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in De l’ethnographie à l’histoire Paris-Madrid-Buenos Aires : Les mondes de Carmen Bernand, Castelain, J-P,
Gruzinski, S. & Salazar-Soler, Carmen (Eds), Paris, L’Harmattan, 2006 :73-95
COMMENT UN SOLDAT DU CAOUTCHOUC DEVIENT PASTEUR
OU
LES PÉRÉGRINATIONS D'UN NORDESTIN EN AMAZONIE BRÉSILIENNE1
Véronique Boyer
CNRS/IRD
L’occupation de l’Amazonie s’est intensifiée au fil de flux migratoires qui, entre 1870 et
1945, sont principalement liés aux activités extractives des produits de la forêt. Des sociétés
commerciales et des banques internationales organisent alors des campagnes de recrutement
dans le Nordeste pour réunir la main-d’œuvre nécessaire à la collecte de la gomme, la
population indienne ayant survécue à la colonisation ne suffisant pas à la tâche. Les capitales
des États amazoniens comme Belém et Manaus affichent très rapidement les signes visibles
de l’afflux massif de capitaux: elles s’embellissent de réalisations architecturales grandioses
comme les théâtres et la vie sociale des élites s’écoule au rythme des salons littéraires et des
visites d’artistes européens. L’euphorie de cette période d’opulence est cependant de courte
durée. L’afflux sur les marchés internationaux de la production des hévéas introduits au Sri
Lanka et en Malaisie par les Anglais provoque en 1912 une chute des cours à laquelle
l’économie régionale, qui avait tout misé sur le seul caoutchouc, ne résiste pas. La gomme
cultivée de la concurrence asiatique met ainsi à mal le latex extrait des forêts amazoniennes.
La région connaît un moment de déclin, les villes retournent à leur torpeur et les Nordestins
qui parvinrent à mettre quelque argent de côté rentrent chez eux2.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’occupation par les Japonais des plantations de
Malaisie coupe les Alliés de leur principale source d’approvisionnement en caoutchouc, les
obligeant à se tourner vers l’Amazonie. En mars 1942, les États-unis et le Brésil signent les
accords de Washington : les premiers s’engagent à financer le développement de la
production de matières premières indispensables à l’industrie de guerre américaine, le second
accepte de réactiver l’extraction du caoutchouc sylvestre et d’en vendre les excédents à la
Rubber Reserve Compagny (Martinello, 1988 : 90-99). Les autorités brésiliennes créent pour
encadrer et appuyer l’extraction du latex de nombreux organismes : la Banque de Crédit du
Caoutchouc, l’Institut Agronomique du Nord, le Service d’Acheminement de Travailleurs en
Amazonie (SEMTA), le Service Spécial de Santé Publique (SEPS), pour en citer quelques
unes (Benchimol, 1992 :72-73).
À la différence des précédentes, la nouvelle vague migratoire vers les États de l’Amazonas
et de l’Acre est essentiellement organisée par le gouvernement, la Rubber Reserve Compagny
prenant en charge son coût. Une intense campagne de propagande ne tarde pas à voir le jour
pour inciter les hommes en âge de faire leur service militaire à aller dans l’ouest amazonien.
Jouant sur la fibre patriotique, sur la peur d’être envoyé en Italie où combat le corps
expéditionnaire brésilien et sur l’attrait d’un travail que des affiches présentaient comme
facile, les agents recruteurs font en outre valoir les clauses des contrats proposés aux futurs
extracteurs : transport et équipement pris en charge par l’Union, assistance médicale et
sanitaire pendant le voyage, aide financière, les deux dernières clauses étant extensives aux
familles que les engagés laissent derrière eux (Martinello, 1988 :235-241). Seul le premier
point sera effectivement respecté, les autres resteront à jamais lettre morte.
Au cours des quatre ans de la « bataille du caoutchouc »3, quelques cinquante-cinq mille
Nordestins, dont trente mille originaires de l’État du Ceará4, viendront alimenter en main-
1 Je remercie David Lehmann et Kali Argyriadis de leur lecture attentive et de leurs suggestions. 2 Sur cette période de l’histoire de la région, voir Santos (1980). 3 C’est en ces termes que la propagande officielle présentait la participation du Brésil à la seconde guerre.
2
d’œuvre les domaines amazoniens (Martinello, 1988 :313). La sécheresse de 42-43 dans le
Nordeste brésilien constitua certainement le moteur des premières migrations (Benchimol,
1992 :115) mais d’autres facteurs, comme le désir de l’enrichir rapidement, la curiosité de
connaître des contrées inconnues, l’envie de changer de profession ne sauraient être négligés
pour les vagues suivantes (Franco, 2001 :106, 132-133)5. Parmi les migrants qui survécurent
aux atteintes de malaria ou aux suites de diverses maladies non soignées, certains retournèrent
dans leur région d’origine tandis que d’autres s’installèrent définitivement en Amazonie, par
choix ou par nécessité. Tous sombrèrent dans l’oubli. Il faudra attendre que le mouvement des
seringueiros s’impose sur la scène internationale, à la fin des années 1980, pour que les
hommes politiques brésiliens s’émeuvent du sort des soldats du caoutchouc survivants. Leur
droit à recevoir une pension du gouvernement sera inscrit dans la nouvelle Constitution
brésilienne de 19886, bien qu’il ne soit malheureusement toujours pas suivi d’effet.
C’est à l’un de ces soldats du caoutchouc et à son épouse que je consacrerai ces quelques
pages. L’histoire de João Braz da Silva et de Guiomar n’est pas en soi originale. Lui est un
Nordestin qui échoue en Amazonie, travaille dans une forêt regorgeant d’hévéas (seringal) et
s’y marie ; elle est née au seringal même et épouse l’un de ces nombreux migrants que la
région n’a cessé de recevoir depuis la fin du 19ème siècle7. Plus rare est le fait que cet homme
deviendra l’un des premiers pasteurs pentecôtistes dans cette région aux confins des États de
l’Amazonas et de l’Acre et tout aussi remarquable est l’opiniâtreté avec laquelle sa femme,
encore célibataire, s’efforcera de convertir les habitants d’alentour à la foi évangélique.
Si, pour la période et le contexte régional considérés, leur trajectoire personnelle apparaît
exemplaire d’autres parcours, elle présente aussi l’intérêt de rejoindre l’histoire de
l’Assemblée de Dieu8, un acteur religieux alors récent en Amazonie de l’ouest, devenue
depuis la principale Église évangélique du pays9. Le récit que Braz donne de son itinéraire,
qui s’effectue évidemment à travers le prisme de son appartenance religieuse actuelle, nous
permet de saisir les modalités de la diffusion d’une nouvelle croyance du point de vue des
agents qui la propagent.
Le pasteur nous livre en outre une version inédite des relectures habituelles de
l’implantation du mouvement évangélique dans la région. Ce qui domine en effet sa narration
n’est ni le thème de la lutte pour la conquête d’un espace politico-religieux, ni celui de la
dénonciation des ennemis du nouveau groupe constitué, ni même celui de la persécution des
croyants par les catholiques. De ces derniers, qu’il s’agisse du seringalista voisin ou des
prêtres rencontrés par la suite, il n’est pas attendu autre chose qu’une opposition farouche aux
évangéliques.
