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Analyse de politiques publiques « La politique d'inscription en première année commune de l'enseignement secondaire de la Communauté française de Belgique : le cas du décret Simonet » par Nicolas Baltus Julien Noël Marie Dewaele Nicolas Lemoine Mélissa Lefebvre Année académique 2010-2011

La politique d'inscription en première année commune de l'enseignement secondaire de la Communauté française de Belgique : le cas du décret Simonet (2009)

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Analyse de politiques publiques

« La politique d'inscription en première année commune de l'enseignement secondaire de la Communauté française de

Belgique : le cas du décret Simonet »

par

Nicolas BaltusJulien Noël

Marie DewaeleNicolas LemoineMélissa Lefebvre

Année académique 2010-2011

Table des matières

PageIntroduction 1Précisions méthodologiques 2Partie descriptive 3

Historique avant la Période Simonet 3Période Simonet 3Mise à l'agenda 7

Formulation de solutions 8Décision 16Mise en œuvre 19Évaluation 25

Partie analyse 29Mise à l'agenda 29Formulation de solutions 30Décision 33Mise en œuvre 33Évaluation 35

Conclusion 37

Annexes

Rappel sur le fonctionnement de l'enseignement secondaire 1Interview n°1 3

Interview n°2 14Interview n°3 21Interview n°4 25Extraits de la Déclaration de politique communautaire 2009-2014 29Arrêt de la cour constitutionnelle 4/2011 du 13 Janvier 2011 31Décret du 18 mars 2010 (décret Simonet)

Introduction

En choisissant comme objet d’analyse la politique d’inscription en première année commune de l'enseignement secondaire menée par le Gouvernement de la Communauté française de Belgique (et ce essentiellement à travers un dispositif spécifique : le décret inscription - troisième du nom), nous savions que nous avions affaire à une politique publique spécifique, caractérisée par plusieurs particularités.

Tout d’abord cette politique est, en substance, un casse tête technique et logistique, la question de sa mise en œuvre étant tout autant un problème social, politique, mais aussi scientifique. Ensuite parce que la mise au point de cette politique d’inscription est un processus long qui a débuté en 2006 et qui continue aujourd’hui à faire l’objet d’une couverture médiatique importante. C’est bien là que se situe la spécificité de cette politique: elle fait l’objet d’une attente importante de la part des parents d’élèves et des directeurs d’écoles (certains parents d’élèves ayant souvent usé de leur droit de pétition pour manifester leur mécontentement), elle est sujette chaque année à des échéances importantes qui structurent le travail du politique de manière prépondérante (la rentrée scolaire étant une échéance incontournable) et surtout, plusieurs personnalités politiques ont vu leurs tentatives se solder par un échec. C’est précisément pour cela que la couverture médiatique a toujours été très importante, traitant le sujet à la manière d’un « feuilleton politique », augmentant la pression sur les décideurs politiques et se faisant souvent porte-voix de parents d’élèves mécontents. Tout le monde a le souvenir de reportages vidéo dévoilant de longues files de parents d’élèves à l’entrée des écoles secondaires convoitées, et nous associons tous plus ou moins inconsciemment Madame Arena (pour ne prendre qu'elle) au fiasco d’un décret que certains ont surnommé le « décret files ».

C’est cela qu’il nous faut garder à l’esprit : dans la mise au point de cette politique publique, le travail de chaque décideur est conditionné par les échecs de ses prédécesseurs, chaque nouveau décideur évoluant donc dans un environnement marqué par le passé, où les attentes des différents acteurs ont évolué – et se sont souvent renforcées - avec le temps. En résumé, chaque nouveau ministre en charge de cette politique sait quel est l’objectif à atteindre et s’il n’a aucune idée, a priori, du chemin à emprunter, il a une idée de ceux qu'il doit éviter.

Mais le choix de cette politique publique, dans le cadre de ce travail, a aussi quelques avantages : outre le fait que nous disposons d’outils pertinents mis en place par la Communauté française de Belgique et d’un contenu médiatique plus que suffisant, la politique d’inscription en première année commune de l’enseignement secondaire se prête facilement à une analyse séquentielle du type de celle que nous devons mobiliser.

En gardant tous ces éléments en tête, nous tenterons donc de produire une analyse pertinente de cette politique publique, qui a l'avantage d’être relativement accessible pour des étudiants de deuxième bachelier tout en restant assez intéressante pour motiver une analyse plus complexe.

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Précisions méthodologiques

Il nous semble indispensable de préciser l’objet précis de notre analyse, car sous le vocable de « politique d’inscription » se retrouve une série de politiques différentes, correspondant à des acteurs et périodes différentes, tentant de répondre plus ou moins toutes au même problème : créer une procédure d’inscription en première année commune du secondaire qui garantirait non seulement l’efficacité au niveau logistique mais surtout qui permettrait d’atteindre un objectif jusque là jamais atteint, une mixité sociale garantie par une procédure d’inscription automatique.

Analyser toute la politique d’inscription du Gouvernement de la Communauté française depuis 2006 est tout simplement une tâche qui dépasse le cadre de ce travail, et nous avons donc du faire un choix. Nous commencerons notre analyse à partir de la prise de fonction de Madame la Ministre Marie-Dominique Simonet en tant que Ministre de l'Enseignement obligatoire en Communauté française, le 17 juillet 2009.

Outre le fait que pour des raisons pratiques ce choix s’impose naturellement, il nous semble évident qu’étudier une politique qui est actuellement en vigueur est plus pertinent qu’analyser des politiques publiques (et les décrets y correspondant) révolues, même si elles sont utiles pour comprendre l’ensemble du processus, qui s’est déroulé sur plus de cinq ans. Nous ne passerons évidemment pas sous silence les évènements antérieurs à la prise de fonction de Madame Simonet, mais nous nous bornerons à un historique concis, l’analyse portera donc uniquement sur ce qu’on pourrait aisément appeler la « période Simonet1 ».

Pour ce qui est de la structure du travail, nous avons décidé, par soucis de clarté, de procéder comme suit :

- La première partie sera consacrée à une description de ce que nous appelons la « politique d’inscription » de la Communauté française de Belgique : une description des faits, en tentant d'être méticuleux et objectifs.

- La deuxième partie sera consacrée à une analyse – tentative d’analyse plus précisément – de la politique d’inscription à travers un dispositif particulier qu’est le décret inscription (qui constitue le dispositif principal de la politique) : une analyse précise, effectuée en mobilisant au maximum les théories vues au cours, et qui par définition sera plus subjective et surtout, hypothétique.

Nous avons procédé en tentant de justifier le plus possible les faits et les déclarations par des documents officiels, consultables sur Internet et ce pour pouvoir se fonder sur autre chose que les interviews, qui même si elles nous ont apporté beaucoup d'information, ne sont en fait que des points de vues qu'il nous faut compléter.

1 Il ne faut pas croire que notre approche ne se base que sur les actes de Madame Simonet, nous tenterons bien d'aborder la politique dans sa globalité. Nous utiliserons cette expression par sens pratique.

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Partie descriptive

Avant de décrire précisément les faits constitutifs de ce que nous avons précédemment dénommé la « période Simonet » (17 juillet 2009 - ...), il nous faut tout de même faire un rappel historique et descriptif succinct de la période antérieure, qui même si elle ne constitue pas formellement notre objet d'analyse, fait partie de l'histoire de la politique d'inscription de la Communauté française de Belgique. Il est indispensable de poser le contexte, l'historique des deux premiers dispositifs (et donc des deux décrets y correspondant) mis en œuvre par la Communauté française pour réaliser une analyse correcte de la « période Simonet » et du décret y correspondant. Historique de la politique d'inscription de la Communauté française de Belgique avant la prise de fonction de Marie-Dominique Simonet (17 juillet 2009)

On peut raisonnablement penser que la première mise à l'agenda du problème des inscriptions en première année commune de l'enseignement secondaire peut être datée à la prise de fonction de Marie Arena (PS). Après les élections régionales de juin 2004, elle est nommée au poste de Ministre-Présidente du Gouvernement de la Communauté française, également chargée de l’Enseignement obligatoire (et de la Promotion sociale, portefeuille qu'elle perdra en 2007).

Lors de la prise de fonction de Madame Arena, l'ensemble de la procédure d'inscription (à l'époque peu contraignante) est régie par le « Décret définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre »2 adopté le 17 juillet 1997 par le Parlement de la Communauté française3 et par l'Arrêté Royal du 29 juin 1984 relatif à l’organisation de l’enseignement secondaire.

Pour faire simple, à l'époque la procédure d'inscription était très peu encadrée : chaque parent pouvait inscrire son enfant dans l'école de son choix, et si le nombre de demandes était plus élevé que le nombre de places disponibles, il fallait se rabattre sur un autre établissement. Aucun calendrier n'était fixé de manière réglementaire pour les inscriptions. Il était laissé à l'établissement le pouvoir de choisir un élève plutôt qu'un autre (tout en étant obligé légalement d'accepter toute inscription lorsqu’il reste des places disponibles)4. Beaucoup d'abus étaient recensés, certains établissements de la Région bruxelloise s'accordant le droit de ne pas accepter certains élèves, mettant en place de véritables sélections élitistes et arbitraires5.

Le 31 mai 2005, au terme de nombreux débats, de colloques, de visites d'écoles et d'innombrables réunions, le cabinet de la Ministre-Présidente fait approuver par l'ensemble du Gouvernement le « Contrat pour l'école »6. Ce contrat reprend dix priorités « pour nos

2 Communément appelé « décret Missions » 3 Décret CCF - 152 (1996-1997) - N° 333 - 24 juillet 1997 : http://www.pcf.be/req/info/document?

type=DECCCF&no=152&legisorsess=1996-1997&nodoc=333 (dernière consultation le 24 mars 2011)4 Ibid.5 De l'aveu même des membres du Cabinet Simonet, Voy. Interview N°1 dans la partie « Annexes »

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enfants »7 planifiées dans le temps avec précision. La neuvième priorité étant « Non aux écoles ghettos »8.

La volonté de mettre en œuvre cette priorité va être quelque peu forcée par les évènements. Les inégalités des performances de l’enseignement révélées par l'enquête PISA9 menée par l'OCDE (2003) (enseignement peu efficace, peu équitable et ségrégation forte entre établissements) et la grogne des directeurs d'écoles qui dénoncent une procédure d'inscription archaïque, injuste et impossible à gérer pour certaines écoles de la Région de Bruxelles va pousser Marie Arena à s'atteler à la conception d'un nouveau décret visant « à réguler les inscriptions et les changements d’écoles dans l’enseignement secondaire10 ».

Le 7 février 2007, Marie Arena présente un projet de décret au Parlement de la Communauté française de Belgique, qui sera sujet à de longs débats en commission11 (marquée par de virulents débats entre la majorité PS-CdH et l'opposition MR-Ecolo12).

Le but officiel du décret est de favoriser la mixité sociale (ne plus cloisonner les élèves d’un milieu social favorable et les élèves moins favorisés) dans les écoles13. Les réactions des parents d'élèves seront plutôt négatives14, beaucoup de parents redoutant de ne pas pouvoir envoyer leurs enfants dans l'école de leur choix, ou refusant simplement l'incursion du pouvoir législatif dans l'autonomie et la liberté parentale, ainsi que dans l'autonomie de décision des directeurs d'établissements. L'importance de l'enjeu fera que l'information se répandra comme une traînée de poudre, entraînant la mobilisation de milliers de parents15.

En plus des différents acteurs étatiques et politiques en présence, de nombreux organes de représentation sont actifs dans les négociations, faisant office de véritables organes de liaisons entre les pouvoirs organisateurs, les directeurs et les autorités publiques.

Nous nous bornerons à préciser que chacun de ces organes de l'époque reconnaît que dans certaines écoles l'inscription en première année du secondaire pose problème, et qu'il est légitime et pertinent qu'une solution soit trouvée.

Il nous faut quand même signaler que c'est à cette époque que va naître une association qui restera active longtemps dans le débat, l’ASBL ELEVeS (Ecoles Libres Efficaces Vivantes et Solidaires) est créée à l’automne 2007, elle est l’aboutissement de la mobilisation de quelques mères, qui récolteront beaucoup de soutien.

6 http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/288779/le-contrat-pour-l-ecole-un-an-apres.html (dernière consultation le 24 mars 2011)

7 Slogan officiel du cabinet de la Ministre8 http://www.contrateducation.be/contrat_presentation.asp (dernière consultation le 24 mars 2011)9 Pour lire ce rapport : http://www.oecd.org/document/24/0,3746,en_32252351_32235731_38378840_1_1_1_1,00.html10 http://www.enseignons.be/actualites/2007/02/28/decret-inscription-vote (dernière consultation le 24 mars 2011)11 http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/330862/tir-nourri-sur-l-inscription-selon-arena.html (dernière consultation le

24 mars 2011)12 http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/330862/tir-nourri-sur-l-inscription-selon-arena.html (dernière consultation le

24 mars 2011)13 Pour un résumé des grandes lignes de du projet de décret, voir http://www.enseignons.be/actualites/2007/02/28/decret-

inscription-vote/#pnote-184-1 (dernière consultation le 24 mars 2011)14 Ce sont quatre mamans, qui, les premières, réagiront au projet de décret de Marie Arena en rédigeant la pétition

(03/02/2007) qui recueillera, en quelques semaines, plus de 25.000 signatures. 15 http://www.live-it-avd.com/histo.htm (dernière consultation le 24 mars 2011)

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Le 27 février 2007, malgré les 25.000 signatures récoltées par ELEVeS s'y opposant, le décret « inscription »16 est adopté au Parlement de la Communauté française après dix-huit heures de débat. Il est adopté majorité (PS-CdH) contre opposition (MR-ECOLO). Le décret entrera officiellement et totalement en vigueur le 01/09/2008.17 La caractéristique principale du décret est qu'il consacre le principe du « premier arrivé, premier servi ». Certains enfants sont prioritaires, selon une liste de critères. Les autres (plusieurs milliers de familles) doivent se rendre dans les écoles qu'ils ont choisi, et l'ordre d'arrivée détermine l'ordre des places attribuées. Cela aura de lourdes conséquences dans la suite des évènements.

Le 30 novembre 2007, c'est le premier jour « officiel » d'inscription des non prioritaires en 1ère année secondaire. Devant certaines écoles, les parents campent depuis deux jours. La procédure d'inscription voulue par Marie Arena entraîne des files interminables devant certaines écoles, surtout des écoles catholiques du Brabant Wallon et de la Région de Bruxelles-Capitale. Les différents acteurs non-étatiques dénoncent l'inefficacité du système : le SEGEC (Secrétariat de l'Enseignement Catholique en Communautés Française), la FéADI (Fédération des associations des directeurs de l'enseignement secondaire catholique), l'UFAPEC (Union des Fédérations des Associations de Parents de l’Enseignement Catholique) constatent des files anormales dans plus de 170 écoles18. Le 27 février 2008 Marie Arena présente au Parlement de la Communauté française l'évaluation du décret inscription : si PS et cdH ont bien entendu soutenu le travail réalisé par la ministre, l'opposition MR et Ecolo n'a pas manqué de vivement le critiquer. Il semble alors qu'à l'époque, l'opinion publique dans sa majorité19, l'opposition et les différents syndicats et associations considèrent le décret comme un échec : dorénavant le décret sera souvent surnommé le décret « files »20.

Le 20 mars 2008, Marie Arena est appelée au fédéral dans le Gouvernement Leterme et laisse la place à Christian Dupont (PS).

