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LA GUERRE ET SES TRACES

2014- A. Gorgues, R. Rubio Rivera, A. Bertaud, La Cerca de Aguilar de Anguita (Guadalajara, Espagne): un camp militaire romain d'époque républicaine ? L'apport des nouvelles fouilles

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LA GUERRE ET SES TRACES

- AUSONIUS ÉDITIONS -— Mémoires 37 —

LA GUERRE ET SES TRACESConflits et sociétés en Hispanie

à l’époque de la conquête romaine (IIIe-Ier s. a.C.)

textes réunis par

François Cadiou & Milagros Navarro Caballero

— Bordeaux 2014 —

Notice catalographiqueCadiou, F. et M. Navarro Caballero (2014) :La guerre et ses traces. Conflits et sociétés en Hispanie à l’époque de la conquête romaine (IIIe-Ier s. a.C.), Ausonius Mémoires 37, Bordeaux.

Mots-clé : péninsule Ibérique ; provinces romaines ; époque républicaine ; guerre ; conquête romaine ; archéologie militaire ; camps romains ; numismatique ; armée romaine ; épigraphie.

AUSONIUSMaison de l’ArchéologieUniversité de Bordeaux - MontaigneF - 33607 Pessac Cedexhttp://ausoniuseditions.u-bordeaux-montaigne.fr

Directeur des Publications : Olivier DEVILLERSSecrétaire des Publications : Nathalie PEXOTOCouverture : Stéphanie VINCENT PÉREZ

© AUSONIUS 2014ISSN : 1283-2995ISBN : 978-2-35613-096-9

Achevé d’imprimer sur les pressesde l’imprimerie Gráficas Calima, S.A.Avda Candina, s/nE - 39011 Santander - Cantabria - Espagne

juin 2014

La Cerca de Aguilar de Anguita (Guadalajara, Espagne) : un camp militaire romain d’époque républicaine ?

L’apport des nouvelles fouillesAlexis Gorgues, Rebeca Rubio Rivera, Alexandre Bertaud,

avec la collaboration de Florent Comte, Florian Gonzalez & Romain Valette

– La guerre et ses traces, p. 99 à 132

D ans le cadre du programme La guerre et ses traces. Conflits et sociétés en Hispanie à l’époque de la conquête romaine (IIIe-Ier s. a.C.) 1, une équipe franco-espagnole composée pour l’essentiel d’archéologues des universités de Bordeaux 3 et de Castilla-la Mancha (antenne de Tolède) a conduit entre 2009 et 2010 une

fouille archéologique sur le site de La Cerca de Aguilar de Anguita, connu de longue date et très lié, dans l’historiographie, à la conquête de l’Hispanie par Rome. Environ un siècle après les premiers travaux, menés par le Marquis de Cerralbo, nous proposons ici un bilan des recherches intégrant le résultat des opérations récentes, afin de proposer de nouvelles pistes tant au niveau interprétatif que méthodologique.

LA CERCA DE AGUILAR DE ANGUITA : UN SITE, UN SIÈCLE DE RECHERCHES, ET BIEN PEU DE FOUILLES

Localisation et description généraleLe site de La Cerca (Aguilar de Anguita) se trouve au nord de la province de Guadalajara (Castilla la Mancha, Espagne ;

fig. 1). Il occupe la partie orientale d’un plateau calcaire qui domine au nord-ouest la vallée du Tajuña, un affluent du Tage (fig. 2).

1. Cette recherche a aussi bénéficié d’une subvention spécifique en 2009, dans le cadre du Programme de Subventions pour le financement de recherches sur le Patrimoine Historique et Ethnologique de la Direction Générale du Patrimoine Culturel (Conseil de la Culture, du Tourisme et de l’Artisanat de la Junta de Castilla-La Mancha (Resolution du 30/06/2009, DOCM 16/07/2009).

La Cerca

0 100 200 km

0

250

500

1000

Altitudeen m

| Fig. 1. Localisation du site de La Cerca de Aguilar de Anguita (Guadalajara, Espagne).

| Fig. 2. Photographie aérienne du site vu du nord-est. Notez l’extension du plateau qu’occupe l’enceinte (cl. F. Didierjean).

100 – ALEXIS GORGUES, REBECA RUBIO RIVERA, ALEXANDRE BERTAUD...Éléments  sous  droit  d’auteur  -­  ©  Ausonius  Éditions  juillet  2014

Le toponyme “La Cerca” est traditionnel. Il fait allusion aux restes de muraille qui ont toujours affleuré dans ce secteur, et que pouvaient bien évidemment voir les habitants du lieu. Cette dénomination fut retenue par Enrique de Aguilera y Gamboa (Marquis de Cerralbo) lorsqu’il relata les fouilles qu’il avait conduites sur le site dans les années 1910, et elle s’est maintenue jusqu’à nos jours dans la bibliographie.

L’enceinte délimite une superficie de 12,43 ha, ce qui correspond environ au quart de l’extension totale du plateau. L’altitude maximale de l’aire interne est de 1158 m, alors que le point le plus élevé de la hauteur se trouve au nord (1162 m, à l’extérieur de la muraille).

De nos jours, la muraille de La Cerca est en grande partie visible en superficie : on peut observer sur l’essentiel du tracé plusieurs assises des parements interne et externe, à l’exception de quelques portions des secteurs sud-ouest et nord-ouest, presque totalement arasés ou recoupés par des enclos à bétail contemporains. Comme on l’a dit, sa partie supérieure a toujours dû affleurer, mais le fait qu’elle soit pour ainsi dire partout observable jusqu’à ses assises inférieures est imputable à l’intervention de Cerralbo. En effet, celui-ci a fait creuser deux tranchées la longeant à l’intérieur comme à l’extérieur.

Histoire de la rechercheLe site de La Cerca fut fouillé entre 1912 et 1915, dans le cadre de l’intense activité archéologique déployée par le

Marquis de Cerralbo dans la zone, qui était cependant principalement centrée sur l’exploration des nécropoles celtibères découvertes sur la commune d’Aguilar de Anguita ou alentours. La nature et les résultats de ses travaux à La Cerca sont mal connus, puisqu’il n’en publia que des descriptions très fragmentaires.

Cerralbo fait succinctement allusion à La Cerca dans deux de ses ouvrages. Il mentionne d’abord la découverte, en 1912, de ce qu’il qualifie de “grand mur” (gran muro) sans constructions internes. Il identifie d’emblée le site comme un camp romain d’été, qu’il se propose de fouiller 2.

Après avoir mené ces fouilles à bien, il en publie un bref résumé dans lequel il fait allusion au fait que la muraille était dotée de “tours carrées avec des escaliers en pierre” (torres cuadradas con escaleras de piedra) et qu’il a mis au jour les quatre portes “réglementaires” (reglamentarias), ce qui confirmerait selon lui son interprétation de l’ensemble comme un camp romain. De plus, il évoque de manière très générale la diversité du mobilier archéologique récupéré, avant de finalement conclure que le site était “ibéro-romain” (iberorromano) 3.

Au-delà de ces informations très ponctuelles, nous avons pu accéder à une source documentaire inédite éclairant la conduite des fouilles de La Cerca. Il s’agit de la correspondance que Rafael Portela, curé de la paroisse d’Aguilar de Anguita, a adressée au marquis de Cerralbo, et qui est conservée dans les archives du Musée Cerralbo 4. Dans ses lettres, Rafael Portela, en tant que responsable des fouilles archéologiques sur le site même, ainsi que d’autres qu’il supervisait en parallèle, faisait régulièrement état de l’avancée des travaux 5. Malheureusement, les détails qu’il relate sont très sommaires (mises à part quelques allusions spécifiques à des pièces particulières), et les croquis qu’il propose en annexe (comme un dessin de l’enceinte sous une forme rectangulaire) s’éloignent considérablement de la réalité pour épouser les contours théoriques d’un camp romain tels qu’on les restituait à l’époque, avec un tracé régulier et quatre portes identifiées par leur dénomination latine habituelle. Cependant, cette documentation reste utile pour appréhender le rythme d’avancement des travaux et se faire une idée du caractère précaire de la méthodologie mise en œuvre. De façon générale, les travaux supervisés par le curé de paroisse local se centrèrent sur la mise au jour de l’enceinte par le percement de deux tranchées (une à l’intérieur, l’autre à l’extérieur) sur la totalité du périmètre, complétée par la réalisation de quelques sondages sur le site lui-même. Les conditions des fouilles de Cerralbo en elles-mêmes, auxquelles s’ajoutent les vicissitudes subies par le mobilier archéologique (déposé par la suite au

2. Aguilera & Gamboa 1912, 9.3. Id. 1916, 83-85.4. Nous remercions la conservatrice du Museo Cerralbo, Rebeca Recio Martín, pour les précieuses informations qu’elle a pu nous

apporter sur cette correspondance et pour nous avoir facilité l’accès à celle-ci.5. D’après les dates reportées sur les lettres, Rafael Portela participa à la supervision des fouilles de La Cerca dès le début de celles-ci,

en 1912, et jusqu’à leur arrêt fin 1915 (sa dernière lettre faisant référence aux fouilles de La Cerca date de novembre 1915). Plus ponctuelle fut l’incorporation comme responsable d’une partie des fouilles d’un autre curé de paroisse des alentours : Pedro Álvaro, curé d’Anguita, qui contrôla en mai et juin 1914 le secteur sud. Il communiqua ses résultats au Marquis au travers de quatre missives.

LA CERCA DE AGUILAR DE ANGUITA (GUADALAJARA, ESPAGNE) : UN CAMP MILITAIRE ROMAIN D’ÉPOQUE RÉPUBLICAINE ? – 101 L’APPORT DES NOUVELLES FOUILLES

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Musée Archéologique National de Madrid) 6, ont clairement compromis toute possibilité de définir l’horizon chrono-culturel auquel appartient le site.

En parallèle, nous disposons d’une autre source d’information : les commentaires que fit l’archéologue allemand A. Schulten sur les fouilles de Cerralbo à La Cerca 7. Il émit l’opinion que Cerralbo s’était contenté de “nettoyer” la muraille et de réaliser quelques “trous isolés” (hoyos aislados) à l’intérieur de l’enceinte, en fonction d’une méthode trahissant son amateurisme. Schulten visita le site en personne 8 et s’intéressa ensuite à l’enceinte. Il chargea son assistant, le général Lammerer, d’en réaliser un plan sur fond topographique, un document qui fait encore référence de nos jours (fig. 3). Cinq portes ainsi que les tours dotées d’escaliers y furent reportées. Celles-ci furent décrites par Schulten comme des batteries d’artillerie (batterien). Il interprétait à son tour le site comme un camp romain d’époque républicaine, une interprétation qui s’est fossilisée dans le discours scientifique jusqu’à une date récente.

