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1 La XXVI e dynastie continuités et ruptures Promenade saïte avec Jean Yoyott e Édités par DIDIER DEVAUCHELLE UMR 8164 Halma-Ipel (Lille 3, CNRS, MCC)

"La XXVIe dynastie au Sérapéum de Memphis", dans D. Devauchelle (éd.), La XXVIe dynastie : continuités et ruptures, Paris, 2011, p. 139-152

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La XXVIe dynastie : continuités et ruptures, colloque organisé à l’Université Charles-de-Gaulle – Lille 3, les 26 et 27 novembre 2004, avait pour but de réunir quelques collègues et amis autour d’un sujet qui tenait à cœur à Jean Yoyotte : le développement du pouvoir saïte au Ier millénaire avant notre ère. Aussi, lors de la séance de clôture, fut-il décidé de dédier à ce savant les Actes de cette rencontre. La publication a pris plus de temps que prévu, car nous voulions y intégrer le travail de synthèse que Jean Yoyotte préparait sur la question, mais qu’il n’a pu

certaines déjà rédigées, d’autres moins achevées, que nous avons mises en forme tout en essayant d’en garder l’esprit. Cet essai, intitulé « Les fondements géopolitiques du pouvoir saïte », paraît en tête du volume ; il est suivi de dix-huit articles portant sur l’Égypte du VIIe siècle avant notre ère ou sur le souvenir que cette période laissa aux époques postérieures.

Les Actes rassemblent des études consacrées à l’oasis de Bahariya, au Fayoum, aux Thèbes du Nord, à Tanis ou encore au Sérapéum de Memphis ; plusieurs épisodes ou personnages marquants de cette époque sont aussi évoqués, comme les relations de Psammétique Ier avec les Kouchites, le programme de construction d’Amasis, la place de Semataouytefnakht d’Hérakléopolis durant les premières années du règne de Psammétique Ier et la carrière du prêtre Gemenefhorbak. On notera également des contributions consacrées aux protocoles royaux saïtes, au fétiche abydénien et à sa diffusion à l’époque saïte, ainsi qu’une présentation de la salle aux Bès d’Ayn el-Mouftella. Trois articles qui illustrent la continuité avec les périodes suivantes concernent la persistance de la culture matérielle saïte durant la domination perse, l’érudition d’un prêtre égyptien de l’époque perse ou encore les desservants du culte

magique grec daté du IVe siècle, la mention de l’an 44 d’Amasis sur une stèle datée du règne de Ptolémée Évergète II et un ostracon démotique ptolémaïque contenant un recensement des ressources de l’Égypte effectué par Psammétique Ier témoignent de la marque laissée par les dynastes saïtes dans l’esprit des générations qui leur ont succédé.

Conception couverture Jean-Pierre Montesino

La XXVIe dynastie continuités et rupturesPromenade saïte avec Jean Yoyotte

Édités par

DIDIER DEVAUCHELLE

UMR 8164 Halma-Ipel (Lille 3, CNRS, MCC)

ISBN 978-2-915840-30-8

9 7 8 2 9 1 5 8 4 0 3 0 8

La XXVIe dynastie continuités et ruptures

La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective »

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Éditions Cybele, 65 bis, rue Galande, 75005 Paris Tél. (0)1 43 54 16 26 Fax. (0)1 46 33 96 84 Email : [email protected]

Pour recevoir notre catalogue, envoyez-nous simplement vos coordonnées.

© Cybèle, Paris 2011© Didier Devauchelle, Lille 2011

Maquette : Camille De Visscher

ISBN 978-2-915840-30-8EAN 9782915840308

La XXVIe dynastie continuités et ruptures

Promenade saïte avec Jean Yoyotte

Actes du Colloque international

organisé les 26 et 27 novembre 2004

à l'Université Charles-de-Gaulle – Lille 3

édités par

DiDier Devauchelle

UMR 8164 HALMA-IpeL (Lille 3, CNRS, MCC)

V

Tout le monde applaudit à la proposition de Didier Devauchelle, à la fin du brillant colloque qu’il avait organisé, d’en faire hommage à Jean Yoyotte et de lui en dédier les Actes.

Consacrer la vocation de ce recueil, qui doit tant à sa présence discrète auprès des jeunes chercheurs d’aujourd’hui, est, pour ses vieux amis, grand honneur et plus grand plaisir encore.

Les journées de l’automne 2004 à Lille nous ont restitué quelques instants les anciennes connivences de 1950, quand Jean Yoyotte accueillait à la Salle Champollion deux jeunes congénères belges, qui venaient s’instruire auprès des maîtres qui étaient déjà les siens. Autour des photographies du papyrus Jumilhac, que d’heures fiévreuses les trois complices ont-ils passées ! Que de palabres entre eux, d’échanges, de discussions, là ou à la pâtisserie d’en face… L’égyptologie était à nous. Il restait à la faire… Il y a largement contribué. Il était notre initiateur aux usages parisiens, et là commença l’amitié qui dure encore. À notre âge, on ne rend pas hommage au copain d’alors, mais on est heureux de lui dire le bonheur éprouvé à chacune des rares rencontres que la vie nous a ménagées, et que le flot de souvenirs fait affleurer au gré du métier.

Herman De Meulenaere, Philippe Derchain

VII

1. Quelques collègues qui n’avaient pu prendre part au colloque ont également envoyé leur contribution.

Note de l’éditeur

En organisant le colloque La XXVIe dynastie : continuités et ruptures à l’Université Charles-de-Gaulle – Lille 3 les 26 et 27 novembre 2004, mon intention était d’inviter quelques collègues et amis autour d’un sujet qui nous tenait à cœur et le nom de Jean Yoyotte était, bien évidemment, présent dans mon esprit : c’est ainsi que germa l’idée de rassembler autour de ce savant, et de manière un peu informelle, une petite communauté intéressée par cette époque de l’histoire de l’Égypte ancienne ; Jean Yoyotte avait alors commencé à élaborer une synthèse sur le pouvoir saïte et en entretenait régulièrement quelques-uns d’entre nous dans des conversations autour d’un café.

Aussi, lors de la séance de clôture de cette rencontre, il fut décidé, d’un commun accord, de lui dédier les Actes qui concrétiseraient le résultat de nos travaux1. Il ne s’agissait pas de publier des Mélanges — d’autres sont plus légitimes que moi pour réaliser ceux-ci —, mais d’éditer nos contributions sur la XXVIe dynastie à la suite de celle de Jean Yoyotte. Celle-ci paraît aujourd’hui en article liminaire.

Les textes que Jean Yoyotte a bien voulu me confier se présentaient à l’état d’ébauches : certaines parties étaient rédigées, tandis que d’autres n’étaient qu’esquissées et les renvois, seulement suggérés ou faits de mémoire. Il a donc fallu opérer des choix, en essayant de conserver un maximum des idées développées, mais certaines sections n’étaient visiblement que de simples aide-mémoire préparatoires de la rédaction finale. J’ai vérifié, corrigé et complété les notes quand celles-ci avaient été prévues, sans systématiquement actualiser toutes les références : quiconque écrit un article de synthèse sait que l’on laisse cette tâche fastidieuse pour la fin et si Jean Yoyotte, dont les connaissances bibliographiques étaient vastes, avait fort avancé sa réflexion synthétique sur un sujet qui lui tenait à cœur, il avait aussi laissé de côté nombre de vérifications qu’il comptait effectuer par la suite. Le lecteur devra donc parfois faire confiance au savant et il sera indulgent sur ses raccourcis et sur les imperfections de l’édition : la fatigue de Jean Yoyotte était perceptible à de nombreux endroits du manuscrit et il ne m’a pas toujours été possible de la cacher !

Je me suis donc limité dans le travail de restructuration, mais j’ai cependant éliminé les paragraphes qui s’éloignaient trop du sujet, pensant que Jean Yoyotte aurait sans doute fait de même. Enfin, j’ai souhaité reproduire le texte concernant Manéthon en Annexe, même si celui-ci peut paraître moins élaboré, car il m’a semblé être un écho de la pensée de Jean Yoyotte, toujours en « recomposition » et telle qu’elle s’exprimait dans les discussions que les uns et les autres ont pu avoir avec lui.