Christian Dupont se met alors à la rédaction d'un deuxième projet de décret afin de combler les faiblesses du premier. Il propose un avant-projet de décret au Parlement de la Communauté française qui met clairement en avant l'objectif de mixité sociale21.

Le 17 juillet 2008, le nouveau décret « Mixité »22 est voté au Parlement de la Communauté française. Le décret est adopté à la majorité PS-cdH, le MR ayant voté contre, Ecolo s'étant

16 Décret CCF - 354 (2006-2007) - N° 806 - 8 mars 2007 http://www.pcf.be/req/info/document?type=DECCCF&no=354&legisorsess=2006-2007&nodoc=806 (dernière consultation le 24 mars 2011)

17 Une partie du décret étant déjà entrée en vigueur le 01/01/2007 et le 01/10/2007. La période d'inscription pour l'année scolaire 2008-2009 s'étant donc déroulée dans les règles imposées par le décret.

18 http://www.live-it-avd.com/histo.htm (dernière consultation le 24 mars 2011)19 http://www.dhnet.be/infos/belgique/article/192243/88-des-parents-sont-contre-le-decret-arena.html consulté le 22 mars

2011 (dernière consultation le 24 mars 2011)20 http://www.lalibre.be/debats/opinions/article/386464/le-decret-inscription-en-question.html (dernière consultation le 24

mars 2011)http://www.enseignons.be/actualites/2007/12/10/decret-inscription-les-chiffres-d’arena-contestes/ (dernière consultation le 24 mars 2011)

21 Voy. l'article 1 du décret (http://www.pcf.be/req/info/document?type=DECCCF&no=552&legisorsess=2007-2008&nodoc=931) (dernière consultation le 24 mars 2011)

22 Décret CCF - 552 (2007-2008) - N° 931 - 18 juillet 2008 http://www.pcf.be/req/info/document?type=DECCCF&no=552&legisorsess=2007-2008&nodoc=931 (dernière consultation le 24 mars 2011)

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abstenu. Il prévoit trois phases d'inscription, mais met surtout en place un système de tirage au sort pour les élèves surnuméraires.

Le décret est accueilli de manière très mitigée (le décret va vite être surnommé décret « Lotto ») et au sein du PS on planche sur de nouvelles mesures à adopter. La CIRI (Commission Interréseau des Inscriptions)23 alors encore appelée « Commissions Zonales » voit le jour : le décret Dupont stipule que le Gouvernement « peut avoir recours »24 à la création d'une « commission spéciale composée des commissions zonales en vue d'assister l'administration »25 dans le processus d'inscription. À l'approche de la période d'inscription, le cabinet Dupont réalise qu'il faut prendre de nouvelles dispositions.

Sur proposition des parlementaires bruxelloises Véronique Jamoulle (PS) et Julie De Groote (cdH), le Parlement de la Communauté française adopte en urgence, le 24 mars 2009 , une nouvelle proposition de décret26 visant à corriger les quelques lacunes du décret « mixité » de Dupont et surtout, d'activer la CIRI, qui sera mandatée pour assister les parents afin de supprimer les doublons et de mettre de l’ordre.

Le nouveau décret Dupont dit "Mixité", a lui aussi fait l'objet d'une large couverture médiatique et de plusieurs actions en justice, avant d'être finalement condamné à disparaître puisque la nouvelle majorité (PS-cdH-ECOLO) élue le 7 juin 2009 s'est engagée à « repartir d'une page blanche »27.

En effet, à la table des négociations, la nouvelle coalition olivier (PS-cdH-ECOLO) laisse au cdH le portefeuille considéré alors comme le plus ingrat28 du gouvernement : l'enseignement. C'est donc à Marie-Dominique Simonet qu'est confié le 17 juillet 2009 le poste de Ministre de l'Enseignement obligatoire et de Promotion Sociale de la Communauté française et c'est précisément là que commence la « période Simonet », objet principal de notre travail.

23 Nous décrirons cette commission infra. 24 Décret CCF - 552 (2007-2008) - N° 931 - 18 juillet 2008 http://www.pcf.be/req/info/document?

type=DECCCF&no=552&legisorsess=2007-2008&nodoc=931 (dernière consultation le 24 mars 2011)25 Ibid.26 Décret CCF - 684 (2008-2009) - N° 929 - 3 avril 2009 http://www.pcf.be/req/info/document?

type=DECCCF&no=684&legisorsess=2008-2009&nodoc=929 (dernière consultation le 24 mars 2011)27 Il est quand même à signaler que trois jours après la rentrée 2009-2010 alors toujours sous l'effet du décret « mixité », plus de 800 élèves n'ont toujours pas trouvé de place dans une école .voy. Interview n°128 http://www.enseignons.be/actualites/2009/12/12/decret-inscriptions-6/ (dernière consultation le 24 mars 2011)

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La « période Simonet »

Pour rappel, cette période commence le 17 juillet 2009 et n'est pas encore finie aujourd’hui. Nous procéderons en décrivant les faits selon la découpe en cinq parties caractéristiques de l'analyse séquentielle de Charles Jones. Nous considérons que ces cinq parties se suivent chronologiquement, ce qui, même si le cas de la politique d'inscriptios s'y prête bien, ne va pas toujours de soi. Ces différentes parties nous servirons donc aussi bien de séparateurs temporels que de séparateurs quant au contenu de l'action politique29.

1) Mise à l'agenda

En choisissant d'analyser la politique d'inscription en première année du secondaire de la Communauté française de Belgique durant la « période Simonet », nous savions que nous aurions affaire à un processus de mise à l'agenda spécifique. En effet, la mise à l'agenda, l'identification initiale du problème date des années 2005-2006 (nous l'avons brièvement décris dans notre historique). En nous limitant à l'analyse de la période Simonet nous avons vite remarqué que le problème de l'inscription était pour ainsi dire déjà à l'agenda du Gouvernement de la Communauté française lors de la prise de fonction de Marie-Dominique Simonet. Madame Simonet « hérite » d'un dossier qui date déjà de presque cinq ans…

Lorsque Christian Dupont quitte son poste (juin 2009), son décret est exposé à de vives critiques30, mais au sein même de son cabinet, on continue à travailler sur le problème des inscriptions31, chacun sait que le problème n'est pas réglé. Implicitement, la mise à l'agenda du problème pour le prochain gouvernement ne fait aucun doute, seules les modalités restent inconnues32. Il nous faut quand même reconnaître que, en imaginant même que les membres de l'exécutif aient à l'époque considéré que la situation était bonne et que le problème d'inscription était réglé, les imperfections d’ordre pratique, social et éthiques liées aux précédents décrets auraient de tout façon obligé la ministre à remettre la problématique des inscriptions à la tête de l’agenda politique33. Il semblait donc clair, pour le monde politique comme pour le monde médiatique et associatif, que le problème n'était pas réglé, et que le nouveau gouvernement devait y remédier. Madame Simonet elle-même était consciente lorsque le portefeuille de l'Enseignement obligatoire lui a été confié, que le problème de l'inscription serait sa priorité dès le début de son mandat34.

Qu'est-ce qui remet officiellement35le problème des inscriptions sur l'agenda politique du Gouvernement de la Communauté française ?

29 Cela implique que des faits qui pourraient relever de la partie « mise en oeuvre » en tant que contenu de l'action politique mais qui se sont déroulés dans la période temporelle de la « recherche de solutions » seront exposés dans la partie « recherche de solutions ». Nous ne tentons pas de « forcer » l'analyse en cinq parties de Jones, nous sommes conscient que certains faits relèvent tantôt d'une partie tantôt d'une autre, nous essayons juste d'être le plus clair possible.

30 Voy. supra 31 Notamment Monsieur Belleflamme, actuel chef de cabinet de Madame Simonet et ancien membre du cabinet Dupont, qui

restera saisi de la question des inscriptions sans interruption et ce même pendant le changement de gouvernement. Voy. interview n°1

32 Voy. interview n°133 Cela paraît évident à la lecture des communiqués de presse de l'ASBL ElEVeS et des déclarations de l'UFAPEC et de la

FAPEO . De plus, il suffit de voir le fiasco de la rentrée 2009-2010 encore sous l'empire du décret Dupont pour comprendre notre explication

34 Voy. interview n°135 Même si il n'en est jamais de facto redescendu

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La réponse est simple36: c'est la déclaration de politique communautaire 2009-201437 datant de juillet 2009. Nous avons reproduit l’extrait de la DPC concernant la politique d’inscription dans la partie annexe, mais il nous faut quand même relever quelques points importants :− le gouvernement parle de repartir d'une feuille blanche, c'est à dire qu'il déclare

implicitement mais néanmoins officiellement que les deux anciens décrets doivent être oubliés et qu'il faut repenser entièrement le dispositif ;

− le gouvernement annonce qu'il agira, dans le cadre de la mise en place du nouveau dispositif, en concertation avec tous les acteurs concernés ;

− le gouvernement déclare que la mixité sociale fait partie des buts principaux visés ;− le gouvernement annonce que des solutions seront trouvées pour que la rentrée 2009 se

passe le mieux possible.

La déclaration est présentée officiellement devant le Parlement de la Communauté française par Rudy Demotte lors de la séance plénière du jeudi 16 juillet 2009. L'accueil des différents acteurs (essentiellement des associations officielles de parents d'élèves) face à la déclaration de politique communautaire et à la prise de fonction de Marie Dominique Simonet est plutôt bon dans l'ensemble38, la plupart se réjouissant de trouver une solution à ce problème le plus vite possible. La mise à l'agenda du problème est donc considérée par l'ensemble des acteurs concernés comme légitime et pertinente, la « balle » étant maintenant dans les mains du cabinet Simonet.

2) Formulation de solutions

Dans cette partie, nous allons décrire le processus de recherche de solutions qui a suivi l'entrée en fonction de Marie-Dominique Simonet. Lorsqu'il est demandé à Madame Simonet de trouver une solution pour les inscriptions en première année commune du secondaire, il est bien sûr évident39 que cette solution doit s'appliquer dans tous les réseaux de l'enseignement secondaire de la Communauté française. Faut-il encore rappeler la structure de l'enseignement secondaire, rappel qui se trouve dans la partie annexe à l’attention du lecteur profane.

La date du début du travail de recherche de solutions de Madame Simonet (son « travail exploratoire », expression plus appropriée) peut se situer au début du mois d'août 200940. Mais, et nous l'analyserons, certains membres du cabinet Simonet, comme Arthur Belleflamme (actuel chef de cabinet Simonet) pour ne citer que lui, n'ont pas cessés de travailler sur le dossier, et ce même durant la période de transition électorale du Gouvernement. 41.

36 Les membres du cabinet Simonet sont unanimement d'accord pour considérer que c'est cette déclaration qui donne le point de départ officiel du travail d'élaboration du dispositif. Voy. interview n°1

37 Texte intégral de la déclaration : http://www.cfwb.be/fileadmin/sites/portail/upload/portail_super_editor/Docs/declaration_politique_communautaire.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)38 Voy. communiqué de presse de l'UFAPEC du 28 août 2009 http://www.ufapec.be/files/files/09-08-28-communique-presse-ufapec.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)

Voy. communiqué de presse de la FAPEO du 27 août 2009 http://www.fapeo.be/news/CP_27_08_Dossier_presse_2009.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)39 La déclaration de politique communautaire 2009-2014 le dit de façon explicite en ne citant aucun réseau précisément. 40 Voy. interview n°141 Voy. Interview n°1

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Durant cette période de transition, Monsieur Belleflamme collabore informellement avec la cellule ECARES42 de l'Université Libre de Bruxelles qui lui soumet son modèle d'ordonnancement informatique des préférences, modèle qui servira plus tard dans la conception du système d'inscription informatisé existant actuellement… C'est la première collaboration avec un groupe d'experts, et elle aura lieu avant que ne commence le travail exploratoire de Madame Simonet.

Durant le mois d'août 2009, la presse, les parents d'élèves et les directions manifestent leurs craintes pour la rentrée 2009-2010, toujours sous l'empire du décret Dupont : beaucoup d'élèves sont toujours sans écoles, on dénombre beaucoup d'inscriptions multiples et ce malgré le décret « De Groote-Jamoulle » qui a activé la CIRI. Le cabinet Simonet doit alors réagir et à la mi-août 2009, Marie-Dominique Simonet prend une décision, pour répondre, provisoirement, à l'ultimatum de la rentrée scolaire :

− d’une part, elle entame une démarche visant à réduire la liste des élèves « sans école » : au moyen d'une lettre adressée par la CIRI (Commission Interréseau des Inscriptions) envoyée le vendredi 21 août aux centaines de parents dont les enfants sont encore inscrits dans plusieurs établissements scolaires, leur demandant de régler leur situation au plus vite. La CIRI devient donc enfin active dans le processus d'inscription, notamment dans la résolution des problèmes des cas particuliers43,

− d’autre part, elle organise la création d'un call-center pour apporter une information personnalisée aux parents.

La CIRI va subir beaucoup d'évolutions durant l'année 2010 mais à cette époque (rentrée scolaire 2009) elle consiste en un organe relativement peu organisé, lien entre l'administration, le cabinet et les parents. Sa composition n'est pas encore juridiquement bien définie mais elle est présidée de facto par la Ministre de l'Enseignement obligatoire.

Les mesures provisoires prises par Madame Simonet seront accueillies de manière très positive de la part des différentes associations de parents d'élèves44. La rentrée 2009-2010 se passe relativement sans encombres grâce à la réaction rapide de Madame Simonet, mais il devient évident pour tout le monde qu'il faut vraiment parvenir à remplacer le système mis au point par Christian Dupont45: certains journaux relayeront le « nouvel échec » du PS : la rentrée 2009-2010 est pour beaucoup la confirmation de l'inefficacité du décret Dupont46.

Début septembre 2009, Madame Simonet annonce qu'elle va entreprendre une longue série d'entretiens en bilatéral avec tous les acteurs concernés. Elle déclare qu'elle cherche l'équilibre entre les différents intérêts, et que « personne ne sera entièrement satisfait »47. L'objectif déclaré du cabinet Simonet est de mettre définitivement au point un dispositif de régulation 42 European Center for Advanced Research in Economics and Statistics (www.ecares.org)43 Pour la déclaration médiatique de Simonet : http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/523059/simonet-appelle-a-la-

desinscription.html (dernière consultation le 24 mars 2011)44 Pour l'UFAPEC voy. http://www.ufapec.be/files/files/09-08-28-communique-presse-ufapec.pdf (dernière consultation le

24 mars 2011)Pour la FAPEO voiy ;http://www.fapeo.be/news/CP_27_08_Dossier_presse_2009.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)Pour ELEVeS voy. http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/523220/les-parents-satisfaits-de-l-obligation-de-choix-d-ecole.html (dernière consultation le 24 mars 2011)

45 Certaines associations comme ELEVeS critiqueront vivement le système Dupont, considérant que la rentrée 2009-2010 est un échec absolu.

46 Voy. La Libre du 22 septembre 2009 p. 17 « Inscriptions – Rentrée : il est temps de dresser le bilan »47 Voy. Interview N°1

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des inscriptions qui soit juste, équilibré, pratique pour les parents, qui résoudrait les problèmes logistiques et qui favorise la mixité sociale48.