L’article nettement plus récent de J. Sánchez-Lafuente s’inscrit en effet dans cette tradition 9. Ce travail propose un état des recherches, mais l’identification du site comme un camp romain est très explicite et ne fait pas l’objet d’une discussion réelle puisqu’elle apparaît dans le titre. Les conclusions de cet auteur n’en présentent pas moins une certaine incohérence, puisqu’il propose d’attribuer l’origine du site (de même que son enceinte) à un contexte indigène 10. Ce ne serait selon lui que par la suite qu’un camp romain aurait occupé le même emplacement. Bien que Sánchez-Lafuente n’approfondisse pas cette idée, il peut sembler contradictoire que, d’une part l’identification du camp romain soit basée sur les caractéristiques de la muraille et l’absence de structures construites à l’intérieur de l’enceinte et que, d’autre part, on utilise les mêmes arguments pour proposer de façon ambigüe l’existence de deux phases successives, la première indigène et la seconde romaine.

Allant encore au-delà des propositions de Sánchez-Lafuente, J. Valiente affirme un peu moins de vingt ans plus tard, dans son guide archéologique de la province de Guadalajara, que les caractéristiques de la muraille de La Cerca sont indigènes, semblables à celles du castro de Guijosa. Il considère donc le site comme une ville celtibère 11. Son argumentation manque toutefois d’une étude consacrée spécifiquement à la fortification.

Cette interprétation est cependant demeurée marginale, et le consensus entre les spécialistes est resté durablement structuré autour de l’identification du site comme un camp romain républicain 12. De fait, La Cerca occupe actuellement une position privilégiée dans l’historiographie de la conquête romaine, puisqu’on considère ce site, aux côtés de Renieblas et de Cáceres el Viejo, comme un des camps romains d’époque républicaine dont l’identification est la plus assurée 13.

Dans cette optique s’inscrit encore la récente synthèse de J. Sánchez-Lafuente 14 proposée dans la Guía arqueológica de los asentamientos militares de época romana en Hispania, où il confirme son interprétation de La Cerca comme un camp romain d’époque républicaine. À cette occasion, il en vient à préciser que ce camp doit être relié aux guerres celtibères du fait de sa position à proximité d’une série de castros de petites dimensions et surtout de celui, beaucoup plus étendu, du Castejón de

6. La méthode de fouille en elle-même est très discutable, ne serait-ce que par la non attribution du mobilier à un contexte plus spécifique que le site considéré de façon globale. À ce problème se sont ajoutés le mélange d’objets issus de différentes fouilles et la perte des références permettant de connaître leur origine exacte (Barril & Salve 1998, 47-90). Une des rares indications données par Cerralbo concernant le mobilier de La Cerca évoque un ensemble découvert à “90 cms” de profondeur qui comprenait de la campanienne A, de la céramique celtibérique, ainsi que des objets de fer et de bronze (Aguilera & Gamboa 1916).

En dépit de cela, la récupération récente d’un inventaire réalisé par J. Cabré a permis d’attribuer quelques objets au site de La Cerca, même si des doutes planent encore sur leur identification exacte. Nous remercions Magdalena Barril, conservatrice du Musée Archéologique National de Madrid, pour sa disponibilité et pour nous avoir permis d’accéder à ces informations.

7. Schulten 1929, 191.8. Cette visite de Schulten est mentionnée par le curé Rafael Portela, dans sa lettre du 25 septembre 1912.9. Sánchez-Lafuente 1979.10. L’auteur considère dans un développement aussi bref que général qu’il “existe des techniques de construction particulières, comme

la disposition défensive des portes, obtenue par l’escamotage du retour perpendiculaire, qui rappellent les formes architecturales indigènes” (existen determinadas técnicas constructivas, como la disposición defensiva de las puertas a base de hacer desmontes al lienzo perpendicular que nos recuerdan formas indígenas de construcción). Ce fait, ajouté à la présence de mobilier celtibère, l’amène à proposer comme “hypothèse de travail” que le site ait été à une époque ancienne un poblado celtibère sur l’emprise duquel se serait par la suite développé le camp romain (Sánchez-Lafuente, 1979, 82).

11. Valiente Malla 1997, 75 sq.12. Entre autres : Blázquez 1999, 115-117 ; Morillo 1991, 149 ; 2003, 46 sq. ; 2008, 75 sq.13. Morillo 1991, 149-150.14. Sánchez-Lafuente 2007, 223-226.

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| Fig. 3. le plan du “camp d’Aguilar”, de Lammerer, in : Schulten 1929, pl.XXXI.

LA CERCA DE AGUILAR DE ANGUITA (GUADALAJARA, ESPAGNE) : UN CAMP MILITAIRE ROMAIN D’ÉPOQUE RÉPUBLICAINE ? – 103 L’APPORT DES NOUVELLES FOUILLES

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Luzaga – qu’il identifie avec l’ancienne Lutia –. Il considère en revanche moins probable que l’emplacement du site ait été lié à l’assaut sur Segontia ou sur Ocilis (Medinaceli), trop éloignés de ce qui devait être pour lui un camp de base romain 15.

Récemment, F. Cadiou, dans le cadre de ses recherches sur l’armée romaine d’époque républicaine en Espagne, a repris de façon systématique la documentation concernant les sites interprétés comme des camps romains 16. Il a pu ainsi démontrer le caractère artificiel, voire erroné, de certaines des identifications de Schulten, basées sur une concordance supposée entre les indications données par les sources écrites et la localisation d’un site fortifié de morphologie compatible avec ce que l’on attend habituellement d’un camp romain.

Surtout, F. Cadiou met en exergue le poids historiographique fondamental du savant allemand, de son auctoritas certes liée à sa connaissance approfondie des textes littéraires et à son important travail de terrain, mais dont le lustre a souvent conduit les archéologues a accepter des identifications dépourvues de fondement archéologique. En ce qui concerne plus spécifiquement le site de La Cerca, il souligne l’inconsistance totale des éléments sur lesquels repose l’idée qu’il s’agirait d’un camp romain, qui n’a jamais fait l’objet d’une confirmation empirique 17.

LE SITE : MORPHOLOGIE GÉNÉRALE ET TRACÉ DE L’ENCEINTE

La topographie du site et, plus particulièrement, le parcours de l’enceinte, montrent qu’un certain nombre de choix ont été faits au moment d’en poser les premières pierres. Ainsi, il ne fut pas implanté dans le secteur bénéficiant des meilleures défenses naturelles, au nord du promontoire, où les pentes sont plus escarpées et le dénivelé plus fort. Au contraire, il s’étend entre la partie centrale du plateau et les pentes orientales, qui dominent la vallée du Tajuña. À cet endroit, la muraille englobe un terrain marqué par de forts dénivelés qu’elle épouse afin de suivre au mieux la rupture de pente.

La longueur totale de l’enceinte est de 1400 m. Elle présente une forme presque polygonale, dans le tracé de laquelle prédominent les tronçons rectilignes. Les portions courbes correspondent aux changements de direction les plus significatifs de la muraille, ainsi qu’à une profonde inflexion curviligne dans le secteur nord-ouest. Au sud-est, elle épouse les contours de terrain pour intégrer un éperon naturel constituant ainsi une sorte de bastion avancé.

Depuis le tracé du plan de Lammerer (qui pourtant inclut un cinquième accès au niveau de l’angle sud-ouest), on considère que la muraille était percée par quatre portes, comme le signale par ailleurs Cerralbo lui-même 18. De nos jours, seule la porte nord est véritablement reconnaissable (fig. 4), comme nous le verrons plus loin, contrairement aux portes sud et ouest, que l’on distingue à peine sous la forme de lacunes dans le parcours de l’enceinte, mais dont on ne discerne aucun élément architectural significatif. Au niveau de ces trois portes, le tracé de la muraille peut être marqué par une inflexion (à l’ouest) ou un décrochement (au sud). Le niveau d’arasement de la muraille à l’est n’a pas permis de confirmer si la porte dessinée par Lammerer correspondait à un aménagement réel ou plutôt à une destruction plus récente. Ce qui semble certain, en revanche, c’est que l’autre interruption de la muraille que l’assistant de Schulten dessine au niveau de l’angle sud-ouest correspond à un arasement progressif dû au fait que des troupeaux ont régulièrement accédé à l’intérieur de l’enceinte à travers ce passage. Les portes sont plus ou moins placées au centre des tronçons qu’elles interrompent, même si une importante marge

15. Sánchez-Lafuente 2007, 226.16. Cadiou 2008, 296-310.17. Ibid., 296 sq.18. Aguilera & Gamboa 1916, 83 sq.

| Fig. 4. la porte nord en février 2008 (cl. A. Gorgues).

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d’approximation permettait l’adaptation au terrain, comme au nord, par exemple. Cette observation (ainsi que la disposition des portes) avait amené Schulten à restituer les tracés d’un cardo et d’un decumanus, structurant par des axes réguliers la morphologie du site. De ce point de vue, on peut toutefois remarquer que ces axes découpent l’emprise totale de l’enceinte en quatre quarts de superficies très inégales. Le tracé des portes, tel qu’il fut relevé par Lammerer, semble correspondre à l’ouest à une porte frontale, et sur les trois autres côtés à des portes en baïonnette, voire, au nord, à une porte à recouvrement.

Comme on le verra plus tard de façon approfondie, la muraille présente un double parement de pierre bien équarries et assisées, contenant un blocage de pierres et d’éclats calcaires liés à l’argile. La largeur de la muraille atteint les 2 m, même si par endroit elle peut se réduire jusqu’à 1,80 m. L’état de conservation actuel de cet édifice est très variable : dans certaines zones, il a été complètement arasé alors que dans d’autres, il est conservé sur 1 m de haut (fig. 5).

Les épaississements ponctuels apparaissant sur le plan de Lammerer furent d’abord identifiés par Cerralbo comme des tours (“des tours carrées avec leurs escaliers en pierre”) 19, une interprétation suivie par Schulten qui les considérait comme des tours d’artillerie 20. Sánchez-Lafuente ne les mentionne que dans une note de bas de page, et les qualifie de “contreforts internes”, une interprétation qu’il reprend dans sa synthèse la plus récente en les décrivant comme des “petites structures” de consolidation de la muraille 21. Comme on le verra, ces structures très étroites (larges d’environ 1,35 m et longues d’environ 6 m) peuvent en fait être interprétées comme la base d’escaliers permettant l’accès à la partie supérieure le mur d’enceinte.

D’après ce que l’on peut observer en superficie, seize de ces escaliers permettaient la desserte du chemin de ronde (un chiffre correspondant avec celui que l’on peut déduire du plan de Lammerer, mais il est possible que certaines d’entre elles aient complètement disparu : fig. 6). Leur répartition est irrégulière, mais leur densité semble augmenter aux endroits les plus exposés, par exemple à proximité des portes ou aux points d’inflexion du tracé.