Ce travail a été plus long que je ne le pensais (des tâches moins nobles accaparant l’essentiel de mon temps) : cela explique en partie le retard qu’a pris la publication de ces Actes. Aussi j’adresse mes excuses aux collègues qui ont participé à cette entreprise et je les remercie de leur patience. J’espérais que ce volume paraîtrait du vivant de Jean Yoyotte, malheureusement cela n’a pas été possible. Je remercie ses « vieux amis », Philippe Derchain et Herman De Meulenaere, qui avaient accepté, dès le projet lancé, de rédiger un petit mot introductif, simple, que j’ai conservé tel qu’il avait alors été écrit. Je reste le seul responsable des choix qui ont été faits pour la présentation de ce travail.

La préparation matérielle du manuscrit a, elle aussi, connu des moments difficiles. C’est grâce à la compétence et à la gentillesse de Camille De Visscher que la mise en page de ces Actes a pu finalement être menée à bien. La réalisation de ce volume a bénéficié du soutien de Ghislaine Widmer tout au long de cette entreprise. Enfin, je n’aurai garde d’oublier dans ces remerciements Jean-Pierre Montesino qui publie aujourd’hui ce volume : il a été patient, compréhensif et m’a aidé à la conception de la couverture.

Didier DevauchellePrintemps 2011

* Au moment de remettre le manuscrit à l’imprimeur, nous apprenons avec tristesse le décès d’Herman De Meulenaere qui nous avait accompagnés avec enthousiasme dans ce projet de Colloque : que son nom demeure auprès de nous !

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Écrire une histoire détaillée du Sérapéum de Memphis, dans l’état actuel de la documentation, peut paraître quelque peu illusoire1, mais je vais tout de même tenter de le faire sur une courte période, la XXVIe dynastie. En effet, les témoignages laissés par les Saïtes me semblent révélateurs de choix particuliers qui relèvent de la politique intérieure de ces pharaons et qui contrastent avec d’autres tendances de cette époque. Pour simplifier, on pourrait dire qu’il y a rupture avec la période précédente — ou, du moins, d’importantes innovations —, et continuité avec le début de la dynastie suivante. Les souverains saïtes ont donné une nouvelle impulsion au culte du taureau Apis, ce qu’attestent le soin apporté aux constructions en rapport avec l’animal sacré et les munificences entourant son enterrement, mais également

l’implication de certains membres de la famille royale lors des funérailles. Les archives des prêtres semblent avoir conservé le souvenir de cette attitude positive jusqu’à la fin de l’époque ptolémaïque.

Les Apis de la XXVIe dynastie

Voici la liste des Apis de la XXVIe dynastie telle que l’on peut la reconstituer à partir des épitaphes officielles relatant la mort de l’animal (26.1 ; 26.4 ; 26.5 ; 26.7) ou de déductions fondées sur la documentation à notre disposition (26.2 ; 26.3 ; 26.6) :

26.1 an 20-21 de Psammétique Ier (645-644 av. J.-C.)

PM III2, 791-794 Apis XXXVIID. Devauchelle dans Acta Demotica,1994, p. 99-100

La XXVIe dynastie au Sérapéum de Memphis*Didier Devauchelle

CNRS UMR 8164 HalMa-Ipel, lille

* Je remercie les autorités successives du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre qui m’ont confié l’étude des stèles du Sérapéum de Memphis et permis d’en publier les photographies, ainsi que Ghislaine Widmer pour sa bienveillante relecture critique.

1. Aucun document provenant du Sérapéum de Memphis n’est connu avant le règne d’Amenhotep III ; il en va de même pour la période romaine pour laquelle nous n’avons aucun témoignage à l’exception de quelques papyrus grecs qui confirment la survie du culte du taureau Apis à cette période. Le document le plus récent concernant l’enterrement des mères d’Apis date de 41 av. J.-C., cf. H.S. Smith, « The Death and Life of the Mother of Apis », dans A.B. Lloyd (éd.), Studies in Pharaonic Religion and Society in Honour of J. Gwyn Griffiths, 1992, p. 216 et 224 ; les textes grecs d’époque romaine accompagnent le nom d’Apis de celui de sa mère, ce qui pourrait indiquer que le culte de celle-ci a perduré aussi longtemps que celui du taureau. De plus, les travaux menés par A. Mariette de 1850 à 1854 sont très mal documentés, son Journal des fouilles ayant « mystérieusement » disparu ; sur l’existence même de ce Journal, voir, par exemple, J.-Ph. Lauer, « Mariette à Sakkarah : du Sérapéum à la direction des antiquités », dans Mélanges Mariette (BdE 32), Le Caire, 1961, p. 17-18, et M. Malinine, G. Posener et J. Vercoutter, Catalogue des stèles du Sérapéum de Memphis, Paris, 1968, p. VIII n. 7. Des contradictions existent entre le Journal et l’ouvrage posthume d’A. Mariette, édité un an après sa mort par G. Maspero, Le Sérapéum de Memphis, Paris, 1882 : voir J. Monnet, « Les briques magiques du musée du Louvre », RdE 8 (1951), p. 154. Il conviendra donc d’être prudent en reconstituant la chronologie de l’enterrement des Apis dès lors que l’on ne se fonde que sur la documentation archivistique.

Didier Devauchelle La XXVIe dynastie au Sérapéum de Memphis

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26.2 ? an 36(?) de Psammétique Ier (? 624-623 av. J.-C.)

voir supra

26.3 an 52(?) de Psammétique Ier (? 613 av. J.-C.)

PM III2, 797 Apis XXXVIIID. Devauchelle dans Acta Demotica,1994, p. 100

26.4 an 16 de Néchao II (595 av. J.-C.)PM III2, 797 Apis XXXIXD. Devauchelle dans Acta Demotica,1994, p. 100

26.5 an 12 d’Apriès (578 av. J.-C.)PM III2, 797 Apis XLD. Devauchelle dans Acta Demotica,1994, p. 101

26.6 ? an 4-5 d’Amasis (vers 567-566 av. J.-C.) rien dans PM III2, 797D. Devauchelle dans Acta Demotica,1994, p. 101

26.7 an 23 d’Amasis (548 av. J.-C.)PM III2, 797-798 Apis XLID. Devauchelle dans Acta Demotica,1994, p. 101-102

Il convient de s’arrêter sur trois taureaux dont l’existence n’est pas totalement assurée. Si l’on admet que chacune des cinq premières chambres des Grands souterrains (voir fig. 1) a été occupée par le cercueil en bois d’un taureau, sachant que l’animal mort en l’an 20 de Psammétique Ier (26.1) a été enterré dans les Petits souterrains et que celui de l’an 23 d’Amasis (26.7) a bénéficié, pour la première fois, d’un sarcophage de pierre (rectangle noir sur le plan)2, les deux Apis 26.2 et 26.6 peuvent trouver leur place d’inhumation dans cette galerie.

La stèle datée de l’an 52 de Psammétique Ier (Louvre E 3335) commémore la rénovation de souterrains, voire le creusement de nouveaux3. Son texte est toutefois assez laconique et insiste surtout sur le soin apporté à l’enterrement de l’animal

Fig. 1 • Plan de la partie la plus ancienne des Grands souterrains, d’après J. Vercoutter, Textes biographiques du Sérapéum de Memphis, Paris, 1962, p. 23 fig. 3.

2. Voir infra p. xx.3. E. Chassinat, RT 22 (1900), p. 166 n° LXXXIX, PM III2, 797, et, pour la dernière édition du texte, O. Perdu, Recueil des inscriptions royales

saïtes, vol. I : Psammétique Ier, Paris, 2002, p. 39-41 n° 5 et pl. V : (1) L’Horus Grand-de-coeur, le roi de Haute et Basse Égypte, Celui-des-deux-déesses Possesseur-d’un-bras-(fort), Horus-d’Or Valeureux, Ouahibrê, fils de Rê de son ventre, son aimé, (2) Psammétique, vivant éternellement, aimé d’Apis, héraut de Ptah. En l’an 52 de la Majesté de ce dieu parfait, (3) on est venu pour dire à Sa Majesté : « Le temple de ton père Osiris-Apis et ce qui est en lui (4) tombent en ruines et le corps du dieu est devenu visible dans sa chapelle, car importante est la vétusté de (5) son cercueil ». Sa Majesté ordonna de rénover son temple (de telle sorte) qu’il fut plus beau (6) que ce qu’il avait été auparavant et Sa Majesté fit qu’on fasse pour lui (Apis) tout ce qu’on doit faire pour un dieu (7) le jour de l’enterrement : chaque fonction fut à la charge des Saouersen(?), le corps du dieu (fut oint) d’ (8) huile-merehet, les bandelettes faites de lin royal, vêtement de tout dieu, (9) son cercueil en pin d’Alep, en cèdre-mer et en cèdre-âch, le meilleur de (10) chacun des bois, ses serviteurs(?) étant des sujets du palais, le compagnon du roi étant présent avec eux. (11) Leurs contributions furent versées à la Résidence comme (12) (celles de toute) l’Égypte. Qu’il soit doué de toute vie, toute stabilité, toute prospérité comme Rê pour toujours et à jamais !