De manière différente, Braz insiste sur les relations à l’intérieur du groupe religieux. De
ses amitiés nouées durant le voyage à son départ du domaine, en passant par son insertion
4 Les estimatives de Benchimol (1992 :116) sont supérieures puisqu’il avance le chiffre de 75.000 individus
venus en Amazonie occidentale et estime à 150.000 les soldats du caoutchouc pour l’ensemble de la région.
Selon l’auteur, le contingent de Nordestins s’élèverait alors à 500.000 pour la période allant de 1850 à 1945
(ibid. :117). 5 Selon Martinello, la première migration était essentiellement familiale alors que les suivantes étaient alimentées
par des hommes célibataires sans profession définie (1988 :224-225). 6 Le montant de la pension est fixé à deux salaires minimums. 7 C. Wolff (1999 :116) remarque, pour 1925, « que la plupart des hommes qui se mariaient pendant cette période
venaient du Nordeste, alors que une bonne partie des femmes étaient nées dans la région amazonienne ». 8 Le pentecôtisme est introduit au Brésil par deux missionnaires suédois entrés en contact avec les mouvements
du Réveil aux États-Unis. En 1911, ils fondent à Belém du Pará la première congrégation de l’Assemblée de
Dieu, aujourd’hui encore la plus importante Église pentecôtiste du pays. Sur l’histoire de l’Assemblée de Dieu,
voir Francisco Cetrulo Neto (1995). 9 Selon l’IBGE, en 1991, près de deux millions et demi de personnes se réclament de l’Assemblée de Dieu, soit
environ 17% des évangéliques brésiliens.
3
dans le seringal et son mariage avec la fille du patron10, tout est mis en rapport avec la
croyance qu’il partage avec sa femme, laquelle le précède sur ce chemin et convertit sa propre
famille avant même son arrivée. Chaque événement de son existence est replacé dans un
contexte où non seulement les affinités entre les individus dépendraient en grande partie de
leur choix religieux mais où, de plus, la sincérité de leur engagement dans le pentecôtisme
reflèterait leurs qualités personnelles. Le principal adversaire désigné par Braz est ici son
compagnon de voyage évangélique comme lui, devenu entre temps son beau-frère.
Comme je l’ai dit ailleurs (2001), les évangéliques ne défendent pas l’idée d’une moralité
collective. De manière plus pragmatique qu’indulgente, ils admettent l’idée de déviances au
sein du groupe religieux, au point de créer une catégorie pour tous ceux qui se sont convertis
dans le passé sans respecter aujourd’hui les préceptes de la religion. Tant le conjoint adultère
que le consommateur de tabac ou d’alcool ou le trafiquant de drogue sont considérés
« éloignés » ou « déviés » s’ils ont répondu un jour à l’appel du pasteur (et même quand ceux-
ci ne se reconnaissent pas comme évangéliques). Aucun d’eux pourtant ne suscite, me
semble-t-il, une réprobation aussi ferme que le croyant de façade (crente de capa), celui qui
assiste régulièrement au culte sans que son cœur ait été véritablement changé, et qui ne peut
être détecté dans l’assemblée réunie des fidèles. Ce personnage récurrent correspond sans
doute à une catégorie d’accusation efficace pour distribuer des rôles dans le groupe et
disqualifier les concurrents. Il m’intéresse ici en ce qu’il est introduit pour commenter et
rendre intelligible les hauts et les bas d’une histoire singulière.
Dans le récit présenté, le beau-frère, dont les actes confirment la dissimulation et celle-ci
n’ayant d’autre explication que sa fourberie naturelle, incarne la brebis galeuse cachée parmi
les croyants, celle qui fait ressortir, par contraste, l’intégrité de celui qui l’identifie. L’homme,
qui assume les traits d’un être peu scrupuleux, est désigné comme la cause du départ de Braz
et des difficultés qu’il connaîtra. Le point de vue inverse apparaît cependant en filigrane
suggérant que, d’une certaine manière, c’est grâce à lui que Braz s’appliquera sans relâche à
devenir pasteur. Façonnée par les contraintes matérielles et les portes qui se ferment, l’idée de
mission religieuse peut apparaître comme le fruit d’une vocation détachée des contingences.
Cette étude de cas permettra, je l’espère, de comprendre un peu mieux comment le discours
religieux évangélique opère dans l’interprétation des évènements passés.
LE LONG VOYAGE D’UN CROYANT DU NORDESTE CATHOLIQUE VERS L’AMAZONIE DES SERINGAIS
Pasteur retraité de l’Assemblée de Dieu, João Braz da Silva avait quatre-vingt-trois ans au
moment de l’entretien, en 1998. Il habitait avec sa femme une agréable maison à Cruzeiro do
Sul, la deuxième ville de l’Acre11, où le couple vivait entouré de ses enfants. Alors que
j’ignorai encore ce qui sortirait de l’entretien, le pasteur avait décidé qu’il s’agissait d’écrire
sa biographie. Il entendait notre rencontre non comme une conversation à bâtons rompus à
propos des conditions de vie des soldats du caoutchouc ou sur les processus de conversion, ni
même comme une occasion propice pour témoigner sur une époque à travers le récit de son
expérience. C’était pour lui l’occasion de voir sa réputation franchir les limites de l’église de
Cruzeiro do Sul. « Écris ça », « tu vas remettre tout dans l’ordre après, n’est-ce pas ? » et
autres expressions me rappelaient régulièrement à l’ordre, montrant la valeur qu’il accordait à
sa parole. Les longues interventions de sa femme Guiomar, le récit de sa conversion et de
l’évangélisation des villages voisins ont complété celui de Braz, éclairant certains aspects de
la condition de la femme et de l’implantation évangélique dans les zones de seringais pendant
cette période.
10 Patron est le terme désignant la personne qui gère le seringal, que celle-ci soit ou non légalement propriétaire
de la terre. Voir Franco (2001 :94) et Wolff (1999 :63) sur l’appropriation illégale des terres. 11 La zone urbaine de Cruzeiro do Sul comptait près de 39.000 habitants en 2000 (IBGE, recensement de 2000).
4
Né le 3 février 1915 dans une famille catholique pratiquante, le pasteur est originaire de la
région de Serra de Santana, État du Rio Grande do Norte. En 1933 et 1943, il se déplace dans
l’État travaillant comme employé des chemins de fer dans la région d’Angicos et de Caicó,
puis dans les salines de Macau, d’Imburana et d’Areia Branca, petites agglomérations sur la
côte atlantique12.
Au cours de ses pérégrinations, précisément dans la ville de Caicó, au sud de l’État, Braz
entre pour la première fois en contact avec des pentecôtistes qui lui donnent un livre où il
aurait trouvé des réponses à des questions déjà anciennes. Car s’il accompagne comme tout
enfant ses parents à la messe dominicale, il ne tarde pas à s’éloigner dès qu’il grandit de
l’église catholique, choqué par les représentations anthropomorphes de Dieu et l’adoration des
statues de « bois mort ».