Avant de se lancer dans des consultations avec des acteurs de la société civile, Madame Simonet a du consulter les membres de la coalition Olivier (le cdH est le dernier parti au parlement, il doit avoir le soutien de la coalition pour faire passer n'importe quel projet de décret), et prendre la température au MR, seul membre de l'opposition49. Les négociations entre les membres de la coalition sur un sujet précis se font dans des réunions inter-cabinets, où sont envoyés les membres des différents cabinets en charge du dossier traité. La position des différents partis sur le dossier inscriptions au début de l'année scolaire 2009-2010 peut être résumée comme telle :

− Parti Socialiste : l'objectif premier est la mixité sociale, le parti socialiste reste fidèle à son programme politique, « il faut mettre fin aux écoles ghettos ». Il faut que le décret inaugure une mesure d’action positive destinée à promouvoir la réduction, dans l’accès à l’enseignement, des inégalités socio-économiques manifestes. La réussite pour tous passe par cette mixité, il faut mettre fin aux politiques élitistes de certaines écoles. Ils se posent en modernisateurs, privilégiant un système scolaire pour tous, et réclamant « l'intervention de normes étatiques pour encadrer le système50 ».

− ECOLO : pour le groupe Ecolo, la mixité sociale est importante mais elle ne peut être qu'incitée, pas forcée. Ecolo est d'accord sur le fond du projet, mais rejette la forme des deux décrets précédents, pour eux, il faut revoir complètement le système et supprimer le dispositif du « premier arrivé, premier servi ». Ecolo propose aussi de mettre l'accent sur les critères de proximité, pour favoriser la diminution des déplacements en véhicule. Ecolo s'oppose aussi au critère de l'adossement51. « Le Gouvernement de la Communauté française n’a d’autre choix que de réunir sans tarder l’ensemble des acteurs concernés – parents, directions, enseignants, associations – pour tirer avec eux les leçons de ces deux tentatives infructueuses de renforcement de la mixité scolaire et se donner les moyens de réellement atteindre un objectif d’hétérogénéisation de nos écoles ». 52.

− MR : Le MR réclame une évaluation des décrets « Inscriptions » et « Mixité ». Ils veulent savoir si les « multiples décrets » imaginés par le PS, le cdH et aujourd'hui Ecolo, ont permis d'atteindre leur objectif. Il plaide à nouveau pour un retour au décret « Missions » de 1997 (l'ancienne législation) avec plus d'autonomie pour les directeurs d'écoles dans la gestion de leur établissement et pour remettre le projet pédagogique au cœur du choix des parents. Tout en permettant aux parents, dont l'inscription de leur enfant aurait été refusée

48 Voy. interview n°149 Pour rappel, voici la composition politique du Parlement de la Communauté Française depuis le 7 juin 2009:

- MR : 25 membres- PS: 35 membres - Ecolo : 18 membres - cdH : 16 membres

50 Programme officiel du Parti Socialiste de 2009 pour la Communauté Française http://www.ps.be/_iusr/programmepscommunautefancaiseelections2009.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011) Voy. interview n°1

51 L’adossement est, dans le cadre des décrets « Inscriptions » successifs, un privilège accordé aux élèves fréquentant certaines écoles primaires, qui leur permet d’accéder prioritairement aux écoles secondaires qui sont adossées à leur établissement (l'adossement est un le fruit d'un accord spécial entre établissement réglementé par la loi)

52 Voy. la priorité n°2 du « Programme pour l'école » 2009 du Parti Ecolo :http://web4.ecolo.be/?Priorite-no2-accroitre-la (dernière consultation le 24 mars 2011) , Voy. interview n°1

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pour des motifs fallacieux, d'entamer un recours. La position du MR est simple, ils veulent l'autonomie, pour les parents et pour les écoles. Pour eux, le législateur n'a pas à intervenir dans ce dossier. Il privilégie l'autonomie du rapport école-parents et la coordination locale53.

− cdH : en tant que responsable du dossier, la position du cabinet Simonet est claire, « atteindre l'équilibre des intérêts » et « ne favoriser personne, ni un réseau, ni une région », il propose une règle commune et efficace. Mais il faut bien entendu moderniser le système, un retour à l'ancienne législation est « politiquement impossible »54.

Durant près de deux mois, Madame Simonet va s'entretenir avec de nombreux acteurs. Les entretiens auront lieu en bilatéral, loin de l'agitation médiatique. Madame Simonet a voulu consulter tous les acteurs concernés de près ou de loin par la question des inscriptions en première secondaire. Il nous a paru opportun de dresser une liste des acteurs qui ont été consultés, et de résumer le point de vue officiel des plus importants d'entre eux :

• Les associations de directeurs • ADEO – Association des directeurs de l'enseignement officiel• FéADI – Fédération des associations des directeurs de l'enseignement secondaire libre• Leurs revendications sont simples : une procédure simple pour la direction, une

diminution de la quantité de travail liée aux inscriptions, une autonomie préservée (surtout pour le réseau libre).

• Les associations de parents • UFAPEC - Union des Fédérations des Associations de Parents de l’Enseignement

Catholique : deux priorités, « (1) Ne pas instrumentaliser les élèves par leur inscription en secondaire pour mener des politiques de mixité sociale qui relèvent d’autres politiques - emploi, urbanisme, logement, etc... (2) Améliorer le niveau de toutes les écoles en travaillant sur des mesures pédagogiques pour les rendre attractives et équitables »55.

• FAPEO - Fédération des Associations de Parents d'Elèves de l'Enseignement Officiel : la position de la FAPEO est comparable à celle de l'enseignement catholique, avec une réclamation supplémentaire, « imaginer une solution pour tous, et pas seulement pour le réseau libre et plus particulièrement les écoles catholiques de la Région de Bruxelles-Capitale »56.

• ASBL ELEVeS : de l'aveu même du cabinet Simonet, les revendications de cette association sont contradictoires et incohérentes. Reste qu’ELEVeS pose quelques questions qui divisent l'opinion publique (tout en étant très virulentes) : « À qui revient la responsabilité du choix d’une école adaptée à un enfant : à ses parents ou à

53 Voy. Manifeste du Mouvement Réformateur : http://www.mr.be/Le-Mouvement/Nos-Valeurs/LE-MANIFESTE/manifeste.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)Voy. interview n°1

54 Voy. interview n°155 Pour le reste des priorités voy. « Orientations et recommandations de l’UFAPEC en matière d’inscriptions en 1ère

secondaire » : http://www.ufapec.be/politique-scolaire/positions-de-l-ufapec/15-octobre-2009-orientations-et-recommandations-de-l-ufapec-en-matiere-d-inscriptions-en-1ere-second/ (dernière consultation le 24 mars 2011)

56 Pour l'ensemble de la position de la FAPEO voy. « Trialogue n°57 » de la FAPEO : http://www.fapeo.be/news/TRIA_57_LQ.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)

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l'État ? » ; « Que choisir : refonder notre système éducatif sur la confiance, moteur de tout processus éducatif avec évaluation des résultats obtenus ou imposer l’instauration de procédures d’objectivation devenant aussi complexes qu’illisibles? »57.

• ASBL LOTTO : la position de cette association aujourd'hui disparue s'articulait principalement autour d'une seule revendication : obtenir la garantie qu'aucun système de tirage au sort pour l'attribution des places dans certains établissements ne soit mis en place.

• Organisations syndicales • FGTB-CGSP Enseignement : la principale revendication du syndicat est la fin des

écoles élitistes et l'accès libre à tous les établissements pour tous. « La mixité sociale est l'objectif principal »58.

• CSC Enseignement • SEL-SETCA - Syndicat des enseignants de l'enseignement libre subventionné :

adopte une position d'observateur, en attente de la décision, regrettant les dérapages de certains dans la presse, et critiquant les décrets passés. « Pour nous, l’erreur originelle dans les tentatives de régulation des inscriptions vient de la décision de l’ancienne Ministre-Présidente Arena de ne pas suivre les recommandations des auteurs des études universitaires sur le sujet »59.

• Pouvoirs organisateurs• Enseignement officiel

• CECP - Conseil de l'enseignement des communes et provinces : dans l'attente d'entendre les propositions de Madame Simonet, le CECP a une revendication, ne pas retenir le critère de l'adossement. « L’adossement crée des disparités injustifiées entre les élèves : les uns seront prioritairement accueillis dans les écoles secondaires adossées, les autres ne pourront compter que sur le facteur chance .Pour le C.E.C.P., l’inégalité de traitement entre élèves est inacceptable »60.

• CPEONS - Conseil des Pouvoirs organisateurs de l'Enseignement officiel neutre subventionné

• Enseignement libre• FELSI - Fédération des Établissements Libres Subventionnés Indépendants

• SeGEC - Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique : position plutôt positive, constructive. « Les erreurs sont derrière nous à présent, la page blanche va être écrite avec la sagesse de ceux qui savent qu’il ne faut, ni dans la forme, ni dans la méthode, reproduire les funestes erreurs du passé. Nous nous réjouissons de la volonté affirmée de concertation avec l’ensemble des acteurs concernés »61

57 Pour la position de l'ASBL ELEVeS voy. http://www.eleves.be ( dernière consultation le 24 mars 2011)58 Voy. Communiqué de Presse de la FGTB -CGSP Enseignement du 9.11.09 disponible sur http://www.cgsp-enseignement.be/compress (consulté le 25 mars 2011 (dernière consultation le 24 mars 2011)59Pour la position de la SETCA voy. le bulletin trimestriel 3/2009 http://sel-setca.org/IMG/pdf_LE_SEL_2009-3-web.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)60 Voy. Bulletin "Le Conseil" N°3 du CECP :

http://www.cecp.be/DecretInscriptions/DecretInscriptionsFevrier2010BUL3.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)

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• CGé – Changement pour l'égalité

• APED – Appel pour une école démocratique

• MRAX/CRIBW – Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Xénophobie / Centre régional d'intégration du Brabant Wallon : le but de ces associations est d'éviter à tout prix la discrimination à l'inscription62.

Après avoir consulté tous les acteurs concernés, le cabinet Simonet organise une journée au Parlement de la Communauté française sous le thème « Vers un nouveau processus d'inscriptions en première année du secondaire », le 16 octobre 2009. Tous les acteurs consultés durant les deux mois précédant y sont conviés, et chacun disposera d'une quinzaine de minutes pour exposer son avis à l'ensemble des acteurs conviés63. Le Délégué Général aux droits de l’enfant Bernard De Vos et les députés de la commission de l’Éducation assisteront au débat à titre d’observateurs. L’intérêt principal de la journée résidera dans le débat qui suivra l’après-midi, qui permettra à chacun de réagir aux propos tenus par les autres intervenants plus tôt dans la journée.

L'initiative de la Ministre Simonet sera applaudie par les médias64. Après cette grande consultation, le cabinet s'attelle à la rédaction du texte du décret. Comme il est d'usage lors de la mise au point d'un nouveau dispositif de politique publique, l'avis du Ministre du Budget de la Communauté française (André Antoine) est sollicité en date du 22 octobre 2009.

La période de rédaction du décret et du débat entre les membres de la coalition débute donc dès la deuxième quinzaine du mois d'octobre 2009. Un premier avant-projet de décret est provisoirement rédigé au cabinet le 22 octobre 2009 et le cabinet Simonet communique à la presse une note65, dans laquelle il expose toutes les informations et les objectifs visés du travail en cours. A ce stade, les objectifs officiels du cabinet sont les suivants :

− « organiser de manière pragmatique le processus d’inscription, en vue de limiter la tension entre les places disponibles dans certains établissements et l’importance de la demande les concernant ;

− assurer à toutes les familles égalité d’accès à l’ensemble des établissements et égalité de traitement dans le processus d’inscription ;

− promouvoir la lutte contre l’échec scolaire, améliorer les performances de chaque enfant, lutter contre les mécanismes de relégation en soutenant la mixité sociale, culturelle et académique. »66

61 Voy. Bulletin de la FESEC (branche secondaire du SEGEC) n°4 - 2009 : http://admin.segec.be/Documents_BI/Complet4342009.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)

62 Voy. Note explicative de la MRAX 2009 : http://www.mrax.be/IMG/Discriminations_dans_l_enseignement_note_explicative.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)

63 Voy. Rubrique annexe pour la liste officielle des participants (fournie par le cabinet Simonet)64 Voy. http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/536256/le-futur-decret-inscriptions-en-debat.html (dernière consultation

le 24 mars 2011)65 Voy. « Communication du gouvernement de la Communauté Française »

http://download.saipm.com/pdf/libre/decret1.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)66 Ibid.

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Après quelques semaines de travail, de nombreuses réunions inter-cabinet67 marquées par de vives altercations avec le PS et surtout entre Rudy Demotte (Ministre-Président de la CF) et Madame Simonet, un accord se dessine. Le Gouvernement (le comité ministériel restreint) se réunit officiellement le 18 novembre 2009, et communique à la presse le lendemain les options qui sont retenues à ce stade68 :

− Bien informer les parents sera une priorité et un numéro vert sera mis en place ;

− L'inscription sera organisée via un formulaire unique69, commun à tous les parents d'élèves, où chaque parent classera les écoles selon ses préférences ;

− Une seule période d’inscription pour tous les élèves ;

− Des priorités pour certains élèves : frères et sœurs, enfants d’enseignants, projets d’intégration, internes, etc. Ces priorités ne sont pas encore fixées ;

− Parmi les prioritaires, il y aurait aussi ceux qui proviennent d’une école primaire adossée. Mais cette priorité, transitoire, fera l’objet d’un « phasing out70 ». En outre, elle ne concernera que les écoles adossées dans le cadre de l’ancien décret mixité ;

− Sur les critères qui départageront les élèves dans les écoles réputées « complètes », les négociations ne sont pas encore terminées. Chaque critère atteint par un élève multipliera son indice initial (qui est de 1), le classement des élèves se fera donc en fonction de l'indice ainsi obtenu ;

− Un pourcentage de places sera réservé pour les élèves qui sont défavorisés sur le plan socio-économique (à déterminer entre 15 et 25 %) ;

− La CIRI (commission interréseaux des inscriptions) travaillera immédiatement en inter-réseaux. Les membres d e l'Olivier ont prévu de se revoir dès ce jeudi après-midi. L’avant-projet de décret pourrait atterrir en première lecture au gouvernement dès la semaine prochaine, sinon la suivante.

Le travail de la coalition Olivier sur le dossier continue. Les ministres sont à la recherche d'un accord concernant certains critères de départage des élèves (et notamment le critère ultime) et les éléments de pondération liés à l'inscription.

Il semble admis pour tous les membres du cabinet à l'époque71 que c'est un programme informatique qui devra traiter les informations inscrites sur le formulaire unique et qui aura la charge de calculer les indices des élèves et de les ordonnancer. C'est à l'ETNIC72(Entreprise des Technologies Nouvelles de l'Information et de la Communication) qu'est confiée la tâche de mettre au point le programme informatique. C'est donc le deuxième groupe d'experts qui est consulté (le premier étant la cellule ECARES de l'ULB). Le gouvernement annonce une

67 Voy. interview n°168 Voy. http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/543697/le-decret-inscriptions-se-dessine.html (dernière consultation le

24 mars 2011)69 Il semblerait que l'idée du formulaire unique soit une idée d'Ecolo : ce serait Jean Marc-Nollet qui l'aurait proposée au

gouvernement. Voy. Interview 70 Après quelques années le critère devrait être abandonné. 71 Voy. « Communication du Gouvernement de la Communauté Française »

http://download.saipm.com/pdf/libre/decret1.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)Voy. Interview n°1

72 Etnic est un organisme d'intérêt public, créé en mars 2002 par la Communauté française par un décret du Parlement.Il est composé d'une centaine de professionnels dont les différents profils garantissent la réussite de projets.Il travaille avec tout service public en Communauté française et assure un support informatique, téléphonique et statistique. (http://www.etnic.be) (dernière consultation le 24 mars 2011)

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réunion finale le 02 décembre 2009, pour ensuite annoncer ce jour là qu'il reporte ses travaux au 04 décembre 2009.

