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Les dessous d’un business model : Cas Oriflame Tunisie
Revue Marocaine de recherche en management et marketing, N°13, Janvier-Mars 2016 Page 169
Les dessous d’un business model : Cas Oriflame Tunisie
SAMEH BEN AMMAR
Institut Supérieur des Etudes Technologiques de Bizerte, Tunisie
SONIA MBARKI
Institut Supérieur des Etudes Technologiques de Charguia, Tunisie
Résumé
L’objectif de notre communication est de comprendre la construction du Business Model ou
modèle d’affaires d’un nouvel entrant dans le secteur de la vente directe des produits
cosmétiques en Tunisie. Nous nous appuyons sur le canevas conçu par Osterwalder et Pigneur
(2010) composé de neuf blocs. Nous adoptons une méthodologie qualitative basée sur l’étude
en profondeur d’un cas unique d’entreprise. Ce travail montre que la création de valeur, qui
est au cœur du Business Model, est le fruit de la constitution d’un écosystème de partenaires.
A travers ce travail, nous proposons d’enrichir le canevas de base en y intégrant la dimension
RSE.
Mots clés
Business Model, vente directe, canevas, valeur, RSE.
Abstract
The hidden sides of a Business Model : Tunisia Oriflame
The objective of our communication is to understand the construction of the business model
of a new entrant in the sector of direct sales of cosmetics in Tunisia. We rely on the canvas
designed by Osterwalder and Pigneur (2010) consists of nine blocks. We adopt a qualitative
methodology based on in-depth study of a single business cases. This work shows that the
creation of value, which is the heart of the business model, is the result of building a partner
ecosystem. Through this work, we propose to enrich the basic framework by integrating CSR
dimension.
Keywords
Business Model, direct sales, canvas, value, CSR
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Introduction
Nous assistons ces dernières années à une recrudescence d’un nouveau mode de distribution
qui s’inscrit dans un marketing de réseau ou MLM (Multi Level Marketing). Le MLM est un
moyen de distribution de produits selon un mode de vente directe. Une entreprise, pour des
raisons économiques et stratégiques, choisit de ne pas distribuer ses produits par la voie
classique de la petite, moyenne et grande distribution. Elle va choisir une distribution directe
auprès des utilisateurs via le MLM. Cette distribution directe est alors réalisée par des
distributeurs indépendants qui travailleront en partenariat avec l’entreprise.
Le secteur de la vente directe des produits cosmétiques en Tunisie est dominé par un nombre
très restreint d’acteurs, principalement les filiales de deux multinationales américaine et
espagnole, qui enregistrent une croissance à deux chiffres. Depuis 2013, ce secteur a connu
l’entrée d’une nouvelle entreprise suédoise Oriflame qui se positionne sur le « naturel », dont
les produits bénéficient d’un succès grandissant et qui a pu très rapidement développer sa
force de vente indépendante avec un effectif de 24000 recrus en 2014. Ce nouvel entrant a su
se frayer un chemin grâce à sa propre démarche de proposition de valeur.
Selon Moyon (2011), la proposition de valeur est la question centrale à laquelle tout Business
Model tente de répondre. L’émergence de ce concept est liée au besoin d’expliquer la manière
dont les firmes créent et captent de la valeur (Demil et Lecocq, 2010).
C’est dans ce cadre d’idées que nous cherchons dans ce travail à comprendre, à travers la
construction du Business Model, comment l’entreprise Oriflame propose, créé et capture de la
valeur.
Notre revue de la littérature sur la notion de Business Model nous a permis de mobiliser le
canevas proposé par Osterwalder et Pigneur (2010) comme support de construction du modèle
d’affaires de l’entreprise objet de notre étude. Cette construction, qui s’est effectuée d’une
manière collaborative avec les parties prenantes de l’entreprise, a été enrichie dans une
deuxième phase par une dimension responsabilité sociétale de l’entreprise. Cette dimension a
émergé au cours de l’étude comme étant une composante liée à la proposition de valeur.
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1. Genèse du concept de Business Model
Historiquement, les principaux jalons relatifs au terme Business Model (BM) sont rattachés
aux années 60, notamment les travaux de Jones. Cependant, ce n’est qu’à partir des années
1990, que son utilisation s’est élargie (Rédis, 2007). La notion s’est rapidement répandue dans
les discours des praticiens, ceux des analystes et des journalistes mais dans une moindre
mesure dans les travaux des académiciens (Lecoq et al. 2006). En fait, le concept de BM est
né dans un contexte de création d’entreprises dans le domaine des technologies de
l’information et de la communication (TIC). Son apparition est liée à l’émergence de ce qui
deviendra la bulle internet. Les créateurs de start-up de « l’économie nouvelle », exploitant
Internet pour ses caractéristiques propres et des grandes opportunités qu’il offre dans un
contexte de forte incertitude, ont dû élaborer des modèles économiques radicalement
novateurs afin de convaincre les investisseurs de la viabilité de leurs projets.
Ce sont les grandes mutations d’ordre technologique, économique et règlementaire ayant
accompagné cette période et leurs conséquences qui expliquent en grande partie l’émergence
du concept de BM. En effet, les grandes évolutions de l’environnement technologique,
l’intérêt croissant pour la gestion par la valeur comme indicateur de performance des firmes et
la vague internationale de dérégulations ont largement contribué à l’émergence de nouveaux
métiers, l’apparition de nouveaux modèles de revenus et la complexification des relations
inter-firmes (Rédis, 2007).
C’est dans ce contexte, que les outils classiques de l’analyse stratégique ont montré leurs
limites et ont rendu nécessaire l’apparition de nouveaux schémas d’analyse, dont le BM, afin
de rendre plus intelligible la nouvelle réalité managériale (Rédis, 2007).
Le lien étroit entre l’apparition de la notion et l’émergence des secteurs liés à internet
explique pourquoi BM et e-business sont deux concepts souvent associés. Cette association a
diffusé l’idée que le BM est spécifique à certains secteurs notamment les TIC. Or, aujourd’hui
on admet que cette notion a une application plus générale et qu’elle peut intéresser tout
secteur d’activité (Lecoq et al. 2006). D’abord en contexte entrepreneurial, elle a dépassé les
frontières des TIC pour concerner dans un premier temps les différentes formes d’innovation
puis tous les projets entrepreneuriaux qu’ils soient innovants ou pas (Jouison et Vestraete,
2008). Ensuite, pour les entreprises déjà établies, il faut admettre qu’elles possèdent toutes
un business model qu’il soit ou non explicite (Lecocq et al. 2006).