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La XXVIe dynastie : continuités et ruptures

sacré : nous pouvons donc supposer que la mort d’un taureau s’est produite à la même date que les travaux évoqués par cette stèle, qui n’est cependant pas une épitaphe officielle. Compte tenu du fait qu’un nouvel Apis doit être né après la mort de son prédécesseur — la période de « vacance » peut s’étendre selon les cas de quelques jours à plusieurs années — et que la stèle dédiée à l’Apis mort en l’an 16 de Néchao II nous apprend que l’animal était né en l’an 53 de Psammétique Ier, on peut raisonnablement proposer, à la suite d’A. Mariette4, qu’un Apis était mort avant cette date, peut-être vers l’an 52 (26.3). Cependant, si l’on accepte cette hypothèse, il reste encore un écart important de plus de trente ans entre la mort du premier Apis de la XXVIe dynastie (26.1), 645-644, et celle supposée du second (26.3), vers 613. Comme le temps de vie d’un taureau est, en moyenne, de dix-huit ans5, J. Málek6 a proposé d’ « insérer » un nouveau taureau qui serait mort vers l’an 36 de Psammétique Ier (26.2). Aucun document ne vient confirmer, pour l’instant, cette hypothèse, aussi conviendra-t-il de se montrer prudent concernant la réalité de cet Apis. Si elle était avérée, il faudrait alors reconsidérer la portée de la stèle de l’an 52 de Psammétique Ier et renoncer à y voir un témoignage indirect de l’inauguration des Grands souterrains comme cela était généralement admis jusqu’ici.

L’existence d’un Apis mort en l’an 4 ou 5 d’Amasis (26.5) a été proposée par J. Vercoutter7 avec des arguments convaincants, mais aucune stèle de particulier ne porte la mention d’un taureau enterré à cette date. Il est vrai, cependant, que nous ne possédons aucune stèle de particulier exécutée pour l’Apis mort en l’an 16 de Néchao II (26.3)8 et peut-être une seule, pour celui de l’an 12 d’Apriès (26.4), alors qu’il existe des épitaphes officielles de ces taureaux9. Un document postérieur va peut-être à l’encontre de l’hypothèse de J. Vercoutter, le Rituel de l’embaumement d’Apis10, mais il ne me semble pas suffisamment probant pour la repousser définitivement.

L’embellissement des inhumations d’Apis

L’épitaphe officielle du taureau mort à la fin de l’an 20 et enterré en l’an 21 de Psammétique Ier11 est la première du genre. Une telle affirmation doit cependant être nuancée : en effet, la fouille des Petits souterrains fut menée rapidement par A. Mariette et, même, laissée inachevée12. Toutefois, les documents relatifs aux différents enterrements d’Apis depuis le Nouvel Empire sont suffisamment abondants pour que l’absence totale de ce type d’inscription paraisse significative. En effet, jusqu’ici, toutes les stèles ramessides et celles du début de la Troisième Période intermédiaire qui fournissent des informations sur

4. A. Mariette, Le Sérapéum de Memphis, 1882, p. 190 et 198-202. 5. Voir J. Vercoutter, « Une épitaphe royale inédite du Sérapéum », MDAIK 16 (1958), p. 340. 6. J. Málek, « A Handsome Gift for the Apis », in J. J. Ayán and J. Ma. Córdoba (éd.), Sha tudu idu. Estudios sobre las culturas antiguas de Oriente

y Egipto. Homenaje al Prof. Angel R. Garrido Herrero (Isimu 2, 1999), 2001, p. 403. 7. J. Vercoutter, Textes biographiques du Sérapéum de Memphis (Bibliothèque de l’École des Hautes Études IVe section n°316), Paris, 1962, p. 20-26. 8. Ajouter, cependant, la trouvaille d’un vase en forme de balsamaire (Louvre N 462) au nom de Néchao, voir O. Perdu, « Vase », dans Des dieux,

des tombeaux, un savant. En Égypte sur les pas de Mariette pacha (Catalogue d’exposition de Boulogne-sur-mer qui s’est tenue du 10 mai au 30 août 2004), Paris, 2004, p. 120.

9. La raison de cette absence documentaire réside vraisemblablement dans la nécessité qu’ont eu les Égyptiens, à partir de l’an 23 d’Amasis, de faire place nette dans les couloirs des Grands souterrains afin de permettre l’acheminement des grandes cuves de sarcophages en granit, au lieu des cercueils en bois, jusqu’à leur emplacement dans le caveau prévu à cet effet, voir D. Devauchelle, « Les stèles du Sérapéum de Memphis conservées au musée du Louvre », dans Acta Demotica. Acts of Fifth International Conference for Demotists (Pisa 4th - 8th September 1993) = EVO (Egitto e Vicino Oriente) XVII, Pise, 1994, p. 102.

10. Ce Rituel (voir infra p. xx) évoque des travaux qui auraient été effectués dans la place de momification (ouâbet) d’Apis entre la mort d’un taureau en l’an 12 d’Apriès et celle d’un autre en l’an 24 (sic, au lieu de 23, voir infra) d’Amasis, passant ainsi sous silence l’existence de l’Apis de l’an 4 ou 5. Dans l’état actuel de la documentation, je préfère suivre l’hypothèse de J. Vercoutter et maintenir ce taureau dans la liste des Apis de la XXVIe dynastie.

11. Stèle Louvre Cat. n° 192, cf. PM III2,791 (bibliographie), O. Perdu, Recueil des inscriptions royales saïtes I, 2002, p. 36-38 n° 4 et pl. IV (dernière édition du texte) et idem, « Stèle-épitaphe », dans Des dieux, des tombeaux, un savant. En Égypte sur les pas de Mariette pacha (Catalogue d’exposition de Boulogne-sur-mer, 10 mai au 30 août 2004), Paris, 2004, p. 118-119 (traduction) ; voir également R.K. Ritner, The Libyan Anarchy. Inscriptions from Egypt’s Third Intermediate Period (Writings from the Ancient World n° 21), Atlanta, 2009, p. 587-588.

12. Les fouilles menées par M. Ibrahim Aly en 1985 et 1986 à l’entrée des Petits souterrains ont été suffisamment riches en découvertes et il convient de rester prudent sur cette question, même si aucune épitaphe officielle n’a été mise au jour lors de ces travaux. Par ailleurs, compte tenu du nombre de caveaux signalés dans le plan de Mariette pour cette période, dont quelques-uns se situeraient à un étage inférieur du principal, ce qui semble difficile à admettre, la reconstitution des enterrements dans cette partie de la nécropole, même pour les Apis morts durant la XXVe dynastie, demeure hypothétique avant qu’une nouvelle fouille n’en ait confirmé le plan : nuancer donc les conclusions de J. Vercoutter, « The Napatan Kings and Apis Worship (Serapeum Burials of the Napatan Period) », Kush VIII (1960), p. 62-76, et de L. Depuydt, « Apis Burials in the Twenty-fifth Dynasty », GM 138 (1994), p. 23-25.

Didier Devauchelle La XXVIe dynastie au Sérapéum de Memphis

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les dates de mort et d’enterrement d’Apis, voire quelques détails sur son inhumation, sont des documents privés13. Or, pour la XXVIe dynastie et le début de la XXVIIe, pas moins de six épitaphes officielles ont été retrouvées14, auxquelles il convient d’ajouter deux documents du même genre datés de l’époque ptolémaïque, période durant laquelle les stèles hiéroglyphiques parvenues jusqu’à nous sont, il est vrai, beaucoup moins nombreuses, contrairement aux stèles démotiques des équipes de carriers qui témoignent de l’avancement des travaux de creusement des souterrains15.

Il faudra donc attendre la reprise des fouilles des Petits souterrains pour pouvoir confirmer cette impression concernant l’apparition des épitaphes officielles à la XXVIe dynastie.