Ce report irrite l'opposition d'autant plus qu'il vient s'ajouter au fait que la majorité PS-Ecolo-cdH a tenté le mardi 1er décembre 2009 dans la soirée, pendant les travaux de la Commission de l'Éducation73 sur le budget 2010 de la Communauté, de faire voter un amendement au décret "Jamoulle-De Groote" reportant au 8 mars la date de début des inscriptions dans le secondaire, fixée au 15 février 201074.

En réaction, le MR dépose le mercredi 2 septembre une proposition de décret visant à avancer de 15 jours la date des inscriptions. Dans la presse, Mme Bertiaux (chef de groupe MR au Parlement de la CF) s'en prend particulièrement aux écologistes, notant « qu'il n'aura fallu que 6 mois à Ecolo pour adopter les méthodes de voyous de ses nouveaux partenaires. Déposer un amendement pareil au milieu des dispositions budgétaires, c'est du jamais vu »75.

Le 14 décembre 2009, un accord du Gouvernement de la Communauté est trouvé. Le 16 décembre 2009, il est présenté à la presse. Il reçoit un accueil favorable, de la part des représentants de l'enseignement officiel comme de la part de l'enseignement libre76. L’association ELEVeS adopte une position très critique et en appelle aux parents d'élèves pour manifester leur mécontentement77.

Encadré n° 1. Grandes lignes de l'avant-projet de décret telles qu'elles sont présentées78par la presse en décembre 2009.

− Les modalités d’inscription : La technique du formulaire unique sera appliquée. Si le dispositif est assurément complexe, la procédure d’inscriptions en elle-même, pour chaque parent d’élève, sera très simple. Les parents vont dans l’école de leur choix et y sollicitent une inscription en déposant un formulaire sur lequel ils ont indiqué une liste (jusqu'à 10 écoles) d'établissements qui leur conviennent, par ordre de préférence.

− Les priorités. Certains élèves sont prioritaires. Ils obtiendront d’office l’école de leur choix. Il s’agit, dans l’ordre: 1° des élèves provenant d’une école à indice socio-économique faible (40 % des écoles primaires), à concurrence de 20 % des places disponibles dans l’école secondaire; 2° des élèves ayant un frère ou une sœur déjà dans l’école secondaire; 3° des enfants du juge; 4° des enfants à besoins spécifiques (handicaps, etc); 5° des internes; 6° des enfants du personnel; 7° des élèves des écoles adossées (cette priorité s’éteindra en 2013).

− L’attribution des places. Dans 90 % des écoles, il y a suffisamment de places. Ces écoles attribuent elles-mêmes toutes leurs places disponibles à des élèves pour lesquels elles correspondent à leur 1ère préférence. Les 10 autres pour cent d’écoles attribuent 80 % de leurs places à des élèves dont c’est la

73 Pour le compte rendu intégral de la commission voy. CRI Commission - 31-Educ.5 (2009-2010) – 1er décembre 2009 http://www.pcf.be/ROOT/PCF_2006/public/commissions/comptes_rendus_integraux/index.html#SEC-id5365578

(dernière consultation le 24 mars 2011)74 Il semble évident à l'époque que le temps va manquer pour atteindre cette date. Pour finir la date officielle de début des

inscriptions sera fixée au 26 avril (voy. Infra) ! A l'époque Madame Simonet parle d'un report technique: « on s'est aperçu que le 15 février est le premier jour des vacances de carnaval en 2010 et il faut rassurer les parents en fixant la date en dehors des vacances » (voy. http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/546720/decret-inscriptions-le-gouvernement-reporte-ses-travaux-a-vendredi.html (dernière consultation le 24 mars 2011))

75 Voy. http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/546715/decret-inscriptions-le-mr-veut-avancer-la-date-des-inscriptions.html (dernière consultation le 24 mars 2011)

76 Voy. http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/549855/decret-inscriptions-l-enseignement-officiel-soulage.html (dernière consultation le 24 mars 2011)L'UFAPEC déclara « Nous sommes satisfaits de voir garantie la liberté du choix des parents, qui de plus ne devront réaliser qu’une démarche relativement simple, une fois l’école choisie, de s’y présenter et déposer un document » (voy. http://www.enseignons.be/actualites/2009/11/22/decret-inscriptions-accord/)

77. Voy. http://www.eleves.be/?p=1272 (dernière consultation le 24 mars 2011)78 Voy. http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/549646/decret-complexe-pour-inscriptions-plus-simples.html (dernière

consultation le 24 mars 2011)

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meilleure préférence. Pour les 20 % restant, la CIRI veillera à optimaliser les préférences de manière à amener chacun, si pas à sa 1ère préférence, au plus près de celle-ci. L'optimalisation des préférences se fait sur base du calcul d'un indice individuel, variant en fonction de différents critères.

− Les critères de classement des élèves. C’est ici que l’empoignade a été la plus vive entre cdH d’une part, PS et Ecolo d’autre part. Finalement, un logiciel départagera les élèves en fonction d’un indice calculé à partir de six critères: 1° la distance (calculée par la route) entre l’école primaire et le domicile (afin de favoriser les parents qui ont fait le choix de la proximité dès le primaire, dans une perspective notamment de développement durable); 2° la distance (par la route également) entre l’école secondaire et le domicile; 3° la distance entre les écoles primaire et secondaire (on favorise les élèves des écoles situées dans un rayon de 4 km); 4° le partenariat pédagogique: une école secondaire peut passer un partenariat d’office avec trois écoles, dont une à un indice socio-économique plus faible qu’elle; 5° un critère favorable aux écoles isolées (sans partenariat ni adossement, ou isolées géographiquement); 6° un critère favorable à la poursuite de l’immersion linguistique.

− La pondération des critères de classement. Elle doit encore à l'époque être validée par les experts du groupe ETNIC.

La pertinence des critères, la pondération de ceux-ci et les priorités seront évaluées en Commission et potentiellement soumis à des changements.

L'avant-projet de décret79 est approuvé le 22 décembre en première lecture par le gouvernement de la Communauté française et envoyé pour avis au Conseil d'État. Pour nous cette approbation du Gouvernement de la Communauté française en première lecture marque le début de l'entrée dans la troisième phase : la phase de « décision ».

On pourrait aussi considérer comme une première étape dans le processus de décision, l'accord informel du gouvernement le 14 décembre 2009 : à vrai dire ce premier accord du gouvernement marque l'entrée dans phase de décision, que nous allons décrire précisément dans la partie suivante.

3) Décision

Pour continuer dans notre tentative de cloisonnement80 précis des différentes phases, on pourrait dater le début de la phase de décision au moment de l'approbation officielle par le Gouvernement de la Communauté française du texte de l'avant-projet de décret, le 22 décembre 2009.

Le Conseil d'État rend son avis81 le 8 février 2010. Dans cet avis, le Conseil d'État a certes épinglé la complexité du texte et émis quelques mises en garde, mais il n’a exprimé aucune objection majeure. Le 10 février 2010, le Parlement de la Communauté française vote une proposition de décret 82de la majorité PS-Ecolo-cdH fixant au 26 avril 2010 la date d'ouverture des inscriptions en première année de l'enseignement secondaire (au lieu du 15 février prévu).

79 Pour le texte de l'avant-projet, voy. http://www.eleves.be/wp-content/uploads/2010/01/avant-projet-d%C3%A9cret-le-texte-officiel.-d%C3%A9cembre-09pdf.pdf (consulté le 23 mars 2011) (dernière consultation le 24 mars 2011)80 L'analyse séquentielle implique un certain cloisonnement entre les différentes phases d'un processus. Nous essayerons de

le nuancer dans la partie analyse du travail. 81Il ne nous est pas possible d'obtenir cet avis, en effet dans l’état actuel de la législation, les avis ne sont pas publiés. Ils restent confidentiels et c'est le ministre demandeur qui juge de l’opportunité de les communiquer à des tiers. (Voy. http://www.raadvst-consetat.be/?page=advisory&lang=fr (dernière consultation le 24 mars 2011)) 82 Décret CCF - 79 (2009-2010) - N° 977 - 11 février 2010 voy. http://www.pcf.be/req/info/document?type=DECCCF&no=82&legisorsess=2009-2010&nodoc=975 (dernière consultation le 24 mars 2011)

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Réuni le jeudi 25 février 2010 à Namur, le Gouvernement de la Communauté française approuve en deuxième et dernière lecture l’avant-projet de décret. Il est envoyé en Commission Éducation du Parlement de la Communauté française.

Le projet de décret de la Ministre Marie-Dominique Simonet est adopté le 3 mars 2010 par 9 voix de la majorité PS-Ecolo-cdH contre 4 de l'opposition MR par la Commission Éducation du Parlement de la Communauté française, après 14 heures de débat.

Le 17 mars 2010 s'ouvre au Parlement de la Communauté française une séance plénière durant laquelle sera adopté le décret Simonet83. Nous avons cru pertinent de résumer le déroulement de cette séance, en se basant son compte rendu intégral84.

La séance, présidée par Monsieur le Président Jean-Charles Luperto s’ouvrit à 10 h, le 17 mars 2010. La discussion générale fut ouverte par Madame Caroline Désir (PS), suivit de Monsieur Didier Gosuin (MR), rapporteurs. Caroline Désir présenta le projet de décret à travers l’exposé que fit Madame la ministre Marie-Dominique Simonet à la Commission. Didier Gosuin exposa les lignes de force et de faiblesse du projet tracées par les commissaires suite à l’exposé de Madame la Ministre. Il précise que plusieurs d’entre eux sont revenus sur leurs craintes précédentes après les réponses détaillées de la ministre à ces interventions. Caroline Désir reprit la parole en s’attachant à la discussion des articles, évoquant ceux qui ont suscité le plus de débat (Les articles 3, 4, 8, 9, 11, 16, 19, 20 et 21, 25, 31, 36, 37, 38, 40 et 42). Intervient ensuite Madame Françoise Bertiaux (MR). Celle-ci va décrire l’idée d’un formulaire d’inscription unique comme « un bon point de départ ». Elle reprit ensuite les trois objectifs du décret ainsi que les dix préoccupations de la Ministre pour en faire une critique sévère, point par point. A travers sa première intervention, la chef de groupe MR exprime son inquiétude face aux procédés utilisés par la majorité, et parle d’un « mécanisme à la Big Brother ». Il s’agit, selon elle, d’un « procédé qui n’est pas sain », un procédé qui risque d’entrainer chez certains parents des stratégies de choix de logement, de domiciliation et d’école primaire. La série d’éléments imprécis et contradictoires que le MR avait constatée sont, selon elle toujours en état.

Monsieur Léon Warly (PS) prit ensuite la parole. Il se contenta de retracer brièvement l’historique de la saga des inscriptions. Il sera suivit de Monsieur Marcel Cheron (Ecolo) qui sera tout aussi bref. Ce dernier constate l’évolution positive de ce dossier difficile et explique que le vote de ce décret est un passage nécessaire vers une « régulation pragmatique et équitable des inscriptions ». Monsieur Marc Elsen (cdH) put ensuite insister à son tour sur le fait que ce projet contribue à la réconciliation entre le milieu scolaire, la famille et le monde politique. Il qualifie ce texte d’une « habile synthèse », « produit d’une concertation », élément important vers plus de mixité sociale dans l’enseignement. Monsieur Marcel Neven (MR) fit la dernière intervention de cette séance matinale. Celui-ci parle d’un « décret visant à réparer les pots cassés de la précédente législature ». Marcel Neven tend à expliquer que le problème traité ne concerne que 25 écoles de la Communauté française et que l’ « énergie dépensée par des milliers de personnes l’a été inutilement ». Il parle d’un décret Simonet et non d’un décret de la majorité, qui devrait avoir comme objectif principal, non pas la mixité scolaire mais l’égalité de valeurs des écoles.

83 Décret du 18 mars 2010 modifiant le décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, en ce qui concerne les inscriptions en 1ère année commune de l’enseignement secondaire, dit décret « inscription » (M.B. du 9 avril 2010, p. 20624).

84 Compte Rendu Intégral - 12 (2009-2010) - 17 mars 2010 voy. http://www.pcf.be/req/info/document?id=001305624 (dernière consultation le 24 mars 2011)

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La séance est levée à 12h20, et rouverte à 14h10. La discussion générale reprendra après une série de questions d’actualité (Art 79 du règlement). Monsieur Willy Borsus (MR) prit la parole et fit un état des lieux de la mixité sociale dans les établissements scolaires. Monsieur Mohamed Daif (PS) intervient ensuite très brièvement, en réaction aux propos de Willy Borsus et précisa ainsi que la mixité sociale n’était pas qu’un objectif, mais un absolu.

Monsieur Jean-Paul Wahl (MR) commença son intervention par la lecture d’un article du journal Le Soir et tenta ainsi d’illustrer le fait que plus personne ne pense que ce projet tend à la mixité. Il en arrivera vite à parler du logiciel que son groupe souhaiterait analyser. Cela entraina un vif débat entre Marie-Dominique Simonet et Jean-Paul Wahl. Ce dernier fit une demande d’ajournement des travaux afin d’examiner le logiciel. Celle-ci fut refusée par 51 membres contre 19. Monsieur Jean-Paul Wahl put reprendre la parole mais le débat se recentra aussitôt autour du logiciel informatique. Le parlementaire fini par laisser là la polémique afin de poursuivre son intervention sur le texte proprement dit. Il revint sur le problème de la mixité social, « confié à la machine ».

La Ministre Madame Marie-Dominique Simonet prit la parole. Elle rappela l’objectif majeur du décret, et insista une fois de plus sur le fait qu’il ne s’agit que d’un élément parmi un ensemble de mesures, ce décret « inscriptions » ne pouvant régler tous les problèmes de la Communauté française et de l’enseignement. Elle citera une série d’études qui démontre le problème de mixité sociale dans notre enseignement. Jean-Paul Wahl (MR) fut le dernier à prendre la parole. Il expliqua son scepticisme quant à « la concertation », les articles de presse ne laissant pas croire que les personnes concernées aient été entendues ou écoutées. La discussion générale fut close à 20h15.

La discussion générale fut suivie de l’examen des articles du projet de décret. Les amendements n°1, n°2 et n°3 de Madame Bertiaux et consorts à l’article 3 sont rejetés. Les amendements n°4 consorts à l’article 4, n°5 consorts à l’article 4bis, n°6 consorts à l’article 11, n°7 consorts à l’article 11 de Madame Bertiaux sont également rejetés. Les articles 4, 11 et 36 sont ainsi adoptés.

Le décret Simonet est donc adopté ce 17 mars 2010, 85 membres du Parlement ayant voté : 62 membres de la majorité PS-ECOLO-cdH pour, contre 23 membres de l’opposition MR. Ce vote est la décision ultime, celle du législateur qui donne à un texte de loi son caractère contraignant (après sanction du gouvernement – 18 mars 2010 – et après publication au Moniteur Belge - 9 avril 2010). Le projet de décret n'a subit aucune modification majeure85 . Le décret met en place un système toujours en vigueur aujourd'hui, que nous exposerons en détails dans la section suivante86.

85 Pour la liste des amendements en séance, voy. « Amendements en séance - 82 (2009-2010) - N° 5 - 17 mars 2010 » ( http://www.pcf.be/req/info/document?section=&id=001306073 (dernière consultation le 24 mars 2011))

86 Sauf quelques modifications, nous y reviendrons.

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4) Mise en œuvre

Notre travail se concentre principalement sur la mise en œuvre du dispositif mis au point par le cabinet Simonet pour la rentrée 2010-2011. Pour ce qui est de la rentrée 2011-2012, nous ne pourrons être parfaitement complets, puisque au moment où nous réalisons ce travail la procédure d'inscription 2011-2012 n'est pas encore arrivé à terme.