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2. Les fondements théoriques
La revue de la littérature révèle une profusion de définitions du concept de BM qui peut
mener à confusion (Lecoq et al. 2006). Cette multiplicité des définitions peut avoir deux
raisons. La première revient à son usage massif dans des domaines variés : nouvelles
technologies, industries, banques, et même football et également par des agents différenciés :
journalistes, consultants, chercheurs, entrepreneurs (Jouison, 2005). La deuxième est liée à la
transversalité du concept. Le BM apparait comme une notion intégrative de plusieurs
disciplines en gestion qui aborde aussi bien des questions liées à la stratégie de l’entreprise,
qu’aux clients, aux sources de revenus ou à la structure des coûts, d’où la difficulté de son
rattachement à un champ de connaissances particulier (Lecoq et al. 2006). Néanmoins, les
académiciens convergent vers un élément : le BM représente les voies intentionnelles qu’une
entreprise est susceptible d’emprunter et les choix qu’elle fait afin de créer de la valeur
(Chesbrough, 2003 ; Chesbrough et Rosenbloom, 2002 ; Amit et Zott, 2001) et générer des
revenus (Warnier et al. 2004 ; Chesbrough et Rosenbloom, 2002). C’est ainsi que ce concept
s’est conçu par accumulations successives et sédimentation de multiples apports qui ont
permis d’en préciser le sens progressivement.
Ces apports puisent leurs fondements dans trois théories considérées comme sous-jacentes à
la notion de BM :
2.1 La théorie des parties prenantes (PP)
Le BM est un élément servant la cristallisation des relations entre parties prenantes. Selon la
théorie des parties prenantes, les « stakeholders » ne se limitent pas aux actionnaires mais
englobent les clients, les fournisseurs, les employés et tout partenaire à l’égard desquels
l’entreprise a des responsabilités et sans leur support cette dernière cesserait d’exister. Dans le
cadre de cette théorie, les différentes parties prenantes atteignent leurs objectifs respectifs à
travers ce jeu de corporation (Donaldson et Preston, 1995).
2.2 La théorie des conventions (TC)
Selon Gomez (1996), une convention est un système de règles dans lequel se situent les
acteurs lorsqu’ils ont à effectuer un choix. C’est un ensemble de critères, de repères auxquels
des individus, confrontés à des situations incertaines, se réfèrent pour décider des
comportements à adopter.
La théorie des conventions (TC) relie l’individu au collectif d’acteurs ou parties prenantes qui
doivent s’accorder autour d’un projet donnant naissance à une convention. Celle-ci constitue
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un moyen d’ajustement des comportements intersubjectifs (Gomez, 1994) ainsi qu’un moyen
de coordination des agents basé sur des dispositifs cognitifs collectifs (Munier et Orléan,
1993). Dans ce cadre le BM constitue la première convention autour de laquelle les
différentes parties prenantes s’accordent.
2.3 La théorie des ressources (TR)
Une ressource est définie comme un actif tangible ou intangible (capital financier, capital
relationnel, expertise des salariés, talents managériaux des décideurs…) dont la firme dispose
de façon plus au moins permanente (Wernerfelt, 1984).
L’approche basée sur les ressources met l’accent sur l’importance des ressources spécifiques à
une entreprise dans la réflexion stratégique. Elle indique que les entreprises d’une même
industrie sont différentes les unes des autres, elles sont hétérogènes quant aux ressources et
compétences qu’elles utilisent et ces différences persistent.
Dans cette approche, la stratégie est conçue comme la valorisation des ressources et des
compétences accumulées dans l’entreprise. Pour que ces dernières soient à l’origine
d’avantage concurrentiel soutenu, il faut qu’elles remplissent plusieurs conditions à savoir : la
rareté, la non substituabilité et la non imitabilité (Barney, 1991). Dans une approche BM les
ressources et compétences valorisables sont génératrices de revenus.
3. Opérationnalisation de la notion du BM
Un BM, ou modèle d’affaires ou encore modèle économique, décrit le processus à travers
lequel une structure génère, procure et capture de la valeur. Autrement dit, c’est la description
générale et concise de « l’économie » du projet qui permet de comprendre rapidement quels
sont les « inputs » permettant la fabrication du produit ou du service, comment se passe la
création de valeur, comment est organisé l’accès aux clients, qui sont-ils et quels sont les flux
financiers en jeu. Chaque entreprise possède son propre business model, et donc par essence il
existe quasiment autant de BM que d’entreprises. Afin d’opérationnaliser les modèles
d’affaires, on fait appel aux canevas, outils visuels de création ou d’expression des BM qui
facilitent non seulement leur description, définition et analyse mais également leur
amélioration.
3.1 Le canevas d’Osterwalder et Pigneur
Osterwalder (2004), puis Osterwalder et Pigneur (2010) proposent un canevas formé de neuf
blocs permettant de construire un BM. Ce canevas est actuellement très utilisé non seulement
par les académiciens mais aussi par les praticiens. Ceci revient à son caractère intégrateur et
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donnant une vision transversale de l’entreprise. Il est également utilisable à tous les stades de
l’évolution de l’entreprise, de l’idée jusqu’à même son éventuelle vente en passant par le
démarrage et la croissance. Au stade de l’idée, il guide et il rassure en aidant à définir les
hypothèses de réussite et structure également la réflexion avant le lancement. Au stade du
démarrage, il permet de planifier un bon plan d’actions pour vérifier les hypothèses engagées
et ainsi éviter certaines erreurs coûteuses en temps et en argent. Au stade de la croissance, il
pousse à affiner le modèle et à trouver des idées innovantes. Enfin, au stade de la vente, il
permet de visualiser ce qui est vendable et d’expliquer à l’acquéreur les éléments essentiels du
modèle d’affaires de l’entreprise.
