, “To the Great Variety of Readers,” Shakespeare’s Works (London, 1623), A3r, quoted in Werstine, “Science,” p. 114.

��. Werstine, “Science of Editing,” p. 114.

�4. Werstine, “Science of Editing,” p. 116.

4�4�

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

taken more as “advertising”: here was a new play, publicized for the newness

of concept (“conceit”) and content (“corrected”). Love’s Labour’s Lost contains

examples of all the characteristics that Greg had identified with “foul papers”:

inconsistent speech‑prefixes; characters given lines to speak but no entrances,

or characters left on stage with no exit once they have uttered their lines;

idiosyncratic spelling; unattributed or mistakenly attributed speeches; and

apparently undeleted authorial drafts of speeches. Whether or not we take such

inconsistencies as characteristic of authorial forgetfulness, authorial revision,

actors’ interpolation, or other interference, an editor publishing a print version

of the play for modern readers or a director producing the play for modern

audiences must account for such discrepancies.

Perhaps the most befuddling instances of confusion are what edi‑

tors have called the “Rosaline‑Katharine tangle” in 2.1; the apparent “false

start” or undeleted revision of Berowne’s text in 5.2; an apparently undeleted

exchange between Rosaline and Berowne at the end of the play; and the ques‑

tionable attribution of the play’s penultimate pair of lines (in F) or single line

(in Q). In 2.1, the text identifies the women at first as simply the first, sec‑

ond, and third ladies, and once the flirtation with the men begins, the “wrong”

woman – Katharine – wittily returns Berowne’s own question, “Did not I dance

with you in Brabant once?” back to him and exposes his inadequacy in the face

of her own intelligence (114) and is identified as the lady “in the cap” about

whom Berowne asks Boyet (Q1 2.1.191).71 In the unemended Q1 Rosaline

does not speak to Berowne until the more overtly sexual dialogue of 177‑90,

in which Berowne expresses his hope that Rosaline will hear his heart “groan”

and asks whether, if his heart needs “let[ting] blood,” as she suggests, she might

“prick’t with [her] eye,” or satisfy him sexually by providing an “eye” (a vagina)

for his “prick” or needle.

The Folio attempts to correct the discrepancy. Stanley Wells suggests

that the changes between Q1 and F indicate that F was set from a text with

some kind of theatrical annotation (a marked‑up copy of Q1; a lost theatrical

prompt‑book; a combination of one or both). Wells argues that the corrections

and emendations made to Q1 in F demonstrate a clear pattern of theatrical

7�. Q1 British Library, shelfmark Huth C.34.I.14, Cv.

that playhouse scripts comprised actors’ parts, playbills, title‑pages, sheets

of music, broadsides, handwritten or scribally copied manuscripts such

as prologues, epilogues and all kinds of other documents;69 Werstine argues

that a prompter or bookkeeper with a “prodigious” memory must have used

plots and the manuscript – in whatever condition and in however many pieces

– to run the show.

Since Werstine finds no evidence that acting companies maintained

a special “prompt‑book” in the sense that Greg and others had maintained,

he recommends that we jettison the rationales of both the Riverside edi‑

tion (the attempt to return to what Shakespeare might have written in foul

papers polished for theatrical performance) and the Oxford edition (the quest

to present the plays as early modern audiences might have seen them on

stage for the first time, under the assumption that the Folio texts are gen‑

erally closer to imagined “prompt‑book” copy). Werstine’s own edition

(with Barbara Mowat), the Folger Shakespeare, insists that “all we have are

the printed texts,” and aims to produce modern‑spelling versions of the plays

(with modernized language and nomenclature, on occasion) that are none‑

theless closer to the earliest printed texts than some of the other Shakespeare

editions on the market.

We continue to use the terms “good” and “bad” quarto, albeit under

erasure, since we can learn much about early modern theatrical and printing

practice, and (although this is much less certain) about Shakespeare’s writing

habits, from the so‑called bad quartos. Present‑day editors likewise continue

to disagree about how to present the texts of Love’s Labour’s Lost. Many

nineteenth‑ and twentieth‑century editors thought that the textual variants

and errors rampant in Love’s Labour’s Lost Q1 indicated that Shakespeare

had revised his play since its first performance, and that Q1 was set from

“foul papers” rather than from Q0, the lost quarto. Carroll, however, concurs

with Werstine that Q1 “was set from printed copy – from Q0, likely a quarto

published in 1597 which itself probably derived from some authorial

manuscript.”70 He suggests that the claim of revision and correction should be

�9. Tiffany Stern, Documents of Performance in Early Modern England (Oxford: Oxford University Press, 2009).

70. Carroll, ed., Love’s Labour’s Lost, p. 190.

4�44

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

but also to learning itself, not just once, but twice. The second version of the

speech, the one usually printed, takes us through the same arguments, but at

greater length and with some differences that illuminate Shakespeare’s chang‑

ing conception of the play and its moral universe. Most editions excise the first

portion of the speech, printing it in an Appendix or as “additional material,”

if at all. Readers of modern editions thus never see what Shakespeare’s earliest

readers saw. Randall McLeod argues convincingly and wittily about the desire

for editors to present a unified version of a speech, a text, or a canon:

The editor’s rejection of multiple versions of a single speech when

there can be no serious doubt that Shakespeare wrote them both,

and little doubt that he did not indicate in writing in the manuscript

that one should be deleted, is (on the small scale) curiously like

his rejection (on the large scale) of multiple substantive quartos.

The problem, it seems, is not the plausible reconstruction of what

Shakespeare wrote, but the curbing of the wildness and richness

of his writing according to editorial precepts.77

McLeod published this essay under the name of “Random Cloud” in a deliber‑

ate computer‑era error: the over‑enthusiastic use of the spell‑check function

in a word processing program as an equivalent to the idiosyncrasies of early

modern print composition. Here Cloud is writing about the two versions of the

“grey‑ey’d morn” speech in Romeo and Juliet, but he could equally well be writ‑

ing about the two versions of Berowne’s speech that appear in 4.3.

What might we learn, then, from considering “the wildness and rich‑

ness” of the speech in its entirety? I give both “unrevised” (that is, as printed

in the early copies, with unmodernized spelling, “pointing” [punctuation] and

orthography, and here designated A) and “revised” (that is, as printed in mod‑

ern editions such as Carroll’s and here designated B) versions of the speech

below in parallel columns for ease of comparison:78

77. Random Cloud [Randall McLeod], “The Marriage of Good and Bad Quartos,” Shakespeare Quarterly 33.4 (1982), p.427.

78. Text A comes from the online facsimile of Q1 (1598) published by the British Library, sig. F2v.

correction as the prompter or stage‑manager standardized exits, and systema‑

tized speech prefixes.72 Manfred Draudt believes that Wells overstates the case

and understates the evident errors in F; moreover, he argues that Q1 can stand

as it is in performance: “Although by Act Three Berowne appears to have fallen

in love with Rosaline, in II.i there is no indication that he is exclusively inter‑

ested in her.”73 Grace Ioppolo suggests that Shakespeare changed his mind

about his characters: he first “intended both passages to stand,” characteriz‑

ing Berowne as a “flirtatious and faithless dissenter from the monkish court

of Navarre.”74 This shallowly amorous Berowne thus attempted to charm

Katharine, with whom he had danced in Brabant previously, and then switched

his allegiances to a newer love, Rosaline, within a single scene. As Shakespeare

deepened his characters and reconsidered his plans for the play, however,

Ioppolo suggests that he “establish[ed Berowne] as the play’s central spokes‑

person for love, from faithless to faithful.”75 The Folio version, she argues, pre‑

sents a consistent pattern of emendation that reflects Shakespeare’s own second

thoughts as Berowne became more trustworthy even as Rosaline became more

clearly marked as his most suitable partner. Carroll, however, agrees with

Woudhuysen, the Arden editor, that while F’s editor attempted to emend some

of the errors in Q1, in some instances it merely created confusion upon con‑

fusion.76 Carroll finds no reason to prefer F over Q1 as a copy‑text, nor to infer

the existence of a putative “prompt‑book,” although he does emend his copy

with readings from F, most notably in the play’s concluding lines.

Another “tangle” in Love’s Labour’s Lost concerns Berowne’s long speech

after the sonnet‑reading sequence in 4.3. In a passage deleted from most edi‑

tions (including Carroll’s), Berowne challenges the lords’ vow of abstinence by

claiming that such a promise is false not only to their own vigor and youth

7�. Stanley Wells, “The Copy for the Folio Text of Love’s Labour’s Lost,” Review of English Studies 33 (1982): 137‑47.

7�. Manfred Draudt, “‘The Rosaline‑Katherine Tangle’ of Love’s Labour’s Lost,” The Library 4, 6th ser., (1982), p. 390.

74. Grace Ioppolo, Revising Shakespeare (Cambridge: Harvard University Press, 1991), p. 101.

7�. Ibid., p. 102.

7�. H.E. Woudhuysen, ed., Love’s Labour’s Lost, Arden 3rd series (Walton‑on‑Thames, England: Thomas Nelson, 1998).

474�

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

For valour, is not Love a Hercules,

Still climbing trees in the Hesperides?

Subtle as Sphinx, as sweet and musical (25)

As bright Apollo’s lute, strung with his hair.

And when Love speaks, the voice of all the gods

Makes heaven drowsy with the harmony.

Never durst poet touch a pen to write

Until his ink were tempered with Love’s sighs; (30)

O, then his lines would ravish savage ears

And plant in tyrants mild humility.

From womens eyes this doctrine I deriue;

From women’s eyes this doctrine I derive:

They sparkle still the right Promethean fire;

They are the Ground, the Bookes, the Achadems,

They are the books, the arts, the academes, (35)

From whence doth spring the true Promethean fire. (10)

That show, contain, and nourish all the world:

Else none at all in ought proves excellent.

Then fools you were these women to forswear,

Why, vniversall plodding poysons vp

The nimble spirites in the arteries,

As motion and long during action tyres

The sinnowy vigour of the trauayler. (15)

Now for not looking on a womans face,

Or keeping what is sworn, you will prove fools.

For wisdom’s sake, a word that all men love, (40)

Or for Love’s sake, a word that loves all men,

You have in that forsworn the vse of eyes:

Or for men’s sake, the authors of these women,

And studie too, the causer of your vow.

For where is any Author in the world

Teaches such beautie as a woma[n]s eye: (20)

Or women’s sake, by whom we men are men,

Let us once lose our oaths to find ourselves,

Or else we lose ourselves to keep our oaths. (45)

A.

And where that you haue vowd to studie (Lordes)

In that each of you haue forsworn his book,

Can you still dreame and poare and thereon looke.

B.

O, we have made a vow to study, lords,

And in that vow we have forsworn our books.

For when would you my Lord, or you, or you, (5)

Have found the ground of Studies excellence

Without the beautie of a womans face?

For when would you, my liege, or you, or you,

In leaden contemplation have found out

Such fiery numbers as the prompting eyes (5)

Of beauty’s tutors have enriched you with?

Other slow arts entirely keep the brain;

And therefore, finding barren practisers,

Scarce show a harvest of their heavy toil:

But love, first learned in a lady’s eyes, (10)

Lives not alone immured in the brain;

But, with the motion of all elements,

Courses as swift as thought in every power,

And gives to every power a double power,

Above their functions and their offices. (15)

It adds a precious seeing to the eye;

A lover’s eyes will gaze an eagle blind;

A lover’s ear will hear the lowest sound,

When the suspicious head of theft is stopped.

Than are the tender horns of cockled snails;

Love’s tongue proves dainty Bacchus gross in taste.

Love’s feeling is more soft and sensible (20)

4948

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

of “leaden contemplation” transforming to “fiery numbers” via “prompt‑

ing eyes,” where “leaden” refers to the dullness of poring over a book printed

from lead type as well as to what speech A calls the “plodding” or heavy spirits

poisoned in the arteries by excessive study. Instead of looking down towards

the ground while holding a book, Berowne encourages lovers to look up at

the face that, like the prompter in the playhouse, will cue their next lines

through the “fiery numbers” or incandescent poetry that blazes from ladies’

brilliant eyes. Here Berowne alludes to the long‑dismissed but still poeti‑

cally popular extramission theory of vision, the belief that one’s eyes sent out

rays of light that illuminated the objects upon which they gazed. Berowne

takes his metaphor back in B to an even earlier stage of composition, imag‑

ining the poet’s “ink” inspired not by the page but by the face that inspires it.

The revised, longer speech picks up later in the speech the imagery of print

or inscription in the play upon “temper[ing]” (B, 30). To “temper” ink

was to make it ready for use either by mixing additional ingredients or (for

printer’s ink) by pounding it in a brayer in order to make it spreadable and

well‑dispersed. Informing the metaphor is also the craft of “tempering” steel

or other metals by heating them and adding materials to make them malle‑

able or to strengthen them, a process conducted in a furnace kept blazing by air

from a bellows, hence “Love’s sighs” temper the poet’s ink.

Even more substantively, the playwright converts a description of exhaus‑

tion to one of invigoration, replacing an explanation of what “plodding” or dull

study does to the human body to a lyrical excursus on Love’s fiery inspiration.

The deleted lines from A read:

universal plodding poisons up

The nimble spirits in the arteries,

As motion and long‑during action tires

The sinewy vigour of the traveller (A 12‑15).

According to early modern medico‑spiritual understandings of body and

soul, the arteries, along with the heart, were nourished by the sanguine humor

of blood and produced the “vital spirit” that allowed the sensible or feeling

soul to experience bodily sensation. “Spirit,” dissolved in or refined from blood

It is religion to be thus forsworn,

For charity itself fulfills the law,

And who can sever love from charity?

Learning is but an adiunct to our selfe,

And where we are, our Learning likewise is.

Then when our selues we see in Ladies eyes,

With ourselues,

Do we not likewise see our learning there?

Both versions of the speech are recognizably Shakespearean, and an edi‑

tor’s decision to include one or the other, or both, “pertains to literary Taste,

not properly to literary Objects.”79 On the one hand, the shorter version is more

straightforward, and a director or actor might rejoice to find an acting ver‑

sion already cut and prepared for him. On the other, the longer version is more

extraverted in every sense – it extends and expands the metaphor of ladies’ eyes

as books beyond the lords’ immediate situation more generously to a discus‑

sion of the workings of romantic love in general and then – in perhaps its most

Shakespearean turn – towards a half‑hinted relationship between romantic love

and “charity,” or Christian love. Berowne’s tone moves from the merely mock‑

ing or sophistical to the interrogative and, perhaps, ethical.

The change in timbre manifests from the beginning of the revised sec‑

tion. Berowne moves from castigation (“you … have forsworn”) to a humble

acknowledgment that, he, too, has broken his word (“we … have forsworn”).

The playwright removes the jingling rhyme of “look” and “book,” as if to mark

the difference between this speech and the clever couplets of Berowne’s ear‑

lier speeches or between this speech and the lords’ sonnets. “My liege” instead

of “my lord” begins to emphasize Berowne’s duty towards his lord as a feudal

or moral obligation, turning his speech from mere courtliness into genuine

courtesy. B dramatizes the move from page to stage itself through its metaphor

79. Ibid., p. 431.

���0

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

the sense‑organs and senses of the body by enriching the sensible or vital soul.

In this way Berowne makes a virtue out of the supposed inferiority of the vital

spirit that governed the sensible soul and lodged in the heart and the arter‑

ies over the animal spirit that governed the “rational soul” and lodged in the

brain. To be brain‑bound, he suggests, is to be “immured” or imprisoned within

the limits of the merely human, but a preternaturally endowed super‑loving

soul takes on the highest qualities or abilities of creatures from the natural world

(eagle eyes, the ears of fearful grazing herbivores, the somatosensory system

of vulnerable invertebrates) and the supernatural or heroic world. That heroic

world is itself evoked through reference to Greek myth: lovers have taste‑buds

more precise than those of the God of wine, strength superior to that of the

hero who won his place in the Pantheon through brute force, wit as challenging

as any Egyptian prophecy, and speak with the mellifluousness of “Apollo’s lute,

strung with his hair.” The reference to Apollo’s lute‑strings is perhaps an indirect

remnant of the earlier version of the speech, through the association of Apollo’s

instruments and the removal of tensile body parts to string them. Greek

mythology recounted how the Titan Typhon cut Zeus’ sinews from his legs and

trapped him immobile in a cave ruled by a sea‑serpent until, in one version

of the myth, Cadmus tricked the monster into giving up the sinews, saying that

he needed them to string Apollo’s lyre.81 It’s a myth to which Shakespeare refers

in Troilus and Cressida (3.3.304) and The Two Gentlemen of Verona (3.2.77) and

perhaps here in Speech B. The road‑weary traveller weakened by his sinews

in A becomes in B the lute strung not with living, bloody, sinewy tissue but with

“bright … hair,” dead but beautiful excrescence. Women’s eyes, in both versions

of the speech, offer to human beings a power comparable to Prometheus’ gift

of fire, something that can elevate them to the level of, or even beyond, the gods.

The conclusion of speech B differs from A’s in tone, metaphor, and ethics.

A concludes that learning is an “adjunct to ourselves,” that is, one engages

in study in order to develop one’s talents and to become self‑aware. If the lords

desire such self‑knowledge, they need only look at their reflections in their ladies’

eyes in order to acquire it, since they (and their learning) appear there. In this

world, both ladies and learning are subordinate to the lords’ self‑fulfillment;

8�. Robert Graves, The Greek Myths (Baltimore, MD: Penguin, 1955), p. 134.

through various purifications in the body, united the material and mortal body

with the immaterial and immortal soul, which was itself composed of three

parts. This early modern tripartite soul, derived from Galen and classical medi‑

cine, comprised the vegetative soul, which resided in the liver, nourished by

the “natural spirit” that the liver produced along with so‑called “nutritive

blood” that went to the heart and was there refined into “pure blood”; the vital

or sensible soul, which dwelt in the heart, nourished on the “vital spirit” made

in the heart from the union of pure blood with air in the arteries or in the heart

and that, enspirited, traveled as “spirituous blood” to the brain; and the rational

soul, which inhabited the brain, nourished on the “animal spirit” (from Latin

anima, soul) manufactured in the brain itself from the pure or “spirituous

blood” that had been made with air in the heart. The vegetative soul controlled

the “lower” functions such as eating and defecation, and the pre‑conscious

function of growth; the sensible soul controlled motion and took in sensory

impressions and data; and the rational controlled reason, morality, and logic.

Just as the heart consumed vital spirit when a lover sighed out valuable air, so

excessive study and solitude would exhaust the body’s supply of vitality and

render it unable to produce the still‑more‑rarefied rational or animal spirit

in the brain. When artificially extended, such deprivation resulted in a super‑

fluity of melancholy or black bile, the disorder of which Armado complains.

Berowne compares such exhaustion to the way in which the “sinew[s]” of the

body (which could mean either the nerves, thought in this era to be the vehicles

for sensation, or the tendons, which held muscles in place) become exhausted

through hard labor or long travel (both senses are included in the word travail),

because they use up their store of spirit or energy.

In B the playwright reverses the sense of these lines, moves them earlier

into the speech, and extends them about three times as long. Where A discusses

the deleterious effects of study on the body and especially upon the vital spirit

that was nourished by air, B lauds the elevating power of “Love” (personified

many times in this play, as Carroll points out, along with Hercules, who appears

almost as frequently, and who is, a figure known for completing twelve oner‑

ous “labours,” after all).80 Love, argues Berowne, “double[s]” the abilities of all

80. William Carroll, The Great Feast of Language in Love’s Labour’s Lost (Princeton, NJ: Princeton University Press, 1976), “Appendix B,” pp. 236‑41.

����

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

A twelvemonth shall you spend, and never rest,

But seek the weary beds of people sick.

Dumaine then demands, as if with a plaintive hope that his fate will be different:

But what to me, my love? But what to me?

A wife?

Most modern editions, including Carroll’s Cambridge edition, delete both

Berowne’s and Rosaline’s speeches. The reasons for cutting both speeches are

clear: Dumaine repeats almost word‑for‑word Berowne’s question to Katharine

right after Rosaline’s speech, and Rosaline offers an expanded version of her

speech later in the scene (5.2.809‑22, 826‑837).

The deletion, moreover, has a long history. The Romantic poet and

Shakespearean Samuel Taylor Coleridge wrote, extravagantly, “There can be

no doubt, indeed, about the propriety of expunging this speech of Rosaline’s;

it soils the very page that retains it,” but argued that Berowne’s question should

be retained despite Dumaine’s repetition: “It is quite in Biron's character;

and Rosaline not answering it immediately, Dumain takes up the question for

him.”83 What did Coleridge find so “soil[ing]” about the first version? Perhaps

the figure of purging and the language of disgust (“rank” or foul‑smelling sin;

stained or “attaint[ed]” faults) seemed to transfer the dirt from the imagery

to the page itself, or Rosaline’s heavily charged, moralising language (sin,

perjury, fault) struck him as too weighty. Again, however, paying attention

to every word originally printed – whether intended to be let stand, whether

ever performed, or whether interpolated from an acting version – can permit us

to note how Shakespeare almost certainly revised his work, in this case to sof‑

ten the moral opprobrium against Berowne and to make it more specific, and

to re‑work the metaphor of purgation so that physical disgust plays a smaller

part in Rosaline’s response to Berowne (and makes a moral change in Berowne

and a subsequent marriage between him and Rosaline more likely).

8�. Samuel Taylor Coleridge, “Notes on Love’s Labour’s Lost,” in Coleridge’s Lectures on Shakspeare [sic] and Other Poets and Dramatists (1810), edited by Ernest Rhys (London: Everyman, 1909), p. 76.

a self‑mirroring, narcissistic cocoon surrounds their academe and the ladies may

be brought into it only as “adjuncts” of the lords’ own satisfaction.

B, in contrast, continues to project Love as an elevating force that tran‑

scends the merely human or worldly and that even breaks down the doctrine

of masculine superiority. The exclusion of women is moot, Berowne implies,

when men – the women’s fathers – are the “authors” of the women whom

the lords encounter, and women are paradoxically the authors of the lords

themselves, since it is “by [women] we men are men,” born of their mothers

and affirmed in their sex by their love for the ladies. Each lord, argues Berowne,

comprises only one half of a true or complete self, without which they will

be lost along with their “oaths.” His final lines outrageously aver that such an

oath‑breaking has become a sacred duty, but even as he parodies the rhetoric

and form of a sermon his closing question, “who can sever love from char‑

ity?” looks forward to the penalties that the ladies will impose upon their lov‑

ers – whom they find singularly lacking in “charity” or generosity. The mocking

of Holofernes, too, shows us the lords in their worst aspects. From comic butt,

Holofernes “becomes a figure of real dignity and stature, restrained and cour‑

teous in the face of the most applying incivility,” writes Anne Barton, when he

cries out towards the close of the Pageant of the Nine Worthies: “This is not

generous, not gentle, not humble” (5.2.614).82 We see the lords display their

most contemptuous and contemptible behavior right before the startling

entrance of Marcade and the play’s change in tone. In the context of the lords’

humiliating and arrogant treatment of the players, the Princess’s and Rosaline’s

chidings are less surprising.

A final pair of speeches – a question from Berowne, and a scolding

from Rosaline – present another textual crux. After the entrance of Marcade

and the Queen’s abrupt dismissal of Navarre, in the quartos and the folio

Berowne asks: “And what to me, my love? And what to me?” Rosaline replies:

You must be purged too, your sins are rank;

You are attaint with fault and perjury:

Therefore, if you my favour mean to get,

8�. Bobbyann Roesen [Anne Barton], “Love’s Labour’s Lost,” Shakespeare Quarterly 4.4 (1953), p. 423.

���4

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

when instilled into the ear, to eradicate earwigs, which were thought to crawl

into the ear canal and inflict pain or hearing loss upon sufferers. Berowne’s

brain in this image is additionally the “fruitful” field overrun with wild

or unproductive plants. The second version of Rosaline’s speech expands

her edict to visit bedridden patients by emphasizing the contrast between

the latter’s “speechless[ness]” or “groaning” wordlessness and Berowne’s

“gibing spirit” (5.2.819‑25).

The differences between the play’s conclusion in Q1 and F suggest

a thoughtful hand that both acknowledges the difficulty or harshness of the

workaday world and the absolute necessity of sustaining the moral courage

to face it. “The words of Mercury are harsh after the songs of Apollo” is unat‑

tributed and set in a larger typeface than the songs in Q but regularly set and

lineated as play‑text and given to “Brag.” that is, “Braggart” or Armado in F.

The final line in F, “You that way; we this way,” does not appear at all in Q

and has even been taken by some to be a stage direction mistakenly set by

a compositor. Most editors today, including Carroll and Woudhuysen, are con‑

fident in the attribution of both concluding lines to Armado, so that “in per‑

formance these alterations privilege Armado’s as the final voice of the play.”85

The renowned actor‑manager and stage‑director, Harley Granville‑Barker, first

observed the justness of such a conclusion in 1926:

In fact, as there is no curtain to descend, no other‑world of illusion

to hide, the actors are already putting off the characters so lightly worn,

and telling us that, after all, it is only a play. No, Armado does not dance.

It is as if, the revels over, he stalked forward to speak an epilogue:

The words of Mercury are harsh after the songs of Apollo…

and could get no further. Are they ready to mock him again?

Then he bows to the quality:

You, that way; we, this way.

shepherds his motley flock and stalks after them.86

8�. Carroll, ed., Love’s Labour’s Lost, pp. 186‑90, p. 190.

8�. Harley Granville‑Barker, Preface to Love’s Labour’s Lost, (1924 and 1927; repr. London: Simon Hern/National Theatre, 1993), p. 73.

The revised speech contextualizes Rosaline’s castigation within their

shared history. Its opening lines, her “Oft have I heard of you…/ Before I saw

you” (5.2.809‑10) remind us that Rosaline, like the other ladies with respect

to their favored lords, first defends Berowne to the Princess. The latter has

claimed that Longaville, the first lord introduced, must be “some merry mock‑

ing lord” (2.1.52). Katharine follows up by describing Dumaine’s wit as one

“to make an ill shape good,” full of “great worthiness” (59‑63). Rosaline first

outlines Berowne’s compulsive jesting – “His eye begets occasion for his wit; /

For every object that the one doth catch / The other turns to a mirth‑moving

jest” – but then champions Berowne’s intellect and words as “fair … apt and

gracious … sweet and voluble” (69‑76).

By the end of the play, all four ladies judge their lords more harshly,

Rosaline in particular, for she suspects (as the play has encouraged us

to think) that Berowne is more capable than the other lords of independ‑

ent thinking and of true moral growth. The second version of Rosaline’s

speech emphasizes less Berowne’s “sins,” a word that evokes a personal fault

or individual moral lapse, than the “wounding flouts,” the injuries, that he

has inflicted upon those from “all estates” (including Holofernes, whose com‑

plaint that the gentlemen lack gentility we recall). In other words, Berowne

must not merely repent via personal purge or penance in order to save his

soul from heavenly judgement but must reform his behavior and his beliefs

in order to participate fully and responsibly in social life. Some commenta‑

tors have found an opposition between an implied Catholicism in the men’s

single‑sex segregation and the “ ‘special grace’ which plausibly alludes to the

Calvinist conception of ‘particular’ grace, or election.”84 Rosaline’s prom‑

ise that she will encounter a Berowne “empty of that fault” and become

“Right joyful of [his] reformation” continues this religiously‑inflected

language (5.2.837).

Rosaline’s determination that Berowne must “weed this wormwood

from [his] fruitful brain” (5.2.815) compares Berowne’s wit to the astrin‑

gent, bitter, and poisonous herb wormwood, used therapeutically to wean

recalcitrant toddlers from breast‑feeding; to kill internal parasites; and,

84. Phillipa Berry, “Salving the Mail,” in Spiritual Shakespeares, edited by Ewan Fernie (London: Routledge, 2005), p.100.

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Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

the play’s rhymes as “jingling declamation” and censured its “many passages

mean, child’s, and vulgar … some which ought not to have been exhibited,

as we are told they were, to a maiden queen.”90

The play was often disparaged as Shakespeare’s “first” play, an

unfounded tradition that Coleridge might have been the first critic to suggest.

Coleridge argued that the parody of “scholastic” activities and of the “grotesque

in language” indicated a man who had spent time in the schoolroom, because

a poet’s first works often tended to embellish more directly autobiographi‑

cal material than his later ones.91 Chambers suggested in the early twentieth

century that the Comedy of Errors was Shakespeare’s first comedy, despite its

technical mastery and complex plotting, and the belief that Love’s Labour’s Lost

demonstrated Shakespeare’s immaturity persisted until the latter decades of the

twentieth century, when The Two Gentlemen of Verona replaced it (in Wells

and Taylor’s Oxford Shakespeare in 1986) as the first comedy. Most scholars

today locate Love’s Labour’s Lost among a group of early plays about love from

the mid‑1590s that includes A Midsummer Night’s Dream and Romeo and Juliet,

which, like Love’s Labour’s Lost, include a preponderance of rhyming couplets

and (in Romeo and Juliet and in Love’s Labour’s Lost) interpolated sonnets, rhe‑

torical bravura, and the sustained imagery of light and dark and day and night

to characterize romantic love. Although considering it juvenilia, at the same

time Coleridge admired the play’s “satires of words” and praised Berowne’s long

speech in 4.3, in particular, as exemplifying the way in which

Shakespeare, in his two‑fold being of poet and philosopher, avails himself

of [“logic clothed in rhetoric”] to convey profound truths in the most lively

images, – the whole remaining faithful to the character supposed to utter

the lines, and the expressions themselves constituting a further

development[sic] of that character.92

90. Samuel Johnson, “Observations on the Fable and Composition of Love’s Labour’s Lost,” in Love’s Labour’s Lost: Bell’s Shakespeare, edited by John Bell (London: 1787), pp. 3‑4.

9�. Samuel Taylor Coleridge, General Observations on Shakespeare’s Plays, edited by Arthur Murphy (London: 1801), p. 74, p. 145.

9�. Ibid., p. 72.

EARLY RESPONSES

Love’s Labour’s Lost was popular enough in its own time that contemporary ref‑

erences to it exist within literary works by other writers as well as in book‑lists,

in title‑pages, and in legal documents. Robert Tofte’s poetic response takes up

the idea of the personification of Love and also the language of plague associated

with love, as in the exchange between Berowne and Rosaline in 5.2.417‑423.87

Berowne, complaining he is “sick,” compares the lords’ visible signs of love (the

sonnets that they bear upon their persons) to “the lord’s tokens” or buboes

of plague and asks Rosaline to “Write ‘Lord have mercy’ on those three,” in a ref‑

erence to the custom of quarantining plague‑sufferers and painting a white

(later, a red) cross upon their doors so that none but the plague‑searchers bring‑

ing sustenance or checking the bodies of the dead could enter. Tofte complains,

“This play no play, but plague was unto me” and concludes that, while others

laughed, he found it “Tragick” to see “LOVE lose his LOVE, / Like hardened Rock

that force nor power can move.” In the same year, 1598, Francis Meres includes

the play in his list of Shakespeare’s works that merit the latter’s inclusion into an

emerging canon of English literature; he also includes the lost Love’s Labour’s

Won, presumably a sequel to Love’s Labour’s Lost that concludes the mar‑

riage‑plot and establishes the union of the realms of Navarre and France.88

The play was well‑received enough to be revived both on the pub‑

lic stages and in court before Queen Anna. Despite the play’s popularity at

the turn of the seventeenth century, “[b]etween the first decade of the seven‑

teenth century and the third decade of the nineteenth century, Love’s Labour’s

Lost seems to have disappeared from the English stage,” although lines from

it were still frequently quoted, and its songs particularly admired.89 Some went

as far as to deny its attribution to Shakespeare, although Samuel Johnson, essay‑

ist and lexicographer, and one of Shakespeare’s earliest and most perceptive lit‑

erary critics, defended the play and argued that “scattered, through the whole

[are] many marks of genius; nor is there any play that has more evident marks

of the hand of Shakespeare.” At the same time, he notoriously condemned

87. Robert Tofte, Alba (London: 1598), G5r, repr. Carroll, Love’s Labour’s Lost, p. 201.

88. Francis Meres, Palladis Tamia.

89. Miriam Gilbert, Love’s Labour’s Lost, p. 21.

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Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

in this period, like the charge of sodomy, was often leveled at political agita‑

tors or those suspected of treason). Unfortunately, there is no historical evi‑

dence to suggest that such a “School of Night” ever existed, still less to prove that

Shakespeare is referring to it. Nonetheless, early twentieth‑century studies of the

play were for the most part restricted to ever‑more‑narrow topical readings that

attempted to map particular characters on to specific individuals and to explain

away any variations in characters’ behavior by wild speculation about the play’s

date and composition. Mary Ellen Lamb historicizes this early interest in topi‑

cality and observes that there is no need for readers or viewers to mire them‑

selves in its supposed topicality, given that topical or time‑sensitive allusions

abound in other plays that we consider no less stage‑worthy or reader‑friendly.

Lamb locates the origins of the association between Love’s Labour’s Lost and top‑

icality with Shakespearean Sidney Lee’s 1880 identification in The Gentleman’s

Magazine of the real‑life French noblemen whose names Shakespeare borrowed.

While the earliest commentators, such as Lee himself, helpfully identified con‑

cerns that would indeed have resonated in early modern England, particularly

surrounding the alliance of Protestant French lords with the English against

the Catholic threat of Spain, Lamb criticizes later readers such as Yates and

Bradbrook with an excessive desire for both historical accuracy and consistent

characterization in what is, after all, a play. At the same time, Lamb acknowl‑

edges that topical readings can illuminate plays in unexpected ways and encour‑

ages onomastics, in particular, in the study of other works by Shakespeare.95

Mid‑twentieth‑century criticism moved the critical discussion of Love’s

Labour’s Lost from the putatively topical to the meta‑theatrical on the one

hand and the rhetorical and literary on the other. In an article in Shakespeare

Quarterly in 1953 and then in her monograph Shakespeare and the Idea of the

Play Anne Barton discussed both Shakespeare’s self‑conscious theatricality

within the plays and specifically the way in which the entrance of Marcade into

Love’s Labour’s Lost forces us to realize that the shimmeringly beautiful and

courtly world of the lords and ladies is a chimera just as the world of playgo‑

ing and playgoers is itself a respite from quotidian life. “[T]hose absurd vows

to which the four friends commit themselves in the initial scene spring from

9�. Mary Ellen Lamb, “The Nature of Topicality in Love’s Labour’s Lost,” Shakespeare Survey 38 (1985): 49‑59.

Even the great Romantic literary critic William Hazlitt, famously dismiss‑

ive (“If we were to part with any of the author’s comedies, it should be this”),

praised the developing relationship between Rosaline and Berowne, and con‑

cluded, in contrast to the eighteenth‑century adaptors who had not permit‑

ted the play’s unconventional ending to stand: “the penance which Rosaline

imposes on Biron, before he can expect to gain her consent to marry him, [is]

full of propriety and beauty.”93

The play’s fortunes arguably began to turn after the publication of

Granville‑Barker’s Prefaces to Shakespeare in the early twentieth century and

Peter Brook’s landmark post‑war production of the play (1946) at the Royal

Shakespeare Theatre. Granville‑Barker defended the play’s wit, accommodated

its textual irregularities, and, throughout the prefaces, argued staunchly for main‑

taining original practices in staging, such as the use of an open or thrust stage

with minimal or no fixed scenery, the inclusion of a jig or dance in conclusion

and songs (as indicated in the text) throughout, the omission of lengthy breaks

between scenes, and the encouragement of actors to deliver Shakespeare’s words

more rapidly or naturalistically, rather than in a histrionic or declamatory style.