On peut dater le début de phase de mise en œuvre du décret « inscriptions »87 au lendemain de sa sanction par le Gouvernement de la Communauté française, le 18 mars 201088.

La politique publique – visant la mise en place d'une nouvelle procédure d'inscription en première année de l'enseignement secondaire- mise au point par le cabinet Simonet consiste essentiellement en la mise en œuvre administrative d'un décret du Parlement de la Communauté française, le fameux « décret inscription ». C'est donc un texte de loi qui détermine la procédure à suivre, et le système à mettre en place. L'instrument de la politique est donc essentiellement législatif : les différents acteurs concernés (parents d'élèves et établissements scolaires de l'enseignement secondaire) sont contraints de suivre la procédure imposée par la Communauté française de Belgique. C'est donc selon la procédure administrative habituelle (que nous allons décrire) qu'a été mis en œuvre le décret inscription, mais le texte ne s'adressant pas qu'aux directeurs d'écoles, il a fallu mettre en place une campagne d'information pour les parents d'élèves, en créant des intermédiaires entre l'administration et la société civile : une campagne médiatique89.

La mise en œuvre de cette politique publique a donc été de deux types :

− Administrative : suivant les canaux habituels, le décret adopté doit être appliqué dans l'ensemble de l'administration, et dans toutes les écoles visées.

− Médiatique : le cabinet Simonet a du mettre en place différentes structures permettant une communication accrue avec les parents d'élèves. Il a fallu s'assurer que le décret serait bien appliqué par les fonctionnaires de l'administration mais aussi et surtout bien compris de la société civile, sans quoi il n'aurait pas les effets escomptés.

Nous distinguerons donc ces deux types de mise en œuvre pour notre description mais il nous semble obligatoire auparavant d'expliquer quel système est mis en place par ce décret, quelle procédure il consacre et quelles en sont les caractéristiques précises. Nous avons déjà abordé ses principales caractéristiques90 mais nous nous devons d'expliquer clairement le système tel qu'il a été adopté par le législateur.

87 Décret du 18 mars 2010 modifiant le décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, en ce qui concerne les inscriptions en 1ère année commune de l’enseignement secondaire, dit décret « inscription » (M.B. du 9 avril 2010, p. 20624). Voy. Partie « annexes »

88 Nous verrons infra qu'en réalité la mise en œuvre commence quelques jours avant.89 Media signifiant en latin intermédiaire.90 Le système d'inscription est tel que l'avais annoncé le gouvernement lors de la rédaction de l'avant-projet de décret.

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Encadré n°2. Explication de la procédure d'inscription en première année du secondaire imposée par le décret91

Principe de base : Le nouveau dispositif des inscriptions en première année commune du 1er degré repose sur la remise par les parents d’un formulaire unique d’inscription dans l’établissement correspondant à leur 1ère préférence. Lorsque les demandes d’inscription ne pourront être directement satisfaites par l’établissement scolaire, c'est la CIRI qui se chargera de répartir les élèves selon des critères et un processus réglé par le décret.

Pour l'année scolaire 2010-2011 :

Les écoles fondamentales ou primaires reçoivent les formulaires uniques d’inscription transmis par l’administration. Les établissements secondaires transmettent, pour chacune des implantations prises en compte dans le cadre des inscriptions, le nombre de places disponibles en 1ère année commune, le nombre de classes de 1ère année commune qui pourront être organisées pour l’année scolaire 2010-2011 et s’ils offrent une possibilité d’immersion, le nombre de places et de classes disponibles pour celles-ci.

Le 2 avril 2010 au plus tard, les écoles fondamentales ou primaires transmettent les formulaires uniques d’inscription aux parents des élèves de 6ème primaire. Les parents remplissent le questionnaire reçu en inscrivant l'établissement où ils désirent inscrire leur enfant et éventuellement, d’autres établissements (maximum neuf) où ils voudraient voir leur enfant inscrit à défaut de l’être dans l’établissement correspondant à leur 1ère préférence.

Phase d’enregistrement des inscriptions : pendant ces deux semaines (du 26 avril 2010 au 7 mai inclus), la chronologie des dépôts des formulaires d’inscription dans les établissements secondaires n’a pas d’importance. À partir du 10 mai, L’ordre chronologique des demandes d’inscription reprend ses droits. Toute demande d’inscription est actée, via l’encodage en ligne du formulaire unique d’inscription par l’école qui le reçoit. L’ETNIC met à disposition de tous les établissements un logiciel en ligne qui permettra cet encodage.

Les établissements « réputés incomplets » (c'est à dire ceux qui l'année dernière, avait assez de places disponibles pour satisfaire à toutes les demandes) attribuent eux-mêmes la totalité des places disponibles, en inscrivant en premier les enfants prioritaires, selon un ordre déterminé par le décret :

1) Les élèves issus d’écoles primaires moins favorisées92 dans l’ordre de leur classement, jusqu’à ce que 20,4 % des places déclarées disponibles leur soient attribuées, pour autant que ce soit possible;

2) les prioritaires « fratries » dans l’ordre de leur classement ;

3) les prioritaires « enfants en situation précaire » dans l’ordre de leur classement ;

4) es prioritaires « enfants à besoins spécifiques » dans l’ordre de leur classement ;

5) les prioritaires « internes » dans l’ordre de leur classement ;

6) les prioritaires « enfants du personnel » dans l’ordre de leur classement ;

7) les prioritaires « école adossée93 » dans l’ordre de leur classement ;

Les établissements « réputés complets » (c'est à dire ceux qui l'année dernière, n'avaient pas assez de places disponibles pour satisfaire à toutes les demandes) peuvent attribuer eux même 80% des places disponibles, en inscrivant en premier les enfants prioritaires, exactement comme pour les écoles

91 Tel qu'il est conçu dans le Décret du 18 mars 2010 modifiant le décret du 24 juillet 1997 92 Pour atteindre l’objectif de mobilité sociale visé par le législateur, 20,4% des places déclarées disponibles sont réservées,

dans chaque école, à des enfants issus d’écoles d'indice socio-économiques faible. Le chiffre de 20,4% ne doit être atteint que pour autant que la demande existe.

93 La priorité donnée à l'adossement prendra fin en 2013.

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incomplètes. Les 22 %94 restant seront attribués par la CIRI.

Donc, une fois la période d'inscription terminée, il faut distinguer deux hypothèses :

1) L'établissement est incomplet : il a reçu un nombre de demandes d'inscription qui est inférieur ou égal à 102 % du nombre de places déclarées en janvier. Dans ce cas, tous les candidats à l'inscription sont en ordre utile et donc assurés d'obtenir une place à la rentrée s'ils sont à ce moment-là dans les conditions pour s'inscrire en 1ère année commune (c'est-à-dire s'ils adhèrent aux différents projets et règlements et s'ils disposent du CEB). L'établissement leur envoie directement une confirmation d'inscription.

2) L'établissement est complet : il a reçu un nombre de demandes supérieur à 102 % du nombre de places déclarées en janvier. Dans ce cas, il classe tous les élèves, attribue 80 % des places et transmet à la CIRI les enveloppes contenant le volet confidentiel des élèves. C'est la CIRI qui attribuera les 22 % des places restantes dans l'établissement. Ils seront classés selon une série de critères, essentiellement géographiques, chaque critère modifiant l'indice initial de l'élève (égal à 1). Les indices composites ainsi calculés sont classés par la CIRI qui dispose donc d'un classement objectif pour attribuer les places dans les établissements.

Voici la liste des critères permettant de calculer l'indice composite :− le degré de proximité domicile-école primaire fréquentée par l’élève ;

− le degré de proximité domicile-école secondaire visée par l’élève ;

− la distance (dans un rayon de 4km) entre école primaire fréquentée et école secondaire visée 95;

− la poursuite au niveau secondaire dans la même langue d’un enseignement en immersion commencé dès la 3e année primaire;

− l'offre scolaire sur la commune de l'école primaire d'origine;

− l'existence de partenariats pédagogiques.

Chacun de ces critères reçoit un coefficient particulier96. Le coefficient est calculé informatiquement et les distances sont calculées à l'aide du logiciel « Google Maps ».

A l’issue de son travail d’optimisation, la CIRI adresse aux parents un courrier précisant l’école où l’élève est en ordre utile et/ou sa situation en liste d’attente dans les établissements correspondant à des meilleures préférences que l’école où l’élève est en ordre utile.

Pour les parents dont l'enfant n'a pas obtenu une place en ordre utile dans l'établissement scolaire de sa 1ère préférence, ce courrier contient un document qui leur permet, dans les 10 jours ouvrables de l'envoi, de renoncer à certaines demandes d'inscription. Si les parents ne répondent pas, toutes les demandes sont confirmées.

Dès qu'une place en ordre utile se libère dans une école correspondant à une meilleure préférence, elle est automatiquement attribuée à l'élève se trouvant en 1ère position sur la liste d'attente. La CIRI poursuit cette procédure jusqu’à épuisement des listes d'attente.

Outre un rôle crucial et clairement déterminé, la CIRI acquiert avec le décret Simonet un statut officiel et réglementé, ainsi qu'une nouvelle composition juridiquement consacrée97.

94 Le fait d’attribuer 102 % des places vise à ce que les premiers désistements inévitables entre le mois de mai et la rentrée 2011 (déménagement, non obtention du CEB, etc.), ne se traduisent pas automatiquement en désistements en cascade dans d’autres établissements.

95 Ce critère sera épinglé par la Cour Constitutionnelle dans son arrêt du 12 janvier 2011. Nous y reviendrons infra. 96 Nous n'avons pas voulu exposer le calcul précis de chacun des critères dans l'élaboration de l'indice composite. C'est trop

complexe et cela n'a aucun intérêt pour nous. Pour plus d'informations, voy. le Décret du 18 mars 2010 modifiant le décret du 24 juillet 1997 et son explication (http://www.inscription.cfwb.be/index.php?id=303#c669 (dernière consultation le 24 mars 2011))

97 a)Le ministre ayant l’Enseignement obligatoire dans ses attributions ou son délégué, qui préside. Un représentant du Ministre-Président et un représentant du Ministre ayant les Bâtiments scolaires dans ses attributions assistent aux réunions ;

b) Le Directeur général - adjoint du Service général organisé par la Communauté française ou son représentant ;

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On remarquera que le jeu des critères, très complexe, ne s'applique que pour les écoles complètes, celle-ci ne représentant que 40 établissements, soit 8,4% des établissements secondaires. Pour le reste des établissements, la procédure est simple : ils inscrivent les élèves dans un ordre définit, en respectant des priorités qui sont objectives et compréhensibles.

Revenons à la mise en œuvre, qui comme nous l'avons dit, a été de deux types : administrative et médiatique. Nous les distinguerons donc.

Mise en œuvre administrativeLe cabinet Simonet utilise ici les canaux habituels, et agit comme il le fait d'habitude : via des circulaires administratives. C'est comme cela que l'administration met en œuvre les nouvelles législations, décisions ou recommandations émises par le pouvoir exécutif ou législatif. C'est généralement la Direction Générale (DG) en charge de la matière traitée qui se charge d'émettre les circulaires et de les transmettre aux acteurs concernés. Ici c'est essentiellement la DG de l’Enseignement obligatoire qui s'est chargée de diffuser l'information et les consignes liées au décret inscription dans toutes les écoles, organismes et associations, ainsi que dans l'administration.

La DG de l'Enseignement obligatoire a diffusé cinq circulaires visant à mettre en œuvre le décret inscription au niveau de l'enseignement secondaire depuis le mois de mars 2010. Le Cabinet Simonet ayant quant à lui émis les deux premières circulaires, ainsi qu'une destinée à l'enseignement fondamental, pour ensuite laisser la DG de l'Enseignement obligatoire s'en charger. Toutes ces circulaires sont adressées aux acteurs directement concernés mais sont aussi envoyées, pour information, à beaucoup d'acteurs non-étatiques98.

c) Un représentant par organe de représentation et de coordination des pouvoirs organisateurs d’enseignement subventionné reconnus par le Gouvernement conformément à la législation relative à la représentation des pouvoirs organisateurs subventionnés ;

d) Deux représentants par commission zonale des inscriptions visée à l’article 80, §3, alinéa 1er, et par commission décentralisée des inscriptions visée à l’article 88, §3, alinéa 1er, du décret « Missions » lorsque ces commissions sont compétentes pour des zones à l’égard desquelles la CIRI intervient

dans l’attribution des places ;e) Deux représentants par Fédération d’associations de parents reconnues comme représentatives;f) Deux membres de la Direction générale de l’enseignement obligatoire du Ministère de la Communauté

française, dont le Directeur général ou son représentant ;g) Deux membres de l’Entreprise des Technologies Nouvelles de l’Information et de la Communication, en abrégé

ETNIC, créée par le décret du 27 mars 2002 portant création l’Entreprise des Technologies Nouvelles de l’Information et de la Communication de la Communauté française.98 Les circulaires ont été envoyées : à la Ministre, Membre du Collège de la Commission communautaire française,

chargée de l’Enseignement ; aux Gouverneurs de Province et Députés provinciaux, chargés de l’Enseignement ; aux Bourgmestres et Échevins de l’Instruction publique ; aux Pouvoirs organisateurs des établissements d'enseignement secondaire ordinaire subventionnés ; aux Chefs d'établissement d'enseignement secondaire ordinaire, organisé ou subventionné par la Communauté française et envoyée pour information :aux membres du Service général d’Inspection ; aux membres du Service de la Vérification ; aux Fédérations d’associations de Parents ; aux Organisations syndicales ; aux Organes de représentation et de coordination des Pouvoirs organisateurs ; aux Pouvoirs organisateurs des établissements d'enseignement fondamental ordinaire et spécialisé subventionnés ; aux Pouvoirs organisateurs des établissements d'enseignement secondaire spécialisé subventionnés ; aux Chefs d'établissement d'enseignement primaire ordinaire et spécialisé, organisé ou subventionné par la Communauté française ; aux Chefs d'établissement d'enseignement secondaire spécialisé, organisé ou subventionné par la Communauté française ; aux centres psycho médico-sociaux ; aux administrateurs d’internats et de homes d’accueil et aux conseillers de l’aide à la jeunesse.

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Circulaire diffusée par le Cabinet Simonet :− Circulaire 3069 du 15/03/1099 : circulaire ayant pour but de préparer à la mise en œuvre du

décret inscription. Elle expose les grands principes du décret, et explique les démarches pratiques que vont devoir entreprendre les différents acteurs. Ce qui est intéressant, et nous essayerons de l'analyser, c'est de voir que cette circulaire date de deux jours avant l'adoption du décret ;

− Circulaire 3078 du 18/03/10100 : explication complète du décret, du rôle de chaque acteur, des documents à fournir, des démarches à effectuer, du calendrier à respecter;

− Circulaire 3079 du 18/03/10101 : même chose mais pour l'enseignement primaire.

Circulaire diffusée par la Direction Générale de l'Enseignement obligatoire :− Circulaire 3108 du 21/04/10102 : expose le mode d'emploi du logiciel informatique de la

CIRI ;

− Circulaire 3134 du 07/05/10103 : rappelle les formalités à accomplir pour achever le processus d'inscription ;

− Circulaire 3178 du 17/06/10104: a pour objet de fournir les informations nécessaires à la dernière phase des inscriptions en première année commune de l’enseignement secondaire ordinaire ;

− Circulaire 3379 du 10/12/10105 : informations relatives à l'inscription des élèves de l'enseignement spécialisé ;

− Circulaire 3419 du 18/01/11106: consignes pour la rentrée 2011-2012.