Tableau 1 : Le canevas d’Osterwalder et Pigneur (2010)
7-Partenaires
clés
(Key Partners)
6-Activités clés
(Key Activities)
2-Offre et
Propositions
de valeur
(Value
Propositions)
4-Relation clients
(Customer
Relationships)
1-Segments
de clientèles
(Customer
Segments)
5-Ressources clés
(Key Resources)
3-Canaux
(Channels)
8-Structure des coûts
(Cost Structure)
9-Flux des revenus
(Revenus Streams)
3.2 Description des composantes du canevas d’Osterwalder et Pigneur
Le canevas du modèle d’affaires est divisé en neuf grands blocs qui sont les suivants :
Segments de clientèles : il s’agit de définir un ou plusieurs segments présentant des besoins,
comportements ou autres attributs communs. On peut éventuellement subdiviser ce bloc entre
le « client » qui paie pour le produit ou service, que celui-ci soit l’utilisateur ou non, et le
« bénéficiaire » qui reçoit les produits et services mais sans payer pour la prestation.
Offre et Propositions de valeur : il s’agit de définir les combinaisons de produits et services
proposées à chaque segment. L’ensemble des prestations que l’entreprise fournira et qui
Proposition de Valeur (clients & offre)
Création de Valeur (infrastructure)
Capture de Valeur (viabilité financière)
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permettront aux clientèles ou bénéficiaires de satisfaire leurs besoins et ainsi d’atteindre leurs
propres objectifs.
Canaux : il s’agit de définir la manière dont l’entreprise communique et entre en contact avec
ses clients. Les moyens et supports par lesquels l’entreprise atteindra ses clientèles, depuis la
phase initiale de communication et marketing, jusqu’à la phase de service après-vente, passant
par l’achat ainsi que les moyens et lieux par lesquels les clients ou bénéficiaires recevront les
produits et services.
Modes de relations avec la clientèle : il s’agit de définir le(s) type(s) de relation à établir
avec ses clients. Ce sont les différentes façons de traiter la relation avec les clients, que ce soit
du contact personnalisé, du self-service ou de la co-création.
Ressources-clés : il s’agit de définir les actifs requis les plus importants pour que le modèle
fonctionne que ce soient des matières premières, des ressources humaines ou encore des
plateformes d’information.
Activités-clés : il s’agit de décrire les actions les plus importantes sans lesquelles le modèle
ne peut fonctionner au niveau de ses processus, procédures et actions.
Partenariats et Alliance : il s’agit de décrire son réseau de partenaires et de fournisseurs
pour que le modèle fonctionne. Ces derniers sont vitaux pour la bonne conduite du BM, par
opposition aux compétiteurs et ceux proposant des alternatives à l’offre de l’entreprise et qui
représentent tous les deux une source de nuisance au BM.
Structure des coûts : Décrire tous les coûts inhérents au modèle.
Flux des revenus : Evaluer la trésorerie que l’entreprise génère auprès de chaque segment.
Nous soulignons que ce gabarit est à première vue exhaustif puisqu’il permet de comprendre
le chemin par lequel une entreprise propose, crée et capture de la valeur à l’égard des parties
prenantes. Ce canevas sera notre outil pour la construction du BM de l’entreprise Oriflame,
objet de notre étude empirique.
4. Méthodologie de travail
Ce travail s’inscrit dans un positionnement constructiviste visant à formuler une construction
du BM d’une entreprise opérant dans le secteur de la vente directe des produits cosmétiques.
C’est dans ce cadre, que nous adoptons une démarche qualitative portant sur l’étude d’un seul
cas. L’étude de cas permet d’analyser en profondeur des phénomènes dans leur contexte, c’est
là sa plus grande force (Gagnon, 2011). La méthode de cas est définie comme une première
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approche destinée à la mise au jour d’une spécificité, d’une particularité d’ordre qualitatif, que
l’approche macroscopique devrait mettre en perspective sur un plan global (Hamel, 1989).
Nous avons opté pour une analyse qualitative en adoptant la démarche proposée par (Miles et
Huberman, 2003) à savoir « les 3 flux concourants d’activités : la condensation des données,
la présentation des données et l’élaboration/vérification des données ».
La condensation des données a comme point de départ la revue de la littérature sur le BM.
A travers cette revue, nous avons choisi le canevas d’Osterwalder et Pigneur pour effectuer
notre recherche sur le terrain. Suite à cette première phase, plusieurs sources de collecte de
données ont été mobilisées : les données secondaires proviennent principalement d’une étude
documentaire portant sur la vente directe dans le secteur des produits cosmétiques ainsi que
des documents internes à l’entreprise. Les données primaires (cf. annexe 1) résultent d’une
série d’entretiens individuels semi-directifs. Ces entretiens reposent sur des guides construits
à partir des neuf blocs du canevas d’Osterwalder et Pigneur et ont été menés auprès de 4 hauts
responsables de l’entreprise, de 6 consultants Oriflame et de 10 clients finaux selon le
principe de saturation de l’information (Glaser et Strauss, 1967).
Les entretiens individuels ont été intégralement enregistrés puis retranscrits. Pour le
traitement des données, nous avons utilisé la méthode d’analyse de contenu thématique. Les
neuf blocs du canevas constituent les catégories principales de codage. Nous avons ensuite
défini des sous catégories de codage découlant d’un mode de réflexion inductif à partir des
observations empiriques. L’analyse des données a abouti à l’élaboration du BM de
l’entreprise Oriflame afin de mettre en relief les mécanismes inhérents de proposition, de
création, et de capture de la valeur.
Une dernière phase de validation et de réflexion auprès des responsables d’Oriflame nous a
permis d’identifier un épicentre d’amélioration pouvant servir de point de départ à un
changement conséquent du BM de l’entreprise à savoir la formalisation de la démarche RSE.
5. Le champ d’investigation
Dans le monde, 3500 euros de produits cosmétiques sont vendus chaque seconde, soit 425
milliards d'euros par an en 2011 (source : Euromonitor International). La croissance du
marché des produits cosmétiques a repris de la vigueur depuis 2010. Néanmoins, cette
dynamique d’ensemble cache des comportements contrastés par segment, au niveau
géographique (croissance rapide des marchés émergeants) et par niveau de gamme (une
tendance vers les produits « premium »). Nous soulignons également les tendances liées aux «
marques Docteur », à la « cosmétique instrumentale » et l’emprunt à l’univers médical.