TWENTIETH AND TWENTY‑FIRST CENTURY CRITICISM

The twentieth century transformed Love’s Labour’s Lost from one of

Shakespeare’s least‑loved plays on either stage or page to one beloved by lit‑

erary critics because of its teasing, apparent topicality; its interest in satirizing

and commenting upon earlier forms of drama; and its ecstatic, compulsive,

compelling wordplay. Early twentieth‑century criticism, notably some unchar‑

acteristically far‑fetched work by the influential and accomplished scholars

Frances Yates and Muriel Bradbrook, became mired in topical allusion, seek‑

ing to identify a fabled “School of Night” to which the lords supposedly refer

in their mock‑contest to disparage each others’ mistresses.94 The putative School

of Night included Sir Walter Raleigh, George Chapman, Christopher Marlowe

and others who allegedly professed a “School of Atheism” (the charge of atheism

9�. William Hazlitt, Characters of Shakespeare’s Plays (London: 1817), p. 293, p. 296.

94. Muriel Bradbrook, The School of Night: A Study in the Literary Relationships of Sir Walter Raleigh (Cambridge: Cambridge University Press, 1936); Frances Yates, A Study of Love’s Labour’s Lost (Cambridge: Cambridge University Press, 1936).

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Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

sive use of synonyms; Longaville’s naive Petrarchanism; and Berowne’s irony.

The book concludes with a reading of the final songs – and the mysterious,

unattributed (in Q1) concluding line, “The words of Mercury are harsh after

the songs of Apollo” – that understands the lyrics as a commentary upon the true

uses of art to return the lords and ladies to a genuine or authentic pastoral rather

than the self‑indulgent playing of the first scenes. Carroll’s rich vein of analysis

pioneered a critical interest in the play’s language that sought to redeem its lin‑

guistic extravagance from Dr. Johnson’s notorious charge that puns and word‑

play were to Shakespeare the “fatal Cleopatra” that drew him to shipwreck.100

During the 1970s and 80s, feminist criticism looked to Love’s Labour’s

Lost for alternatives to heteronormativity. Irene Dash identifies the princess and

her ladies as strong female characters who overturn the expected or conventional

balance of power and who require (and are, it is implied, granted) a new seri‑

ousness and sensitivity from their lovers. Dash suggests that this play presents

women as “complex individual characters” rather than as mere adjuncts to their

lords.101 She observes, however, that many of the women’s lines were cut from

stage productions in an insouciance about female parts that she finds typical

of eighteenth‑ and nineteenth‑century directors. In the same year, Peter Erickson

praises the ways in which the play both interrogates and takes seriously the son‑

net convention of the cruel or dominating mistress and her beleaguered male

lover. Unable to maintain the suspension of patriarchy that such a power‑rever‑

sal, taken seriously in the world of the play, would entail, relations between men

and women founder, he argues, and fundamentally and irretrievably break

down.102 Ann Thompson notes the relative dearth of feminist readings of Love’s

Labour’s Lost and the Comedy of Errors but also some of the problems surround‑

ing the play’s obscenity. On the one hand, as Dash suggests, the bawdry of the

Princess and her ladies, often cut from performance, permits the women to “give

as good as they get.” On the other,

�00. Samuel Johnson, “Preface,” The Plays of William Shakespeare in Eight Volumes, Volume 1, B3r.

�0�. Irene Dash, Wooing, Wedding and Power: Women in Shakespeare’s Plays (New York: Columbia University Press, 1984), p. 30.

�0�. Peter Erickson, “The Failure of Relationship between Men and Women in Love's Labor's Lost,” Women's Studies 9 (1981): 65‑81.

a recognition of the tragic brevity and impermanence of life that is peculiarly

Renaissance,” she argued, finding parallels between Love’s Labour’s Lost and later

problem comedies such as Measure for Measure.96 The destruction of the little

Academe seems to shepherd us into

an untroubled close, a romantic ending like that of [Much Ado About

Nothing]. As we have in some sense been told by the title, and by the

comments of the ladies, such an ending is, in this case, impossible.

From the Academe theme the play turns now to the destruction of the half‑real

world within the royal park, a destruction which, in the actual moment

in which it is accomplished, is unexpected and shocking… With Act Five,

the thought of Death enters the park.97

James Calderwood’s Shakespearean Metadrama took Love’s Labour’s Lost as one

of the test‑cases for a theory that early Shakespearean plays self‑consciously

reflect upon the generic requirements of drama and contain within themselves

their own poetics.98 Frédérique Fouassier‑Tate’s chapter on the metatheatrical

elements of this play further contextualizes critical responses to the Masque

of the Muscovites, the Pageant of the Nine Worthies, the sonnet‑reading or over‑

looking scene and the play’s many references to the conventions of the stage.

William Carroll’s The Great Feast of Language in Love’s Labour’s Lost

takes both play and word‑play seriously and locates Love’s Labour’s Lost within

the rhetorical contexts of mythology and literary history.99 Carroll argues that

the play dramatizes early modern debates surrounding the purpose and uses

of rhetoric and poetry. Carroll’s book additionally uncovers the styles and tropes

that characterize each of the persons of the play, including the minor or com‑

mon characters. Thus he notes Dull’s stolidity and Costard’s literalism along

with Armado’s predilection for pleonasmus or periphrasis; Holofernes’ compul‑

9�. Bobbyann Roesen [Anne Barton], “Love’s Labour’s Lost,” p. 412.

97. Ibid., p. 419.

98. James Calderwood, Shakespearean Metadrama: The Argument of the Play in Titus Andronicus, Love’s Labour’s Lost, Romeo and Juliet, A Midsummer Night’s Dream, and Richard II (Minneapolis: University of Minnesota Press, 1971).

99. Carroll, The Great Feast of Language.

����

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

Current scholarship on the play engages the play’s topical or historical context,

its linguistic bravura and virtuosity, its theatrical and performance history and,

most recently, its relationship to cultures of print production in early modern

England. Late twentieth‑ and early twenty‑first century topical readings have

fruitfully historicized England’s relationship with Russia. John Archer contextu‑

alizes the entrance of the “blackamoors” with the Muscovites through the deri‑

vation of the word “slave” from “slav” and the common association of Russians

and blackamoors as crude or uncivil.105 Darryl Palmer recounts the history

of the “long and tedious correspondence” between Elizabeth I of England and

Ivan IV of Russia, and their many mutual misunderstandings, and suggests that

Love’s Labour’s Lost’s letters, envoys, and wordplay all work to “undo reading”

as a mode of gathering information.106 Lynne Magnusson has identified Don

Adriano de Armado with the real‑life traveller Antonio Pérez in order to argue

that the play dramatizes the coinage of neologisms and foreign words by fig‑

uring words themselves as strangers or incomers to England.107 Most recently,

Elizabeth Pentland argues that scholars have neglected the history of the king‑

dom of Navarre in their focus on relations between France and Spain. Pentland

explains Armado’s presence in the court as a marker of “Shakespeare’s Navarre

[as] … an historical fiction, an anachronistic space that recalls, simultane‑

ously, the realm’s French past, its conquest by Spain, and its contested status at

the close of the sixteenth century.”108 The play’s self‑proclaimed and often noted

linguistic novelty, then, sets off its equally self‑conscious return to a bygone

age, one in which, suggests Pentland, “[g] ender … replaces religion as the site

of political struggle in this play” as part of a Shakespearean parody that recasts

�0�. John Archer, “Slave‑Born Muscovites: Racial Difference and the Geography of Servitude in Astrophil and Stella and Love's Labor's Lost,” in Playing the Globe: Genre and Geography in English Renaissance Drama, edited by John Gillies and Virginia Mason Vaughan (Madison, NJ: Fairleigh Dickinson University Press, 1998), pp. 154‑75.

�0�. Darryl Palmer, Writing Russia in the Age of Shakespeare (Burlington, VT: Ashgate, 2004), pp. 84‑5.

�07. Lynne Magnusson, “To ‘Gaze So Much at the Fine Stranger’: Armado and the Politics of English in Love’s Labour’s Lost,” in Shakespeare and the Cultures of Performance, edited by Paul Yachnin and Patricia Badir (Burlington, VT: Ashgate, 2008), pp. 53‑68.

�08. Elizabeth Pentland, “Shakespeare, Navarre, and Continental History,” in Interlinguicity, Internationality, and Shakespeare, edited by Michael Saenger (Montreal: McGill‑Queen’s University Press, 2014), p. 39.

verbal obscenity is most likely to be directed against women in these plays,

given the association between the female and sexuality in general. Without

quite descending to the reductionism of Launce in The Two Gentlemen

of Verona (“This shoe with the hole in it is my mother” [2.3.17‑18]),

both plays seem obsessed with the physical aspects of sex and with female

genital parts: women constitute a “lack,” both in the Freudian sense and

as a literal absence from the Elizabethan stage.103

The dazzling, historically inflected feminist reading pioneered by Patricia Parker

ranges eclectically across early modern rhetoric to cultural materialism, the

function of obscenity, and poly‑lingual dictionaries. Her article “Preposterous

Reversals: Love’s Labour’s Lost” begins by noting the rhetorical figure of the “pre‑

posterous” or backwardness within the play and its relationship to obscenity,

gender reversal, and the overthrow of expected hierarchies:

[W]hat may appear merely gratuitious verbal reversals or rhetorical turns

in this play are often inseparable from its reversals of gender.

Love’s Labour’s Lost involves not only the overturning of comic

conventions in its unconventional end … but the repeated reversal

of contemporary stereotypes of female and male.

Moreover, adds Parker, even the jokes upon the word “post”

in the sense of that which follows or comes behind, … [link] the play’s

exploitation of the new disciplines of literacy with the delivery of letters

in the sense of missives – in a play in which the distinction between

letter’d” and “unlettered” is part of the attempt to separate “high” from

“low” in social terms.104

�0�. Ann Thompson, “‘Errors’ and ‘Labors’: Feminism and Early Shakespearean Comedy,” in Shakespeare's Sweet Thunder: Essays on the Early Comedies, edited by Michael J. Collins (Newark: University of Delaware Press, 1997), pp. 90‑101, esp. 98.

�04. Patricia Parker, “Preposterous Reversals: Love’s Labour’s Lost,” Modern Language Quarterly 54.4 (December 1993), p. 435, p. 445, p. 462.

���4

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

context to be slight.113 Even Ramona Wray’s sympathetic reading observed

that the film’s “privileg[ing] a ‘British’ context … is a species of nostalgia that

removes to the periphery the Continental and American consumer. At a deeper

level, the essentially British orientation of the newsreel comes into tension with

the musical’s all‑American modality.”114

A few recent scholarly essays have attempted to defend the film.

Douglas Green reads the film positively as kitsch or “Shakespeare camp.”115

Diana Henderson calls for literary and theatre critics to read the film alongside

the history of media and of critical reception, contrasting the wide discussion

of Branagh’s film to the dearth of commentary on Paul Sirett’s successful Black

British musical theatre adaptation, set to the 1950s, The Big Life.116 John Severn

responds to Henderson’s call, in part, by contrasting versions of escapism and

suggesting that the actors’ failure to dance and sing at a virtuoso standard might

in fact prove a strength of the film, since it highlights that (for example in the

men’s first dance number), “Neither step is correct or incorrect, competent

or incompetent: what is significant is their simultaneous use, which produces

a scrappy effect that undercuts the apparent unity in the corporate gesture

of the men’s kickline.”117

As Henderson called for performance‑oriented approaches to take

account of particular media ecologies and the mechanics of transmission or dis‑

semination, so an intriguing direction of twenty‑first‑century scholarship on

the play identifies its interest in print and communication technologies, recon‑

textualizes literary sources and appropriations within a particular informa‑

tion network, and integrates this study of media and mediation with a critique

���. Kelli Marshall, “‘It Doth Forget to Do the Thing It Should’: Kenneth Branagh, Love’s Labour’s Lost, and (Mis)Interpreting the Musical Genre,” Literature Film Quarterly 33.2 (2005): 83‑91.

��4. Ramona Wray, “Nostalgia for Navarre: The Melancholic Metacinema of Kenneth Branagh’s Love’s Labour’s Lost,” Literature Film Quarterly 30.3 (2002), p. 174.

���. Douglas Green, “Branagh’s Love’s Labour’s Lost and the Return of the Hollywood Musical: Song of the Living Dead,” Shakespeare Bulletin: A Journal of Performance Criticism and Scholarship 26.1 (2008): 77‑96.

���. Diana Henderson, “Catalysing What? Historical Remediation, the Musical, and What of Love’s Labour’s Lasts,” Shakespeare Survey 64 (2011): 97‑113.

��7. John Severn, “Interrogating Escapism: Rethinking Kenneth Branagh’s Love’s Labour’s Lost,” Shakespeare Bulletin 31.3 (2013), p. 474.

the historical disinheritance of Catherine of Foix from the kingdom of Navarre

upon its conquest by Spain.109 Armado’s speech expostulating against the god

of love for making him fall in love with a “base wench” (1.2.49), for example,

comments upon the vexed political histories of France, Spain and Navarre and

alludes to then‑current stereotypes about France and Spain.

Critics have also analyzed performances of Love’s Labour’s Lost as arte‑

facts in their own right and not just as adaptations or secondary versions of the

play. Gilbert’s useful Love’s Labour’s Lost: Shakespeare in Performance both

recounts the performance history of the play and offers an account of par‑

ticularly notable or storied productions such as Peter Brook’s post‑war pro‑

duction at the Royal Shakespeare Theatre; John Barton’s RSC productions

in 1965 and its revival in 1978; Elijah Moshinsky’s 1984 BBC television pro‑

duction of the play; and Kenneth Branagh’s unfortunate feature film of 2000.110

Branagh’s musical version of the play re‑set the action to the Second World War,

drastically cut the text to make it run for ninety‑minutes even with the inclu‑

sion of several song‑and‑dance numbers, and introduced a comic resolution

in which the lords emerged unscathed from German prisoner‑of‑war camps

and married their waiting lovers.

Branagh’s film was neither a critical nor a commercial success. Gayle

Holste calls the film “an ungainly hybrid” (229) and Michael Friedman sug‑

gests that the film fails both as Shakespearean adaptation and American musi‑

cal because the conventions of musical, in which women consent to dance and

to be wooed, are fundamentally at odds with the play, even after Branagh’s radi‑

cal surgery on the text.111 Moreover, writes Friedman, since “Branagh’s actors

sing passably well but cannot dance at a virtuoso level,” the film fails even if

understood as musical theatre rather than as Shakespearean adaptation.112

Kelli Marshall acknowledges that the film attempts to parody the conventions

of musical films of the 1930s but finds the former’s success even within this

�09. Ibid., p. 34.

��0. Miriam Gilbert, Love’s Labour’s Lost.

���. Gayle Holste, “Branagh’s Labour’s Lost: Too Much, Too Little, Too Late,” Literature Film Quarterly 30.3 (2002), p. 229.

���. Michael D. Friedman, “‘I won’t dance, don’t ask me’: Branagh’s Love's Labour's Lost and the American Film Musical,” Literature Film Quarterly 32.2 (2004), p.141.

�7��

Backgrounds“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

to Love’s Labour’s Lost must itself be lost, it turns out, in order to close the door‑

way between the Carrionites’ world and our own, because the witches “have

inserted the necessary language code that opened the portal into the last

speeches of Love's Labour's Won, making a spellbound Shakespeare mechani‑

cally and involuntarily write in what they need to have spoken aloud in the

scientific instrument that is the fourteen‑sided Globe.”122 Andrew Hartley ana‑

lyzes the episode as Shakespearean appropriation but also notes the energy

that the show’s popularity brought to David Tennant’s Hamlet at the RSC and

to the 2012 “Cultural Olympiad” that foregrounded “another nationalistic

cementing of cultural identity, though one complicated by the markers of high

art … less about what is ours – British – in terms of Shakespeare, and more

about what we are that involves his work in our past, present, and future.”123

Love’s Labour’s Lost became the first Shakespeare play to be staged

entirely in British Sign Language (BSL) as part of the Globe Theatre’s Globe

to Globe festival in May 2012. The production was well‑received and com‑

menters appreciated the translation of Shakespeare’s paranomasia, word‑play,

and linguistic character “fingerprints” into the expressive physical language

of BSL.124 The following year, the New York Public Theatre’s annual Shakespeare

in the Park series presented a musical adaptation of Love’s Labour’s Lost. Ben

Brantley, writing in the New York Times, complained about the costuming

choices, the exuberant musical numbers, and the lack of connection between

character and musical style, finding the production merely “silly.”125 Hilston Als

in the New Yorker, however, smartly adduced W.H. Auden’s 1946 compari‑

���. Peter Holland, “Shakespeare, Humanity Indicators, and the Seven Deadly Sins,” Borrowers and Lenders: The Journal of Shakespeare and Appropriation 7.1. (Winter 2012) www.borrowers.uga.edu/783091/show, accessed September 15, 2014.

���. Andrew James Hartley, “Time Lord of Infinite Space: Celebrity Casting, Romanticism, and British Identity in the RSC’s “Doctor Who Hamlet,” Borrowers and Lenders: The Journal of Shakespeare and Appropriation 4.2 (Spring 2009), www.borrowers.uga.edu/782252/show, accessed September 15, 2014.

��4. Lucy Howard, “Love’s Labour’s Lost: Review,” The Guardian, May 25, 2012 www.theguardian.com/stage/2012/may/25/review‑loves‑labours‑lost‑globe, accessed September 15, 2014.

���. Ben Brantley, “Shakespearean Mood Swings in Progress: ‘Love’s Labour’s Lost,’ Loosely Speaking, in Central Park,” New York Times, August 12, 2013 www.nytimes.com/2013/08/13/theater/reviews/loves‑labours‑lost‑loosely‑speaking‑in‑central‑park.html?pagewanted=all, accessed September 15, 2014.

of editorial practice. Carla Mazzio argues that in the sonnet‑reading or over‑

looking scene, “Shakespeare seems to be staging not simply the absurdities

of excessively literate characters….but the social drama of a rather expansive and

expanding reading public.”118 “An edition of the play that retained many of the

individuated letters in the quarto, rather than spelling them out,” she suggests,

“would highlight many of the play’s jokes about letters.”119 Laura Estill tracks

the transmission of Shakespearean proverbs and phrases in various oral, printed,

and scribal media, including the circulation of phrases from Love’s Labour’s

Lost.120 Maurice Hunt’s recent article “Thomas Nashe, The Vnfortvnate Traveller,

and Love's Labour's Lost” similarly participates in the trend for a revitalized

source‑study in Shakespearean criticism.121 Other recent articles, and scholarly

editions such as Carroll’s or Woudhuysen, identify the relationships among Love’s

Labour’s Lost and the texts of not only Thomas Nashe, but also John Lyly, Philip

Sidney, Torquato Tasso, Lodovico Ariosto and the Italian commedia dell’arte.

Twenty‑first‑century trends emerging in performance of this play

include its re‑setting to different type periods and settings, and its reimagining

in global contexts. Carroll describes at some length Corinne Jabar’s exquisite

and politically charged 2005 production in the Babur Garden in Afghanistan,

and both that widely publicized production and the play’s significance

to a story‑arc in the popular British television science‑fiction series Doctor

Who in 2007 appear to have stimulated additional theatrical interest in the

play. The storyline in Doctor Who, “The Shakespeare Code,” concerned, among

other things, the loss of the sequel to the play, Love’s Labour’s Won, and nota‑

bly frees Shakespeare himself (played by Dean Lennox Kelly) from the control

of a malicious species of spell‑casting humanoids called “Carrionites” in their

home‑world but taking the name and form of witches on earth. The sequel

��8. Carla Mazzio, “The Melancholy of Print: Love’s Labour’s Lost,” in Historicism, Psychoanalysis, and Early Modern Culture, edited by Carla Mazzio and Douglas Trevor (London: Routledge 2000), p. 203.

��9. Ibid., p. 212.

��0. Laura Estill, “Proverbial Shakespeare: The Print and Manuscript Circulation of Extracts from Love’s Labour’s Lost," Shakespeare (British Shakespeare Association) 7.1 (2011): 35‑55.

���. Maurice Hunt, “Thomas Nashe, The Vnfortvnate Traveller, and Love’s Labour’s Lost,” Studies in English Literature 1500‑1900 54.2 (2014): 297‑314.

�8

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

son of the King and Lords to four young men “meeting in Greenwich Village

in 1946” and called it “brilliantly directed and adapted.”126 Ironically, Als claims

that the musical’s “most radical act of adaptation is to make the female char‑

acters as strong as the male ones” – an unconventionally gendered balance

of power that is in fact true to Shakespeare’s own text and is not a consequence

of “adaptation” in any way.127

At the time of writing (September 2014), the Royal Shakespeare

Company is about to begin a run of Love’s Labour’s Lost set to 1914, a pro‑

duction that will also be streamed live in February 2015 to cinemas in

half‑a‑dozen countries. As Woudhuysen, but not Carroll, finds plausible,

the RSC has chosen to pair Love’s Labour’s Lost with a Much Ado About

Nothing that they have retitled “Love’s Labour’s Won,” presumably to acti‑

vate greater interest in both productions and to draw parallels between

the two plays. The paired productions are set in the periods immediately

before (Love’s Labour’s Lost) and after (Love’s Labour’s Won / Much Ado About

Nothing) the Great War, making them also in some ways commentaries

upon or reworkings of Branagh’s film, set as it was before and after World

War II. Perhaps because of the fantasy of pastoral retreat that it promises and

the outspoken and powerful female characters that it delivers, Love’s Labour’s

Lost continues to appear to audiences and readers in the second decade

of the twenty‑first century more relevant and thought‑provoking than ever.

���. Hilton Als, “A worthy Love’s Labour’s Lost,” The New Yorker, August 14, 2013 www.newyorker.com/culture/culture‑desk/a‑worthy‑loves‑labours‑lost, accessed September 15, 2014.

��7. Ibid.

7�

I. “A FEAST OF LANGUAGES”

L’intrigue de Love’s Labour’s Lost tient en quelques mots : quatre jeunes

hommes jurent de se vouer à l’étude trois ans durant en s’abstenant de la com‑

pagnie des femmes. Quatre jeunes femmes arrivent, les hommes s’en

éprennent, ils brisent leurs serments et se promettent de mettre tout en

œuvre pour conquérir l’élue de leur cœur. Le scénario est si mince qu’il est

difficile de parler d’intrigue. Bien plus qu’une histoire, Love’s Labour’s Lost

met en scène une série de discussions, de dialogues, de débats, mais aussi

de textes lus, récités ou joués, dans lesquels les mots sont soumis à toutes

sortes de manipulations. La pièce s’articule autour de concepts opposés

(nature/culture, naturel/artificiel, sincérité/affectation, masculin/féminin,

etc.) qui s’affrontent au cours de joutes verbales dans lesquelles le sens des

mots se brouille jusqu’à parfois se perdre complètement, empêchant ainsi

la fonction première du langage, la communication. Ces échanges menés tam‑

bour battant ont entre autres effets de mettre en lumière la nature codifiée

des différents types de discours et des rapports sociaux qui les sous‑tendent.

La pléthore de mots sur lesquels les personnages rebondissent pour se livrer

à maints jeux sur leur sens, leur son et leurs connotations est responsable

de la majorité du comique de la pièce. Cet aspect a conduit de nombreux

critiques comme Geoffrey Bullough à considérer Love’s Labour’s Lost comme

une pièce d’idées, une fantaisie intellectuelle destinée aux esprits sophistiqués

de la cour. Bullough décrit la pièce comme « a delicate comedy of manners,

particularly suited to the well‑informed and cosmopolitan minds, the moc‑

king humour, the well‑schooled but anti‑academic taste, of the intellectuals

of the Essex circle and the Inns of Court128 ». Les jeux de mots et les traits

d’esprit qui fusent de toutes parts révèlent le langage au maximum de ses

��8. Geoffrey Bullough, Narrative and Dramatic Sources of Shakespeare. Volume I. Early Comedies, Poems, Romeo and Juliet, Londres, Routledge, 1957, 433.

7�

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

7�

« A feast of languages »

Dull, l’un des malaprops de Shakespeare, qui écorche et déforme des mots qu’il

emploie dans un contexte hors de propos. Les mots cessent d’être des signes fixes

et se font instables, fuyants. Dans ce contexte mouvant, le rapport entre signi‑

fié et signifiant est constamment remis en question et le rapport entre le signe

et la chose qu’il désigne apparaît comme arbitraire.

La théorie linguistique qui domine dans l’Angleterre de la Renaissance

pose que le mot et la réalité qu’il exprime entretiennent un lien très étroit ;

les mots sont envisagés comme appartenant à l’essence de l’objet auquel ils

font référence. Cette conviction trouve sa source dans le Cratyle*130 de Platon,

qui pose une relation intrinsèque entre les signes linguistiques et ce qu’ils

représentent, et dans la Genèse, où Adam attribue un nom aux animaux

que Dieu met devant lui. Dans The Advancement of Learning (1605), Francis

Bacon insiste également sur le rapport très étroit entre les signes et la réa‑

lité à laquelle ils renvoient. Cette position est mise à mal par Berowne dès

la scène d’exposition, quand il affirme dans un jeu de mots sur « godfather »

(parrain) et « God the father » (Dieu le père) que « every godfather can give

a name » (1.1.93). Berowne défend ce point de vue provocateur pour démon‑

trer à ses compagnons que se couper de la société et de ses propres instincts afin

d’acquérir toujours plus de savoir est une attitude stérile. Cette vision du langage

comme arbitraire constitue cependant un point de vue isolé dans Love’s Labour’s

Lost, où les personnages de l’intrigue secondaire en particulier ont des noms en

parfaite adéquation avec ce qu’ils sont. Par exemple, le représentant des forces

de l’ordre pauvre d’esprit est nommé Dull. De même, on trouve dans le nom

d’Armado, soldat fanfaron espagnol, une allusion évidente à l’Armada espagnole

mise en déroute par les forces anglaises en 1588131.

Les personnages de l’intrigue secondaire sont fascinés par les mots, qu’ils

ne comprennent pas toujours, et ces derniers se dotent pour eux d’une aura

mystérieuse et d’une sorte de pouvoir magique. « They have been at a great feast

of languages and stolen the scraps », déclare Moth au sujet d’Holofernes et de

��0. Les astérisques signalent des termes explicités dans la section « Éléments clés » à la fin du chapitre.

���. Pour une analyse détaillée des noms des personnages et de leurs connotations, nous renvoyons le lecteur aux notes de la liste des personnages dans l’édition de référence, p. 58‑59.

possibilités et Shakespeare au sommet de son talent … au risque de perdre

parfois le spectateur et de le laisser étourdi de tant de verbosité.

Les manipulations verbales tendent les relations entre les mots jusqu’au

point de rupture. Elles donnent à Love’s Labour’s Lost un aspect expérimen‑

tal et la font apparaître comme une exploration du langage sous toutes ses

formes et une interrogation sur le bon usage des différents types de discours.

De ce questionnement ressortent une insistance sur l’instabilité des mots et la

flottabilité du sens et la constatation d’un décalage parfois immense entre signi‑

fié et signifiant, entre le mot et la chose qu’il désigne. Il faut cependant se garder

de voir la pièce comme un amusement langagier gratuit et superficiel. Il ne s’agit

pas d’un pur exercice de forme ; le signifié a également de l’importance. Comme

tous les codes, le langage doit être partagé par les différentes parties impliquées

pour fonctionner. Son exploration est naturellement liée de manière très serrée

à l’analyse des rapports entre les sexes et entre les classes. La parodie, la sub‑

version, voire l’inversion des schémas traditionnels de la poésie pétrarquiste

notamment sont indissociables du questionnement sur les rapports entre les

hommes et les femmes, eux aussi souvent inversés, qui nous sont donnés à voir

dans la pièce. Ce questionnement s’effectue précisément par le biais du jeu sur

les mots et les codes des différents types de discours.

« THE ALMS‑BASKET OF WORDS��9 »

Les mots sont soumis à toutes sortes de manipulations dans Love’s Labour’s

Lost. Ils sont associés ou substitués les uns aux autres, sortis de leur contexte

ou de leur langue originale, voire même créés, rien ne leur est épargné. Chaque

personnage, en particulier de l’intrigue secondaire, possède un rapport aux mots

qui lui est propre et une manière de parler qui le distingue des autres (accent, tics

de langage, etc.). Ce dernier aspect possède un fort potentiel comique et consti‑

tue l’un des liens de parenté des personnages de l’intrigue secondaire avec ceux

de la commedia dell’arte : à chaque type étaient associés un costume et une

manière de parler particuliers. Cet idiosyncratisme est particulièrement visible

chez Holofernes et sa tendance à utiliser le rythme ternaire, à avoir recours à la

synonymie et à parsemer son discours de mots latins ou latinisants, ou chez

��9. 5.1.34‑35.

74

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

7�

« A feast of languages »

mie est le pédant Holofernes, qui cherche à travers elle à prouver son érudition.

La recherche constante de synonymes (qu’Holofernes groupe en général par

trois, adoptant ainsi un rythme ternaire image de perfection) conduit au recours

à des mots de plus en plus complexes et de moins en moins courants, obscur‑

cissant toujours davantage le sens du discours. En outre, comme le souligne

Carroll, les synonymes se révèlent être des métaphores, puisque que, bien que

plusieurs mots désignent un même objet, les connotations et les implications

de chacun des termes employés diffèrent parfois considérablement, amenant

ainsi la synonymie au point de rupture134. L’usage outrancier de la synonymie

permet à Shakespeare de tourner en dérision les préceptes éducatifs de la pre‑

mière moitié du seizième siècle, qui voyaient dans la capacité à utiliser un grand

nombre de mots un gage de talent d’écriture. Holofernes est obsédé par les

signes eux‑mêmes : il décortique, il dissèque, il analyse, dans le but de conser‑

ver le langage dans ce qu’il pense être sa pureté d’origine. Ainsi, il s’insurge

de la nouvelle prononciation du mot « debt ». Comme nombre d’éducateurs

du début de l’époque moderne, Holofernes pense qu’orthographe et pronon‑

ciation doivent correspondre exactement et il rejette tout signe de modernité :

« I abhor […] such rackers of orthography, as to speak “dout” sine “b”, when

he should say “doubt”, “det” when he should pronounce “debt” – d, e, b, t, not

d, e, t » (5.1.15‑18). Pour Holofernes, le langage est un système figé qui doit res‑

ter en l’état, attitude particulièrement stérile.

Les jeux de mots mettent quant à eux en œuvre l’homonymie*, la paro‑

nymie* et la polysémie. Ils sont essentiellement employés par les personnages

de l’intrigue principale et par Moth. Qu’un même son renvoie à des mots

différents ou qu’il existe plusieurs sens pour un mot, le résultat est le même :

le lien entre le signifié et le signifiant apparaît de plus en plus lâche et les mots

finissent par former des coquilles vides que l’on peut remplir de sens à l’envi.

Les confusions fondées sur la paronymie constituent une source de comique

efficace, comme en témoigne la conversation entre Dull et Holofernes sur

le cerf tué par la princesse. Alors que le pédant répond « haud credo » (« je n’en

crois rien » en latin) à Nathaniel qui affirme que la bête était « a buck of the

first head » (un cerf de cinq ans), Dull s’interpose pour affirmer que c’est « a

��4. Ibid., 20.

ses compagnons (5.1.32‑33), ce à quoi Costard répond : « O, they have lived long

on the alms‑basket of words » (34‑35). Les images d’ingestion sont récurrentes

quant il s’agit des personnages de l’intrigue secondaire. Ils se nourrissent des

mots, s’en délectent, s’en repaissent jusqu’à l’écœurement. Nathaniel explique

l’ignorance de Dull dans ces termes : « Sir, he hath never fed of the dainties that

are bred in a book. He hath not eat paper, as it were, he hath not drunk ink.

His intellect is not replenished » (4.2.21‑23132). Cette citation constitue aussi

une critique de l’éducation telle qu’elle est pratiquée par des maîtres d’école

figés dans le temps comme Holofernes : il s’agit de former des têtes bien pleines

plutôt que bien faites.

Les personnages n’ont de cesse de trouver le mot juste et de désigner les

choses de la manière la plus précise possible, comme en témoigne par exemple

la lettre d’Armado dans laquelle ce dernier s’efforce de décrire Costard à grand

renfort de termes dépréciatifs connotant la bassesse, le nommant successive‑

ment « that low‑spirited swain », « that base minow of thy mirth », « that unlette‑

red small‑knowing soul », « that shallow vassal », mots que Costard ne reconnaît

pas comme pouvant s’appliquer à lui jusqu’à ce que son nom soit finalement

prononcé (1.1.234‑240). Il n’y a pas pour lui d’identité entre ces signifiants péjo‑

ratifs et le signifié (à savoir lui‑même). Costard pour sa part accumule les syno‑

nymes* pour tenter d’échapper aux sanctions prévues par Navarre pour punir

quiconque serait trouvé en compagnie d’une femme. En jouant sur la multi‑

plicité des signifiants pour désigner un signifié unique, Costard espère faire

perdre de vue au roi la réalité que ces mots désignent, c’est‑à‑dire une femme,

Jaquenetta, qu’il appelle successivement « a damsel », « a virgin », « a maid » en

réponse au « wench » de la lettre d’Armado (265‑270), pour finalement admettre

que Jaquenetta est « a true girl » (284).

Comme le fait remarquer William C. Carroll dans The Great Feast

of Language in Love’s Labour’s Lost (1976), l’instabilité du langage trouve essen‑

tiellement son expression dans la pièce au travers de la synonymie* d’une part

et des jeux de mots d’autre part133. Le personnage qui use le plus de la synony‑

���. Pour une analyse plus détaillée de cet échange, nous invitons le lecteur à se reporter au chapitre de Sujata Iyengar dans le présent ouvrage.

���. William C. Carroll, The Great Feast of Language in Love’s Labour’s Lost, Princeton, Princeton University Press, 1976, 20.

7�

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

77

« A feast of languages »

étrange qu’il entend pour la première fois plonge Costard dans une sorte

de délire extatique. Il tient la pièce dans sa main et répète le mot « remuneration »

inlassablement, persuadé qu’il désigne la valeur de la pièce ; le son devient l’objet,

Costard le vénère presqu’autant pour lui‑même que pour ce qu’il désigne :

Now I will look to his remuneration. “Remuneration”! O, that’s the Latin

word for three‑farthings. Three‑farthings – remuneration. “What’s the

price of this inkle?” “One penny?” “No, I’ll give you a remuneration.”

Why, it carries it! Remuneration! Why, it is a fairer name than French

crown. I will never buy and sell out of this word (3.1.119‑123135)

L’épisode se répète suite à la récompense (« guerdon » / « gardon ») que lui donne

Berowne pour qu’il livre sa lettre à Rosaline, et Costard s’éloigne en s’exclamant

« Gardon! Remuneration! » (150) de manière quasi‑incantatoire. Ce pouvoir

magique des mots trouve son paroxysme dans « honorificabilitudinitatibus »

(réputé être le mot latin le plus long) que Costard prononce avec délectation

sans se préoccuper de son sens ni du contexte dans lequel il l’insère (5.1.36).