19. Aguilera & Gamboa 1916, 84.20. Schulten 1929, 192.21. Sánchez-Lafuente 2007, 224.

| Fig. 5. la muraille dans son tracé nord en 2008. Notez les dépressions laissées par les fouilles de Cerralbo (cl. A. Gorgues).

| Fig. 6. Une des “tours”, en fait une base d’escalier, au sud-est du site, photographiée en 2008 (cl. A. Gorgues).

LA CERCA DE AGUILAR DE ANGUITA (GUADALAJARA, ESPAGNE) : UN CAMP MILITAIRE ROMAIN D’ÉPOQUE RÉPUBLICAINE ? – 105 L’APPORT DES NOUVELLES FOUILLES

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LES INTERVENTIONS RÉCENTES

Problématiques et conduite de l’opérationLes critiques récentes de F. Cadiou soulignaient bien l’indigence des données disponibles concernant La Cerca,

et la disproportion totale entre celles-ci et la nature des analyses proposées : le site était interprété dans une perspective évènementielle alors même qu’on ne disposait d’aucun élément précis de chronologie ! Parallèlement à cela, l’interprétation fonctionnelle était très aboutie et formulée en des termes extrêmement spécifiques, alors même qu’aucun élément autre que la muraille ne permettait de la discuter. Ce site constituait donc un terrain d’expérimentation idéal dans la double optique qui était celle de notre programme : remettre à plat le dossier documentaire et discuter des méthodes en fonction desquelles nous élaborons notre documentation de base. Notre postulat de départ était qu’aucune interprétation de ce site à la morphologie très spécifique ne pouvait être proposée avant d’avoir d’une part établi la chronologie de la muraille et d’autre part caractérisé socio-culturellement, autant que faire se peut, la population à l’origine de cet établissement.

Les réalités du terrain influèrent pleinement sur la stratégie de fouille. Sur l’essentiel de l’espace enclos par la muraille, le substrat rocheux calcaire était visible (fig. 7), ce qui trahissait d’une part la faiblesse des apports sédimentaires d’origine anthropique (ceux d’origine naturelle ne pouvaient être que négligeables) et d’autre part l’importance des phénomènes d’érosion. Ces derniers étaient cependant contrebalancés en périphérie du site par la présence, en élévation au-dessus du sol, des vestiges de la muraille qui nécessairement devaient avoir fait obstacle à l’érosion. C’était donc à ce niveau que nous avions les meilleures chances d’obtenir une séquence stratigraphique bien conservée. De ce fait, une fouille en extension (zone 1) fut établie dans un des secteurs du site où la muraille était la mieux conservée, au nord (fig. 8 et 9). Par ailleurs, afin de cerner de la façon la plus précise possible la morphologie de cet édifice – dont on a vu qu’il occupait une place prépondérante dans les analyses portant sur la Cerca – la porte nord fut réétudiée, là encore en extension (zone 2), dans le but d’en clarifier la planimétrie et de récupérer d’éventuels éléments de stratigraphie.

| Fig. 7. photographie aérienne du site de la Cerca, vu du sud (cl. F. Didierjean, C. Petit-Aupert). Notez l’omniprésence des affleurements calcaires, très visibles sous la maigre végétation.

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| Fig. 8. implantation des zones de fouille, reportée sur le plan de Lammerer (in : Schulten 1929, pl. XXXI).

| Fig. 9. Le nord du site de La Cerca à l’issue de la campagne de 2009 (cl. F. Didierjan). La photographie est prise depuis le sud-ouest. Au nord de l’entrée, à gauche sur le cliché, l’enclos correspondant à notre zone 3, implantée l’année suivante. Nos fouilles ont montré sans ambiguïté que cette structure était en fait récente, en dépit de son niveau d’arasement. La zone 4 n’était pas encore implantée à proprement parler, mais avait déjà fait l’objet d’un sondage d’évaluation.

LA CERCA DE AGUILAR DE ANGUITA (GUADALAJARA, ESPAGNE) : UN CAMP MILITAIRE ROMAIN D’ÉPOQUE RÉPUBLICAINE ? – 107 L’APPORT DES NOUVELLES FOUILLES

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Des structures bâties se différenciant fortement des structures agraires qui pouvaient par endroit recouper la muraille ou des irrégularités de terrain étaient par ailleurs identifiables à l’intérieur de l’enceinte ou sur ses abords immédiats. Les photographies aériennes de F. Didierjean et C. Petit-Aupert 22 avaient par exemple mis en évidence à l’extérieur un enclos de forme trapézoïdale aux murs très arasés situé à environ 125 m dans l’axe de la porte nord : un sondage perpendiculaire au mur est de cette structure (zone 3) avait pour but d’établir si elle était ou non synchrone de la muraille. Elle s’est en fait avérée beaucoup plus récente : son effondrement couvrait une couche de terre végétale. Une anomalie topographique située à environ 30 m au sud de la zone 1, qui apparaissait en superficie comme une dépression d’ampleur limitée, a en outre fait l’objet d’une fouille (zone 4). Deux autres sondages portant sur des structures bâties superficielles ou des anomalies topographiques ont également été réalisés, l’un sur la partie sommitale du site, l’autre dans la partie est. Ils se sont avérés négatifs, et ne seront donc pas présentés ici.

Cette stratégie, d’ampleur limitée du fait que nous ne pouvions intervenir qu’avec des équipes réduites dépourvues de moyens mécaniques, visait à évaluer dans un premier temps le potentiel du site pour, dans un second temps, le caractériser d’un point de vue archéologique. L’opération a été divisée en deux campagnes de trois semaines (2009 et 2010).

La zone 1

Morphologie générale de la zone (fig. 10 et 27)La fouille de la zone 1 a occupé les deux campagnes.

Dans un premier temps, l’aire de travail avait la forme d’un rectangle de 18 X 4 m d’orientation sud-ouest/nord-est, à cheval sur la muraille. Elle fut dès l’origine divisée en deux secteurs: à l’intérieur, le secteur 1, à l’extérieur, le secteur 2.

Cette implantation était liée à notre principale problématique initiale : récupérer une séquence stratigraphique permettant la datation de l’enceinte. Or, les véritables fossés creusés le long des parements de la muraille par les équipes de Cerralbo semblaient avoir détruit les relations stratigraphiques de cet édifice avec son environnement. L’extension de la fouille devait cependant permettre de vérifier si la muraille avait compartimenté la sédimentation archéologique, et, si oui, à partir de quand : toute couche retrouvée à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’enceinte pouvait être considérée antérieure à sa construction.

Comme on le verra, la première campagne a permis l’identification d’une structure de combustion qui s’engageait sous la berme ouest de notre fouille. Afin de pouvoir l’étudier, nous en avons donc, en 2010, élargi l’emprise de 4 m vers l’ouest, sur une largeur d’environ 3,5 m à partir du parement interne de la muraille, lui donnant ainsi l’allure générale d’un L dont la haste serait orientée perpendiculairement au parement interne.

22. Réalisées également dans le cadre du programme GuerrEspagne.

Enclume ?

11012-

11011-

11013-

11001

FY 11027

11020

11003

0 1

Substrat calcaire

3 m

10001

10003

11034

11033

Z1= -1,05Z2= -1,18Z3= -1,07Z4= -1,10Z5= -1,13Z6= -1,08Z7= -1,08Z8= -1,08Z9= -1,06Z10= -0,93

1103211032

| Fig. 10. planimétrie de la zone 1 en fin de fouilles.

108 – ALEXIS GORGUES, REBECA RUBIO RIVERA, ALEXANDRE BERTAUD...Éléments  sous  droit  d’auteur  -­  ©  Ausonius  Éditions  juillet  2014

Description de la stratigraphie (fig. 11 et 12) 23

La muraille et son architectureL’arase (US- 10 002) de la muraille (US 10 001) était visible en surface avant même le début de la fouille ; ses contours

étaient d’ailleurs soulignés par les tranchées creusées de part et d’autre par les équipes de Cerralbo (US- 11 006 et 12 015). D’une largeur moyenne d’approximativement 2 m, la muraille était bâtie directement sur le substrat rocheux. De ce fait, elle segmentait la sédimentation archéologique en deux ensembles différents correspondant à nos deux secteurs de fouille. Ses deux parements étaient constitués de blocs en pierre calcaire locale, aux faces externes bien dressées, disposés en carreau et liés à l’argile. Les moellons du parement interne présentaient un module assez régulier, avec des arêtes d’environ 25/30 cm et une épaisseur souvent comprise entre 10 et 15 cm (fig. 13). Les assises supérieures du parement externe présentaient les mêmes caractéristiques. En revanche, son assise inférieure était constituée de blocs de module irrégulier, beaucoup plus gros que ceux décrits précédemment : ils pouvaient atteindre les 80 cm de long pour 40 cm de haut (fig. 14), leur profondeur nous restant inconnues. Ces gros blocs de fondation étaient d’épaisseur très variable. Ils ne fournissaient de ce fait qu’une superficie très irrégulière sur laquelle bâtir, qu’épousaient au mieux, les blocs de plus petit module placés au-dessus. Ces deux parements contenaient un blocage de petits moellons calcaires disposés de façon aléatoire, pris dans une matrice argileuse (fig. 15).

Au sud, un massif rectangulaire de blocs liés à l’argile venait s’appuyer contre le parement interne de la muraille (US 10 003 ; fig. 16). Ce massif, long d’approximativement 6 m et large d’environ 1,30 m, était parementé au sud et à l’est à l’aide de gros blocs calcaires, aux faces bien dressées, qui pouvaient être placés en carreau ou de chant. L’arase (US- 10 004) se trouvait à un niveau inférieur de celle de la muraille: seule l’assise inférieure du parement était conservée, avec quelques lacunes toutefois. À l’ouest, cette structure était délimitée sur toute sa largeur par un seul bloc aux faces externe et supérieure très bien équarries. Ce bloc, d’une hauteur d’un peu plus de 25 cm, constitue en fait le premier degré d’un escalier, comme le prouve sans aucune ambiguïté l’observation d’autres structures similaires visibles en superficie du site (fig.17 et 18). Cette structure peut donc d’ores et déjà être interprétée comme la base d’un escalier servant à atteindre le chemin de ronde couronnant la muraille. Comme on le verra, elle ne vint compléter le dispositif de défense du site que dans un second temps.