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En Tunisie, le secteur des produits cosmétiques reste limité en termes de taille du marché (de
l’ordre de 200 millions de dinars) mais connait un développement constant. Entre 2011 et
2013, le taux de croissance annuel du secteur a été de l’ordre de 12 %. Ce développement est
dû principalement à la politique de libéralisation du commerce et au démantèlement
progressif des tarifs douaniers.
Notre étude porte sur l’entreprise Oriflame, société suédoise de vente directe de produits
cosmétiques (900 produits par an) qui a été fondée en Suède en 1967. Aujourd’hui, elle est
présente dans 66 pays en comptant plus de 3 millions de collaborateurs et 7900 employés à
travers le monde. Son chiffre d'affaires dépasse le 1,5 milliard d'euros, ce qui la place au 9ème
rang dans le Top 10 des entreprises de vente directe pour l’année 2012 à l’échelle mondiale.
Au niveau des pays de l’Afrique du Nord, Oriflame connaît la croissance la plus rapide dans
le secteur de la vente directe de produits cosmétiques. Installée sur le marché tunisien depuis
septembre 2013, elle commercialise à travers une force de vente indépendante et en dehors du
système traditionnel de vente au détail une grande variété de produits scindée en quatre
gammes : maquillage, soins de la peau, parfums et soins du corps et des cheveux.
La vente directe s’est beaucoup développée en Tunisie ces dernières années. Elle raccourcit le
système de distribution classique, octroie une rémunération plus avantageuse aux consultants
indépendants sous forme de marges et permet l’accroissement du réseau de vente à travers le
parrainage. Les principales entreprises opérant dans ce secteur sont : Avon, Cristian Lay,
Forever Living Products, Ingrid Cosmetics & Veronna, Sophie Paris, Bella Rosa et Oriflame
qui fera l’objet de notre étude empirique.
6. La construction du canevas d’Oriflame
Nous mobilisons le canevas d’Osterwalder et Pigneur pour construire et visualiser le BM
d’Oriflame.
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Tableau 2 : Canevas de la filiale tunisienne d’Oriflame
7-Partenaires clés
Consultants
Equipe Oriflame
région
Corps spécialisé
6-Activités clés
Formation
Gestion des ventes
Logistique et
approvisionnement
2-Offre et Propositions de valeur
Quatre gammes de produits :
Maquillage
Soins de la peau
Parfums
Soins du corps et des cheveux
Propositions de valeurs (utilisateurs et
consultants) :
Offre riche et renouvelée
Produits Suédois (made-in)
Produits à composants naturels
Produits issus de la R&D
Disponibilité
Bon rapport Qualité/Prix
Services annexes
Opportunité d’affaire unique
Développement personnel
4-Relation clients
Co-création (Oriflame &
consultants)
Communauté (parrain &
réseau)
1-Segments de
clientèles
Marché de masse :
Tout âge
Tout sexe
Tout revenu
5-Ressources clés
Ressources Humaines
Système d’information
Réglementation , référentiels
et procédures
Valeurs partagées
3-Canaux
Distribution :
Réseau des consultants
Système d’affiliation
Communication :
Média
Hors-média
8- Structure des coûts : coût de formation - coût d’infrastructure – coût marketing
9-Flux des revenus : recettes des ventes – revenus des inscriptions des recrus
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Composante 1 : Les segments de clientèles
Il s’agit d’un marché de masse. Oriflame s’adresse aussi bien aux femmes qu’aux hommes, de
différentes tranches d’âges et de revenus. Quant au profil des clients finaux d’Oriflame, Le
DG a souligné les traits distinctifs de la consommatrice tunisienne « elle est formée, sociable,
intéressée par la mode et la beauté, indépendante et avertie ».
Les entretiens clients nous ont permis d’identifier les motivations et les freins liés à l’achat.
Les résultats révèlent que les motivations sont hédonistes (ressentir du plaisir en achetant et
en consommant les produits cosmétiques), oblatives (faire plaisir aux autres en offrant des
produits cosmétiques) et enfin, d’auto-expression (être fier de sa distinction et de sa beauté).
Quant aux freins, les clients sont unanimes sur les sentiments de danger liés à ce type de
produits (composants douteux ou prohibés, effets secondaires, etc.). Ils s’attendent à être
rassurés à ce niveau.
Les consultants sont les premiers clients d’Oriflame, ils achètent en premier lieu pour leur
propre consommation en bénéficiant d’une remise. Ils sont également bénéficiaires du service
opportunité d’affaires.
Les motivations des consultants sont d’ordre hédoniste (satisfaction personnelle en
entreprenant), auto-expression (accomplissement personnel à travers son plan de réussite) et
oblatif (en faisant plaisir à son entourage et à son réseau de partenaires en générant des
revenus supplémentaires). Les freins sont liés principalement à la peur de l’échec de
l’initiative et les risques financiers conséquents. Ces freins sont surtout ressentis par les
consultants ayant déjà vécu précédemment une mauvaise expérience avec la vente directe en
Tunisie « j’ai beaucoup hésité au départ à cause d’une mauvaise expérience antérieure en
matière de vente directe, je cherchais un maximum d’informations sur l’opportunité Oriflame
et ses spécificités avant de me lancer » (consultant).
Composante 2 : Offre et Propositions de valeur
La distinction des deux segments de clients, utilisateurs finaux et consultants, nous oriente
vers deux familles de propositions de valeurs :
Famille 1 : les produits
● Offre riche et renouvelée : Oriflame propose dans chaque catalogue trimestriel des
gammes de produits (maquillage, soins de la peau, parfums et soins du corps et des cheveux)
larges et profondes. A titre indicatif, dans le premier catalogue de 2015, au niveau de la
gamme de maquillage, nous distinguons une étendue de produits couvrant plus de 100
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références. Les catalogues sont régulièrement enrichis de nouveaux produits (à peu près 1es
nouveautés représentent 27 % du total produits catalogue).
● Produits suédois :Oriflame propose des produits d’origine Suédoise. L’effet pays d’origine
(made-in) procure dans ce cas un bénéfice symbolique aux yeux des consommateurs. Ceci
nous a été confirmé dans les propos des clients : « la Suède est connue par la richesse de ses
ressources naturelles » ou encore « la Suède est très liée à l’idée du bien être ».