En 1938, il quitte à nouveau la maison familiale de Veneza pour le port d’Areia Branca où
il croise d’autres évangéliques et abandonne définitivement « cette bêtise d’athée ». Quatre
années durant, Braz fréquente assidûment la congrégation d’Arreia Branca. Il déclare
publiquement accepter Jésus comme son sauveur le 20 décembre 1938 et connaît le baptême
de feu par le Saint Esprit le 29 septembre 1939. Cependant il ne se décide pas au baptême
dans les eaux qui l’intégrerait comme un membre à part entière de l’église13 ; il ne s’acquitte
d’ailleurs pas la dîme. Le pentecôtisme, qui a été introduit dans le Rio Grande do Norte dès
1917 par des migrants ayant séjourné dans la capitale du Pará, ne parvient à s’implanter dans
les petites villes de l’intérieur qu’à partir de la fin des années 1920. Dix ans plus tard, les
pressions sociales encore exercées contre ceux qui veulent devenir croyants expliquent
sûrement les hésitations de Braz tout autant que la crainte d’être dépassé par les ardeurs de la
jeunesse, comme il l’avance. Il attendra près de six ans avant de franchir le pas le 24 octobre
1944, changeant entre-temps de région et de famille.
Car Braz est encore à Areia Branca quand la campagne de recrutement de volontaires pour
aller extraire du caoutchouc en Amazonie bat son plein. La propagande du gouvernement
promet des gains rapides, le paiement d’une pension à la famille en cas d’invalidité ou de
décès et l’exemption du service militaire (Wolff, 1999 :138). L’offre semble alléchante pour
un homme qui s’est constamment débattu dans les difficultés quotidiennes, et le 15 avril 1943,
à vingt-huit ans, Braz décide d’aller tenter sa chance en Amazonie. Quittant Areia Branca par
la route, il s’arrête une journée à Mossoró, puis poursuit vers Fortaleza, capitale du Ceará, où
il attend treize jours. C’est ensuite par train qu’il rejoint São Luis du Maranhão, après trois
jours d’arrêt à Terezina, capitale du Piauí, suivis de quinze jours de stationnement à Coroatá14.
Trois jours après être arrivé à São luis, Braz et quelques mille compagnons d’infortune
sont embarqués sur deux bateaux à destination de la capitale du Pará. Le pasteur a la chance
d’être à bord du navire qui arrivera indemne au port de Belém, le 19 mai 1943. Les sous-
marins allemands, qui imposent pendant la guerre un blocus maritime au Brésil (Benchimol,
1992 :228), couleront en effet le Dom Pedro qui sombre avec ses passagers et son fret.
Braz et ses compagnons sont cantonnés à Pinheiro, petite ville à proximité de Belém
aujourd’hui appelée Icoraci, où on leur apprend les rudiments du métier de seringueiro, c’est-
à-dire à saigner correctement les hévéas. Au bout d’un mois, ils sont une nouvelle fois tous
embarqués sur un navire américain, le Jaime Moss, en direction de Manaus qu’ils atteignent
au bout de trois jours. Un mois plus tard, pendant lequel ils sont soumis à un nouvel
entraînement, exactement le 24 juillet, Braz remonte le fleuve Juruá à bord d’un bateau plus
12 Il est probable que les déplacements de Braz aient été la conséquence de la fermeture des salines, comme
c’était le cas des migrants interrogés par Samuel Benchimol en 1942-43 à Manaus (1992 :137). 13 Le nouveau fidèle est en effet intégré progressivement à la communauté pentecôtiste. Ce processus de
conversion par étapes, sanctionnées par des rituels différents, se retrouve dans l’Église africaine décrite par B.
Jules-Rosette (1976). 14 Voir carte 1.
5
petit qui le laisse le 22 août 1943 au soir à João Pessoa, ancien nom de la petite ville
d’Eirunepé. Son voyage aura duré en tout et pour tout quatre mois et une semaine15.
En rouge le trajet par voie routière, en vert celui effectué par train et en bleu celui accompli en bateau
Carte 1- Trajet d’Arreia Branca à São Luis do Maranhão
Carte 3 – Trajet par voie fluviale
La vie de seringueiro devra attendre un peu, le temps que Braz serve comme matelot sur
une barge du gouvernement chargée du ravitaillement dans la région. C’est près de deux mois
plus tard qu’à bord d’un bateau semblable il arrive le 12 novembre 1943 au seringal
Esperança en compagnie d’un compagnon de voyage venu avec lui du Nordeste, João Gomes
de Queiroz.
Que ce soit sur le navire allant de São Luis à Belém, quand il lit la Bible à ses
compagnons, ou, à peine débarqué, quand il parle de l’évangile à ceux qui n’ont pas encore
ouvert les yeux, Braz se montre très désireux de propager la foi évangélique. Cependant, où
qu’il aille, une femme remarquable semble toujours le devancer dans son entreprise
15 voir carte 2.
6
d’évangélisation. Reconstruction appropriée, coïncidence fortuite ou signe d’une destinée à
accomplir, cette femme se trouve être la fille de son futur patron.
LA RÉPUTATION DE GUIOMAR : UNE FEMME DÉSIRABLE
À Eirunepé, Braz finit par apercevoir de loin cette femme dont, si on l’en croit, il sait
immédiatement qu’elle deviendra son épouse, tout en ayant conscience, dit-il encore, de la
déraison de telles pensées : “Ça m’a dit comme ça en moi: ‘C’est ta femme’- on dirait un
mensonge mais c’est vrai. »
Guiomar, qui a à l’époque vingt-six ans, est en tout différente des jeunes filles croisées
jusque là par le nouveau venu. Son apparence physique tout d’abord : elle est si blanche de
peau que Braz la croit Américaine. En outre c’est une femme qui affirme haut et fort ses
convictions religieuses : mue par la ferveur de sa foi qu’elle cherche avec insistance à
communiquer aux autres, elle se déplace beaucoup, seule ou accompagnée par ses frères.
Enfin, le pasteur le découvrira plus tard, elle a une expérience de la grande ville : elle a habité
six ans à Manaus chez un oncle maternel, et c’est au court de ce séjour qu’elle s’est convertie
au pentecôtisme.
Plus de cinquante ans après les faits, Braz semble encore émerveillé par les prouesses de sa
future épouse, peu conformes à la réserve attendue des femmes à cette époque. Profitant des
barges qui montent des marchandises de Manaus et descendent le caoutchouc de Cruzeiro do
Sul, Guiomar parcourt en effet la région du Juruá jusqu’au fleuve Solimões, évangélisant les
hameaux où les bateaux s’arrêtent pour se ravitailler en charbon. Elle renchérit sur les propos
de son mari en rappelant les difficultés de déplacement et sa capacité d’attendrir même les
plus réticents –le capitaine du navire par exemple- par son attitude à la fois inflexible –elle
retarde le bateau tant qu’elle estime ne pas avoir fini- et modeste –elle ne s’affirme qu’en
serrant contre elle le livre saint. Elle égrène avec plaisir le nom des hameaux qu’elle a
évangélisé au long de ses voyages d’un mois et demi sur le fleuve.