La stèle royale commémorant la mort de l’Apis en l’an 23 d’Amasis16, comme l’inscription sur le sarcophage qui se trouve encore en place dans les souterrains17, mentionne le fait que, pour la première fois, le sarcophage du taureau Apis fut construit en pierre, ce qui a vraisemblablement entraîné des aménagements dans les couloirs, notamment pour permettre au sarcophage de circuler : ces travaux dans les galeries ont dû consister principalement dans le déplacement des stèles de particuliers qui jonchaient le sol ou qui étaient posées contre les murs

et qui encombraient le passage. Ce même impératif a encore existé avec l’installation du sarcophage de l’Apis enterré en l’an 6 de Cambyse, c’est-à-dire au tout début du règne de Darius18, puisque celui-ci fut placé dans l’ancien passage reliant Petits et Grands souterrains, à l’extrémité orientale de ces derniers (voir fig. 1).

Ce nettoyage, qui a entraîné le déplacement de nombreuses stèles et, probablement, leur enfouissement19, explique vraisemblablement pourquoi l’on n’a retrouvé aucune stèle de particuliers datée des Apis morts en l’an 36(?) et 52-53 de Psammétique Ier, en l’an 16 de Néchao II ou en l’an 4-5 d’Amasis ; une seule remonterait à l’an 12 d’Apriès20. Si l’on compare avec le nombre de stèles commémorant la mort de l’Apis en l’an 20 de Psammétique Ier21, le contraste est saisissant. En revanche, les prêtres ont visiblement pris soin de laisser en place les épitaphes officielles qui, si l’on en croit le cas de l’enterrement de l’Apis mort en l’an 20 de Psammétique Ier, étaient scellées dans le mur de blocage à l’entrée du caveau de l’animal et ne devaient donc pas gêner les manœuvres lors du déplacement des sarcophages en pierre (fig. 2). Après cette période, plusieurs stèles de particuliers pourront être rattachées à l’enterrement d’un Apis, que ce soit en l’an 23 d’Amasis22 ou bien en l’an 4, 31 ou 34 de Darius Ier23.

13. Voir, par exemple, M. Malinine, G. Posener et J. Vercoutter, Catalogue…, 1968, nos 4, 5 et 6 (an 30 de Ramsès II) ; 22, 23 et 24 (an 2 de Pamy) ; 31 et 36 (an 37 de Chéchanq V) ; 125 (an 24 de Taharqa).

14. Le fragment de stèle Louvre IM 4198 n’est pas une épitaphe officielle, contrairement à ce qu’affirme J. Vercoutter, MDAIK 16 (1958), p. 333-345 et pl. XXXI-XXXII.

15. On rappellera ici que le lieu d’enterrement des Apis à l’époque romaine n’a pas encore été découvert ; cf. aussi supra note 1.16. Louvre IM 4131, cf. É. Chassinat, RT 22 (1900), p. 20 n° LXIII (copie du texte), J. Vercoutter, MDAIK 16 (1958), p. 334 et pl. XXXII

(photographie de la stèle), PM III2,797 (bibliographie ancienne) ; de nombreuses traductions de cette stèle existent, cf., par exemple, E. Winter, Der Apiskult im Alten Ägypten, Mayence, 1978, p. 21 (photographie) et 27-28 (traduction), Chr. Barbotin, La voix des hiéroglyphes, Paris, 2005, p. 122-123, et A. Charron et D. Farout, Égypte. Afrique & Orient 48 (2007-2008), p. 39-50 (photographie).

17. B. Gunn, « The Inscribed Sarcophagi in the Serapeum », ASAE 26 (1926), p. 82-84.18. L’épitaphe officielle (Louvre IM 4133) est datée de l’an 6, ce qui correspond au moment de l’enterrement du taureau, qui fut retardée de plus

d’un an, cf. D. Devauchelle, Transeuphratène 15 (1998), p. 15-17.19. Certaines des stèles retrouvées dans les Grands souterrains en 1985 par M. Ibrahim Aly étaient comme enfouies « sous le sol », cf. ibidem, p. 34,

et D. Devauchelle dans Acta Demotica, 1994, p. 102 et n. 37.20. Louvre IM 2772 : voir D. Devauchelle dans Acta Demotica, 1994, p. 101. Cette stèle sans décor contient sept lignes d’hiératique gravé

préservant les noms d’un personnage, Hepiouou, et de ses trois fils. La date gravée à la dernière ligne de la stèle est d’une lecture délicate, en raison de son médiocre état de conservation ; je propose, après G. Posener et M. Malinine : « an 12, premier(?) mois de la saison-chemou, jour 1( ?) ». Compte tenu du lieu de découverte indiqué par A. Mariette, on peut supposer que l’an 12 est bien celui d’Apriès.

21. A. Mariette, Le Sérapéum de Memphis, 1882, p. 196, en signale 171, dont 53 datées. Les fouilles égyptiennes des années 1985-1986 menées par M. Ibrahim Aly en ont encore mis au jour d’autres, cf. M. Ibrahim Aly, R. Nageb, D. Devauchelle et Fr.-R. Herbin, « Présentation des stèles nouvellement découvertes au Sérapéum », BSFE 106 (1986), p. 42.

22. Voir D. Devauchelle, dans Acta Demotica, 1994, p. 101-102 ; ajouter la stèle démotique Berlin Inv. Nr. 2140, cf. D. Devauchelle, RdE 51 (2000), p. 25-26 et pl. IVb.

23. D. Devauchelle, dans Acta Demotica, 1994, p. 103-104.

143

La XXVIe dynastie : continuités et ruptures

En résumé plusieurs améliorations architecturales significatives datent de cette période :

- l’inauguration des Grands souterrains sous Psammétique Ier, peut-être en l’an 52, mais également la restauration d’anciennes inhumations ;

- une nouvelle entrée pour accéder aux Grands souterrains, vraisemblablement en l’an 23 d’Amasis, pour permettre l’acheminement du premier sarcophage en pierre (entrée 2 du plan de la fig. 1)24, ainsi qu’une réfection, probablement, sous Darius Ier25 ;

- l’aménagement de la voie d’accès au Sérapéum26.

L’étable d’Apis et sa ouâbet

Hérodote II, 153, mentionne la construction d’une cour pour Apis :

Maître de l’Égypte entière, Psammétique fit faire pour Héphaistos, à Memphis, le portique orienté du côté du vent du sud et il fit bâtir pour Apis, en face du portique, la cour dans laquelle on le nourrit une fois qu’il s’est révélé ; elle est entourée d’une colonnade et toute ornée de figures ; les colonnes y sont remplacées par des colosses hauts de douze coudées. (trad. A. Barguet)

Fig. 2 • Mur de la chambre funéraire de l’Apis mort en l’an 20 de Psammétique Ier, d’après A. Mariette, Le Sérapéum de Memphis, 1882, p. 119 fig. 3

24. Aucun document écrit ne vient à l’appui de cette hypothèse, mais le plan de la partie occidentale des Grands souterrains (voir fig. 1) semble aller dans ce sens.

25. La stèle du Louvre IM 4039 (J. Vercoutter, Textes biographiques, 1962, p. 70-77 K et pl. X), qui date de l’an 34 de Darius Ier, pourrait évoquer le creusement d’une nouvelle entrée, mais son interprétation reste délicate en raison de son mauvais état de conservation et de la difficulté de traduction de certaines expressions : (l. 1-6) « [En ce jour,] le dieu a été tiré en paix vers le bel Occident. Or Sa Majesté ordonna de creuser son emplacement pour faire que le sarcophage y repose. Fut ouvert le chemin vers lui depuis la limite(?) du chemin qu’avaient fait les ancêtres. On (l’)a pourvu de tout l’équipement du dieu […]. [Le chemin] étant obstrué, (on) chercha(?) dans le sable de ce dieu en cette année, le troisième mois […] [… jusqu’à ce qu’] arrive(?) le jour de la montée au ciel de ce grand dieu vivant, pour faire(?) […]. »

26. H.S. Smith, « À l’ombre d’Auguste Mariette », dans Suppl. au BIFAO 81 (1981), p. 331-339, distingue quatre phases dans l’aménagement du Serapeum Way, dont la chronologie reste difficile à établir (les deux dernières phases sont ptolémaïques). On retiendra, cependant, que la date de la première remonte vraisemblablement à la XXVIe dynastie, ce dont témoignerait la trouvaille de plaques de fondation au nom d’Amasis ; à cette époque, le temple central de l’Anubieion existait déjà.

