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1 Le français, un choix motivé professionnellement ? Enquête 1 . MILHAUD Marianne (Université Hankuk des Études Étrangères) 1. Introduction 2. Modalités de l’enquête et caractéristiques générales du public 2.1 Le français langue des femmes ? 2.2 Parcours scolaire 2.3 Séjours dans l’espace francophone 3. Motivations 3.1 Deuxième spécialité 3.2 Activité professionnelle envisagée 3.3 Attentes et avantages professionnels escomptés 4. Conclusion Résumé Qu’est-ce qui motive aujourd’hui dans le choix du français à l’université ? Pour le savoir, une enquête a été menée auprès de deux établissements du tertiaire, à Séoul et en province, dans 4 départements de français. Les résultats montrent que les étudiants ainsi que les étudiantes ont de réels objectifs professionnels qu’ils tentent de concrétiser par la poursuite d’une double licence ou d’une deuxième spécialité conforme à leur projet. Leur principale attente reste toutefois la maîtrise de la langue-culture. Sachant que les curriculums en vigueur ne proposent qu’une faible proportion de cours de langue et de français sur objectif spécifique, on peut dès lors s’interroger sur leur réelle adéquation avec les besoins exprimés. mots clés : motivation, objectif professionnel, attente, curriculum 1. Introduction Aborder la motivation peut paraître audacieux, c’est en effet un sujet qui fait débat et à propos duquel existe un paradoxe. En effet, c’est à la fois une notion partagée, qui relève de l’expérience, mais difficile 1 Le présent travail a bénéficié de l’appui financier de l'université Hankuk des Études Étrangères.

Le français, un choix motivé professionnellement ? Enquête

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Le français, un choix motivé professionnellement ? Enquête1.

MILHAUD Marianne (Université Hankuk des Études Étrangères)

1. Introduction

2. Modalités de l’enquête et caractéristiques générales du public

2.1 Le français langue des femmes ?

2.2 Parcours scolaire

2.3 Séjours dans l’espace francophone

3. Motivations

3.1 Deuxième spécialité

3.2 Activité professionnelle envisagée

3.3 Attentes et avantages professionnels escomptés

4. Conclusion

Résumé

Qu’est-ce qui motive aujourd’hui dans le choix du français à l’université ? Pour le savoir, une enquête a été menée auprès de deux établissements du tertiaire, à Séoul et en province, dans 4 départements de français. Les résultats montrent que les étudiants ainsi que les étudiantes ont de réels objectifs professionnels qu’ils tentent de concrétiser par la poursuite d’une double licence ou d’une deuxième spécialité conforme à leur projet. Leur principale attente reste toutefois la maîtrise de la langue-culture. Sachant que les curriculums en vigueur ne proposent qu’une faible proportion de cours de langue et de français sur objectif spécifique, on peut dès lors s’interroger sur leur réelle adéquation avec les besoins exprimés.

mots clés : motivation, objectif professionnel, attente, curriculum

                                                                                       

1. Introduction

Aborder la motivation peut paraître audacieux, c’est en effet un sujet qui fait débat et à propos duquel existe un paradoxe. En effet, c’est à la fois une notion partagée, qui relève de l’expérience, mais difficile