99 « Modalités relatives à l’inscription des élèves en première année commune de l’enseignement secondaire ordinaire - Décret Modifiant le décret « Missions » voy. http://www.adm.cfwb.be/upload/docs/3278_20100316093960.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)

100 « Décret modifiant le décret « Missions » - Modalités relatives à l’inscription des élèves en première année commune de l’enseignement secondaire ordinaire » voy. http://www.adm.cfwb.be/upload/docs/3284_20100319150136.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)

101 « Décret « inscription » - Modalités d’inscription en 1ère année commune de l’enseignement secondaire » voy. http://www.adm.cfwb.be/upload/docs/3285_20100319151653.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)

102 « Mode d’emploi logiciel « CIRI » - Modalités relatives à l’inscription des élèves en première année commune de l’enseignement secondaire ordinaire » voy. http://www.adm.cfwb.be/upload/docs/3317_20100421153652.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)

103 « Décret modifiant le décret « Missions » - Modalités relatives à l’inscription des élèves en première année commune de l’enseignement secondaire ordinaire » voy. http://www.adm.cfwb.be/upload/docs/3338_20100507101808.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)

104 « Décret modifiant le décret « Missions » - Modalités relatives à l’inscription des élèves en première année commune de l’enseignement secondaire ordinaire » voy. http://www.adm.cfwb.be/upload/docs/3387_20100617094640.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)

105 « Modalités relatives à l’inscription des élèves issus de l’enseignement spécialisé en première année commune de l’enseignement secondaire ordinaire » voy. http://www.adm.cfwb.be/upload/docs/3589_20101210092133.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)

106 « Modalités relatives à l’inscription des élèves en première année commune de l’enseignement secondaire ordinaire - Décret Modifiant le décret « Missions » » voy. http://www.adm.cfwb.be/upload/docs/3627_20110118114830.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)

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Mise en œuvre médiatiqueLa mise en œuvre administrative s'est accompagnée d'une mise en œuvre médiatique, voulue et annoncée dès le départ107 par le cabinet Simonet, elle vise à donner aux parents tous les outils nécessaires pour comprendre et aborder la procédure d'inscription. Nous distinguerons les initiatives et dispositifs mis en place par le cabinet Simonet des initiatives prisent par les acteurs non-étatiques (essentiellement les associations de parents, les directeurs d'écoles, les syndicats).

Initiatives du Cabinet Simonet :

− la mise en place d'un site web108 spécialisé sur lequel on peut trouver aussi bien les informations pratiques que les détails techniques, le texte du décret, un lexique complet, et un service de communiqués de presses rédigés par le service presse du cabinet109

http://www.inscription.cfwb.be . ; − la rédaction d'une brochure de quatre pages, expliquant toute la démarche pratique aux

parents d'élèves, distribuée dans tous les établissements, et disponible sur demande110;− la mise à disposition d'un numéro vert spécialement dédié aux problèmes d'inscriptions

(0800/18855);− l'implication personnelle de certains membres du cabinet (notamment Arthur

Belleflamme, Alain Maingain111) qui ont sillonné les écoles secondaires en organisant des séances d'information.

Initiative des acteurs non-étatiques :

Beaucoup d'acteurs non-étatiques ont reçu les circulaires administratives émises par l'administration, une grande partie s'en sont servit pour rédiger différentes notes explicatives, mémorandum, communiqués et autres brochures explicatives. Il nous est impossible d'en faire une liste exhaustive mais on peut notamment citer :− le SeGEC qui met au point un diaporama Powerpoint112 récapitulatif qu'elle met à la

disposition des établissements, des parents et des directeurs d'établissement ; − La FGTB- CGSC Enseignement distribue une note explicative à ses affiliés ;− L'UFAPEC met à disposition des parents d'élèves un document PDF sur son site internet

et en distribue dans les établissements de l'enseignement libre113 ;− Les deux antennes Infor Jeunes Laeken et Infor Jeunes Bruxelles lancent une campagne de

sensibilisation et d’information sur le décret inscriptions à destination des publics les plus fragilisés de la capitale. Pour ce faire, ils sillonneront les marchés des communes de Saint-Gilles, d’Anderlecht, de Molenbeek et de Schaerbeek, à bord d’un bus ;

− La FAPEO rédige un document récapitulatif114 à destination des parents d'élèves de l'enseignement officiel;

107 Voy. Supra la déclaration à la presse du gouvernement à la presse le 19 novembre 2009. Voy. Interview n°1

108 Conçu par ETNIC et hébergé par l'administration de la Communauté Française109 Voy. Interview n°1110 Par mail à Delphine MONTAGNINO (delphine.montagnino(at)gov.cfwb.be (dernière consultation le 24 mars 2011)) 111 Voy. Interview n°1112 Pour obtenir ce powerpoint voy. http://www.segec.be/fesec/index.htm + (dernière consultation le 24 mars 2011)113 Voy. http://www.ufapec.be/politique-scolaire/inscriptions-en-premiere-secondaire/annee-2010-2011-pour-rentree-de-

sept-2011/2011segec-inscriptions.html (dernière consultation le 24 mars 2011)114 Voy. http://www.fapeo.be/Sections/dmixite.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)

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− des centaines d'établissements, via le pouvoir organisateur où sous l'impulsion de la direction, organiseront des séances d'informations à destination des parents, beaucoup d'écoles du fondamental feront de même;

− l'ASBL ELEVeS, malgré son opposition quasi légendaire au dispositif régulant les inscriptions, met à disposition des parents un récapitulatif sous forme d'une brochure téléchargeable115;

− La presse quotidienne francophone a publié de nombreux articles récapitulatifs pour aider les parents dans leur démarche d'inscription.

L'ensemble de ces mesures, nous le verrons, a contribué à ce que l'information se diffuse efficacement à l'ensemble des parents d'élèves.

5) Évaluation

L'évaluation de la politique d'inscription de la Communauté française (durant la période Simonet) consiste en fait en l'évaluation du décret « inscription » et de ses effets. Cette évaluation porte donc sur la rentrée scolaire, principal objet du décret. On peut donc affirmer que la phase d'évaluation du dispositif commence après la rentrée scolaire 2010 (tandis que l'évaluation a priori du décret en tant que texte de loi pas encore appliqué commence dès l'adoption du décret le 17 mars 2010). Comme nous l'avons évoqué supra, nous ne nous pencherons que sur l'évaluation du dispositif mis en place pour la rentrée 2010 (qui est d'ailleurs relativement inchangé aujourd'hui). Nous distinguerons l'évaluation officielle du décret, effectuée par les autorités publiques, de l'évaluation effectuée par les médias, les associations et les organismes de représentation.

Le décret prévoit que l'évaluation officielle sera effectuée chaque année par la CIRI. « La CIRI doit rendre un rapport annuel au Gouvernement et à la Commission de Pilotage 116. Le Gouvernement transmet le rapport au Parlement »117. Ce rapport est essentiellement de nature quantitative. Ainsi la CIRI transmet fin novembre 2010 à la presse les chiffres officiels de cette rentrée 2010118 :

− 45.929 élèves se sont inscris en première secondaire− 44.479 élèves ont été accueillis dans l'école de leur premier choix, soit un taux de 97,43%− Dans la Région bruxelloise, le taux de satisfaction est de 90,76%− Dans le Brabant wallon, le taux de satisfaction est de 97,04%− En Wallonie (hors Brabant wallon), le taux de satisfaction est de 99,59%

La CIRI avait déjà rédigé un communiqué de presse119 en juin 2010 qui annonçait des chiffres proches de ceux du rapport final de l'automne 2010.

115 Voy. http://www.eleves.be/?page_id=1964 (dernière consultation le 24 mars 2011)116 Instaurée dans sa forme actuelle par le décret du 27 mars 2002, la Commission de pilotage rassemble en son sein des

représentants des acteurs institutionnels du monde de l’enseignement obligatoire en Communauté française. Son objectif est de contribuer à l’amélioration du fonctionnement et des performances du système éducatif

117 Art. 37, 5° Décret du 18 mars 2010 modifiant le décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, en ce qui concerne les inscriptions en 1ère année commune de l’enseignement secondaire, dit décret « inscription » (M.B. du 9 avril 2010, p. 20624). Voy. Partie « annexes »

118 Voy. Le Soir du Week-End du 12-13 mars 2011 P.10 119 Voy. http://www.ufapec.be/files/files/C.-Presse/10-06-10-CIRI.doc (dernière consultation le 24 mars 2011)

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Pour ce qui est de l'évaluation qualitative, c'est la Commission de Pilotage qui a pour mission d'évaluer tous les deux ans le décret et ses effets dans la société, et de rendre un rapport au Gouvernement et au Parlement de la Communauté française120.

Pour ce qui est des évaluations formulées par les acteurs non-étatiques, nous en avons dressé une liste non-exhaustive :− Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique (SeGEC), dresse un bilan mitigé de

la procédure d'inscriptions. Après avoir sondé ses directeurs d’écoles il constate que «pour 81 % d’entre eux, le décret n’a pas produit plus de mixité sociale, 13% estiment même que la composition du public scolaire a évolué vers moins de mixité». En outre, pour le SEGEC, le mécanisme consistant à réserver dans les écoles 20 % des places aux élèves à indice socio-économique faible « pour autant qu’il y ait une demande», n'a pas trouvé à s'appliquer dans un nombre d'écoles conséquent. Selon l’enquête du SeGEC, dans les établissements complets, 93 % des élèves ont obtenu leur premier choix d'établissement121;

− L'UFAPEC a produit deux différentes évaluations, l'une « à chaud » via un communiqué de presse 122datant du 25 août 2010 dans lequel il déclare « Ce troisième décret a, il faut le reconnaître, permis d’éviter plusieurs effets pervers présents avec les deux essais précédents et notamment éviter des inscriptions multiples. En outre, des efforts notables ont été mis en place par le Cabinet de la Ministre de l‘Enseignement et les services de l’administration pour répondre le mieux possible à toutes les requêtes des parents. » et l'autre en novembre 2010, plus complète.

En effet l’UFAPEC a rassemblé des parents de Bruxelles et du Brabant wallon lors d’une réunion-débat centrée sur sa mise en œuvre lors de cette rentrée 2010, et a ensuite communiqué ses conclusions : « Si l’on peut se réjouir de certaines mesures telles que l’utilisation d’un formulaire unique ou les efforts mis en place par l’administration pour répondre le mieux possible aux requêtes des parents, il reste des points de mécontentement pour les enfants qui ont été les victimes du processus mis en place et principalement ceux qui ont vécu cette période stressante d’incertitude »123;

− La CSC-Enseignement se déclare favorable au décret et juge que l'évaluation des associations du libre est trop sévère. Dans un communiqué, le syndicat chrétien, s’inscrivant "résolument dans une perspective d’augmentation du taux de mixité sociale dans les établissements scolaires", plaide pour « le maintien du dispositif en place »124;

− La FAPEO analyse les effets du décret dans son Trialogue N°59125 et se dit satisfaite de la rentrée 2010 dans l'ensemble, même si « il faut revoir certains points »126;

120 Voy. Partie « annexes » : Décret du 18 mars 2010 modifiant le décret du 24 juillet 1997 . 121Voy. http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/623583/simonet-l-enquete-segec-ne-montre-pas-l-inefficacite-du-decret.html (dernière consultation le 24 mars 2011) http://www.enseignons.be/actualites/2010/11/17/decret-inscription-simonet/ (dernière consultation le 24 mars 2011) http://levif.rnews.be/fr/news/actualite/belgique/le-decret-inscriptions-simonet-loupe-sa-cible/article-1194871297562.htm 122 http://www.ufapec.be/files/files/C.-Presse/10-08-25-iNSCRIPTIONS.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011) 123 http://www.ufapec.be/pour-les-journalistes/communiques-de-presse/cp-20101119/ (dernière consultation le 24 mars

2011)124 http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/626506/le-soutien-de-la-csc-au-decret-inscriptions.html (dernière consultation

le 24 mars 2011)125 http://www.fapeo.be/news/tria_59_lq.pdf (dernière consultation le 24 mars 2011)126 Ibid.

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− L'ASBL ELEVeS déclare sur son site internet que « même si les effets calamiteux des anciens décrets ont été évités, il n'en reste pas moins que ce décret est une mauvaise réponse, le vrai problème, c'est le manque d'école dans certaines zones »127;

− La presse en générale, adoptera une position relativement neutre, en se bornant à donner la parole aux acteurs concernés. Nous n'avons pas relevé de véritables évaluations effectuées par la presse quotidienne.

À la veille de la rentrée du parlement de la Communauté française, le MR revient à la charge contre le décret en déposant une proposition de résolution demandant au gouvernement de revoir son système de mesure des distances (élèves, écoles) permettant de calculer l’indice composite intervenant dans l’attribution des places dans les écoles secondaires. Le gouvernement ne donnera pas suite à cette demande.

Un recours devant la Cour Constitutionnelle au nom de la commune de Villers-la-Ville, visant non pas à attaquer l’application du décret mais le décret Simonet lui-même, a été intenté en juillet 2007128, la Cour Constitutionnelle rend un arrêt le 13 janvier 2011129.

Dans cette arrêt, la Cour a annulé l'article 25 du décret Simonet, qui fait entrer en ligne de compte la distance entre l'école primaire d'un élève et l'établissement secondaire où il désire s'inscrire pour calculer son indice composite. La Cour maintient toutefois la disposition annulée et donne à la Communauté jusqu'au 31 décembre 2011 pour la modifier. Il consacre par la même occasion la sécurité juridique de l'ensemble du décret (sauf l'article en question).

Le cabinet Simonet communique positivement sur l'arrêt via un communiqué de presse daté du 13 janvier 2010: « Par sa décision, la Cour constitutionnelle assoit la sécurité juridique du processus d’inscription, au bénéfice des élèves et des familles. Elle valide le processus mis en place par le législateur et le fait d’objectiver les départages lorsqu’ils sont nécessaires, permettant ainsi d’assurer la stabilité. La jurisprudence ainsi dégagée conforte les décisions de justice adoptées par le Conseil d'État et les cours et tribunaux durant l’été 2010. Rien ne change donc pour les familles concernées par une inscription en première année du secondaire l’an prochain »130.

Certains quotidiens présenteront cet arrêt comme un échec pour le cabinet Simonet, alors que l'arrêt est considéré par les juristes et par les membres du gouvernement comme juridiquement favorable131.

Le 9 février 2011, le Parlement de la Communauté française adopte un décret132 « fourre-tout » dans lequel on retrouve des dispositions visant « à améliorer la mise en œuvre pratique 127 http://www.eleves.be/?page_id=49 (dernière consultation le 24 mars 2011)128 Deux autres recours ont été intenté en juillet 2007 par respectivement les habitants de Villers-la-Ville et au nom d'un

couple d'habitant de Villers-la-Ville, au Conseil d'État qui déclara deux fois le recours « sans-objet » (car entre temps la CIRI avait réglé la situation des enfants du couple, et parce que la Cour Constitutionnelle fut saisie du recours des habitants de Villers-la-Ville)

129 Arrêt n°4/2011 du 13 janvier 2011 voy. Partie « Annexes » pour extrait 130 http://simonet.cfwb.be/13-janvier-2011-inscriptions-en-1ere-annee-commune-du-secondaire-un-arret-de-la-cour-

constitutionnelle-garantit-la-secur (dernière consultation le 24 mars 2011)131 Voy. Interview n°1132 Décret CCF - 161 (2010-2011) - N° 991 - 10 février 2011 voy. http://www.pcf.be/req/info/document?

type=DECCCF&no=161&legisorsess=2010-2011&nodoc=991 (dernière consultation le 24 mars 2011)

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des modalités d’inscription » en 1ère secondaire. Des mesures essentiellement techniques, des changements de date, qui découlent de l’évaluation faite par la CIRI et d'observations du cabinet Simonet. La communication du cabinet sera très limitée, personne ne voulant laisser croire que l'on avait là un décret « Simonet-Bis »133.