● Produits à composants naturels : Oriflame propose une cosmétique naturelle (ingrédients
tels que le jojoba, l’huile d’amende, le beurre de Karité ou encore l’aleo vera, etc.) une
alternative qu’elle se veut crédible aux cosmétiques conventionnels. L’entreprise a bâti sa
renommée sur un positionnement naturel et se considère pionnière en la matière puisqu’elle
« a privilégié l’utilisation de ces composants depuis les années 70 en substitution à des
composants agressifs qui peuvent être toxiques et ou occlusifs surtout pour les produits de
soin » (consultant). Les formules sont dénuées de substances animales, de parabènes, de
silicone, d'huiles minérales et de fragrances synthétiques. L’entreprise ne prétend pas vendre
aux utilisateurs des produits bios. Ceci nous a été affirmé par des consultants interviewés
« aucune mention bio n’apparait sur les produits Oriflame».
● Produits issus de la R&D : Oriflame propose des produits issus de « technologies qui sont
souvent brevetées » (responsable marketing), fruits d’un travail collaboratif entre chercheurs
en matière de cosmétiques naturels et professionnels de la santé (dermatologues, association
dentaire suédoise etc.…).
● Disponibilité : malgré la vente par catalogue, Oriflame rend ses produits disponibles pour
ses utilisateurs à des délais « raisonnables » (consultants) grâce à deux éléments : un
approvisionnement régulier en produits et une réactivité du réseau des consultants, sur
l’ensemble du territoire tunisien, qui sont chapotés par les leaders des groupes. Notons aussi
que l’entreprise s’est mise en partenariat avec un transporteur de marchandises « Aramex »
qui assure la distribution sur toute la Tunisie.
● Services annexes : Oriflame propose à ses clients un ensemble de services
complémentaires dans l’objectif d’une utilisation optimale de ses produits, principalement
les formations présentielles ou en ligne, les conseils prodigués par les consultants
préalablement formés, l’assistance téléphonique, le service client, les ateliers et tutoriels
beauté, les commandes à distance, etc.
● Bon rapport Qualité/Prix : Oriflame considère qu’elle offre des produits avec un « bon
rapport qualité/prix » (coordinatrice marketing), comparée aux prix des principaux
concurrents directs ou indirects qui sont plus élevés.
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Toutes ces propositions de valeurs s’adressent aux utilisateurs finaux. Seulement, l’entreprise
considère que ces utilisateurs peuvent devenir des consultants indépendants, d’où la deuxième
famille de propositions de valeurs.
Famille 2 : l’opportunité d’affaires
● Opportunité d’affaires unique : Oriflame propose à toute personne désireuse de « gagner
de l’argent » avec l’entreprise une opportunité d’affaires « différente de celle des
concurrents » (DG). Le consultant, une fois inscrit, se voit devant deux options :
→ Consommer pour ses propres besoins personnels et vendre aux utilisateurs finaux en
bénéficiant d’une réduction de 23 % par rapport aux prix catalogue. Ce taux constitue sa
marge bénéficiaire en cas de vente. Cette vente relationnelle se base sur « la confiance, la
sincérité et une réelle recommandation puisque le consultant a déjà consommé le produit »
(consultants) ;
→ Constituer un réseau de consultants à travers un système d’affiliation ou de parrainage.
L’objectif sera donc d’agrandir le réseau en question en largeur et en profondeur. Grâce un
effet de levier, chaque parrain situé à un niveau du groupe percevra, en plus de la marge
bénéficiaire sur ses ventes, des revenus résiduels (ristournes, bonus, cadeaux…) ce qui peut
« l’amener petit à petit vers l’indépendance financière » (consultants).
● Développement personnel : Oriflame propose, à travers l’opportunité d’affaires
précédemment explicitée, un développement personnel des consultants dont les objectifs
peuvent renvoyer à la connaissance et l’estime de soi, à la valorisation de ses talents et
potentiels, à l'amélioration de la qualité de sa vie, à la réalisation de ses aspirations et de ses
rêves, etc. Les témoignages des consultants interrogés soulignent bien cette dimension
« avec Oriflame, on peut devenir ce qu’on est en mesure de devenir, à condition de se fixer
des objectifs réalisables », « nous vivons actuellement dans une époque d’opportunités,
Oriflame en est une »ou encore « avec cette opportunité on peut devenir son propre PDG ».
Composante 3 : Canaux
● Distribution : Oriflame vend exclusivement à travers le réseau de ses consultants
(marketing de réseau ou MLM). Les clients finaux ne peuvent acheter que via ce réseau. Il
s’agit d’une véritable vente directe de produits. Les membres ne perçoivent pas une somme
d'argent lorsqu'ils embauchent de nouveaux consultants. Tous les revenus (marge bénéficiaire,
ristournes, bonus, etc.) sont perçus suite à des actions de vente. Le consultant, suite à son
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inscription, n’est pas dans « l’obligation d’acheter un stock de produits comme c’est le cas
chez d’autres concurrents directs de vente en réseau » (consultants).
La distribution se poursuit par le biais d’un système d’affiliation qui consiste à recruter en
chaîne de nouveaux consultants. Ces distributeurs indépendants perçoivent différents types de
revenus : les commissions, les primes et bonus, les revenus résiduels calculés selon le chiffre
d'affaires personnel du consultant ainsi que celui de son réseau suivant un plan de
rémunération propre à Oriflame. L’entreprise met l’accent sur « le caractère partenarial »
(DG) de la relation mise en place avec ses consultants qui n’ont pas le statut de revendeurs
mais participent à la création de valeur.
● Communication : La communication média s’articule autour d’un site internet dynamique,
d’une page FB officielle et d’une émission radiophonique sponsorisée liée à la beauté. Le
hors-média constitue le pilier de la communication de l’entreprise à travers : un marketing
direct axé principalement sur le catalogue trimestriel et qui constitue en même temps le
support de vente, un volet événementiel, des relations publiques donnant lieu à des publi-
reportages, un street marketing dans l’objectif de développer la notoriété de la marque et de
prospecter et enfin le bouche à oreille oral via le réseau des consultants et électronique via les
réseaux sociaux.