Les résistances auxquelles se heurte Guiomar, loin de la décourager, la convainquent
encore plus, s’il le fallait, du bien fondé de sa mission. En effet, comme le disent
généralement les pentecôtistes, « l’évangile a toujours été persécuté. » Les difficultés qui se
dressent font alors sens. La jeune femme ne se sent toutefois pas suffisamment appuyée par
ses frères, des « nouveaux convertis craintifs ». Cette situation l’amène, dit-elle, à faire un
pacte secret avec Dieu : un total dévouement à Sa cause en échange d’un « travailleur de
l’évangile pour que je me marie avec lui, qu’il soit noir ou blanc ». Ses prières et les jeûnes
répétés qu’elle s’impose semblent récompensés deux ans plus tard, quand son frère lui parle
d’un homme qui a été pasteur à Areia Branca et vient au seringal. »
Ce frère attribue à Braz un titre qu’il n’a pas encore. Si ce dernier participait bien à la
congrégation à Areia Branca, il ne deviendra pasteur, officiellement ordonné par l’église, que
quelques années plus tard. La flexibilité de l’usage du terme, et son application peu rigoureuse
à de simples participants du mouvement, montre combien, dès les débuts du pentecôtisme, la
fonction de pasteur était synonyme d’autorité, créditant celui qui était ainsi qualifié d’un
indéniable prestige.
Braz et Guiomar entendent donc parler l’un de l’autre avant même de se connaître, et ils
auraient décidé chacun de leur côté de faire de l’inconnu son conjoint avec pour seul critère
explicité de leur choix la religion professée. D’un point de vue plus concret, il faut souligner
le mariage avantageux fait par Braz car Guiomar, qui n’est plus si jeune pour une première
union, représente un beau parti pour un migrant sans aucune fortune. Par ailleurs, cet exemple
confirme les analyses portant sur la condition féminine dans les seringais. Loin de subir
simplement la domination masculine dans une région et à une époque où les femmes sont
rares, ces dernières parvenaient à élaborer des stratégies matrimoniales (Franco, 2001 :131).
7
C’est ainsi que Guiomar dicte ses règles et impose l’appartenance religieuse comme une
exigence à ses prétendants.
Avant de s’aventurer loin du seringal paternel, Guiomar a déjà converti ses parents et leurs
dépendants. De retour de Manaus avec sa soeur, elle brûle du désir de partager une foi récente
avec une famille jusque-là très catholique. Mais toutes deux ont été instruites par le pasteur
des erreurs que commettraient souvent les nouveaux convertis par excès de zèle. Elles
affichent donc une grande déférence à l’égard des rites et des croyances des parents. La prière
qu’adresse la mère à son saint de dévotion est en effet un moment important de la journée où
se réunissent les familiers de la maisonnée. Le processus d’adhésion du groupe au
pentecôtisme commence par une guérison spectaculaire, celle d’une servante qui la première
rompt publiquement avec le catholicisme en brisant les objets religieux lui appartenant. Selon
Guiomar, cette conversion fait immédiatement boule de neige et rapidement tous au seringal
professent la foi évangélique. Ses parents seront parmi les derniers. Dans un premier temps, la
mère délègue à sa plus jeune fille la direction de la prière en l’honneur de saint François,
avant de renoncer définitivement à une pratique désormais considérée idolâtre. Pendant ce
temps, le père (« un type très prudent qui lisait beaucoup les écritures et attendait de connaître
une vérité vraiment véridique ») entame un long périple jusqu’à la capitale paraense afin de
mieux connaître la nouvelle religion dont parle sa fille. Vingt jours plus tard, un télégramme
informe les habitants du seringal du baptême dans les eaux du patron et scelle leur sort
religieux. La construction d’un temple à proximité de la grande maison entérine l’adhésion
des quarante familles installées sur les terres de Boa Esperança, quelques deux cent personnes
y compris les enfants.
La guérison de servante, la mise à distance par la mère des pratiques catholiques et enfin la
conversion du père témoigne de la ténacité de Guiomar à transmettre ce qu’elle croit être la
vérité du message biblique mais aussi de son prestige dans le groupe, celui-ci très
certainement lié à sa connaissance de l’univers urbain d’où elle a ramené cette nouveauté
religieuse. Il est probable que le déroulement des évènements ait été plus lent que dans son
souvenir mais la contraction du temps du changement religieux est un procédé narratif
récurrent qui vise à insister sur la profondeur et l’étendue des transformations. Cette
remémoration révèle pourtant des rapports sociaux inégalitaires. L’enchaînement des
conversions évoqué par Guiomar reflète en effet une stricte inversion de la hiérarchie locale et
des positions occupées par les individus. La première à franchir le pas est une servante, dont
on peut à la fois supposer que la religion importe peu aux patrons et auprès de laquelle, en
revanche, les certitudes de leur fille ont sans aucun doute lourdement pesé. En fin de
séquence, l’adhésion du père, le dernier rejoindre la croyance, chapeaute, en le parachevant, la
fondation d’un nouvel ordre à l’image de l’ancien. Elle lui permet de réaffirmer son autorité
sur le groupe local en ajoutant à son statut de patron, celui de leader religieux.
SERINGALISTA ET ÉVANGÉLIQUE
Avant de devenir seringalista, le père a gravi tous les échelons de la hiérarchie locale, à
une époque où le monopole des grandes maisons basées à Belém, Manaus ou encore Rio de
Janeiro est déjà en voie de franche consolidation (Franco, 2001 :98)16. Les différentes
fonctions exercées par le père au cours de sa carrière donnent un aperçu du dispositif
économique pour la production du caoutchouc. Il commence par travailler pour une
compagnie de commerce de Rio de Janeiro qui l’envoie ravitailler en marchandises les
seringais de cette zone aux confins de l’Amazonas et de l’Acre. Quand lui est offerte
16 C’est à la veille de la première crise du caoutchouc en 1912 que le « modèle atomisé de la jouissance des
seringais, liée à l’initiative de nombreux nordestins entrepreneurs » est remplacé par celui de grands seringais
contrôlés par le capital marchand de quelques compagnies commerciales établies dans les capitales (Franco,
2001 :100).
8
l’occasion d’abandonner cette vie itinérante, il exerce quelques temps la fonction de teneur de
compte d’un seringal donné, accédant alors au statut d’employé « intermédiaire »17 entre le
patron et les seringueiros-extracteurs qui viennent s’approvisionner au magasin. Il prend
ensuite une propriété en fermage avant de s’installer à son compte lorsqu’il a réuni la somme
nécessaire à l’achat d’un seringal.
À l’instar de nombreux patrons, il restait cependant fermement lié aux grandes maisons de
commerce, tout comme celles-ci dépendaient en amont des compagnies internationales
exportant le latex. Ces dernières finançaient en effet les maisons commerciales fournissant à
crédit les biens de consommation que le patron cédait aux seringueiros contre leur production
à venir. En retour le seringalista s’acquittait des avances concédées en leur remettant le
caoutchouc obtenu qu’elles transféraient aux exportateurs. Cette chaîne de dépendance
mutuelle était encore renforcée par le fait que la circulation des marchandises se faisait à
crédit (Martinello, 1988 :45). Le père ne cessera de la sorte jamais d’être dépendant d’une
firme commerciale tout comme les seringueiros installés sur ses terres, dits aussi clients
(fregueses), lui sont assujettis.