Holofernes fait preuve d’une fascination similaire pour les mots latins

ou latinisants, dont il use et abuse. Son discours est saturé de mots se terminant

en ‑tion, comme lors de sa conversation avec Dull à propos du cerf :

Most barbarous intimation! Yet a kind of insinuation, as it were, in via,

in way, of explication, facere, as it were, replication, or rather ostentare,

to show, as it were, his inclination, after his undressed, unpolished,

uneducated, unpruned, untrained, or rather unlettered, or ratherest

unconfirmed fashion, to insert again my haud credo for a deer (4.2.12‑17)

D’autres que Dull y perdraient leur latin. La propension de Holofernes à avoir

recours à la fois à la synonymie et au latin a pour effet de figer le langage. Ses

propositions n’avancent pas ; elles se répètent à l’infini à travers les synonymes

et les répétitions (« as it were », véritable tic de langage chez Holofernes), dans

une langue consignée dans les manuels scolaires et appartenant à un autre

���. On remarquera au passage le jeu sur “French crown”, qui renvoie à la fois à une pièce de monnaie, la couronne, et à la calvitie provoquée par la syphilis, le « mal français ».

pricket » (un cerf de deux ans) que la princesse a tué, et non un « old grey doe »

(une vieille biche grise). Ne connaissant pas le latin, il a entendu « old grey doe »

dans le « haud credo » prononcé par Holofernes… l’ironie de la situation étant

que c’est bien Dull qui a raison quant à l’âge de l’animal (4.2.9‑11). En plus

d’être comique, ce type de scène fondé sur les jeux de paronymie permet aussi

de mettre en lumière la dimension de code du langage : si les deux parties

impliquées dans la conversation ne partagent pas le même code, la communi‑

cation est impossible et la fonction première du langage ne peut être remplie.

On pense par exemple à la conversation entre Costard et Armado sur « l’en‑

voy » (3.1.60‑68). Dans « enigma », Costard entend « egma », qui est sa version

personnelle de « enema » (lavement), et il comprend « riddle » comme « raddle »

(une sorte de gros bâton), d’où sa détresse devant les mots d’Armado. Croyant

qu’on veut lui administrer de force quelque remède déplaisant, Costard refuse

qu’on lui applique un onguent (« salve »), alors qu’Armado prend le mot dans

son sens latin d’une salutation qui s’opposerait ici à « l’envoy », la conclusion

d’un discours. Il s’agit d’un véritable dialogue de sourds.

Les mots en viennent à ne plus renvoyer qu’à eux‑mêmes dans un

code qui n’est pas partagé. C’est aussi le cas avec les impropriétés de langage

de Costard et de Dull : en assignant aux mots un autre sens, connu d’eux

seuls, que leur sens originel, ils créent leur propre langue, leur propre système

de référence. Toute interaction est impossible et cela leur fait souvent dire

le contraire de ce qu’ils pensent. Ainsi, à l’écoute de sa sentence qui lui impose

de jeûner une semaine durant, Costard s’exclame : « Welcome the sour cup

of prosperity! Affliction may one day smile again » (1.1.284‑285) – les deux

termes de « prosperity » et d’« affliction » sont inversés, réduisant les propos

de Costard à des antithèses absurdes.

Décroché de tout référent fixe, le mot se dote d’une existence indépen‑

dante et acquiert le statut de chose ; il ne s’agit plus de se demander quel est

le lien entre le mot et la chose à laquelle il renvoie : le mot est la chose. On trouve

ce phénomène à l’œuvre en particulier chez Costard. Ce dernier est fasciné

par les mots qu’il ne comprend pas et qui prennent une puissance magique,

comme en témoigne sa réaction en entendant les termes de « remuneration »

ou de « guerdon » (qu’il transforme en « gardon »). Armado donne à Costard

une pièce de trois farthings en « remuneration » de son rôle de coursier. Ce mot

78

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

79

« A feast of languages »

d’ambre de Katherine, à nouveau en contradiction avec les canons de la beauté

féminine136. Les O sur le visage de Katherine évoquent les cicatrices laissées

par la variole (là encore, on est loin de la beauté féminine classique), que les

cosmétiques (« pencils ») doivent dissimuler.

Si les jeux de mots fonctionnent essentiellement à l’oral (ce qui est essen‑

tiel au théâtre), le langage écrit a également sa place dans la pièce. Un grand

nombre d’écrits y circulent. Comme le fait remarquer Philippa Berry dans son

article « Salving the mail », Love’s Labour’s Lost utilise les textes comme acces‑

soires : lettres, édits, pièces traversent l’espace scénique, s’égarent, changent

de mains, sont lus, vus, déchirés, accentuant encore la substantialité et la mobi‑

lité des mots137. Un type particulier du texte comme objet est le serment, contrat

par lequel le langage devient action.

QUAND DIRE C’EST (NE PAS) FAIRE : LA PERFORMATIVITÉ DU LANGAGE

Love’s Labour’s Lost s’ouvre par un acte performatif, c’est‑à‑dire qui réalise une

action par le fait même de l’énoncer. « Your oaths are passed, and now subscribe

your names » demande le roi à ses amis (1.1.19). En apposant leur nom au bas

du contrat, Navarre et ses trois compagnons scellent leur serment de passer

trois ans à étudier, à veiller et à jeûner tout en fuyant la compagnie des femmes :

l’Académie de Navarre est née. Les mots « oath », « swear » et leurs dérivés mar‑

tèlent le discours des jeunes hommes138, ce qui les pose comme des êtres pour

qui la parole prime sur l’action ou plutôt pour qui elle remplace l’action. Pour

eux, leurs paroles sont des actes. Tout au long de la pièce, ils ne cessent de pro‑

mettre et de jurer, brisant leurs serments aussi facilement qu’ils les passent139.

���. Pour des explications plus détaillées sur cet échange, nous renvoyons le lecteur aux notes de l’édition de référence et au chapitre de Sujata Iyengar dans le présent ouvrage.

��7. Philippa Berry, « “Salving the mail”: Perjury, grace and the disorder of things in Love’s Labour’s Lost », Spiritual Shakespeares, (éd.) Ewan Fernie, Londres, Routledge, 2005, 96.

��8. Ainsi, si l’on considère simplement les cent premiers vers, on recense « sworn » l. 16, « keep those statutes » l. 17, “oaths” l. 20, “sworn” l. 22, “Subscribe to your deep oaths, and keep it too” l. 23, “sworn” l. 34, “Your oath is passed” l. 49, “swore” l. 51 et l. 53, “I swore in jest” l. 54, “swear” l. 59, “having sworn too hard‑a‑keeping oath” l. 65, “break it and not break my troth” l. 66, “Swear” l. 69.

��9. Pourtant à la Renaissance, promesses et serments ne sont pas à prendre à la légère ; ils engagent et contraignent. Manquer à sa parole, c’est perdre son honneur ici‑bas et s’exposer à la damnation dans l’au‑delà.

temps. Holofernes se délecte du son de sa propre voix répétant des mots qu’il

pense être la preuve de son érudition. On se rapproche de l’usage incantatoire

que fait Costard des mots.

Parfois, le sens se perd complètement, et l’attention se porte non pas

sur les mots pris isolément, mais sur les lettres qui les composent. Les lettres

de l’alphabet occupent une place importante dans Love’s Labour’s Lost et ren‑

forcent l’idée des mots comme objets. Nous avons vu plus haut la propen‑

sion d’Holofernes à épeler les mots pour insister sur la correspondance entre

orthographe et prononciation. Plus loin, il énumère les voyelles à la demande

de Moth (5.1.47). Le jeu sur les lettres est particulièrement visible dans l’échange

entre Katherine, la princesse et Rosaline à propos de la lettre et du dessin qu’a

envoyés Berowne à cette dernière :

Rosaline: O, he hath drawn my picture in his letter!

Princess: Anything like?

Rosaline: Much in the letters, nothing in the praise.

Princess: Beauteous as ink: a good conclusion.

Katherine: Fair as a text B in a copy‑book.

Rosaline: ’Ware pencils, ho! Let me not die your debtor,

My red dominical, my golden letter.

O, that your face were not so full of O’s! (5.2.38‑45)

À travers cet échange, les mots et les lettres apparaissent dans toute leur maté‑

rialité. Les lettres sont convoquées pour leur forme, la quantité d’encre qu’il

faut pour les écrire ou les supports sur lesquels elles apparaissent, et non

comme des signes abstraits destinés à composer des mots. Elles sont por‑

teuses de sens en elles‑mêmes et deviennent des objets à part entière. Le signe

se désolidarise de ce qu’il exprime : les lettres qui composent le poème

de Berowne sont justes, mais le contenu de sa louange est erroné. La com‑

paraison avec l’encre et avec la lettre majuscule B (qui nécessite beaucoup

d’encre pour l’écrire) insiste sur les cheveux noirs et le teint mat de Rosaline,

contraires aux critères de beauté de l’époque, comme nous aurons l’occasion

d’y revenir. La « red dominical » et la « golden letter » auxquelles Rosaline fait

allusion renvoient quant à elles au teint rougeaud et aux cheveux couleur

80

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

8�

« A feast of languages »

Les images de saisonnalité du discours de Berowne anticipent les chansons du

printemps et de l’hiver de la fin de la pièce et amorcent dès la première scène

la principale leçon que la princesse et ses suivantes tentent d’inculquer aux

jeunes hommes, à savoir l’importance du décorum, l’adéquation entre les mots,

le comportement et les circonstances dans lequel il est prononcé. Cependant,

l’ironie réside dans le fait que Berowne adopte ce type de discours quand cela

sert ses desseins ; il peut tout aussi bien mettre ses qualités rhétoriques au service

de la démonstration du contraire.

Les spectateurs peuvent constater d’emblée le manque de réalisme des

engagements de Navarre et de sa cour, puisque la princesse de France arrive en

tant que représentante de son père pour discuter d’affaires d’État, accompagnée

de ses suivantes, obligeant ainsi le roi à renoncer au décret stipulant que toute

femme qui s’approchera à moins d’un mile de la cour se verra couper la langue :

« We must of force dispense with this decree. / She must lie here on mere neces‑

sity » (145‑146). Berowne s’engouffre dans la brèche pour démontrer à Navarre

que ses décrets sont intenables :

Necessity will make us all forsworn

Three thousand times within this three years’ space

For every man with his affects is born,

Not by might mastered, but by special grace.

If I break faith, this word shall speak for me:

I am forsworn on ‘mere necessity’ (1.1.146‑152)

Ces résolutions ne peuvent être tenues car elles sont déconnectées de la nature

humaine et sont donc stériles ; ce sont selon Berowne de « barren tasks » (47).

Comme le déclare Rosaline plus tard, « The blood of youth burns not with such

excess / As gravity’s revolt to wantonness » (5.2.73‑74) : les jeunes hommes brûlent

d’autant plus d’ardeur qu’ils ont cherché à réprimer leurs instincts de manière exces‑

sive. Sur ces entrefaites, les instincts primaires de l’homme font leur entrée incar‑

nés en la personne de Costard, créature déchue dans le nouvel Eden de Navarre.

Le jardin qu’a choisi le roi pour se retrancher de la corruption du monde n’est pas

celui de la Genèse mais un « curious‑knotted garden » (1.1.233) où la Chute vient

d’avoir lieu puisque Costard (dont le nom désigne une variété de grosse pomme)

Leur croyance absolue en l’autorité des mots va pourtant être mise à rude

épreuve tout au long de la pièce.

Le but premier des académiciens est d’atteindre l’immortalité à travers

la postérité que va leur offrir un mode de vie contemplatif, comme le déclare

Navarre : « Our court shall be a little academe, / Still and contemplative

in living art » (1.1.13‑14). Le terme « academe » fait bien entendu référence

à l’Académie de Platon mais aussi à l’une des sources possibles de la pièce,

L’Académie française de Pierre de la Primaudaye (1577, traduite en anglais

en 1586), dans laquelle quatre jeunes hommes se retirent du monde pour

se consacrer à l’étude. Ce texte s’inscrit dans la tradition des académies*

humanistes* de la Renaissance créées sur le modèle des académies néopla‑

toniciennes établies par les Médicis au quinzième siècle. Le principe de base

de ces institutions est toujours le même : il s’agit de se retirer dans un espace

protégé de la contamination du monde déchu et d’adopter un mode de vie

contemplatif afin d’accéder à la connaissance et à la vérité140.

Les courtisans ont à peine adopté ce rejet total de la vie active et pro‑

mis de livrer une guerre contre leur nature corporelle et charnelle (« [their]

own affections / And the huge army of the world’s desires » (1.1.9‑10)) que leur

engagement apparaît comme voué à l’échec. En adoptant des règles si strictes

à leur âge, ils renient la nature humaine, comme essaie de le leur démon‑

trer en vain Berowne. Il y a un temps pour tout, et la jeunesse n’est pas celui

de la contemplation :

Why should proud summer boast

Before the birds have any cause to sing?

Why should I joy in any abortive birth?

At Christmas I no more desire a rose

Than wish a snow in May’s new‑fangled shows,

But like of each thing that in season grows.

So you, to study now is too late,

Climb o’er the house to unlock the little gate (1.1.102‑109)

�40. Pour plus de détails sur la tradition de l’académie, nous renvoyons le lecteur à l’introduction de l’édition de référence, 29‑30.

8�

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

8�

« A feast of languages »

They are the books, the arts, the academes,

That show, contain, and nourish all the world […]

Then fools you were these women to forswear,

Or, keeping what is sworn, you will prove fools. (319‑325)

Berowne déforme la tradition néoplatonicienne selon laquelle l’amour ter‑

restre est une étape vers la connaissance et la vérité, et non une fin en soi. Ici, il

s’agit toujours d’étudier, mais les femmes seront désormais l’objet de l’étude.

L’idée de la femme comme livre et de ses yeux qui permettent d’accéder à la

vérité est l’un des lieux communs de la poésie pétrarquiste*, comme nous

y reviendrons. Par un habile tour de rhétorique dont le chiasme* (fools‑for‑

swear / sworn‑fools) constitue le paroxysme, Berowne a convaincu ses com‑

pagnons que briser leur serment revenait précisément à le tenir. Et le jeune

homme de conclure dans un autre chiasme qui résume la logique spécieuse

employée tout au long de son discours : « Let us once lose our oaths to find our‑

selves, / Or else we lose ourselves to keep our oaths » (330‑331). Le même voca‑

bulaire de la guerre qui était employé pour désigner la lutte des jeunes hommes

contre leurs propres instincts charnels est maintenant mis au service de l’ex‑

pression de leur résolution à conquérir la dame de leurs pensées : « Saint Cupid,

then! And, soldiers, to the field! » ; « Advance your standards, and upon them,

lords! / Pell‑mell, down with them! », s’exclament‑ils désormais (4.3.335‑337).

Les pulsions primaires que les jeunes hommes s’étaient efforcés de renier

trouvent leur expression dans les images sexuelles (« advance your standards »,

« upon them », « down with them ») du discours qu’ils adoptent à présent.

Malgré la valeur qu’ils disent accorder à la parole, tout dans les

actes des académiciens montre le peu de poids qu’ont les mots pour eux,

comme en témoigne la déconcertante facilité de leur retournement. Les mots

sont de simples vapeurs que l’on peut balayer d’un revers de main, comme

l’affirme Longaville dans son sonnet : « Vows are but breath, and breath a

vapour is » (4.3.60). Tout semble indiquer que, comme l’avoue Berowne dès

la scène d’exposition, « [they] swore in jest » « By yea and nay » (1.1.54), ce qui

revient à nier l’action de jurer tout en jurant.

Le vocabulaire des serments abonde en particulier après la scène du

masque des Moscovites. Les femmes estiment que les hommes traitent leurs

y a été vu en compagnie de « a child of our grandmother Eve, a female » (1.1.246).

Même s’il cherche à éviter les sanctions, Costard ne renie ni ses instincts ni son acte.

Contrairement aux académiciens, il ne livre pas de bataille contre ses envies et se

contente de constater dans un jeu de mots particulièrement bien inspiré : « Such

is the sinplicity of man to hearken after the flesh » (209, je souligne141).

Malgré leur foi proférée en le pouvoir des serments, les quatre jeunes

hommes se voient rattrapés par leur condition charnelle et s’empressent de bri‑

ser leurs promesses à la vue de la princesse et de ses dames de compagnie.

Par un retournement rhétorique, rompre leur parole revient précisément à être

fidèles à eux‑mêmes et à la nature humaine. En réponse au roi qui lui demande

de « prove / Our loving lawful and our faith not torn » (4.3.275‑276), Berowne

se lance dans une longue démonstration sophiste dans laquelle il reprend ses

arguments du premier acte selon lesquels l’instinct charnel est naturel chez

la jeunesse, et leur promesse initiale par conséquent contre nature :

Consider what you first did swear unto:

To fast, to study and to see no woman –

Flat treason ’gainst the kingly state of youth.

Say, can you fast? Your stomachs are too young,

And abstinence engenders maladies (282‑286)

Il recourt ensuite aux arguments courants du néoplatonisme* selon lesquels

l’amour permet d’accéder à la vérité et à la connaissance :

From women’s eyes this doctrine I derive:

They sparkle still the right Promethean fire;

�4�. Cette scène anticipe la scène de Measure for Measure (1604) où le souteneur Pompey est aux mains des autorités après le décret du duc selon lequel toutes les maisons closes doivent être détruites et les coupables de fornication châtiés. Pour Pompey, autant « geld and splay all the youth of the city » (« émasculer et stériliser toute la jeunesse de la ville », 2.1.227‑28). Plus loin, Lucio, jeune homme aux mœurs légères, affirme de son côté : « it is impossible to extirp [fornication] quite… till eating and drinking be put down » (3.2.98‑99) : la sexualité appartient à la nature humaine, il est vain de chercher à la nier, comme le démontre l’attitude destructrice d’Angelo dans la pièce. Pour les références aux pièces de Shakespeare autres que Love’s Labour’s Lost, on se reportera à l’édition suivante : G. Blakemore Evans & J. Tobin (éds.), The Riverside Shakespeare: The Complete Works, New York, Houghton Mifflin, 1997.

84

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

8�

« A feast of languages »

be forsworn again » assène pour sa part Katherine à Longaville (796, 800).

« We arrest your word » (2.1.157), phrase par laquelle la princesse signi‑

fie à Navarre qu’elle prend note de sa promesse d’honorer ses dettes envers

le roi de France, est donc plus que jamais à prendre au sens littéral : à la fin

de la pièce, les femmes coupent court au discours des hommes.

De manière ironique, dans la dernière scène, le roi et ses amis se

retrouvent malgré eux dans la situation qu’ils avaient voulu créer par leurs ser‑

ments dans le premier acte, mais cette fois, cette retraite austère leur est imposée

par les femmes afin de gagner leur amour. La princesse enjoint Navarre de se

retirer « To some forlorn and naked hermitage, / Remote from all the pleasures

of the world » (5.2.769‑770). La boucle est bouclée : la pièce se conclut comme

elle avait commencé, dans une démarche non plus stérile, mais destinée à ensei‑

gner aux hommes la véritable valeur des mots et la nécessité de faire corres‑

pondre les paroles aux actes, le signifiant et le signifié. Puisque leurs soupirants

ne respectent pas les règles du langage performatif, les femmes leur imposent

de démontrer leur sincérité par des actions et non par des mots, défi de taille

dans une pièce où l’art de la rhétorique trouve un lieu d’expression privilégié.

« SWEET SMOKE OF RHETORIC�4�! »

Love’s Labour’s Lost foisonne de discours très élaborés mettant en œuvre tous les

ressorts de l’art de la rhétorique. Les mots sont pesés, méticuleusement choisis

par des auteurs qui soignent leurs effets afin que leurs « penned speech[es] »

(5.2.147) fassent forte impression.

Suivant le précepte selon lequel la qualité du style réside dans

l’abondance, Holofernes et Armado déroulent inlassablement la bobine

des synonymes, quitte à perdre l’auditoire dans les méandres du propos.

« He draweth out the thread of his verbosity finer than the staple of his argu‑He draweth out the thread of his verbosity finer than the staple of his argu‑

ment », déplore Holofernes à propos du fanfaron (5.1.14‑15), signifiant par

là qu’il emploie bien plus de mots que son sujet ne l’exige, brouillant ainsi

la clarté de son discours. Ce reproche est particulièrement ironique puisque

Holofernes lui‑même souffre de ce vice. Armado est décrit comme « A man

of fire‑new words » (1.1.176), « A man… / That hath a mint of phrases in his

�4�. 3.1.52

engagements avec trop de légèreté : « Your oath once broke, you force not

to forswear » déclare la princesse au roi (5.2.440). Tout au long de la pièce, les

jeunes filles insistent sur la nécessité de tenir parole. Dès leur première entrevue,

la princesse met Navarre devant ses contradictions et cherche à lui démontrer

qu’honorer sa promesse est impossible étant donné le paradoxe de la situation :

rompre un serment est un péché mortel, tout comme l’est le refus de l’hospita‑

lité : « I hear your grace hath sworn out housekeeping: / ’Tis deadly sin to keep

that oath, my lord, / And sin to break it » (2.1.103‑105). Plus tard, quand il

affirme que c’est par amour pour elle qu’il a rompu sa promesse, la princesse

insiste sur la valeur de ces mots lourds de sens :

Princess: This field shall hold me, and so hold your vow.

Nor God nor I delights in perjured men.

King : Rebuke me not for that which you provoke.

The virtue of your eye must break my oath.

Princess: You nickname virtue: “vice” you should have spoke,

For virtue’s office never breaks men’s troth (5.2.345‑350)

À la fin de la pièce, Berowne met lui aussi la rupture de leurs serments sur

le compte de l’amour que les jeunes hommes éprouvent pour la princesse et

ses suivantes, en utilisant à nouveau le lieu commun des yeux de la bien‑aimée :

For your fair sakes have we neglected time,

Played foul play with our oaths. Your beauty, ladies,

Hath much deformed us […]

… us, if, in your heavenly eyes,

Have misbecomed our oaths and gravities,

Those heavenly eyes that look into these faults,

Suggested us to make (5.2.729‑744)

Ces justifications ne suffisent pas aux jeunes femmes ; elles réclament des

preuves plus tangibles que les « vapeurs » des serments. « Your oath I will

not trust » annonce la princesse à Navarre au début de la pièce (5.2.768) ;

« I’ll mark no words that smooth‑faced wooers say », « swear not, lest ye

8�

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

87

« A feast of languages »

La seconde lettre d’Armado rappelle le style d’auteurs courtois comme

John Lyly ou Sir Philip Sidney*, notamment dans le recours fréquent aux apos‑

trophes, aux paires de pléonasmes et à l’utilisation de mots latins ou latinisants :

The magnanimous and most illustrate King Cophetua set eye upon

the pernicious and indubitate beggar Zenelophon, and he it was that

might rightly say, Veni, vidi, vici, which to annothanise in the vulgar

– O base and obscure vulgar! – videlicet, “he came, see, and overcame”

(4.1.61‑65)

Armado accorde beaucoup d’importance aux notions de précédence et d’auto‑

rité : il éprouve le besoin de s’inscrire dans une tradition et il scrute le passé à la

recherche de cas illustres pour justifier son propre comportement. Il trouve

en Hercule et Samson des exemples de valeureux guerriers tombés amoureux,

et dans l’histoire du roi Cophétua et de la mendiante Zénélophon un précédent

de noble épris d’une femme de classe inférieure143.

L’aspect le plus frappant dans la prose d’Armado est l’immense déca‑

lage entre sa rhétorique pompeuse et un signifié souvent des plus vil (les ébats

de Costard et de Jaquenetta, ou bien Jaquennetta elle‑même, fille de ferme illet‑

trée à qui Armado s’adresse comme à une reine). Ce décalage entre apparence

et réalité, notion centrale à la pièce, trouve un écho pathétique dans la dernière

scène, où l’on apprend qu’Armado, bien que vivant à la cour, est sans le sou

et porte en guise de chemise un torchon de Jaquenetta près de son cœur, paro‑

die des gages d’amour des amants pétrarquistes.

Le premier auditoire qu’Armado a à l’esprit est lui‑même : il éprouve

un plaisir narcissique à s’écouter parler. Comme le précise Navarre, Armado est

« One who the music of his own vain tongue / Doth ravish like enchanting har‑

mony » (1.1.164‑165), faisant du fanfaron un hybride d’Orphée et de Narcisse.

En cela, Armado représente une version extrême des tendances narcissiques

des jeunes nobles de la pièce, telles que la princesse, lucide, le reproche à Boyet :

« I am less proud to hear you tell my worth / Than you willing to be counted

wise / In spending your wit in the praise of mine » (2.1.17‑20).

�4�. Pour une analyse plus détaillée de la prose d’Armado, voir Carroll, Great Feast, 47‑51.

brain » (1.1.162‑163) avant son entrée en scène, mais cette créativité se double

d’un aspect pompeux et pesant, puisque le roi dit qu’il n’est guère avare

de « high‑born words » (170), que de surcroît il n’emploie pas toujours à bon

escient. Le style d’Armado se révèle à travers ses deux lettres : celle dans laquelle

il dénonce Costard, vu en compagnie de Jacquenetta (1.1.210‑256) et celle où

il déclare sa flamme à cette dernière (4.1.58‑86).

Armado lui‑même est conscient du manque de concision de son dis‑

cours : « Devise, wit; write, pen; for I am whole volumes in folio » (1.2.150‑151)

s’exclame‑t‑il en découvrant ses sentiments pour Jaquenetta. Armado est un

être d’un autre temps, attaché aux valeurs chevaleresques et aux déclarations

grandiloquentes qui les accompagnent. Peu importe si son langage est en com‑

plet décalage avec la réalité qu’il décrit, il s’emploie à utiliser des mots rares,

des références classiques et des figures de rhétorique sophistiquées, ainsi que

de nombreux synonymes et périphrases*. Sa syntaxe suit le plus souvent des

modèles logiques bien connus du public du début de l’époque moderne. Ainsi,

l’approche en « who/what/where » que l’Espagnol utilise dans ses deux lettres

est recommandée par Thomas Wilson dans son ouvrage de référence The Arte

of Rhetorique (1553) :

The time When? About the sixth hour, when beasts most graze, birds best

peck, and men sit down to that nourishment which is called supper.

So much for the time When. Now for the ground Which – which, I mean,

I walked upon. It is yclept thy park. Then for the place Where – where,

I mean, I did encounter that obscene and most preposterous event that

draweth from my snow‑white pen the ebon‑coloured ink, which here thou

viewest, beholdest, surveyest, or seest. (1.1.224‑232)

Cet extrait constitue un échantillon représentatif de la prose d’Armado :

on y trouve l’approche en « who/what/where » qui parodie le discours légal,

l’emploi de mots rares et savants (« yclept », « preposterous »), des périphrases

(« that nourishment which is called supper »), des synonymes (« viewest,

beholdest, surveyest, or seest »), des adjectifs composés et une antithèse

(« snow‑white » / « ebon‑coloured ink »). Quand le sujet de la lettre arrive

enfin, l’auditeur a oublié de quoi il était question.

88

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

89

« A feast of languages »

et selon le raisonnement de Berowne, courtiser les femmes est charité chré‑

tienne. La loi de Navarre devient loi de Moïse, loi dépassée qu’il faut remplacer

(« old decree »). La métaphore frôle le blasphème :

As true we are as flesh and blood can be.

Young blood doth not obey an old decree.

We cannot cross the cause why we were born;

Therefore of all hands must we be forsworn (4.3.206‑210)

Non seulement le discours de Berowne abonde en paradoxes, mais il est aussi

saturé de chiasmes. Carroll nous apprend qu’à l’époque où est écrit Love’s

Labour’s Lost, cette figure de rhétorique est déjà démodée car vue comme

trop artificielle. Son emploi représente l’un des liens les plus visibles avec l’eu‑

phuisme*, le style de John Lyly146. Le chiasme, ainsi que de nombreuses autres

structures antithétiques, se retrouve dans le discours de tous les personnages

de la pièce. Ces tropes* vont de pair avec les jeux d’esprit auxquels s’adonnent

sans relâche les courtisans, qui tournent et retournent les propositions pour

démontrer leur répartie. Comme l’explique Carroll, ce type de structure donne

au discours un équilibre et une symétrie qui sont très efficaces au théâtre car

très facilement identifiables à l’oral (les jeux de mots, eux, sont plus facilement

repérables à l’écrit147). Néanmoins, cette figure a aussi pour effet d’enfermer

les phrases, qui finissent par ne plus renvoyer qu’à elles‑mêmes. Les chiasmes,

quoique fort esthétiques, ne démontrent rien ; ils ne sont que l’un des nombreux

artifices de l’art de la « sweet smoke of rhetoric » (3.1.52).

Cette expression d’Armado résume bien ce qu’est la rhétorique dans

Love’s Labour’s Lost : un art plaisant mais sans substance, qui a pour vocation

première d’habiller l’objet du discours, au risque de parfois l’éclipser complète‑

ment. L’image de la fumée s’apparente à celle du masque, présente de manière

insistante dans toute la pièce, et nous renvoie à l’idée centrale du décalage

entre l’apparence et la réalité, entre le signe et ce qu’il recouvre. La princesse

et ses suivantes insistent à de multiples reprises sur la simplicité du discours.

�4�. Carroll, Great Feast, 58‑60.

�47. Ibid., p. 60.

De tous les personnages de la pièce, Berowne est celui qui maîtrise

le mieux l’art du discours. Son talent de rhéteur est à son paroxysme dans

sa tirade de l’acte IV, où il justifie le renoncement des académiciens à leurs

vœux d’étude et d’abstinence pour se lancer à la conquête de la dame de leurs

pensées144. Le discours de Berowne est astucieux, bien mené, mais aussi empreint

de sophismes et de paradoxes. Même si la logique de son raisonnement est sou‑

vent discutable et repose sur des associations bancales, on décèle un choix judi‑

cieux de vocabulaire et un pouvoir de persuasion inégalé dans les autres discours

de la pièce. Par exemple, lorsqu’il énumère les transformations que l’amour opère

chez celui qui l’éprouve, on est loin des listes stériles de synonymes d’Holofernes :

A lover’s eyes will gaze an eagle blind.

A lover’s ear will hear the lowest sound,

When the suspicious head of theft is stopped.

Love’s feeling is more soft and sensible

Than are the tender horns of cockled snails.

Love’s tongue proves dainty Bacchus gross in taste. (4.3.303‑308)

Dans sa personnification de l’amour, Berowne utilise des comparaisons origi‑

nales (les cornes des escargots, avec les connotations sexuelles des mots « horn »

et « cockle »), des rythmes harmonieux et des sonorités travaillées (l’allitéra‑

tion en /t/ du dernier vers). De même, dans l’extrait sur les yeux des femmes

cité plus haut, Berowne retravaille les clichés de la poésie pétrarquiste que l’on

trouve dans les sonnets* des académiciens pour leur donner une vigueur et une

fraicheur nouvelles. Néanmoins, la spéciosité de la logique de Berowne est

de plus en plus flagrante à mesure que le discours progresse pour finir dans une

série de paradoxes : « It is religion to be thus forsworn, / For charity itself fulfills

the law, / And who can sever love from charity? » (4.3.324‑334). C’est folie que

de ne pas être fou (paradoxe qui rappelle l’Éloge de la folie d’Érasme (1509145)),

�44. Pour une analyse approfondie du discours de Berowne, se reporter à Carroll, Great Feast, 148‑153, sur lequel se fonde notre discussion.

�4�. Pour cet aspect, l’on peut se reporter à C.L. Barber, Shakespeare’s Festive Comedy: A Study of Dramatic Form and its Relation to Social Custom, Princeton, Princeton University Press, 1972, 91‑92.

90

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

9�

« A feast of languages »

le langage est avant tout un outil de communication et non un moyen de gra‑

tification narcissique : « A jest’s prosperity lies in the ear / Of him that hears it,

never in the tongue / Of him that makes it » (5.2.829‑831). Le jeune homme

semble être en mesure de comprendre cette leçon de décorum, contrairement

à Navarre. Ce dernier continue en effet de faire sa cour à la princesse à travers

de longs discours après que cette dernière a appris la mort du roi son père.

Ce comportement est tout à fait déplacé, puisque, comme le dit la princesse,

« A heavy heart bears not a nimble tongue » (5.2.711) : sa peine l’empêche

d’être réceptive à la rhétorique de Navarre. Berowne décide donc d’user

d’« Honest plain words » (5.2.727) pour converser avec elle.

Quelques instants plus tôt, Berowne renonce officiellement aux arti‑

fices de la rhétorique dans un discours où il file la métaphore des vêtements.

Il annonce rejeter désormais les « Taffeta phrases, silken terms precise, /

Three‑piled hyperboles, spruce affectation, / Figures pedantical » pour adopter

en leur lieu et place « russet yeas and honest kersey noes » (5.2.406‑408 et 413).

Le taffetas, la soie et le velours (« three‑piled » fait référence à un luxueux velours

de triple épaisseur), vêtements à la mode arborés par la noblesse, sont aban‑

donnés au profit des tissus grossiers et rêches portés par le peuple (« russet »

et « kersey »). La métaphore de la rhétorique comme vêtement est aussi fré‑

quente dans la pièce que celle des cosmétiques et renvoie aux mêmes opposi‑

tions centrales entre apparences et réalité et entre artifice et naturel. Pourtant,

il reste encore à Berowne beaucoup de chemin à parcourir avant de maîtriser

la simplicité du langage aussi bien qu’il manie l’éloquence : de manière très

ironique, ce dernier renonce au langage affecté dans un sonnet shakespearien

parfait (402‑415) à la métrique régulière et aux figures de style nombreuses

et variées, ce que ne manque pas de souligner Rosaline. Alors qu’il conclut

son poème par « My love to thee is sound, sans crack or flaw », elle répond

« Sans sans, I pray you » (5.2.415‑416), l’intrusion du français dans une phrase

en anglais constituant une marque d’affectation. Les académiciens ont encore

un an pour apprendre l’importance du décorum.

« I SHALL TURN SONNET »

Les sonnets de Navarre et de ses compagnons sont représentatifs de leur rap‑

port au langage. Ce sont avant tout des exercices de style, qui démontrent

Elles privilégient l’adéquation entre le référent et le référé. La princesse en

particulier rejette les discours « garnished / With such bedecking ornaments

of praise » (2.1.78‑79), la louange imméritée (« undeserving praise » (5.2.366))

et le « painted flourish of… praise » (2.1.14).

La métaphore du maquillage contenue dans cette dernière expression

se retrouve à de nombreuses reprises dans la pièce. Ainsi, Berowne évoque lui

aussi la « painted rhetoric » (4.3.230). Les cosmétiques étaient l’un des sujets

d’attaque privilégiés des prédicateurs et des moralistes, mais aussi des sati‑

ristes. Ils représentaient selon eux les vices (essentiellement féminins) d’une

époque vaine maîtresse dans l’art de la dissimulation. Cette métaphore appli‑

quée à la rhétorique est donc particulièrement négative. Pour la princesse,

sincérité et discours sophistiqués ne font pas bon ménage : « Beauty is bought

by judgement of the eye, / Not uttered by base sale of chapmen’s tongues »,

déclare‑t‑elle à Boyet (2.1.15‑16). L’amour lui aussi se passe de beaux dis‑

cours : « the heart’s still rhetoric » vaut mieux que tous les sonnets (2.1.225).