23. La numérotation des unités stratigraphiques (US, US- pour les US négatives) est construite de la façon suivante : le chiffre des dizaines de milliers correspond à la zone, celui des milliers au secteur, en deçà de la centaine à l’entité elle-même. L’indication du secteur constitue une indication topographique, qui n’influe pas sur la numérotation. Lorsque l’US n’est attribuée à aucun secteur en particulier (c’est souvent le cas de la muraille, qui sépare les différents secteurs), le chiffre des milliers est un 0.

Secteur 1 Secteur 2

0 1 5m

11 00711 01011 009

10 00310 001

10 002-

11 00511 01811 021 11 026

11 02911 027

11 006

10 004-

12 008

12 008

12 00812 016

12 017

12 01912 014

12 015-

11 02511020

Sud Nord

Secteur 1 Secteur 2

10 001

10 002-

11 00711 006-

11 005Substrat

11 018

11 022

11 021

11 010

10 020

12 008

12 00812 014

12 015-

12 016

12 01712 019

0 1 5m

Sud Nord

| Fig.11. Section stratigraphique nord/sud, à l’ouest de la zone 10, dans l’axe de la limite de fouille 2009.

| Fig. 12. Section stratigraphique nord/sud, à l’est de la zone 10, au niveau de la limite de fouille.

LA CERCA DE AGUILAR DE ANGUITA (GUADALAJARA, ESPAGNE) : UN CAMP MILITAIRE ROMAIN D’ÉPOQUE RÉPUBLICAINE ? – 109 L’APPORT DES NOUVELLES FOUILLES

Éléments  sous  droit  d’auteur  -­  ©  Ausonius  Éditions  juillet  2014 | Fig. 13. Le parement interne de la muraille 10 001, vu du sud

(cl. A. Gorgues).

| Fig. 16. Le massif 10 003, en fait une base d’escalier, après la fouille des tranchées de l’équipe Cerralbo, en 2010. Notez, à gauche, le bloc constituant la première marche de l’escalier (cl. A. Gorgues).

| Fig. 17. Une des bases d’escaliers visibles en superficie dans le tronçon oriental de l’enceinte (cl. A. Gorgues).

| Fig. 18. Une des bases d’escaliers visibles en superficie, vue de face. Les marches sont toujours à gauche, en regardant vers le parement interne de la muraille (cl. A. Gorgues).

| Fig. 15. La muraille 10 001, après la fouille du comblement récent des tranchées des équipes de Cerralbo, au cours de la campagne 2009 (cl. A. Gorgues). La photographie est vue de l’est.

| Fig. 14. La muraille 10 001, vue du nord. Notez la taille des blocs placés dans les assises inférieures (cl. A. Gorgues).

110 – ALEXIS GORGUES, REBECA RUBIO RIVERA, ALEXANDRE BERTAUD...Éléments  sous  droit  d’auteur  -­  ©  Ausonius  Éditions  juillet  2014

La stratigraphie du secteur 1 (fig. 19)L’ensemble du secteur, à l’exception des tranchées du début du XXe s., était colmaté par un niveau superficiel argileux

de couleur marron, de faible épaisseur (US 11 007, fig. 20). Au sud, il recouvrait directement l’US 11 009, une couche d’éclats calcaires pris dans un sédiment argileux marron dont la constitution a résulté de la dégradation du substrat rocheux sur lequel cette couche reposait. 11 007 remplissait également une série de dépressions circulaires altérant à la fois 11 009 et le lit rocheux (US- 11 011, 11 012 et 11 013 ; fig. 21). Ces trois dépressions étaient disposées selon un axe relativement cohérent d’orientation sud-ouest/nord-est. Leur diamètre à l’ouverture, compris entre 20 cm (pour 11 013) et 35 cm (pour 11 011), n’est pas très élevé, pas plus que leur profondeur, comprise entre 9 et 12 cm. Plutôt que des trous de piquets ou de petits poteaux, ces dépressions semblent à interpréter comme de petits bassins de décalcification de constitution progressive, d’où leur remplissage par la couche 11 007.

En fait, l’essentiel de la sédimentation archéologique du secteur 1 était conservé dans une dépression délimitée au nord par la muraille et au sud par une arête calcaire orientée sud-est/nord-ouest, en oblique par rapport au parement interne de l’enceinte. Sa partie supérieure était constituée par l’US 11 010, une couche d’éléments calcaires de toutes tailles, parmi lesquels on pouvait reconnaître des blocs comparables à ceux mis en œuvre dans le parement du rempart (fig. 21). Ces matériaux étaient inclus dans une matrice argileuse marron. Les caractéristiques de cette couche (répartition et densité des inclusions, notamment) ne laissent pas de doute sur le fait que son accumulation résulte de l’effondrement d’une partie du rempart vers l’intérieur. La densité des blocs et leur module augmentaient vers l’ouest, au niveau de l’extension du secteur en 2010, des caractéristiques peut-être plus spécifiquement dues à la dégradation de l’escalier.

Sous ce niveau d’effondrement se trouvait une fine couche d’argile marron jaunâtre, présentant quelques inclusions de blocs et de charbon (US 11 018 = US 11 030), très proche dans sa morphologie de la couche immédiatement antérieure (US 10 022), dont l’extension était limitée à l’est du secteur.

11 007

11 009

11 011- 11 012- 11 013-

11 006-

11 005

11 010

11 018 = 11 030

11 022

11 021

11 026

11 029

11 028

11 03511 036

11 038

11 027

11 025

10 004-

11 020 = 11 037

10 003 (base d’escalier)

11 031

11 03311 034

MR 11 032

10 002-

MR 10 001

Substrat

FY 1

10 2

7

| Fig. 19. Diagramme stratigraphique du secteur 1 de la zone 1.

| Fig. 20. le secteur 1 de la zone 1, après décapage, vu du sud. L’US visible correspond à la 11 007 (cl. A. Gorgues).

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Sous ce niveau, on a pu fouiller deux strates de cendres mêlées à de l’argile (US 11 021 et 11 026). Ces deux couches présentaient un pendage vers le nord, suivant la pente naturelle du terrain. Leur matrice cendreuse trahit bien évidemment le fait qu’elles correspondent à des vidanges de foyer.

Elles recouvraient une structure très dégradée, interprétable sans équivoque comme un foyer de forge (FY 11 027 ; fig. 22). Cette structure était délimitée au nord par une paroi d’orientation est/ouest bâtie à l’aide d’un mélange argilo-sableux incluant de nombreux petits blocs de pierre (US 11 027) induré et légèrement rubéfié par l’action du feu. Large d’environ 50 cm, elle est conservée sur environ 2,5 m de long et 25 cm de hauteur. Au sud, elle est entièrement dégradée. Sous 11 026, l’extrémité est du foyer était colmatée par une couche de morphologie proche de celle de 11 027, mais incluant une forte proportion de cendre (US 11 028). Ce matériau provient probablement de l’effondrement de la paroi, de même peut-être que la couche 11 035, s’étendant au nord du foyer, de morphologie proche mais plus riche en cendre encore.

Le fond du foyer était occupé par une couche argileuse de couleur marron présentant en inclusions des cendres, des pierres de petit module et, surtout, six calottes de forge, pour un poids total de presque 2 kg 24 (US 11 029). Cette couche argileuse correspondait en fait aux réfections successives de la sole du foyer qui nous est apparue à la fois peu indurée et peu rubéfiée (entre autres parce qu’elle était isolée du contact direct du combustible par la cendre) ses contours exacts se sont avérés très difficiles à identifier. Seule la plus ancienne de ces soles, constituée d’une couche d’argile marron homogène, a pu être délimitée dans une grande partie de sa superficie (US 11 036). Elle reposait au nord sur un radier de petites pierres prises dans un sédiment gris foncé (US 11 038), et au sud directement sur le substrat rocheux. De ce côté-ci, elle était délimitée par un alignement de plaquettes calcaires placées de chant. Il est probable qu’à l’origine, le muret 11 027 ait délimité la totalité du foyer, et que ces pierres placées de chant appartiennent à sa partie inférieure. La structure d’entourage du foyer devait avoir une forme de fer à cheval ouvert vers l’est ou, plutôt, vers le sud-est 25. Une arête du substrat très aplanie dans sa partie supérieure, jouxtant le foyer à l’est, pourrait dans ce dernier cas être interprétée comme une enclume, que le forgeron aurait eue à sa droite.

Sous cette structure s’engageait une autre couche de cendre, l’US 11 025. Bien qu’antérieure au foyer, sa constitution est elle aussi liée au développement, à proximité immédiate, d’activités de forge. Elle a livré plus d’1,3 kg de calottes de forge (correspondant à cinq individus) sur un espace très restreint. L’US 11 025 est la première couche proche de la muraille à n’être pas coupée sur toute son épaisseur par la tranchée creusée par les équipes de Cerralbo (US 11 006-, colmatée par une

24. Les données liées à la métallurgie du fer à Aguilar de Anguita ont été étudiées par R. Valette dans le cadre de son mémoire de master 2 (Valette 2011). Sauf mention contraire, tous les éléments techniques concernant la forge mentionnés ici sont issus de ce travail.

25. Valette 2011, 86-87.

| Fig. 21. Le secteur de la zone 1, en cours de fouille (vu du sud. La largeur de la fouille est de 4 m. Au premier plan, les dépressions 11 011, 11 012 et 11 013. À l’arrière-plan, coupée par la tranchée des équipes de Cerralbo, l’US 11 010 (cl. A. Gorgues).

| Fig. 22. Le foyer FY 11 027, vu de l’est (cl. A. Gorgues). Il a été impossible de déterminer si le gros bloc visible à l’est de la structure est en position primaire ou s’il provient de l’effondrement de la muraille.

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couche de colluvions récents mêlés à des blocs provenant de l’effondrement du rempart, l’US 11 005). Ses relations stratigraphiques étaient ponctuellement préservées à l’ouest, ce qui a permis d’établir qu’elle s’appuyait contre l’escalier 10 003.

Cette couche reposait sur un niveau de pierres liées à l’argile et incluant beaucoup de cendres, vraisemblablement un niveau de sol aménagé (US 11 020 = 11 037). Celui-ci s’appuyait contre le parement interne de la muraille 10 001, mais passait en revanche sous l’escalier 10 003, démontrant par là-même qu’un certain temps s’était écoulé entre la construction de la portion linéaire de la muraille et l’adjonction postérieure des escaliers. 11 020 ne fut fouillée qu’en partie, sur une emprise d’environ 2,5 m de long pour 2 m de large, au nord-est du secteur. Ce sondage a livré les vestiges d’un mur ou d’un muret bâti à l’aide de petits blocs liés par une argile marron (US 11 032) d’une largeur comprise entre 30 et 45 cm, d’orientation sud-est/nord-ouest (fig. 23). L’arase de cette structure apparaissait

ponctuellement en superficie au niveau de l’interface supérieure de l’US 11 020, et s’engage très nettement sous l’angle de l’escalier 11 003. Le muret délimitait deux bassins sédimentaires. Au nord, s’appuyant à la fois contre 11 032 et contre le parement interne de la muraille 10 001, l’US 11 034 correspondait à un niveau d’argile cendreuse qui recouvrait directement le substrat rocheux. Au sud, l’US la plus superficielle était 11 031, de morphologie proche à celle de 11 034. Elle recouvrait un niveau de chaux très compact, mais de faible épaisseur, présentant quelques inclusions de cendre, l’US 11 033.