À la suite de Samuel Benchimol18, Pedro Martinello souligne l’ambiguïté de la condition
sociale des seringueiros-clients face au patron-seringalista. L’auteur note que si socialement
le seringueiro était libre, sa condition réelle s’assimilait à celle d’un serf, esclave d’une dette
que le système appelé aviamento ne lui permet pas d’acquitter et qui le lie à jamais au patron.
Durant la grande époque du caoutchouc, les patrons usaient de violence pour contrôler les
extracteurs travaillant sur leurs terres. Après la crise de 1912 qui provoque la faillite de
nombreux établissements de commerce et, par voie de conséquence, la ruine des seringais
qu’elles sustentent, l’aviamento subsistera mais l’emprise des seringalistas sur leurs clients
s’affaiblit et la relation entre seringueiros et seringalistas subit de profonds changements.
Face à des patrons incapables d’achalander les magasins comme il se doit, les seringueiros
diversifient leurs activités de production (plantation, chasse et pêche jusque là interdites par le
patron). L’indépendance économiquement acquise élargit la capacité de négociation des
seringueiros qui peuvent décider de ne pas donner tout leur caoutchouc au patron, d’en céder
une partie à un autre ou de se ravitailler chez des voisins (Wolff, 1999 :98, 149-150 ; Franco,
2001 :366, 405).
« un seringalista rencontre beaucoup d’obstacles : le client [le seringueiro] vient, cueille,
reprend sa liberté et s’en va. »
Si l’on considère cette liberté, même relative, des seringueiros, peut-être faut-il alors voir
aussi dans cette conversion du père « qui n’est jamais devenu riche » les effets d’une rivalité
entre deux seringalistas. Car le patron de Bom Jardim, un seringal proche d’une taille plus
importante19, convoite les terres de Boa Esperança qu’il finira, comme nous le verrons, par
obtenir en 1953. L’adhésion du père au pentecôtisme a pu souder l’ensemble de des
dépendants de ce petit seringalista sur la base d’une appartenance religieuse commune et
différente du voisin aux vues expansionnistes, masquant de la sorte la défense de ses intérêts
personnels dans laquelle il était engagé.
Toutefois la foi évangélique affichée par le seringalista et ses dépendants ne se contente
pas d’être contrastive en renforçant des limites territoriales menacées. Elle cherche à
augmenter sa zone d’influence au nom du devoir fait à tout croyant de diffuser la Parole de
17 Wolff (1999 :67-68) note qu’il existait plusieurs autres fonctions intermédiaires outre celle de teneur de
compte : employé de comptoir, ceux qui ouvrent les sentiers d’hévéas et surveillants, agriculteur et chasseur.
Voir Reis (1953 :113-116) pour une description des différentes fonctions. 18 Dans les années quarante, cet auteur avait déjà observé que les expressions client (freguês) et patron ne
renvoient pas à une même perception de la réalité : « le premier ne voit pas de sociologie, mais l’économie –
‘mon patron’. Ce dernier parle en termes sociologiques, dans un simulacre de liberté qui flatte – ‘le client
ordonne’ » (1992 :43). 19 Braz parle de cinquante à soixante seringueiros pour Boa Esperança.
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Dieu. En contrepoint de tentatives réitérées du patron de Bom Jardim pour s’emparer de Boa
Esperança, Guiomar s’aventure sur les terres du premier pour exhorter ses habitants à la
conversion avec la bienveillante neutralité de son père, sinon sur son ordre.
Les incursions prosélytes suscitent la colère du patron de Bom Jardim et l’affaire est portée
devant le commissaire de police qui donne raison aux croyants de Boa Esperança : « vous
savez ce que le commissaire a dit? ‘J’aimerais avoir ce peuple pour travailler avec moi, parce
que c’est un peuple de Dieu qui ne fait de mal à personne’ », se souvient Braz. Le patron de
Bom Jardim avait pourtant certainement raison de redouter l’implantation d’une congrégation
évangélique sur ses terres et parmi ses seringueiros. Dans un contexte où les patrons ne
possèdent plus le contrôle absolu des producteurs établis sur leur seringal, l’appartenance
religieuse pouvait apparaître comme un argument supplémentaire pour justifier la défection de
seringueiros, ceux-ci cédant à l’illusion que remettre le fruit de leur travail à un patron lui
aussi croyant leur réserverait un sort meilleur.
L’INTÉGRATION DU MIGRANT AU SERINGAL
Quand Braz arrive à Boa Esperança, l’ensemble des habitants est déjà évangélique et leur
vie est rythmée par la participation aux cultes. Selon le pasteur, lorsqu’il va saluer le père de
Guiomar, ce n’est pas seulement parce qu’un subordonné doit se présenter à son patron mais
aussi parce que, dans une interprétation plus égalitaire de son geste, ils sont évangéliques tous
les deux. Les pentecôtistes ont de fait pour habitude lors d’un changement de lieu de
résidence de se faire connaître auprès de la congrégation et du leader religieux locaux. Les
deux hommes se découvrent alors une origine nordestine commune, le père ayant fait partie
des vagues de migrations précédentes avant de faire souche en Amazonie. Ils s’affirment en
outre –une fois encore de concert- différents de leurs compatriotes dans la mesure où,
désormais croyants, ils n’ont plus à soutenir la réputation attachée aux Nordestins, et
principalement aux Cearenses20, celle d’hommes emportés, à l’honneur très chatouilleux :
« J’ai dit: ‘c’est d’un endroit de gens bagarreurs [valente.] Il a dit : ‘je ne suis plus bagarreur,
je suis croyant.’ »
La transformation personnelle21 revendiquée par le patron met en confiance l’employé qui
s’enquiert de la situation de la famille et plus précisément de la disponibilité des filles.
L’intimité suscitée par une même croyance et confortée par une provenance géographique
analogue aurait eu, selon Braz, des conséquences importantes sur son insertion
professionnelle dans le seringal. Car, ce qu’il assure dans un premier temps de l’entretien,
c’est n’avoir jamais travaillé comme seringueiro, le patron décidant de l’affecter à la tenue
des comptes. En tant qu’employé du magasin (barracão), contrôlant l’accès des seringueiros
aux vivres et vérifiant la production de caoutchouc qu’ils amènent, Braz appartient au proche
entourage du patron. Il côtoie la fille mais c’est au père, comme il le dit, qu’il fait sa cour. Les
langues ne tardant pas à se délier, Guiomar prend les choses en main et fait elle-même sa
demande au père, agenouillée comme une fille respectueuse et déterminée comme une femme
de tête. Le père donne de bon cœur son accord car Braz « ‘est moreno22, mais c’est un moreno
de vergonha [un noir de honte].’ Oui, parce que moreno, c’est la couleur. Maintenant ‘de
honte’ en raison de mes manières. Je ne me suis jamais approché d’elle pour discuter. Je
discutais davantage avec le vieux » commente le pasteur.