1 Le présent travail a bénéficié de l’appui financier de l'université Hankuk des Études Étrangères.

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à définir parce que l’on ne sait pas au juste ce que ce concept recouvre. D’où la multitude de modèles et de théories pour cette motivation que Landsheere (1979) définissait comme l’« ensemble des phénomènes dont dépend la stimulation à agir pour atteindre un objectif déterminé » (cité par Cuq et Gruca, 2003 : 138). Gardner et Lambert (1972, 1985) proposent une distinction entre la motivation instrumentale et la motivation intégrative, la première fondée sur la perspective d’un emploi ou d’une note, la seconde sur le désir de connaître une culture et de s’y intégrer (cité par Cyr et Germain, 1988 : 94). D’autres opposent une motivation intrinsèque qui « renvoie à la pratique volontaire d’une activité pour le plaisir et la satisfaction qu’on en retire » et une motivation extrinsèque qui « réfère à l’engagement dans une activité dans un but non inhérent à l’activité » (Vallerand et Grouzet, 2001 : 62). Pour Françoise Raby (2009 : 35), il ne saurait exister de motivation intrinsèque (souvent qualifiée de « bonne ») et extrinsèque (la « mauvaise »), ce qui dénote une confusion entre la « nature » et le « facteur » de la motivation, cette dernière ne pouvant être qu’interne car c’est un état psychologique. Cependant, on peut s’interroger sur ce qui pousse un individu à agir. Qu’est-ce qui motive les étudiants dans leurs choix ? Quelles sont leurs attentes, leurs besoins, leurs objectifs ? Dans cette étude, c’est aux facteurs de la motivation que nous nous intéresserons, ceux qui poussent les étudiants à choisir le français à l’université. Ces facteurs sont généralement externes mais certaines attentes sont d’ordre plus personnel (acquérir une culture générale, découvrir la culture française, voyager). Toutefois, il convient de ne pas perdre de vue que ces facteurs discrets que nous appréhendons à l’aide d’un questionnaire, n’offrent qu’un instantané. Pour autant, la motivation, ne saurait être un état stable, ces facteurs interagissant entre eux et évoluant, dynamique que reflètent d’ailleurs d’autres approches de type processus (Dörnyei, 2003) qui visent à préciser comment le contexte ou les dispositifs d’apprentissage affectent son évolution (Raby et Narcy-Combes, 2009 : §13, Hori, 2010 ).

2. Modalités de l’enquête et caractéristiques générales du public

Afin de mieux cerner notre public étudiant et ses motivations envers le français, nous avons réalisé fin 2012 une enquête auprès des étudiants de français de deux universités. Certaines réponses ont été comparées à celles obtenues au cours d’une enquête similaire menée en 2007. Le choix des établissements a été motivé essentiellement par notre facilité d’accès à leur public, le fait que nous avions déjà enquêté cinq ans auparavant auprès de ces étudiants. Nous avons en outre trouvé intéressant le contraste qu’ils offraient au vu de la situation du tertiaire coréen : université nationale de province pour CNU, privée de Séoul pour HUFS. L’avantage de la dernière étant de regrouper trois départements et donc un nombre important d’apprenants de français.

T1. Questionnaires traités / diffusés (% d’adresses invalides)

CNU, univ. nat. Chungnam HUFS, univ. Hankuk des études étrangères

1 dépt de langue et litt. fr. 2 dépts de fr. 1 dépt de pédagogie fr. autres2

Total

2012 59 réponses / 150 envois

(6,7 %)

247 / 716

(7,6 %)

47 / 76

(0 %)

11 364 / 942

(0,07 %) 2007 32 réponses 213 38 22 305

3

Le questionnaire bilingue, conçu grâce à l’application Google Drive, a été diffusé par les départements concernés auprès de l’ensemble des inscrits. Sur les 942 courriels envoyés, près de 7 % d’adresses se sont révélées invalides. Cette proportion varie en partie avec la taille des départements, les plus petits ayant les listes les plus à jour. Les réponses se sont échelonnées du 8 novembre au 23 décembre 2012.

Malgré une relance, le taux de retour avoisine 38 % en moyenne, proportion acceptable car dans une enquête ouverte (hors voie institutionnelle et sans récupération directe des questionnaires) le taux de retour est plutôt proche de 25 % (Aubert-Lotarski, 2007), ce qui nous permet de considérer notre échantillon comme représentatif de notre population. À noter que ce taux dépend fortement de la taille du département (62 % pour celui de pédagogie) et donc de la « proximité » des étudiants avec l’institution (ici, le département et les enseignants). Quant au questionnaire de mars 2007, sur support papier, distribué et complété pendant les cours obligatoires de français débutant à tous les participants, il a bénéficié d’un taux de retour de 100 %.

Pour éviter une surcharge de graphiques, ne sont représentés que ceux que nous avons considérés comme les plus pertinents, les résultats plus ponctuels n’apparaissant que dans le commentaire.

Si la moyenne d’âge ne varie pratiquement pas entre les deux universités (moyennes pondérées par année : 19,8 ; 20,6 ; 22,3 et 23,5), elle est par contre fort différente entre sexes et reflète inévitablement les obligations militaires des jeunes hommes. Pour autant, on constate que l’âge des jeunes femmes ne croît pas aussi régulièrement que l’on pourrait s’y attendre, avec un décrochage entre la troisième et la quatrième année qui atteste de la généralisation des séjours à l’étranger, ce que confirment les entretiens de fin d’études pendant lesquels nous avons pu vérifier que très rares étaient les étudiantes licenciées au bout de seulement huit semestres consécutifs.