Didier Devauchelle La XXVIe dynastie au Sérapéum de Memphis

144

Ce témoignage, même s’il n’a pas été totalement confirmé par l’archéologie, doit être pris en considération27, car il rend compte, tout au moins, de travaux importants en faveur d’Apis dès les début de la XXVIe dynastie. De fait, des vestiges de l’activité des souverains saïtes autour du lieu d’embaumement du taureau sacré sont parvenus jusqu’à nous28. On trouve ainsi, sur un petit lit en albâtre (table d’embaumement), une inscription au nom de Néchao II29 et, sur un bloc dans la même zone, le protocole d’Amasis précisant qu’« il a fait son monument pour son père Apis vivant (et) il (l’)a fait en albâtre d’Hatnoub (ou pour le château de l’or) ; cela n’avait jamais été fait auparavant »30. Cependant, comme le note M. Jones31, aucun de ces monuments n’a été trouvé en place, ce qui limite la portée des informations fournies par ceux-ci. On notera enfin que, sur des blocs au nom de Chabaka attestant la construction d’un monument kouchite pour Osiris-Apis, le nom du souverain a été effacé et remplacé par celui de Psammétique II32.

Sur le recto du Rituel de l’embaumement d’Apis, texte provenant probablement de la région memphite et qui serait daté de la deuxième moitié de l’époque ptolémaïque33, une glose historique a été ajoutée (IV, 12-13) qui mentionne un changement pratique : en effet, les prêtres empruntent dès lors

un chemin différent lors des rites d’embaumement d’Apis34 :

Ils ouvriront la porte qui est proche du mur est de l’étable ; ils entreront par elle — c’est en (i.e. « à partir de ») l’an 24 (corriger en « 23 ») du Pharaon Amasis qu’ils ont agit ainsi (lit. « trouvé cela »), alors que la porte qui est construite dans le mur ouest de l’étable est ce par où ils entraient35 (en) l’an 12 du Pharaon Apriès — et ils feront entrer le dieu par la porte de l’étable, deux prêtres-ouâb étant derrière lui. Ils feront une inscription(?) (sur) le mur de l’étable qui est dans le corridor(?).

R.L. Vos a considéré que ce texte faisait allusion à un nouvel Apis, né en l’an 24 d’Amasis et qui n’aurait vécu que deux ou trois ans, puisque son successeur naquit en l’an 27 du même Pharaon, comme le rapporte l’épitaphe officielle du taureau mort en l’an 6 de Cambyse (Louvre IM 4133)36. Si l’on en croit le texte du papyrus, il semble bien qu’une amélioration dans la circulation a été opérée entre l’an 12 d’Apriès, date à laquelle un Apis est mort, et l’an 24 d’Amasis. La difficulté vient du fait que, si un Apis est bien mort en l’an 12 d’Apriès, c’est en l’an 23 d’Amasis et non en l’an 24 qu’un autre taureau est mort : cette incohérence pourrait s’expliquer par la similarité des chiffres 3 et 4 dans l’écriture démotique. Bien qu’un tel argument soit

27. Voir les remarques de J. Málek, JEA 72 (1986), p. 111-112.28. Voir, par exemple, J. Vercoutter, Textes biographiques, 1962, p. 55-58 et 121, mais, surtout, M. Jones, « The Temple of Apis at Memphis »,

JEA 76 (1990), p. 141-147. On trouve aussi mention de travaux plus anciens, par exemple sous Chéchanq Ier (945-924), le fondateur de la XXIIe dynastie bubastide (voir également M. Ibrahim Aly, « Une stèle inédite du Sérapéum mentionnant le nom de Sheshonq Ier », BSEG 20 (1996), p. 16 n. 15). Au début de l’époque perse encore, sous Darius Ier, des documents témoignent de l’activité autour de cette officine , cf. J. Vercoutter, Textes biographiques, 1962, p. 56-58, et M. Jones, JEA 76 (1990), p. 142.

29. M. Jones, JEA 76 (1990), p. 142 ; voir aussi M. el-Amir, JEA 34 (1948), p. 51 et pl. XV, 5, J. Dimick, dans R. Anthes, Mit-Rahineh - 1955, Philadelphie, 1959, p. 78 et pl. 45 b-e, et A. Charron et D. Farout, Égypte. Afrique & Orient 48 (2007-2008), p. 43 (photographie).

30. M. el-Amir, JEA 34 (1948), p. 52 et pl. XVI, 5, J. Dimick, dans R. Anthes, Mit-Rahineh - 1955, Philadelphie, 1959, p. 77 et pl. 42a, J. Vercoutter, Textes biographiques, 1962, p. 57 n. 1, et M. Jones, JEA 76 (1990), p. 142 ; voir aussi, en dernier lieu, l’analyse de P. Meyrat, « Topography-related Problems in the Apis Embalming Ritual », dans J.Fr. Quack (éd.), Ägyptische Rituale der griechisch-römischen Zeit (Orientalische Religionen in der Antike), Tübingen, 2011, sous presse (je remercie P. Meyrat de m’avoir permis d’utiliser son article avant parution). On se gardera d’accorder une valeur trop littérale à l’expression « cela n’avait jamais été fait auparavant », dont un équivalent se rencontre également sur l’épitaphe officielle de l’Apis mort en l’an 23 d’Amasis.

31. JEA 76 (1990), p. 142-143.32. M. Jones, JEA 76 (1990), p. 144, et M. Jones et A. Milward Jones, JARCE 22 (1985), p. 23-28. Ces blocs, dégagés en 1984 et 1986,

devaient faire partie des montants d’une porte dédiée à Osiris-Apis qui était en place quand Psammétique II les regrava à son nom, avant que le monument ne soit démantelé pour être enfoui dans les substructures d’une construction plus récente. M. Jones et A. Milward Jones, JARCE 22 (1985), p. 26 et 28, signalent d’autres blocs au nom de Chabaka, dont le nom n’a pas été effacé et qui furent mis au jour lors de fouilles anciennes ; ils signalent également la découverte d’un bloc au nom de Taharqa.

33. R.L. Vos, The Apis Embalming Ritual. P. Vindob. 3873 (OLA 50), Louvain, 1993, p. 1 et 7. 34. R.L. Vos, ibidem, p. 51 (traduction), 154-156 (notes de la traduction), 249 (transcription) et 280 (notes de la transcription), avec les

améliorations de J.Fr. Quack, Enchoria 21 (1994), p. 188-189. Dans ce passage, il n’est aucunement question de trouver un nouvel Apis en l’an 24 d’Amasis, encore moins de le couronner — le terme gm ne conviendrait pas ; comme Quack l’a précisé, le pronom suffixe s renvoie au changement de circulation.

35. J.Fr. Quack, comme R.L. Vos, comprend la construction ao r-bnr n-im=f comme « sortir de ». Je préfère traduire par « entrer », le r-bnr étant appelé par le mot porte, comme la phrase suivante semble le confirmer, pourtant traduite par R.L. Vos par le verbe « entrer » (ao p(A) nTr r-bnr (n) pA r).

36. D. Devauchelle dans Acta Demotica, 1994, p. 102-103.

145

La XXVIe dynastie : continuités et ruptures

toujours délicat à utiliser, il est, dans ce cas, bien tentant. Toutefois, une autre objection peut être faite : comme on l’a noté plus haut, J. Vercoutter37, en étudiant la succession des Apis de cette période, a suggéré l’existence d’un animal mort en l’an 4 ou 5 d’Amasis, qui s’insère parfaitement dans la série des taureaux sacrés memphites de la XXVIe dynastie. Le Rituel de l’embaumement d’Apis en ignorerait alors l’existence, comme son copiste(?) aurait déformé la date de l’an 23 en l’an 24.

Implication des membres de la famille royale sous Amasis

Les documents qui nous sont parvenus donnent l’impression qu’au cours de son long règne Amasis a pris un soin de plus en plus grand aux funérailles d’Apis : en effet, il organisa sans doute deux enterrements, le premier, dont on sait peu de choses, mais qui aurait eu lieu en l’an 4 ou 5 de son règne, alors que les difficultés de son installation au pouvoir étaient à peine estompées38, et le second, en l’an 23, qui introduit une nouvelle pratique : c’est en effet à cette occasion que fut réalisé, pour la première fois, un sarcophage en pierre. Ce pharaon est, nous l’avons vu, également impliqué dans des travaux autour de la ouâbet du taureau.