Cette insistance sur la nécessité de la simplicité du discours de la part des

femmes est souvent interprétée par la critique (en particulier celle des

années 50 et 60) comme l’expression de l’opposition entre nature et artifice

à l’œuvre dans la pièce, les femmes représentant la nature, et les hommes l’ar‑

tifice. Cette opposition se reflète dans l’espace de la pièce, les hommes étant

retranchés dans un jardin à la française très élaboré, les femmes ayant leurs

quartiers dans un simple champ148. Selon cette même perspective critique,

la fin de la pièce prône la victoire du naturel sur l’artificiel. Il nous semble

cependant que les choses sont plus subtiles. Les femmes de la pièce ne disent

pas que la rhétorique doit être rejetée en bloc ; tout discours, même le plus

simple, est nécessairement une construction. Ce qu’elles tentent d’ensei‑

gner aux hommes, c’est non pas de renoncer aux discours bien tournés, mais

d’adapter leur langage aux circonstances, au public et au sujet, ainsi que l’ex‑

prime Rosaline dans la mise à l’épreuve qu’elle impose à Berowne. Il s’agira

pour ce dernier de rendre visite aux mourants dans les hospices et de parve‑

nir à les faire sourire. À travers cela, Rosaline espère enseigner à Berowne que

�48. Dans cette perspective, il est intéressant de constater que les échanges entre les hommes et les femmes ont lieu essentiellement dans l’espace intermédiaire du parc, à mi‑chemin entre le naturel et l’artificiel.

9�

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

9�

« A feast of languages »

Le sentiment amoureux est vu comme dépossédant l’homme de toutes ses qua‑

lités viriles et guerrières, de tout pouvoir d’action : « Adieu, valour; rust, rapier;

be still, drum; for your manager is in love » soupire Armado (1.2.147‑148).

Cette image de l’amour dépossédant le soldat de toute sa force virile (on notera

l’image phallique de l’épée) est un lieu commun de l’époque150. Il est fait plu‑

sieurs fois allusion dans Love’s Labour’s Lost aux bras croisés, posture typique

de l’amant atteint de mélancolie : Moth conseille à Armado d’adopter cette

position (3.1.13) et Navarre décrit Longaville « lay his wreathed arms athwart /

His loving bosom to keep down his heart » (4.3.127‑128). De la même manière,

Berowne déplore les soupirs et les grognements poussés par ses compagnons

amoureux : « O, what scene of foolery I have seen, / Of sighs, of groans, of sor‑O, what scene of foolery I have seen, / Of sighs, of groans, of sor‑

row, and of teen! » (4.3.155‑156). Pourtant, Berowne reprochait quelques ins‑ » (4.3.155‑156). Pourtant, Berowne reprochait quelques ins‑

tants plus tôt à Cupidon, ce « Regent of love‑rhymes, lord of folded arms, /

Th’anointed sovereign of sighs and groans » (3.1.158‑159), de le mettre dans un

état comparable à celui de ses amis. Berowne se lance ensuite dans une énumé‑

ration de grands hommes ridiculisés par l’amour :

To see a king transformed into a gnat!

To see great Hercules whipping a gig,

And profound Solomon to tune a jig,

And Nestor play at push‑pin with the boys,

And critic Timon laugh at idle toys! (4.3.158‑162)

Ces exemples classiques anticipent la parade des neuf Preux de la dernière

scène (à travers la référence à Hercule) et reprennent le thème amorcé par

Armado de la force virile émasculée par le sentiment amoureux. Moth

et Berowne décrivent en outre l’amant pétrarquiste comme passant son temps

à se parer pour séduire la dame de ses pensées (3.1.12‑13 et 4.3.175), et dépos‑

sédé de ses facultés intellectuelles (« love can vary wit » (4.3.92)).

À l’époque où Shakespeare écrit Love’s Labour’s Lost, la grande

mode du sonnet pétrarquiste (qui connaît son apogée avec la publication

d’Astrophil and Stella de Sir Philip Sidney en 1591) amorce son déclin.

��0. Shakespeare la développe notamment dans The First Part of King Henry IV (1596‑97) et dans Antony and Cleopatra (1606‑1607).

une maîtrise des conventions littéraires du genre, mais dont le fond est saturé

de clichés* et de lieux communs. De toutes les variétés de styles et de discours

offertes au public dans ce véritable « festin du langage » qu’est Love’s Labour’s

Lost, le sonnet est celui qui reçoit le plus d’attention. Quand il découvre qu’il

est amoureux de Jaquenetta, Armado s’exclame : « Assist me, some extem‑

poral god of rhyme, for I am sure I shall turn sonnet » (1.2.148‑150). Cette

déclaration constitue un bon résumé des aspects essentiels de la poésie

pétrarquiste, puisqu’à l’origine (quinzième siècle italien), il s’agit souvent

de poèmes improvisés (« extemporal ») où l’on imite les métaphores les plus

courantes de la poésie de Pétrarque. Pour les hommes de la cour de Navarre,

le sentiment amoureux implique nécessairement l’écriture de poèmes à leur

bien‑aimée, même si leurs textes sont en général de piètre facture. La rai‑

son en est essentiellement que les jeunes hommes sont à ce stade de la pièce

encore tournés vers les apparences. Ils construisent leurs poèmes sur les

poncifs du genre, se contentant d’être les « ape[s] of form » (5.2.325) plutôt

que de chercher à exprimer l’authenticité et l’intensité de leurs sentiments.

Comme au moment où ils ont créé leur académie, ils se détachent de leur

nature humaine pour se concentrer sur la forme, l’apparence, l’artifice.

Shakespeare fait du roi et de ses courtisans des caricatures d’amants

courtois. Si cela est vrai des académiciens, c’est encore plus le cas d’Armado,

dont la fonction première dans la pièce est de grossir à la loupe les tares

de Navarre et de ses amis. Cet aspect est renforcé par le fait que Costard mélange

les lettres de Berowne et d’Armado : la confusion nous incite à considérer les

deux lettres en parallèle, et ce d’autant plus que leurs auteurs associent tous

deux immédiatement le fait d’être amoureux et celui d’écrire des poèmes :

« Rhymes are guards on wanton Cupid’s hose », résume Berowne (4.3.50).

Avant même son entrée en scène, Armado présente tous les signes extérieurs

de l’amant pétrarquiste. Dans la lettre où il dénonce Costard, il se décrit comme

« besieged with sable‑coloured melancholy » et en proie à une « black oppres‑

sing humour » (1.1.221‑222). On pensait à l’époque que la mélancolie, l’une

des quatre humeurs constitutives de la nature humaine et dont souffre imman‑

quablement l’amant pétrarquiste, était due à un excès de bile noire (« sable 149 »).

�49. L’association entre le sentiment amoureux et la mélancolie trouve son origine chez Ovide.

94

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

9�

« A feast of languages »

Berowne appuie ses métaphores laudatives à grand renfort d’hyperboles*, carac‑

téristique que les poèmes de ses amis partagent. Cette manie de l’exagération

constitue le principal grief de la princesse et de ses dames de compagnie contre

les vers qui leur sont destinés. La princesse se plaint aussi de la longueur exces‑

sive du poème que lui a envoyé Navarre, qu’elle définit comme « … as much

love in rhyme / As would be crammed up in a sheet of paper, / Writ o’both sides

of the leaf, margin and all » (5.2.6‑8). De la même manière, Maria dit en jouant

sur le nom de son soupirant que la lettre de Longaville est « too long by half

a mile » (5.2.54). S’ils maîtrisent l’art de la rime, celui de la concision est étran‑

ger aux académiciens. Le sonnet de Navarre (4.3.19‑34), en plus d’être très long,

fait lui aussi grand usage de l’hyperbole et de périphrases qui en alourdissent

considérablement le style et rendent le propos obscur. On y retrouve les clichés

pétrarquistes des yeux de la froide maîtresse et des larmes de l’amant éploré.

Des quatre poèmes, c’est celui de Longaville (4.3.52‑65) qui est le plus pétrarqui‑

sant. La maîtresse y a le statut de divinité (« heavenly », « goddess », « fair sun »).

Ses yeux subjuguent le poète au point de l’avoir contraint à rompre son serment

(on retrouve le raisonnement paradoxal du discours de Berowne évoqué précé‑

demment). Le texte est construit sur une série d’antithèses typiques de la poésie

pétrarquiste, opposant le statut divin de la bien‑aimée à celui de simple mortel

de son soupirant, ce qui conduit Berowne à qualifier le texte d’idolâtrie (4.3.67).

Le sonnet de Dumaine reprend quant à lui le lieu commun de l’amour comme

maladie. Berowne ironise sur le caractère rebattu de ces images en les prenant au

sens littéral dans les commentaires qu’il fait en aparté : « A fever in your blood?

Why then, incision / Would let her out in saucers » (4.3.89‑90) – si l’amour

est une fièvre qui ronge le sang de celui qui en est atteint, une bonne saignée

devrait en venir à bout. Les remarques de Berowne et le recours outré aux cli‑

chés pétrarquistes forcent le public à adopter une attitude critique envers ce type

de discours stéréotypé et à le considérer comme une convention. Le contexte

de la pièce effectue une mise à distance qui permet le questionnement de ce

type de littérature. En outrant les clichés du genre, la pièce les expose dans

toute leur artificialité et invite, comme la princesse et ses suivantes, à souhai‑

ter plus de concision et de sincérité dans les propos. Il est intéressant de noter

le rôle du contexte dans cette prise de recul. En effet, les poèmes de Berowne,

de Longaville et de Dumaine ont été publiés séparément dans un recueil

Les conventions héritées de Pétrarque étaient devenues des lieux communs

bien avant l’époque de Shakespeare et donnaient lieu à nombre de satires

et de parodies. Selon ces conventions, la bien‑aimée possède un statut quasi

divin qui la rend hors de portée du poète. Elle est cruelle et froide et le poète

accepte les souffrances que cet amour lui inflige.

Les académiciens produisent un certain nombre de poèmes dans

cette veine, dont quatre nous sont livrés. Le premier est celui de Berowne

à Rosaline (4.2.92‑106) ; il contient les mêmes images que celles de son grand

discours de l’acte IV, scène 3, notamment le paradoxe d’être fidèle en brisant

son serment et l’idée des yeux de l’aimée comme objet d’étude pour accéder

à la connaissance. Les poèmes de Berowne et de ses compagnons sont satu‑

rés à l’excès des clichés de la poésie pétrarquiste, en particulier de la méta‑

phore de la femme comme livre. Berowne raille la poésie de ses amis, dans

laquelle selon lui ils se contentent de « praise a hand, a foot, a face, an eye, /

A gait, a state, a brow, a breat, a waist, / A leg, a limb – » (4.3.176‑178). Il cari‑ – » (4.3.176‑178). Il cari‑

cature ici la tendance de la poésie pétrarquiste à louer séparément les parties

du corps de la maîtresse, aboutissant à un effet grotesque de démembrement.

Pour Berowne, le statut divin accordé à la bien‑aimée relève de l’idolâtrie.

Pourtant, le jeune homme est loin d’être exempt des fautes qu’il reproche

à ses camarades. Il est d’ailleurs conscient de l’aspect conventionnel de son

rôle d’amant : il se définit lui‑même comme « a sheep » (4.3.6) et se lamente :

« By heaven, I do love, and it hath taught me to rhyme, and to be melan‑

choly » (4.3.9‑10). Ainsi, on remarquera dans le poème de Berowne l’insistance

sur les yeux de la maîtresse du poète et le statut quasi divin de cette dernière,

qui le plonge dans un état d’admiration teintée de crainte151 :

Thy eye Jove’s lightning bears, thy voice is dreadful thunder,

Which, not to anger bent, is music and sweet fire.

Celestial as thou art, O, pardon love this wrong,

That sings heaven’s praise with such an earthly tongue (4.2.103‑106)

���. Pour une analyse très détaillée des poèmes des quatre jeunes hommes, on pourra se reporter à Carroll, Great Feast, 97‑130, sur lequel nous fondons notre discussion.

9�

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

97

« A feast of languages »

scène 3, où il justifie l’abandon des vœux d’étude des académiciens dans le but

de se lancer à la conquête de leur bien‑aimée.

Comme dans leurs velléités de créer leur académie, la démarche des

jeunes hommes est essentiellement narcissique : tandis qu’à travers l’académie,

l’étude était avant tout un moyen d’atteindre l’immortalité à travers la posté‑

rité de leur nom, leurs sonnets mettent au premier plan les transformations

et les émotions que le sentiment amoureux opère en eux‑mêmes. Ils cherchent

davantage à célébrer leurs sentiments qu’à les communiquer à celles qui en sont

l’objet. Ils font l’éloge du sentiment amoureux, non pas dans le but d’enchan‑

ter un quelconque auditoire ou destinataire, mais pour leur propre plaisir.

Navarre se concentre sur les larmes que lui fait verser son amour pour la prin‑

cesse, Longaville sur la rupture de ses vœux d’étude et de chasteté, Dumaine sur

le mal d’amour dont il souffre. C’est probablement dans le discours de Berowne

que le narcissisme de l’expérience amoureuse est le plus visible. Dans ce mor‑

ceau de bravoure, le jeune homme fait la liste de toutes les transformations que

l’amour provoque chez celui qui l’éprouve. Le sentiment amoureux sublime

l’amant, il décuple ses facultés et l’amène à se transcender :

[Love]… gives to every power a double power

Above their functions and their offices.

It adds a precious seeing to the eye:

A lover’s eyes will gaze an eagle blind.

A lover’s ear will hear the lowest sound […]

Never durst poet touch a pen to write

Until his ink were tempered with Love’s sighs.

O, then his lines would ravish savage ears

And plant in tyrants mild humility (4.3.300‑318)

Le pouvoir de l’amour est sans limite : il n’est pas un sens, pas une faculté qui ne

soient transformés sous son effet. Berowne personnifie l’amour et le compare

en tant que fins en eux‑mêmes comme une maladie et un dérèglement physiologique. Pour davantage de détails sur les théories de l’amour à la Renaissance, le néoplatonisme et la poésie pétrarquiste, voir l’excellent article de Niel Goldstien, « Love’s Labour’s Lost and the Renaissance Vision of Love », Shakespeare Quarterly 25:3 (1974), 335‑350.

de sonnets pétrarquistes, The Passionate Pilgrim de William Jaggard (1599),

réimprimé de nombreuses fois. Si dans la pièce, ils apparaissent comme

de la mauvaise poésie, souffrant cruellement de lourdeur et de manque d’origi‑

nalité, ils connurent un grand succès sortis du contexte de Love’s Labour’s Lost

et ils furent célébrés comme de beaux exemples de ce type de poésie.

Les sonnets de Navarre et de ses compagnons sont certes corrects

d’un point de vue métrique et formel, mais ils manquent d’âme. Ainsi, pour

Katherine, le millier de vers envoyé par Dumaine est « A huge translation

of hypocrisy, / Vilely compiled, profound simplicity » (5.2.51‑52). Ces appren‑ » (5.2.51‑52). Ces appren‑

tis poètes se contentent d’appliquer des formules et de plaquer des lieux

communs de manière mécanique et naïve. Holofernes a pour une fois raison

quand il décrit le poème de Berowne comme « only numbers ratified, but

for the elegancy, facility, and golden cadence of poesy, caret » (4.1.108‑110).

Et de poursuivre : « Imitari is nothing » (112), affirmation qui n’aurait pas

manqué de surprendre un public de la Renaissance, habitué à l’apprentissage

de la rhétorique à travers l’imitation des grands auteurs. Les quatre jeunes

hommes ont une vision purement théorique de l’amour ; en mettant la femme

en vers, ils cherchent à la lire, à la déchiffrer comme ils souhaitaient le faire avec

les livres, d’où l’omniprésence des champs sémantiques du regard, des livres

et de la connaissance, en particulier dans le poème de Berowne :

Study his bias leaves and makes his book thine eyes,

Where all those pleasures live that art would comprehend.

If knowledge be the mark, to know thee shall suffice.

Well learned is that tongue that well can thee commend,

All ignorant that soul that sees thee without wonder (4.2.96‑102)

Les livres et les femmes deviennent des objets interchangeables. Berowne

reprend dans son sonnet son argument néoplatonicien de la scène d’exposi‑

tion selon lequel le sentiment amoureux est le meilleur moyen d’accéder à la

connaissance152, argument qu’il développe dans son grand discours de l’acte IV,

���. Argument développé notamment par Marsile Ficin (1433‑1499), pour qui l’amour terrestre, loin d’être un obstacle à l’accession à l’amour divin, est au contraire une étape vers l’amour divin. Néanmoins, Ficin considère l’amour terrestre et l’amour charnel

98

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

99

« A feast of languages »

With two pitch‑balls stuck in her face for eyes.

Ay, and by heaven, one that will do the deed

Though Argus were her eunuch and her guard (3.1.172‑176)

On est bien loin de la louange traditionnelle de la maîtresse du poète. Berowne

décrit sa bien‑aimée dans une hyperbole négative (on parle dans ce cas de tapi‑

nose). Son malaise devant les sentiments qu’il éprouve pour cette femme qui

contrevient aux idéaux transparaît dans l’oxymore « whitely wanton », faisant

cohabiter la pureté et l’incontinence. Non seulement Rosaline n’a pas les attri‑

buts conventionnels de la belle femme pétrarquiste, mais elle est aussi le contraire

de l’idéal de la chasteté féminine, primordial à la Renaissance ; Berowne la décrit

en effet comme incapable de résister à la tentation charnelle (« do the deed »),

même si elle était placée sous la surveillance d’Argus, créature mythologique aux

cent yeux. Cette description négative est tout aussi extrême et irréaliste que les

louanges qui placent la femme dans une position de divinité.

Les compagnons de Berowne insistent eux aussi sur la « noirceur » de

Rosaline. « [T]hy love is as black as ebony! » lui lance Navarre (4.3.238), et il

ne manque pas de rappeler que « Black is the badge of hell » (245), comme il

était communément admis à l’époque : la noirceur des cheveux et de la peau

était censée refléter celle de l’âme. Berowne tente de démontrer la beauté de sa

bien‑aimée en insistant sur son authenticité en ces temps où les cosmétiques font

des ravages : certes, Rosaline est « noire », mais elle n’a pas recours aux artifices

du maquillage, comme beaucoup de jeunes filles arborant les joues rouges et le

teint pâle de la beauté conventionnelle : « native blood is counted painting now »

assène‑t‑il (4.3.254). Et à ses camarades qui insistent sur la noirceur de Rosaline,

la comparant tour à tour aux ramoneurs, aux mineurs et aux Africains (257‑259),

il rétorque : « Your mistresses dare never come in rain, / For fear their colours

should be washed away » (261‑262153). Berowne, qui est, comme nous l’avons vu,

amateur de paradoxes, veut s’attacher à démontrer que sa maîtresse est belle : « I’ll

prove her fair, or talk till doomsday here » (265). À nouveau, le jeune homme,

comme ses compagnons, manifeste une croyance absolue en le pouvoir de la rhé‑

torique, comme si absolument tout et son contraire pouvaient se démontrer

���. Cette remarque nous renvoie aux « O » sur son visage que Katherine dissimule par du maquillage.

de manière hyperbolique à Hercule, au Sphinx, à Apollon, c’est‑à‑dire à des

créatures dont les pouvoirs immenses couvrent tous les champs du savoir

et de l’expérience. Mais il ne s’agit pas ici d’échange ni de communication

avec l’être aimé : Berowne se concentre sur l’expérience de l’amant. Cet aspect

narcissique est renforcé par l’insistance sur les yeux de la maîtresse : en eux,

le poète recherche avant tout sa propre image, ce que suggère l’homophonie*

entre « eye » et « I », particulièrement remarquable lorsque les deux termes

coexistent dans un même vers, comme par exemple dans « From women’s eyes

this doctrine I derive » (4.3.319). Cette insistance sur les yeux est d’autant plus

ironique que l’une des résolutions du roi et de ses amis dans la scène d’expo‑

sition est de se couper de la compagnie des femmes, ce qu’ils formulent en

termes de contact visuel. Le contrat prévoit en effet explicitement : « not to see

a woman in that term [of three years] » (1.1.37, je souligne). Pourtant, au bout

du compte, les jeunes hommes n’apprennent rien, ni en rejetant la compa‑

gnie des femmes, ni en la recherchant. Si les yeux des femmes sont les livres

de la connaissance, à la fin de la pièce les académiciens n’en sont qu’aux pré‑

mices de leur apprentissage.

Le questionnement des codes du discours est indissociable de celui des

rapports humains et sociaux sous‑jacents. L’analyse des relations entre les êtres,

en particulier entre les hommes et les femmes, passe d’abord dans Love’s Labour’s

Lost par celle de leurs moyens de communication. Shakespeare ne se contente

pas de critiquer les poncifs de la poésie pétrarquiste en les exagérant à l’extrême ;

il les subvertit, les inverse, ce qui non seulement les fait apparaître dans toute

leur artificialité, mais invite aussi à s’interroger sur les relations entre les classes

et entre les sexes, et sur les normes de comportements qui sous‑tendent cette lit‑

térature. Le premier cliché à être inversé est celui de la beauté féminine. Rosaline

est loin du portrait conventionnel de la maîtresse pétrarquiste aux cheveux d’or

et à la peau diaphane. La pièce insiste lourdement sur la noirceur de sa cheve‑

lure et l’aspect mat de son teint. Berowne se lamente d’être « toiling in a pitch,

a pitch that defiles » (4.3.2), le mot « pitch » (« goudron ») renvoyant aux yeux

noirs de Rosaline. Il se désole de

Among the three [ladies] to love the worst of all,

A whitely wanton with a velvet brow,

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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« A feast of languages »

aussi des plus grivoise avec « thy every part ». La lettre d’Armado est en outre

teintée de violence. Il appelle Jaquenetta « his prey » (82) et lui rappelle dans

une inversion pseudo‑poétique qu’elle se doit de « Submissive fall his princely

feet before » (83), sans quoi elle s’exposera à sa fureur et deviendra « Food for his

rage, repasture for his den » (86). Même s’il convient de se méfier des approches

trop psychologisantes, il est tentant de voir dans la violence de ces images un

malaise d’Armado face au statut social de celle qu’il aime. Pourtant, à la fin

de la pièce, Armado va s’engager à rester auprès de Jaquenetta enceinte et à tra‑

vailler à la ferme avec elle pendant trois ans (ce qui reprend de manière ironique

la durée que prévoyaient Navarre et ses compagnons pour leur académie).

On trouve fréquemment dans la pièce des images violentes de guerre

et de chasse pour désigner l’amour et la séduction. Mais comme les clichés

de la beauté féminine et de la classe sociale, elles sont en général inversées :

ce sont les femmes qui assiègent la forteresse de l’académie dans laquelle sont

retranchés les hommes : Navarre vient à la rencontre de la princesse de peur

qu’elle ne « besiege his court » (2.1.86). Les normes de genre sont inversées :

le rôle d’assaillant est traditionnellement masculin et la forteresse prise

d’assaut, conventionnellement vue comme féminine. La polysémie du mot

« suitor » (qui signifie à la fois « plaideur » et « soupirant ») joue sur l’ambiguïté

des rôles genrés. La princesse se définit comme une « humble‑visaged sui‑

tor » (2.1.34), puisqu’elle vient déposer une requête de la part du roi de France

auprès de Navarre. Mais dans le contexte du vocabulaire de la guerre contre

les passions et les « affections » introduit par Navarre dès le début du premier

acte, le mot « suitor » se teinte d’ambiguïté, ambiguïté ensuite renforcée par

l’homophonie entre « suitor » et « shooter » dans la scène de la chasse à laquelle

s’adonnent la princesse et ses suivantes (4.1). La chasse était l’une des occu‑

pations favorites de la noblesse de l’époque. La reine Elisabeth I elle‑même

en était particulièrement friande, même si des objections quant à la cruauté

de cette activité se faisaient parfois entendre. La mise en scène de femmes

pratiquant la chasse ne peut manquer d’évoquer l’image de Diane, déesse

de la chasse mais aussi de la virginité, ce qui suggère à nouveau un rappro‑

chement avec Elisabeth, la reine vierge154. La métaphore de la chasse pour

��4. Pour davantage de détails sur la chasse dans l’Angleterre élisabéthaine, nous renvoyons le lecteur aux notes et à l’introduction de l’édition de référence.

par le discours. L’insistance sur la noirceur de Rosaline fait également penser

à la Dark Lady, qui est au centre des sonnets 127 à 152 de Shakespeare. Le poète

l’appelle ainsi en raison de sa chevelure noire et de son teint sombre, mais aussi

de sa cruauté. Et comme la Rosaline de Berowne, la Dark Lady de Shakespeare

est une créature sensuelle qui éveille en lui le désir charnel.

Les caractéristiques physiques de la bien‑aimée ne sont pas les seuls

clichés de la poésie pétrarquiste à être subvertis dans la pièce : les rap‑

ports de classe le sont également. Berowne fait régulièrement allusion aux

femmes, et à la figure de l’amante en particulier, à l’aide du prénom popu‑

laire « Joan », qui anticipe la « greasy Joan » de la chanson de l’hiver à la fin de

la pièce (5.2.885). Ainsi, selon lui, la poésie amoureuse revient à « groan for

Joan » (4.3.174) et, constatant ses sentiments pour Rosaline, il conclut : « Some

men must love my lady, and some Joan » (3.1.182).

Traditionnellement, l’aimée du poète est une noble dame devant laquelle

le soupirant se met à genoux. Le schéma est inversé dans l’amour qu’éprouve

Armado pour Jaquenetta (amour qui anticipe celui de Don Quichotte pour sa

Dulcinée), ce qui n’est pas sans poser un problème moral au fanfaron. C’est pour

cette raison qu’il cherche à légitimer cette transgression de la norme par la précé‑

dence, qu’il trouve en l’histoire du roi Cophétua et de la mendiante Zénélophon.

Le fait qu’Armado applique les mêmes formules hyperboliques de la poésie

pétrarquiste pour désigner la fille de ferme dont il est épris que celles des acadé‑

miciens pour s’adresser aux nobles dames de leurs pensées donne à sa lettre un

caractère grotesque. Le décalage entre la noblesse du signifiant et la bassesse du

signifié est tel que la lettre d’Armado à Jaquenetta jette un éclairage ironique sur

les sonnets du roi et de ses courtisans lus deux scènes plus loin. Ce fossé est ren‑

forcé par l’utilisation de la prose et non des vers par Armado. L’Espagnol pousse

les poncifs de la poésie pétrarquiste à l’extrême. Il commence sa lettre à son

aimée (qui ne sait pas lire) dans une hyperbole qu’il construit à l’aide de com‑

paratifs : « More fairer than fair, beautiful than beauteous, truer than truth itself,

have commiseration on thy heroical vassal » (4.1.59‑61). La formule est tellement

exagérée et galvaudée que nous sommes ici dans la parodie, voire la caricature,

renforcée par l’oxymore « heroical vassal ». Armado insiste sur leur différence

de classe : « I profane my lips on thy foot, my eyes on thy picture, and my heart

on thy every part » (76‑78) : l’image est non seulement grotesque, mais elle est

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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« A feast of languages »

génitaux féminins et masculins, « shoot » et « hit » qui connotent l’acte sexuel,

et « rubbing » la masturbation. Dans cet échange, les rôles sont inversés : c’est

la femme qui a le dessus dans l’activité guerrière du tir à l’arc, c’est elle qui

effectue le meilleur tir (« upshoot » (129), qui connote également l’éjaculation),

et c’est elle qui est « too hard ». Maria ne peut que commenter : « you talk greasily,

your lips grow fowl » (130).

Love’s Labour’s Lost fait apparaître les conventions de la poésie pétrar‑

quiste dans toute leur artificialité, ce qui fournit une des principales sources

de comique de la pièce. Mais la parodie et la subversion des clichés du genre

sont bien plus qu’un jeu sur les mots ou une satire littéraire ; elles permettent

d’articuler une réflexion sur les rapports conventionnels entre les hommes et les

femmes. Ici, les rôles semblent inversés : les hommes adoptent une vision plato‑

nique de l’amour alors que les femmes font des jeux de mots grivois et sont vues

comme des assaillantes venant menacer la chaste citadelle de Navarre et de ses

amis. Du moins est‑ce ce que suggère le langage de la pièce. En effet, à y regar‑

der de plus près, il y a un décalage parfois considérable entre ce qui est dit des

femmes et ce que Love’s Labour’s Lost nous donne à voir. Une fois de plus, on

constate un fossé entre le signe (ici, le discours sur les femmes) et ce qu’il repré‑

sente (leur véritable comportement).

« A SET OF WIT WELL PLAYED��� »

Les hommes de la pièce parlent et écrivent beaucoup et leur discours a les

femmes pour principal objet. Comme cela est fréquemment le cas dans

l’Angleterre du début de l’époque moderne en général et dans les pièces

de Shakespeare en particulier, les jeunes hommes privilégient leurs relations

de franche camaraderie virile sur les liens qu’ils tissent avec les femmes. Ce fait

est établi dès la scène d’exposition, avec la signature du contrat qui donne nais‑

sance à leur académie masculine en tenant les femmes à l’écart. En apposant

leur nom au bas du pacte, les académiciens sont unis dans leur opposition

aux instincts charnels représentés par les femmes : le féminin doit être exclu

pour garantir l’intégrité des liens entre les hommes. Navarre appelle ses trois

compagnons « my fellow scholars » (1.1.17), et Berowne insiste à plusieurs

���. 5.2.29

parler de l’amour et de la séduction est un lieu commun de l’époque, et dans

la poésie pétrarquiste, la cruelle maîtresse est souvent comparée à une chasse‑

resse tuant le cerf. Shakespeare joue sur les sous‑entendus, et lorsque Berowne

annonce que « The princess comes to hunt here in the park » (3.1.142),

la chasse apparaît clairement comme une métaphore du jeu amoureux dans

lequel les rapports sont inversés. L’assimilation conventionnelle entre l’amour

et la chasse est développée dans la suite de la scène, où Rosaline et Boyet

conversent tout en tirant à l’arc. Rosaline vient de recevoir par erreur la lettre

d’Armado. « Who is the shooter? » s’enquiert Boyet à propos de leur duel

à l’arc (4.1.101), « And who is your deer? » (107) (avec un jeu sur « deer » /

« dear »). Dans l’Angleterre élisabéthaine, les mots « suitor » et « shooter » sont

des homonymes. « She that bears the bow », répond Rosaline (102), avant

d’ajouter : « I am the shooter » (107). Dès les premiers mots de l’échange

s’opère un renversement des rôles genrés traditionnels, puisque la femme

se place dans une position de domination agressive. Les allusions répétées aux

cornes dans les répliques suivantes suggèrent, comme le fait Berowne dans

le passage cité plus haut, un manque de chasteté de Rosaline, tandis que cette

dernière sous‑entend l’impuissance de Boyet, à travers le jeu sur « hit », qui

fait référence à la flèche touchant la cible, mais qui connote également l’acte

sexuel. « Have I hit her now? » demande Boyet (111), ce à quoi Rosaline répond

en chantant « Thou canst not hit it, hit it, hit it, / Thou canst not hit it, my

good man » (118‑119). L’échange devient franchement grivois, en particulier

lorsque Costard s’en mêle :

Boyet : Let the mark have a prick in’t, to mete at, if it may be.

Maria : Wide o’the bow hand! I’faith, your hand is out.

Costard : Indeed, ’a must shoot nearer, or he’ll never hit the clout.

Boyet : An if my hand be out, then belike your hand is in […]

Costard : She’s too hard for you at pricks, sir. Challenge her to bowl.

Boyet : I fear too much rubbing (125‑132)

Si les académiciens expriment dans leurs poèmes une vision platonique

de l’amour, nous sommes dans cet échange en présence de l’extrême inverse,

avec les mots « mark » et « prick », qui renvoient respectivement aux organes

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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« A feast of languages »

dispute au sujet de leur bien‑aimée respective (4.3.211‑272), les jeunes

hommes déversent les clichés sur la beauté et la sexualité féminines, comme

nous l’avons vu plus haut. Pourtant, au moment où Navarre et ses com‑

pagnons prononcent ces paroles, ils ont à peine conversé avec les dames

de leurs pensées. Les discours laudateurs et misogynes, bien qu’opposés dans

leur contenu, sont en réalité les deux faces d’une même médaille : ils sont

construits de toutes pièces, sans être fondés sur une quelconque expérience

personnelle des femmes, et révèlent avant toute chose un désir de contrôler

cette Autre inconnue en la fixant par le langage.

Les critiques féministe et psychanalytique posent couramment que les

représentations des femmes par les hommes résultent souvent de phénomènes

de compensation ou de projection des angoisses masculines : le sentiment

de vulnérabilité masculine trouverait ainsi une expression compensatoire dans

la création d’une supposée sexualité féminine monstrueuse ou contre‑nature157.

Mais, comme le souligne Mark Breitenberg dans « The Anatomy of Masculine

Desire in Love’s Labour’s Lost », le discours de la poésie pétrarquiste permet aussi

au poète d’entretenir l’illusion de contrôler le sujet insaisissable de ses poèmes :

en décrivant sa bien‑aimée dans les moindres détails, le poète se pose en sujet

qui contrôle sa maîtresse par le regard et le discours. La position du poète est

néanmoins pour le moins paradoxale, puisque la bien‑aimée est représentée

comme hors de portée en même temps qu’elle est contenue par le langage158.

Selon cette approche, la femme est réduite au rôle de sujet passif qui n’a aucune

prise sur la manière dont elle est représentée159.

Pourtant, les femmes de la pièce refusent de se laisser enfermer par le dis‑

cours et dénoncent inlassablement le décalage entre les faits et les mots. Ainsi,

elles s’opposent au discours idéalisé de la flatterie et insistent sur leurs défauts

physiques. La princesse en particulier ne se voit pas comme une belle femme :

My beauty, though but mean,

Needs not the painted flourish of your praise.

��7. Pour plus de détails sur ces théories, voir Mark Breitenberg, « The Anatomy of Masculine Desire in Love’s Labour’s Lost », Shakespeare Quarterly 43 (1992), 430‑49.

��8. Ibid., 435.

��9. Ibid., 437.

reprises sur le fait qu’il souscrit aux termes de l’académie uniquement par soli‑

darité avec ses amis156. Plus tard, lorsque les jeunes hommes découvrent qu’ils

sont tous amoureux, Navarre parle de « Sweet fellowship in shame » (4.3.41)

et Berowne s’exclame : « Sweet lords, sweet lovers, O, let us embrace! » (4.3.205).

De même, la conversation dans laquelle ils rivalisent pour savoir qui a la plus

belle maîtresse montre que le sentiment amoureux lie les jeunes hommes entre

eux bien plus qu’il ne les attache à leur bien‑aimée. Cherchant à se retrancher

dans l’étude en se tenant loin de la compagnie féminine, ils ont avant tout des

femmes une connaissance abstraite, ce qui transparaît dans l’abondance des

métaphores de la femme comme livre. Ils véhiculent sur les femmes des dis‑

cours stéréotypés que la mise à l’épreuve de la confrontation avec ces dernières

révèle comme très éloignés de la réalité.

Berowne et ses amis tiennent deux types de propos sur les femmes :

le discours laudateur de la poésie pétrarquisante où, comme nous l’avons vu,

la bien‑aimée acquiert le statut d’une quasi‑divinité, et le discours misogyne

de leurs discussions sur l’objet de leur affection ou sur les femmes en général.

On pense par exemple aux craintes de Berowne quant au manque de chasteté

de Rosaline, qui s’inscrivent dans une tirade sur les vices traditionnellement

reprochés aux femmes :

A woman, that is like a German clock,

Still a‑repairing, ever out of frame,

And never going aright, being a watch,

But being watched that it may still go right! (3.1.167‑170)

On retrouve ici le jeu sur « watch », qui convoque à la fois le thème du regard

et de la vision associé aux femmes tout au long de la pièce, mais avec l’idée

supplémentaire que ces créatures volages que sont les femmes (idée renfor‑

cée par la référence à Argus un peu plus bas) nécessitent une surveillance

constante. Les horloges allemandes étaient dotées d’un mécanisme très éla‑

boré qui se déréglait souvent, ce qui constitue une manière originale de faire

référence à l’inconstance proverbiale des femmes. De même, au cours de leur

���. Voir 1.1.51 et 1.1.111.