20 Le terme cearense finira par désigner tous les Nordestins, quelque soit leur État d’orignine. 21 Le thème de la renaissance personnelle est récurrent. Voir Boyer (2001). 22 Le terme s’applique aux métis et à tous ceux dont on ne veut pas dire qu’ils sont noirs. Le dictionnaire Aurélio
décrit cette couleur comme celle du blé mûr.
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Moreno de vergonha23, un noir qui a conscience de son honneur parce qu’il sait ce qu’est
la honte, un noir qui connaît sa place et respecte le patron. Dès lors ce dernier peut affirmer :
« Cette question d’être moreno ne veut rien dire. L’important est le caractère de l’homme. »,
La formulation montre néanmoins la persistance des préjugés, le stigmate de la couleur
n’étant pas écarté mais seulement contrebalancé par la dignité de l’homme -dignité à laquelle
le fait d’être croyant n’est peut-être pas étranger aux yeux du père. Le couple ne s’engage
d’ailleurs plus avant qu’après le décès de la mère, une femme que Braz décrit comme
instruite, ayant un métier et citadine mais à laquelle la couleur de sa peau indisposait plus que
son statut social et sa pauvreté.
Ils se fiancent en 1946, un peu plus d’un an après son arrivée. Se pose alors le problème
des documents, Braz n’ayant qu’un certificat de naissance établi par l’Église catholique. Or
les fonctionnaires de la mairie d’Eirunepé ne veulent pas l’accepter au prétexte qu’« il y a
beaucoup de gens qui viennent déjà mariés » du Nordeste. En août de la même année, Braz
décide d’aller faire les démarches à Cruzeiro do Sul, deuxième ville du Territoire de l’Acre,
où il a des contacts dans l’administration. Guiomar ne peut l’accompagner car elle doit
s’occuper de son père tombé entre-temps malade. C’est donc avec une procuration en poche
qu’il part officialiser leur union : « Pour l’avoir en mon pouvoir, j’ai attendu seize jours après
le mariage”, le temps du voyage de retour. Le vœu secret d’une Guiomar évangélique aurait
ainsi scellé l’union heureuse du travailleur métis nordestin et de la fille blanche du patron.
Interrogé sur son expérience comme seringueiro, ce pour quoi somme toute il est venu en
Amazonie, Braz répond systématiquement en évoquant sa relation d’alliance : « Mon patron
est devenu mon beau-père ». Dans son récit, on entrevoit toutefois une autre version de son
intégration au seringal où son ascension aurait été moins fulgurante qu’il ne le laisse entendre
au début. Il aurait collecté le caoutchouc jusqu’à son mariage avec Guiomar, voire même
jusqu’à son départ du seringal.
Craignant d’être dépossédés du bien paternel, les frères de Guiomar ne voient pas d’un bon
oeil le mariage de Guiomar, d’autant qu’un second couple se forme dans des termes
équivalents, entre une autre de leurs soeurs et le compagnon de voyage de Braz, João Gomes
de Queiroz. Avec le temps, la jalousie des frères envers les arigós, nom donné aux Nordestins
venus pendant la bataille du caoutchouc, semble avoir disparue. Quoiqu’il en soit réellement,
ils ne sont plus mentionnés comme des acteurs importants dans le drame que Braz s’attache à
présent à décrire. Avec la disparition du beau-père, la période dorée de la vie au seringal
touche en effet à sa fin et de vives tensions apparaissent entre les deux gendres pour le
contrôle de l’héritage. Une même appartenance religieuse ne semble alors plus suffire à
maintenir opérante une solidarité chaque plus ténue.
LE DÉPART DU SERINGAL : CONFLITS FAMILIAUX ET MISSION RELIGIEUSE
Reprenant les évènements sous divers angles, Braz et sa femme trouvent les signes les plus
larges d’une traîtrise annoncée du beau-frère. Guiomar rapporte, par exemple, une
conversation avec son père où celui-ci aurait fait preuve d’un grand discernement, sachant
distinguer au-delà de leur apparence la trempe réelle des hommes. Queiroz qui physiquement
correspond davantage que Braz au gendre idéal s’y voit dénier des qualités morales réservées
par le père au futur pasteur. Les yeux bleus, signe de blancheur, ne l’emportent pas sur une
nature définie comme peu croyante alors que la couleur désavantageuse de Braz est
neutralisée par son obéissance aux valeurs de l’évangile. A posteriori, le commentaire du père
sonne comme une mise en garde. Le différend entre les deux hommes aurait éclaté quand
Guiomar, qui s’occupait du magasin du vivant du père, en remet, au décès de ce dernier, la clé
23 Franco (2001 :222) et Wolff (1999 :226) citent une expression comparable : « preto de confiança », un noir de
confiance.
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à son époux. Ce transfert est parfaitement conforme aux représentations concernant la position
des femmes, toujours dépendantes d’une autorité masculine, paternelle puis maritale.
Cependant, ce qui est logique du point de vue de Guiomar, et qu’elle accomplit
certainement de toute bonne foi, ne l’est absolument pas pour Queiroz. Non seulement Braz
lui est un égal de même sexe mais, en tant que gendre du seringalista, il prétend avoir les
mêmes droits que le futur pasteur. Queiroz conteste bruyamment cette appropriation de la clé,
symbole de l’autorité dans le seringal et du contrôle des seringueiros, appropriation qui est
effectivement une manière très concrète de faire main basse sur le domaine: Le beau-frère a
en outre deux arguments de poids qui l’aideront à l’emporter : il a été nommé gérant du
domaine par le seringalista lui-même et sa femme est l’aînée des enfants.
Vivre sous la tutelle d’un homme qui est essentiellement perçu comme un alter ego est
insupportable à Braz et à sa femme. Le futur pasteur attendait, comme il le dit clairement,que
Queiroz se montre solidaire en vertu de la similitude de leur trajectoire et, peut-être même, en
raison de leur position analogue face aux fils du seringalista. Le statut obtenu par un homme
venu de la même région, qui a partagé le même sort et les mêmes expériences, a fait un
mariage semblable et professe la même foi leur rappelle sans cesse que Braz aurait pu
connaître ce destin.
Ne pouvant pas plus nier les compétences de Queiroz en matière de gestion que son bon
droit, le pasteur et sa femme s’en prennent à la sincérité de son engagement religieux, élément
plus insaisissable que Braz est devenu, en tant que spécialiste religieux, apte à déchiffrer. Son
récit change d’ailleurs sensiblement de ton : la grille religieuse sert non seulement à ordonner
les événements ou expliquer son itinéraire personnel mais à interpréter les conflits au sein
d’un groupe, où tous les individus se réclament du pentecôtisme, en contestant l’authenticité
de la foi de certains. Le comportement et les actions sont alors scrutés pour discerner les
signes d’une croyance de façade. Dans le cas précis du beau-frère, la tyrannie qu’il aurait
exercé, le tempérament belliqueux le poussant à prendre les armes contre Bom Jardim sont
d’autres éléments indignes d’un évangélique qui autoriseraient Braz à tirer cette conclusion :
« il était seulement croyant des dents vers l’extérieur ».