Composante 4 : Relations clients
La vente directe via un réseau de consultants est un moyen privilégié de mise en place d’un
marketing relationnel. La relation client est viable et durable. Elle constitue l’un des objectifs
premiers de l’entreprise. « je peux vous convaincre d’acheter aujourd’hui un produit qui ne
vous convient pas, mais je serai sûr que vous ne reviendrez pas…c’est pas ça notre but»
(consultant). Responsables Oriflame, consultants et clients sont tous d’accord que le socle de
la relation clients-consultants-entreprise est la confiance. « Oriflame c’est la confiance », nous
a avancé la responsable marketing. Cette relation nous a été également confirmée par la
majorité des clients interviewés : « j’achète sur catalogue parce que j’ai confiance en ma
consultante ».C’est cette confiance qui permet aussi le développement du réseau consultants
et qui renforce les relations « parrain-réseau » dans le cadre d’une communauté. Celle-ci se
base sur toute une gestion (Community Management) du recrutement jusqu’à la rémunération
en passant par la formation et la motivation.
La relation entre Oriflame et ses consultants est basée sur une dynamique de co-création qui
consiste en l’implication du consultant directement dans la conception, la production et la
distribution de valeur. Le but partagé est de rendre ces partenaires à la fois consommateurs et
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créateurs de valeur et de générer ensemble une valeur supérieure. Cette co-création se
manifeste à travers, non seulement l’implication directe du consultant dans la distribution des
produits, mais également dans la mise en œuvre d’actions de communication et de
développement des relations clients finaux. Ce volet est visible à travers les propos des
consultants « une fois formé, j’assure la formation auprès de mon réseau en communicant
non seulement sur les produits mais également autour de l’opportunité d’affaires », « j’ai une
page FB active et un site chez Oriflame qui facilite la passation des commandes en ligne et la
procédure de recrutement dans le réseau… » , « j’ai créé des vidéos sous forme de tutoriels
pour mieux conseiller sur l’utilisation des produits Oriflame». Cette démarche de co-création
s’intègre bien dans le cadre d’un marketing collaboratif ou participatif.
A ce stade, nous avons décrit la proposition de valeur de l’entreprise sous ses différentes
composantes à savoir, les segments de clients, l’offre et les valeurs proposées, les canaux et
enfin, les relations clients.
Composante 5 : Ressources clés
● Ressources humaines : Les managers seniors ont une longue expérience dans diverses
multinationales et dirigent une jeune équipe de cadres moyens et exécutants (dont l’âge
moyen frôle les 28 ans) dynamique, motivée et entreprenante. Actuellement l’effectif global
avoisine la trentaine répartie entre les managers et les unités fonctionnelles (marketing,
ventes, finance, opérations et caisse). Le taux d’encadrement est de 20 %.
● Système d’information : Il s’agit d’un système informatisé intégrant tous les niveaux
opérationnels de la gestion des commandes, la gestion des stocks, la commercialisation, le
recrutement et rémunération des consultants et enfin les encaissements-décaissements. Dans
une logique d’interconnexion, ce système est relié à un niveau supérieur à Oriflame région (en
Pologne) et à un niveau inférieur aux leaders des groupes de consultants via leurs sites chez
Oriflame et l’appli-mobile qui permet de suivre en temps réel la performance commerciale
des différents membres.
● Réglementation, procédure et référentiels : Dans un souci de régularité de ses pratiques,
Oriflame oblige les consultants qui atteignent le seuil de 21 % de ristourne (soit un chiffre
d’affaires de 8000 DT par mois) à créer une patente.
Quant à la procédure clé dans l’activité de l’entreprise, elle concerne la vente et le parrainage
chez Oriflame et appelée SARPIO. Elle est basée sur les meilleures pratiques des grands
leaders aussi bien dans la vente directe que dans le processus de parrainage. Il s’agit d’une
méthode systématique de vente et de développement de réseau suivie par tous les consultants.
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Enfin, Les référentiels sont principalement liés à la qualité des produits et à l’éthique
environnementale et sociétale de l’entreprise (cf. annexe 2).
● Valeurs partagées de l’entreprise : Le personnel partage des valeurs liées à l’unité « le
staff d’Oriflame est solidaire, les succès des uns sont aussi ceux des autres », esprit
« optimisme et énergie positive » et enfin, passion « les employés sont contents de se rendre
au travail, de réaliser leurs rêves et de relever des défis » (DG).
Composante 6 : Activités clés
● Formation : Il s’agit du pilier principal de l’entreprise qui se présente sous différentes
formes : formations sur les produits, sur l’opportunité d’affaires (OOM), sur la vente directe,
sur la constitution des réseaux, sur la méthode de vente qui est propre à l’entreprise SARPIO,
etc. Les consultants prennent par la suite le relais pour former les membres de leurs réseaux et
informer les clients potentiels.
● Gestion des ventes : Les ASM (Area Sales Managers) sont responsables des objectifs de
ventes et de la performance de chaque maillon dans les réseaux. Ils assistent dans ce cadre les
leaders pour le suivi de la réalisation des objectifs, la motivation de leurs réseaux et se
chargent de la transmission des résultats à la direction. Les consultants interviewés nous ont
confirmé l’importance du rôle des ASM « dès qu’on atteint les 21 %, on nous affecte à un
ASM qui nous oriente dans la planification et la mise en œuvre de nos actions
commerciales ».
● Logistique et approvisionnement : L’entreprise suit la logique MTS « Make To Stock »
puisque le cycle de production est largement supérieur au cycle commercial. C’est ce qui
permet une disponibilité des produits et des délais de livraison courts. D’ailleurs, c’est l’un
des points forts de la création de valeur perçu par les clients « les délais sont raisonnables ».
Le stock « est constitué en tenant compte des prévisions de la demande sur trois mois »
(responsable opérations).
Composante 7 : Partenaires clés
● Consultants : Le consultant n’est ni employé, ni subordonné, ni agent, ni franchisé et ni
gérant libre d’Oriflame. Il s’agit plutôt d’un partenaire qui participe à la proposition, la
création et la capture de valeur « on a tous besoins les uns des autres, on conçoit notre
développement commun sur des relations partenariales avec nos consultants » (DG).