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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« A feast of languages »

patrimoine se transmettent selon les règles de la primogéniture : tout va au fils

aîné. Ceci explique en grande partie la hantise pour l’adultère et la naissance

d’enfants illégitimes, canalisée dans des plaisanteries de ce genre. Le discours

grivois dans la bouche des femmes de la pièce montre cependant surtout que,

contrairement aux hommes qui voulaient livrer une guerre contre leurs propres

instincts physiques, les femmes de la pièce ne renient pas leur nature humaine

et acceptent leur condition charnelle.

Les seules fois où les femmes sont vues comme se comportant conformé‑

ment aux discours stéréotypés préconstruits, elles le font de manière consciente :

elles jouent le rôle qui est attendu d’elles afin de mieux subvertir ce type de dis‑

cours et déstabiliser ceux qui le tiennent. « We are wise girls to mock our lovers

so », déclare la princesse (5.2.58). Souhaitant malmener les hommes lors du

masque des Moscovites, Rosaline joue la carte de l’inconstance féminine :

« Thus change I like the moon », assène‑t‑elle à un Navarre déconfit (5.2.212),

reprenant ainsi à son compte le lieu commun de la lune symbolisant la versati‑

lité féminine. Rosaline joue aussi le rôle de la cruelle maîtresse pétrarquiste qui

fait du poète un jouet à la merci de ses caprices. En cela, elle ne fait que prendre

au premier degré la convention selon laquelle la maîtresse dédaigne les suppli‑

cations de son amant.

That same Berowne I’ll torture ere I go.

O, that I knew he were but in by th’week!

How I would make him fawn, and beg, and seek,

And wait the season, and observe the times,

And spend his prodigal wits in bootless rhymes,

And shape his service wholly to my hests

And make him proud to make me proud that jests! (5.2.60‑67)

Nous sommes ici dans le cliché de la cruelle et froide maîtresse qui prend

plaisir à voir son soupirant se traîner à ses pieds (« fawn »), supplier et s’épui‑

ser dans la rédaction de poèmes à sa gloire. Le discours de Rosaline montre

que les femmes sont loin d’être les sujets passifs dans le rôle desquels

le discours masculin cherche à les enfermer. Selon l’approche féministe

de Peter B. Erickson dans son article « The Failure of Relationship between

Beauty is bought by judgement of the eye,

Not uttered by base sale of chapmen’s tongues,

déclare‑t‑elle à Boyet (2.1.13‑16), et elle répond au garde forestier qui la qualifie

de « fair » : « Nay, never paint me now / Where fair is not, praise cannot mend

the brow » (4.1.16‑17). Enfin, à Costard qui cherche « the head lady » (4.1.42),

elle répond : « The thickest and the tallest » (45). On est loin ici de la femme à la

beauté parfaite de la poésie pétrarquiste. Les suivantes de la princesse ne corres‑

pondent pas non plus aux critères de la beauté féminine et au portrait laudateur

que font d’elles leur soupirant, et elles en plaisantent entre elles, comme nous

l’avons vu plus haut.

Les clichés du discours misogyne sont eux aussi en décalage avec

ce que Love’s Lavour’s Lost donne à voir des femmes. Bien qu’il soit fait allusion

à maintes reprises à la versatilité féminine, les personnages féminins de la pièce

sont au contraire des exemples de constance. Elles énoncent dès leur première

apparition leur rejet de la flatterie et leur attachement à la simplicité du discours,

et elles ne dérogent à ces principes à aucun moment. Les personnages des femmes

de la cour de France n’évoluent pas au fil de la pièce, parce qu’elles n’en ont pas

besoin : elles sont en accord avec leur nature et leurs principes. Contrairement

aux normes du discours du début de l’époque moderne, l’inconstance est bel

et bien une caractéristique masculine dans Love’s Labour’s Lost. Les hommes

brisent inlassablement leurs serments, ce qui conduit Berowne à qualifier ses

compagnons et lui‑même de « men of inconstancy » (4.3.172). Rosaline applique

aussi à Berowne le cliché de la femme fragile, en proie à ses émotions, qui s’éva‑

nouit à la moindre occasion : « Help, hold his brows! He’ll swoon! Why look you

so pale? » (5.2.392). Quant à l’incontinence sexuelle reprochée aux femmes, rien

de ce qui nous est donné à voir dans la pièce ne peut laisser supposer un manque

de chasteté de leur part. Certes, elles parlent de sexualité, dans des termes par‑

fois grivois. Mais elles ne se conduisent nullement de manière incontinente,

malgré les allusions répétées aux cornes et au cocufiage. Ce type d’allusion est

un lieu commun du théâtre anglais de la Renaissance, aussi bien comique que

tragique. La récurrence de ces références s’explique non seulement par le poten‑

tiel comique qu’offrent les plaisanteries sexuelles et la figure du cocu, mais aussi

par l’obsession pour la légitimité des héritiers dans une société où les titres et le

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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« A feast of languages »

Les mégères étaient souvent durement punies dans les rituels populaires,

ainsi que leur mari, vu comme incapable d’être le maître chez lui. Mais rien

n’égale la cruauté du châtiment prévu par les académiciens à l’encontre des

femmes qui se risqueraient à s’approcher de leur bastion : ces dernières auront

la langue coupée. Or les femmes de la pièce, loin de se voir couper la langue,

tiennent au contraire des propos qui tranchent dans le vif, comme le souligne

Boyet à l’aide du vocabulaire de la guerre qui parcourt le texte :

The tongues of mocking wenches are as keen

As is the razor’s edge invisible,

[…] Their conceits have wings

Fleeter than arrows, bullets, wind, thought, swifter things (5.2.256‑261)

La princesse et ses suivantes refusent de se laisser enfermer dans un discours

stéréotypé qui les réifie. Elles revendiquent au contraire leur position de sujet

et manient dans ce but les armes du langage. Elles se livrent ainsi à de véri‑

tables joutes oratoires dont leurs adversaires ressortent souvent meurtris,

comme le déplore Berowne : « Light wenches may prove plagues to men for‑

sworn » (4.3.354). Au centre de ces combats préside la notion de wit*, c’est‑à‑dire

un sens de l’humour aiguisé doublé d’un esprit de répartie sans faille. Le wit

trouve son expression dans les innombrables jeux de mots de la pièce, évo‑

qués plus haut. La guerre des wits est aussi une guerre des sexes. Les hommes

de Love’s Labour’s Lost ne sont pas dépourvus de cette qualité, mais leurs capa‑

cités en la matière sont loin d’égaler celles des femmes. Maria décrit Longaville

comme « a sharp wit matched with too blunt a will, / Whose edge hath power

to cut » (2.1.49‑50), ce à quoi la princesse répond que « Such short‑lived wits

do wither as they grow » (54). Dumaine, lui, est présenté par Katherine comme

un homme qui « hath wit to make an ill shape good, / And shape to win grace

though he had no wit » (2.1.59‑60). Mais de tous, c’est Berowne qui semble

le plus doté de cette qualité :

His eye begets occasion for his wit,

For every object that one doth catch

The other turns to a mirth‑moving jest,

Men and Women in Love’s Labour’s Lost », ce passage montre que la pièce

donne aux femmes la possibilité de prendre leur revanche sur les conventions

qui les élèvent de manière artificielle, en profitant de la position de supériorité

que ces conventions leur confèrent. Mais pour Erickson, cette prise de pou‑

voir est ambiguë, car elle confirme également les pires craintes masculines

que ces mêmes conventions véhiculent160.

Le seul cliché qui semble parfois pouvoir s’appliquer aux femmes

de la pièce est celui de la mégère, comme la princesse en avertit Rosaline

et Maria qui se raillent mutuellement sur leur apparence physique : « A pox

of that jest, and I beshrew all shrows » (5.2.46). La mégère est une figure

récurrente de la culture populaire de l’Angleterre du début de l’époque

moderne en général et du théâtre comique en particulier. La femme qui

parle trop, surtout lorsqu’il s’agit de proférer des railleries, voire des insultes

ou des menaces, sort des préceptes de soumission et de discrétion qui

gouvernent les normes de comportement féminin. La mégère met en péril

le contrôle masculin sur le discours et les fondements de la stabilité de la société

patriarcale en général. En outre, les différents types d’incontinence étant

assimilés, une femme qui sort de chez elle ou qui parle trop est vue comme

une femme aux mœurs douteuses. Le corps et la parole féminins doivent

être contenus pour le bon fonctionnement de la société patriarcale, et les

mégères, réprimées, à l’instar de Kate dans The Taming of the Shrew (1593‑94).

On trouve dans la bouche de Boyet une allusion directe aux mégères qui

cherchent à dominer leur mari plutôt qu’à lui obéir : « Do not curst wives hold

that self‑sovereignty / Only for praise’ sake when they strive to be / Lords o’er

their lords? », faisant ainsi des velléités de domination de la part des femmes un

péché d’orgueil (4.1.36‑39). « Praise we may afford / To any lady that subdues

a lord », répond la princesse (39‑40). Cette phrase résume parfaitement

l’attitude qui prévaut dans la pièce : si dans The Taming of the Shrew, il s’agit

de dompter la mégère, dans Love’s Labour’s Lost, ce sont les femmes, envers

tous les préceptes de la société patriarcale, qui s’emploient à mettre les hommes

à genoux … et qui y parviennent.

��0. Peter Erickson, « The Failure of Relationship between Men and Women in Love’s Labour’s Lost » dans Love’s Labour’s Lost: Critical Essays, (éd.) Felicia Hardison Londré, New York, Garland Publishing, 1997, 251.

��0

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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« A feast of languages »

Here stand I lady; dart thy skill at me.

Bruise me with scorn, confound me with a flout,

Thrust thy sharp wit quite through my ignorance,

Cut me to pieces with thy keen conceit (5.2.396‑399)

On retrouve l’image de la femme chasseresse qui prend l’homme pour cible,

mais aussi de la Bacchante démembrant Orphée dans une déclaration où les

images sexuelles abondent. Dans le combat de l’intelligence et de la répartie,

les femmes ont le dessus, et elles en sont conscientes : « Are these the breed

of wits so wondered at? / […] O poverty in wit, kingly‑poor flout! », s’étonne

la princesse après avoir mis en déroute les hommes lors du masque des

Moscovites (5.2.266‑269). Et Rosaline de renchérir : « better wits have worn

plain statute‑caps » (5.2.281) – des citoyens bien plus modestes ont souvent fait

preuve de plus d’intelligence (« plain statute‑caps » renvoyant aux simples bon‑

nets de laine des citoyens ordinaires).

La séduction se résume à des jeux d’esprit et de langage dans la société

courtoise de Love’s Labour’s Lost. Les duels spirituels auxquels se livrent la cour

de Navarre et celle de la princesse de France sont souvent désignés à l’aide du

vocabulaire du jeu et du sport. On trouve dans la pièce non seulement de nom‑

breuses références à la chasse, comme nous l’avons vu, mais aussi à cache‑cache161,

à « snapdragon » (jeu qui consiste à gober un raisin flottant dans de l’alcool en

feu (5.1.37)), aux dés162, aux cartes163 et aux jeux de dames et d’échecs164. L’on

trouve également le vocabulaire du tennis165. En plus de désigner le manège

de l’amour, le vocabulaire du jeu et du sport permet aussi de brosser le portrait

d’une société de cour oisive où le jeu tient une place prépondérante. Lorsque

la cour se déplaçait, on lui offrait toutes sortes de divertissements, comme le fait

Navarre pour la princesse et sa cour. La forte présence du jeu confère un certain

réalisme et une certaine valeur « documentaire » à Love’s Labour’s Lost, qui nous

���. « All hid, all hid – an old infant play » (4.3.70)

���. « throw at novum » (5.2.535) ; « two treys, an if you grow so nice, / Metheglin, wort, and malmsey. Well run, dice! » (5.2.232‑233) ; « chides the dice » (5.2.326)

���. « pair‑taunt‑like », qui renvoie au jeu de « post and pair » (5.2.67)

��4. « he plays at tables » (5.2.326)

���. « Well bandied both! A set of wit well played » (5.2.29)

Which his fair tongue, conceit’s expositor,

Delivers in such apt and gracious words

assure Rosaline (2.1.69‑73). Berowne a la réputation d’être

A man replete with mocks,

Full of comparisons and wounding flouts,

Which [he] on all estates will execute

That lie within the mercy of [his] wit (5.2.811‑814)

Pourtant, les académiciens n’ont pas le dessus dans cette « civil war of wits »

(2.1.222). Le premier échange entre Rosaline et Berowne est représentatif :

Rosaline s’empare de chaque réplique du jeune homme et lui renvoie ses mots

au visage en jouant sur la synonymie et l’homonymie, à une cadence effrénée

qui le laisse hors d’haleine :

Berowne : Did I not dance with you in Brabant once?

Rosaline : Did I not dance with you in Brabant once?

Berowne : I know you did.

Rosaline : How needless was it then

To ask the question?

Berowne : You must not be so quick.

Rosaline : ’Tis long of you that spur me with such questions.

Berowne : Your wit’s too hot, it speeds too fast, ’twill tire.

Rosaline : Not till I leave the rider in the mire (2.1.113‑119)

Rosaline sort victorieuse de cet échange : elle souligne le peu de pertinence

des questions de Berowne tout en jouant sur le champ sémantique de l’équi‑

tation, et elle ne doute pas de sa victoire dans ce duel. On remarque éga‑

lement que les connotations sexuelles sont nombreuses dans ce dialogue

(« quick », « spur », « ride »).

Après nombre de ces épisodes, le jeune homme est forcé d’admettre

sa défaite et de rendre les armes :

���

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

���

« A feast of languages »

de leur nom à travers leur persévérance dans l’étude. Leur nom et leur personne

ne font qu’un : leur nom est une extension de leur moi. Les femmes, en revanche,

sont désignées à l’aide du nom de leur père, et sont vues comme le moyen

de transmission de la propriété et des titres familiaux, comme il est de coutume

dans une société patriarcale. Boyet met cet aspect en avant lorsque Dumaine,

Longaville et Berowne viennent s’enquérir du nom des jeunes femmes qu’ils

ont tout juste rencontrées. Il présente Katherine en la désignant comme étant

« The heir of Alençon, Katherine her name » (2.1.191), faisant passer son pré‑

nom après son ascendance. Il ne révèle pas le prénom de Maria à Longaville,

mais finit par lui apprendre qu’elle est « an heir of Falconbridge » (201). Seule

Rosaline est simplement désignée par son prénom bien qu’elle ne soit pas

mariée, ce qui la singularise d’emblée. La princesse, bien que représentant son

père et ayant la responsabilité de négociations politiques, ne se voit pas appeler

par son nom. La présence de son père mourant encadre la pièce : il est fait réfé‑

rence au roi de France malade dès la première scène (« her decrepit, sick, and

bedrid father » 1.1.136) et l’annonce de sa mort par Marcadé vient mettre un

terme aux festivités et suspendre la conclusion dans la dernière scène (5.2.695).

Ce décès a beau faire de la princesse une reine, les raisons de sa présence à la cour

dans la première scène et de sa retraite afin de porter le deuil dans la dernière

sont bel et bien subordonnées à son père.

De toutes les femmes de la pièce, la princesse est celle qui fait le plus

preuve de capacité de jugement, de constance et de lucidité. Elle calme ses sui‑

vantes dont les esprits s’échauffent parfois, elle sait mettre les hommes en face

de leurs contradictions et elle déjoue leurs stratagèmes. Elle n’hésite pas à être

très dure dans ses propos. Pourtant, elle s’excuse parfois de sa hardiesse. Ainsi,

après avoir réprimandé Navarre pour son manque d’hospitalité, elle se rétracte

en ces termes : « But pardon me, I am too sudden bold; / To teach a teacher ill

beseemeth me » (2.1.106‑107). La princesse revient à la position de soumission

et d’humilité attendue des femmes et s’excuse pour cette inversion temporaire

de l’ordre « naturel » des choses. De même, à la fin de la pièce, elle demande

à Navarre de bien vouloir excuser son effronterie :

that you vouchsafe

In your rich wisdom to excuse or hide

renseignent sur les mœurs des cours de l’époque. Ceci permet aussi de faire allu‑

sion de manière indirecte au fait que la vie de la cour du temps de Shakespeare

se caractérise par des jeux de pouvoir et des rivalités dont la violence est masquée

par ce même vocabulaire du jeu et du sport.

Les interactions entre les hommes et les femmes dans la pièce prennent

principalement la forme de ces joutes verbales. Les femmes refusent de jouer

le jeu de la conversation selon les règles établies par les académiciens et elles

ramènent presque systématiquement le langage figuré des hommes au niveau

littéral. Elles s’emparent des images de la femme construites par les hommes

et les mettent au jour comme de simples représentations qui ne prennent pas

en considération les particularités de chaque individu et de chaque situa‑

tion, et surtout, comme des constructions qu’il est aisé de manipuler. D’une

certaine manière, les échanges verbaux se substituent à une autre forme

d’intimité, plus physique. Bien qu’étant conscients de la nature charnelle

de l’homme, les personnages de la pièce expriment leurs instincts à travers

le langage et leurs échanges amoureux ont exclusivement la forme de conver‑

sations. Ils dialoguent et plaisantent plutôt que de se confronter à l’aspect phy‑

sique de l’amour. Les jeux de mots, les réponses, les ripostes, la répartie sont

associés aux images de la chasse, de la danse, du combat et de l’acte sexuel,

comme nous l’avons vu à travers la conversation entre Rosaline et Boyet

autour de « hit it » ou comme le résume Holofernes quand il déclare : « the

gentles are at their game » (4.2.145) ; même si le pédant fait ici explicitement

référence à la chasse, sa déclaration peut s’appliquer à toutes les dimensions

du jeu que nous avons évoquées.

Les femmes de la pièce sont indépendantes, lucides, intelligentes,

constantes et drôles. Mais la situation de supériorité allouée aux personnages

féminins fait‑elle pour autant de Love’s Labour’s Lost une pièce « féministe »,

avec tous les guillemets que suppose un tel terme appliqué à la Renaissance ?

Rien n’est moins sûr. Tout d’abord, on ne peut qu’être frappé par le fait que les

suivantes de la princesse ne sont désignées que par leur prénom, et que cette

dernière n’a même pas ce privilège : il n’est fait référence à elle qu’à l’aide de son

titre. Ce fait est d’autant plus significatif quand on constate l’importance accor‑

dée au nom dès la scène d’exposition. En effet, en créant leur académie, Navarre

et ses compagnons souhaitent atteindre l’immortalité en assurant la postérité

��4

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

���

« A feast of languages »

la communication, fonction première du langage. Or de la stabilité du langage

dépend celle de l’ordre social : les membres de la communauté doivent parta‑

ger les mêmes codes pour pouvoir se comprendre et garantir le bon fonction‑

nement de la société. Dans Love’s Labour’s Lost, cette stabilité est mise à mal :

chacun possède un système de langage qui lui est propre et refuse de se plier

à celui de l’autre. Navarre et ses compagnons fonctionnent selon les clichés de la

poésie pétrarquiste qui enferment la femme dans un statut d’objet hors de por‑

tée. Les femmes jouent de ce discours conventionnel en le prenant de manière

littérale, ce qui permet de mettre au jour son artificialité et de remettre en ques‑

tion non seulement les poncifs de ce type de littérature, mais aussi les rapports

entre les sexes qui les sous‑tendent.

Au travers de ces jeux incessants sur les mots, le langage apparaît

comme particulièrement instable et ouvert à toutes sortes de manipulations.

Cette idée centrale à la pièce trouve essentiellement son expression à travers

ses nombreux motifs de permutation et de substitution, que ce soit au niveau

linguistique à travers l’usage abondant qui est fait de la synonymie, mais

aussi de l’intrigue avec les lettres mélangées, les femmes qui échangent leurs

places lors du masque des Moscovites ou bien dans la pratique du théâtre,

avec le spectacle mis en scène par les personnages de l’intrigue secondaire,

où chacun incarne un personnage historique. On pense aussi au motif,

proche, de l’inversion, que ce soit des clichés de la beauté féminine, du

rapport hiérarchique entre les classes à travers Armado épris de Jaquenetta,

ou entre les sexes, avec les hommes affichant des défauts traditionnellement

étiquetés comme féminins et les femmes ayant le dessus dans cette guerre des

esprits qui est aussi une guerre des sexes168. Dans ce contexte de permutation

et d’inversion, le rapport entre le signifié et le signifiant devient lâche, et le

fossé entre les deux, potentiellement énorme.

Si les femmes de la pièce sont conscientes du décalage entre les

apparences et la réalité, c’est loin d’être le cas des hommes, qui se fient aux

signes extérieurs et n’adaptent pas les codes aux circonstances. C’est bien

��8. Pour plus de détails sur les motifs de l’inversion et de la permutation dans Love’s Labour’s Lost et leurs relations aux rapports entre les sexes, voir l’excellent article de Patricia Parker : « Preposterous Reversals: Love’s Labour’s Lost », Modern Language Quarterly 54:4 (1993), 435‑482.

The liberal opposition of our spirits,

If over‑boldly we have borne ourselves

In the converse of breath (5.2.705‑709)

La supériorité des personnages féminins sur les personnages masculins est

l’un des schémas traditionnels de la comédie. Les rapports hiérarchiques,

en particulier entre les hommes et les femmes, y sont très souvent inversés.

Cela est caractéristique du monde comique que l’on qualifie parfois de « car‑

navalesque », qui permet une suspension de la norme. Les fous et les gueux

prennent la place du roi et les femmes portent la culotte. Mais cette licence

est temporaire et à la fin de la pièce, tout reprend sa place habituelle dans un

grand rituel social marquant l’harmonie comme un banquet ou un mariage.

L’ordre social émerge renforcé de ces dérèglements passagers et encadrés.

À la fin, la jeune fille rebelle troque ses habits de garçon contre un voile virgi‑

nal de mariée166 et la mégère se voit réduite au silence par un baiser conjugal167.

Dans Love’s Labour’s Lost, Shakespeare nous accorde au moins le bénéfice du

doute : les femmes elles‑mêmes décident de retarder la résolution festive des

conflits que représente le mariage. Elles conservent leur position d’agents en

empêchant la comédie de se conclure. Et rien ne garantit que ces mariages

auront lieu dans un quelconque futur extérieur à la pièce.

CONCLUSION

À première vue, Love’s Labour’s Lost est une pièce de mots et d’idées. En l’ab‑

sence de véritable intrigue, les mots semblent se substituer à l’action. Les per‑

sonnages dialoguent, discourent, écrivent, récitent plus qu’ils n’agissent et leurs

rapports font avant tout intervenir leurs qualités intellectuelles et langagières.

Les personnages de la pièce, en particulier les femmes, sont des virtuoses

du langage et leurs jeux de mots et traits d’esprit sont si vifs qu’ils perdent

bien souvent le public en chemin. Les mots sont associés, permutés, détour‑

nés, inversés, écorchés au risque de créer la cacophonie, voire d’empêcher

���. C’est le cas dans As You Like It (1599), Twelfth Night (1601‑1602) ou The Merchant of Venice (1596‑97).

��7. À l’instar de Beatrice dans Much Ado About Nothing (1598‑99).

���

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

��7

ÉLÉMENTS CLÉS

Académie. Au XVIe siècle, les humanistes tentent de prendre exemple sur

les réunions amicales et plus ou moins informelles où les Grecs discutaient

de philosophie. C’est dans cet esprit que Marsile Ficin crée à Florence, dans les

années 1470, une académie platonicienne, modèle de toutes celles qui suivront.

Le mouvement des Académies fut important surtout en Italie au XVIe siècle,

mais il gagna la France, où Baïf fonda en 1570 l’Académie de Poésie et de

Musique. Au XVIIe siècle sont créées de nombreuses académies publiques ou

privées dans toutes les disciplines. La plus célèbre est l’Académie française,

fondée par Richelieu en 1635.

Source : Jarrety, Michel, Éd. Lexique des termes littéraires. Paris : Librairie Générale

Française, 2001.

Chiasme. Figure de construction qui met en œuvre les procédés de la répétition

et de l’inversion, sur au moins quatre membres, selon le schéma ABBA.

Ses fonctions sont diverses : besoin d’euphonie, harmonie rythmique, ainsi

qu’un effet de symétrie qui produit des rapprochements intimes.

Cliché. Au Moyen Âge, le cliché est le fondement même de l’esthétique et de

la composition poétiques, en particulier dans la poésie lyrique. Il n’a pas alors

de connotation péjorative. Il désigne par la suite une image stéréotypée, appelée

aussi poncif ou lieu commun. Le cliché est fait de termes qui sont liés par un

appariement automatique dû à son extrême fréquence, par exemple « la verte

prairie », « clair comme de l’eau de roche », « la fraîche jeune fille », etc. Le cliché,

par son caractère banal, attire la parodie et l’ironie.

Cratylisme. Le terme tire son origine du dialogue de Platon intitulé Cratyle.

Dans ce dialogue, Socrate intervient dans une discussion entre deux sophistes :

Cratyle, qui défend l’idée que le langage et en particulier le vocabulaire sont

motivés, et Hermogène, pour qui le langage et le vocabulaire sont soumis

là la raison de l’échec de leur tentative de séduction des femmes lors du masque

des Moscovites. Tout à ce qu’ils pensent être l’ingéniosité de leur stratagème

et à l’autosatisfaction narcissique qui leur est propre, les jeunes hommes ne

remarquent pas que les femmes, masquées, ont échangé les gages d’amour qu’ils

leur ont envoyés et qu’ils font leur cour à une autre. « We, / Following the signs,

wooed but the sign of she », s’exclame Berowne quand il comprend le subterfuge

dont ils ont été victimes (5.2.469, je souligne). Cette déclaration résume à elle

seule l’attitude des hommes tout au long de la pièce : en se concentrant sur

le signe et non sur ce qu’il désigne, sur le signifiant et non sur le signifié,

les académiciens se sont retranchés dans un monde d’idées détaché des réalités

de la nature humaine. En soumettant leur mariage à des conditions et en leur

imposant une mise à l’épreuve, la princesse et ses suivantes espèrent faire

comprendre aux hommes le poids des mots et la nécessité d’adapter le discours

aux circonstances et au public. C’est à ce prix que leurs peines d’amour, pour

l’instant perdues, pourront être gagnées dans une nouvelle comédie.

��8

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

��9

« A feast of languages »

Le style de Lyly fut non seulement le style de la cour, mais aussi un

modèle pour tous les prosateurs qui suivirent, aussi bien ceux qui eurent

tendance à l’imiter servilement, comme Greene, que ceux qui raillèrent les

outrances de ce style, son caractère mécanique et monotone et son abondance

en comparaisons animales et végétales (Sidney, Nashe, et par la suite, entre

autres, Shakespeare et Ben Jonson). La parodie et la satire de l’euphuisme

impliquent la conscience que ce style devait être dépassé, mais elles ne signi‑

fient pas qu’il était condamné dans tous ses aspects. Au contraire, le refus

de ses éléments artificiels est allé de pair, chez les auteurs élisabéthains, avec

la prise en compte de ses qualités ; car, malgré tous ses excès, la prose de Lyly

donnait pour la première fois l’exemple d’une « architecture », d’un ensemble

de phrases et de paragraphes structurés, qui donnaient au sens une clarté

qu’il n’y avait pas chez les contemporains de Lyly, clarté qui provenait aussi

de la netteté et du naturel du vocabulaire. Les prosateurs de la Renaissance

ont été les élèves de Lyly, même lorsqu’ils se sont moqués des leçons de leur

maître. Et l’exigence d’attention à la forme, principal enseignement de l’eu‑

phuisme, a été transmise bien au‑delà de cette période.

Source : Granjoux, Georges. « Euphuisme ». Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté

le 2 août 2014. www.universalis‑edu.com.sso.scd.univ‑tours.fr/encyclopedie/euphuisme

Homonymie. Similitude phonique totale entre deux mots dissemblables par

le sens et parfois même graphiquement.

Homophonie. Phénomène d’identité sonore, qui peut ne concerner que les

fins de mots, comme pour la rime, mais aussi, dans un sens plus large, toute

ressemblance de prononciation qui permet une mise en correspondance entre

les vocables, comme le calembour ou l’homonymie.

Humanisme. Le terme désigne d’une façon synthétique la culture savante

et la vision du monde du XVe siècle italien (le Quattrocento) et du XVIe siècle

européen. Les humanistes ont d’abord en commun l’amour de la littérature.

Ils prennent pour modèles, presque insurpassables, les œuvres de l’Antiquité

grecque et latine. Ils s’efforcent de restaurer la connaissance de la langue

grecque, ignorée du Moyen Âge. Certains ajoutent l’héritage hébraïque à celui

à l’arbitraire et sont le résultat d’un consensus. C’est un débat qui n’a cessé

de se poursuivre jusqu’à nos jours. Le XVIe siècle a prêté une grande attention

au cratylisme et à ce que portent les noms.

Source : Jarrety, Michel, Éd. Lexique des termes littéraires. Paris : Librairie Générale

Française, 2001.

Euphuisme. L’euphuisme, style maniéré qui tire son nom d’Euphues (1578),

œuvre romanesque en prose de John Lyly, représente la première grande mani‑

festation de la conscience, qui se développait chez les Anglais de la Renaissance,

des possibilités de leur langue maternelle. Ce style eut à la fois une fonction

sociale, en marquant de son empreinte la langue de la cour, et une influence

profonde sur la prose anglaise. L’euphuisme se caractérise par l’emploi quasi

systématique de certains procédés : procédés de structure et de rhétorique

(le parallélisme des phrases et des propositions à l’intérieur des phrases ; l’uti‑

lisation de l’antithèse ; l’emploi fréquent des questions rhétoriques, souvent en

série. Ces procédés peuvent être associés dans le même paragraphe, voire dans

la même phrase. Ils sont liés au contenu de l’œuvre, qui laisse beaucoup de place

au discours, à l’argumentation, et relativement peu au récit) ; procédés eupho‑

niques (une utilisation abondante de l’allitération et de l’assonance, parfois

même de la rime, cela pouvant aller jusqu’à la répétition des mêmes termes ; c’est

en grande partie de là que vient l’impression d’artificialité que peut laisser le style

d’Euphues) ; figures de style (images, comparaisons, quelquefois métaphores,

qui servent de points d’appui de la démonstration et qui ont essentiellement une

fonction décorative. Lyly les choisit dans l’histoire et la mythologie de l’Antiquité

(en inventant au besoin) et dans l’histoire naturelle). Un style proprement aris‑

tocratique empreint d’un maniérisme proche de celui de l’euphuisme était en

usage bien avant l’œuvre de Lyly. Cependant, le mérite et l’originalité de Lyly sont

d’avoir systématisé, et même codifié, un style qui existait déjà à l’état d’ébauche

et qui permettait à l’élite aristocratique de se distinguer de la masse de la popula‑

tion. De plus, les démonstrations que l’on trouve dans Euphues, avec la répétition

de la même idée sous plusieurs formes, avec les images qui les éclairent et qui les

embellissent, et les emprunts qu’elles font aux divers domaines de la connais‑

sance de l’époque, témoignent à la fois d’un amour de la langue anglaise pour

elle‑même et d’une jouissance à exploiter ses possibilités d’expression.

��0

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

���

« A feast of languages »

Hyperbole. Figure d’exagération soulignant une pensée au moyen d’une expres‑

sion qui la dépasse (« superbement beau », « courir plus vite que le vent »),

d’où le risque d’emphase. L’hyperbole s’use vite et devient alors un cliché.

Néoplatonisme. Après la traduction latine et le commentaire du Banquet

de Platon par le Florentin Marsile Ficin (1433‑1499), cette doctrine, issue

de la relecture chrétienne du platonisme à la Renaissance, a eu une influence

considérable sur l’inspiration poétique et la poésie amoureuse. La seule réalité

étant celle des idées, dont les objets terrestres ne sont que le reflet imparfait,

l’amour né de la contemplation féminine est pensé comme le reflet de l’amour

de Dieu ; l’amour doit donc, bien au‑delà de la réalité physique, s’élever à la

beauté des âmes puis à celle de Dieu. Ainsi se rejoignent la patristique du Moyen

Âge, qui avait porté l’amour entre deux êtres au niveau de l’amour de Dieu,

et l’idée développée par Platon dans Le Banquet, selon laquelle la vraie voie

de l’amour est de monter vers la beauté surnaturelle.

Source : Jarrety, Michel, Éd. Lexique des termes littéraires. Paris : Librairie Générale

Française, 2001.

Paradoxe. Formule qui apparaît contenir une contradiction. Parce qu’il heurte

l’intuition et conteste l’évidence, le paradoxe est un instrument rhétorique

très apprécié pour donner une formulation particulièrement frappante

à une opinion.

Périphrase. Figure de style dans laquelle on remplace par une locution

descriptive ou explicative le terme propre attendu. En littérature, le procédé peut

donner des images ou des suppléments d’information intéressants, mais aussi

des préciosités inutiles.

Pétrarquisme, néopétrarquisme. Ce nom dérive du poète italien Pétrarque

(1304‑1374), dont la poésie amoureuse a été imitée très tôt en Italie, puis en

France dans la seconde moitié du XVIe siècle, par Du Bellay et Ronsard notam‑

ment. Le pétrarquisme est d’abord une rhétorique dont les figures essentielles

sont l’antithèse, l’oxymore et la métaphore. Il est parfois associé à la philoso‑

phie platonicienne de l’amour. La domination du style pétrarquiste fut telle

de Rome et d’Athènes. Mais l’humanisme n’est pas seulement l’amour des

langues anciennes. Il apporte avec lui une philosophie où l’idée de « dignité

de l’homme » (dignitas hominis) tient une place essentielle. « On ne naît

pas homme, on le devient », écrit Érasme. Cela signifie que l’homme

possède une liberté dont il peut faire un bon ou un mauvais usage. Telle est

l’idée majeure exprimée par Pic de la Mirandole dans son grand Discours

de la dignité de l’homme (1496). L’humanisme est inséparable de la recherche,

intellectuelle et morale. Quelle qu’ait été leur philosophie personnelle,

les humanistes s’opposent en général à toutes formes de dogmatisme. Cette

recherche de la vérité peut prendre des formes individuelles (Érasme) ou

collectives : le mouvement des Académies, dont la plus connue est l’Académie

platonicienne fondée à Florence par Marsile Ficin à la fin du Quattrocento,

est l’une des formes possibles que peut revêtir la réflexion collective.

Les humanistes s’efforcent de créer également des lieux d’enseignement qui

possèdent une liberté plus grande que les Universités.

Presque tous les humanistes de la Renaissance ont été chrétiens. Dans

la mesure où ils rejettent les commentaires proliférants et veulent revenir

au texte de la Bible, lue en hébreu pour l’Ancien Testament, en grec pour

le Nouveau, ils se sont heurtés à l’enseignement officiel de la théologie.

Ils ne pensaient pas que la révélation chrétienne s’opposât aux plus hautes

philosophies de l’Antiquité, en particulier à celle de Platon. Les humanistes

les plus lucides, comme Érasme, distinguaient fort bien ce qui, dans

l’Antiquité, était compatible avec le message chrétien, et ce qui ne l’était pas,

l’épicurisme par exemple.

Un premier clivage oppose les idolâtres de la beauté littéraire, qui ne

jurent que par Cicéron pour la prose et par Virgile pour la poésie, et ceux qui

se soucient des « choses » (ce que l’on a à dire) plus que des mots. Montaigne

et Érasme appartiennent à la seconde catégorie. S’opposèrent aussi un

humanisme du Nord, plus religieux, et un humanisme du Sud (italien) gagné

parfois par certaines formes de paganisme.