Les stèles privées datées de l’époque d’Amasis et provenant du Sérapéum complètent cette image, même s’il faut se montrer prudent puisqu’une seule stèle privée saïte plus antérieure à ce règne semble parvenue jusqu’à nous39. Sur quatre d’entre elles, le nom du souverain apparaît et, dans les deux premières, on y rencontre même un fils royal :

- stèle Louvre IM 4034 (fig. 3a-b)40: « le fils du roi (Khenemibrê)| vivant éternellement, Psammétique » — le futur Psammétique III — prend part aux funérailles du taureau. Il déclare (l. 3-7) :

« Je suis un serviteur véritable, favori du grand dieu. (J’ai) couvert(?) mon corps au moment de

la montée au ciel (d’Apis) (et) me suis abstenu de pain et d’eau jusqu’à l’achèvement de quatre jours. J’étais nu, vêtu (uniquement) sur le bas du corps, étant parmi les indigents, en deuil et gémissant. Aucune nourriture ne descendit dans mon ventre excepté du pain, de l’eau et des légumes jusqu’à l’achèvement des 70 jours, jusqu’à ce que le grand dieu sorte de la ouâbet et qu’il repose dans sa grande place dans la nécropole, dans le désert occidental de Houtkaptah (= Memphis), moi me tenant devant lui en me lamentant […]. »41

- stèle Louvre IM 4053 (fig. 4a-b) : elle concerne le fils royal Pasenenkhonsou, né d’Amasis et de Nakhtbasteterou42 représenté en adoration devant le taureau en marche. Après une invocation (l. 1-4) à Apis-vivant-Atoum-dont-les-cornes-sont-sur-la-tête, demandant que « le nom du fils royal demeure », d’autres souhaits très classiques suivent (l. 4-6 en partie en lacune) : « une vie parfaite(?), un enterrement excellent(?) dans la nécropole […] sans périr à jamais »43. La dernière colonne est occupée par le nom du rédacteur de la stèle, pratique qui n’est pas courante dans la documentation du Sérapéum44.

- stèle Louvre IM 4074 (fig. 5a-b)45 : elle ne conserve qu’un cintre, dans lequel est figuré le dieu parfait (1r 3nm-ib-Ra)/ en adoration devant Osiris-Apis et Osiris. Il est possible qu’aucun texte n’ait jamais accompagné cette représentation. Nous serions alors en présence d’une stèle royale, mais sa médiocre qualité ne plaide pas en faveur d’une telle hypothèse. Dans la partie inférieure manquante figurait donc peut-être le nom du dédicataire : en ne se faisant pas représenter, celui-ci aurait voulu placer le roi comme un intermédiaire entre le dieu et lui, à la manière de ce qui apparaît sur le cintre des stèles de donation. Une autre particularité de ce document réside dans son lieu de trouvaille, en dehors des caveaux46, ce qui pourrait expliquer ces singularités.

37. Voir supra note 7.38. À propos de la lutte qui opposa Apriès et Amasis et de sa chronologie, voir A. Leahy, JEA 74 (1988), p. 183-199. 39. Stèle Louvre IM 2772, voir supra note 21. 40. J. Vercoutter, Textes biographiques, 1962, p. 37-43 et pl. V, doc. E : le nom du roi Amasis est mentionné dans le corps du texte (l. 1), ainsi

que celui de son épouse (l. 2), 6i-nt-2tA ; pour la famille d’Amasis voir, H. De Meulenaere, JEA 54 (1968), p. 183-187 et pl. XXIX, et G. Vittmann, Orientalia 44 (1975), p. 380-382 et 385 et n. 50 et 51.

41. Pour la traduction de cette stèle, dont on trouve des parallèles sur d’autres textes biographiques du Sérapéum, cf. K. Jansen-Winkeln, BSEG 18 (1994), p. 33-39.

42. É. Chassinat, RT 22 (1900), p. 171 n° CIV ; pour les précisions généalogiques, voir les références notées supra note 40. 43. Pour la reconstitution de la section finale, cf. L. Limme, CdE XLVII/93 (1972), p. 89-90.44. Il faut corriger la lecture d’É. Chassinat pour cette ligne fort abîmée et comprendre vraisemblablement : « le père-du-dieu supérieur[-…]

Painmou, fils du titulaire des mêmes titres, Tefnakht » (it-nTr Hr(y)-[…] PA-in-mw sA mi(?)-nn 6(Ay)=f-nxt).45. É. Chassinat, RT 22, 175-6 n° CXVII.46. Trouvée en « avant des débris du grand pylône » — donc à l’extérieur —, cette stèle ne sert pas à commémorer la mort du taureau, mais serait

plutôt un témoignage de dévotion déposé dans le temple funéraire d’Apis à un moment de sa vie et non, nécessairement, lors des funérailles.

Didier Devauchelle La XXVIe dynastie au Sérapéum de Memphis

146

- stèle Louvre IM 4113 (fig. 6a-b)47 : le dédicant, qui a participé aux funérailles d’Apis, déclare qu’Amasis lui a accordé le droit d’inscrire son nom dans le « pavillon divin », sans doute une construction en superstructure du Sérapéum :

[… pour] accomplir tous les rites (que l’on) fait dans la ouâbet [… ? … lorsque la Majesté de] ce [dieu monta] au ciel. Or c’est moi qui appelle le nom des pères divins et des serviteurs du dieu du temple de Ptah pour qu’(on) accomplisse pour lui tous les rites de cette ouâbet. Je n’ai récusé aucun homme par un discours habile […]. [Cela fut fait? parce que] le roi de Haute et Basse Égypte (Khnoumibrê)| (= Amasis) [aimait ?] Apis vivant plus que tout dieu. Et après que le travail (fut achevé) vint le jour de la mort (lit. « cessation »)48, les chairs du dieu ayant rejoint la terre ; (je) lui donnai ses amulettes et ses ornements en or et toute sorte de pierres précieuses. Alors Sa Majesté (= le roi), elle ordonna de faire que mon nom demeure dans le pavillon divin de ce dieu tellement la Majesté de mon maître m’aimait.

Puis( ?) Sa Majesté m’ordonna d’aplanir(?) […] d’Apis(?) lorsqu’elle (/ il) vint du (/ au) Sérapéum pour prendre possession de son trône à Memphis49.

Conclusion

Si les Pharaons kouchites ont fait preuve de piété et ont montré de l’intérêt pour la ville de Memphis, ville dans laquelle certains d’entre eux résidèrent avec leur famille, il n’existe que peu de traces d’une activité novatrice concernant le culte du taureau Apis50. Certes, cinq stèles de particuliers attestent de la mort d’un Apis en l’an 24 de Taharqa51, mais

nous n’avons rien d’assuré pour les souverains précédents, en dehors d’une inscription datée de l’an 2 de Chabaka52 à l’endroit où était enterré l’Apis mort à la fin de l’an 5 de Bocchoris et enterré en « l’an 6, premier mois d’akhet, jour 5 »53. Quelques autres stèles provenant des Petits souterrains, qui mentionnent des années de règne 4 et 14 (sans spécifier le Pharaon, mais que le style a fait classer parmi les documents des VIIIe-VIIe siècles), n’ont pu être reliées à l’enterrement d’un Apis précis54. La liste des enterrements des Apis à la Troisième Période intermédiaire, comme la reconstitution du plan des Petits Souterrains, ne peut être raisonnablement faite, tant que de nouvelles prospections n’auront pas été entreprises dans ce secteur de la nécropole55 ; aussi doit-on également rester prudent dans l’étude du passage de la XXVe à la XXVIe dynastie au Sérapéum de Memphis.

Les souverains de la XXVIe dynastie semblent bien avoir pris un soin particulier au culte du taureau Apis et l’on pourra ajouter aux témoignages précédemment évoqués deux stèles de donation qui attestent de l’activité économique du temple de l’animal sacré. La première, datée de l’an 3 de Psammétique II (Caire JE 36863), porte sur la donation, au taureau Apis, d’un verger situé dans la région memphite ; or, une autre stèle du même type (Berlin 15393), datée de l’an 17 d’Apriès, contient le texte de l’offrande de ce même verger, mais, cette fois, à Thot d’Hermopolis, sans que l’on puisse expliquer la raison de ce « détournement »56. Sur une deuxième stèle (Caire JE 72038), datée de l’an 13 d’Apriès57, est gravé le texte de ce qui semble être la donation d’un champ au taureau Apis.

47. J. Vercoutter, Textes biographiques, 1962, p. 16-26, Texte B.48. Traduction proposée par K. Jansen-Winkeln, BSEG 18 (1994), p. 38.49. Plusieurs passages de cette stèle sont délicats à interpréter et le texte de la dernière colonne tout particulièrement. 50. Voir, cependant, supra note 32. 51. M. Malinine, G. Posener et J. Vercoutter, Catalogue…, 1968, nos 125 à 128 et n° 158, cf. PM III2, 791.52. A. Mariette, Sérapéum de Memphis, 1882, p. 184-185, parle de petite stèle ; cette inscription est aujourd’hui perdue.53. Cet enterrement est attesté par plusieurs documents, cf. PM III2, 789-790 : une inscription peinte (A. Mariette, Le Sérapéum de Memphis

découvert et décrit, etc., Paris, 1857, pl. 34, haut) et plusieurs stèles (M. Malinine, G. Posener et J. Vercoutter, Catalogue…, 1968, nos 91-97, 101-102 et 121(?)) ; ceux au nom de Bocchoris prouvent l’ancienneté de l’intérêt que portaient les Saïtes au culte du taureau Apis.