La constitution de cet ensemble ancien au sein de la stratigraphie s’intercale donc entre la construction de la partie linéaire de la muraille (l’US 10 001) et celle de l’escalier (US 10 003). L’absence de matériel issu de ce sondage de faible extension ne permet pas d’émettre d’hypothèse sur le laps de temps qui s’est écoulé entre ces deux étapes de la construction. Cependant, la parenté observable dans les techniques de construction entre le muret 11 027 et le muret 11 032 permet sans doute d’interpréter ce dernier comme un élément délimitant une structure de combustion (ce qui correspond bien à la matrice cendreuse des US environnantes).

La stratigraphie du secteur 2 (fig. 17 et 18)La séquence stratigraphique observée au cours de la fouille du secteur 2 est nettement plus simple que celle du secteur

1, du fait notamment qu’elle est beaucoup plus régulière : toutes les US observées l’ont été sur l’ensemble du secteur, qui s’étendait sur approximativement 6 m à partir du parement externe de la muraille, en pente douce vers le nord.

Les premières unités stratigraphiques identifiées furent comme toujours liées aux fouilles de Cerralbo : la tranchée 12 015- courait parallèlement au parement de la muraille, sur environ 1,5 m de large. Sa partie supérieure était colmatée par un niveau de terre organique d’apport récent, qui s’était déposé sur toute l’extension du secteur (US 12 008). Sa partie inférieure, en revanche, était comblée par un niveau d’argile marron (US 12 014) incluant quelques éléments rougeâtres, issus de la dégradation d’un niveau archéologique sur lequel nous reviendrons plus loin. La tranchée Cerralbo recoupait d’abord deux niveaux de blocs liés à l’argile, marron clair pour le plus récent (US 12 016) et marron foncé, presque noire, pour le plus ancien (US 12 017). La densité des blocs était très élevée, et ceux-ci étaient de mêmes modules que ceux utilisés pour bâtir le rempart. Il ne fait donc aucun doute que l’accumulation de ces niveaux résulte de la dégradation de cet édifice. Ces couches couvraient un niveau d’argile de matrice rougeâtre qui, au sud, s’appuyait contre le parement de la muraille (US 12 019). Cette couche a livré des blocs, regroupés dans un cas sous la forme d’une poche. Ces blocs se trouvaient principalement dans la partie supérieure et médiane de l’US, mais la densité des inclusions allait en diminuant : son fond était constitué d’argile pure (fig. 24). Cette accumulation correspond de façon certaine à la dégradation d’une structure bâtie. La découverte de poches grises de section très linéaire évoque la présence d’un liant donnant de la cohésion au matériau de construction (fig. 25). Cet élément, ainsi que l’absence de sable ou de gros dégraissant, incitent à penser que cette couche résulte de la dégradation d’une structure d’adobes ponctuellement mêlées à des pierres.

| Fig. 23. MR 11 032, vu de l’est (Cl. A. Gorgues). Il s’engage nettement sous la base d’escalier 10 003 (à l’arrière-plan).

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Interprétation de la stratigraphie

Les problèmes de datationOn peut retenir que la totalité des US mises au jour dans le secteur 1 se sont déposées postérieurement à la

construction de la muraille. Malheureusement, l’indigence du mobilier ne permet pas d’être très précis quant à la datation de ces couches : la céramique, bien que présente, est très fragmentée (cf. annexe). L’absence d’importations ne permet aucun ancrage solide sur la base de l’étude de ce matériau, du moins au niveau de la zone 1. Toutefois, la découverte de deux monnaies en stratigraphie permet de préciser les choses. Dans l’US 11 018, une monnaie de Sekia présentant au droit une tête masculine barbue à droite avec deux dauphins derrière la nuque et un lancier à cheval au revers (4e émission, selon toute vraisemblance) semble à dater entre la toute fin du IIe s. a.C et le début du Ier s. a.C 26 (fig. 26.15). La découverte dans l’US 11 021 d’une monnaie d’Arse-Saguntum représentant au droit une tête féminine à droite avec une légende latine et au revers une proue de galère surmontant une légende vraisemblablement en ibère renvoie au même horizon chronologique 27 (fig. 26.16). Ces deux monnaies proviennent de la partie supérieure de la sédimentation. Toutefois, les deux US dans lesquelles elles se trouvaient peuvent être interprétées comme des couches de colluvionnement, en particulier en ce qui concerne 11 018 : ainsi, la monnaie de Sekia se trouvait peut-être originellement dans un autre contexte, et des processus post-dépositionnels ont pu provoquer son déplacement jusque dans notre secteur 1. Cette observation, ainsi que les problèmes mille fois rappelés d’établissement de la chronologie des séries monétaires 28 et de datation sur la base d’objets susceptibles d’être conservés très longtemps après leur fabrication, amène à la prudence quant à leur utilisation comme jalon chronologique. Toutefois, il semble indéniable que le site soit occupé dès les alentours de 100 a.C. Cette datation concorde en outre avec celle d’un fond de campanienne B-5 (de Calès) découvert dans la zone 2, et correspond globalement à celle proposée par M. Baril et V. Salve 29. Il est cependant impossible de déterminer si elle correspond à la fin de l’occupation (ce qu’évoquerait a priori la position stratigraphique des monnaies), à ses débuts ou encore à sa période médiane.

26. García-Bellido & Blázquez 2001 vol. II, 347.27. Ibid., vol. II, 42.28. En dernier lieu : Gorgues & Cadiou 2008.29. Barril & Salve 1998, 78-79.

| Fig. 24. la berme est du secteur 2, au niveau du parement interne de la muraille. La partie supérieure est altérée par la tranchée des équipes de Cerralbo. Dans la partie inférieure, l’argile rouge, dépurée, de l’US 12 019 (cl. A. Gorgues).

| Fig. 25. Traces de liant gris dans la masse de l’US 12 019 (cl. A. Gorgues).

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| Fig. 26. Sélection de mobilier issu des campagnes 2009-2010. 1 et 3 : céramique tournée à pâte claire. 2 et 4 : céramique non-tournée. 5-14 : fer. 15-16 : monnaies en bronze. Dessins A. Bertaud et R. Valette.

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| Fig. 28. Le secteur 1 de la zone 1 : proposition de restitution des structures (infographie F. Comte).

| Fig. 27. modèle 3D du secteur 1 de la zone1 en fin de fouilles (infographie F. Comte).

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La muraille et son élévation (fig. 28)Deux séries de données permettent de proposer

une ébauche de restitution de l’élévation de la muraille. La première concerne la présence d’escaliers, qui montre clairement que l’enceinte était assez élevée pour que l’accès au chemin de ronde soit aménagé de façon systématique. Si une seule marche de l’escalier 11 004 est conservée, la comparaison avec d’autres structures analogues visibles en superficie montre en revanche que chaque marche était large de 25 cm environ et haute d’autant. Sur la largeur totale de l’escalier (6 m), cela signifie que l’on pouvait monter au maximum à 6 m au-dessus du niveau du sol. Pour une muraille large de 2 m, cette valeur n’est pas excessive mais doit être retenue comme une évaluation maximaliste. La seconde série de données que l’on peut solliciter concerne l’effondrement : en 2009, les blocs en provenant ont été prélevés et disposés sur un plan rectangle de 4 m de long et de 2 m de large, équivalent à la portion de muraille affectée par notre fouille. Les matériaux dégagés lors de la fouille des couches d’effondrement ont permis d’élever cette structure jusqu’à plus d’1 m du sol (fig. 29), à rajouter au mètre d’élévation encore conservé in situ. À ces 2 m, il faut rajouter encore la déperdition de matériaux générée par les fouilles de Cerralbo, la gélifraction, l’érosion et la

récupération pour la construction de structures agraires encore visibles sur le site. Estimer cette déperdition à un tiers du total ne semble pas exagéré. On peut donc retenir que l’enceinte faisait au minimum 3 m de haut, ce qui signifierait que la moitié gauche de l’escalier (en regardant vers la muraille : les premiers degrés se trouvent systématiquement de ce côté-là sur le site) était occupée par la volée de marche, et celle de droite par une plate-forme destinée à faciliter les manœuvres et l’accès au chemin de ronde.

Le premier matériau à s’être éboulé était selon toute vraisemblance de la brique crue, qui a dû perdre sa cohésion du fait de l’exposition aux intempéries. Ce matériau n’est tombé que vers l’extérieur, ce qui signifie que la structure qu’il constituait originellement se trouvait dans la partie haute du rempart (c’est le premier à être tombé) et vers l’extérieur. On peut en revanche exclure qu’une partie de l’élévation de la muraille elle-même ait été en adobe : on en aurait aussi retrouvé à l’intérieur, et le volume d’argile conservé serait sans doute plus important. Nous proposons donc, à titre d’hypothèse, que le chemin de ronde était doté d’un parapet de protection en briques de terre crues.

Les modalités d’occupationLa stratigraphie du secteur 1 est principalement marquée par l’activité de structures de combustion : le foyer FY 11 027,

mais aussi, sans doute la structure délimitée par 11 032, ou encore celle qui a produit l’accumulation de cendres de 11 025 et celle, ou celles, qui ont produit les couches de cendre 11 021 et 11 026, postérieures à 11 027. Ces structures de combustion sont à n’en pas douter liées à l’activité métallurgique, à commencer par la métallurgie du fer. Les inventaires de mobilier de l’annexe 1 donnent une bonne idée de la densité et de la diversité des éléments liés à la métallurgie du fer découverts lors de la fouille. Ainsi, les US 11 025 et 11 026 ont livré des battitures liées au martelage à froid, au cinglage à chaud, et à l’épuration à chaud comme à froid d’une masse de fer 30. L’US 11 021 a livré de nombreux morceaux de tôle et une soie de préhension 31. Si on ajoute à cela les nombreuses calottes de forge, pour l’essentiel découvertes dans 11 025 et 11 029, et l’omniprésence des objets en fer dans les couches de report récentes (11 005, 11 007, 11 010), on ne peut que remarquer

30. Valette 2011, 103.31. Ibid., annexe, 21 à 23.

| Fig. 29. Blocs issus de l’effondrement de la muraille. La “construction” mesure 4 X 2 m. Elle correspond à l’emprise de la muraille au sein de la zone 1 (cl. A. Gorgues).