Source : Jarrety, Michel, Éd. Lexique des termes littéraires. Paris : Librairie Générale

Française, 2001.

���

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

���

« A feast of languages »

Wit. (ne sont mentionnés ici que les sens pertinents pour Love’s Labour’s Lost)

Quickness of intellect or liveliness of fancy, with capacity of apt expression;

talent for saying brilliant or sparkling things, especially in an amusing way

(archaic); that quality of speech or writing which consists in the apt association

of thought and expression, calculated to surprise and delight by its unexpected‑

ness; later always with reference to the utterance of brilliant or sparkling things

in an amusing way.

Source : « Wit ». Oxford English Dictionary [en ligne], consulté le 3 août 2014. www.oed.

com.sso.scd.univ‑tours.fr/oed/wit

qu’il suscita un mouvement de rejet et inspira un certain nombre de satires.

Le pétrarquisme est un relais majeur, dans l’histoire de la poésie, entre les hautes

ambitions de la poésie de la Renaissance et les raffinements de la poésie baroque

du premier XVIIe siècle.

Source : Jarrety, Michel, Éd. Lexique des termes littéraires. Paris : Librairie Générale

Française, 2001.

Paronomase. Figure de diction qui joue sur la ressemblance phonétique

de termes dont le sens est différent. Exemples : Je m’instruis mieux par fuite que par

suite (Montaigne) ; Il pleure dans mon cœur / Comme il pleut sur la ville (Verlaine).

Paronyme, paronymie. Se dit de mots de sens différents mais de forme relati‑

vement voisine (collision et collusion ; conjecture et conjoncture).

Sonnet. Il a été introduit d’Italie en France au début de la Renaissance.

Il s’agit d’une forme fixe de quatorze vers, répartis en deux quatrains à rimes

embrassées sur deux rimes, suivis d’un sizain qui a pu être de forme variable,

mais qui s’est fixé en une forme canonique d’un distique suivi d’un quatrain,

divisé typographiquement en deux tercets. On distingue la forme italienne

ou marotique en abba abba ccd eed et la forme française en abba abba ccd ede.

Le sonnet a connu une vogue immense dans la seconde moitié du XVIe siècle.

Sonnet élisabéthain ou shakespearien. Il présente également quatorze vers,

mais répartis en trois quatrains à rimes croisées suivis d’un distique.

Synonyme, synonymie. Un synonyme est un mot dont le sens est (à peu près)

le même que celui d’un autre mot. Son contraire est l’antonyme, qui a le sens

opposé d’un mot donné. Les linguistes doutent de l’existence de la synonymie par‑

faite, à cause des connotations sociales mais aussi individuelles qu’a chaque mot.

Trope. Figure de signification destinée à embellir un texte ou à le rendre plus

vivant. À l’origine, le trope désignait toutes les façons de « tourner » le sens

d’un mot. Les tropes majeurs sont aujourd’hui la métaphore, la métonymie

et la synecdoque.

���

II. “ALL THE WORLD’S A STAGE”: LOVE’S LABOUR’S LOST COMME MÉTAPIÈCE

La réflexion sur le théâtre trouve tout naturellement sa place dans Love’s

Labour’s Lost, qui accorde une importance centrale au thème du décalage

entre le signifié et le signifiant, chez un dramaturge pour qui « le monde

est une scène169 ». On trouve des références au théâtre dans de très nom‑

breuses pièces de Shakespeare, allant de la simple métaphore à l’inclusion

d’une véritable « pièce dans la pièce ». On pense par exemple à la scène des

acteurs dans Hamlet, à la pièce montée par les ouvriers de A Midsummer

Night’s Dream, aux allusions au théâtre de As You Like It ou au masque mis

en scène par Prospero dans The Tempest. Mais c’est dans Love’s Labour’s Lost

que la réflexion sur le théâtre est la plus poussée et que l’aspect métadrama‑

tique170 est le plus frappant. La pièce ne cesse de crever l’illusion théâtrale pour

insister sur sa propre artificialité. Le champ sémantique du théâtre parcourt

le texte, rappelant ainsi constamment au public qu’il est en présence d’une

œuvre de fiction construite pour son plaisir. Pour ne prendre qu’un exemple,

dans sa lettre à Jaquenetta, Armado emploie le vocabulaire du théâtre lorsqu’il

affirme que dans l’histoire du roi Cophétua et de la mendiante Zénélophon,

« The catastrophe is a nuptial » (4.1.71), le terme « catastrophe » renvoyant

au dénouement d’une pièce de théâtre171.

��9. All the world’s a stage,And all the men and women merely players;They have their exits and their entrances,And one man in his time plays many parts (2.7.139‑142)Ces vers dits par Jacques dans As You Like It (1599) constituent la citation sur le théâtre la plus reprise des pièces de Shakespeare.

�70. C’est‑à‑dire le théâtre prenant le théâtre pour objet, le théâtre sur le théâtre.

�7�. Cette déclaration est particulièrement ironique si on la considère de manière rétrospective, puisque Love’s Labour’s Lost ne se conclut précisément pas par les mariages attendus.

���

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

��7

« All the world’s a stage »

ou moins extensive, parfois simplement imités, souvent parodiés, ce qui a pour

résultat de donner à la pièce un aspect hybride qui la rend difficile à classifier

comme appartenant à un genre ou à un courant précis.

L’influence la plus reconnaissable est celle de John Lyly, écrivain et dra‑

maturge connu pour son style précieux (l’euphuisme) et auteur notamment

de comédies destinées à la cour. Dans Love’s Labour’s Lost, Lyly est autant uti‑

lisé au premier degré que parodié. Les discours d’Armado sont saturés de mots

latinisants et de paires de pléonasmes caractéristiques du style de Lyly, comme

nous l’avons vu dans le chapitre précédent. La forme dramatique structurée

autour du débat d’idées, les dialogues entre deux personnages dans lesquels

jeux de mots et traits d’esprit fusent et la symétrie dans la distribution des per‑

sonnages sont également hérités de Lyly. La fin en suspens de Love’s Labour’s

Lost peut aussi être rapprochée de Lyly, comme l’explique David Bevington.

Ce dernier compare la pièce de Shakespeare et Sappho and Phao de Lyly (1584)

et remarque que les deux œuvres s’achèvent sur une frustration des attentes

romantiques du public et des personnages. Bien que Love’s Labour’s Lost

reste en suspens et laisse la possibilité du mariage ouverte alors que la pièce

de Lyly marque un échec des tentatives de séduction masculines, on assiste

dans les deux cas selon Bevington à la fascination des jeunes hommes pour

leur bien‑aimée, mais aussi à leurs doutes, à leurs peurs et à leur humiliation

finale172. Dans les deux pièces figurent une princesse ou une reine et des dames

de compagnie indépendantes et sûres d’elles‑mêmes et dont le discours sans

concession malmène les personnages masculins qui les entourent173. La scène

de la lecture des sonnets (4.3) rappelle dans sa structure une scène d’une

autre pièce de Lyly, Gallathea (1592). Pour Bevington, Lyly et Shakespeare

s’approprient et questionnent la tradition pétrarquiste et ils mettent en scène

les risques et les incertitudes des entreprises de séduction bien plus que leur

succès. Dans les deux pièces, les jeunes hommes, dans toute leur immaturité

embuée d’illusions, sont l’objet de la comédie, et la nécessité de leur appren‑

tissage est mise au premier plan174.

�7�. David Bevington, « “Jack Hath not Jill”: Failed Courtship in Lyly and Shakespeare », Shakespeare Survey 42 (1990), 1.

�7�. Ibid., 1.

�74. Ibid., 2.

Les nombreuses images théâtrales s’accompagnent de la présence mar‑

quée de la métaphore du masque, qui insiste sur le fossé entre les apparences

et la réalité. En plus de l’isotopie du théâtre, l’on trouve dans Love’s Labour’s

Lost trois « pièces dans la pièce », qui placent au centre de la réflexion non

seulement le décalage entre l’être et le paraître, mais aussi le rôle actif que

doit jouer le public pour que l’illusion théâtrale puisse fonctionner. Il s’agit

de la scène 4.3, structurée en poupées russes, où Navarre et ses compagnons

s’entendent tour à tour déclamer leur sonnet à leur bien‑aimée, de la scène

du masque des Moscovites (5.2) et de la parade des neuf preux (5.2) dont

les personnages de l’intrigue secondaire gratifient la cour de Navarre et celle

de la princesse de France. Les perceptions et les réactions du public évoluent

à mesure que les métapièces lui sont dévoilées et les spectateurs acquièrent

toujours un peu plus de perspective critique quant à l’art théâtral en géné‑

ral et au spectacle qui se joue devant eux en particulier. En plus d’offrir

individuellement un miroir déformant sur Love’s Labour’s Lost dans son

entier, chacune de ces séquences fonctionne en synergie avec les autres : elles

se reflètent mutuellement, apportant à chaque fois un éclairage critique un

peu plus complexe sur chacune et sur la pièce dans son ensemble.

L’hybridité extrême de ses influences constitue un autre élément essen‑

tiel contribuant à faire de Love’s Labour’s Lost une pièce à la forte dimension

métadramatique. En effet, si, contrairement à la majorité des autres pièces

de Shakespeare, on ne peut y distinguer une source en particulier, on y décèle

en revanche des influences nombreuses et variées, qui marquent la pièce

comme expérimentale et qui font d’elle une œuvre charnière, tournée à la fois

vers le passé et vers l’avenir.

INFLUENCES ET MÉLANGE DES GENRES

Contrairement à la majorité des pièces de Shakespeare qui réécrivent une his‑

toire préexistante, il est difficile d’identifier une source précise pour Love’s

Labour’s Lost. L’Académie française de Pierre de la Primaudaye constitue une

source possible mais non avérée. En revanche, à défaut d’une source, on recon‑

naît dans la pièce une multitude d’influences. De la même manière que les

conventions de la poésie pétrarquiste et les artifices de la rhétorique sont pas‑

sés à la loupe, de nombreux genres dramatiques sont utilisés de manière plus

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

��9

« All the world’s a stage »

par les personnages, alors que chez Lyly, l’ornementation du style maintient

le spectateur à distance178.

Outre l’influence de John Lyly, on peut également déceler, de manière

plus diffuse, celle d’autres auteurs contemporains de Shakespeare. C’est le cas

par exemple de Sir Philip Sidney*179, en particulier parce que la pièce met en

scène un monde courtois, dont Sidney était l’incarnation. On peut notamment

trouver un parallèle entre le personnage d’Holofernes et celui du maître d’école

Rhombus dans le masque The Lady of May de Sidney (1598). Mais c’est sur‑

tout au travers des sonnets de la pièce qu’il existe un lien avec Sidney, comme

nous l’avons mentionné plus haut. Le recueil Astrophil and Stella (1591)

est un modèle de sonnets pétrarquisants adaptés à la société élisabéthaine,

et nous avons pu voir les jeux de distorsion et de subversion auxquels se livre

Shakespeare concernant cette forme poétique.

On trouve également dans Love’s Labour’s Lost quelques références plus

ou moins voilées à Thomas Nashe, surtout célèbre pour ses pamphlets sati‑

riques bien qu’ayant écrit également nombre de pièces et de poèmes. Comme

l’indique Carroll dans l’introduction à la pièce, on peut déceler un lien entre

Nashe et Moth, qui tient le rôle de satiriste dans Love’s Labour’s Lost, même

si le style de leurs invectives est très différent180. Berek identifie quant à lui une

parenté structurelle et thématique entre la pièce de Shakespeare et la pièce

Summer’s Last Will and Testament de Nashe (1592), notamment dans le fait

que Nashe attire l’attention du public sur l’artifice et la théâtralité du spectacle

qui lui est présenté181.

En plus de ces influences très contemporaines, Shakespeare fait appel

à des éléments venus de traditions dramatiques beaucoup plus anciennes, que

l’on retrouve essentiellement dans les personnages de l’intrigue secondaire.

Ces derniers sont en effet des types qui semblent tout droit sortis de la comé‑

die nouvelle latine* ou de la commedia dell’arte*. La comédie nouvelle grecque,

�78. Ibid., 214‑215.

�79. Les termes suivis d’une astérisque sont explicités dans la section « Éléments clés » à la fin du chapitre.

�80. Pour plus de détails sur ce point, nous renvoyons le lecteur à l’introduction de l’édition de référence, p. 31‑32.

�8�. Berek, op. cit., 208.

La symétrie avec laquelle Love’s Labour’s Lost est organisée est l’un

des ingrédients caractéristiques de Lyly et se retrouve dans de nombreux

éléments de la pièce. On distingue deux groupes principaux de personnages

qui s’opposent : le roi de Navarre et ses trois compagnons d’une part, et la

princesse de France et ses trois suivantes d’autre part. L’intrigue secondaire

agit comme un miroir grossissant de l’intrigue principale : Armado tombe

amoureux de la fille de ferme Jaquenetta et les académiciens s’éprennent des

jeunes filles de la cour de France ; la lettre d’Armado arrive à la mauvaise des‑

tination, tout comme celle de Berowne ; Holofernes s’évertue à démontrer

sa maîtrise de l’art du discours, tout comme les jeunes hommes ; les jeunes

femmes contrarient le masque des Moscovites, de la même manière que

Navarre et ses amis conduisent le spectacle des neuf preux à l’échec ; le vœu

des académiciens de se retirer du monde au début de la pièce leur est imposé

à la fin, et la pièce se conclut sur deux chansons symétriques, celles du prin‑

temps et de l’hiver175. Selon John Wilders, les comédies de cour de Lyly, à la

construction sophistiquée, fournissent la trame de base à Love’s Labour’s Lost.

Les comédies de Lyly mettent au premier plan l’artifice et l’ornement et pro‑

gressent au moyen d’une série de tableaux statiques. Elles ne se concentrent

pas sur l’action mais sur le dialogue et le débat où jeux de mots et traits d’es‑

prit contribuent à tisser un réseau d’images, aspects que l’on retrouve dans

Love’s Labour’s Lost176. Néanmoins, Lyly est déjà passé de mode à l’époque

où Shakespeare écrit sa pièce, et s’il en utilise certains procédés et structures

de base, il se les approprie, les détourne et les réinvente. Ainsi, selon Peter

Berek, Shakespeare transforme le mode très artificiel de la comédie de cour

à la Lyly pour en faire une œuvre qui fait appel à une palette beaucoup plus

large d’émotions177. Pour Berek, le style de Shakespeare dans Love’s Labour’s

Lost est tout aussi sophistiqué que celui de Lyly, mais il est aussi beaucoup

plus varié et implique davantage les spectateurs dans les expériences vécues

�7�. Pour davantage de détails sur la structure de Love’s Labour’s Lost et l’influence de Lyly, voir John Wilders, « The Unresolved Conflicts of Love’s Labour’s Lost », Essays in Criticism (1977), 20‑33, sur lequel notre analyse se fonde.

�7�. Ibid., 20‑21.

�77. Peter Berek, « Artifice and Realism in Lyly, Nashe and Love’s Labour’s Lost », Studies in English Literature 23:2 (1983), 207‑221.

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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« All the world’s a stage »

versions brutes des défauts des académiciens. Ceci apparaît de manière parti‑

culièrement flagrante lors de la scène du spectacle des neuf preux, comme nous

aurons l’occasion d’y revenir.

En plus de ces influences, Shakespeare fait appel de manière plus ponc‑

tuelle à des éléments du théâtre anglais antérieur. On peut ainsi tisser quelques

liens avec la tradition des moralités*, genre qui a connu beaucoup de succès

à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance, et qui mettait en scène des

personnages allégoriques dans un but d’édification. L’entrée brutale de Marcadé

à la fin du dernier acte, probablement vêtu de noir, peut ainsi être vue comme

celle de la mort personnifiée. On trouve un clin d’œil comique à la tradition des

moralités dans la scène où Navarre et ses amis s’écoutent à tour de rôle déclamer

leurs sonnets. Après avoir observé ses trois compagnons se disputer, Berowne

sort de sa cachette en s’écriant « Now step I forth to whip hypocrisy » (4.3.143),

tel une Vertu des moralités flagellant le Vice de l’hypocrisie182. L’ironie de la situa‑

tion est que Berowne est coupable de la même faute que ses compagnons et le

flagelleur va bientôt être lui‑même flagellé. Dans la même scène, Berowne fait

référence à une tradition dramatique encore plus ancienne, celle des mystères*,

lorsqu’il confie : « Like a demi‑god here sit I in the sky, / And wretched fools’

secrets heedfully o’er‑eye » (4.3.71‑72). Dans les mystères, genre dramatique

religieux de la fin du Moyen Âge mettant en scène des épisodes bibliques et la

vie des saints, un acteur incarnant Dieu était placé en hauteur pour observer

les actions des mortels. À nouveau, la tradition est parodiée : Berowne est tout

aussi coupable que les pauvres ères qu’il espionne, il n’a aucune conscience du

fait qu’il va lui‑même bientôt être découvert, et les cieux dans lesquels il a pris

place sont vraisemblablement un arbre ou un autre élément du décor dans

lequel il a couru se cacher. Cependant, Berowne partage avec ses ancêtres des

mystères et des moralités la fonction d’intermédiaire entre l’intrigue et le public.

Le public entend les commentaires de Berowne et de ses trois amis, ce qui l’in‑

cite à une prise de distance critique amusée avec ce qui se déroule sous ses yeux.

Berowne a ce rôle de médiateur tout au long de la pièce et, contrairement aux

autres personnages, il est capable d’auto‑analyse, ce qui lui confère sur eux une

supériorité intellectuelle et morale.

�8�. Cette réplique de Berowne le pose aussi comme un satiriste, figure qui était souvent représentée à l’époque muni d’un fouet.

et plus tard, la nouvelle comédie latine, bien que se situant dans un cadre

domestique bien éloigné du contexte courtois de Love’s Labour’s Lost, mettent

en scène des types récurrents et notamment le soldat fanfaron, dont Armado

semble être un descendant direct. Le type du soldat fanfaron, du valet ingénieux

ou du pédant ridicule sont également caractéristiques des pièces de la commedia

dell’arte. Berowne fait allusion à d’autres personnages de la commedia quand

il évoque un valet simple d’esprit (« some slight zany », 5.2.463) ou quand il

énumère les acteurs de la parade des neuf preux : « The pedant, the braggart,

the hedge‑priest, the fool, and the boy » (5.2.534). Les personnages de la nou‑

velle comédie latine et de la commedia dell’arte sont des types populaires,

très peu individualisés, définis par quelques traits constants qui permettent

de les identifier. On les distingue aisément sur scène grâce à leur costume

et à la manière dont ils s’expriment. Leurs traits caractéristiques sont poussés

jusqu’à la caricature, ce qui rend la comédie particulièrement efficace. Les liens

de parenté d’Armado, Moth, Holofernes et Nathaniel avec ces traditions

sont évidents. D’ailleurs, le premier quarto de 1598 indique souvent dans les

didascalies « Braggart » au lieu d’Armado, « Page » pour Moth, « Clown » pour

Costard et « Pedant » pour Holofernes, ce qui confirme que Shakespeare a pensé

les personnages de l’intrigue secondaire en termes de types comiques et non

de figures individualisées dotées d’une quelconque profondeur psychologique.

Comme pour la pièce dans son ensemble, il est en fait assez difficile

de parler d’intrigue concernant l’intrigue secondaire, puisqu’on n’y trouve

pas vraiment de scénario avec un début, des rebondissements et un dénoue‑

ment. La seule « action » qui s’y déroule est la cour d’Armado à Jaquenetta, que

l’on voit très peu sur scène. Le reste de l’intrigue secondaire est plutôt consti‑

tué d’épisodes disjoints. La fonction de cette intrigue secondaire est double.

Il s’agit d’une part d’offrir un intermède comique à l’humour plus acces‑

sible aux membres les plus populaires du public à qui les jeux de mots denses

et sophistiqués de l’intrigue principale échappaient pour la plupart. D’autre

part, l’intrigue secondaire et ses personnages offrent, comme nous l’avons vu,

un miroir grossissant de l’intrigue principale. Ils jettent un éclairage ironique

sur son action, ses personnages et son langage et permettent ainsi une prise

de distance critique amusée. Les tares dont sont atteints les personnages secon‑

daires (l’orgueil, le pédantisme, la mauvaise foi, entre autres) ne sont que des

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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« All the world’s a stage »

des décors et des costumes somptueux. Il connaît son apogée sous le règne

de Jacques Ier (1603‑1625), soit après l’écriture de Love’s Labour’s Lost. Cet épi‑

sode permet surtout d’insister sur le thème du décalage entre les apparences

et la réalité à travers l’accessoire central du masque et de montrer que pour

fonctionner, la communication nécessite la participation des différentes parties

impliquées. Enfin, le cadre naturel préservé de la corruption du monde exté‑

rieur, l’atmosphère bucolique et la mise au premier plan des jeux de l’amour

sont quant à eux des ingrédients essentiels de la pastorale*.

Love’s Labour’s Lost se place donc à la croisée des chemins, mêlant tra‑

ditions anciennes anglaises et étrangères, références plus ou moins directes aux

auteurs contemporains de Shakespeare et formes nouvelles comme le masque.

À travers les références aux diverses formes dramatiques, la pièce explore ses

propres racines. Cette diversité dans ses influences contribue à son aspect

métadramatique. En multipliant et en conjuguant les références, Shakespeare

invite à s’interroger sur ce qui constitue le spectacle théâtral, sur ce qui fait

le genre dramatique, de la même manière qu’il nous pousse à réfléchir sur

le langage et ses codes. De la rencontre de ces différentes traditions naît une

pièce inclassable unique en son genre, qui constitue autant un questionnement

sur la forme théâtrale qu’une œuvre de théâtre en elle‑même et dont la variété

des styles et influences qui entrent en jeu fait qu’elle peut potentiellement

plaire à un public très varié.

« TO DASH IT LIKE A CHRISTMAS COMEDY�8� » : LES SPECTACLES INTERROMPUS DE LOVE’S LABOUR’S LOST

Les questions soulevées par le traitement du langage dans la pièce et celles

qu’articule l’analyse du théâtre sont deux facettes du même thème de la discor‑

dance fréquente entre le signe et ce qu’il représente. Love’s Labour’s Lost attire

constamment l’attention du public sur son statut de pièce de théâtre, notam‑

ment au moyen de l’inclusion de trois scènes métadramatiques construites

comme autant de micro‑pièces, qui permettent de mener une réflexion sur

le théâtre, ses procédés et le rôle fondamental du public pour que la représen‑

tation fonctionne. Ces séquences permettent également d’insister, sur le mode

de la parodie, sur l’un des thèmes centraux de la pièce, à savoir le décalage entre

�8�. 5.2.461

Une autre tradition ancienne à laquelle Shakespeare fait appel,

de manière beaucoup plus extensive cette fois, est celle du pageant, que l’on

pourrait traduire par « spectacle historique » ou « parade », à travers celui

mis en scène par Holofernes et ses compagnons. Dans ces spectacles médié‑

vaux, on pouvait parfois reconstituer l’histoire entière de l’humanité sous

forme de procession à travers toute la ville. La tradition consistant à mettre

en scène neuf grands hommes représentatifs de l’histoire de l’humanité

(en général, trois chrétiens, trois juifs et trois païens) remonte au début

du quatorzième siècle. Si à l’époque de Shakespeare, il s’agit d’une forme

démodée dont on se moque couramment, les personnages célébrés par ces

spectacles étaient vus à l’origine comme des exemples de l’aspect éphémère

de la gloire et comme des memento mori, c’est‑à‑dire des figures qui rap‑

pellent à l’homme sa condition mortelle183. Aux quinzième et seizième siècles,

l’idée de la puissance de la gloire a pris le pas sur celle de la mortalité, et ceux

qui étaient censés représenter la condition mortelle de l’homme en sont

venus à incarner l’immortalité que confère la gloire des actes valeureux. Au fil

du temps, cette tradition fut de plus en plus détournée et tournée en déri‑

sion. Au moment où Shakespeare écrit Love’s Labour’s Lost, les neuf preux

sont toujours très présents dans la poésie, la peinture, la tapisserie, etc., mais

leur force symbolique s’est en grande partie érodée et ils sont souvent utilisés

à des fins comiques, comme c’est le cas ici184. La pièce a également recours

à la tradition du débat médiéval* à travers les oppositions qui la structurent

et qu’elle fait dialoguer. Cette influence est particulièrement sensible dans les

chansons qui clôturent la représentation, comme nous aurons l’occasion d’y

revenir dans notre conclusion.

En plus de ces formes anciennes du théâtre anglais, Shakespeare utilise

aussi une forme très contemporaine et très à la mode : le masque*, à travers

la séquence du masque des Moscovites. Le masque est une forme de théâtre

total destiné à la cour, combinant poésie, théâtre, musique et danse, avec

�8�. La locution Memento Mori (« souviens‑toi que tu vas mourir ») désigne un genre de créations artistiques de toutes sortes, mais qui partagent toutes un même but, celui de rappeler à l’homme qu’il est mortel et la vanité de ses activités ou intérêts terrestres.

�84. Pour une discussion plus approfondie de cette tradition théâtrale, nous renvoyons le lecteur aux notes de l’édition de référence (en particulier la note additionnelle p. 179‑180) et au chapitre de Sujata Iyengar dans le présent ouvrage.

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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« All the world’s a stage »

les apparences et la réalité, grâce entre autres à l’accessoire du masque qui sym‑

bolise cette problématique. Les trois scènes de « pièces dans la pièce » mènent

une réflexion qui se complexifie au fil des épisodes sur ce qu’est l’identité

et sur la nécessité de parfois recourir à un masque. Comme le résume Carroll

dans son introduction, ces trois scènes « raise questions of role‑playing, social

masquing, and identity in comic ways. Each contains an onstage audience

or audiences that cannot fully “see” the actors, and each contains actors who

cannot fully “see” themselves186 ».

Chacune de ces scènes constitue un reflet de Love’s Labour’s Lost dans

son ensemble : toutes mettent en scène des acteurs et un public plus ou moins

bienveillant, image du public dans la salle, qui a un degré de connaissance

de l’action supérieur à celui des personnages. Toutes offrent une sorte de miroir

déformant de Love’s Labour’s Lost permettant au public de réfléchir aux ques‑

tions essentielles qui parcourent la pièce dans son ensemble. Les perceptions des

spectateurs sont guidées par ces exemples de théâtre dans le théâtre. Comme

Love’s Labour’s Lost, chacun de ces spectacles est interrompu avant de parvenir

à son terme : l’arrivée de Costard avec la lettre de Berowne met fin au discours

de justicier moralisateur pourfendeur de l’hypocrisie de ce dernier ; le refus des

femmes de participer au jeu du masque met les jeunes hommes en déroute ;

le spectacle des personnages de l’intrigue secondaire représentant la vie des

neuf preux est interrompu par la bagarre entre Costard et Armado, elle‑même

stoppée par l’arrivée de Marcadé. De la même manière, la fin de Love’s Labour’s

Lost reste en suspens et le public, sur sa faim.

En plus de constituer individuellement une réflexion sur Love’s Labour’s

Lost, ces trois scènes fonctionnent ensemble pour façonner la réaction du

public à la pièce et pour orienter ses réflexions sur le théâtre. Comme le sou‑

ligne Carroll dans The Great Feast of Language in Love’s Labour’s Lost, ces trois

séquences entretiennent des liens complexes. Il parle de « synergie » : l’effet du

tout est supérieur à celui de la somme de ses parties. Les réactions du public

évoluent à chaque nouvelle scène, le rendant chaque fois plus critique sur l’art

du théâtre et sur ce qui lui est présenté sur scène187.

�8�. Introduction à l’édition de référence, p. 22.

�87. Carroll, Great Feast, 65‑66.

LA SCÈNE DES SONNETS

La scène des sonnets (4.3) n’est pas un spectacle dans la pièce à proprement

parler puisqu’elle en constitue un de manière involontaire. Mais elle forme une

unité indépendante, méticuleusement construite selon une structure en pou‑

pées russes qui s’enroule et se déroule sous les yeux du public, si bien que l’on

peut la considérer comme une séquence métadramatique qui invite à réfléchir

sur ce qui fait le théâtre. Tour à tour, Berowne, Navarre, Longaville et Dumaine

expriment leur amour pour la dame de leurs pensées et pleurent sur leur par‑

jure, et tour à tour, dans l’ordre inverse, Longaville émerge de sa cachette pour

dénoncer Dumaine, le roi pour accuser Longaville et Berowne pour compro‑

mettre Navarre, avant d’être lui‑même compromis par sa lettre. Le schéma

selon lequel la scène s’organise est particulièrement visible et attire l’attention

sur son propre artifice.

La scène commence par Berowne et s’achève par lui : son discours ouvre

la séquence, puis les jeunes hommes lisent leur poème et vont se cacher à tour

de rôle. Puis, chacun se découvre dans l’ordre inverse, pour finir par Berowne.

La structure de la scène rappelle ainsi celle du chiasme, figure de rhétorique

privilégiée des hommes de la pièce. Berowne possède un statut supérieur dans

cette scène, matérialisé par sa position en hauteur de laquelle il domine la scène,

comme nous venons de le voir. De tous les académiciens, Berowne est celui qui

sait le plus de choses : il assiste à toutes les révélations et à toutes les dénoncia‑

tions, et il est le seul, pour un court instant, à savoir qu’il est coupable des mêmes

fautes que ses compagnons. C’est lui qui, dans ses apartés, guide les réactions

des spectateurs. Il joue le rôle d’intermédiaire entre ce qui se passe sur scène

et la manière dont le public doit l’interpréter. La position de Berowne est très

ambiguë : il est à la fois complètement dans l’action et en dehors, et il navigue

constamment entre ces deux positions. Ceci a pu conduire certains critiques

à voir un défaut dans la cohérence du personnage, mais cet aspect double a un

intérêt structurel. Puisque Berowne est partie prenante du comportement ridi‑

cule des jeunes hommes mais qu’il possède en même temps la fonction de com‑

mentateur chorique, il doit se montrer à la fois sage et stupide. Il semble souvent

conscient de ses propres limites tout en commettant ce qu’il se reproche, comme

dans le monologue avec lequel il ouvre la scène : « This Love is as mad as Ajax.

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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« All the world’s a stage »

de spectateur. Le ridicule de chacun des acteurs en jeu est souligné par ses spec‑

tateurs invisibles, dont les limites sont à leur tour condamnées par les specta‑

teurs suivants. Comme le souligne Carroll, les illusions et la rhétorique qui les

accompagne qui fonctionnent à un niveau donné sont dissous et réorganisés

à l’intérieur du niveau suivant, et le public doit constamment garder à l’esprit

la manière dont ces différents niveaux s’imbriquent191. Ce mouvement trouve

son paroxysme à la fin de la séquence alors que Berowne, lancé dans une tirade

enflammée où il se désole de l’état pathétique dans lequel le sentiment amou‑

reux a plongé ses compagnons (143‑178), se voit interrompu par l’arrivée

de Costard qui porte son propre poème, venant ainsi contrebalancer le mou‑

vement ascendant de son discours et faire redescendre la tension. Son masque

de défenseur de la vérité et de la sincérité s’effrite. Une fois de plus, le rustre

Costard a mis bien malgré lui les jeunes aristocrates devant leurs contradictions.

Cette scène de reconnaissance joue le rôle de pivot de la pièce, aspect

renforcé par sa structure. À partir de ce moment, les jeunes hommes passent

de la contemplation à l’action grâce au discours de Berowne, qui par un tour

de passe‑passe rhétorique parvient à démontrer que briser leur parole revient

précisément à être fidèles à eux‑mêmes et à la nature humaine. L’académie est

dissoute et les hommes, unis dans le combat de l’amour. À la suite de ce dis‑

cours, la pièce bascule dans un deuxième mouvement au cours duquel le public

va assister aux efforts déployés par les académiciens pour conquérir leur belle.

Leur stratagème le plus élaboré est le masque des Moscovites, qui constitue

la deuxième séquence métadramatique de Love’s Labour’s Lost.

LE MASQUE DES MOSCOVITES

Navarre et ses amis décident de mettre en scène un divertissement pour la prin‑

cesse et ses suivantes (comme il était de coutume quand une cour voyageait)

afin d’agrémenter leur séjour et de gagner leur cœur. Ce spectacle n’est pas aussi

sophistiqué que ceux qui auront lieu plus tard à la cour de Jacques Ier, mais on

y trouve tout de même de la musique, de la danse, de riches costumes, des dis‑

cours écrits à l’avance (la princesse parle de « penned speech » (5.2.147) et de

« prologue vilely penned » (5.2.305)) et des masques, accessoires clés à la forte

�9�. Ibid., 67‑68.

It kills sheep, it kills me, I a sheep. Well proved again o’my side! I will not love;

if I do, hang me! I’faith, I will not. O, but her eye! By this light, but for her eye,

I would not love her. Yes, for her two eyes » (4.3.5‑8). Selon Carroll, cette ten‑ » (4.3.5‑8). Selon Carroll, cette ten‑

sion constante dans le personnage de Berowne reflète celle du public de Love’s

Labour’s Lost, pris en tenaille entre l’envie de croire à ce qui lui est présenté

et celle d’adopter un recul critique188.

Cette scène possède un très grand potentiel comique, notamment

visuel, ce qui la rapproche de la farce. On imagine aisément les jeunes hommes

courant se cacher derrière des buissons ou des troncs d’arbres bien trop petits

pour les dissimuler (sur la scène du Globe de Shakespeare, les piliers pou‑

vaient remplir cette fonction) et faire des mimiques à mesure qu’ils entendent

leurs compagnons se dévoiler. Leurs commentaires ironiques en aparté créent

une connivence avec le public. Le comique de situation naît du décalage entre

l’intimité que chacun des hommes croit avoir et le fait qu’il est espionné par

ses compagnons. Le rythme enlevé amplifie le comique de la scène ; les com‑

mentaires fusent et à chaque aveu, les apartés des espions augmentent l’effet

comique. La comédie naît également des différents degrés de connaissance

de la situation qu’ils ont, chacun en sachant un peu plus que les autres, mais

jamais autant que le public, qui seul sait que Berowne est lui aussi coupable

et que Costard est en route avec la lettre qui le prouve. Toute la scène dépend

de ces degrés variables de connaissance de la situation, qui s’élargissent à chaque

fois un peu plus, chaque personnage en sachant davantage que le précédent.

Chaque nouveau cercle vient modifier le précédent. Carroll qualifie ce schéma

de « concentric circles of awareness », motif qui, selon lui, se retrouve dans

la pièce dans son ensemble189. Pour Carroll, ce procédé est représentatif de l’in‑

térêt de Shakespeare pour la multiplicité et de la nécessité de considérer les

choses dans un contexte le plus large possible190.

Le grand nombre de publics dans cette scène anéantit toute tentative

de vraisemblance mais cette artificialité outrée permet une prise de distance

qui invite au détachement et pousse à réfléchir sur ce qu’implique la position

�88. Ibid., 69‑70.

�89. Ibid., 9.

�90. Ibid., 9.

��8

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

��9

« All the world’s a stage »

spectacle qui n’aurait pas manqué de ravir le public de Shakespeare. Musique,

danse, beaux costumes, les spectateurs se voient gratifiés d’une représentation

enchanteresse. La présence de huit personnages masqués accentue encore le côté

magique du spectacle.