Le souvenir qu’ils ont gardé de cette partie de leur vie est celui d’une période d’oppression
par un mauvais patron qui voulait les « réduire en esclavage ». Ces termes viennent
clairement alimenter un thème important en Amazonie et dans le Nordeste brésilien, celui de
la captivité (cativeiro) qui permet aux habitants de l’intérieur de caractériser des situations
très diverses, allant de contextes sociopolitiques généraux à des situations quotidiennes
particulières (O. Velho, 1995). La remarque de Otávio Velho à propos du rapport entre
explications de la migration et croyances du catholicisme semble tout aussi pertinente dans le
cas du mouvement évangélique : « les raisons invoquées [pour migrer…] sont pleinement
intégrées à la tradition catholique, dans laquelle, depuis au moins l’Exode, le déplacement
représente une fuite de la captivité » (id. :30). C’est pour fuir cette captivité que, renonçant à
faire valoir ses droits sur le seringal, Guiomar aurait invité son mari à tout quitter pour se
consacrer entièrement, comme elle le dit, à l’œuvre de Dieu. L’abdication sans condition de
Guiomar, qu’elle réaffirmera plusieurs fois au cours de l’entretien, n’en est pas moins
surprenante de la part d’une femme qui s’est montrée très combative dans d’autres occasions,
en particulier quand il s’agissait de convertir les populations alentour. Il est probable que la
situation financière désastreuse du seringal et l’impossibilité d’obtenir un prêt de la banque
les aient poussés à partir24.
La suite de l’histoire est, comme on pouvait s’y attendre, celle d’un châtiment qui se
poursuit jusqu’à maintenant avec un Queiroz aveugle et unijambiste, vivant seul dans une
banlieue pauvre de Manaus après qu’il eût abandonné femme et enfants et cédé, en 1953, le
24 Voir Martinello (1988 :293 et suivantes) sur le désengagement de l’État après 1945.
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seringal au voisin catholique de Bom Jardim25. Curieusement, Braz évoque également pour
lui-même l’idée d’un châtiment. Il faut dire que, ne pouvant allant à Manaus faute d’argent, il
a conseillé à sa femme d’imiter sa signature, donnant son consentement officiel aux
transactions qui les privent de tout. L’idée qu’une fraude puisse être désagréable à son Dieu
ou qu’une entorse à la loi des hommes soit un péché du point de vue de la religion lui est
étrangère. Le jugement de Braz semble s’appuyer sur le constat d’une situation de fait où il
s’est mis lui-même et dont il lui faut assumer les conséquences. Le départ volontaire de Braz
et de sa femme, qui peut éventuellement apparaître comme une bravade, ne l’autorise pas non
plus à se plaindre.
UNE CARRIÈRE DE PASTEUR
Leur sortie du seringal correspond à la professionnalisation de Braz dans le domaine
religieux, et il conçoit les activités rémunérées qu’il exercera ici ou là comme un complément
de revenus tirés avant tout du culte. Il souligne cependant que sa vocation date d’avant son
départ du Nordeste et que s’il est devenu soldat du caoutchouc, c’était simplement pour venir
en Amazonie gratuitement, « même si c’était comme du bétail. »
Dans le récit qu’il nous livre de sa carrière, l’importance du critère religieux dans son
mariage devient plus intelligible. Le choix d’une compagne évangélique était certes motivé
par la recherche d’une affinité religieuse. Il est toutefois aussi posé comme une exigence par
la hiérarchie de l’Assemblée de Dieu pour accréditer l’autorité les hommes qui ont agrégé
autour d’eux un noyau d’individus. En 1946, une fois marié, Braz occupera pendant trois ans
la fonction de dirigeant de la congrégation du seringal.
Ne se contentant pas de ce statut de responsable d’un groupe religieux local, il semble
avoir nourri très tôt l’ambition de devenir un jour pasteur consacré, une fonction où il serait
responsable d’une église établie sur un territoire plus vaste et regroupant plusieurs
congrégations. Les contacts noués avec la hiérarchie de l’Assemblée de Dieu, laquelle est à la
recherche de cadres pour renforcer son implantation, lui permettent ne pas partir du seringal
complètement à l’aventure. Lors d’une réunion de l’Église à Manaus, il accepte de prendre,
« en tant que pasteur » même s’il a le rang inférieur d’évangéliste, la direction d’une église
dans une petite ville sur le fleuve Purus26. Quand il quitte le domaine dans un état d’extrême
dénuement – « avec deux enfants, un troisième en route et un hamac »-, c’est donc pour
s’installer à Lábrea en 1949.
Évangéliste n’est pas encore pasteur27 et la taille du groupe de croyants –trois familles- est
plus proche de celle d’une petite congrégation que de celle d’une église. Braz va alors
s’attacher à augmenter le nombre d’évangéliques, en ouvrant des congrégations dans
l’intérieur, pour former une église digne de ce nom, c’est-à-dire qui ait une rente régulière et
dispose d’une maison pastorale. Il restera jusqu’en 1954 à Lábrea quand on lui propose de
diriger l’église d’une autre petite ville, située sur un affluent du Purus dans l’État voisin de
l’Acre. Il y assumera encore une fois la fonction prestigieuse de pasteur, chef d’un groupe
religieux qui se reconnaît en lui, en tant que simple évangéliste devant lutter pour conquérir
des âmes sur le catholicisme.
Son ordination aura lieu en 1958 à Rio Branco, la capitale de l’État. C’est donc un pasteur
officiellement reconnu par la hiérarchie de l’Assemblée de Dieu qui rejoint la ville de
25 La vente du domaine à « l’un de ceux qui persécutait » les croyants est un autre révélateur, s’il en fallait
encore, de la duplicité de sa foi aux yeux de Braz et de sa femme. 26 Se reporter à la carte n°2 pour les villes citées. 27 L’ouverture d’un front religieux est le fait des évangélistes. Ils sont chargés de constituer un groupe religieux,
comme ils le peuvent, ce qui les amène à se déplacer beaucoup au fur et à mesure des tentatives de conversion.
C’est ce groupe enfin stable que vient administrer par la suite le pasteur, pasteur qui comme Braz a la plupart du
temps commencé comme dirigeant, puis évangéliste.
13
Cruzeiro do Sul, à l’extrême ouest de l’Acre, en 1959. Bien que le premier évangéliste y soit
arrivé trente ans plus tôt, Braz n’y trouve, selon les documents de l’Église, que quarante-deux
croyants, ce qui montre assez bien la lenteur des débuts du pentecôtisme. Pendant ses vingt-
quatre ans d’activité, Braz se montrera très dynamique et son pastorat sera d’une remarquable
longévité : il participe à la première convention régionale quand le ministère de l’Acre cesse
de dépendre de l’Église de Manaus, organise des programmes de radio évangéliques, construit
le premier temple en dur, fonde la chorale de l’église et multiplie les points de prêche28.