Le 18 janvier 2011, une nouvelle circulaire134 est envoyée aux directeurs d'écoles du secondaire : la procédure reste la même que lors de la rentrée 2010. Seules les dates changent (ainsi que quelques détails administratifs sans importance de notre point de vue) : la période d'inscription pour la rentrée 2011 sera du 14 mars au 1er avril inclus.

Il nous faut préciser que pendant la réaction de notre travail, Anne François, une des coordinatrices de l'ASBL ELEVeS, a participé à une interview-débat dans le Soir (rubrique Polémique) du mardi 15 mars 2010 où elle était « opposée » à Pascal Chardome, président de la CGSP. Dans cet article, alors que Monsieur Chardome reconnaissait « le mérite d'exister et d'avoir mis fin à des situations de discrimination » du décret Simonet, Anne François a déclaré son opposition totale à l'idée même d'un décret régulant les inscriptions, allant même jusqu'à dire que « envoyer un enfant noir dans une école de blancs, comme l'inverse, peut être vécu comme un traumatisme. Cela doit rester un choix personnel. Le gouvernement ne doit pas intervenir 135».

A l'heure ou nous rédigeons ce travail, les propos tenus par Madame François sont vivement critiqués, notamment par le Délégué Général au droit de l'enfant, Bernard de Vos, et il semble que l'ASBL entre dans une période de défection, « d'agonie »136.

Nous arrivons à la fin de la partie descriptive de notre travail. Nous avons procédé à la faveur d'une approche chronologique, le découpage en cinq phases inhérent à l'approche séquentielle de Jones s'y prêtant parfaitement. Nous avons tenté d'être le plus précis possible, en justifiant nos explications par des renvois dans des textes officiels, des communiqués, des articles de presse ou des rapports officiels. Nous avons procédé de la sorte pour disposer d'une base solide afin de pouvoir tenter une analyse qui sera hypothétique certes, mais bien informée.

133 Voy. Interview n°1134 Circulaire 3419 du 18/01/11 voir supra 135 Le Soir du 15 mars 2011 « Polémiques : fallait-il modifier le décret inscription ? » p.13136 C'est le point de vue des deux membres du cabinet Simonet que nous avons interviewé. Voy. Interview n°1

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Partie analyse

Mise à l’agenda

Même si notre travail ne concerne que la période Simonet, nous avons quand même essayé de comprendre la mise à l’agenda initiale du problème d’inscription en première année commune du secondaire de la Communauté française. D’après nous, elle est le résultat d’une mobilisation externe (de la part des parents d’élèves et des directeurs d’écoles) et d’une anticipation par le centre (le résultat des études sur l’enseignement en Communauté française a poussé les acteurs politiques à s’autosaisir de la question) couplés au rôle amplificateur des médias qui n’ont pas cessé de donner la parole aux acteurs concernés. Mais on pourrait aussi considérer qu’il s’agit d’un processus d’offre politique. En effet, les études de l’époque dénoncent une trop forte ségrégation sociale entre établissements et c’est le Parti Socialiste qui décide en accord avec son programme politique de se saisir du problème en proposant sa propre définition et en cherchant à l’irréversibiliser. En brandissant la mixité sociale comme objectif principal, le PS identifie lui-même le problème en escomptant, on peut raisonnablement le penser, une certaine rentabilité électorale. En fait, la mise à l’agenda du problème des inscriptions relève de plusieurs des processus mis en avant par Garraud137 mais il semble que ce soit l’offre politique du PS qui fut déterminante. Le PS avait à l’époque cadré le problème autour de la mixité sociale.

La situation change totalement lors de la prise de fonction de Madame Simonet. Nous l’avons vu, la Ministre hérite du problème des inscriptions sans qu’un quelconque processus de mise à l’agenda du type mobilisation externe, lobbying ou même médiatisation138 n’intervienne. On a encore affaire à ce qu’on pourrait appeler une anticipation par le centre : c’est bien le gouvernement lui-même qui réinscrit le problème à l’agenda politique en l’inscrivant dans la Déclaration de Politique Communautaire 2009-2014 du Gouvernement139. On peut même dire qu’il ne l’a jamais quitté comme en témoigne le travail continu sur le sujet de certains membres du cabinet de la Ministre de l’Enseignement obligatoire pendant la période de transition électorale. Mais entre la mise à l’agenda initiale et la prise de fonction de Madame Simonet, le problème de l’inscription a été quelque peu recadré : le vrai problème n’est plus le manque de mixité sociale mais la situation chaotique engendrée par les deux précédents décrets.

Ce que nous voulons mettre en évidence, c’est qu’il semble que le Parti Socialiste ait construit sa propre problématique des inscriptions autour de la mixité sociale mais que les échecs des deux décrets proposés par les ministres socialistes (Arena, Dupont) et les tensions créées autour du problème (qui pour beaucoup n’en étaient pas un initialement) ont transformé l’enjeu même de la problématique. L’objectif principal de Simonet n’était plus d’atteindre une mixité sociale telle que voulue par le PS mais de rétablir l’ordre, tout simplement. En échouant dans ses deux tentatives d’imposer la mixité sociale dans les établissements secondaires, le PS a in fine contribué à ce que l’enjeu change de nature, relayant la mixité sociale à un objectif secondaire.

137 Garraud Ph. (1990), « Politiques nationales : élaboration de l’agenda », L’année sociologique, 40, pp. 17-41.138 Même si on peut raisonnablement penser que si le problème des inscriptions avait été écarté de l’agenda politique du

nouveau gouvernement, les différents problèmes liés aux décrets précédents auraient resurgis activement relayés par la presse.

139 Voy. l’extrait de la déclaration de politique communautaire dans la partie Annexe

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On peut dès lors se poser une question : Pourquoi avoir mis initialement le problème de l’inscription à l’agenda ? Était-ce vraiment un problème ? Nous observons avec le recul que la mixité sociale dans les écoles secondaires ne s’impose pas140. En sachant que le problème a été initialement identifié par le PS comme un problème social, et que l’on s’est vite rendu compte qu’édicter un décret régulant les inscriptions n’était peut être pas la solution, on se demande pourquoi le problème est-il resté si longtemps à l’agenda ? La réponse est simple et nous est clairement exposée par Madame Tilot141 : il était « politiquement impossible » pour le cdH de revenir à l’ancienne législation, cela aurait été une remise en cause du travail du PS, qui était toujours membre de la majorité. Après avoir engagé l’opinion publique dans une réflexion autour des inscriptions en secondaire (alors que la majorité de la population ne se souciait guère de ce problème), revenir en arrière aurait été interprété comme un abandon de la part du pouvoir politique. Et par la même occasion un désaveu du PS.

Ce qui légitimise le travail de Madame Simonet et la rédaction d'un troisième décret c'est précisément la situation engendrée par les décrets précédents. Les décideurs du Parti Socialiste remettent le décret à l'agenda politique précisément parce qu'ils sont conscients que la situation doit être améliorée, qu'ils n'ont pas atteint leur but. Toute la légitimité du cabinet Simonet semble tenir à cela : ils n'ont pas eux même identifié le problème, le problème existait déjà. Dés lors il a des raisons suffisantes pour s'en emparer et tenter de le résoudre. Il nous reste une dernière remarque intéressante à formuler. Sous le décret de Marie Arena, environ 20 écoles étaient touchées par le phénomène des files, essentiellement à Bruxelles et en Brabant wallon. Sous le décret de Christian Dupont, environ 50 écoles étaient complètes après les tirages au sort et avaient de longues listes d’attente, toujours à Bruxelles et en Brabant wallon. Sous le décret actuellement en vigueur, après traitement des préférences des parents par la CIRI, ce sont 71 écoles qui sont réputées complètes en 2011. On peut constater que le nombre d’écoles étant les plus demandées par les parents augmentent. Les décrets successifs génèrent donc un effet de marché qui va à l’encontre de leurs objectifs déclarés et, conséquence directe de cet effet, un certain nombre d’écoles sont littéralement désertées et ne sont pas demandées par les parents. Cela peut porter à croire que les mises à l'agenda successives et l'action des différents ministres ont contribué à aggraver la situation. Un problème qui ne semblait pas en être un initialement a pris une dimension importante, ce qui nous pousse à nous demander : la Communauté française n'aurait-elle pas mieux fait de ne pas se saisir de la régulation des inscriptions en première secondaire ?

Formulation de solution s :

Ce qui frappe quand on analyse la « période exploratoire » du travail de Madame Simonet est l’importance donnée à la consultation de tous les acteurs et partenaires concernés. En effet, Madame Simonet a jugé utile d’écouter tous les avis en organisant des entretiens en bilatéral afin d’évoluer dans un climat de légitimité indispensable, selon elle142 , pour atteindre l’équilibre des intérêts. L’importance des échecs passés conditionne effectivement son travail : elle sait quelles pistes sont à écarter et à quelles résistances elle va être confrontée. Ce qu’on observe, c’est que le cabinet Simonet – et donc le cdH – agit sans mettre en avant aucun aspect idéologique contrairement au PS lorsqu’il était en charge du dossier. De l’aveu même 140 C’est l’avis du Cabinet Simonet, du Parti ECOLO et de la plupart des directeurs d’écoles. Voy. respectivement les

interviews n°1, 2 et 3 dans la partie annexe et la prise de position du SEGEC telle qu’exposé dans la partie descriptive141 Membre du cabinet Simonet, voy. Interview n°1 dans la partie annexe142 Ibid.

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du cabinet143, le cdH a adopté une attitude de conciliation des intérêts en présence. Il n'a pas défendu une quelconque idéologie, jouant leur rôle de « parti centriste, du consensus »144 . C’est pour nous ce qui explique la relative efficacité de l’action du cabinet. Dès le départ, madame Simonet annonce à tous les acteurs concernés que « personne ne sera entièrement satisfait ». Le cabinet a joué la carte du réalisme politique en laissant de côté les oppositions traditionnelles entre les partis en présence. En tentant d’impliquer les différents « groupes d’intérêts » que sont les associations de parents et les organes de représentation du milieu scolaire, Simonet s’inscrit dans une démarche qu’on pourrait qualifier de néo-corporatiste.

Pendant la phase de recherche de solution, la position du cdH n’est pas aisée. Tout d’abord, ils travaillent sur un dossier dans lequel le PS a échoué. Cela implique que lors des réunions inter cabinet le cdH devait ménager ses propos145 pour ne pas froisser un membre de sa majorité. L’action du cabinet devait être efficace, conciliante et modeste. De plus, les membres du cabinet ne devait surtout pas centrer leurs actions sur le réseau libre catholique pour ne pas laisser croire qu’il favorise un réseau anciennement lié à leur parti. Alors qu’objectivement, le problème des inscriptions en première secondaire touche majoritairement ce type d’établissement. On ne peut dès lors que saluer leur travail et leur capacité à ne pas déclencher de conflits politiques et/ou médiatiques durant la phase d’exploration.

Un autre élément a contribué à renforcer la légitimité de l’action du cabinet, augmentant la confiance de l’opinion publique : l’action de la ministre durant le mois d’août 2009. En résolvant les problèmes liés à la rentrée 2009 (toujours sous l’empire du décret Dupont) de manière réactive et efficace, Madame Simonet entame son mandat de la meilleure manière ; elle conquerra une partie de l’opinion publique.

L’attitude du PS durant la phase de recherche de solutions peut être considérée comme une attitude de retrait. Cela peut aisément s’expliquer : leurs deux échecs passés ne leur permettent pas d’être très critique envers l’action du cabinet, ni de se permettre une attitude d’ingérence dans les affaires du celui-ci. Il reste sur une seule revendication, en phase totale avec leur programme, la mixité sociale.

En ce qui concerne le rôle d'Écolo, leur apport s’est essentiellement limité à la proposition de l’instauration du « formulaire unique ». D’après le cabinet Simonet146, ECOLO n’a pas manifesté d’objection particulière et leur faible implication peut s’expliquer par le fait qu’ils n’ont jamais été pour un décret inscription, considérant qu’il y avait d’autres problèmes à régler. D’après eux, le décret inscription est une mauvaise réponse à une bonne question147. En ce sens, leur positionnement relève d’une problématisation différente des autres partis en présence. Le désaccord principal étant lié au fait qu’ECOLO ne considère pas l’édiction d’un décret régulant les inscriptions comme un moyen d’augmenter la mixité sociale dans les écoles. Lors du vote du décret inscription de Madame Arena en 2007, ECOLO avait voté contre le décret, il s'était abstenu pour le vote du décret Dupont en 2008 et ont voté pour le décret Simonet. Il est probable que la position d'Écolo sur ce dossier dans le gouvernement

143 Ibid.144 Ibid. 145 Ibid.146 Voy. interview n°1 dans la partie « Annexes ».147 Voy. interview n°2 dans la partie « Annexes ».

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actuel est plus liée à un « effet de coalition »148 qu'à un réel soutien du parti à l'édiction du décret.

La tentative de formulation de solutions entreprise par Simonet apparait, lorsqu’on l’analyse bien, comme une tentative rationnelle d’objectivation d’une problématique trop longtemps empreinte de conflits idéologiques. Dès le début, elle a procédé de manière rationnelle : récolter les différents avis de manière impartiale, consulter des cabinets d’experts (ECARES, ETNIC,…) pour ensuite proposer la mise en place d’un système informatique afin de rationaliser au maximum le classement des élèves et de centraliser les informations s’y rapportant. Dès lors, le débat idéologique s’est centré autour des critères de classement qui sont les seules variables difficilement objectivables du système proposé.

L’opposition, tant médiatique que politique, s’est centrée autour de deux questions : -L'État doit-il intervenir et limiter l’autonomie des parents ?-Quels sont les critères pertinents pour départager deux élèves candidats pour la même place ?

Le MR et certaines associations de parents se sont longuement opposés à l’intervention de l'État dans ce domaine, privilégiant l’autonomie. Lorsque l’action de l'État apparut inéluctable, ceux-ci se sont rabattus sur la contestation des critères de départage et des aspects techniques du système. Le débat idéologique, opposant autonomistes et modernisateurs, s’est donc transformé en un débat technique, plus centré sur les modalités de fonctionnement du décret que sur sa légitimité.

Le défi du cabinet Simonet était de réussir à imposer un système contraignant et efficace qui s'appliquerait à l'ensemble du territoire de la Communauté Française, alors que pour la plupart des écoles (plus de 92%) n'avaient aucun problème avec la procédure d'inscription dans leurs établissements. Le problème ne touche essentiellement que la Région bruxelloise et le Brabant wallon. C'est un « problème géographiquement ciblé »149, il a donc fallu concevoir un dispositif d'inscription qui soit efficace localement sans être trop astreignant pour les établissements du reste du territoire.