Equipe Oriflame région : la filiale Oriflame Tunisie est chapotée par Oriflame région
Afrique du Nord qui a un rôle d’assistance, de conseil, de facilitation mais et de supervision.
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Corps spécialisé : Les expertes beauté assurent la formation et prodiguent les conseils aux
consultants et utilisateurs pour une meilleure adaptation des produits aux différents profils
clients. Les consultants nous ont précisé « les tutoriels beauté, les ateliers beauté en
présentiel, les questions-réponses à distance chaque semaine, animés par les expertes beauté,
nous aident à valoriser notre offre».
A ce stade nous avons mis en exergue la création de valeur en précisant ses différentes
composantes liées aux ressources, activités et partenaires clés.
Composantes 8 & 9 : Structure des coûts et flux des revenus
La particularité du modèle Oriflame débouche sur une affaire financièrement viable. Les flux
de revenus sont générés par les ventes (produits, inscriptions pour adhésion, matériels de
vente tels que les échantillons et les imprimés) accélérées grâce au système d’affiliation et de
recrutement de nouveaux consultants indépendants. Pour les sources de coûts, l’entreprise
fait des économies quant aux coûts du personnel, de distribution et de communication. La
résultante entre les coûts et les revenus procure une trésorerie bien fournie.
7.Vers un Business model intégrant la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise
L’analyse de contenu des entretiens auprès des responsables Oriflame, des consultants et des
clients nous a permis de construire le BM de l’entreprise. Dès les premières discussions, nous
avons pris conscience de l’existence d’une dimension responsabilité sociétale de l’entreprise
(RSE) qui a été mise en exergue par les interviewés comme étant une composante essentielle
de la proposition et de la création de valeur par l’entreprise. C’est dans ce cadre d’idées que
nous proposons cette dimension RSE comme composante supplémentaire qui s’intègre
parfaitement avec les neufs blocs du canevas.
Dans la partie suivante, nous présentons la notion de RSE puis nous explorons, à partir de
l’analyse de contenu, les pratiques relatives à cette notion au niveau d’Oriflame.
7.1Aperçu théorique de la RSE
La contribution volontaire des entreprises au développement durable est définie comme étant
la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE). Le développement durable est défini comme
la recherche d’un équilibre à inventer entre respect de l’environnement, prospérité
économique et équité sociétale (Bansal, 2004).
La RSE est une approche qui considère l’entreprise comme un être vivant dans un
écosystème, l’influençant et étant influencée par lui. Elle se caractérise par une forte
implication des parties prenantes et englobe trois volets : un volet social regroupant les
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questions liées à l’équité et au respect des droits (diversité, motivation, éthique, etc.), un volet
sociétal s’intéressant au développement des communautés (lutte contre la pauvreté, santé,
éducation, etc.) et un volet environnemental consacré au respect et à la protection de
l’environnement (eau, énergie, pollution, etc.).
7.2Les pratiques RSE de l’entreprise Oriflame
Les actions RSE d’Oriflame Tunisie s’inscrivent dans le cadre de la vision de l’entreprise
Oriflame internationale et se traduisent en pratiques concrètes couvrant le triptyque social-
sociétal-environnemental.
Le volet social
En matière de ressources humaines (ou responsabilité sociétale interne), l’entreprise a pour
objectif de créer, préserver et développer les emplois et le capital humain de l’entreprise à
long terme. La gestion des ressources humaines ne se résume pas aux procédures
administratives obligatoires (la gestion des traitements et salaires, des contrats de travail, des
congés, etc.) mais recouvre des notions et fonctions liées au recrutement, à la formation, à la
motivation, à la fidélisation et à la gestion des compétences. « Nous accordons beaucoup
d’importance à l’aspect humain, nos employés ne viennent pas uniquement pour percevoir un
salaire, on leur donne la chance de relever des défis tous les jours » (DG).
Le volet sociétal
● Oriflame a cofondé la Fondation Mondiale de l’Enfance depuis 1999 pour venir en aide
aux enfants les plus vulnérables du monde (les enfants de la rue, les enfants sexuellement
abusés ...). L’entreprise soutient cette Fondation en sponsorisant divers projets pour l’enfance
dans les pays où elle exerce une activité ;
● L’entreprise pratique le Commerce équitable, les ingrédients qu’elle utilise sont certifiés
FAIRTRADE. Ainsi, les producteurs peuvent avoir des prix raisonnables et des conditions de
travail décentes. FAIRTRADE via FLO-CERT, qui est une compagnie de certification
indépendante, contrôle les producteurs et les commerçants pour assurer le respect de ses
standards qui traduit des conditions de commerce équitable et des opportunités pour les
producteurs des pays en voie de développement pour investir dans leurs projets et leurs
communautés prétendant à un futur durable ;
● L'emploi est un objectif reconnu au niveau international et lié au développement socio-
économique. En créant de l'emploi, Oriflame contribue à la réduction de la pauvreté et à la
promotion du développement socio-économique. C’est dans ce cadre que l’opportunité
d’affaires est une occasion de générer des revenus et même de devenir son propre patron (300
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consultants exercent en ayant une patente). Le développement des compétences est une
composante essentielle de la promotion de l'emploi et de l'aide apportée aux consultants pour
garantir un travail décent et productif. Un consultant nous a précisé « j’ai été chômeur
pendant trois années, aujourd’hui j’ai un revenu et j’aide mes parents, je songe même à créer
ma patente, mon propre commerce, je ne peux qu’être satisfait » ;
● En Tunisie, une partie du CA réalisé par la vente d’un produit choisi lors du lancement d’un
nouveau catalogue, est consacrée à SOS villages d’enfants Tunisie, association de
bienfaisance à caractère social et humanitaire qui vient en aide aux enfants sans soutien
familial. Ce point a été évoqué par le DG « nous faisons des bénéfices et cherchons à en
partager une partie ».
Le volet environnemental
La responsabilité environnementale est un préalable à la survie et à la prospérité des êtres
humains. C'est donc un aspect important de la RSE qui revêt différentes formes dans le cas
Oriflame : sauvegarde de l’environnement, protection des animaux et préservation des forêts.
(cf. tableau en annexe2)
Un consultant, en évoquant l’utilisation d’ingrédients naturels, nous a affirmé « les clients
sont soucieux des composants des produits dont une grande partie est d’origine naturelle. Ils
ont subi des séries de tests avant d’être commercialisés et c’est très apprécié par mes
clients ».