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l’importance de l’activité de forge dans le secteur. La présence sporadique de mobilier en alliage cuivreux (dans 11 021 notamment) peut faire envisager, avec une grande prudence toutefois, la possibilité d’une activité polymétallique à proximité.

La faune est également bien présente (dans 11 021, 11 025), et la céramique, bien que très fragmentée, est relativement abondante. Ce degré de fragmentation élevé est à imputer aux conditions propres au secteur envisagé : la stratigraphie est constituée d’épandages de matériaux dans un espace ouvert, à l’air libre et non compartimenté. Cette stratigraphie reflète une activité continue, de la construction de la partie linéaire de la muraille à l’abandon du site. Après celui-ci, le secteur est resté ouvert, comme en témoigne la présence de l’US 11 018, une couche de colluvionnement qui s’est déposée antérieurement à la destruction du rempart.

20 003

5 m0 1

20 005

20 009

20 011

22 035

| Fig. 31. La porte nord, vue en arrivant sur le site.

| Fig. 30. Planimétrie de la zone 2.

| Fig. 32. La porte nord, vue de l’ouest, en début de fouille.

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La fouille de la zone 2 (fig. 30) L’emprise de la zone 2 correspond à une aire rectangulaire d’environ 13,5 m de long par 7,5 m de large, d’orientation

sud-est/nord-ouest. L’implantation de cette zone devait permettre d’obtenir une vision en extension de la porte et de son environnement. La zone fut découpée en deux secteurs : le secteur 1 se trouvait au nord, à l’extérieur des massifs individualisés par Cerralbo et dessinés par Lammerer sur son plan ; le secteur 2 s’étendait au sud. Si la fouille a permis l’identification d’un nombre d’US sensiblement égal à celui observé dans la zone 1, celles-ci ne s’inscrivent pas dans une séquence stratigraphique continue, tant elle a été bouleversée par les interventions récentes et la fréquentation du site jusqu’à nos jours. La partie centrale de la fouille est par exemple marquée par une profonde dépression due au passage répété de véhicules (fig. 31).

Là encore, les structures bâties étaient visibles en superficie (fig. 32), soulignées par les fossés creusés par les équipes de Cerralbo le long des différents parements (US- 22 018, remplie par 22 017, au nord ; US- 21 034, remplie par 21 0033, au nord-ouest ; 21 029 au sud-ouest ; 22 031 à l’ouest). Au nord, le mur d’enceinte (US 20 003, arasé par l’US- 20 004), qui était bâti en fonction des mêmes modalités qu’au niveau de la zone 1, s’interrompait, laissant ouvert un espace large d’au moins 8 m le séparant du tronçon situé au sud-ouest (US 20 009, arasée par l’US- 20 010). Cette ample ouverture fut rétrécie par l’ajout de deux massifs de pierre, qui nous sont parvenus très altérés. Au nord, le mur 20 005 (arasé par 20 006) venait s’appuyer perpendiculairement au parement interne de la muraille, à environ 2,25 m de son extrémité. Le mur 20 005 constitue un massif parementé par des moellons calcaires très disloqués, contenant un blocage de petites pierres liées à l’argile. Sa largeur est d’approximativement 2,25 m et il est conservé sur plus de 2,5 m de long. Au sud, le massif constitué par le mur 20 011 (arasé par 20 012) venait s’appuyer contre le parement externe de la muraille 20 009 au niveau de son extrémité en fonction d’un angle obtus très marqué. Ceci est dû au fait que son orientation reprenne celle de 20 005, alors même que les deux tronçons de muraille ne sont pas parallèles. 20 011 est encore plus dégradé que 20 005 (il est d’ailleurs possible que Cerralbo lui-même l’ait endommagé, comme le suggèrent les contours de la tranchée 21 034), et se présente sous la forme d’un massif triangulaire conservé sur son plus long côté sur une peu moins de 4 m de long. L’adjonction de ces massifs réduisait considérablement la largeur de l’ouverture, qui n’était plus que de 3,75 m environ. L’essentiel de la stratigraphie observée le fut aux abords de ces structures, leurs couches d’effondrement ayant protégé une partie de la sédimentation archéologique.

Ainsi, immédiatement à l’ouest de 20 005, une couche très dense de blocs mêlés à de l’argile (US 21 007) occupait le triangle défini par le parement externe de cette structure et le parement interne de la muraille. Elle couvrait une couche d’argile compacte, de couleur marron (US 21 020) dont la structure peut laisser penser qu’il s’agissait d’un lambeau de niveau d’occupation. Malheureusement, cette couche n’a pas livré de mobilier. De l’autre côté, La couche de blocs 22 014 venait recouvrir non seulement l’arase 20 012 du mur 20 011, mais aussi l’US 22 023, une couche argileuse marron présentant des inclusions d’éclats calcaires. Elle s’appuyait aussi au parement nord de 20 009. 22 014 couvrait à son tour l’US 22 024, un niveau d’argile de couleur identique marqué par la présence occasionnelle de cendre (peut-être, là encore, les vestiges d’un niveau d’occupation). Celui-ci s’était déposé au-dessus d’un bloc calcaire bien équarri, de 45 cm d’arête (US 22 035), placé dans l’axe du parement externe de 20 011. Au nord de cette même structure, une couche de blocs liés par de l’argile marron (US 21 013) recouvrait une fine couche de sédiment marron/grisâtre incluant quelques éclats calcaires. Elle s’appuyait contre 20 011 et recouvrait le substrat rocheux.

Toutefois, c’est dans le triangle compris entre le parement interne du tronçon nord de la muraille (US 20 003) et celui du massif qui venait s’appuyer contre (US 20 005) que fut observée la séquence la plus cohérente. Les couches d’effondrement 22 008 et 22 016 (cette dernière était coupée par la tranchée creusées par les équipes de Cerralbo, l’US- 22 018) recouvraient des couches de morphologie assez complexe. Dans l’angle entre les deux structures, une poche triangulaire de cendre et de charbon d’environ 80 cm de côté (US 22 019), peu épaisse, a livré des déchets de forge. À proximité, un peu plus à l’est, une dépression très peu profonde (5 cm environ), de 50 cm de long et 30 cm de large, orientée parallèlement au parement interne de la muraille (US- 22 027) était remplie d’un mélange de charbon et de cendre (US 22 022). Plus à l’est encore, la couche d’effondrement 22 016 en recouvrait une autre de morphologie très proche, mais pour laquelle les blocs étaient pris dans un sédiment plus compact (US 22 025). Elle couvrait aussi 22 026, une couche de cendre s’engageant sous notre limite de fouille à l’est. À l’ouest et au nord, sous 22 019 et coupée par 22 027, s’étendait l’US 22 021, un niveau d’argile marron tassée s’appuyant contre les structures bâties environnantes. Elle a livré un nombre étonnant de tessons de céramique, très concentrés, disposés horizontalement et en contact les uns avec les autres, parmi

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lesquels un fragment de fond de campanienne B-5 issue des ateliers de Calès. La morphologie très aérée de ces niveaux, l’aspect des charbons, très homogènes, des US 22 019 et 22 022 ainsi que la répartition des tessons au sein de l’US 22 021 n’est pas sans susciter des interrogations. On pourrait a priori suspecter que toutes résultent d’une activité récente (par exemple d’un tri sélectif de tesson, suivi du rejet des moins beaux, pour les découvertes de 22 021). Toutefois, tous ces éléments étaient recouverts par des niveaux d’effondrement. À moins de supposer que l’US 22 008 (qui n’était pas recoupée par les tranchées de Cerralbo) s’est entièrement constituée au cours des cent dernières années, il semble donc que ces éléments soient à attribuer à l’activité du site dans l’Antiquité (fig. 33).

La fouille de la zone 2 a donc permis de réétudier la planimétrie de la porte d’accès nord. De plus, les éléments de datation qu’elle a livrés viennent préciser ceux recueillis par ailleurs. Enfin, l’importance des activités liées à la métallurgie du fer déjà mise en évidence par les fouilles de la zone 1 apparaît ici amplement confirmée. S’il est difficile d’interpréter les structures et les traces de combustion relevées dans le secteur 2 comme des vestiges d’activités de forge, on peut en revanche remarquer l’omniprésence des objets et des déchets qui leur sont liés dans la stratigraphie (cf. annexe). On peut en particulier relever la présence d’une tige de fer de section carrée, interprétable comme un semi-produit, dans l’US 22 014 32, ou celle de deux soies de préhension et de plusieurs chutes de travail dans l’US 22 021 (fig. 26.9 et 10), qui a de plus livré des calottes de forge 33.

La fouille de la zone 4L’irrégularité de terrain qui a amené au déclenchement de la fouille de la zone 4 était soulignée par une tranchée

de largeur irrégulière, comprise entre 35 à 70 cm, aux parois obliques et de faible profondeur (US- 41 002, remplie par 41 001). Ce creusement est probablement à lier à l’activité des équipes de Cerralbo. Il suivait les contours d’une dépression creusée dans le substrat calcaire profonde d’environ 1 m (US- 41 003), qui présente au niveau de son plan d’ouverture une forme quasi-quadrangulaire d’environ 3 m de côté. Ses parois sont cependant assez irrégulières et elle se rétrécit dans sa partie la plus profonde. La régularité du creusement, sa forme et la nature du comblement ne laissent aucun doute sur le fait qu’il soit d’origine anthropique (fig. 34, 35 et 36).

La partie supérieure de cette fosse était colmatée par une couche de blocs calcaires répartis de façon aléatoire au sein d’une matrice argileuse marron-brun (US 41 004), d’une épaisseur maximale de 50 cm, qu’il est facile d’interpréter comme un niveau d’effondrement résultant de la dégradation d’une structure en pierre sèche (fig. 37 et 38). La partie inférieure du comblement, sous 41 004, était constituée par une couche d’argile rougeâtre, très homogène (US 41 005), présentant des inclusions de cendre et de charbons dont la densité augmentait avec la profondeur. Des fragments d’adobes brûlées furent identifiées au cours de la fouille, ce qui permet sans doute d’interpréter cette couche, épaisse d’entre 50 et 60 cm, comme le témoin de l’effondrement de murs en briques de terre crue.

41 004 et 41 005 recouvraient, au nord-est, un escalier à deux marches taillé dans la roche au niveau de l’angle de la fosse (fig. 39). Ses bords est et ouest ont été soigneusement aplanis. À l’ouest, notamment, un degré large de 45 cm et aussi long que la fosse fut dégagé (fig. 40). D’un côté comme de l’autre, de la terre à bâtir était accrochée à la surface du rocher, sans doute en position primaire. Au niveau de l’angle nord-ouest, la fosse 41 003 recoupait une petite cavité karstique

32. Valette 2011, annexes, 47.33. Ibid., annexes, 50 à 65 et tableau 4, p. 81.

| Fig. 33. La porte nord : l’angle intérieur, côté nord (cl. R. Rubio Rivera).