Fig. 1 Âge des étudiants par sexe 3

La répartition des répondants par année d’étude correspond grosso modo à celle des inscrits (24 % en première année, 21 % en deuxième année, 24 % en troisième année et 32 % en quatrième année) ce qui corrobore la représentativité de notre échantillon. 2.1 Le français langue des femmes ?

Le public des départements de français est, comme on pouvait s’y attendre, majoritairement féminin (80 %), cette proportion est comparable à celle observée en 2007. Les différences de sex ratio observées entre les deux universités ne sont, elles, pas significatives (test du chi carré, P = 0,114).

Le français jouit grandement de sa réputation de belle langue, mais le fait n’est pas propre à la Corée et Calvet constatait le même phénomène dans d’autres pays, notamment au Brésil, où les femmes plus que les hommes considéraient le français comme « la plus belle » langue mais aussi comme « plus utile »

0%

10%

20%

30%

18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 et +

H F

4

(6 % des femmes contre 2 % des hommes), ainsi que « plus facile ». Aussi sont-elles plus nombreuses que les hommes à vouloir que leurs enfants l’apprennent.

Préoccupée par les motivations d'étude d'une langue étrangère à l'université, Levy (1993 : 465), sociologue israélienne, conclut que les étudiants en FLE s’intéresseraient moins à acquérir un avantage instrumental que symbolique, susceptible d’augmenter le capital de distinction et fonction de son image. La composition des programmes d’enseignement, avec la prépondérance de ses composantes littéraires, et la composition des effectifs serait une conséquence de la représentation que s’en font les apprenants. L’image du français particulièrement connoté de féminité constituerait un des éléments entrant dans le choix des apprenant(e)s.

À défaut de pouvoir attribuer un sexe aux langues, il existe une réalité sociologique qu’on ne saurait nier :

« La langue française n’est certainement pas féminine, mais elle peut être considérée comme une langue de femme, et elle semble aussi plus appréciée par les femmes que par les hommes. Or il faut prendre au sérieux les représentations, car elles constituent un bon point de départ pour mettre au point des politiques linguistiques portant sur l’image des langues » (Calvet, 2008 : 54).

2.2 Parcours scolaire

Les réponses donnent également une information sur le parcours scolaire des étudiants.

Fig. 2 Parcours scolaire comparé (2012 et 2007)

Entre 2007 et 2012, on observe une différenciation entre les parcours selon l’université (P = 0.033)5, HUFS drainant davantage d’élèves issus de lycées de langue étrangère et même, phénomène plus récent, de l’étranger, en partie grâce à ses recrutements spéciaux (수시). Au passage, notons l’apparition d’une nouvelle catégorie, celle des jeunes n’ayant pas suivi une fin d’études secondaires conventionnelle et s’étant identifiés par « pas de lycée ». Ils auront probablement tenté plusieurs fois le CSAT ou s’y seront présentés en candidats libres. Une très faible proportion d’étudiants de HUFS (0,7 %) est issue de lycées autonomes. Quant aux langues étudiées au secondaire, rien de vraiment surprenant à voir progresser le chinois et le japonais.

Fig. 3 Évolution des 2e langues étrangères étudiées au secondaire

0%  20%  40%  60%  80%  100%  

L. général L. langue étrangère

pas de lycée L. à l'étranger L. général L. langue étrangère

pas de lycée L. à l'étranger

CNU HUFS

2012 2007 1e année

5

Si la baisse du nombre d’étudiants ayant déjà appris le français est brutale à CNU, elle est beaucoup moins accusée à HUFS. Dans les deux universités environ 29 % de l’effectif actuel a étudié le français au secondaire ; à HUFS, un tiers de ces lycéens proviennent de lycées de langue étrangère alors que ces derniers ne représentent que 18 % de l’apport total. Généralement, ces étudiants ont déjà un niveau de compétence B1 voire même B2 mais peu de cours sont prévus pour eux lors des deux premières années.