Le masque en tant qu’objet est au centre de la scène. Il est bien plus

qu’un simple accessoire : il est au cœur des dialogues et sert de métaphore cen‑

trale à la pièce, donnant corps au thème du décalage entre apparences et réa‑

lité. Ainsi, à Katherine qui lui demande : « What, was your vizard made without

a tongue? » (5.2.242), Longaville répond : « You have a double tongue within

your mask, / And would afford my speechless vizard half » (5.2.245‑246). Cet

échange peut s’entendre à plusieurs niveaux : Katherine reproche à Longaville

son silence en désignant la languette intérieure du masque qui permettait

de maintenir ce dernier en place en la mettant dans la bouche. Longaville

quant à lui suggère l’hyprocrisie de Katherine à l’aide de l’image de la double

langue (celle du masque et la sienne). Rosaline utilise elle aussi l’image du

masque pour faire référence à la duplicité, quand elle évoque « that super‑

fluous case / That hid the worse and showed the better face » (5.2.387‑388).

Mais le masque est aussi vu comme le moyen de garder une contenance,

de dissimuler la honte : après qu’elles les ont humiliés, la princesse doute que

les hommes oseront un jour « but in vizards show their faces » (5.2.271). Dans

la commedia dell’arte, à chaque personnage correspondent un masque et un

type de discours. Ici, c’est le discours conventionnel de l’amant pétrarquiste

que les jeunes hommes continuent d’adopter. Le masque met en avant le fait

que Navarre et ses amis jouent un rôle, celui du jeune homme enamouré.

Leurs sentiments sont peut‑être spontanés, mais leur expression est conve‑

nue et faite de discours types plaqués sur l’occasion, de la même manière que

les acteurs de la commedia enfilent le masque du médecin ou du valet afin

de donner vie à leur rôle type.

L’épisode du masque des Moscovites permet d’approfondir la réflexion

sur le rôle du public amorcée lors de la scène de la lecture des sonnets. Comme

pour tout type de discours, le spectacle théâtral, pour fonctionner, nécessite un

code partagé par les deux parties en jeu. Si le public refuse de « jouer le jeu »,

le spectacle ne peut avoir lieu et la communication ne peut être établie. Afin

de prouver au roi de Navarre et à ses amis que le discours est un acte réciproque

charge symbolique. Il s’agit d’un spectacle exotique, avec des musiciens noirs

(il est difficile de savoir s’il s’agissait d’Africains, puisque la présence de domes‑

tiques noirs dans le Londres d’Elisabeth est avérée, ou de musiciens blancs

s’étant grimé le visage) et les académiciens sont habillés en Russes. À en croire

les remarques de Rosaline, qui les décrit comme des « Muscovites in shapeless

gear » (5.2.303) et de la princesse, qui parle de « frozen Muscovites » (5.2.265),

leur accoutrement est ridicule et caricatural.

Berowne et ses amis répètent leur spectacle comme une vraie troupe

de théâtre. Boyet les espionne et décrit leurs préparatifs. Ils tentent d’en‑

seigner à Moth, chargé de présenter leur divertissement, les rudiments

de l’art du comédien :

Their herald is a pretty knavish page

That well by heart hath conned his embassage.

Action and accent did teach him there:

‘Thus must thou speak,’ and ‘thus thy body bear’.

And over and anon they made a doubt

Presence majestical would put him out. (5.2.97‑102)

Le vocabulaire du jeu de l’acteur est repris un peu plus loin par Boyet, quand

il affirme que le dédain que les jeunes femmes prévoient d’afficher « will kill

the speaker’s heart, / And quite divorce his memory from his part » (5.2.149‑150).

Quand Boyet révèle le stratagème des jeunes hommes, la princesse et

ses amies décident de porter des masques et d’échanger les gages que leur ont

envoyés leurs soupirants pour les conduire à en courtiser une autre. Les jeunes

femmes créent une confusion dans les repères : alors que les hommes sont cer‑

tains de les reconnaître aux signes extérieurs qu’elles arborent, elles décident

de jouer du décalage entre le signe et ce qu’il représente à leur propre avan‑

tage. Elles brouillent les pistes « so shall [their] loves / Woo contrary, deceived

by these removes » (5.2.134‑135). Le signe et ce qui est à sa source ne cor‑

respondent plus ; le signifiant divorce du signifié, et les hommes, ne se fiant

qu’aux indications extérieures, vont se laisser piéger par les apparences, comme

Berowne le comprendra trop tard : « we, / Following the signs, wooed but

the sign of she » (5.2.468‑469). Cette scène est très efficace sur scène et offre un

�40

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

�4�

« All the world’s a stage »

The third he capered and cried, ‘All goes well!’

The fourth turned on the toe, and down he fell.

With that they all did stumble on the ground,

With such a zealous laughter, so profound,

That in his spleen ridiculous appears,

To check their folly, passion’s solemn tears. (5.2.109‑118)

Il en faudra pourtant très peu pour désarçonner cette belle confiance en soi,

comme nous venons de le voir. Les jeunes femmes jouent sur les clichés du com‑

portement féminin pour perturber le spectacle de leurs prétendants. Elles com‑

mencent par refuser de leur parler directement et passent par l’intermédiaire

de Boyet, ce qui donne lieu à une scène où la répétition mot pour mot engendre

le comique. Rosaline utilise ensuite l’image de la lune, traditionnellement asso‑

ciée à l’inconstance féminine, pour contrarier la cour du roi (qui, se fiant au gage

qu’elle porte, la prend pour la princesse) :

Rosaline : Play, music, then! [Music plays] Nay, you must do it soon.

Not yet? No dance! Thus change I like the moon.

King : Will you not dance? How come you thus estranged?

Rosaline : You took the moon at full, but now she’s changed

King : Yet still she is the moon, and I the man.

The music plays – vouchsafe some motion to it.

Rosaline : Our ears vouchsafe it.

King : But your legs should do it.

Rosaline : Since you are strangers, and come here by chance,

We’ll not be nice. Take hands. We will not dance.

(5.2.211‑219)

Les jeunes femmes prennent les hommes à leur propre jeu en feignant ne pas

les avoir reconnus : hors de question pour elles de danser avec des étrangers.

De manière ironique, elles suggèrent que l’illusion théâtrale fonctionne trop

bien pour qu’elles puissent accepter d’y prendre part. L’intention des femmes

est de battre les hommes sur leur propre terrain. Persuadées que ces derniers

se moquent d’elles, elles entendent leur donner une bonne leçon :

et non narcissique et qu’il faut l’adapter au public, la princesse et ses dames

de compagnie refusent de se plier au comportement attendu du public d’un

masque : « to the death we will not move a foot, / Nor to their penned speech

render we no grace, / But while ’tis spoke each turn away her face » (5.2.146‑148).

Les femmes tournent le dos à Moth qui vient ouvrir le masque par un hom‑

mage au public, comme il est d’usage de le faire. Le valet, décontenancé, se voit

contraint d’improviser :

Moth : ‘A holy parcel of the fairest dames

(The ladies turn their backs to him.)

That ever turned their – backs – to mortal views’.

Berowne : ‘Their eyes’, villain, ‘their eyes’.

Moth : ‘That ever turned their eyes to mortal views.

Out – ’

Boyet : True! ‘Out’ indeed!

Moth : ‘Out of your favours, heavenly spririts, vouchsafe

Not to behold –’

Berowne : ‘Once to behold’, rogue! […]

Moth : They do not mark me, and that brings me out. (5.2.160‑173)

Le spectacle, à peine commencé, tourne au fiasco. Et pourtant, c’est cette même

résistance qu’opposeront les académiciens aux personnages du l’intrigue secon‑

daire lors du spectacle des neuf preux. Le théâtre de Navarre et de ses compa‑

gnons est à l’image de leur poésie : il s’agit d’un discours plaqué, narcissique,

qui ne cherche pas tant la gratification du destinataire que celle de son auteur.

La description que fait Boyet de ces apprentis acteurs répétant leur spectacle

va dans ce sens. Il brosse le portrait de jeunes hommes immatures et très sûrs

d’eux. Ils ne doutent pas une seconde du succès de leur entreprise et ils sont tout

à leur autosatisfaction :

One rubbed his elbow thus, and fleered, and swore

A better speech was never spoke before.

Another with his finger and his thumb,

Cried, ‘Via, we will do’t, come what will come!’

�4�

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

�4�

« All the world’s a stage »

Ils engagent la conversation avec les mêmes formules convenues, et à nouveau,

les femmes refusent leur discours stéréotypé :

King : All hail, sweet madam, and fair time of day!

Princess : ‘Fair’ in ‘all hail’ is foul, as I conceive.

King : Construe my speeches better, if you may.

Princess : Then wish me better; I will give you leave. (5.2.339‑342)

La princesse joue sur la polysémie de « hail » (le salut / la grêle) pour sous‑entendre

que le roi fait l’apologie du mauvais temps et rejeter son salut. Navarre et

ses compagnons ne peuvent qu’accepter leur défaite : leur masque, spec‑

tacle de cour sophistiqué, a été hué comme une pièce populaire démodée,

« dash[ed]… like a Christmas comedy » (5.2.462). Cependant, leur humilia‑

tion ne sert pas pour autant de leçon aux jeunes hommes, puisqu’ils s’avèrent

être un public tout aussi peu complaisant envers le spectacle que leur offrent

Holofernes et ses compagnons.

LA PARADE DES NEUF PREUX

La pièce offre un exemple de théâtre populaire et démodé sous la forme de la

parade des neuf preux que montent les personnages de l’intrigue secondaire

en l’honneur de la princesse et de sa cour. Ce spectacle est une commande

de Navarre, qui, dans un élan narcissique caractéristique des académiciens,

regrette d’avoir eu cette idée et craint d’être humilié par le résultat. Berowne,

dans ce même élan narcissique, y voit au contraire l’occasion de laver quelque

peu leur honte :

King : Berowne, they will shame us. Let them not approach.

Berowne : We are shame‑proof, my lord; and ’tis some policy

To have one show worse than the King’s and his company

(5.2.506‑508)

Berowne pense que le contraste sera à leur avantage. Pourtant, rien n’est moins

sûr. Les roturiers possèdent cette qualité sur les nobles qu’ils n’ont pas la préten‑

tion de duper qui que ce soit. Ils montent leur spectacle en toute honnêteté et en

There’s no such sport as sport by sport o’erthrown,

To make theirs ours and ours none but our own.

So shall we stay, mocking intended game,

And they, well mocked, depart away with shame (5.2.153‑156)

déclare la princesse. « To make theirs ours and ours none but our own » :

voilà du même coup les arroseurs arrosés et l’indépendance des jeunes filles

réaffirmée. Les hommes n’ayant pas envisagé une seule seconde l’éventualité

d’une quelconque résistance de la part du public, ils ne peuvent que battre en

retraite, humiliés. Les attentes des hommes sont frustrées de la même manière

que le sont celles des spectateurs de Love’s Labour’s Lost à la fin de la pièce :

les conventions du genre sont contrariées, la fin attendue n’a pas lieu et le spec‑

tacle demeure en suspens.

Comme dans la scène de la lecture des sonnets, le public de Love’s

Labour’s Lost se trouve dans une position de supériorité par rapport à Navarre

et à ses compagnons. Les spectateurs ont une connaissance de la situation sem‑

blable à celle de Boyet et des femmes et se trouvent donc tout naturellement du

côté de ces derniers. Le principe des « cercles concentriques de connaissance »

s’applique donc aussi à cette scène, et à la pièce dans son ensemble. La fonc‑

tion de commentateur chorique qu’avait Berowne dans la scène des sonnets est

maintenant dévolue à Boyet, qui reste en dehors de l’action et guide les réactions

du public. Cette position à part est matérialisée par le fait qu’il est le seul à ne

pas porter de masque dans cette séquence.

Le masque des Moscovites est immédiatement suivi d’une scène où

les acteurs sont les mêmes mais apparaissent cette fois à visage découvert.

Et pourtant, même si les masques sont tombés, rien n’a fondamentalement

changé. Les hommes identifient encore le signe et le signifié, les jeunes femmes

et le gage qu’elles portent ; comme le résume Carroll, « there’s been an unco‑

vering but no discovery192 ». Alors qu’ils pensaient faire leur cour avec plus

de succès ainsi, les académiciens se heurtent à la même résistance de la part des

jeunes femmes, qui mettent en avant le peu de confiance que l’on peut accor‑

der à des hommes qui ne cherchent pas à voir au‑delà des signes extérieurs.

�9�. Ibid., 212.

�44

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

�4�

« All the world’s a stage »

à l’intérieur de cette séquence : forts des leçons des deux scènes de métathéâtre

précédentes, les spectateurs peuvent maintenant formuler leur propre jugement.

Dans cette scène, le décalage entre le signifiant et le signifié, jusqu’ici

instable, est anéanti. La pièce (Love’s Labour’s Lost) et la pièce dans la pièce

(la parade) sont mises au même niveau : acteurs et personnages qu’ils incarnent

ne font plus qu’un. Les roturiers font référence à eux‑mêmes et à leur rôle indif‑

féremment, comme s’ils étaient une seule et même personne, comme si la dis‑

tance entre signifié et signifiant était aplanie. Le brouillage entre les différents

niveaux de la pièce se poursuit dans la scène pour inclure le moment de la repré‑

sentation : la réalité du public dans la salle est ramenée au même niveau que

le spectacle qui lui est présenté, comme nous y reviendrons plus bas. La scène

de la parade insiste sur l’effort d’imagination que doit fournir le public. L’accent

est constamment mis, notamment par les comédiens eux‑mêmes, sur le peu

de ressemblance physique entre les acteurs et les héros qu’ils incarnent. Costard

est le seul à faire parfois la distinction entre leur propre personne et leur rôle :

Costard : For my own part, I am, as they say, but to parfect one man

in one poor man – Pompion the Great, sir.

Berowne : Art thou one of the Worthies?

Costard : It pleased them to think me worthy of Pompey the Great.

For my own part, I know not the degree of the Worthy,

but I am to stand for him. (5.2.498‑503)

L’erreur de Costard qui transforme « Pompey » en « Pompion » (citrouille)

est des plus comique : un des plus grands empereurs de tous les temps se voit

attribuer le nom d’une cucurbitacée. Cette faute de langage permet une fois

de plus d’insister sur le décalage entre le signe et ce qu’il représente, probléma‑

tique encore renforcée par la thématique du théâtre : au cœur de la question

du théâtre se trouve précisément l’acceptation par le public d’un fossé entre

ce qu’il voit et ce que ce spectacle est censé représenter. Sans cette acceptation,

la représentation ne peut avoir lieu. Les académiciens, aussi arrogants qu’ils

soient, ont prouvé dans la scène du masque des Moscovites qu’ils n’étaient guère

capables de faire la différence entre les apparences et la réalité : ils se sont fiés aux

signes extérieurs pour identifier leur bien‑aimée, sans jamais avoir conscience

toute simplicité, ce qui leur attire une certaine bienveillance de la part de la prin‑

cesse, même si son jugement n’est pas complètement dénué de moquerie :

That sport best pleases that doth least know how –

Where zeal strives to content, and the contents

Dies in the zeal of that which it presents;

Their form confounded makes most form in mirth,

When great things labouring perish in their birth (5.2.511‑515)

Ce à quoi Berowne, lucide, répond : « A right description of our sport, my lord »

(516) (Berowne reprend ici son rôle de commentateur chorique de l’action qui

vient guider le jugement du public). Trop d’artifice nuit à la qualité du spec‑

tacle : comme à son habitude, la princesse insiste sur la simplicité et la sincérité

du discours, qualités qui font cruellement défaut à Navarre et à ses compagnons.

La scène de la parade présente de fortes ressemblances avec la pièce sur

Pyrame et Thisbé que mettent en scène les ouvriers dans A Midsummer Night’s

Dream. Dans les deux cas, le comique naît du décalage entre le sujet noble

et l’amateurisme de son traitement, des impropriétés de langage commises par

les acteurs, de la distribution fantaisiste des rôles et des costumes miteux. Dans

les deux cas aussi, le public n’est guère bienveillant ; il refuse de jouer le rôle

attendu de lui et de mettre son imagination au service de l’illusion théâtrale.

Avant même que le spectacle ne commence, le parallèle entre le masque

des nobles et le spectacle des roturiers est établi par les mots de la princesse et de

Berowne que nous venons de citer. Comme toujours dans Love’s Labour’s Lost,

l’intrigue secondaire offre un miroir grossissant de l’intrigue principale : dans

le masque, Moth est mis en déroute par Boyet et le comportement inattendu

des femmes ; dans la Parade, les acteurs sont malmenés par la risée de Navarre

et de ses compagnons. Dans les deux séquences, les effets prévus n’ont pas l’oc‑

casion d’aboutir : les femmes ne veulent pas danser et les acteurs incarnant les

grands hommes ne peuvent finir leur discours. À chaque fois, le public refuse

de jouer son rôle et les acteurs se heurtent au mépris d’esprits plus raffinés.

La parade offre donc une sorte de miroir grossissant du masque des Moscovites.

Contrairement à la scène des sonnets et à celle du masque, aucun personnage

ne joue le rôle de commentateur chorique pour orienter la perception du public

�4�

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

�47

« All the world’s a stage »

on a close‑stool, will be given to Ajax. He will be the ninth Worthy.

A conquerour, and afeard to speak? Run away for shame, Alisander.

(5.2.563‑567)

À cause du piètre jeu d’acteur de Nathaniel, Alexandre sera rayé des tapisseries

qui narrent traditionnellement ses exploits et Ajax le remplacera au panthéon

des neuf preux (on remarquera le jeu de mots scatologique sur Ajax, le guer‑

rier de la mythologie grecque, et son homonyme « a jakes », qui signifie les

lieux d’aisance). La conclusion de Costard, « Run away for shame, Alisander »,

est particulièrement drôle étant donné la réputation d’Alexandre d’être le plus

valeureux conquérant de tous les temps. Dans la suite de sa réplique, Costard

rétablit la différence entre Nathaniel et Alexandre, en précisant que Nathaniel

est un bon voisin et joue très bien aux boules mais que le rôle d’Alexandre

était légèrement trop ambitieux pour ses talents d’acteur (569‑571), ce qui ne

fait qu’augmenter la drôlerie de la scène.

Le comique est à son comble lorsque Moth, dont la petite taille a été

soulignée tout au long de Love’s Labour’s Lost, entre en tant qu’Hercule. Dans

la scène précédente, Armado s’était inquiété du manque de réalisme de ce choix

de distribution, mais Holofernes avait trouvé une solution au problème :

Armado : Pardon, sir, error! He is not quantity enough for that

Worthy’s thumb. He is not so big as the end of his club.

Holofernes : Shall I have audience? He shall present Hercules in minority.

His ‘enter’ and ‘exit’ shall be strangling a snake;

and I will have an apology for that purpose. (5.1.105‑109193)

Hercule est en effet réputé avoir tué dans son berceau les serpents envoyés

par Junon. L’incarnation du géant Hercule par le minuscule Moth porte à son

paroxysme l’aspect parodique de l’épisode de la parade, parodie qui peut s’en‑

tendre à un double niveau : d’une part, il s’agit de se moquer d’une tradition

théâtrale populaire démodée qui, à l’époque de Shakespeare, a perdu beau‑

coup de sa crédibilité en raison de la tendance à mettre parmi les neuf preux

�9�. Les comédiens de A Midsummer Night’s Dream ont eux aussi recours aux discours explicatifs dans l’espoir de compenser tout ce qui ne fonctionne pas dans leur représentation.

qu’eux‑mêmes jouaient le rôle type de l’amant pétrarquiste. Les femmes ont

feint de prendre le spectacle au premier degré et de voir en eux des Moscovites

ridicules, ce qui a mis la représentation en échec. Dans la parade, ce sont les

hommes qui refusent de remplir leur rôle de public en insistant constamment

sur le peu de crédibilité des acteurs et sur le manque de réalisme de la représen‑

tation. Ils brisent continuellement l’illusion théâtrale, rappelant aux roturiers

qu’ils n’ont rien en commun avec les personnages historiques auxquels ils ten‑

tent désespérément de donner vie. Ainsi, Berowne interrompt Costard qui com‑

mence sa tirade par « I Pompey am » par un « You lie, you are not he » (5.2.538)

qui ne déstabilise pas l’acteur amateur pour autant. De même, lorsqu’Armado

entre en tant qu’Hector, le roi et ses amis insistent sur le peu de ressemblance

physique entre les deux hommes :

Boyet : But is this Hector?

King : I think Hector was not so clean‑timbered.

Longaville : His leg is too big for Hector’s.

Dumaine : More calf, certain.

Boyet : No, he is best indued in the small.

Berowne : This cannot be Hector. (5.2.620‑625)

Quand vient le tour de Nathaniel de parler en tant qu’Alexandre le Grand, Boyet

et Berowne se gaussent de la dissemblance entre le curé et le roi macédonien :

Nathaniel : […] ‘My scutcheon plain declares that I am Alisander.’

Boyet : Your nose says no, you are not, for it stands too right.

Berowne : Your nose smells ‘no’ in this, most tender‑smelling

knight (5.2.554‑556)

(le nez d’Alexandre le Grand était réputé tordu et sa peau était censée dégager

une odeur sucrée). Costard semonce le prêtre en mettant sur le même plan

l’acteur et le personnage qu’il incarne :

O sir, you have overthrown Alisander the conquerour. You will be scraped

out of the painted cloth for this. Your lion, that holds his pole‑axe sitting

�48

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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« All the world’s a stage »

accepter le manque de réalisme et mettre en œuvre son imagination. Que ce soit

à travers la réflexion sur le langage ou l’analyse de l’art du théâtre, Shakespeare

insiste sur la nécessité de la conscience de la différence entre le signe et ce qu’il

représente. Ainsi, le fossé entre les roturiers et les grands personnages qu’ils

incarnent n’est que le reflet outré des sonnets de Berowne et de ses amis : derrière

leurs vers grandiloquents se cachent des hommes qui n’hésitent pas à rompre

leurs promesses et qui fuient à la moindre difficulté. Les trois séquences sont

également unies par l’importance qu’y tiennent les thèmes de la valeur et de

la louange. Les sonnets consistent à faire l’éloge de la bien‑aimée, et, nous l’avons

vu, la princesse et ses suivantes rejettent la flatterie. Dans la scène du masque,

les jeunes hommes chantent les louanges des femmes de manière stéréotypée,

ce qui entraine leur rejet : à peine Moth a‑t‑il entamé son discours de salut en

hommage aux jeunes femmes qu’il est mis en déroute. La scène de la parade

porte le thème de la valeur à son paroxysme, ne serait‑ce qu’à travers le terme

de « worthy », ces grands hommes à qui les piètres talents de comédiens des rotu‑

riers et l’ingratitude du public font bien peu d’honneur.

Ces trois séquences forment donc un tout cohérent qui pousse la

réflexion sur ces thèmes clés à chaque fois un peu plus loin. Elles sont également

intéressantes en ce qu’elles fournissent un miroir à Love’s Labour’s Lost dans son

ensemble, en particulier dans le fait qu’elles restent inachevées.

« OUR WOOING DOTH NOT END LIKE AN OLD PLAY�9� »

La fin de Love’s Labour’s Lost est l’un des points qui a suscité le plus de commen‑

taires de la part des critiques. Alors que le public a cru assister à une comédie,

comme le stipule la page de titre du quarto qui annonce « a pleasant conceited

comedy », il voit ses attentes frustrées et la fin laissée en suspens. La pièce com‑

mence comme une comédie traditionnelle. Le public, habitué à ce schéma, s’at‑

tend à la résolution des conflits et à une conclusion par un mariage. Pourtant,

à l’image des trois métapièces en son sein, la progression de Love’s Labour’s Lost

est brutalement interrompue. La mort fait irruption de manière inattendue

et fait prendre à la pièce une tout autre direction. L’entrée brutale du messager

Marcadé venant annoncer le décès du roi de France à la princesse met fin aux

�9�. 5.2.842

des personnalités locales comme le maire. Mais cela permet également d’insis‑

ter sur le fait que comme les roturiers, les académiciens se sont essayés à des

rôles bien trop difficiles pour eux en pensant que quelques poèmes et diver‑

tissements suffiraient à gagner le cœur de la dame de leurs pensées. Comme

le prêtre et le pédant, Navarre et ses compagnons ont amené leur personne et le

rôle auquel ils ont voulu se mesurer au même niveau et se montrés incapables

du moindre recul critique.

La déroute que viennent de subir les jeunes hommes lors du masque

ne leur a guère servi de leçon et ils se montrent un public particulièrement

récalcitrant et cruel. Ils ne laissent Holofernes finir aucune de ses répliques

et se moquent de son apparence, ce qui fait déclarer au pédant, dans un

moment particulièrement poignant : « This is not generous, not gentle, not

humble » (5.2.614). De même, Armado demande un peu de charité aux jeunes

hommes qui raillent son interprétation d’Hector : « The sweet war‑man is dead

and rotten. Sweet chucks, beat not the bones of the buried. When he breathed,

he was a man » (5.2.644‑645). À la fin de la scène, la confusion entre les acteurs

et les personnages qu’ils incarnent est totale alors que Costard‑Pompey et

Armado‑Hector sont sur le point d’en venir aux mains. Lors de cet épisode,

les académiciens ne s’avèrent guère mieux éduqués que le public populaire

du théâtre public que l’on trouve raillé dans nombre de pièces de l’époque194 :

ils exhortent les deux hommes à se battre, avides de voir une bonne bagarre.

Au contraire de Navarre et de ses compagnons, la princesse se révèle être une

spectatrice bienveillante et elle encourage régulièrement les acteurs.

La troisième séquence métadramatique de Love’s Labour’s Lost appro‑

fondit la réflexion sur le public amorcée dans les deux précédentes. Les specta‑

teurs de la pièce de Shakespeare peuvent ainsi s’interroger sur leur propre rôle

en tant que public et prendre de la distance avec l’œuvre de fiction qui leur est

présentée. Comme pour le langage en général et celui de la poésie pétrarquiste

en particulier, les trois épisodes métathéâtraux mettent en lumière l’importance

de l’acceptation des codes correspondant à un type de discours donné pour que

la communication ait lieu. Pour que le spectacle puisse se dérouler, le public doit

�94. On trouve cette réflexion sur la crédulité et le manque de raffinement du public populaire dans The Knight of the Burning Pestle de Francis Beaumont et John Fletcher (1613) et dans The Staple of News de Ben Jonson (1625) notamment.

��0

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

���

« All the world’s a stage »

L’entrée de Marcadé est certes brutale, mais d’autres éléments ont contri‑

bué depuis le début à assombrir les festivités. À bien y regarder, la mort a plané

sur l’ensemble de la pièce malgré son apparente légèreté. Le thème de la mort

est introduit dès les premiers vers de la scène d’exposition. La motivation

de Navarre pour créer son académie est de s’assurer l’immortalité grâce à la

postérité de son nom :

Let fame, that all hunt after in their lives,

Live registered upon our brazen tombs,

And then grace us in the disgrace of death;

When, spite of cormorant devouring time,

Th’endeavour of this present breath may buy

That honour which shall bate his scythe’s keen edge,

And make us heirs of all eternity (1.1.1‑7)

Les premiers mots de la comédie qu’est censée être Love’s Labour’s Lost sont donc

saturés d’images de mort. Le thème de la mort se retrouve à plusieurs reprises au

fil de la pièce, en particulier dans la scène de la chasse (4.1), au cours de laquelle

la princesse tue un cerf, et dans le dernier acte. On peut citer par exemple l’allu‑

sion à la sœur de Katherine, morte d’aimer (5.2.13‑18), ou bien celle à la petite

vérole sur le visage de Katherine (5.2.45). C’est à travers les neuf preux que

le thème de la mort est le plus présent. À l’origine, les spectacles les mettant en

scène étaient en effet l’occasion de réfléchir sur la fragilité de l’existence dans

la tradition du contemptus mundi et du vanitas vanitatum197, qui mettent en avant

la vanité de l’existence et l’inéluctabilité de la mort : même ces grands héros du

passé n’ont rien pu contre la Faucheuse. La poignante remarque d’Armado sur

Hector, « The sweet war‑man is dead and rotten » (5.2.644), insiste sur ce point.

Lors de l’interprétation de Judas Maccabée par Holofernes (ou plutôt, lors de sa

tentative pour l’interpréter), les images de mort prolifèrent dans les railleries

de Berowne et de ses compagnons. Ainsi, Berowne fait allusion à la mort de Judas

Iscariote, pendu à un aulne (« Judas was hanged on an elder » (5.2.592), avec un jeu

sur l’homophonie de « elder » (aulne / aîné)), puis à « A death‑face in a ring » (598),

�97. En histoire de l’art, une vanité est une nature morte dans laquelle prolifèrent les objets symbolisant la mort, dont en général un crâne.

festivités en cours et fait colore l’action d’une teinte sombre. Le messager est

souvent vêtu de noir dans les productions, contrastant avec les riches costumes

colorés des nobles, ce qui accentue encore davantage le choc de la nouvelle.

Cet effet de contraste est également suscité par la brièveté avec laquelle Marcadé

délivre son message, très différente de la loquacité des hommes de la pièce, intri‑

gues principale et secondaire confondues :

Marcadé : I am sorry, madam, for the news I bring

Is heavy in my tongue. The King your father –

Princess : Dead, for my life!

Marcadé : Even so. My tale is told. (5.2.693‑695)

Comme le souligne Anne Barton, l’irruption de Marcadé dans Love’s Labour’s

Lost nous fait prendre conscience de manière brutale que le monde doré des

personnages courtois est une chimère, tout comme l’univers de la représen‑

tation et l’expérience du théâtre représentent un répit du quotidien pour les

spectateurs196. Même si les trois scènes métadramatiques et la réflexion qu’elles

mènent sur le public l’ont préparé au fait que les attentes des spectateurs sont

souvent déjouées, ces derniers se retrouvent dans la même position inconfor‑

table que les académiciens : le spectacle ne se passe pas comme prévu et il ne sait

pas comment réagir. Cependant, la mort n’est pas nécessairement contradictoire

avec la comédie. Elle peut même s’avérer un moyen de conclure la comédie par

un élément festif, quand il s’agit par exemple de la mort d’un élément bloquant

comme un vieux parent qui s’oppose au mariage des amoureux, ou de celle d’un

personnage étiqueté comme mauvais qui laisse en décédant une fortune à ceux

entrant dans la catégorie des bons. Même le deuil peut être traité comme un

obstacle comique à surmonter, comme dans Twelfth Night. Dans Love’s Labour’s

Lost, il en va différemment. Dans les comédies plus traditionnelles, les obstacles

et les éléments bloquants sont introduits dès le début de la pièce, et l’essentiel

de l’action consiste à les surmonter dans le but d’atteindre l’harmonie finale.

La mort du roi de France, elle, arrive très tardivement, mettant ainsi la conclu‑

sion de la pièce en suspens.

�9�. Bobbyann Roesen [Anne Barton], « Love’s Labour’s Lost », Shakespeare Quarterly 4:4 (1953), 412.

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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« All the world’s a stage »

instructions d’Oberon pour corriger les errements de l’amour (3.2.461‑462),

dans Love’s Labour’s Lost les hommes ne peuvent que constater, impuissants,

que « [Their] wooing doth not end like an old play: / Jack hath not Jill. These

ladies’ courtesy / Might well have made [their] sport a comedy » (5.2.842‑844).

Il est intéressant de constater que les deux pièces ont recours à la même expres‑

sion proverbiale populaire pour signifier leur conformité ou non aux critères

de la comédie. La remarque métadramatique de Berowne est filée par Navarre :

« Come sir, it wants a twelvemonth and a day, / And then ’twill end » (845‑846),

ce à quoi Berowne répond « That’s too long for a play » (846). Avec cet échange,

Shakespeare crève l’illusion théâtrale et insiste sur le fait que Love’s Labour’s Lost

est une pièce expérimentale, d’un genre nouveau, qui défie les attentes et les

codes établis. Cette fin peu conventionnelle est dans la droite ligne des ques‑

tionnements sur les schémas de la poésie pétrarquiste et de l’analyse des formes

théâtrales que l’on trouve dans toute la pièce. La non‑conclusion qui nous est

offerte n’est pas rattachée à l’ensemble de manière artificielle ; elle forme avec

la pièce un tout organique, cohérent avec les préoccupations en son centre.

Pour que les mariages aient lieu et que les codes de la comédie soient

respectés, il faut que les jeunes hommes réussissent la mise à l’épreuve d’un an

imposée par les femmes. Pendant cette période, ils sont censés apprendre la vraie

valeur des mots et la nécessité de l’adéquation entre le discours et les actes.

La princesse demande à Navarre de parler et de vivre simplement ; Rosaline

veut que Berowne adapte son langage à son public. Le chemin semble encore

long : juste après que la princesse a appris la mort de son père, Navarre conti‑

nue maladroitement sa cour. Berowne, lui, a compris que la manière dont ils ont

cherché à exprimer leurs sentiments était hors de propos, comme en attestent

les termes « deformed » (5.2.731), « unbefitting » (734) ou « misbecomed » (742)

que l’on trouve dans son discours. Cependant, rien ne garantit que cette prise

de conscience sera suivie d’actions. Du fait de la coïncidence entre le temps

de la représentation et celui de l’histoire, le public ne saura pas si les hommes

vont réussir à acquérir le sens du décorum. Rien n’est moins sûr étant donné

le comportement qu’ils ont donné à voir tout au long de la pièce.

Si un an est trop long pour une pièce, alors il faudrait une autre pièce

pour espérer connaître la fin de l’histoire. Il existe des traces d’une pièce intitu‑

lée Love’s Labour’s Won, qui a été perdue, mais rien ne dit s’il s’agit d’une suite

c’est‑à‑dire à la chevalière ornée d’une tête de mort souvent portée comme

memento mori à la Renaissance. « The carved‑bone face on a flask » (601),

à laquelle Dumaine renvoie, possède elle aussi une connotation mortifère en rai‑

son du mot « bone ». En outre, il est établi dès le premier acte que le roi de France

est très malade (« her decrepit, sick, and bedrid father » (1.1.136)). Sa mort n’est

donc pas une surprise. Les considérations légères et les festivités de la pièce ont pu

faire momentanément oublier ce fait aux spectateurs, mais ce décès est attendu.

La mort du roi de France permet de consolider l’unité de la pièce en reliant le der‑

nier acte au premier : la boucle est bouclée.

Bien plus que la présence de la mort qui vient moduler l’esprit festif

de la comédie, c’est la fin de Love’s Labour’s Lost qui frustre les attentes des spec‑

tateurs. Alors qu’il s’attend à une conclusion par le mariage des quatre jeunes

femmes et des quatre jeunes hommes, le public se retrouve dans la même position

que ces derniers : ses espoirs sont déçus et il est plongé dans l’expectative. La simi‑

litude entre la situation des académiciens et celle du public est accentuée par le fait

qu’à ce moment de la pièce, le temps de l’histoire et celui de la représentation

se confondent. La fusion des deux niveaux s’opère par le biais des indications tem‑

porelles qui nous sont données. Ce mouvement s’effectue de manière progressive.

Après avoir raillé Holofernes dans son rôle de Judas Maccabée, Boyet prévient :

« A light for Monsieur Judas! It grows dark, he may stumble » (5.2.615). La nuit

commence à tomber sur le royaume de Navarre, tout comme à la fin de la repré‑

sentation de la pièce dans un théâtre public à ciel ouvert à Londres. Cette allusion

métadramatique peut néanmoins s’entendre au figuré : avec la multiplication

des références à la mort et l’arrivée imminente de Marcadé, le climat de la pièce

s’assombrit. On trouve une remarque métadramatique similaire immédiate‑

ment après l’annonce du messager : « Worthies, away! The scene begins to cloud »

déclare Navarre (5.2.696). La référence au moment de la représentation, à la réa‑

lité des spectateurs, est d’autant plus forte du fait du jeu sur la polysémie du mot

« scene ». À nouveau, cette remarque peut s’entendre au figuré, en particulier parce

qu’elle suit immédiatement l’annonce de la mort du roi de France.