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d’une vingtaine de centimètres de largeur, qui se prolongeait dans l’emprise de la fosse sous la forme d’une dépression linéaire peu profonde, d’un peu plus d’1 m de long et d’une largeur variant entre 7 et 15 cm (fig. 41). Les parois de la cavité comme le fond de la dépression étaient recouverts de calcite. Par ailleurs, une série de petits orifices observables au fond de cet ensemble semble ouvrir sur le réseau karstique sous-jacent. L’essentiel du mobilier céramique découvert dans la fouille était concentré autour de cette cavité : il s’agissait entre autres d’un gobelet caréné en céramique claire tournée et d’une coupe à bord épaissi convergent fabriquée sans le recours au tour rapide, ces deux pièces étant archéologiquement entières (fig. 26.1 à 4).

Le fond de la fosse était marqué, dans sa partie centrale, par des concentrations linéaires de terre à bâtir ayant conservé une étonnante cohésion, peut-être les vestiges en position primaire d’une cloison en terre (fig. 36). De plus, deux agglomérats de terre à bâtir très compacts larges d’environ 20 cm, appuyés contre les parois nord et sud de la fosse dans leur partie médiane, délimitaient des cavités quadrangulaires d’entre 30 et 40 cm de côté. Ces agglomérats peuvent être interprétés comme les vestiges d’un revêtement ayant recouvert les faces externes d’éléments en matériaux périssables, sans doute des poteaux de bois.

0 1 3 m

41 007-

TP 41 011

TP 41 015

TP 41 019

FS 41 003-

| Fig. 34. planimétrie de la zone 4, montrant l’extension du décapage et la répartition des creusements identifiés.

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| Fig. 36. FS 41 003, vue de l’ouest. Au fond, des restes de terre à bâtir très compacts (cl. A. Gorgues).

| Fig. 35. FS 41 003. L’axe 1 A-A’ correspond à l’axe de la section stratigraphique de la fig.37.

| Fig. 37. Section stratigraphique de FS 41 003.

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| Fig. 40. Le ressaut en bordure ouest de FS 41 003. Au premier plan, TP 41 011. A l’arrière-plan, TP 41 015 (cl. A.Gorgues).

| Fig. 39. L’escalier au nord-est de FS 41 003- (cl. A. Gorgues).

| Fig. 38. Modèle 3D de FS 41 003 et de son comblement, coupé par le milieu (infographie F. Comte).

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L’environnement de la fosse fut largement décapé. Trois de ses angles ont livré des trous de poteau. Au sud-ouest, TP 41 011 (le creusement correspondait à l’US- 41 014), d’une profondeur de 30 cm, présentait un calage de pierres (US- 41 012) ménageant un espace pour un poteau d’environ 25 cm de diamètre (fig. 42). Au nord-ouest, le comblement de TP 41 015 (numéro d’US du comblement ; le creusement correspondait à l’US- 41 018), d’une profondeur d’approximativement 25 cm de diamètre et d’une profondeur de 30 cm, était remanié par un terrier animal. Au sud-est,

TP 41 019, d’un diamètre légèrement supérieur à 20 cm, était directement colmaté par le niveau de recouvrement sédimentaire superficiel. En effet, il était ouvert au nord-ouest par une faille naturelle qui a dû empêcher son colmatage par une couche plus directement issue de la décomposition des éléments de bois. Aucun dispositif équivalent ne fut observé au niveau de l’escalier de l’angle nord-est, soit qu’un éventuel poteau ait été directement appuyé sur le substrat rocheux (une dépression très aplanie, au sud-est de la première marche, le permettrait), soit simplement qu’il n’y en eût pas à cet endroit.

Au sud, une dépression linéaire entaillant le substrat naturel, d’orientation sud-est/nord-ouest (US- 41 007), longue d’environ 5 m et large de 20 cm, était colmatée par un ensemble de couches limoneuses (41 006, 41 008, 41 009, 41 010) dont la structure tend à démontrer que de l’eau y aurait circulé. Un léger pendage du fond en direction de la fosse pourrait laisser penser que la dépression servait à drainer de l’eau vers elle. Cependant, il n’est pas certain que l’une et l’autre soient contemporaines.

Quoi qu’il en soit, l’ensemble mis au jour dans la zone 4 est très particulier. Il semble avoir été complètement isolé, le décapage des zones périphériques n’ayant pas permis de mettre au jour de niveaux d’occupation ou quelque autre structure bâtie que ce soit. La présence des niveaux d’effondrement au sein de la fosse prouve que celle-ci était surmontée par une structure bâtie. Le volume minimal de matériau mis en œuvre est facile à calculer : sur la base d’une largeur moyenne de la fosse de 2,5 m, il faut compter environ 3,125 m3 d’argile et à peu près autant de pierre : donc plus de 6 m3 de matériaux de construction. Si l’ensemble de la fosse était entouré par un mur, celui-ci aurait dû avoir un périmètre de 12 m. Sa largeur ne peut pas avoir excédé les 50 cm (c’est la largeur du ressaut observé à l’ouest de la fosse), ce qui veut dire que les matériaux découverts dans la fosse sont suffisants pour imaginer un édifice élevé au minimum d’1 m au-dessus du niveau du sol, et donc culminant 2 m au-dessus du fond de la dépression. La morphologie exacte de ces murs est difficile à imaginer. En effet, la séquence stratigraphique observée suggère dans un premier temps la dégradation d’une structure d’adobe et dans

| Fig. 42. Détail de TP 41 011 (cl. A. Gorgues).

| Fig. 41. la cavité karstique à son débouché au nord-ouest de FS 41 003. Notez la dépression dans le prolongement, dont la partie inférieure est percée d’orifices, sans doute des pertes (cl. A. Gorgues).

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un second temps celle d’une structure de pierre. Cela correspond bien à l’effondrement progressif d’un mur de brique crue monté sur un solin de moellons. Toutefois, nous avons identifié de la terre à bâtir en position primaire directement au contact du sol. La seule restitution que nous puissions proposer pour rendre compte des différentes observations est que deux murs (ouest et est) aient été construits en brique, alors que les deux autres (nord et sud) l’auraient été en pierre. La dégradation plus rapide des murs ouest et est aurait alors abouti dans un premier temps à l’accumulation d’argile au fond de la fosse, laquelle aurait ensuite été recouverte par une couche de blocs (fig. 43).

L’autre particularité à expliquer est la présence de poteaux aux angles et au centre de la fosse: quelle pouvait être leur utilité alors même que murs de pierre et d’adobes peuvent parfaitement être porteurs, surtout pour un édifice de cette dimension ? L’explication la plus logique semble être que la charpente du toit ne reposait pas directement sur l’arase de murs, mais qu’un espace vide séparait l’un et l’autre, sans doute pour permettre à la lumière d’entrer. Le toit devait reposer sur les poteaux d’angle, et présentait peut-être une double pente liée à la présence d’une poutre faîtière joignant l’un à l’autre les poteaux du fond de la fosse. Celle-ci, on l’a dit, était peut-être divisée en deux par une cloison centrale. L’aspect général serait donc celui d’un édifice trapu et très compartimenté (fig. 44). Mais quelle pouvait être son utilité ? La présence de calcite semble montrer que de l’eau s’est écoulée par le passé au travers de la cavité karstique. On peut donc imaginer que la fosse fut creusée dans le but de recouper cette cavité et d’obtenir un accès à une eau de circulation souterraine très pure. Cette interprétation est appuyée par la découverte de vases à boire à proximité de ce qui semble donc avoir constitué une petite résurgence. Si on admet la présence d’une cloison centrale, on accèderait à la fosse par l’escalier nord-est, puis on rentrerait dans une petite pièce où coulerait un mince filet d’eau, une eau que l’on pouvait prélever à l’aide de récipients en céramique.

Il est impossible de dire si cette activité correspond à l’usage principal de la fosse, à savoir si on a creusé la fosse pour le seul accès à l’eau ou pour disposer de celle-ci dans le but de s’en servir pour d’autres taches (artisanales, etc). Cependant, la présence du petit édicule entourant la fosse et la faible extension du dispositif apportent de solides arguments pour l’interpréter comme une source aménagée et couverte afin de garantir que les eaux souterraines ne soient pas souillées par celles issues du ruissellement.

En dépit du caractère très localisé de cet ensemble, les éléments liés à la métallurgie du fer ne sont pas, là non plus, absents : dans l’US 41 005 fut retrouvée une enclumette de 6,5 cm de largeur, qui devait servir à des travaux de forge de petits objets 34. On serait tenté de penser qu’à l’instar des céramiques retrouvées au sein de la même couche, elle était en position presque fonctionnelle. Toutefois, l’absence de structures de combustion dans la fosse, de même que celle de déchets métallurgiques de quelque type que ce soit, invalident une telle interprétation.

CONCLUSIONS À l’issue de ces fouilles, quelle vision pouvons-nous avoir du site, et quelle interprétation en donner ? Peut-on encore

parler de La Cerca de Aguilar de Anguita comme d’un camp romain ?

Tout d’abord, il est indéniable que la conception de la muraille, par son tracé comme par ses spécificités techniques, s’inscrit dans les traditions romaines d’époque républicaine. De fait, les parallèles les plus proches concernant l’enceinte de La Cerca sont à chercher à Renieblas et dans les camps du siège de Numance 35.

Cependant, contrairement à ce que l’on peut observer sur ce dernier site, les résultats obtenus à La Cerca par l’observation en surface et par la fouille convergent pour montrer qu’il n’y avait que très peu d’édifices bâtis en pierre et/ou en adobe à l’intérieur de l’enceinte. L’extrême faiblesse du recouvrement sédimentaire de même que l’absence totale de matériaux de construction provenant de la dégradation d’autres structures que le rempart dans la stratigraphie de la zone 1 (où pourtant de tels matériaux auraient dû être piégés) ainsi que dans celle de la zone 2 constituent à cet égard des éléments importants. Lorsque de tels édifices existaient, ils semblent avoir été de petite taille et isolés; comme le montre

34. Valette 2011, 107-108 et annexe, 66.35. Renieblas, Camp V : Dobson 2008, 200-209 ; à Numance, en particulier au Castillejo, phase noire : Dobson 2008, 266-294.