En partant du canevas d’Osterwalder et Pigneur, nous avons construit le BM Oriflame puis,
dans une optique d’enrichissement, nous avons incorporé la dimension sociétale de
l’entreprise. En concevant le BM comme un outil de management stratégique dynamique et
évolutif (Lecocq, 2006), nous proposons d’instaurer une démarche RSE formalisée
comprenant la rédaction d’une charte, la définition d’une politique et objectifs, la formulation
claire d’un plan d’actions, la détermination d’indicateurs de suivi et la communication via un
rapport annuel.
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Conclusion
Nous nous sommes intéressés dans ce travail à un concept qui suscite un intérêt grandissant
dans le monde académique, à savoir le Business Model ou modèle d’affaires. Notre revue de
la littérature nous a permis d’identifier une multiplicité de définitions et de contextes de
mobilisation de ce concept, ce qui donne à penser qu’il s’agit d’une notion polymorphe.
Cependant, nous pouvons constater une convergence autour de la création de valeur comme
étant au cœur de la conception d’un Business Model.
Afin de comprendre comment une entreprise construit son Business Model, nous avons choisi
un terrain d’étude particulier. Notre champ d’investigation porte sur le secteur de la
cosmétique en Tunisie où le recours à la vente directe, incarnée dans un marketing de réseau,
a donné naissance à de nouveaux mécanismes de génération de valeur et donc à des Business
Models spécifiques.
Nous avons adopté une démarche qualitative basée sur l’étude en profondeur d’un cas
d’entreprise. Il s’agit de l’entreprise suédoise Oriflame, nouvel entrant dans de le secteur de la
vente directe des produits cosmétiques qui a pu performer en très peu de temps.
Dans l’objectif de construire le Business Model de cette entreprise, nous avons mobilisé le
canevas conçu par Osterwalder et Pigneur composé de neuf blocs.
Les résultats de l’étude nous ont permis d’identifier les mécanismes de proposition, de
création et de capture de la valeur d’Oriflame. Nous avons pu montrer que, contrairement aux
pratiques traditionnelles dans la commercialisation des produits cosmétiques, il s’agit dans ce
cas d’une co-création de valeur générée par des interactions au sein d’un écosystème de
partenaires. De même, nous avons constaté l’existence d’une composante complémentaire liée
à la responsabilité sociétale de l’entreprise et qui contribue à la création et proposition de
valeur. La dimension RSE s’intègre parfaitement dans les neuf blocs de notre canevas de
base.
Sur le plan empirique, ce travail présente un double intérêt : il donne une représentation du
mécanisme de création de valeur propre à un secteur particulier et permet à l’entreprise, en se
basant sur son Business Model construit, de réfléchir de façon créative aux modalités
d’amélioration voire d’innovation de son modèle économique. Sur le plan théorique,
l’intégration de la composante RSE au canevas de base apporte une dimension supplémentaire
d’interaction de l’organisation avec son contexte ainsi que de durabilité.
Partant de l’idée que le Business Model est un concept fécond, il serait intéressant d’explorer
une voie de recherche prometteuse portant sur le Business Model durable.
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A1 : Tableau de synthèse de la construction des données primaires
Outils Finalité
Entretiens
individuels
responsables
● Explorer le modèle d’affaires d’Oriflame
Entretiens
individuels
consultants
● Comprendre les besoins, motivations et freins
● Comprendre la perception de l’opportunité d’affaires
● Comprendre en profondeur le système de la vente directe Oriflame
● Cerner leur appréciation globale
Entretiens
individuels clients
finaux
● Comprendre les besoins, motivations et freins
● Comprendre leur appréciation globale de la proposition de valeur
d’Oriflame
Réunion
avec la Direction
Oriflame
● Valider le BM construit
● Comprendre la vision stratégique de l’entreprise
● Identifier les pistes d’amélioration à partir du BM
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A2 : Ethique environnementale d’Oriflame
Actions Organismes
Sauvegarde de
l'environnement
● Engagement inconditionnel pour la nature ;
● Des ingrédients issus de source traçable,
renouvelable et durable ;
● La certification ECOCERT garantit des
ingrédients naturels, organiques et issus de
sources durables ;
● Les produits contiennent un minimum de 95%
d'ingrédients naturels.
ECOCERT est une organisation
indépendante, établie en France depuis
1991. L'organisation prône l'utilisation
de produits naturels et le respect de
l'environnement durant toute la
production. Tous les produits certifiés
sont de haute qualité et les matières
premières sont facilement traçables.
L'organisation est mondialement
reconnue et présente dans plus de 80
pays.
Protection des
animaux ● Produits jamais testés sur les animaux ;
● Pas d’ingrédients dérivés d'animaux morts ;
● La VEGAN SOCIETY certifie qu’aucun
animal n'a été violenté ou utilisé pour les tests
produits.
La VEGAN SOCIETY est la première
organisation VEGAN fondée en 1944.
La société prône la réduction de
l'utilisation des animaux et leur
protection. Aucun ingrédient dérivé des
animaux n'a été utilisé lors de la
production et de la fabrication des
produits certifiés par
l'organisation. Basée en Angleterre,
l'organisation est mondialement connue
et agit dans plus de 45 pays.
Des forêts
durables ● Un impact minimum sur l'environnement ;
● Papier récolté de forêts certifiées FSC dès que
possible ;
● Collaboration de l’entreprise avec
RAINFOREST ALLIANCE.
FSC (FOREST STEWARDSHIP
COUNCIL) est une ONG à but non-
lucratif, établie en 1993 comme
réponse aux soucis de la déforestation.
L'organisation prône la gestion
responsable des forêts du monde. Plus
de 140 millions d'hectares de forêts à
travers le monde, dans plus de 80 pays,
sont certifiés aux standards FSC.
RAINFOREST ALLIANCE est une
ONG internationale qui œuvre pour
conserver la biodiversité et assurer des
moyens de subsistance durables aux
populations locales, le papier utilisé
principalement dans les catalogues
provient de forêts régénérées.
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Revue Marocaine de recherche en management et marketing, N°13, Janvier-Mars 2016 Page 191
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