Fort des leçons des trois scènes métathéâtrales précédentes, le public

devrait être préparé à des schémas d’un type nouveau. Or, la surprise est

totale. Si dans les comédies, « Jack shall have Jill; / Nought shall go ill »,

comme le déclare Puck dans A Misummer Night’s Dream après avoir suivi les

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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ÉLÉMENTS CLÉS

Comédie nouvelle. Dans l’Antiquité grecque, la comédie nouvelle noue une

intrigue à péripéties romanesques, prêtant à chaque personnage « le langage

et la conduite qui lui conviennent, selon la catégorie du général, c’est‑à‑dire du

vraisemblable et du nécessaire » (Aristote), fixant en « emplois » de théâtre des

échantillons typiques de la société contemporaine. À Rome, Plaute reprendra

ces recettes en les assaisonnant de sel italique, puis Térence, dans un registre

plus proche de la comédie grecque. C’est de Térence que, partout en Europe,

se réclamera la comédie des temps modernes. Plaute, comme plus tard Térence,

emprunte ses sujets et ses types aux écrivains grecs de la comédie moyenne ou

de la comédie nouvelle (IVe siècle). Leurs pièces tournaient autour d’un thème

commun : l’amour d’un fils de famille pour une touchante créature réduite

à l’esclavage, amour contrarié par les parents mais favorisé par un valet facé‑

tieux (Moth dans Love’s Labour’s Lost peut être rapproché de ce type), jusqu’au

moment où l’on découvre que la jeune personne est de condition libre. Au ser‑

vice de cette intrigue assez mince vient une galerie de types convenus, encore

qu’il soit possible d’en modifier ça et là certains traits pour mieux pimenter l’ac‑

tion comique : l’amoureux, quelquefois flanqué d’un compagnon de plaisir ; son

barbon de père ; la mère, souvent acariâtre ; la courtisane avide ; l’esclave, amoral,

favorisant avec délectation les intérêts de son jeune maître. Suivent quelques

types secondaires, dont l’importance varie de comédie à comédie : le proxénète,

le soldat fanfaron (Armado descend de ce type), le parasite de la maison, le cui‑

sinier, etc. Le masque n’est en usage qu’après Térence.

Sources : Pignarre, Robert. « Théâtre ». Les Essentiels d’Universalis. Paris : Universalis, 2004 ;

Taladoire, Barthélémy A. « Plaute ». Les Essentiels d’Universalis. Paris : Universalis, 2004.

Commedia dell’arte. La commedia dell’arte est la plus riche et la plus

féconde de toutes les formes de théâtre improvisé qui ont existé dans

le monde. L’on situe généralement son apparition au XVIe siècle, mais il est

à peu près certain que, née d’une tradition populaire ininterrompue depuis

à Love’s Labour’s Lost, d’une pièce indépendante, ou d’un autre titre d’une pièce

connue comme The Taming of the Shrew ou Much Ado About Nothing. Pour

l’instant, le public, brusquement ramené à la dure réalité de la mort et à celle

de la fin de la représentation, ne peut que formuler des hypothèses et retourner

à sa vie ordinaire, « You that way, we this way » (5.2.896). Cette phrase finale

fait elle aussi se confondre le moment de la représentation et celui de l’histoire :

on peut en effet l’entendre comme faisant référence aux deux groupes d’acteurs

qui se séparent, les roturiers d’un côté, les nobles de l’autre, mais aussi comme

signifiant la séparation entre le public et les acteurs une fois le spectacle terminé.

CONCLUSION

Si Love’s Labour’s Lost n’est pas « an old play », alors qu’est‑elle ? L’interrogation

menée sur le théâtre donne à la pièce une forme expérimentale : comme il le fait

avec la poésie, Shakespeare manipule les formes théâtrales passées et présentes,

démodées ou en vogue, en intègre certains éléments et en tient d’autres à dis‑

tance pour donner naissance à une œuvre unique en son genre qui se pose en

héritière des traditions antérieures mais aussi, en ce qu’elle bouscule les conven‑

tions et déjoue les attentes du public, en précurseur de formes à venir198. Love’s

Labour’s Lost n’est ni une comédie traditionnelle, ni un masque, ni une pasto‑

rale ; elle est tout cela à la fois. Ce laboratoire dramatique regarde aussi vers l’ave‑

nir à l’intérieur même de l’œuvre de Shakespeare. On peut en effet voir la pièce

comme un terrain d’expérimentation dans lequel Shakespeare teste des formules

qu’il développera par la suite dans d’autres pièces à venir. On pense par exemple

à la scène de la pièce des ouvriers de A Midsummer Night’s Dream, aux joutes

verbales entre Beatrice et Benedick dans Much Ado About Nothing, ou bien

encore au thème des instincts humains réprimés dans Measure for Measure…

une autre pièce à la fin problématique.

�98. Pour une approche légèrement différente de cet argument, nous renvoyons le lecteur au chapitre de Sujata Iyengar dans le présent ouvrage, et à l’idée de « nouvelle comédie nouvelle » qu’elle y développe.

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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« All the world’s a stage »

Labour’s Lost, on peut rattacher Holofernes à ce personnage. Armado, quant

à lui, descend de la tradition du personnage du Capitan, homme de guerre fan‑

faron et couard, souvent espagnol). On trouve également d’ingénieux valets,

le plus connu étant Arlequin. Moth peut être rapproché de ce personnage. Les

personnages d’amoureuses sont parfois nommés Rosalinda, un autre lien avec

la pièce de Shakespeare.

Les personnages ainsi fixés d’avance, le canevas de la pièce est accroché

dans la coulisse ; il se contente de décrire succinctement les péripéties de l’ac‑

tion et de régler les entrées et les sorties des comédiens. À chacun des acteurs

d’interpréter et de développer le thème comme il l’entend. Le rôle du comédien

est primordial et certains deviennent très populaires. Voilà un autre lien avec

le théâtre de Shakespeare : le rôle comique de Costard était très probablement

tenu par William Kempe (ou Will Kemp), acteur des Lord Chamberlain’s Men,

la troupe de Shakespeare. Kempe était spécialisé dans les rôles comiques, notam‑

ment ceux de malaprops qui écorchent les mots. Kempe était aussi célèbre pour

ses jigs, autre forme de théâtre populaire apparentée à la commedia dell’arte, qui

consistait en des comédies semi‑improvisées où le chant, la danse et le comique

gestuel jouaient un rôle prépondérant. L’expression corporelle et l’imagination,

bien plus que le langage et la mémoire, tiennent une place essentielle dans le jeu

des acteurs de la commedia dell’arte.

Le rayonnement de la commedia dell’arte s’est étendu à toute l’Europe,

où elle a laissé des traces profondes dans l’imagination populaire aussi bien que

dans le théâtre, la poésie et les arts. Plusieurs de ses personnages se sont mêlés

aux figures produites par les différents folklores nationaux ou ont contribué à en

engendrer de nouvelles.

Source : Abirached, Robert. « Commedia dell’arte ». Les Essentiels d’Universalis. Paris :

Universalis, 2004.

Masque. Né au début du XVIe siècle à la cour d’Henri VIII, le masque s’épa‑

nouit sous Jacques Ier (roi de 1603 à 1625) ; il constitue alors une sorte de spec‑

tacle total où la musique est reine, alors que le dialogue, savamment entremêlé

de chansons, est maintes fois interrompu par l’intervention de diverses danses,

le tout étant réglé par une mise en scène fastueuse où les machines tiennent

une place de premier plan. Ben Jonson et Campian pour les textes, Campian

l’époque romaine, elle a pris définitivement figure au terme d’une longue

et complexe évolution. Appelée aussi commedia all’improviso, commedia

a soggetto (à canevas) ou commedia popolare, elle a reçu ces différents noms

par opposition au théâtre littéraire. La commedia dell’arte possède un certain

nombre de constantes techniques et formelles qui ont influencé le théâtre

européen en général et français en particulier, du XVIe au XVIIIe siècle. Les

troupes de commedia dell’arte sont les héritières des pantomimes de la Rome

antique. Elles sont à l’origine presque toutes itinérantes. Très vite, elles

acquièrent une telle réputation que les cours se disputent les services des

plus célèbres d’entre elles et qu’on les réclame de plus en plus souvent

à l’étranger. Même si, selon leur région d’origine, elles recourent à diffé‑

rents parlers dialectaux et héritent de multiples traditions locales, tous ces

apports se fondent en un vaste patrimoine commun. Au fil de leurs voyages,

les troupes agrémentent leurs dialogues de mots français, castillans ou alle‑

mands, qui s’ajoutent à la variété de leurs vocabulaires et de leurs accents

issus de Naples, de Venise, de Bergame ou de Milan. Cette variété linguis‑

tique constitue un lien avec Love’s Labour’s Lost. Leur répertoire s’enrichit

sans cesse de tours nouveaux qui augmentent et modifient indéfiniment

le legs traditionnel (types théâtraux, répliques, etc.).

Au XVIe et au XVIIe siècles, le répertoire de la commedia dell’arte est

constitué essentiellement de trames comiques, bâties autour d’une ou plu‑

sieurs intrigues amoureuses. On dénombre peu de tragédies, mais on trouve

en revanche de nombreux scénarios de féerie (opera regia), très à la mode

à l’époque. Une troupe de commedia dell’arte comprend entre dix et vingt

acteurs, qui incarnent des personnages fort divers mais qui peuvent se réduire

à un petit nombre de types fondamentaux, présents obligatoirement dans

tous les scénarios et divisés en trois groupes : les maîtres, les valets et les jeunes

amants. Ces types, fortement caractérisés, sont en réalité nuancés à l’infini.

À chacun de ces types correspondent un costume, un masque et des accessoires

significatifs. Aux acteurs s’ajoutent des acrobates, des danseurs et des chanteurs,

qui ne jouent aucun rôle dans la pièce proprement dite mais qui apparaissent

dans les nombreux hors‑d’œuvre qu’elle comporte toujours. Parmi les rôles

récurrents, on trouve systématiquement deux vieillards : un marchand avare

et Il Dottore (le docteur), un docte pédant et ridicule vêtu de noir (dans Love’s

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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« All the world’s a stage »

Mystère. Genre dramatique religieux de la fin du Moyen Âge (XIVe‑milieu

XVIe siècle), qui transpose sur scène la vie entière d’un saint, un ou plusieurs

livres de la Bible, ou des épisodes essentiels de la vie du Christ ou des Apôtres.

Le texte sacré devient prétexte à une prolifération de tons et de registres,

du religieux au comique et au fantastique des diableries, en passant par les

scènes de torture : il doit donner des exemples de vie, instruire et pour cela

inviter le public à s’identifier aux situations présentées sur la scène, et dont

l’enjeu est le salut de l’âme. La représentation d’un mystère était une entreprise

de très vaste envergure, qui pouvait s’étendre sur plusieurs jours en raison

de la longueur des textes et se présentait comme un spectacle total, avec des

dizaines, voire des centaines de personnages. Du point de vue scénographique,

tous les espaces étaient visibles simultanément (pas de changements de décor) :

une ville, une montagne, la chambre de Marie, le Paradis, la gueule de l’Enfer,

pour ne citer que les principaux lieux topiques.

Source : Jarrety, Michel, Éd. Lexique des termes littéraires. Paris : Librairie Générale

Française, 2001.

Pastorale. La pastorale met en scène des personnages de la vie rustique

(bergers, nymphes, bergères) dans un cadre bucolique, où sont célébrés

la poésie et l’amour. Inspirées à l’origine de la poésie grecque et latine (Idylles

de Théocrite, Bucoliques de Virgile), qui mettaient en scène des dialogues entre

bergers, les pastorales jouissent d’un remarquable succès dans les littératures

modernes européennes, du XVe au XVIIIe siècle et particulièrement vers

la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle. Comme tous les genres élaborés

par les Anciens, la pastorale dut sa nouvelle vie à l’effort des humanistes pour

restaurer la littérature classique. Dans ce cas, cependant, le mot « genre » est

impropre, car la pastorale n’est pas exactement un genre ; il s’agit d’un milieu,

d’une atmosphère, d’un déguisement conventionnel qui, théoriquement,

pourraient se retrouver dans n’importe quel genre littéraire et qui, de fait,

eurent au moins deux manifestations différentes : dans le roman, avec l’Arcadia

de Sannazaro, la Diana (1559) de Montemayor, L’Astrée (1607‑1628) d’Honoré

d’Urfé, l’Arcadia (1590) de Sidney ; au théâtre avec l’Aminta (1573) du Tasse,

le Pastor fido (1589) de Guarini, la Sylvanire (1627) d’Honoré d’Urfé et la pièce

du même titre de Mairet (1631), les Bergeries de Racan (1625). Le milieu, dans

et Alfonso Ferrabosco pour la musique, Inigo Jones pour la mise en scène sont

les principaux artisans du masque jacobéen.

Source : Michon, Jacques. « Anglais – Art et Culture ». Encyclopædia Universalis [en ligne],

consulté le 2 août 2014. www.universalis‑edu.com.sso.scd.univ‑tours.fr/encyclopedie/

anglais‑art‑et‑culture‑musique

Miracle. Au Moyen Âge, genre de pièces dramatiques dont l’argument dérive

des vies des saints. Ces représentations monumentales peuvent s’étaler sur plu‑

sieurs jours. La fonction principale du théâtre religieux médiéval est de cimen‑

ter la communauté à travers la présentation d’un mythe partagé par tous. Dans

ce type de pièce, le rôle du public doit être le plus objectif possible : il doit simple‑

ment accepter l’histoire sans exercer de jugement. Il arrive fréquemment que les

miracles présentent simultanément une légende païenne et une légende sacrée.

Source : Jarrety, Michel, Éd. Lexique des termes littéraires. Paris : Librairie Générale

Française, 2001.

Moralité. Genre dramatique de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance

(X I Ve‑XVIe siècles), de type allégorique, dans lequel les personnages sont des

personnifications de notions abstraites : valeurs morales (Vertus et Vices),

entités diverses (la Mort, les Maladies, l’Argent, l’Âge d’or, le Temps, etc.),

voire groupes sociaux (Tout le Monde, Chacun, Pécheur…). L’action suit les

schémas traditionnels de l’allégorie narrative médiévale : pèlerinage de vie

humaine, psychomachie, vicissitudes de la vie (roue de la Fortune). Les per‑

sonnages portent un costume et des attributs symboliques, qui permettent

de les identifier d’emblée. C’est un théâtre conventionnel, qui vise exclusi‑

vement à l’édification : son but est l’enseignement de la morale chrétienne,

et gravite autour du choix entre le Bien et le Mal. Le personnage du Fou

apparaît fréquemment pour fustiger la folie du monde (thème de la sagesse

des fous dans un monde à l’envers), ce qui place certaines moralités aux

frontières de la sottie. Quelques‑unes profitent de la relative neutralité des

figures allégoriques pour développer à couvert une véritable satire politique

ou sociale et se faire l’écho des doléances du peuple contre les puissants.

Source : Jarrety, Michel, Éd. Lexique des termes littéraires. Paris : Librairie Générale

Française, 2001.

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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« All the world’s a stage »

morales et religieuses hautement affirmées. Le puritain Stephen Gosson crut

bon de lui dédier The School of Abuse (1579), invective contre les poètes. Sidney,

indigné, composa une Defence of Poetry qui est une apologie de la littérature

d’imagination. Tous les arts se fondent sur la nature, mais l’invention poétique

crée une autre nature, un monde qui surpasse le monde réel. Le poète doit

enseigner, mais aussi plaire et émouvoir. Sidney révèle parfois une tendance

à un trop grand artifice du style, qui dissimule la vigueur de la pensée ; on lui

reproche souvent d’être trop prodigue d’ornements. The Arcadia devient un

trésor de figures, comme en témoigne l’ouvrage The Arcadian Rhetorike (1588)

d’Abraham Fraunce. Mais la prose de Sidney sait aussi être simple et proche du

langage parlé. L’œuvre poétique de Sidney est marquée par la même diversité.

Le masque The Lady of May, composé pour la visite d’Elisabeth à Leicester en

mai 1578, montre un intérêt pour le vers mesuré. Le recueil de sonnets Astrophil

and Stella (1591) est une œuvre majeure, en particulier parce qu’elle marque

la rébellion de l’amant et du poète contre les exigences et les conventions

du pétrarquisme, qu’il exprime dans un style dense et métaphorique.

Source : Ellrodt, Robert. « Sidney (Philip) ». Les Essentiels d’Universalis. Paris : Universalis, 2004.

la pastorale, est représenté par la nature intacte, qu’aucune civilisation n’a encore

corrompue, une nature qui tient encore du divin et où les divinités primitives

ont toujours leur siège. La contemplation de cette nature idéale, qui ne suppose

pas nécessairement un goût pour la nature réelle, est une attitude littéraire

typique des sociétés très évoluées, et représente l’un des thèmes que la pastorale

humaniste a empruntés à la pastorale gréco‑latine. Ce culte pour la nature

vierge, cependant, ne tarde pas à être relégué au second plan, jusqu’à se réduire

à une sorte de toile de fond, sur laquelle d’autres thèmes ressortent avec plus

d’évidence. Quant à l’atmosphère pastorale, ce qui la caractérise est d’abord

la présence et le sens de la paix. Dans la nature non‑contaminée où vivent les

bergers n’arrive même pas l’écho lointain des conflits, des batailles qui sont

le sujet privilégié de la tragédie ou de l’épopée. La thématique de la pastorale

moderne, qui s’impose aux dépens de la thématique classique traditionnelle, est

une thématique amoureuse. À son apogée, entre la Renaissance et le baroque,

la littérature pastorale est une littérature d’amour. La pastorale dramatique

repose en général sur l’histoire d’un amour contrarié entre un berger et une

bergère, avec l’usage de tous les procédés efficaces de l’intrigue sentimentale

(jalousie, quiproquo, méconnaissance de ses propres sentiments). L’analyse

psychologique peut s’y développer en longs monologues – ce qui prépare

à l’esthétique galante et précieuse –, et l’intervention fréquente de magiciens

apporte une touche de merveilleux – ce qui prépare à l’esthétique de l’opéra.

Sources : Jarrety, Michel, Éd. Lexique des termes littéraires. Paris : Librairie Générale Française,

2001 ; Daniela Dalla Valle Carmagnani, Jacqueline Duchemin & Charlotte Vaudeville.

« Pastorale, genre littéraire ». Encyclopaedia Universalis [en ligne], consulté le 3 septembre 2014.

www.universalis‑edu.com.sso.scd.univ‑tours.fr/encyclopedie/pastorale‑genre‑litteraire

Sidney, Sir Philip. 1554‑1586. Le plus accompli gentilhomme d’Angleterre aux

yeux de ses contemporains, humaniste et champion de la cause protestante,

Européen de culture et héros national, il donne à la Renaissance son épopée

romanesque en prose, The Arcadia, dont l’épopée d’Edmund Spenser

The Faerie Queene (1590) est le pendant poétique. Il crée un style qui supplante

l’euphuisme. Ses sonnets répandent le pétrarquisme mais ouvrent aussi la voie

à la poésie dramatique et métaphysique. À toutes les qualités requises par les

traités de courtoisie de la Renaissance, ce gentilhomme joint des convictions

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CONCLUSION “YOU THAT WAY, WE THIS WAY 199”

À la fin de la pièce, les académiciens et les spectateurs se retrouvent dans la même

position : les uns doivent quitter leur monde galant, ses divertissements et ses

conventions, les autres doivent s’extraire de la parenthèse enchantée de la comédie

qui leur a été présentée pour retourner à la vie quotidienne. Contrairement aux

conventions du genre comique qui veulent qu’une pièce se termine sur la note

d’harmonie que représente un événement festif et fédérateur comme un mariage

ou un banquet, ici la fin est placée sous le signe de la séparation. Les roturiers vont

retourner à leur métier et la cour à ses occupations, les hommes s’apprêtent à se

séparer des femmes pour un an et les spectateurs à sortir de l’espace du théâtre,

« You that way, we this way ». Les derniers mots de la pièce insistent sur la sépa‑

ration, la rupture, la dualité, à l’image des oppositions qui structurent le texte.

Love’s Labour’s Lost s’articule autour d’une série d’antithèses (signifiant et signifié,

apparences et réalité, sincérité et affectation, nature et culture, naturel et artifice,

connaissance et empirisme, forme et contenu, corps et esprit, nobles et roturiers,

hommes et femmes, etc.) que Shakespeare fait dialoguer parfois jusqu’au conflit.

À la fin de la pièce, au moment de faire le bilan, peut‑on considérer qu’une des

parties l’emporte sur l’autre ? La réponse tient en partie dans le débat final que

nous offre Love’s Labour’s Lost, à travers les chansons du printemps et de l’hiver.

Si tout un courant critique, en particulier des années 60, voit dans la fin

de la pièce la victoire de la nature (incarnée par les femmes) sur la culture

(représentée par les hommes), du naturel sur l’artificiel, du discours simple

sur la rhétorique, de la réalité sur l’illusion200, il semble au contraire que Love’s

�99. 5.2.896

�00. Voir par exemple Catherine McLay, « The Dialogues of Spring and Winter: A Key to the Unity of Love’s Labour’s Lost », Shakespeare Quarterly 18:2 (1967), 119‑127.

��4

“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

���

Conclusion

et sa cour, et que la bataille imminente entre Costard et Armado, puis l’arri‑

vée de Marcadé, avaient laissé en suspens. Elles insistent sur l’aspect cyclique

du temps, grâce entre autres à leur structure en when/then, qui suggère qu’il

y a un temps et un lieu pour chaque chose, comme le clamait Berowne pour

tenter de dissuader ses amis de souscrire aux termes austères de l’Acadé‑

mie (1.1.102‑107). À l’instar des images de la mort, le thème de la saisonnalité,

introduit par Berowne dès le début de la pièce, lie le premier acte au dernier

et resserre l’ensemble en un tout cohérent. Cependant, de manière ironique,

l’action montre que Berowne n’applique pas du tout les principes qu’il met en

avant, et la mise à l’épreuve imposée par Rosaline a précisément pour but de lui

inculquer ce sens du décorum qui lui fait défaut. Les chansons décrivent des

saisons que l’on oppose traditionnellement, mais qui sont liées par la continuité

des thèmes dont elles traitent et par leur structure. Chacun des quatre cou‑

plets s’articule autour des propositions en « When… And… And… Then… » :

le rythme est fluide, sans artificialité inutile, le texte progresse de manière régu‑

lière, à l’image de l’aspect cyclique des saisons. Comme le remarque Carroll,

l’emploi de conjonctifs et l’absence totale de disjonctifs dans les chansons

annulent tout dualisme et toute opposition et balaient avec une déconcertante

facilité toutes les distinctions artificielles rencontrées dans la pièce205. Ce style

fluide et naturel contraste avec les clichés forcés de la poésie des académiciens

et représente l’idéal vers lequel les femmes espèrent les faire tendre.

Les chansons finales contribuent à l’unité de la pièce car elles évoquent

de nombreux thèmes qui y sont abordés, comme par exemple la saisonnalité,

mais aussi la vie de la communauté rurale, le mariage et l’adultère avec l’image

du coucou206. La peur du cocufiage est évoquée à maintes reprises dans la pièce

mais, comme nous l’avons vu, elle apparaît comme complètement décon‑

nectée du comportement que les femmes donnent à voir sur scène. La seule

à manquer de chasteté est Jaquenetta, mais on ne peut guère parler d’adultère

puisqu’elle n’est pas mariée. La hantise du cocufiage est une obsession mascu‑

line conventionnelle sur la scène élisabéthaine et reflète l’angoisse de la société

patriarcale de perdre le contrôle sur la sexualité féminine, ce qui entraine non

�0�. Ibid., 220‑222.

�0�. Le coucou a la réputation de déposer ses œufs dans le nid des autres oiseaux. Le lien avec le cocufiage est aussi établi par l’homophonie entre « cuckoo » et « cuckold ».

Labour’s Lost refuse de trancher et insiste sur la nécessité de la nuance et de

la mise en perspective. On n’assiste pas davantage à une approbation totale

des femmes et à une critique sans appel des hommes. Les épisodes métadra‑

matiques ont montré l’importance de la prise de recul critique. Les chansons

finales, qui semblent en dehors de la pièce tout en lui étant intimement liées,

terminent le spectacle sur cette idée qu’aucune opposition n’est absolue et que

les contraires coexistent souvent.

À l’image des oppositions qui structurent la pièce, les deux chan‑

sons finales reprennent la forme du débat médiéval (ou conflictus201), cette

fois‑ci entre le printemps et l’hiver. Comme l’affirme Carroll, par sa nature

exploratoire, Love’s Labour’s Lost encourage le dialogue et la remise en ques‑

tion202, et c’est sur cette note qu’elle se conclut. Alors même que Shakespeare

nous annonce que les matériaux de sa pièce sont trop longs pour les modèles

dramatiques traditionnels, il vient conclure avec l’une des formes les plus

anciennes qui soit, le débat médiéval203. Cette forme utilise des oppositions

qu’elle confronte sans pour autant atteindre de conclusion tranchée qui prend

parti. L’intérêt est précisément le débat qui s’engage, les idées qui s’affrontent,

sans qu’aucun des deux camps ne l’emporte jamais de manière définitive. Les

contraires sont indissociables ; ils ne peuvent exister l’un sans l’autre. Les deux

chansons mettent en avant non pas une opposition mais une continuité qui

se renouvelle sans cesse au fil des saisons. Selon Carroll, les chansons finales

représentent le mariage des opposés, l’harmonie des contraires ; elles nous trans‑

portent dans un monde où la dualité s’évanouit204.

Les chansons sont présentées comme la conclusion du divertissement

qu’avaient préparé les personnages de l’intrigue secondaire pour la princesse

�0�. Au Moyen Âge, le terme correspond à une série de genres poétiques dialogués que les trouvères et les troubadours cultivaient depuis le début du XIIe siècle. Le répertoire des questions débattues est relativement restreint, car il ne s’agit pas d’apporter la solution à un problème, mais de susciter une joute verbale au cours de laquelle les lutteurs se mesurent à armes rhétoriques égales (de sorte qu’il n’y a pas de vainqueur ni même de véritable jugement). Que le débat soit didactique ou parodique ou qu’il relève de la casuistique courtoise, la fonction ludique l’emporte toujours sur la recherche de la vérité. Source : Véronique Klauber, « Débat, genre littéraire », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 2 août 2014.www.universalis‑edu.com.sso.scd.univ‑tours.fr/encyclopedie/debat‑genre‑litteraire

�0�. Carroll, Great Feast, 9.

�0�. Ibid., 207‑208.

�04. Ibid., 204.

���

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Conclusion

quant à elle, a pour décor l’intérieur, ce qui selon Carroll représente un autre

aspect de la pastorale, à savoir le refuge contre la cruauté du monde déchu. Dans

ce contexte rustique, il faut travailler pour assurer sa subsistance. On est bien

loin ici de la retraite naïve qu’envisageaient Navarre et ses amis avec leur acadé‑

mie, et bien plus proches de la vie d’ermite que leur imposent les femmes afin

qu’ils se confrontent à la réalité de l’existence210.

L’aspect le plus frappant des chansons finales est que contre toute attente,

ces saisons que l’on oppose habituellement sont présentées de manière nuan‑

cée. On rejoint ici la tradition du débat médiéval dont les chansons sont issues,

qui ne parvient jamais à atteindre de conclusion définitive et tranchée. Une fois

de plus, Shakespeare déjoue nos attentes et les conventions. Le printemps est

certes présenté comme le temps du renouveau, de la joie et de la fertilité, mais

l’ombre de l’adultère plane sur cette joyeuse insouciance :

The cuckoo then on every tree

Mocks married men; for thus sings he:

‘Cuckoo!

Cuckoo, cuckoo!’ O word of fear,

Unpleasing to a married ear (5.2.864‑867)

De même, l’hiver a beau être marqué par la rudesse et l’obscurité, la chouette

chante « A merry note » (884) tandis que les pommes rôtissent dans le feu

autour duquel la communauté se réunit. Aux deux saisons sont associées des

valeurs à la fois positives et négatives : à nouveau, les oppositions se dissolvent

et l’existence apparaît dans toute sa complexité. De la même manière, l’an‑

nonce de la mort du roi de France est contrebalancée par celle de la grossesse

de Jaquenetta : la mort et la vie coexistent à la fin de la pièce, à l’image de l’alter‑

nance des saisons et du cycle de la nature.

La nature duale de l’existence, le refus des oppositions absolues, la nécessité

de la mise en perspective et de la nuance mis en avant dans les chansons finales

vont à l’encontre des interprétations selon lesquelles la fin de Love’s Labour’s

Lost correspond à la victoire de la nature sur l’artifice, du naturel du discours

��0. Ibid., 217‑218.

seulement le déshonneur pour l’homme, mais bouleverse aussi l’équilibre social

et économique en mettant en péril la transmission du patrimoine.

Les chansons vont jusqu’à reprendre des mots ou expressions iso‑

lés du texte de Love’s Labour’s Lost. Ainsi, la mention de « greasy Joan » dans

la chanson de l’hiver (5.2.885) renvoie au moment où Berowne reconnaît

ses sentiments pour Rosaline : « Some men must love my lady, and some

Joan » (31.182). Joan est un prénom très populaire, qui contraste avec

la « lady » de la poésie pétrarquiste et avec la princesse et ses suivantes. Mais

comme le souligne Carroll, la mention de « greasy Joan » établit un lien avec

toutes les femmes de la pièce : en effet, Maria reproche à Rosaline lors de sa

conversation avec Boyet : « Come, come, you talk greasily, your lips grow

foul » (4.1.130, je souligne). La princesse et ses amies parlent de sexualité

franchement et sans affectation, au contraire des jeunes hommes de la pièce.

« Greasy Joan » évoque aussi Jaquenetta, fille d’Eve dans le « curious‑knotted

garden » de Navarre, enceinte à la fin de la pièce207.

Comme le souligne Carroll, plusieurs termes des chansons connotent

la création, l’activité artistique ou imaginative208 et suggèrent la fusion parfaite

de l’art et de la nature209, venant ainsi contraster avec la poésie empruntée et arti‑

ficielle des académiciens. Les saisons sont personnifiées au moyen de prénoms

revoyant aux classes populaires et aux activités domestiques : « Dick the she‑

pherd blows his nail » (878) ; « Tom bears logs onto the hall » (879) ; « greasy Joan

doth keel the pot » (885) ; « Marian’s nose looks red and raw » (889). De la même

manière que l’arrivée de Marcadé marque l’entrée de la dure réalité extérieure

dans l’écrin préservé du monde courtois de Navarre et que la fin de la pièce

induit le retour des spectateurs à la réalité, les chansons signalent l’intrusion

du quotidien rural anglais dans l’univers galant de France. Pour Carroll, les

chansons nous offrent l’image d’une authentique pastorale, qui fait ressor‑

tir le caractère emprunté du pastoralisme de Berowne et de ses compagnons.

La chanson du printemps met en scène des activités d’extérieur dans un cadre

où l’homme et la nature cohabitent en parfaite harmonie. La chanson de l’hiver,

�07. Carroll, Great Feast, 215‑216.

�08. Par exemple « hue » (5.2.861), « paint » (862), « sings » (864).

�09. Carroll, Great Feast, 220.

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Conclusion

Ainsi, Rosaline ne rejette pas l’esprit de répartie de Berowne, ni ses qualités

de rhéteur. Elle l’invite simplement à en faire bon usage et elle cherche à lui

faire prendre conscience que le langage, moyen de communication, ne peut être

envisagé comme un acte narcissique. Elle lui suggère de mettre son intelligence

(son « wit ») non plus au service de la moquerie mais du réconfort d’autrui :

… the world’s large tongue

Proclaims you for a man replete with mocks,

Full of comparisons and winding flouts,

Which you on all estates will execute

That lie within the mercy of your wit.

To weed this wormwood from your fruitful brain,

And therewithal to win me, if you please,

[…] your task shall be

With all the fierce endeavour of your wit

To enforce the pained impotent to smile. (5.2.810‑822)

Les qualités de Berowne ne sont nullement remises en cause pour elles‑mêmes :

seul importe l’usage qu’il en fait. La raison pour laquelle les femmes ont

le dernier mot est qu’elles utilisent leur esprit à meilleur escient que les hommes

et que, contrairement à eux, elles l’adaptent au public et aux circonstances.

Rien ne s’oppose de manière absolue ; tout est affaire de nuances et de contexte,

et les chansons finales illustrent cette leçon que les femmes tentent d’inculquer

aux hommes de la pièce. À l’image du crépuscule, ce moment intermédiaire

qui n’est ni complètement le jour ni complètement la nuit, qui tombe

concomitamment sur la fin de l’histoire et sur celle de la représentation, l’idéal

à atteindre est la mesure, la demi‑teinte, sans quoi toutes les peines d’amour

seront bel et bien perdues.

sur l’éloquence, des femmes sur les hommes. Tout est affaire de circonstances

et de la juste appréciation de la situation, en un mot, de décorum. C’est la leçon

que tentent d’inculquer les femmes aux hommes quand elles leur imposent

une retraite forcée. De manière ironique, la pièce se conclut comme elle avait

commencé, par un contrat qui isole les hommes du monde. Mais alors que

dans le premier acte, cette démarche était marquée comme vouée à l’échec

car déconnectée de la nature humaine, il s’agit au contraire dans le dernier

de montrer aux hommes la nécessité d’être en adéquation avec le monde qui

les entoure. Le discours de la princesse à Navarre reprend à la fois des termes du

pacte des jeunes hommes dans la scène d’exposition et de la chanson de l’hiver :

… go with speed

To some forlorn and naked hermitage,

Remote from all the pleasures of the world.

[…] If frosts and fasts, hard lodging, and thin weeds

Nip not the gaudy blossoms of your love,

But that it bear this trial and last love;

Then, at the expiration of the year,

Come challenge me, challenge me by these deserts,

And by this virgin palm now kissing thine,

I will be thine. (5.2.768‑781)

La princesse elle aussi prête serment, mais le public peut être assuré qu’elle va

tenir son engagement. L’image du jeûne reprend les termes du contrat passé

entre les jeunes hommes au début de la pièce et celles du gel et de la mort

de la végétation, ceux de la chanson de l’hiver, tissant ainsi de manière ferme

le lien entre les deux contrats qui encadrent la pièce, ce qui fait ressortir

d’autant plus le contraste entre eux. On remarquera aussi que la princesse utilise

le vocabulaire du duel (« challenge me »), qui rappelle les joutes verbales que

se sont livré les hommes et les femmes tout au long de la pièce.

Les femmes ne rejettent pas la rhétorique en bloc, pas plus que ne le fait

Shakespeare. Rien n’est à exclure de manière absolue. Love’s Labour’s Lost ne fait

pas l’apologie d’un type de discours au détriment d’un autre : c’est avant tout

un débat sur le bon usage de l’imagination, de la créativité et de la rhétorique.

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“Not like an old play”: Love’s Labour’s Lost

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Design de la couverture : Xavier LucasConception graphique : Maylis Point

Achevé d’imprimer pour le compte des Éditions Fahrenheit par l’imprimerie Pulsio à Sofia, en Bulgarie

Dépôt légal : novembre 2014 – Imprimé en Europe