54. M. Malinine, G. Posener et J. Vercoutter, Catalogue…, 1968, nos 129-131, pour l’an 4, et n° 123, pour l’an 14 ; la n° 178 porte le chiffre 10 suivi d’une lacune.

55. Comme déjà mentionné (voir supra note 11), les dégagements effectués à l’entrée des Petits souterrains sous la responsabilité de M. Ibrahim Aly en 1985-1986, bien que limités, ont apporté tant de nouveaux monuments, que l’on se rend mieux compte de l’état d’inachèvement de la fouille d’A. Mariette, ce dont lui-même avait tout à fait conscience (voir D. Devauchelle, « Le Sérapéum à la Basse Époque », dans Des dieux, des tombeaux, un savant. En Égypte sur les pas de Mariette pacha (Catalogue d’exposition de Boulogne-sur-mer, 10 mai au 30 août 2004), Paris, 2004, p. 106).

56. Voir, en dernier lieu, M. Römer, « Zwei Schenkungsstelen der 26. Dynastie », SÄK 37 (2008), p. 317-326.57. Ét. Drioton, ASAE 39 (1939), p. 121-125 ; voir D. Meeks dans Ed. Lipinski (éd.), State and Temple Economy in the Ancient Near East II

(OLA 6), Louvain, 1979, p. 678 (26.4.13). Pour mémoire, on rappellera qu’une autre stèle, érigée à Mit Rahineh et datée de la même année de ce Pharaon, contient un décret royal dans lequel Pharaon fait une donation de terrains, de serfs et de biens en faveur du culte de Ptah et il accompagne celle-ci d’exemptions et de protections pour assurer la durabilité de cette fondation ; Apriès insiste sur le fait qu’il veut se placer dans la continuité de ses ancêtres, cf. P. Der Manuelian, Living in the Past. Studies in Archaism of the Egyptian Twenty-sixth Dynasty, Londres, 1994, p. 373-380 (ch. 17) et pl. 9 et 19.

147

La XXVIe dynastie : continuités et ruptures

L’activité des Pharaons saïtes à Saqqara ne se limite pas au sanctuaire du taureau Apis. Ainsi, on rappellera la mention de l’an 37 d’Amasis sur une stèle provenant des catacombes des mères d’Apis — il s’agit de la date la plus ancienne attestée dans cette documentation58. Cette stèle n’est pas une dédicace de carriers courant, car elle rapporte divers événements concernant plusieurs vaches. L’an 37 d’Amasis correspondrait, peut-être, à l’année de naissance de l’une d’entre elles (Isetrechti), qui serait morte au début du règne de Darius ; elle pourrait être la mère de l’Apis de l’an 4 de Darius Ier, mais il faut rester prudent tant l’interprétation de ce document est délicate59. On peut néanmoins supposer que c’est autour de cette date qu’a été initié le culte de la mère d’Apis ou, au moins, que celui-ci s’est développé.

Dans le secteur des tombes des animaux sacrés de la nécropole de Saqqara, plusieurs objets portant le nom des pharaons saïtes Psammétique Ier, Néchao II et Amasis ont été retrouvés60. Cependant, l’activité constructrice dans cette partie de la nécropole ne reprend réellement son essor qu’avec les XXIXe et XXXe dynasties. Enfin, pour mémoire, retenons que sur une plaque de bronze trouvée à Mit Rahineh et datée du règne de Psammétique II, au premier registre et en partie en lacune, apparaît peut-être la figure et le nom d’ « Apis vivant » aux côtés d’Amon-Rê Kamoutef dans sa chasse et d’une forme amonienne ithyphallique61 ; ce document est très vraisemblablement d’origine thébaine62.

Le développement du culte funéraire d’Apis semble donc vraiment une particularité de la dynastie saïte qui a non seulement entrepris des travaux à une échelle plus importante que précédemment, mais aussi fait preuve d’innovation. Les pharaons saïtes ont peut-être profité de l’intérêt porté par la population à cette forme divine pour asseoir leur légitimité à Memphis, ce que prouverait l’abondance de stèles déposées à la mort de l’Apis en l’an 20 de Psammétique Ier. L’implication personnelle de la famille royale, dont témoignent les documents datés d’Amasis, est, peut-être aussi, née sous les premiers souverains de la dynastie, mais aucun élément épigraphique ne permet de l’affirmer encore. À partir de la XXVIe dynastie jusqu’avant l’époque ptolémaïque les cultes des animaux se sont multipliés et ont connu une popularité toujours plus grande63. Que les Pharaons des XXVIe et XXXe dynasties aient eu un intérêt « politique » à doter la nécropole des animaux est vraisemblable et cela peut être en lien avec le culte royal64, mais les découvertes archéologiques soulignent avant tout le rôle important joué par ce lieu dans la vie quotidienne des habitants de Memphis65. L’aspect politique de la démarche de ces souverains doit donc être nuancé : ainsi, les épitaphes officielles soulignent la volonté des rois saïtes de se faire représenter comme les desservants du culte funéraire du taureau66, mais le nom du taureau lui-même n’apparaît pas encore comme une référence indispensable à la royauté : en effet, il faudra attendre l’époque ptolémaïque pour voir le nom d’Apis intégré aux formules des protocoles royaux.

58. Voir, par exemple, H.S. Smith, BSFE 70-71 (1974), p. 16-17, H.S. Smith dans A.B. Lloyd (éd.), Studies … in Honour of J. Gwyn Griffiths, 1992, p. 205-206 et 221 (inscription 72/1 + N), et, tout récemment, H.S. Smith, C. Andrews et S. Davies, Sacred Animal Necropolis : The Mother of Apis Inscriptions I & II (EES Texts from Excavations Memoir 14), Londres, 2011, p. 15-25 n° 1 et pl. I-III. La première stèle datée d’une mère d’Apis remonte au règne d’Hakoris (an 2).

59. Il pourrait tout aussi bien s’agir de la date de décès de cette vache.60. Chr. Insley Green, The Temple Furniture… (Exc. Mem. 53), 1987, p. 69 n° 165 : cast bronze situla, avec dédicace de l’an 40(?) de

Psammétique Ier ; H.S. Smith, A Visit to Ancient Egypt. Life at Memphis & Saqqara (c.500-30 BC), Warminster, 1974, p. 53 : « Nearby in sand was found a fragment of a gilded wooden door to a miniature temple shrine, bearing the cartouche of the Saite Pharaoh Necho » ; Chr. Insley Green, The Temple Furniture, 1987, p. 24 n° 44 « cast bronze plaque » avec le nom d’Horus de « Sia-ib » (= Néchao) ; H.S. Smith, A Visit to Ancient Egypt, 1974, p. 52 : « the door of a miniature shrine bears the nomen of Amasis II », voir Chr. Insley Green, The Temple Furniture, 1987, p. 10 n° 8 ; Chr. Insley Green, The Temple Furniture, 1987, p. 12, n° 10 : « wooden panel fragment » avec nom de « fils de Rê (Amasis fils de Neith)| » ; Chr. Insley Green, The Temple Furniture, 1987, p. 38-39, n° 82 : bras à encens en bronze avec les noms d’Amasis-sa-Neith et Khenem-ib-Rê.

61. G. Daressy, ASAE 3 (1902), p. 143-144 n°14 et pl. II,1, et M. Doresse, RdE 25(1973), p. 101-103 n° 15 et fig. 1.62. L. Coulon, Égypte. Afrique & Orient 56 (2009-2010), p. 53-64, plus particulièrement p. 61 pour ce document.63. Pour cette section, cf. S. Davies et H.S. Smith, « Sacred Animal Temples at Saqqara », dans St. Quirke (éd.), The Temple in Ancient Egypt. New

Discoveries and Recent Research, Londres, 1997, p. 122-124.64. D. Kessler nie le rôle joué par la dévotion populaire dans le développement du culte d’Apis, mais cette vision a été remise en cause, entre autres,

par E. Hornung, OLZ 88 (1993) col. 23, et B. Van Rinsveld, CdE LXXI/141 (1996), p. 79-81, dans leurs comptes rendus de l’ouvrage de D. Kessler, Die heiligen Tiere, 1989, comme par S. Davies et H.S. Smith, loc. cit., p. 122.