2.3 Séjours dans l’espace francophone

Nous avons voulu savoir si les étudiants se sont rendus en France ou dans l’espace francophone et quel était leur type de séjour. La différence entre établissement est significative (P = 0,002). Si, de manière générale, les étudiants de HUFS ont davantage voyagé en famille, pour les loisirs ou lors de séjours privés, la politique de CNU en matière d’échanges universitaires touche davantage d’apprenants (15 %). La répartition par année confirme la tendance générale des étudiants à chercher à découvrir d’une manière ou d’une autre la culture étudiée puisque seuls 32 % des étudiants de quatrième année n’ont jamais voyagé dans l’espace francophone.

Fig. 4 Type de séjour en France ou dans l’espace francophone (plusieurs réponses possibles)

3. Motivations

Le choix de leur spécialité relève pour la plupart des étudiants d’une décision qu’ils qualifient de personnelle (53 %), même s’ils se laissent également conseiller par leurs amis (4 %) et / ou des étudiants plus âgés (3 %). Ils font également confiance à leurs enseignants de lycée (11 %) et plus particulièrement à leur famille (32 %).

Fig. 5 Raisons du choix (plusieurs réponses possibles)

allemand anglais renforcé

français japonais

chinois espagnol

0,0%

20,0%

40,0%

60,0%

80,0% CNU 2007 CNU 2012 HUFS 2007 HUFS 2012

15%

73%

9%

8%

10%

26%

6%

52%

échange universitaire

semestre validé

séjour linguistique privé

tourisme

séjour familial

non

CNU

HUFS

72% 70% 43% 32%

1e année 2e année 3e année 4e année

intérêt pour la langue

raisons professionnelles

je parle français études

à l'étranger

choix par défaut

diplôme sans raison précise

autres raisons

culturelles 0%

20%

40%

60%

80%

Femmes Hommes ensemble

6

Si l’intérêt pour la langue est la principale motivation (66 %) de tous et particulièrement des jeunes femmes, le fait de déjà parler français (32 %) est généralement associé à d’autres motivations dont des raisons professionnelles (29 %) et culturelles (22 %) ainsi que la poursuite prévue d’études à l’étranger (17 %). Le diplôme de l’université ne motive explicitement que 3 % d’étudiants de CNU et 5 % de ceux de HUFS. Le choix par défaut est toutefois invoqué par 14 % d’étudiants auxquels il faudrait peut-être ajouter ceux qui n’ont pas de raisons précises (5 %). Les « autres » raisons concernent surtout le statut international du français et les opportunités qu’il offre.

Les jeunes femmes envisagent plus facilement la poursuite d’études à l’étranger que les hommes, déjà retardés par leurs obligations militaires et soucieux d’entrer rapidement sur le marché du travail. Légèrement moins motivés par des raisons professionnelles (peut-être moins certains de pouvoir faire jouer le français), ils le sont par contre davantage culturellement.

Si l’on compare très globalement avec les résultats de 2007, on observe la progression des motivations culturelles, ce qui semble justifier les orientations actuelles vers des cours à contenus culturels, et la diminution pour HUFS des choix par défaut, alors particulièrement élevés sur le campus extérieur (Milhaud, 2010 : 220).

3.1 Deuxième spécialité

Dans cette optique professionnelle, les étudiants des départements de français suivent un double cursus. Les intitulés variant d’un établissement à l’autre, on ne peut les comparer directement, toutefois des différences de politique universitaire apparaissent. Les étudiants de HUFS sont peu nombreux (3 %) à ne pas préparer de deuxième spécialité, 11 % se destinent à la diplomatie, 22 % sont inscrits dans des départements liés à l’économie et au commerce international mais ils sont particulièrement attirés (29 %) par une double spécialisation en langue. Leur choix se porte sans surprise d’abord sur l’anglais (70 %), mais aussi sur les langues romanes proches (espagnol, portugais et italien, 12 %), les langues asiatiques (12 %) et s’avère quelquefois stratégique (langues africaines et arabe, 6 %).

À CNU par contre, 22 % n’envisagent pas de deuxième spécialité et la seule autre langue étudiée est l’anglais, mais ils sont plus nombreux à se spécialiser en journalisme et surtout administration, sans doute parce que c’est une université nationale. Le profil général était semblable en 2007, excepté pour la spécialité « économie / commerce » alors prédominante à CNU (35 %) dans l’intention de choix des premières années.