La période durant laquelle le gouvernement a du se mettre sur le texte de l’avant-décret et donc sur les solutions à proposer pour adoption au Parlement fut relativement longue. En effet, entre le moment où le gouvernement annonce qu’il a trouvé un accord et qu’il se lance dans la rédaction de l’avant-projet (18 novembre 2009) et le jour où il présente officiellement le texte (14 décembre 2009), presqu’un mois s’est écoulé. Cela peut paraître paradoxal lorsque l’on analyse les positions des partis de la majorité durant la phase exploratoire : pourquoi un accord n’a-t-il pas vu le jour plus rapidement alors que la position du PS et d'Écolo semblait plutôt conciliante, voire passive ? Nous n’avons pas une réponse toute faite mais cela peut s’expliquer par la complexité du texte, par le désaccord sur le calendrier à établir pour l’année 2010150 mais peut être aussi par la pression médiatique et la peur de présenter un projet qui pourrait déboucher sur un échec supplémentaire.

148 Expression employée par Madame Tilot. Voy. Interview N°1 dans la partie « Annexes »149 Voy. Interview N°1 dans la partie “Annexes”150 Une proposition de décret ayant même été votée le 1er décembre 2009 visant à changer en urgence les dates

d’inscriptions établies pour la rentrée 2010 établies par l’ancienne législation. Cela a contribué à retarder l’action du gouvernement.

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Décision

L’analyse séquentielle nous impose de découper les différentes phases mais nous devons reconnaitre que ce découpage a des limites. Quand commence réellement la phase de décision ? Au moment de l’accord du gouvernement sur l’avant-projet ? Au moment où celui-ci est présenté en commission ? Au moment de l'adoption au Parlement ?

Pour nous, il existe deux moments clés qui pourraient tout deux correspondre à l'entrée dans la phase de décision :-L’accord du gouvernement sur le texte de l’avant-projet de décret : le gouvernement arrête les solutions issues des négociations entre les différents cabinets.-Le vote du texte par le Parlement : le législateur décide officiellement d’appliquer les solutions formulées par le gouvernement sous la forme d’un texte de loi.

Contrairement à beaucoup de décisions prises par les autorités publiques, on n'avons pas affaire à un consensus ambigus. En effet, le texte proposé par le Gouvernement de la Communauté française, s’il est complexe dans sa forme, ne laisse pas place aux interprétations divergentes. Le prix à payer est précisément la complexité de ce texte qui tente, par des dispositions techniques et précises, des règles de procédure univoque et rationalisée. Ceci peut expliquer que les débats lors de la séance plénière du 17 mars 2010 aient été centrés sur des questions techniques d’une complexité certaine.

Le débat idéologique concernant l’intervention de l’état dans le choix des parents n’étant plus d’actualité durant le débat en séance plénière durant laquelle le décret fut voté, le MR s’était rabattu sur les détails techniques et les incertitudes liés à l’utilisation de programmes informatiques (notamment Google Maps). Mais on peut se demander quel était le but réel du MR ?Manifester à tout prix son opposition à l’idée même d’un décret inscription, quitte à formuler des attaques inaccoutumées à l’encontre de certaines dispositions fragiles ? Avait-il vraiment un intérêt, une réelle préoccupation (idéologique ou non) à la modification de certains détails techniques ?

La demande de report des travaux déposée par le MR durant la séance d'adoption du décret est proposée officiellement parce que ces derniers considèrent que le fonctionnement du programme informatique est trop opaque et qu’ils exigent de le tester en interne. N’est-ce pas là une tentative de marquer une dernière fois symboliquement leur désaccord ? D'autant paraissait évident qu’ils n’obtiendraient pas gain de cause151...

Mise en œuvre

Nous débuterons par une observation importante effectuée durant notre travail de recherche. Lorsque nous avons pris connaissance des différentes circulaires envoyées par le cabinet Simonet dans le cadre de la mise en œuvre administrative du décret, nous avons découvert que la première circulaire152 envoyée par Marie-Dominique Simonet aux différents fonctionnaires et directeurs de l’enseignement secondaire date de deux jours avant l’adoption du décret au Parlement. Qu’est-ce à dire ? Tout simplement que la Ministre a débuté la mise

151 Comme nous l’a bien expliqué Marianne Tilot, la majorité était déjà d’accord avant de rentrer en séance plénière, les dés étaient donc déjà jetés. Voy. interview n°1 dans la partie annexe

152 Circulaire n°3069 du 15 mars 2010. Voy. supra

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en œuvre de son décret avant même que celui-ci n'existe juridiquement. Deux remarques s’imposent :- Méthodologiquement et par rapport à notre propre travail, cela montre les limites de la grille de Jones dans l’approche que nous tentons ici d’appliquer. En effet in casu, la phase de mise en œuvre précède celle de la décision ce qui laisse penser qu’elle ne serait pas conditionnée par une quelconque décision préalable (sauf si on considère que la phase de décision, comme l’hypothèse en a été faite plus haut, commence au niveau de l’exécutif ce qui reviendrait à nier que la mise en œuvre d’un décret est la conséquence d’un acte législatif).-Dans le prolongement de cette idée, nous pourrions dire que l’attitude de Madame Simonet nous pousse à croire qu’elle était persuadée que son décret serait adopté, du moins assez pour donner des consignes à l’ensemble de l’administration concernée au sujet de l’application d’un texte pas encore adopté. Pour nous, c’est un signe que la Communauté française est en quelque sorte une particratie : pouvoir être certain qu’un texte va être adopté avant les débats en séance plénière revient à dire que le débat parlementaire ne peut pas entrainer un changement de position d'un député, et que celle-ci est établie à l'avance au sein des bureaux politiques. Le parlementaire n’est dès lors plus qu’une voix acquise pour le parti et n’a de facto plus aucune autonomie de décision, alors que de jure, la liberté de vote lui est garantie.

Cette première remarque en amène une autre : l’importance des échéances incontournables (la rentrée scolaire, les vacances scolaires) qui structurent le travail de l’exécutif dans un dossier comme celui-ci. Effectivement, cela peut expliquer l’empressement de Madame Simonet qui met en œuvre son décret avant même que celui-ci soit juridiquement en vigueur. Cela témoigne de l’aspect contraignant des échéances dans le travail du politique. Si ces échéances n’existaient pas153, qui sait combien de temps aurait mis la mise au point d’une politique publique régulant les inscriptions en secondaire ? Le processus aurait-il été le même ?

La gestion du temps semble avoir été compliquée et cela se voit clairement dans la tentative de mise au point d’un calendrier précis par le cabinet Simonet, qui n’a pas été des plus aisées. La date prévue initialement par la Ministre du début de la période d’inscription était le 8 mars 2010, après deux décrets154 votés dans l’urgence, elle sera in fine fixée le 26 avril.

Comme précisé dans la partie descriptive, une mise en œuvre médiatique a été effectuée afin de simplifier la compréhension du dispositif . Ceci à travers différents outils et par différents acteurs que nous avons choisi de distinguer. La mise en œuvre médiatique effectuée par les acteurs non-étatiques ne nous intéresse pas spécialement155 tandis que la mise en œuvre médiatique effectuée par le Cabinet Simonet est bien plus intéressante.

Comme nous l’explique156 le porte parole du Cabinet, Éric Étienne, cette médiatisation a été pensée comme double :-D’une part le Cabinet a joué « la carte de la transparence » : pour que les parents aient confiance dans le système et ne soient pas instrumentalisés par des interprétations du décret inexactes de certaines associations, « toute la complexité du système a été expliqué, ce qui pour un certain nombre de famille a pu être un peu inquiétant parce que il y avait beaucoup 153 C'est le cas dans d'autres domaines d'intervention des pouvoirs publiques, où ceux-ci disposent de plus de temps pour

élaborer des politiques publiques.154 Décret CCF - 79 (2009-2010) - N° 977 - 11 février 2010.155 C’est en réalité habituel voire assez commun que les acteurs non-étatiques (syndicats, associations de parents, organes de

représentation, la presse) mettent en place des outils favorisant la compréhension des mécanismes relevant d’un texte législatif.

156 Voy. interview n°1 dans la partie annexes

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de subtilités la derrière. On a choisi de le faire précisément par un souci de transparence et de confiance dans le système. On voit déjà que l'opposition avait joué son rôle et s'était pas mal cabrée, si on n'avait pas joué la transparence et qu'on avait dit « c'est tout simple, vous devez remettre votre formulaire dans l'école de votre premier choix, après, c'est la boîte noire, on verra on vous serez » »157

-Dans un deuxième temps, le Cabinet a mis en place différents supports à vocation plus pratique à destination des parents. « Une fois qu'on a expliqué la complexité du décret, que l'on a laissé la possibilité à celui qui veut tout comprendre de le faire, on arrive au deuxième niveau, on reconnaît que dans tout texte décrétal il y des choses compliquées mais il faut que pour les gens ce soit simple pratiquement, pour l'utilisateur cela doit être simple ! »158.

On voit donc que lorsque les pouvoirs publiques édictent une règle contraignante, ils peuvent facilement la faire respecter par l’administration, mais pour qu’une procédure impliquant autant les parents d’élèves soit respectée, il faut s’assurer qu’elles soient bien intégrées. Juridiquement, le cabinet n'est pas tenu à une mise en œuvre médiatique et pourrait tout simplement se contenter de la publication au Moniteur Belge et de l'adage « nul n’est censé ignorer la loi » , mais on observe clairement que le cabinet a choisi de mettre en œuvre son dispositif en douceur, en communiquant abondamment, sûrement pour éviter le déclenchement d’une nouvelle vague de protestation, comme cela a été le cas pour les deux autres décrets.

La mise en œuvre médiatique peut être rétrospectivement considérée comme éparse, foisonnante, mais le résultat a été atteint : tous les parents ont pris connaissance de la procédure à suivre, et la période d'inscription s’est déroulée sans encombre majeure.

Évaluation

Nous n’avons pas vraiment étudié les théories liées à la phase d’évaluation d’une politique publique dans le cadre de notre cursus. Cependant, quelques remarques peuvent être formulées.

Premièrement, le décret prévoit que l’évaluation annuelle du décret sera réalisée par la CIRI. Or, cette dernière est présidée par la Ministre ayant l’enseignement obligatoire dans ses attributions, dans notre cas il s’agit de Madame Simonet. On a donc affaire à une auto-évaluation critiquable sous bien des aspects (la presse n’ayant pas manqué de le mettre en exergue). Même si l’avis des directeurs d’écoles a été officiellement demandé159, il semble que le rapport rédigé par la CIRI soit plus un rapport quantitatif supervisé par la Ministre qu’une véritable synthèse des évaluations qualitatives formulées.

Ensuite, la modification du décret effectuée via l’adoption d’un décret « fourre-toui »160 en février 2011 suite à l’évaluation effectuée par le cabinet en interne appelle quelques remarques. En effet sa médiatisation a fait l’objet d’une attention particulière de la part du service presse du cabinet Simonet : le cabinet a tout fait pour que l’on ne communique pas à outrance sur le décret. « Il ne fallait pas aller trop loin dans la communication car on aurait

157 Voy. Interview N°1 dans la partie « annexes »158 Ibid.159 Voy. Interview N°3 dans la partie « annexes »160 Décret CCF - 161 (2010-2011) - N° 991 - 10 février 2011 voy. http://www.pcf.be/req/info/document ?

type=DECCCF&no=161&legisorsess=2010-2011&nodoc=991 (dernière consultation le 24 mars 2011)

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donné l'impression, et l'opposition se serait engouffrée dans la brèche, de dire que c'est un nouveau décret inscription, or ce n'est pas le cas, tout fonctionne de la même manière, le petit décret voté en février 2011 verse un peu d'huile sur la machine pour que les choses aillent plus vite en 2011, c'est tout. Il ne s'agit pas d'un nouveau décret ! »161. On peut ici déceler l’importance de la communication et du rôle du symbolique sur la scène médiatique.

Pour finir, il nous faut parler de l’Arrêt de la Cour Constitutionnelle du 13 janvier 2011162. En effet cet arrêt rendu en réponse au recours intenté par la commune de Villers-la-Ville visant l’annulation du décret a été interprété de manière divergente entre la presse et le Cabinet ministérielle. D’un côté certains quotidiens ont présenté l’arrêt comme un coup dur pour le cabinet alors même que celui-ci communiquait positivement sur l’arrêt en question163 : « Par sa décision, la Cour constitutionnelle assoit la sécurité juridique du processus d’inscription, au bénéfice des élèves et des familles. Elle valide le processus mis en place par le législateur et le fait d’objectiver les départages lorsqu’ils sont nécessaires, permettant ainsi d’assurer la stabilité », « La jurisprudence ainsi dégagée conforte les décisions de justice adoptées par le Conseil d'État et les cours et tribunaux durant l’été 2010.Rien ne change donc pour les familles concernées par une inscription en première année du secondaire l’an prochain »164.

Dans notre interview, le porte-parole du cabinet se justifie : « La communication positive sur l'arrêt est légitime. L'analyse de l'arrêt ne laisse aucun doute : premièrement, on a eu le Conseil d'État qui avait validé le décret, ensuite on a eu cet arrêt, qui a tous validé sauf un seul critère, le fameux critère des 4km. La cour a dit c'est très bien, elle n'a pas annulé pour rien, elle a dit il faut le réécrire, c'est intéressant, mais il faut le réécrire. C'est tout ce que la cour dit, on va le réutiliser ce critère, mais en lui donnant sa pleine mesure. »

Après analyse de l’arrêt, il nous parait évident qu’il est en fait positif et qu’il consacre la sécurité juridique de tout le décret (excepté une seule disposition). On observe donc que la presse peut opérer un prisme déformant la réalité juridique, le citoyen lambda n’étant pas toujours apte à décoder un arrêt de la Cour Constitutionnelle. Dés lors on peut raisonnablement dire que l’évaluation d’une politique publique effectuée par le citoyen dépend de son analyse personnelle, mais surtout de l’image que lui renvoient les médias.

161 Voy. Interview N°1 dans la partie « annexes »162 Voy. Extrait de l’ Arrêt n°4/2011 du 13 janvier 2011163 http://simonet.cfwb.be/13-janvier-2011-inscriptions-en-1ere-annee-commune-du-secondaire-un-arret-de-la-cour-

constitutionnelle-garantit-la-secur (dernière consultation le 24 mars 2011)164 http://simonet.cfwb.be/13-janvier-2011-inscriptions-en-1ere-annee-commune-du-secondaire-un-arret-de-la-cour-

constitutionnelle-garantit-la-secur (dernière consultation le 24 mars 2011)

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Conclusion :

Rétrospectivement, nous pouvons aisément déclarer que le dispositif mis en place par le Cabinet Simonet a atteint son objectif. Nous avons beaucoup appris sur le fonctionnement de la Communauté française et sur la complexité de la relation État-Société civile dans ce domaine particulier. L'analyse séquentielle ici mobilisée, si elle montre des limites théoriques, a pu être appliquée sans trop de difficultés, notamment car les échéances inhérentes à cette matière structurent l'agenda. Il semble que le décret en vigueur ait une durée de vie supérieure aux dispositifs passés. Ceci mettant fin à plusieurs années de désordre et de conflits. S'il doit être modifié, il semble qu'il le sera à la marge, le principe du décret et ses grandes lignes ne suscitant plus de vives oppositions.

Bien conscients que notre analyse comporte des limites, nous avons néanmoins tenté d'effectuer une approche la plus objective possible. En mobilisant les théories vues au cours mais aussi se nourrissant des interviews effectuées auprès d'un panel d'acteurs diversifié. Mais est-il vraiment possible d'analyser une politique publique de manière parfaitement objective ?

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