65. Telle est la conclusion de S. Davies et H.S. Smith, loc. cit., p. 124.66. Amasis sera le premier à inaugurer la position d’humilité devant le dieu dans le cintre de l’épitaphe officielle datée de l’an 23 de son règne — les

deux stèles perses présentent la même iconographie, comme la stèle ptolémaïque de l’an 6 des règnes conjoints de Ptolémées VI Philométor et VIII Évergète II ; ses prédécesseurs s’étaient faits représenter une fois en desservant du culte funéraire (offrande de l’eau et de l’encens pour la stèle de l’an 20 de Psammétique Ier), les deux autres fois simplement par leurs cartouches (an 12 d’Apriès et an 16 de Néchao II).

Didier Devauchelle La XXVIe dynastie au Sérapéum de Memphis

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S’il y a un net changement avec la dynastie précédente, celui-ci semble moins marqué avec le début de la Première Domination perse, et cela en dépit du malheureux épisode de l’Apis du règne de Cambyse67. La fin de XXVIIe dynastie ne nous a livré aucun document contemporain manifestant même la perpétuation du culte du taureau. Il faut donc attendre les XXIXe et XXXe dynastie pour voir

reprendre une forte activité au Sérapéum, cette fois conjointement avec la multiplication des cultes des animaux à Saqqara. L’époque ptolémaïque continuera de drainer les foules vers les nécropoles des animaux et le Rituel de l’embaumement d’Apis conservera le souvenir que le règne d’Amasis a marqué une étape importante dans le développement du culte du taureau sacré de Memphis.

67. Voir supra note 18.

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La XXVIe dynastie : continuités et ruptures

Fig. 3a • Stèle Louvre IM 4034 - Photographie archives J. Vercoutter © D. Devauchelle

Fig. 3b • Stèle Louvre IM 4034 - Photographie D. Devauchelle© Musée du Louvre, Département des Antiquités égyptiennes

Didier Devauchelle La XXVIe dynastie au Sérapéum de Memphis

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Fig. 4a • Stèle Louvre IM 4053 - Photographie archives J. Vercoutter © D. Devauchelle

Fig. 4b • Stèle Louvre IM 4053 - Photographie D. Devauchelle© Musée du Louvre, Département des Antiquités égyptiennes

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La XXVIe dynastie : continuités et ruptures

Fig. 5a • Stèle Louvre IM 4074 - Photographie archives J. Vercoutter © D. Devauchelle

Fig. 5b • Stèle Louvre IM 4074 - Photographie D. Devauchelle© Musée du Louvre, Département des Antiquités égyptiennes

Didier Devauchelle La XXVIe dynastie au Sérapéum de Memphis

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Fig. 6a • Stèle Louvre IM 4113 - Photographie archives J. Vercoutter © D. Devauchelle

Fig. 6b • Stèle Louvre IM 4113 - Photographie D. Devauchelle© Musée du Louvre, Département des Antiquités égyptiennes

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Table des matières

Note de l'éditeur ............................................................................................................................................ VII

Jean Yoyotte ................................................................................................................................................. 1Les fondements géopolitiques du pouvoir saïteAnnexe - Manéthon et ses dynasties : quelques réflexions

Michèle Broze ............................................................................................................................................... 33De Nephôtès au roi Psammétique (PGM IV 155-285) : la lettre d’un helléniste égyptien à un roi hellénophile

Michel Chauveau .......................................................................................................................................... 39Le saut dans le temps d’un document historique : des Ptolémées aux Saïtes

Frédéric Colin ............................................................................................................................................... 47Le « Domaine d’Amon » à Bahariya de la XVIIIe à la XXVIe dynastie : l’apport des fouilles de Qasr ‘Allam

Laurent Coulon ............................................................................................................................................ 85Les uræi gardiens du fétiche abydénien. Un motif osirien et sa diffusion à l’époque saïte

Catherine Defernez ...................................................................................................................................... 109Les témoignages d’une continuité de la culture matérielle saïte à l’époque perse : l’apport de l’industrie céramique

Herman De Meulenaere ............................................................................................................................. 127Les desservants du culte des rois saïtes

Philippe Derchain ..................................................................................................................................... 133Un érudit thébain du VIIe - VIe siècle. Contribution à l'histoire du Dieu caché ?

Didier Devauchelle ..................................................................................................................................... 139La XXVIe dynastie au Sérapéum de Memphis

Khaled El-Enany ........................................................................................................................................... 153Clergé saïte et protocole royal

Erhart Graefe ............................................................................................................................................... 159Le « Tempelbauprogramm » du roi Amasis

Ivan Guermeur ............................................................................................................................................. 165Saïs et les Thèbes du nord

Karl Jansen-Winkeln ................................................................................................................................... 175Der Charakter als Erbschaft: Die Inschriften der Kniefigur des Gemnefhorbak

Françoise Labrique ....................................................................................................................................... 185La salle aux Bès géants à Ayn el-Mouftella : une lecture de pieds

Anthony Leahy .............................................................................................................................................. 197Somtutefnakht of Heracleopolis.The art and politics of self-commemoration in the seventh century BC

Table des matières

280

Olivier Perdu ................................................................................................................................................ 225Les « blocs de Piânkhi » après un siècle de discussions

Sergio Pernigotti ......................................................................................................................................... 241Qualche riflessione sul Fayyum della XXVI dinastia

Christophe Thiers ......................................................................................................................................... 247L’an 44 d’Amasis sur la grande stèle ptolémaïque d’Héracléion

Christiane Zivie-Coche ................................................................................................................................ 253Tanis à l’époque saïte. Une période de renouveau

Index ............................................................................................................................................................. 265

1

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La XXVIe dynastie : continuités et ruptures, colloque organisé à l’Université Charles-de-Gaulle – Lille 3, les 26 et 27 novembre 2004, avait pour but de réunir quelques collègues et amis autour d’un sujet qui tenait à cœur à Jean Yoyotte : le développement du pouvoir saïte au Ier millénaire avant notre ère. Aussi, lors de la séance de clôture, fut-il décidé de dédier à ce savant les Actes de cette rencontre. La publication a pris plus de temps que prévu, car nous voulions y intégrer le travail de synthèse que Jean Yoyotte préparait sur la question, mais qu’il n’a pu

certaines déjà rédigées, d’autres moins achevées, que nous avons mises en forme tout en essayant d’en garder l’esprit. Cet essai, intitulé « Les fondements géopolitiques du pouvoir saïte », paraît en tête du volume ; il est suivi de dix-huit articles portant sur l’Égypte du VIIe siècle avant notre ère ou sur le souvenir que cette période laissa aux époques postérieures.

Les Actes rassemblent des études consacrées à l’oasis de Bahariya, au Fayoum, aux Thèbes du Nord, à Tanis ou encore au Sérapéum de Memphis ; plusieurs épisodes ou personnages marquants de cette époque sont aussi évoqués, comme les relations de Psammétique Ier avec les Kouchites, le programme de construction d’Amasis, la place de Semataouytefnakht d’Hérakléopolis durant les premières années du règne de Psammétique Ier et la carrière du prêtre Gemenefhorbak. On notera également des contributions consacrées aux protocoles royaux saïtes, au fétiche abydénien et à sa diffusion à l’époque saïte, ainsi qu’une présentation de la salle aux Bès d’Ayn el-Mouftella. Trois articles qui illustrent la continuité avec les périodes suivantes concernent la persistance de la culture matérielle saïte durant la domination perse, l’érudition d’un prêtre égyptien de l’époque perse ou encore les desservants du culte

magique grec daté du IVe siècle, la mention de l’an 44 d’Amasis sur une stèle datée du règne de Ptolémée Évergète II et un ostracon démotique ptolémaïque contenant un recensement des ressources de l’Égypte effectué par Psammétique Ier témoignent de la marque laissée par les dynastes saïtes dans l’esprit des générations qui leur ont succédé.

Conception couverture Jean-Pierre Montesino

La XXVIe dynastie continuités et rupturesPromenade saïte avec Jean Yoyotte

Édités par

DIDIER DEVAUCHELLE

UMR 8164 Halma-Ipel (Lille 3, CNRS, MCC)

ISBN 978-2-915840-30-8

9 7 8 2 9 1 5 8 4 0 3 0 8