Fig. 6 Deuxième spécialité préparée ou envisagée6

0% 10% 20%

commerce international culture

enseignement journalisme communication

politique/ relations int. tourisme

ne sait pas traduction/interprétation

autres

CNU

HUFS

0% 10% 20% 30% 40%

femmes

hommes

7

Les disparités liées au sexe concernent surtout l’étude des langues et du journalisme pour les jeunes femmes, les jeunes hommes leur préférant les matières liées à l’économie. Les choix des étudiantes témoignent de leur volonté d’insertion professionnelle, les études de français ne relevant plus de la seule culture générale. 3.2 Activité professionnelle envisagée

À la suite de leurs études, près d’un étudiant sur quatre pense rejoindre le monde de l’entreprise, particulièrement à CNU. Les différences sont moins significatives entre universités (P = 0,057) qu’entre sexe (P = 0,035). Le graphique montre la préférence des jeunes femmes pour les activités professionnelles liées à la culture (18 %), la communication (11 %) et la traduction (8 %) alors que les hommes plébiscitent le commerce international (37 %) ainsi que les relations internationales et la politique (20 %). Toutefois, aucune catégorie n’est l’exclusivité d’un seul sexe, signe de l’évolution du statut des femmes dans le monde du travail.

Fig. 7 Objectifs professionnels

Le parallélisme entre les objectifs professionnels et les deuxièmes spécialités préparées témoignent du souci des étudiants de recevoir dès l’université la formation la plus à même de les préparer à la profession visée.

Nous avons également voulu savoir si pour raisons professionnelles, les étudiants se disaient prêts à l’expatriation. Les légères différences observées entre universités ou entre sexes ne se sont pas révélées significatives (respectivement p = 0,4 ; p = 0,3). Sur l’ensemble, on constate qu’une bonne moitié des étudiants n’envisage pas de quitter la Corée, parce qu’ils ne comptent pas sur leur français ou parce qu’il existe suffisamment d’opportunités pour l’utiliser sur place.

Fig. 8 Où souhaitez-vous exercer votre activité professionnelle ? (plusieurs réponses possibles)

0% 10% 20%

commerce international culture

enseignement journalisme communication

politique/ relations int. tourisme

ne sait pas traduction/interprétation

autres

CNU

HUFS

0% 10% 20% 30% 40%

femmes

hommes

seulement en Corée 52%

seulement en France 3% en France ou

en Corée 9%

dans un pays francophone

13%

n'importe où 22%

autres pays 1%

8

Les étudiants savent que le marché du travail est désormais celui de l’ensemble des pays francophones, voire mondial, et font preuve de flexibilité. Les « autres » pays recouvrent les États-Unis.

3.3 Attentes et avantages professionnels escomptés

Interrogés sur leurs attentes, les étudiants se montrent catégoriques, l’essentiel reste l’acquisition d’une compétence de communication langagière mais aussi culturelle, ce qui justifie le développement des cours dits de culture (CNU).

Fig. 9 Quelles sont vos attentes ? (plusieurs réponses possibles)

Dans la rubrique « autres », est mentionné le désir de maîtriser la traduction, celui d’acquérir un sens linguistique ou de préciser sa vocation. Au fur et à mesure de l’apprentissage, les besoins, objectifs et ressentis, évoluent. Porcher (1995 : 25) les qualifie de « réalités fondantes » et insiste sur la nécessité de réitérer l’analyse des besoins au cours de l’enseignement « pour qu’il continue à correspondre aux attentes de l’apprenant ». Toutefois, dans notre enquête, trop grossière sans doute, ni l’année d’étude ni aucune autre caractéristique, sexe, université ou objectif professionnel, n’influe de manière significative sur ces attentes (P toujours > 0,16) ce qui nous prive de toute vision évolutive. L’étude de 2007, s’était également intéressée aux attentes en début d’apprentissage, la question était ouverte et les réponses avaient été catégorisées. Entre 29 % (CNU) et 45 % (HUFS) des débutants espéraient alors acquérir une compétence langagière (Milhaud, 2010 : 191). On observe que cette attente s’est entretemps généralisée et imposée comme prioritaire. En dernier, il leur a été demandé d’estimer l’avantage que représentaient leurs études pour trouver un travail. Si un tiers des répondants se montre optimiste, la majorité hésite (62 %), quelques uns restant sceptiques (7 %). Les différences entre établissements (P = 0,013) et par année (P = 0,016) étant significatives, nous pouvons les comparer.

Fig. 10 Pensez-vous que ces études vous aideront à trouver un emploi ?