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| Fig. 44. Proposition de restitution de FS 41 003 et de l’édifice qui la couvrait (infographie F. Comte).

| Fig. 43. Proposition d’interprétation de la stratigraphie observée dans FS 41 003 (infographie Fl.Comte). La décomposition précoce de murets en briques de terre crue (1) aurait amené à la constitution de la couche d’argile 41 005 (1’). Puis la dégradation de murets en pierre (2) aurait provoqué l’accumulation de blocs 41 004 (2’).

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la fouille de la zone 4. La présence d’édifices en matériaux périssables, si elle ne peut être écartée, n’en reste pas moins, pour l’instant, très improbable, puisqu’elle ne s’appuie sur aucune preuve concrète.

La fouille de la zone 1 est peut-être celle qui permet de se représenter le mieux ce qu’était la réalité de l’occupation interne du site : l’essentiel de la stratigraphie est lié à des activités productives, métallurgiques en l’occurrence, qui se sont apparemment déroulées en plein air, générant une mince sédimentation principalement constituée de vidanges de foyers. Ces activités avaient un caractère continu et, pour autant qu’on puisse en juger, soutenu, même si les difficultés d’établissement d’une chronologie fine empêchent d’évaluer leur durée dans le temps. Or, la métallurgie, ou plus précisément l’activité de forge, semble loin d’être cantonnée à la seule zone 1 : des vestiges en ont été retrouvés au niveau des zones 2 et 4. De plus, le mobilier issu des fouilles du marquis Cerralbo, conservé au Musée Archéologique National de Madrid, renferme des éléments renvoyant au même domaine productif : outre toute une série d’objets en fer qui rappellent ceux que l’on a trouvés en cours de fouille (notamment des éléments de serrurerie), on peut, par exemple, noter la présence de plusieurs pinces de forgeron 36. On peut donc retenir l’idée que cette activité jouait un rôle important dans la vie du site. Cette observation est peut-être à lier à la présence, à proximité (quelques centaines de mètres au nord-ouest) de filons de minerai de fer affleurant en surface (fig. 45). Cet élément pourrait expliquer en partie la logique d’implantation du site, qui profite en outre d’une position avantageuse, dominant directement la vallée du Tajuña à la jonction entre les bassins de l’Èbre et du Tage. Cependant, pour confirmer la pertinence de cette hypothèse, il resterait à prouver que des activités de réduction du minerai de fer se déroulaient à proximité.

Quoi qu’il en soit, la population qui se livrait à de telles activités présentait une culture matérielle très indigène: sur plusieurs centaines de tessons, un seul est une importation italique, et on n’a identifié aucun tesson d’amphore d’importation : un faciès bien éloigné de celui observé sur les camps du siège de Numance et de Renieblas, des occupations militaires bien

36. Barril & Salve 1998, 62.

| Fig. 45. Filons de minerai de fer, vus depuis La Cerca. Les ellipses rouges indiquent des tas de minerai extraits au cours d’évaluations récentes. Sur toute la ligne de crête, des affleurements peuvent être observés (cl. A. Gorgues).

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attestées 37. L’activité de forge n’est pas a priori incompatible avec le domaine militaire, mais son omniprésence comme son orientation dominante vers la fabrication d’objets usuels et de taille moyenne ou réduite (éléments de serrurerie, clous, couteaux) renvoient plutôt au domaine des besoins ordinaires d’une communauté en paix, pas à ceux plus spécifiques d’un groupe de guerriers.

Notons cependant que ces autochtones ne semblent pas habiter au sens strict à La Cerca. Ils restent sur le site assez longtemps et assez régulièrement pour y manger et y briser de la céramique, mais pas assez pour ressentir le besoin d’y construire leur maison. En fait, ils semblent surtout travailler sur place, un travail qui nous apparaît de façon dominante lié à la métallurgie du fer, mais qui pouvait englober une infinité d’activités plus discrètes (échanges, transformation de produits agricoles...).

L’interprétation de La Cerca en tant que camp romain ne semble donc pas la plus directement suggérée par les faits relevés au cours de nos opérations de terrain. Ce site semble surtout dominé par sa dimension économique et collective. Dans ce cadre, comment comprendre l’élaboration d’une fortification de typologie romaine ? À cette question, nous n’avons pas encore de réponse : il faudrait pour cela d’autres fouilles. Mais on peut supposer que, dans le contexte très dynamique et évolutif de la Celtibérie à l’époque romaine républicaine, la recherche d’un équilibre institutionnel prenant en compte tant les intérêts des indigènes que ceux de leurs nouveaux maîtres ait pu donner naissance à des solutions originales, mais éphémères : des sites que l’on pourrait interpréter comme des “central places”, pour reprendre la terminologie britannique, dont l’émergence aurait permis des formes de concentration économique (marchés, zones artisanales) et pourquoi pas politique (assemblées) à une échelle bien supérieure à celle qu’autorisait la morphologie des habitats traditionnels.

37. Sanmarti et Principal 1997. Nous avons par ailleurs pu constater, au cours d’une visite du camp de Renieblas, que les amphores italiques sont le seul mobilier visible en surface, et ceci en grandes quantités.

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ANNEXE N° US Type forme Nfr NMIZone 1 secteur 111 000 C. claire commune bord

panse11

1

11 004 C. claire commune bordspanses

37

1

Fer objetdéchets de forge

12

11

Terre cuite 1 111 005 C claire commune bord ouvert

bordspiedpanses

1218

11

C. claire fine panse 1 1CNT claire panses 3 1Faune 7 1Fer objets

déchet de forge21

11

Lithique 1 1Terre cuite 1 1

11 005 fond

C. claire commune bordspanses

38

1

CNT panses 2 1Faune 4 1Fer déchet de forge 1 1

11 007 C. claire commune

C. claire fineCNT claire

bordpansespansespanses

11343

111

Fer ébauche 1 111 010 C. claire commune bord

ansepanses

1135

1

C. claire fine bordansepanses

1120

1

C. claire stockage bordpanse

11

1

C. sombre stockage bords fermésfonds platspanses

235

1

CNT claire panses 7 1Faune 21 1Fer objets ou fragments

déchets de forge210

21

Bronze objets ou fragments 4 411 018 C. claire commune panse 2 1

Fer déchet de forge 1 1Bronze monnaie 1 1

11 020 C. claire commune panses 3 1CNT sombre panse 1 1Faune 1 1Fer objet 1 1Plomb objet 1 1

LA CERCA DE AGUILAR DE ANGUITA (GUADALAJARA, ESPAGNE) : UN CAMP MILITAIRE ROMAIN D’ÉPOQUE RÉPUBLICAINE ? – 129 L’APPORT DES NOUVELLES FOUILLES

Éléments  sous  droit  d’auteur  -­  ©  Ausonius  Éditions  juillet  2014

N° US Type forme Nfr NMIZone 1 secteur 111 021 C. claire commune bord ouvert

fondpanses

1148

1

C. claire fine panses 3 1CNT panses 3 1Faune 33 1Lithique 1 1Fer objets ou fragments

ébauchedéchets de forge

612

311

Bronze objetsmonnaie

21

21

11 022 C. claire commune panse 1 1C. claire fine panses 2 1CNT claire panses

fond 31

1

CNT sombre panse décorée 1 1Fer objet

déchet de forge11

11

11 025 C. claire commune bord ouvertfondfond ombiliquépansespanses peintes

111282

1

1C. claire fine bords ouverts

panses210

2

C. sombre commune fond platpanses

17

1

CNT claire bordfondpanse

111

1

CNT sombre panses 5 2Faune 73 1Fer objets ou fragments

déchets de forge310

31

Bronze objets ou fragments 6 5Terre cuite paroi de four 1 1

11 026 C. claire commune panses 4 1CNT claire bord

panse11

1

Fer objets ou fragmentsdéchets de forges

422

21

11 029 C. claire commune bord fermépanses

18

1

C. claire fine panses 4 1CNT sombre panses 5 1Faune 5 1Fer déchets de forge 21 1Terre cuite paroi de four 2 1

11 030 C. claire commune bordpanses

14

1

CNT sombre fondpanses

12

1

Fer objet 1 1

130 – ALEXIS GORGUES, REBECA RUBIO RIVERA, ALEXANDRE BERTAUD...Éléments  sous  droit  d’auteur  -­  ©  Ausonius  Éditions  juillet  2014

N° US Type forme Nfr NMIZone 1 secteur 111 037 Fer déchets de forge 5 1

Terre cuite paroi de four 2 1Zone 1 Secteur 212 008 C. claire commune panses 5 112 016 Faune 3 112 017 C. claire commune bords

panses213

1

Lithique 1 1Fer fragment d’objet 1 1

Zone 2 Secteur 120 000 C. claire commune bord

panses111

1

Faune 2 1Fer objets ou fragments 3 3Terre cuite 4 1

21 001 C. claire commune bordpanses

12

1

21 007 C. claire commune panse 1 1Fer fragments d’objets

déchets de forge23

11

21 012 Fer fragment d’objet 1 121 013 Fer objet 1 1Zone 2 Secteur 222 008 C. claire commune panses 11 1

CNT claire panse 1 1Faune 50 1Fer objet 2 1

22 014 Fer ébauche 1 122 016 C. claire commune bord

fondpanses

113

1

Faune 1 1Fer déchets de forge 6 1Terre cuite paroi de four 6 1

22 017 Fer déchets de forge 3 122 019 Fer déchet de forge 14 1

Terre cuite paroi de four 1 122 021 Camp-B fond B5 1 1

C. claire commune bords ouvertsfonds ombiliquéspansespanses peintes

551463

55

C. sombre commune fondpanses

16

1

CNT claire panses 16 1CNT sombre panses 27 1Faune 1 1Fer objets ou fragments

ébauchedéchets de forge

31410

111

Terre cuite paroi de four 3 122 022 Terre cuite paroi de four 2 122 026 Terre cuite paroi de four 3 1

LA CERCA DE AGUILAR DE ANGUITA (GUADALAJARA, ESPAGNE) : UN CAMP MILITAIRE ROMAIN D’ÉPOQUE RÉPUBLICAINE ? – 131 L’APPORT DES NOUVELLES FOUILLES

Éléments  sous  droit  d’auteur  -­  ©  Ausonius  Éditions  juillet  2014

N° US Type forme Nfr NMIZone 4 Secteur 140 000 CNT sombre panses 2 1

Fer fragments d’objets 2 141 001 C. claire commune panse 1 1

CNT claire commune panse 1 141 005 C. claire fine bords ouverts

bords d’écuellefondpanses

36115

11

C. sombre fine bord ouvertpansepanse peinte

111

1

CNT sombre bordsfondpanses

515

2

Lithique silex 2 2Fer objet 1 1

132 – ALEXIS GORGUES, REBECA RUBIO RIVERA, ALEXANDRE BERTAUD...Éléments  sous  droit  d’auteur  -­  ©  Ausonius  Éditions  juillet  2014

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