Avant de prendre une retraite méritée en 1987 et de contempler avec fierté la belle réussite
d’un migrant nordestin devenu pasteur en Amazonie, Braz a connu une époque de vaches
maigres dont on comprend qu’elle a duré plus longtemps qu’il n’aime à le reconnaître. Les
émoluments d’un pasteur, ou d’un évangéliste, sont en principe prélevés sur la dîme que
versent les membres de leur église. La plupart d’entre eux gagnant à peine de quoi vivre,
quand ils ne sont pas au chômage, le pasteur-évangéliste dans l’intérieur reçoit plus souvent
une poule ou de la farine de manioc qu’il ne voie de billets de banque. Braz ne pouvait donc
pas offrir à sa famille de meilleures conditions de vie qu’au seringal et il a dû exercer de
petits métiers (fabrication et vente de charbon de bois) à côté de son activité pastorale. Avec
neuf enfants, la misère n’aurait pas été très loin si sa femme n’avait elle aussi contribué par
son travail (vente ambulante de gâteaux, lavandière) à améliorer leurs revenus :
LE MOT DE LA FIN : FAIRE DE LA CHUTE UN TREMPLIN
Dans le récit de leur existence après le départ du seringal, affaires familiales et
appartenance religieuse continuent à être intimement liées. La sœur de Guiomar a gardé le
contrôle du domaine au titre d’aînée ; elle se trouve aussi la précéder chronologiquement dans
la longue chaîne de la conversion des habitants de Boa Esperança. Si Guiomar semble
accepter le premier fait, elle n’entend pas s’installer dans le rôle d’éternelle seconde. Elle
s’efforce de prendre discursivement une revanche éclatante, à laquelle elle associe
indirectement son mari devenu pasteur, en se référant aux Évangiles.
Sa soeur adhère au pentecôtisme lors d’un séjour à Rio de Janeiro, à l’époque capitale du
pays, ce qui lui vaut d’être expulsée du collège catholique où elle étudie et hébergée quelque
temps par un missionnaire pentecôtiste suédois. De retour à Manaus en 1942, elle parle
jusqu’à tard dans la nuit de sa foi récente à Guiomar qui garde un souvenir très précis de ce
moment. La catholique fervente qui ne dormait jamais sans prier se serait montrée très
réceptive au message délivré par sa soeur. La longue discussion aurait eu des prolongements
immédiats dans un rêve29 que fait Guiomar, puis dans la réalité aussi dès le lendemain matin,
en découvrant que, par la simplicité de sa mise, elle ressemble à ces croyants jusque là
inconnus d’elle. Cette succession d’événements aboutit à une conversion spectaculaire par sa
brièveté : répondant à l’appel du pasteur le matin, elle parle en langue l’après-midi et est
baptisée dans les eaux quelques jours plus tard. Le récit de son adhésion au pentecôtisme
contraste avec celui de Braz, plus conforme aux narrations habituelles, qui procède par étapes,
alternant les périodes de participation intense avec des moments d’éloignements.
Si Guiomar ne nie pas avoir été introduite au pentecôtisme par sa sœur, elle affirme avoir
été plus loin que celle-ci dans cette voie. Le rêve éveillé de la première nuit, avec les anges, la
mer qu’elle franchit, la montagne qu’elle gravit et la beauté de chaque chose, se révèle plus
qu’une illustration des thèmes du salut et de la renaissance chers aux évangéliques. Le sens de
28 Les points de prêche (pontos de pregação) ne sont pas strictement consacrés aux activités religieuses. Un
particulier sympathisant peut offrir sa maison ou un maire l’école du village jusqu’à ce que la congrégation ait
les moyens d’ériger un temple. 29 “J’ai rêvé, marchant sur un chemin […] sans fin et j’allais devant. Tous avaient un morceau de bois dans la
main, une couronne et des vêtements longs, la plus belle chose du monde, et moi devant. Dans ce bataillon,
j’étais la première ».
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l’annonce faite par l’un des anges (« Tu ne sais pas que tu as été la dernière et que tu es la
première ») va s’ancrer dans les relations familiales pour lui donner la valeur d’une prophétie.
La sœur s’est converti la première mais elle a épousé le mauvais homme alors qu’elle,
Giomar, n’a jamais cessé de travailler pour Seigneur, se trouvant aujourd’hui être l’épouse
d’un pasteur. De la même façon, elle suggère que son mari n’aurait perdu le contrôle du
domaine que pour mieux se consacrer à la carrière religieuse : derniers dans le seringal, ils
deviennent les premiers en embrassant la mission.
Mettant en rapport les rêves de fortune des migrants et les mouvements messianiques du
Nordeste, S. Benchimol écrivait : « la seringa [amazonienne] est la version du miracle
[nordestin]. À la place de la prière, le tir ; de la promesse, la mise en joue […] Le destin que
l’immigrant amène doit être compris en fonction de cet accès messianique de libération
économique par la folle possession de la seringa » (1992 :91). Malgré la formulation
surannée, la mise en relation de l’économique et du religieux est pertinente pour notre propos
dans la mesure où elle renvoie encore à la catégorie de la captivité (cativeiro) évoquée plus
haut. La seringa n’a pas permis l’enrichissement rapide des migrants, elle a au contraire
permis leur asservissement dans une structure sociale et un système de production particuliers.
Cependant certains d’entre eux, comme Braz, ont trouvé leur miracle amazonien dans le
pentecôtisme en adoptant d’autres prières et d’autres promesses.
Si, comme le dit O. Velho, les croyances du catholicisme dessinent une toile de fond à
partir de laquelle peuvent être ordonnés les événements les plus généraux, elles ne deviennent
un moteur de l’action que dans le cas des messianismes, pour réaliser sur terre la cité idéale30.
Celles du pentecôtisme, en revanche, contraignent davantage le fidèle à l’activité et au travail
religieux31. À travers le devoir de témoignage et celui de conversion, l’expérience religieuse
amène l’individu à se projeter dans l’avenir, avec le salut dans l’au-delà et le réconfort de la
congrégation ici-bas, et pour certains les carrières religieuses comme récompense.
On ne peut qu’être attentif à l’expression « captivité » s’agissant d’un mouvement
religieux qui a fait du mot « libération » son étendard32. Parlant de leur adhésion religieuse sur
le mode de la rupture, les évangéliques évoquent, alors même que pèse sur eux la structure
autoritaire des Églises, la libération bienfaisante qu’ils auraient connue : de « j’étais
prisonnier de mon patron, de l’alcool, des tentations, etc. » à « je suis heureux avec Jésus et
parmi mes frères ». L’épisode du départ de Braz et de sa femme du seringal est mis en scène
de manière analogue : à la captivité initiale succède l’engagement religieux et la délivrance.
Un double déplacement est alors effectué : dans l’espace, à la recherche d’une amélioration de
leurs conditions de vie, mais aussi symbolique, en accédant au pouvoir libérateur de la grâce,
qui leur permet de recommencer ailleurs et mieux qu’avant.
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30 Pour une analyse des mouvements messianiques au Brésil, voir l’ouvrage de M. I. Pereira de Queiroz (1976). 31 Dans le temple, il lui faut témoigner de sa renaissance en prenant publiquement la parole ; hors de l’église le
prosélytisme est de rigueur, incitant le fidèle à sauver le plus d’âmes possible. 32 Pour André Corten (1995), la libération du pentecôtisme consiste à nommer la réalité du monde des miséreux
pour l’invalider par la conversion. L’analyse de R. A. Chesnut va dans le même sens : la conversion des croyants
« les vaccineraient contre la plupart des maladies de la pauvreté » (1997 :91).
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