84% 40%

14% 15%

18% 3% 4%

bien parler français approfondir la culture

étudier à l'étranger enseignement pluridisciplinaire

formation professionnelle rien de particulier

autres

9

Les étudiants de HUFS sont globalement plus confiants en ce qui concerne l’avantage escompté, probablement en raison de la vocation particulière de l’université. La distribution par année dénote une perte progressive de confiance, ou probablement une perception plus exacte de la réalité de l’embauche, les débutants apparaissant nettement plus optimistes (40 % de « certains »). Le regain de confiance en troisième année pourrait être le fait de ceux qui reviennent d’un échange et qui perçoivent de nouveaux débouchés possibles. La proportion d’étudiants de quatrième année doutant de l’avantage acquis est relativement importante (13 %) : parvenus au terme de leur cursus, ils prennent en compte la compétence langagière qu’ils ont réussi ou non à acquérir, et les plus faibles sont aussi les plus sceptiques.

4. Conclusion

À défaut de l’analyse détaillée et plus exhaustive des besoins et projets d’études des apprenants réclamée par Han M.-J. (2011 : 53) dans ses réflexions pour une nouvelle orientation de l’enseignement / apprentissage, cette petite enquête, malgré ses limites, nous aura permis de nous faire une idée des motivations de nos étudiant(e)s à divers stades de leur apprentissage. Même s’ils sont nombreux à revendiquer l’initiative de leur choix, ils reconnaissent être aidés en cela par leur famille, ce qui donne du poids à l’argument de Calvet concernant l’importance de l’image du français auprès des mères. Il est à noter que la proportion d’étudiants entrant à l’université avec un niveau intermédiaire de compétence augmente mais que leurs besoins sont rarement pris en compte. La perspective d’un séjour à l’étranger est sans nul doute un facteur important de motivation même si un tiers des étudiants parvenus en fin de parcours n’aura pas eu l’occasion de découvrir l’espace francophone. Si par le passé beaucoup ne convoitaient que le seul diplôme de l’université, il en va autrement désormais et les étudiants attendent une compétence langagière monnayable sur le marché du travail. Soucieux de leur avenir professionnel, ils préparent des doubles licences ou deuxièmes spécialités dès que l’opportunité leur en est offerte, privilégiant particulièrement celles liées au monde de l’entreprise. Signe de la volonté des jeunes femmes de se positionner dans le monde du travail, leurs objectifs sont désormais aussi professionnels et elles sont plus enclines à vouloir poursuivre leurs études à l’étranger que leurs homologues masculins déjà retardés par les obligations militaires et probablement entravés par les contraintes sociales qui pèsent plus lourdement sur eux. Si leurs aînés poursuivaient presque exclusivement des études littéraires, les étudiants inscrits en 2012 dans une université française présentent un profil plus varié, un quart ayant opté pour des filières scientifiques ou économiques sans compter ceux attirés par les écoles de commerce, l’art et le design7.

15%

34%

76%

59%

9%

6% C

NU

H

UFS

je ne crois pas

peut-être

certainement

40%

27%

33%

27%

57%

68%

64%

60%

2%

5%

3%

13%

1e année

2e année

3e année

4e année

10

Même si la moitié des étudiants n’envisage pas de s’expatrier, les autres, conscients des opportunités, se disent prêts à partir travailler dans l’espace francophone. Pour autant la majorité s’interroge sur l’avantage que leur procureront leurs études dans la recherche d’un emploi. Doit-on mettre cela sur le compte de la crise ou de leurs propres performances ? Tous, en effet, se montrent catégoriques sur la priorité que constitue la compétence de communication, langagière mais aussi culturelle. D’ores et déjà, un décalage saute aux yeux : le curriculum implanté ne prend pas suffisamment en compte la demande concernant la maîtrise des habiletés langagières, et encore moins la perspective professionnelle. Les rares cours de FOS8, sont optionnels et n’attirent que les étudiants possédant déjà un très bon niveau de langue avant d’entrer à l’université ce qui contribue à effrayer les niveaux intermédiaires. À quand un curriculum repensé en fonction de besoins réels des étudiants ?

Pourtant il serait primordial de donner au français un statut plus pragmatique, plus adapté à la demande sociale et d’adapter en conséquence son enseignement / apprentissage, la motivation ne saurait qu’en être renforcée.

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11

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